Allocution d'ouverture, Partie de la session de juin 2016
Strasbourg, lundi 20 juin 2016

Chers collègues,
Mesdames et Messieurs,

Une fois encore, il me faut ouvrir notre partie de session sur une triste note. Le terrorisme continue de frapper nos citoyens et nos institutions. Tous, nous sommes choqués et indignés par les derniers attentats mortels perpétrés à Istanbul, en Turquie, et à Orlando, aux Etats-Unis, ainsi que par le plus récent d'entre eux, commis en France contre des policiers.

En tant qu'Européens, nous devons condamner ces attentats dans les termes les plus forts et nous montrer solidaires de nos concitoyens qui ont subi et continuent de subir ces atrocités terroristes.

Je voudrais également exprimer notre solidarité avec la famille de Jo Cox, Membre du Parlement du Royaume Uni, décédée vendredi dernier à la suite d'une brutale attaque. Elle fut la victime d'un crime terrible engendré par la haine. Nous devons condamner fermement cette attaque et nous élever contre la haine !

Je vous demanderai d'observer une minute de silence.

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Chers collègues,

Face aux actes déplorables de terreur, d'intolérance et de haine que sont ces récents attentats, nous devons défendre nos valeurs et nos libertés démocratiques.

Le terrorisme cherche à détruire notre mode de vie en instillant la peur et en propageant la haine. Nous ne devons pas tomber dans le piège des terroristes. Nous ne devons pas permettre à cette barbarie de triompher de nos valeurs et de nos libertés démocratiques.

Après mon élection à la présidence de l'Assemblée, j'ai proposé de lancer une initiative pour mobiliser les responsables politiques, les acteurs importants de la société et les citoyens ordinaires contre le terrorisme, et contre la haine et la peur que les terroristes cherchent à créer. Aujourd'hui, peu avant 13 heures, nous allons lancer officiellement une initiative hash-tag #NoHateNoFear contre le terrorisme.

J'invite chacun de vous à me rejoindre à 12h50 heures dans l'hémicycle pour une photo symbolique avec la bannière #NoHateNoFear.

Un stand #NoHateNoFear a été installé à l'extérieur de l'hémicycle ; je vous encourage tous à vous y rendre, à vous faire prendre en photo et à exprimer votre solidarité avec les victimes du terrorisme. Nous devons montrer l'exemple et envoyer un message clair à nos électeurs : nous ne céderons pas à la peur ni à la haine !

Chers collègues,

Nous vivons certes des temps difficiles, mais toutes les nouvelles, ne sont pas sombres.

Je voudrais souhaiter la bienvenue dans notre hémicycle à Mme Nadia Savtchenko, notre collègue et membre de la délégation ukrainienne à l'Assemblée parlementaire. Il y a un mois, elle a été libérée de détention et ramenée à Kiev. La semaine dernière, deux autres citoyens ukrainiens condamnés en Russie ont été graciés et remis à l'Ukraine. Cette mesure va dans le bon sens et doit être saluée.

Mme Savtchenko, cette maison de la démocratie est aujourd'hui également la vôtre, et il nous tarde de vous voir contribuer aux travaux de l'Assemblée parlementaire.

Votre libération – de même que celle de MM. Afanassiev et Solochenko – est la preuve que la diplomatie peut aider à venir à bout des problèmes même les plus complexes, et je tiens à encourager l'Ukraine et la Russie à saisir cette occasion pour intensifier les efforts diplomatiques en quête d'une solution pacifique à un conflit majeur et à une crise qui a des répercussions dans toute l'Europe et au-delà.

Il est particulièrement important que tous les camps remplissent leurs engagements, à savoir : appliquer un cessez-le-feu crédible dans l'est de l'Ukraine, libérer tous les otages, organiser des élections libres, équitables et démocratiques dans le respect des normes internationales, y compris dans les zones hors du contrôle des autorités ukrainiennes, et, enfin, rendre à l'Ukraine le contrôle plein et entier de ses frontières internationales.

