Discours à l'ouverture de la Deuxième partie de la Session ordinaire de 2019
Strasbourg, lundi 8 avril 2019

Mesdames et Messieurs,
Mes chères et chers collègues,

Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue à Strasbourg pour une nouvelle partie de session qui sera extrêmement importante de par son agenda et sa dimension politique.

En effet, nous nous approchons de la date du 70e anniversaire de notre Organisation – une date pivot pour le futur de notre Organisation.

Il y a une semaine, pendant ma visite officielle en Arménie, j'ai eu le grand honneur de participer à l'inauguration de la Place de l'Europe dans sa capitale. Me préparant pour cette cérémonie, je me suis posé cette question : qu'est-ce que l'Europe signifiait pour chacune et chacun d'entre nous ?

Il y bien entendu beaucoup de façons de répondre à cette question. Car, outre un concept géographique et historique, l'Europe à une multitude de facettes. En parlant de l'architecture européenne, on utilise souvent le concept d'une Europe faite de cercles concentriques : le cercle le plus large du Conseil de l'Europe, suivi des cercles de l'Union européenne, de l'espace Schengen et de la zone euro.

Avec ces 47 Etats membres, le Conseil de l'Europe représente donc le cercle le plus large dans cette construction et c'est pour cette raison que nous avons l'habitude d'appeler notre Organisation « la Maison commune européenne ». Cette Maison commune offre un espace de vie à 830 millions de nos concitoyennes et de nos concitoyens, un espace régi par un cadre juridique commun qui protège l'individu contre l'arbitraire et les dérives autoritaires et qui définit des droits et des libertés fondamentales qui sont les nôtres.

Cette Maison commune, notre Europe, aura bientôt 70 ans.

Par conséquent, je suis profondément convaincue que notre devoir en tant représentantes et représentants de nos concitoyennes et de nos concitoyens est de préserver cette Maison commune, d'assurer son rayonnement et son développement optimal. C'est ce qu'attendent de nous des millions d'européennes et d'européens qui peuvent aujourd'hui profiter des avantages concrets de « l'union plus étroite » entre les peuples et les nations européennes à laquelle œuvre le Conseil de l'Europe.

A quoi aspirent nos concitoyennes et nos concitoyens ?

Une Europe de coopération où les désaccords et les conflits sont résolus par le dialogue et les négociations pacifiques ?

Ou, une Europe de divisions où le dialogue cèderait la place à la confrontation, une Europe de nouveau déchirée par des divisions géopolitiques où de nouvelles frontières et de nouveaux murs seraient érigés.

Pour moi, la réponse est claire : l'acquis européen, les valeurs qui nous unissent et le cadre juridique commun que nous avons réussi à construire sont plus importants pour nos concitoyennes et nos concitoyens qui – j'en suis profondément convaincue – veulent une Europe de paix, de prospérité, de coopération et de dialogue.

La nécessité de dialogue ne veut pas du tout dire que nous devons affaiblir nos valeurs – cela serait une trahison au projet européen ! Tous les membres de la Maison commune de l'Europe ont le même devoir de respecter les « règles de la maison ». Ils ont aussi le même devoir de contribuer à son bon fonctionnement, y compris en honorant leurs obligations financières, tout comme ils ont le même droit – et la même obligation – de participer aux mécanismes de coopération et aux espaces de dialogue qui existent dans notre Maison commune.

Lorsque les règles de notre habitat commun ne sont pas respectées, il est le devoir de nous toutes et tous de rechercher des voies –de façon cohérente et coordonnée- pour aboutir à une solution commune. Afin de préserver l'unité au sein de notre Maison commune, nous devons travailler tous ensemble – Etats membres et Organes statutaires – à mieux coordonner nos actions. Nous avons besoin d'un mécanisme dialogue politique franc et d'une coopération renforcée, afin de stopper les dérives qui menacent de détruire les fondements de notre Organisation. L'Assemblée parlementaire est prête à contribuer pleinement à la consolidation de nos mécanismes de réaction, par le biais des travaux de sa Commission des affaires politiques sur le rapport sur le Rôle et la Mission de l'Assemblée parlementaire. Nous menons également un dialogue constructif avec le Comité des ministres sur ce sujet. Je pense que nous avançons sur le bon chemin.

