Discours à l'attention de Sa Sainteté Le Pape François
Strasbourg, mardi 25 novembre 2014

Votre Sainteté,

C'est un grand honneur qui m'échoit, celui de pouvoir vous remercier au nom du Conseil de l'Europe et de son Assemblée parlementaire d'avoir bien voulu répondre à notre invitation pour nous porter votre message dans cet hémicycle de la Maison de la Démocratie et des Droits de l'Homme, la Maison du dialogue.

Quelles que soient nos croyances et nos convictions personnelles, notre organisation, avec ses  représentants de 47 pays appartenant à des religions différentes et de membres athées ou agnostiques, vous est infiniment reconnaissante de lui avoir livré vos réflexions et d'avoir posé des questions justes à l'Europe sur notre vigueur, notre idéalisme, notre esprit de curiosité et d'entreprise..

Nous saluons avec reconnaissance votre engagement pour défendre les valeurs qui sont à la base de la Convention européenne des Droits de l'Homme, valeurs qui unissent tous les Européens. Notre but est de construire une Europe unie sur la base de valeurs communes tout en respectant notre diversité ; c'est ce qui  constitue notre force et notre richesse.

Dans votre adresse d'aujourd'hui tout comme dans votre homélie à Lampedusa en juillet dernier vous avez dénoncé ce que vous avez qualifié de « globalisation de l'indifférence » - une culture de confort individuel qui fait que nos sociétés sont de moins en moins attentives aux souffrances des autres. Je voudrais me référer au philosophe allemand Karl Jaspers pour qui l'indifférence est la forme la plus légère de l'intolérance. Notre objectif commun doit être de renverser cette « globalisation de l'indifférence ». Il faut humaniser et démocratiser le processus de la globalisation.

Nous apprécions particulièrement votre engagement en faveur des migrants et des personnes les plus vulnérables. Nos sociétés ont le devoir d'aider et de partager la responsabilité indépendamment de la provenance de ceux qui fuient les conflits, la famine et la répression.

La dimension religieuse du dialogue interculturel est au centre de nos préoccupations. Je vous suis infiniment reconnaissante de votre proposition de créer une nouvelle agora comme plate-forme de dialogue et d'échange.

Ce dialogue est plus important que jamais alors que certains prêchent la violence et justifient les plus graves atteintes aux droits de l'homme en se fondant sur la croyance, ce qui discrédite des communautés et des cultures entières ainsi que l'essence même de la religion.

Le seul moyen pour contrer cette tendance est de rester unis. Les représentants de toutes les religions ainsi que des mouvements laïques doivent réfuter ensemble toute forme de violence et de haine. Nous devons détruire l'idée que la religion peut justifier une violation des droits de l'homme et nous devons dire haut et fort que cette idée est une aberration dangereuse.

Votre Sainteté,

Votre désir de remettre en question certaines traditions reçoit tout notre  soutien. Mais nous savons tous que, dès qu'il s'agit de réformer, il faut de la volonté, de la persuasion et de la persévérance pour vaincre les résistances. A titre d'exemple il me tient à cœur de souligner que dans nos pays nous avons mis des décennies pour atteindre l'égalité formelle entre hommes et femmes. Aujourd'hui, 25 novembre, journée internationale contre la violence à l'égard des femmes, nous constatons que nous avons encore un long chemin à parcourir pour obtenir une égalité effective, non seulement proclamée en droit, mais vécue et mise en œuvre par ceux qui  ont la responsabilité de nos institutions.

Votre Sainteté,

Nous savons que nos valeurs et nos principes sont plus menacés que jamais. Nous avons l'obligation et le devoir de les défendre. Nous ne pouvons réussir que si nous agissons ensemble. Il y a 25 ans, Sa Sainteté le Pape Jean Paul II a contribué à démanteler le mur de Berlin qui divisait notre continent. Aujourd'hui il existe encore de nombreux murs à travers le monde et nous sommes conscients du risque d'en voir de nouveaux être érigés. Ce ne sont non seulement des murs en béton mais, ce qui est peut-être plus grave encore, ce sont les murs dans nos esprits. Ensemble nous devons les détruire et empêcher qu'émergent de nouvelles divisions. Si non nous trahissons nos missions essentielles.