Chers collègues,

Outre Mme Savtchenko, d'autres importantes libérations de prisonniers politiques sont intervenues. Ainsi, je salue la remise en liberté de la journaliste azerbaïdjanaise Khadija Ismayilova. Les autorités d'Azerbaïdjan, vous le savez, ont déjà libéré cette année un grand nombre de prisonniers politiques, ce qui était très encourageant. Avec cette nouvelle libération, nous voyons se confirmer cette tendance positive, que nous devons favoriser. Poursuivons un dialogue politique constructif avec les autorités d'Azerbaïdjan, afin de les aider à remplir leurs engagements internationaux en matière de droits de l'homme, de démocratie et d'état de droit.

Chers collègues,

Il y a trois semaines, une délégation de l'Assemblée s'est rendue en Grèce pour visiter des centres d'accueil de réfugiés à Athènes et dans sa périphérie, ainsi que sur l'île de Lesbos. Je suis reconnaissant aux autorités grecques et à la délégation grecque à l'Assemblée d'avoir si parfaitement organisé cette visite dans un délai très court. Cette visite a été pour moi une expérience émouvante… pour moi et, j'en suis certain, pour tous ceux qui y ont participé.

Aujourd'hui, la Grèce, la Turquie, l'Italie, Malte et l'Espagne – de même que d'autres pays en première ligne, et des pays de transit et de destination – doivent assumer une part disproportionnée de la responsabilité européenne face à l'afflux de réfugiés et de demandeurs d'asile.

Lors de notre visite, nous avons pu voir de nos propres yeux que la Grèce faisait tout son possible pour offrir suffisamment de lieux d'accueil. Mais la Grèce – et d'autres pays – ont besoin que nous les aidions davantage, car la prise en charge des réfugiés et des demandeurs d'asile est une responsabilité européenne et appelle une réponse européenne. Cette responsabilité doit être partagée plus équitablement entre les Etats européens, lesquels doivent satisfaire à leurs obligations de réinstallation et de relocalisation.

Demain, nous allons tenir un débat sur la situation des réfugiés en danger et entendre le compte rendu de la délégation de l'Assemblée qui s'est rendue en Grèce.

Mercredi, le discours du Premier ministre grec, M. Alexis Tsipras, devant l'Assemblée, sera aussi l'occasion d'examiner comment l'Europe pourrait mieux soutenir la Grèce, ainsi que les autres pays en première ligne et les pays de transit et de destination.

La Journée mondiale des réfugiés, que nous célébrons aujourd'hui, est l'occasion de réaffirmer notre engagement envers les obligations et les normes internationales relatives aux réfugiés. La prise en charge des réfugiés et des demandeurs d'asile est une obligation juridique et, en tant que parlementaires du Conseil de l'Europe, nous devons veiller à ce que toute personne posant le pied sur le sol européen bénéficie d'une même protection, quel que soit le pays où elle arrive. Notre mission de députés est de porter ce message dans nos pays respectifs, et de rappeler à nos gouvernements quelles sont leurs responsabilités et leurs obligations.

Pour marquer symboliquement la Journée mondiale des réfugiés, permettez-moi de vous inviter à laisser un message électronique au stand de notre commission ad hoc sur la situation des réfugiés en Grèce, qui se trouve à l'extérieur de l'hémicycle. Je suis passé au stand ce matin avant le début de notre partie de session pour laisser un message électronique. Je vous encourage à faire de même.

En cette Journée mondiale des réfugiés, faisons preuve de réalisme. Le flot de réfugiés ne va pas se tarir alors que s'accroît l'instabilité aux frontières méridionales de l'Europe.

Il n'existe pas de solutions faciles. Il faut davantage de coordination entre les Etats européens, ainsi qu'entre l'Europe et les Etats-Unis, pour s'attaquer aux causes profondes de l'actuelle crise des réfugiés. Il nous faut multiplier les efforts pour mettre en place un gouvernement opérationnel en Libye et pour faire cesser les combats en Syrie, en Afghanistan et en Irak. Nous devons redoubler notre aide pour soutenir la sécurité et le développement dans les pays subsahariens tels que la Gambie, le Nigeria, l'Erythrée et le Ghana.

Il s'agit là de programmes onéreux et politiquement ambitieux, tout particulièrement au moment où nationalistes et populistes xénophobes incitent la population à rejeter les migrants et les réfugiés. Mais, si nous voulons réellement traiter les causes profondes des flux de réfugiés, n'allons pas faire l'autruche et, comme elle, nous cacher la tête dans le sable.

