Discours - Conférence parlementaire - Renforcement de la sécurité démocratique en Méditerranée: défis communs, responsabilité partagée - Session 2 : Renforcer la sécurité démocratique, promouvoir la bonne gouvernance et lutter contre les menaces pour l'État de droit
Dubrovnik, mardi 6 novembre 2018

Mesdames et Messieurs,
Mes chères et chers collègues,

Il m'a été demandé d'intervenir une seconde fois aujourd'hui devant vous afin de présenter le statut de « Partenariat pour la démocratie » en tant que plateforme de coopération interparlementaire. J'avoue que c'est une tâche difficile à plusieurs égards, d'autant plus que je m'adresse à un public d'expert-e-s en la matière, comme l'ont démontré les débats de ce matin. Je vais donc me concentrer sur l'essentiel afin de laisser la place aux débats car – pour moi – le plus important aujourd'hui est d'entendre votre expérience et votre analyse.

Je commencerai donc par présenter un bref historique des origines du partenariat puis j'exposerai quelques-unes de ses principales caractéristiques, pour terminer par quelques réflexions sur son futur.

Mesdames et Messieurs,

L'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe coopère depuis longtemps avec les pays de notre voisinage, surtout dans la région de la Méditerranée. Sans fausse modestie, je peux affirmer que l'Assemblée a été pionnière en matière de coopération dans ce domaine, au sein de l'Organisation tout entière.

Avec la création, en 2009, du statut de « Partenariat pour la démocratie », cette coopération est passée, pour ainsi dire, à la vitesse supérieure.

Parallèlement, n'oublions pas une autre étape importante, le rapport intitulé « Renforcer la coopération avec les pays du Maghreb » – préparé par Madame Josette Durrieu en 2008 – qui a ouvert les portes à une institutionnalisation de notre coopération.

Si vous me le permettez, j'aimerais faire ici une parenthèse et rendre hommage aux travaux de notre ancienne collègue, Madame Durrieu, qui s'est beaucoup investie dans le renforcement de nos relations avec le voisinage. Ainsi, aujourd'hui, sur la base de ses propositions, les Parlements de l'Algérie et de la Tunisie – qui ne bénéficient pas du statut de partenaires – sont systématiquement invités à se faire représenter à nos sessions plénières.

En présentant son rapport, Mme Durrieu a très clairement exposé les objectifs de notre action dans le voisinage. Elle caractérisait cette action comme étant impérative, je cite « tout d'abord, parce que nous devons nous ouvrir, ensuite parce que nous devons être solidaires et puis parce que [notre] politique de voisinage doit donner un certain nombre d'orientations. »

Cette déclaration était véritablement visionnaire, comme nous le constatons aujourd'hui, à la lumière des derniers développements dans les pays de la rive sud de la Méditerranée et de la transition démocratique entamée après le « Printemps arabe ». Je ferme la parenthèse.

Mesdames et messieurs,

Comme je le disais à l'instant, l'adoption, en 2009, du rapport de M. Van den Brande portant création du Statut de « Partenaire pour la démocratie » a été une étape décisive dans le renforcement de nos relations avec le voisinage. Avec la création de ce statut, nous avons été clairement en avance sur les événements à venir. Car nul ne pouvait alors prévoir les changements qui se sont produits ensuite dans le monde arabe. Lorsque le « Printemps arabe » a éclaté en 2011, nous avions à notre disposition les bons outils pour montrer notre ouverture et notre solidarité avec nos voisins du sud engagés dans les transformations démocratiques.

Aujourd'hui, le statut de « Partenariat pour la démocratie » s'avère être un outil de coopération solide qui a fait ses preuves : parmi nos partenaires, nous comptons le Parlement du Royaume du Maroc, le Conseil national palestinien, le Parlement du Royaume de Jordanie, ainsi que le Parlement de la République kirghize – seul pays de l'Asie centrale à bénéficier de ce statut.

Je suis convaincue que l'espace géographique du partenariat continuera à s'étendre à d'autres pays de la rive sud de la Méditerranée et je m'en réjouis.

Ainsi, nous maintenons des contacts réguliers avec le Parlement de la Tunisie et la  discussion récente avec le Ministre des affaires étrangères de la Tunisie, M. Khemaies JHINAOUI, qui est intervenu devant notre Assemblée pendant la dernière partie de session, a été très encourageante. J'espère qu'après les élections législatives de 2019, nous allons pouvoir relancer les discussions avec les membres de l'Assemblée des Représentants du Peuple afin que celle-ci puisse également acquérir le statut de « Partenaire pour la démocratie ».

