Discours d’investiture
Strasbourg, lundi 27 janvier 2020

Mes chères et chers collègues, chers membres du Parlement,

Je voudrais vous remercier toutes et tous du fond de mon cœur, pour la confiance et l’honneur que vous m’avez accordés et le défi que vous me lancez. J'espère que je serai à la hauteur de votre confiance. En tout cas, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir, avec toute l'équipe, pour la mériter.

Vous me faites un grand honneur et vous explique pourquoi : je suis belge, vous le savez –beaucoup d'entre vous le savent. Il faut savoir que le tout premier président élu de notre Assemblée était un grand belge, M. Paul-Henri Spaak, un des grands hommes d'État de la Belgique et aussi l'un des pères fondateurs de notre institution et de l'Europe en soi. Sauf erreur de ma part, il me semble qu'un jour il a dit « si je dois choisir entre une Europe parfaite et une Europe meilleure, je vais choisir l'Europe meilleure, parce que l'Europe parfaite n'existe pas, mais l'Europe meilleure, on peut la créer nous-mêmes ». Je pense effectivement que c'est quelque chose qui s'adapte bien à notre Assemblée, à savoir qu’à tout moment, tous les jours, toutes les semaines quand nous œuvrons ensemble, nous essayons de construire une Europe meilleure pour les 830 millions de citoyens dans les 47 pays de notre Assemblée.

Je serai un Président à plein temps. Je devrais donc remercier certaines personnes : trois dames, en tout cas, la Présidente de mon parti, la Présidente du Sénat belge et la Présidente de mon groupe au Sénat. Toutes les trois ont décidé de me donner la flexibilité et la liberté pour pouvoir être votre Président à plein temps. Il faut que je remercie aussi quelqu'un d'autre qui est là : mon épouse, Sophie, qui m'a aussi donné la liberté de pouvoir le faire. Cela sera bien transcrit dans le compte-rendu : Sophie, je t'adore.

Voilà, ceci étant dit, revenons à nos moutons.

J'espère que cela sera correctement traduit car il ne s'agit pas de suivre comme des moutons, mais de se remettre au travail.

Mesdames et Messieurs, Madame la Secrétaire Générale, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Monsieur le Président du Comité des Ministres, Monsieur l'Ambassadeur de la Géorgie, Monsieur le Secrétaire Général de l'Assemblée, et les 85 personnes qui font partie de l'équipe du secrétariat l'Assemblée, mes collègues députés.

On dit qu'il faut être deux pour danser le tango, Madame la Secrétaire Générale, je dis : il faut être trois pour danser. Pourquoi ? Parce qu'au Conseil de l'Europe, nous ne sommes pas deux, mais trois. Nous sommes le Comité des Ministres, nous sommes la Secrétaire générale et nous sommes les membres de l'Assemblée. Et nous avons prouvé dans un passé récent, et nous le ferons cette semaine, et la semaine prochaine vous le ferez au Comité des Ministres, que nous pouvons accomplir des résultats importants en travaillant ensemble. Donc, oui, il faut être deux pour danser le tango, mais ici, il faut être trois pour danser. Et si je traduisais cela dans un langage politique, cela reviendrait à passer du dialogue au « trialogue ».

Je voudrais donc demander à la présidence géorgienne du Comité des Ministres, à vous tous au Comité des Ministres, à vous-même Madame la Secrétaire et à nous-mêmes à l'Assemblée, de réfléchir dans quelle mesure nous pouvons institutionnaliser ce trialogue. Pourquoi ? Parce qu'il nous a déjà donné un résultat, il nous continuera de donner un résultat cette semaine, et il nous donnera encore plus de résultats la semaine prochaine. Et je crois que, quoi que nous fassions de substantiel au Conseil de l'Europe, au bout du compte, cela doit résulter du travail de nous trois ensemble, pas seulement d'un seul d’entre nous, mais de nous trois.

C'est pourquoi je crois qu'effectivement, aujourd'hui, il nous faut travailler sur cette procédure complémentaire. Non pas parce qu'il s'agit d'une procédure sanctionnant un pays, mais parce qu’il s’agit une procédure qui permettra à un pays qui s'écarte trop de nos principes de se remettre sur la bonne voie : et c'est bien de cela qu'il s'agit.