Chers collègues,

J'ai dit, à maintes occasions, que le populisme est une menace pour nos démocraties. Le populisme cherche à saper la dynamique d'un débat politique franc et ouvert.

Le populisme est souvent le résultat d'un système démocratique rigide et stagnant qui provoque un désenchantement général lorsque les temps sont difficiles, tout particulièrement lors d'une crise économique.

Contrer le populisme est un sérieux défi qui exige une réponse réaliste et véritablement européenne. C'est là une des priorités que doit se fixer notre Assemblée. C'est sur cette question que je centrerai mon action dans le cadre de mon mandat présidentiel.

Chers collègues,

Arrivant à la fin de mes remarques introductives, permettez-moi de vous faire part de quelques impressions générales glanées au fil de mes visites dans nos Etats membres. Depuis janvier, je me suis rendu en Azerbaïdjan, en Hongrie, en Ukraine, en Russie, en Turquie, en Grèce, en Bulgarie et en Estonie, et j'ai eu des réunions avec les Institutions de l'UE à Bruxelles. J'ai pu voir le rôle important que jouent le Conseil de l'Europe et l'Assemblée parlementaire.

Le but de notre Assemblée est de contribuer à la mise en œuvre par tous les Etats membres des idéaux, des principes et des normes du Conseil de l'Europe. Notre rôle est d'offrir soutien et conseils aux gouvernements et aux parlements pour leur permettre de renforcer leurs institutions démocratiques, de faire respecter l'état de droit, de protéger les droits de l'homme et, enfin, de rechercher des solutions pacifiques aux conflits qui les divisent.

Aucun Etat membre n'est parfait – il y a toujours lieu d'apporter des améliorations, comme en attestent nos propres rapports, mais aussi ceux du Secrétaire Général sur la situation de la démocratie, des droits de l'homme et de l'état de droit en Europe.

Cependant, nous devons reconnaître qu'il n'y a pas qu'une seule et unique manière de bâtir une démocratie forte et dynamique, un système efficace de protection des droits de l'homme et un système judiciaire fort et indépendant en se fondant sur la culture de l'état de droit profondément enracinée dans chacun de nos pays.

Chaque société doit travailler selon ses propres méthodes, car il faut aussi reconnaître le caractère unique de la culture, de l'histoire et de l'expérience.

Il y a bien longtemps, Alexis de Tocqueville se disait sceptique quant à la possibilité de transférer des modèles institutionnels d'un pays à l'autre, persuadé qu'il était que les coutumes résisteraient à l'imitation. Essayer de changer l'attitude des individus contre leur gré peut amener à penser qu'ils ont tort, ce qui peut être interprété comme une agression.

En d'autres termes, notre rôle consiste à aider, non à imposer.

En dernier ressort, c'est aux dirigeants, aux autorités et aux citoyens eux-mêmes de trouver les modèles les mieux à même de correspondre à leurs besoins et à leur situation.

Pour ce faire, rien de plus efficace que le dialogue. Il nous faut travailler avec nos Etats membres : écoutons-les et parlons avec eux, partageons idées et réflexions, mettons en avant des recommandations, suggérons des solutions.

L'Assemblée doit jouer pleinement son rôle de forum paneuropéen de dialogue politique pour des parlementaires démocratiquement élus dans les 47 Etats membres de l'Organisation.

Nous devons laisser ouvertes les voies de communication avec nos interlocuteurs et explorer toutes les possibilités de dialogue que nous offre la diplomatie parlementaire.

Car, il est vrai, j'ai la ferme conviction que nos intérêts communs en matière de protection des droits de l'homme, de la démocratie et de l'état de droit, au niveau tant national qu'international, sont plus forts que les questions qui nous divisent.

Nous devons endosser nos responsabilités pour aborder – en toute franchise, ouverture et détermination – les points épineux et les désaccords qui existent parmi nous. Dans cette perspective, nous ne devons pas perdre de vue notre vocation à être une Assemblée réunissant 47 pays, et non 46.

Nous devons œuvrer ensemble à la résolution de nos divergences de vues, afin de continuer à édifier une Europe sans clivages et, par là même, réaliser le rêve de nos pères fondateurs.

Mesdames et Messieurs,

Cette semaine est importante pour l'Europe, nous avons des élections en Espagne dimanche prochain et sur le BREXIT jeudi. Le peuple va décider !

Je vous remercie de votre attention.