Discours à l'occasion de la Conférence de haut niveau célébrant le 20e anniversaire du GRECO (French only)
Strasbourg, lundi 17 juin 2019

Mesdames et Messieurs,

En cette année du 70e anniversaire du Conseil de l'Europe, il me semble plus que symbolique de célébrer toute une série de dates importantes pour notre organisation.

Le 20e anniversaire du Groupe d'Etats contre la corruption – le GRECO – en fait partie et je suis très honorée de représenter l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe à cet événement.

Comme vous le savez, l'Assemblée a fortement soutenu la création du GRECO : lors de l'élaboration de nos Conventions contre la corruption, il était clair pour nous toutes et tous que nous devions compléter le cadre normatif uniforme par un mécanisme de vérification robuste et complet. C'est ainsi que le GRECO a vu le jour.

Aujourd'hui, fort de ses 49 Etats membres, le GRECO joue un rôle de premier plan dans la coopération juridique internationale, offrant des mécanismes de prévention et de lutte contre la corruption à plus d'un milliard de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

M'exprimant devant vous aujourd'hui en ma capacité de Présidente de l'Assemblée, permettez- moi de vous donner dans un premier temps une vision parlementaire des acquis du GRECO ; je proposerai ensuite quelques pistes de réflexion pour le futur.

Mesdames et Messieurs,

Tout d'abord, j'aimerais souligner l'importance politique du GRECO.

La légitimité de notre système démocratique repose sur le principe de la confiance que les électrices et les électeurs accordent à celles et ceux qui les gouvernent. Si cette confiance est affaiblie, voire détruite, les élu·e·s et les institutions ne peuvent plus prendre de décisions avec la même légitimité. La corruption et le manque de transparence minent les fondements de nos institutions et menacent d'anéantir la démocratie.

En tant que représentantes et représentants de nos concitoyennes et de nos concitoyens, il nous faut donc assumer nos responsabilités et nous soumettre aux normes éthiques et de transparence les plus rigoureuses.

Comment y arriver ?

C'est justement le deuxième atout du GRECO que j'aimerais souligner : son rôle et son importance normative. Durant les 20 dernières années, sur la base de notre acquis conventionnel et à travers ses évaluations, le GRECO a établi un cadre de référence uniforme définissant ce qu'est la corruption, dans toute sa diversité, ainsi que les normes éthiques et les mécanismes de prévention et de lutte contre ce fléau. Permettez-moi de vous citer un exemple, qui est particulièrement important pour les parlementaires : il y a vingt ans, la question du financement des partis politiques et des campagnes électorales était presque un sujet tabou; aujourd'hui, dans le cadre des évaluations régulières, les 49 Etats membres du GRECO peuvent bénéficier d'une analyse complète et impartiale de leur législation et de leur pratique dans ce domaine, afin de détecter des manquements possibles et d'identifier les mesures dont ils peuvent s'inspirer pour améliorer leur action.

Enfin, un troisième atout important est la méthodologie unique du GRECO. Le GRECO évalue tous ses membres sur un pied d'égalité, à travers un processus dynamique d'évaluation et de pression mutuelles par des pairs. Tous les membres participent et se soumettent sans restriction aux évaluations mutuelles et aux procédures de conformité.

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi d'ouvrir une parenthèse à ce stade. Il est clair que l'expertise du GRECO est d'une grande utilité pour nos Etats membres. Elle est tout aussi utile pour nos propres institutions et mécanismes internes car, étant la gardienne de l'État de droit sur le Continent, notre Organisation doit se soumettre aux plus hautes exigences en matière de transparence et d'éthique.

Vous le savez, notre Assemblée a dû faire face, il y a deux ans, à de graves allégations de corruption parmi nos membres.

Notre réaction a été immédiate et nous avons apporté une réponse qui s'est déclinée en trois axes :

- Premièrement, nous avons complètement revu notre code de déontologie qui établit aujourd'hui des règles claires de transparence, d'intégrité et d'éthique. Pour ce faire, nous avons demandé une expertise ponctuelle au GRECO. J'aimerais vous donner deux exemples concrets des mesures que nous avons prises pour améliorer la transparence et prévenir les conflits d'intérêts. D'une part, les membres de l'Assemblée doivent soumettre des déclarations d'intérêts qui sont publiées en ligne, faute de quoi elles et ils ne peuvent exercer certaines fonctions au sein de l'Assemblée, notamment, être rapporteuse ou rapporteur ou observer des élections. D'autre part, nous avons mis en place une procédure de réaction aux allégations de violation du code de déontologie qui permet d'étudier les allégations et – éventuellement – de sanctionner les abus.