Cela signifie également que nous devons tous les trois chérir, protéger et faire respecter toutes les conventions, tous les protocoles et la Convention européenne des droits de l'homme qui existent. Nous devrions le faire ensemble. La responsabilité n’en revient pas uniquement à la Secrétaire générale ou à la Commissaire aux droits de l'homme. Elle n’en revient pas uniquement au Comité des Ministres, ni même à l'Assemblée parlementaire. Il s’agit de notre responsabilité à tous les trois ensemble.

Et donc, oui, il existe plus de 200 conventions et protocoles, et pas seulement la Convention européenne des droits de l'homme. Et si je peux en retirer une, à vrai dire, je retiendrais la Convention d'Istanbul comme étant un exemple de ce que nous devrions défendre et soutenir à tout moment. L'égalité entre les femmes et les hommes, l'égalité de genre, sera une priorité à l'ordre du jour l'année prochaine, et je suis sûr que l'assemblée choisira de me suivre sur ce point.

Mes chères et chers collègues, nous avons aussi besoin de mettre en place de nouvelles choses. Je pense que toute présidence, toute activité de l'Assemblée doit apporter des résultats. Et je pense que la présidence géorgienne donne un très bon exemple à travers une excellente initiative en février prochain, en organisant une conférence de haut niveau sur le lien entre les droits humains et l'environnement. Je pense catégoriquement que c'est une question que nous devrions aborder et qu'en fin de compte, nous ne devrions pas laisser la Cour statuer sur la base d'un lien entre les droits humains et les questions environnementales sans lui fournir des fondements. Je crois qu’il nous faut avoir un protocole sur le climat permettant à la Cour – à travers une base fondamentale que nous lui donnerions – de rendre des décisions sur ces questions. Ce sera une question controversée, Madame la Secrétaire Générale, mais nous devons le faire, car nous risquons sinon l’effet d’une sorte de croissance organique de la jurisprudence sans savoir où elle va, sans le soutien du Comité des Ministres et du moins sans le soutien d'une large majorité de cette Assemblée. Je sais que c'est normalement quelque chose que le Comité des Ministres fait lui-même.

Permettez-moi donc de revenir sur la logique du trialogue. Si vous me le permettez, la semaine prochaine, je mettrai à l'ordre du jour du Comité des Ministres une Recommandation qui existe déjà depuis dix ans au sein de notre Assemblée. Il y a dix ans déjà, cette Assemblée vous a demandé, à une majorité de plus des deux tiers, d'engager la procédure relative au protocole sur le climat ou l'environnement. Je vais donc le faire à nouveau : J'espère que vous me le permettrez.

Mais en fin de compte, j'espère aussi que nous pourrons agir ensemble, le Comité des Ministres, la Secrétaire Générale, et nous aussi en tant qu'Assemblée. Pourquoi ? Car finalement, Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, tout ce qui en ressort doit être approuvé par les parlements nationaux dont nous sommes issus. Pour la partie parlementaire, il est important d’aborder la situation à l'avance pour ne pas risquer d'avoir à gérer un problème en fin de journée, et c’est pourquoi les délégués doivent soutenir - parmi tant d’autres - ce protocole potentiel ou d’autres traités très importants.

Chères et chers collègues, je vais changer un peu la façon dont nous travaillons et j'ai déjà abordé ce point avec M. Wojciech Sawicki, Secrétaire Général de l’Assemblée parlementaire. Comme toujours, il est sévère envers moi et envers nous tous, mais nous discuterons dans les semaines à venir sur comment changer potentiellement nos méthodes de travail, non seulement concernant le trialogue, mais aussi sur la façon dont nous travaillons pour obtenir des résultats ! Il ne suffit pas de parler, il faut des résultats. C’est la politique par les résultats. Nous devons avoir un impact pertinent sur la vie quotidienne de 830 millions de citoyens des 47 pays membres. J'aime beaucoup parler, mais j'aime davantage avoir des résultats qui changent vraiment la vie quotidienne des gens.