Je souhaite également que les Parlements d'Algérie, d'Egypte et du Liban manifestent leur intérêt pour ce statut dans un proche futur et je suis convaincue que notre rencontre d'aujourd'hui est un pas dans ce sens.

Mes chères et chers collègues,

J'en arrive maintenant au contenu du partenariat et aux avantages qu'il offre en tant qu'outil de coopération.

Tout d'abord, je voudrais rappeler qu'il s'agit d'un partenariat basé sur des valeurs – des valeurs universelles qui sont les nôtres des deux côtés de la Méditerranée : la démocratie pluraliste et paritaire, l'État de droit et le respect des droits humains et des libertés fondamentales. En demandant le statut, le futur partenaire pour la démocratie doit s'engager à faire siennes toutes ces valeurs.

En deuxième lieu, dans toute logique d'une coopération basée sur des valeurs, le partenariat implique des engagements, notamment :

  • l'engagement d'agir pour abolir la peine capitale et d'encourager les autorités compétentes à introduire sans délai un moratoire sur les exécutions ;
  • l'engagement de s'appuyer sur l'expérience de l'Assemblée, ainsi que sur l'expertise de la Commission de Venise, dans ses travaux institutionnels et législatifs ;
  • l'engagement d'organiser des élections libres et équitables ;
  • l'engagement d'encourager la participation équilibrée des femmes et des hommes à la vie publique et politique ;
  • l'engagement d'encourager les autorités du pays à adhérer aux conventions et accords partiels pertinents du Conseil de l'Europe, en particulier ceux traitant des droits humains, de l'État de droit et de la démocratie ;
  • ainsi que l'obligation d'informer régulièrement l'Assemblée des progrès accomplis dans la mise en œuvre des principes du Conseil de l'Europe.

Il va de soi que les Parlements partenaires s'engagent à composer leurs délégations selon certaines règles, notamment en assurant une représentation équitable des partis ou groupes politiques existant dans le parlement et en incluant dans leur délégation un pourcentage de membres du sexe sous-représenté au moins égal à celui que compte leur parlement.

En troisième lieu, toujours dans la logique d'un partenariat basé sur les valeurs et le respect, les engagements pris donnent lieu à des droits et des prérogatives, ainsi qu'à certains engagements réciproques de la part de l'Assemblée parlementaire.

Ainsi, les partenaires pour la démocratie bénéficient des mêmes droits que les membres de l'Assemblée, à l'exception du droit de vote. Ils peuvent intervenir en plénière et en commission, signer des déclarations, des propositions de résolution et de recommandations, ainsi que les propositions d'amendements. Ils peuvent également être associés aux travaux des groupes politiques.

De son côté, l'Assemblée s'engage à envoyer systématiquement des missions d'observation aux élections dans les pays dont les parlements bénéficient du statut de partenaire pour la démocratie.

De plus, depuis plusieurs années, dans le cadre des programmes de coopération « Sud », l'Assemblée organise pour les Parlements partenaires des séminaires et des formations sur différents aspects des normes  du Conseil de l'Europe ou sur nos conventions spécifiques, afin de mettre à leur disposition l'expertise parlementaire européenne et de les accompagner dans le processus de législatif.

Comme vous le voyez, Mesdames et Messieurs, le « Partenariat pour la démocratie » est un outil de coopération interparlementaire efficace, flexible et mutuellement avantageux.

Mesdames et Messieurs,
Mes chères et chers collègues,

Que peut-on dire sur l'évaluation globale du partenariat ?

Le partenariat a sans doute permis à l'Assemblée et aux Parlements des Etats du voisinage sud de tirer le meilleur profit de notre coopération au moment où nous en avions le plus besoin, pendant l'accélération des transformations démocratiques.

Toutefois, aujourd'hui, presque 10 ans après sa création, il est tout à fait légitime de porter un regard critique sur notre expérience afin d'évaluer et – éventuellement – d'adapter nos outils aux nouvelles conditions.

Dans le but d'alimenter la discussion, permettez-moi de faire deux observations.

La première : avant d'envisager des changements éventuels, nous devons nous poser la question de savoir si nous utilisons déjà pleinement toutes les opportunités qu'offre le partenariat dans son état actuel.