- Deuxièmement, s'agissant de cas individuels, nous avons créé un organe d'enquête indépendant et externe pour étudier les faits allégués. Ensuite, la Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles a pris des décisions – y compris des sanctions – contre les membres et les ancien·n·e·s membres de l'Assemblée impliqué·e·s dans des actes contraires à notre code de déontologie.

- Troisièmement, nous avons demandé aux parlements nationaux de revoir leur règlementation interne et d'examiner tous les cas individuels afin de prendre les mesures qui s'imposent. C'est un processus de longue haleine, qui implique une collaboration entre plusieurs institutions nationales, y compris la justice. A ce jour, 21 parlements nous ont envoyé des informations sur des mesures prises. C'est moins que la moitié de nos Etats membres mais nous allons continuer à suivre ce processus de près et j'espère recevoir plus d'informations prochainement.

Mesdames et Messieurs,

J'aimerais conclure mon intervention avec un regard vers le futur. Même si aujourd'hui, grâce au GRECO, des progrès remarquables ont été faits en matière de prévention et de lutte contre la corruption, nous pouvons – et nous devons – encore faire mieux, car les formes de corruption évoluent rapidement et nos normes et nos mécanismes doivent s'adapter pour pouvoir riposter efficacement à ces nouvelles formes.

Voici quelques pistes :

Premièrement, nous devons utiliser de façon optimale les outils et les procédures mis à notre disposition par le GRECO. En plus du mécanisme d'évaluation régulière, nous ne devons pas hésiter à recourir – lorsque cela est opportun – à la procédure d'évaluation ad hoc prévue par l'article 34 du règlement intérieur du GRECO. Les rapports de l'Assemblée parlementaire peuvent fournir des informations justifiant une telle intervention. De plus, l'Assemblée parlementaire – ainsi que d'autres organes du Conseil de l'Europe – pourraient faire usage de l'expertise ponctuelle du GRECO afin d'évaluer et – éventuellement – de renforcer leurs règles internes relatives à l'intégrité et à l'éthique.

Par ailleurs, nous devons continuer à consolider le cadre normatif et les procédures d'évaluation à l'échelle européenne et c'est ici que la coopération avec l'Union européenne s'avère essentielle. Comme dans le domaine de la protection des droits humains, il faut à tout prix éviter l'émergence de deux cadres juridiques distincts qui s'appliqueraient aux mêmes Etats membres. Ceci serait contraire aux intérêts des 830 millions de nos concitoyennes et de nos concitoyens qui doivent bénéficier de la même protection juridique. La participation à nos débats du Premier vice-président de la Commission européenne est donc très importante dans ce contexte et je me réjouis de sa contribution à nos discussions.

Enfin, il ne suffit malheureusement pas d'identifier les failles juridiques pour éradiquer le phénomène de la corruption. Encore faut-il trouver les moyens concrets d'y remédier ! Ceci est tout particulièrement important pour les parlementaires qui – en tant que législatrices et législateurs – ont besoin d'exemples de bonnes pratiques dont elles et ils peuvent s'inspirer afin de mettre nos cadres législatifs en conformité avec les recommandations du GRECO. Dans ce contexte, les délégations nationales à l'Assemblée pourraient devenir des relais importants pour diffuser les recommandations mais aussi pour collecter des exemples de mesures déjà prises dans d'autres Etats membres. Pourquoi ne pas envisager l'organisation de débats parlementaires sur les rapports du GRECO, comme cela a déjà été le cas dans certains de nos Etats membres, par exemple à Malte ?

Dans le même esprit, je voudrais féliciter le GRECO d'avoir lancé un réseau international d'organes nationaux de lutte contre la corruption. Comme vous le savez, cette initiative a été inspirée par les travaux de mon prédécesseur à la Présidence de l'Assemblée, M. Michele Nicoletti, que je suis heureuse de saluer parmi nous aujourd'hui. J'ai hâte d'entendre plus d'informations sur les premières expériences de ce réseau et sur les leçons que nous pouvons en tirer.

Mesdames et Messieurs,

En conclusion, permettez-moi à nouveau de féliciter le GRECO à l'occasion de son 20e anniversaire. Tant que le phénomène de la corruption continuera de gangréner nos sociétés, nous aurons besoin d'un organisme solide et ferme pour y remédier. J'aimerais donc souhaiter au GRECO et à nous toutes et tous de longues années de collaboration fructueuse afin d'éradiquer la corruption, dans l'intérêt de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

Je vous remercie toutes et tous de votre attention.