Discours lors de la Session intitulée « Une perspective de la part du quadrilogue du Conseil de l’Europe » du 25e Forum de Lisbonne
Lisbonne, lundi 25 novembre 2019

Monsieur l'Ambassadeur,
Mesdames les Présidentes,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,

C’est un honneur et un grand plaisir de m’adresser à vous dans ce panel qui réunit les plus haut·e·s représentant·e·s du quadrilogue du Conseil de l’Europe à l’occasion de ce 25e Forum de Lisbonne qui a lieu à un moment symbolique. En effet, la date du 25 novembre, aujourd’hui, marque la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes et mes pensées vont d’abord aux victimes de la violence domestique et aussi à celles d’autres formes de violence sexiste. De plus, l’année 2019 marque également la célébration du 30e anniversaire du Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales – le « Centre Nord-Sud ». Je tiens à féliciter le Centre Nord-Sud d’avoir choisi d’aborder, pour cette édition du Forum, le sujet de la relation entre le développement, d’une part, et les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe que sont les droits humains, l’État de droit et la démocratie, d’autre part, pour réaliser ensemble les Objectifs de développement durable. Cette question est particulièrement pertinente pour le travail du Centre Nord-Sud et pour celui du Conseil de l’Europe.

Mesdames et Messieurs,

La paix, la stabilité et la sécurité dans le voisinage – et particulièrement dans la région de la Méditerranée et au Moyen-Orient – revêtent une importance vitale pour l’Europe. Cependant, nos efforts ne peuvent être efficaces que si nous sommes guidés par les mêmes principes – la dignité humaine et les droits fondamentaux, l’État de droit, ainsi que la démocratie – autant de valeurs universelles qui font partie de notre héritage commun. Je suis profondément convaincue que la relation entre ces valeurs défendues par le Conseil de l'Europe et le développement n'est pas caractérisée par un paradigme qui les oppose de manière inconciliable, mais qu'il y a plutôt un lien direct entre l'adhésion à ces valeurs et la réalisation des Objectifs de développement durable qui figurent dans le Programme de développement durable à l'horizon 2030 des Nations Unies. Je dirais même que ces valeurs constituent l’une des conditions sine qua non du développement durable.

Ce Programme 2030 est un véritable engagement politique − le programme le plus ambitieux que l'humanité ait jamais eu jusqu’à présent − qui nous propose une réponse aux défis d’inégalité auxquels nos sociétés sont confrontées. Les Objectifs de développement durable sont axés sur les valeurs fondamentales et ils vont au-delà des clivages entre le Nord et le Sud et entre pays développés et pays en développement.

En revanche, il est vrai que nous avons encore beaucoup de progrès à faire pour atteindre ces objectifs ; nous devons donc impérativement accentuer nos efforts et donner une priorité absolue à la mise en œuvre intégrale des 17 objectifs. Il est notamment essentiel de combattre le changement climatique et les inégalités entre les pays, dans nos pays respectifs, entre femmes et hommes, ainsi que toutes formes de discriminations pour ne laisser personne de côté. Nous devons rester mobilisé·e·s pour que le Programme 2030 puisse être un succès.

Mesdames et Messieurs,

Le Conseil de l'Europe peut contribuer de manière tangible à la réalisation des Objectifs de développement durable. En tant qu'organisation européenne de premier plan spécialisée dans les droits humains, l'État de droit et la démocratie, il offre une plateforme unique pour suivre les progrès et les difficultés de mise en œuvre, pour promouvoir des normes et des bonnes pratiques et pour fournir des orientations politiques sur tout le continent européen.

Le Conseil de l’Europe et son Assemblée parlementaire coopèrent depuis longtemps avec les pays de notre voisinage, surtout dans la région de la Méditerranée. Le but de cette politique à l’égard des régions voisines est de coopérer et de partager nos expériences, notamment dans le domaine des droits humains, de l’État de droit et de la démocratie, avec toutes celles et ceux qui souhaitent souscrire à ces valeurs et qui les respectent au-delà de nos pays membres. Dans ce contexte, le Centre Nord-Sud joue, depuis 30 ans, un rôle particulièrement important dans le rapprochement avec les pays voisins du sud de la Méditerranée et dans la promotion des valeurs du Conseil de l’Europe au-delà du continent européen. La politique de voisinage et le travail remarquable du Centre Nord-Sud contribuent ainsi de manière tangible au Programme 2030 en soutenant la mise en œuvre de plusieurs des Objectifs de développement durable.