En effet, comme je le disais tout à l'heure, le partenariat ne se limite pas uniquement au volet de la représentation politique, même si la présence des parlementaires partenaires à nos réunions, à Strasbourg, à Paris ou dans d'autres villes européennes comme aujourd'hui à Dubrovnik, est sans doute l'exemple le plus tangible et visible de notre coopération.

Rappelons-nous que l'un des objectifs du partenariat est le partage de nos expériences. C'est dans ce contexte que le partenariat encourage l'utilisation de l'expertise du Conseil de l'Europe dans le processus législatif, notamment, à travers la Commission de Venise, dans tous les domaines du droit constitutionnel, mais aussi dans d'autres domaines plus spécifiques comme, par exemple, l'indépendance de la justice, la lutte contre la corruption, ou encore l'éducation ou la société civile, domaines d'une vaste expertise qui mérite d'être partagée. Dans le cadre des « Partenariat de voisinage » avec la Jordanie, le Maroc et la Tunisie, de nombreuses actions de coopération sont déjà prévues dans ce sens et j'invite les parlementaires à y participer pleinement, afin de faire le lien entre les volets interparlementaire et intergouvernemental de la coopération.

Dans le même esprit, l'un des objectifs du partenariat est d'encourager l'adhésion aux Conventions du Conseil de l'Europe qui sont ouvertes aux Etats du voisinage. Parmi elles, j'en soulignerai tout particulièrement deux d'une importance primordiale pour notre Assemblée : la Convention de Lanzarote sur la protection des enfants contre l'exploitation et les abus sexuels et la Convention d'Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique. Je compte sur vous pour promouvoir l'adhésion à ces instruments juridiques du Conseil de l'Europe auprès de vos autorités.

Il en va de même des Accords partiels du Conseil de l'Europe, comme par exemple celui sur le Centre nord-sud auquel plusieurs pays de notre voisinage participent déjà. Nous devons utiliser davantage ces outils à notre disposition.

Enfin, un potentiel important de développement des programmes de coopération spécifiques existe entre l'Assemblée parlementaire et les parlements partenaires, notamment à travers les Réseaux parlementaires de notre Assemblée. Trois réseaux sont particulièrement appropriés : il s'agit du Réseau parlementaire pour « le droit des femmes de vivre sans violence », de l'Alliance parlementaire contre la haine, ainsi que du nouveau Réseau parlementaire sur les politiques des diasporas. Je sais que les parlementaires partenaires participent déjà aux travaux de ces Réseaux et je suis intéressée d'entendre vos observations sur leur fonctionnement, afin de discuter ensemble sur la façon de les améliorer.

Mesdames et Messieurs,

Ma seconde observation porte sur le contexte politique et géopolitique plus général.

Comme nous l'avons vu, le statut de « Partenaire pour la démocratie » est un outil efficace de coopération institutionnalisée. Il permet aux Parlements – ou aux Assemblées constituantes – de bénéficier de l'expertise et de l'accompagnement du Conseil de l'Europe dans le processus législatif et les réformes.

Mais que faire lorsque les institutions ne sont pas suffisamment fortes ou – dans certains cas – inexistantes ? Que faire dans les situations de conflit ou de guerre civile, comme c'est par exemple le cas en Lybie ou en Syrie ?

Il est clair que nous ne pouvons pas rester indifférents à ce qui se passe dans ces pays, car la stabilité et la sécurité de la région tout entière en dépendent. Toutefois, nous ne pouvons intervenir qu'en présence de partenaires et d'institutions fiables et solides.

C'est ici que le processus politique et la diplomatie deviennent alors un élément clé de la résolution des conflits. En tant que parlementaires, nous devons bien entendu soutenir les efforts de nos autorités et des diplomates afin d'obtenir que des négociations aboutissent à l'arrêt des combats et lancent un processus politique de réconciliation et de reconstruction des institutions et de l'économie.

Parallèlement, il y a sans doute aussi de la place pour la diplomatie parlementaire. J'aimerais entendre votre point de vue sur ce sujet, afin de discuter ensemble de l'utilisation optimale des outils qui sont à notre disposition.

Mes chères et chers collègues, Mesdames et Messieurs,

Je termine sur ce point ma présentation et je me réjouis par avance du débat fructueux que nous allons mener.

Je vous remercie de votre attention.