Mes chères et chers collègues,

Nous devons aussi nous assurer que l'Europe continue de jouer un rôle important sur la scène mondiale face aux défis qui dépassent de loin la dimension géographique de notre Continent, comme par exemple, la migration, les objectifs de développement durable ou encore l'utilisation croissante de l'intelligence artificielle qui pose des vraies questions à l'égard du respect de nos droits fondamentaux. C'est le message qui est clairement ressorti de mes récentes rencontres à New York, aux Nations Unis, pendant et en marge de la 63e session de la Commission sur le statut de la femme, où j'ai notamment rencontré le Secrétaire Général des Nations Unis, ainsi qu'un grand nombre d'autres personnalités officielles onusiennes.

Il est clair que sur la scène mondiale, face aux acteurs géopolitiques majeurs comme les Etats Unis ou la Chine, une Europe divisée et déchirée par des désaccords et des conflits ne fait pas autorité. En revanche, une Europe unie, une Europe des 47 Etats membres qui englobe l'immense espace géographique de Lisbonne jusqu'à Vladivostok et de Reykjavik jusqu'à Lampedusa, est un acteur fort et solide, non seulement de par son poids économique et démographique, mais surtout de par son cadre normatif, basé sur des valeurs communes, des valeurs qui sont au centre des travaux du Conseil de l'Europe.

Rappelons-nous que dans beaucoup de domaines, l'Europe possède des instruments juridiques et de coopération les plus innovants, comme par exemple, la Convention d'Istanbul sur la lutte contre la violence contre les femmes et la violence domestique, la Convention de Budapest sur la lutte contre la cybercriminalité, la Convention 108 sur la protection des données récemment révisée ou encore la Convention d'Oviedo sur la bioéthique et les droits humains. Et bien sûr la Convention européenne des droits de l'homme avec la Cour de Strasbourg – un mécanisme international unique de contrôle du respect de la Convention.

La Convention européenne des droits de l'homme ainsi que les autres conventions que je viens de citer sont des instruments juridiques internationaux que nos Etats membres se sont engagés volontairement à respecter – tous sont traités sur un pied d'égalité et sont assujettis aux mêmes mécanismes de contrôle, sur la base de normes uniformes. Ce qui fait la force de notre système conventionnel, c'est son universalité au niveau européen. Il nous a fallu 70 années pour le construire et pourtant, si son universalité est compromise et si les Etats membres ne respectent pas les normes acceptées de leur plein gré, se profile le risque de le voir s'effondrer en un rien de temps. Nous devons donc défendre et promouvoir notre acquis afin de préserver l'espace de vie de 830 millions de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

Il nous appartient aussi de diffuser et de partager cet acquis conventionnel avec nos partenaires internationaux, afin que le monde dans lequel nous vivons puisse devenir un endroit plus sûr, plus libre et plus respectueux des droits humains. Nous nous pencherons concrètement sur cette question cette semaine en examinant les rapports sur la contribution du Conseil de l'Europe à la réalisation des Objectifs de développement durable des Nations Unis. Je me réjouis de pouvoir suivre ces discussions.

Mesdames et Messieurs,
Mes chères et chers collègues,

Je terminerai mon intervention en évoquant de nouveau la contribution concrète de l'Europe à la vie de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

Aux yeux de celles et ceux parmi nous qui sont des ressortissant·e·s des Etats fondateurs du Conseil de l'Europe, le cadre normatif commun de notre Organisation, dans lequel la Convention européenne des droits de l'homme occupe une place centrale, est souvent vu comme un acquis irréversible.

Pourtant, rappelons-nous que certains de nos Etats membres ont accepté ce cadre il n'y a pas si longtemps que cela – après la chute du mur de Berlin. Depuis donc exactement 30 ans, période relativement courte à l'échelle historique, ces Etats membres ont accompli des transformations spectaculaires, en construisant des institutions démocratiques robustes et durables sur les débris d'un système totalitaire où les droits humains n'étaient que des grandes déclarations.

Cette semaine, nous allons accueillir parmi nous les Chefs des gouvernements de la Géorgie et de l'Arménie, deux États qui ont adhéré à l'organisation il y a seulement 20 ans, mais qui ont réalisé des progrès remarquables sur le chemin des transformations démocratiques. Leurs allocutions devant notre Assemblée ne sont pas seulement une occasion de renforcer notre coopération. Elles vous rappelleront aussi nos propres obligations visant à soutenir nos institutions démocratiques et de défendre nos droits et nos libertés fondamentales dans nos pays. Car la démocratie et les droits humains sont toujours un processus inachevé exigeant de chacune et de chacun d'entre nous un engagement commun et soutenu. C'est ainsi que nous pouvons – de concert  – contribuer au rayonnement de notre Maison commune européenne, qui – je le rappelle – célébrera son 70e anniversaire dans un mois.

Je vous remercie de votre attention.