L’Assemblée parlementaire a joué un rôle important dans le processus d’ouverture du Conseil de l’Europe à ses voisins. La création, en 2009, du statut de « Partenariat pour la démocratie » auprès de l'Assemblée a été une étape décisive dans le renforcement de nos relations avec nos voisins. Pour faire entendre leur voix en Europe, les parlements jordanien, marocain et palestinien qui bénéficient de ce statut ont maintenant la possibilité de participer pleinement au débat politique européen et aux différents réseaux parlementaires créés par notre Assemblée, tel que le Réseau parlementaire pour le droit des femmes à vivre sans violence.

Je suis convaincue que l’espace géographique du partenariat continuera à s’étendre à d’autres pays des rives Sud et Est de la Méditerranée et je m’en réjouis. J’espère notamment que les parlementaires tunisiens suivront l’exemple de leurs collègues des autorités locales, qui ont récemment obtenu le statut de « Partenaire pour la démocratie locale » du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux du Conseil de l’Europe. Par ailleurs, les parlements d'Algérie et de Tunisie sont invités régulièrement aux sessions de l'Assemblée et d'autres activités ponctuelles sont menées avec la participation de parlementaires d'autres pays de la région, tels que l'Égypte et le Liban.

Mesdames et Messieurs,

Nos parlements nationaux ont également un rôle clé à jouer dans la mise en œuvre des Objectifs de développement durable. Ils ont l'obligation de donner l'impulsion politique nécessaire et d’assumer, au niveau national, le rôle de véritables champions de la transformation − car le temps presse. En particulier, la participation des parlements est essentielle pour transformer ces objectifs en politiques et mesures nationales tangibles et mesurables. Pour ce faire, ils doivent intégrer la dimension de ces objectifs dans l'exercice de leurs fonctions législatives, budgétaires et de contrôle. Les parlements doivent également être pleinement associés à la définition des plans nationaux et à la coordination des politiques de mise en œuvre des Objectifs de développement durable.

Les parlements nationaux sont d'ailleurs bien placés pour contribuer à renforcer l'adhésion nationale et locale à ces objectifs. Les parlementaires sont, par nature, les intermédiaires entre les citoyen·ne·s et l'État et doivent associer pleinement la société civile. C’est aux parlementaires de contribuer à sensibiliser la société aux défis du développement durable et à animer activement un débat public inclusif sur ces questions afin de garantir un large soutien au sein de la population. En particulier, les parlementaires doivent soutenir la mobilisation des femmes et des jeunes, y compris des enfants, qui représentent plus de la moitié de l’humanité. Personne ne doit être laissé de côté et nous ne réussirons pas sans leur engagement.

Mesdames et Messieurs,

Vous l’avez compris, l'égalité des genres et les droits de l'enfant sont des questions fondamentales aussi bien pour les droits humains que pour le développement durable. Aujourd’hui, beaucoup trop de femmes meurent encore sous les coups de leurs actuels ou anciens partenaires ou sont victimes d’autres formes de violence basée sur le genre. Chaque année, également, la moitié des enfants dans le monde sont victimes de violence, et un quart des enfants en Europe vit dans la pauvreté. Cette situation est inacceptable.

Le Conseil de l’Europe et l’Assemblée parlementaire font de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et des droits de l’enfant une priorité. L’Assemblée contribue ainsi activement à la mise en œuvre de plusieurs Objectifs de développement durable, notamment l’objectif 5 visant à atteindre l’égalité entre les sexes et l’objectif 16.2 visant à mettre fin à la violence contre les enfants.

