Discours à l'occasion de la Conférence : « L'Europe et ses valeurs » organisée par la Fondation Robert Schuman
Strasbourg, mercredi 23 octobre 2013

Je voudrais tout d'abord souhaiter la bienvenue à tous les participants et saluer l'initiative de la Fondation Schuman et de son Président, M. Jean-Dominique Giuliani, d'organiser cette conférence à l'occasion du cinquantième anniversaire de la mort de Robert Schuman. S'il n'est plus parmi nous, Robert Schuman demeure présent par la force de ses idées.

Tout d'abord, quel destin emblématique que celui de Robert Schuman ! Français d'origine par son père, Allemand du fait de l'annexion de l'Alsace-Lorraine par l'Allemagne, étudiant en Allemagne, résidant au Luxembourg, l'un des pères fondateurs de la construction européenne, il illustre toute la complexité de l'histoire de notre continent et le caractère visionnaire de sa pensée.

Dès 1953, il observait « qu'on commettrait une erreur et qu'on serait victime d'une illusion dangereuse si on croyait que pour faire l'Europe, il suffirait de créer des institutions européennes. Ce serait un corps sans âme. Ces institutions devront être animées d'un esprit européen ». Et un peu plus tard, il ajoutait « Ce qu'il faut en effet sauvegarder avant tout, c'est le contact permanent avec la vie. Le juridisme, la technocratie et la bureaucratie sont des maladies mortelles auxquelles les institutions internationales sont d'autant plus exposées qu'elles n'ont pas encore le correctif d'un contrôle démocratique ».

Des progrès considérables ont eu lieu, ainsi la création du Parlement européen. Mais pourtant, on parle toujours de « déficit démocratique » et l'Europe semble parfois victime de son succès, le débat semblant parfois plus se focaliser sur les moyens que sur les fins. Plus que jamais, en cette période de crise économique, de doutes et de tentation du repli sur soi, la recherche d'un « esprit européen » est essentielle.

Quelles sont les finalités de la construction européenne ? C'est d'abord la paix. La longue période de paix qu'a connue la majorité des États de notre continent depuis 1945 nous a parfois fait oublier à quel point cet acquis était précieux. Les conflits dits gelés sur notre continent ou la situation à nos portes, dans le monde arabe, nous rappellent que cet état de fait n'a rien d'automatique.

De même, la démocratie, les droits de l'Homme, l'Etat de droit, ces trois valeurs clés du Conseil de l'Europe, ne sont jamais acquises et constituent un combat permanent, y compris dans les vieilles démocraties. Que l'on songe simplement au difficile équilibre entre lutte contre le terrorisme et préservation des libertés publiques. Je pourrais également parler des constats de la Cour européenne des droits de l'Homme et du Comité européen pour la prévention de la torture (CPT) sur les prisons françaises. À cet égard, je tiens à saluer l'engagement très fort du Président de la République italienne sur ce sujet difficile car peu populaire. En adressant un message aux deux chambres sur l'inacceptable état du système carcéral italien, il nous a adressé un message fort de courage politique.

L'esprit de la construction européenne, c'est enfin la solidarité et le respect de l'autre. Toute période de difficultés économiques voit la remontée de la xénophobie et du racisme, à l'image des années 30. Il est plus facile d'expliquer le chômage et les difficultés économiques par l'immigration que d'expliquer une réalité très complexe, liée notamment à la difficulté d'adapter l'Europe à la mondialisation.

Les débats que nous aurons cet après-midi seront de nature à faire progresser notre réflexion avec deux tables rondes sur des sujets fondamentaux : « l'effritement de l'État de droit et la mise en cause des droits fondamentaux en Europe » d'une part, et d'autre part, « quelles interactions possibles entre le Conseil de l'Europe et l'Union européenne pour défendre les valeurs du Conseil de l'Europe »?

Sans déflorer le sujet, je dois dire que je suis particulièrement sensible à la question d'une meilleure coordination avec l'Union européenne puisque j'en ai fait l'une des grandes priorités de ma présidence.

Dans un double souci de cohérence, d'efficacité de l'action, mais aussi par respect pour le contribuable européen, il me paraît essentiel que les deux organisations paneuropéennes coopèrent. J'y reviendrai plus tard.

Je vous remercie de votre attention et vous souhaite des travaux fructueux.