A l’instar de M. Boriss Cilevics qui a déclaré – en début de séance – qu'il était très important d'impliquer tous les parlements nationaux, j'aimerais donc me rendre en visites officielles dans chacun des 47 Etats membres. J'aurai donc besoin de vous, ambassadeurs, pour m'assister dans cette tâche. J'aurai besoin des vice-présidents – qui seront nommés peu après cette courte allocution – pour m'aider dans cette tâche. Pourquoi ne pas organiser une sorte d’« expédition » dans les 47 pays afin de montrer l'importance du Conseil de l'Europe dans la vie quotidienne de chacun de nos pays membres. Nous devons le faire parce que nous sommes pertinents, nous avons beaucoup d'impact sauf qu’en général, les gens l’ignorent. Si nous sommes capables de le montrer, peut-être alors les relations entre le Conseil de l'Europe et nos parlements nationaux se renforceront, et nous obtiendrons plus de résultats en cela.

Permettez-moi de conclure par une seule pensée générale. Et j'essaie de l’exprimer à travers un chiasme, qui est, comme vous le savez, une figure de style latine. J'aimerais partager une idée, à savoir que « les intérêts divisent mais les valeurs unissent ». Nous sommes tous ici, envoyés par notre parlement national, mais je doute que nous soyons envoyés ici uniquement pour défendre nos intérêts nationaux. Les intérêts, par définition, entre les pays, les diviseront, car ils ne peuvent pas toujours être les mêmes. Les valeurs, au contraire, sont quelque chose qui nous unit, car nous avons tous signé la Convention européenne des droits de l'homme. Nous sommes donc tous ici pour les mêmes valeurs. Certes, à un moment donné, les intérêts vont nous diviser. Mais à tout moment, les valeurs doivent et devront nous unir. Je voudrais donc me concentrer au moins sur l'unification de notre Conseil de l'Europe, en défendant, en faisant respecter les valeurs qui sont inscrites dans la Convention européenne des droits de l'homme, notamment : la démocratie, l'État de droit et les droits humains.

Après tout, et je l’ai dit il y a quelques mois dans cet hémicycle, en ce qui me concerne, je n'ai pas l'impression que le Conseil de l'Europe soit le Conseil des pays européens. Mon sentiment est que nous sommes un Conseil d'Européens défendant les mêmes valeurs. Sans doute ceci peut paraître étrange, mais quand nous sommes tous égaux devant ces valeurs, cela ne signifie pas que nous sommes les mêmes. Être égal ne signifie pas être le même, mais cela signifie chérir, défendre, faire respecter les mêmes valeurs. C'est ce qu'on appelle l'unité dans la diversité. Voilà ce qu'est le Conseil de l'Europe. C'est ce que je voudrais défendre. Voilà, chères et chers collègues, ce à quoi j’aspire, dans les deux années à venir : travailler avec vous pour obtenir des résultats afin de maintenir nos valeurs, mais aussi pour obtenir, comme je l'ai dit précédemment, des résultats.

Et qui sait, peut-être qu'un protocole sur le climat pourrait être l'un d'entre eux. Nous apprécierons particulièrement toute initiative émanant du Comité des Ministres, mais j'espère avant tout que de nombreuses initiatives viendront de vous en tant que membres de l'Assemblée parlementaire.

Merci encore pour l'immense honneur que vous me faites. Merci encore pour la confiance que vous me témoignez. C'est un défi et permettez-moi de terminer par une chose. C'est un défi et je le sais, car avec les Présidents de groupe, nous avons eu des moments difficiles, mais je voudrais vraiment terminer par un mot à l'attention de Mme Liliane Maury Pasquier. Cela n'a pas été facile pour elle de présider cette Assemblée en des temps difficiles, mais elle l'a incroyablement bien fait. Elle a su nous diriger au milieu de quelques tempêtes et nous a même permis tous les trois – l’Assemblée parlementaire, le Comité des Ministres et la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe – de nous mettre d'accord sur des éléments initiaux d’une procédure complémentaire conjointe.

Alors en français je dirais : chapeau, Liliane ! Vraiment : chapeau, Liliane, pour la façon dont vous avez fait cela. Vous êtes une grande dame. J'espère juste que d'ici deux ans, on pourra me féliciter d’au moins la moitié de vos réalisations, ce qui sera déjà un grand succès. Merci encore, et maintenant, attelons-nous à la tâche !