Les Stratégies du Conseil de l’Europe pour l’égalité entre les femmes et les hommes 2018-2023 et pour les droits de l’enfant 2016-2021 énoncent clairement la direction à prendre : viser l’égalité réelle entre les femmes et les hommes et protéger les femmes et les enfants de la violence à leur égard. Je souhaite réaffirmer ici notre appui politique indéfectible à ces deux stratégies, qui revêtent une importance particulière à un moment où nous pouvons malheureusement constater un « recul » des droits des femmes, mais également des droits des enfants.

En tant que Présidente de l'Assemblée parlementaire, j'ai, à plusieurs occasions, exhorté à contrer ce recul. Il est essentiel que nous, parlementaires, réaffirmions notre soutien le plus ferme à l'égalité et à ces droits, chaque fois que nous le pouvons.

En outre, l’Assemblée parlementaire est souvent à l'origine de textes juridiques contraignants du Conseil de l'Europe. Certaines de ces conventions ou certains accords partiels peuvent s'avérer utiles au-delà du continent européen. Je veux parler notamment de la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, également appelée « Convention d'Istanbul », et de la Convention sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, également appelée « Convention de Lanzarote », qui sont les instruments juridiques internationaux les plus complets et les plus avancés dans le domaine de la prévention et de la lutte contre la violence à l'égard des femmes et des enfants et la violence domestique ; ces deux conventions sont ouvertes à la ratification par des États non membres du Conseil d'Europe. Je voudrais féliciter la Tunisie, qui a adhéré à la Convention de Lanzarote en octobre dernier, et inviter tous les États à adhérer à ces conventions.

L’Assemblée continue également de jouer un rôle très important pour prévenir et combattre la violence à l'égard des femmes et des enfants. Je vais pouvoir en dire d’avantage cet après-midi, lors de l’atelier organisé par l’Assemblée parlementaire qui met l’accent sur ces deux questions. Je souhaite mentionner ici simplement que, cette année, l’Assemblée a adopté la résolution 2289 (2019) visant à réaffirmer son ferme soutien à la Convention d’Istanbul et la résolution 2274 (2019) pour des parlements sans sexisme ni harcèlement sexuel, ainsi que la résolution 2294 (2019) visant à mettre fin à la violence à l’égard des enfants.

Permettez-moi de dire un dernier mot : en réaction aux résultats d’une étude sur le sexisme, le harcèlement et la violence à l’égard des femmes dans les parlements d’Europe, menée conjointement par l’Assemblée parlementaire et l’Union interparlementaire, j’ai également lancé l’initiative #PasDansMonParlement pour sensibiliser à la nécessité de lutter contre le sexisme et de prévenir et combattre le harcèlement et la violence à l’égard des femmes dans les parlements. Cette question est une priorité de mon mandat et je suis heureuse d’en voir les premiers résultats. L'initiative a ainsi été reprise dans plusieurs parlements nationaux et il est, bien évidemment, possible de l'étendre aux parlements des pays du voisinage du Conseil de l'Europe. Je vous invite toutes et tous à décliner ce mot-dièse à votre guise et à utiliser, par exemple, les formules suivantes : #PasDansMonGouvernement, #PasDansMaVille, #PasDansMonBureau pour mettre fin au sexisme partout où il se manifeste encore trop souvent !

Mesdames et Messieurs,

Je voudrais terminer en soulignant à nouveau l’importance du partage, de la solidarité, de la coopération et du partenariat, auxquels je suis particulièrement attachée. Tous les éléments du quadrilogue – les parlements, les gouvernements, les collectivités territoriales et les organisations non gouvernementales – qui sont réunis aujourd’hui sont importants et doivent contribuer à réaliser ensemble les Objectifs de développement durable pour que personne ne soit laissé de côté.

Il est essentiel d’apprendre les un·e·s des autres. La coopération et les échanges avec nos collègues parlementaires des pays du voisinage du Conseil de l’Europe sont cruciales. Aussi, n’y a-t-il pas meilleure occasion et plate-forme que le Forum de Lisbonne pour nous offrir aujourd’hui la possibilité de nous rencontrer pour partager nos points de vue et nos expériences, et renforcer les liens amicaux déjà existants et de les rendre durables.

Je vous remercie de votre attention.