Anker

Jørgensen

Premier ministre du Danemark

Discours prononcé devant l'Assemblée

mercredi, 24 janvier 1973

Monsieur le Président, avant toute chose je voudrais dire combien je suis heureux de l’occasion qui m’est donnée de prendre aujourd’hui la parole devant l’Assemblée Consultative du Conseil de l’Europe.

Je ne saurais commencer mon discours sans exprimer la joie et l’espérance que me donne le message que nous avons reçu ce matin, un message qui nous dit que la guerre au Vietnam touche à son terme. Il faut espérer que les souffrances indicibles endurées par le peuple vietnamien pendant de nombreuses années prendront maintenant fin. Un effort aussi bien national qu’international sera maintenant nécessaire afin d’apporter une aide humanitaire à ce pays dévasté et d’assurer sa reconstruction.

Je voudrais aussi exprimer la joie que j’éprouve de pouvoir m’adresser à votre Assemblée à un moment où l’Europe se trouve au seuil d’une phase nouvelle. Plus que jamais depuis la dernière guerre, je crois que le sentiment est largement partagé que nous nous trouvons à l’orée d’une nouvelle époque de l’histoire de l’Europe, je dirais même du monde.

Je voudrais en particulier relever deux aspects de l’évolution actuelle sur lesquels se fonde cette impression:

Il y a, d’une part, le développement technique et économique qui modifie les sociétés de façon toujours plus marquée et intervient profondément dans l’existence de chaque individu. Ce développement pose sans cesse de nouveaux problèmes et lance de nouveaux défis, qui sont répercutés au-delà des frontières nationales et qui ne manquent pas de donner à beaucoup un sentiment d’impuissance et l’impression d’être à la merci de forces complètement déshumanisées.

D’autre part, on assiste à un développement politique qui, né le 5 mai 1949 comme un rêve d’après-guerre, semble aujourd’hui ouvrir de nouvelles voies et fait espérer qu’il sera possible de créer des formes de coopération pouvant servir à résoudre ces nouveaux problèmes et à relever ces nouveaux défis, à condition, bien entendu, que nous ayons assez d’imagination, de courage et de talent pour exploiter ces formes de coopération.

L’attitude de mon pays est naturellement largement marquée par le fait qu’à partir du 1er janvier 1973 le Danemark est le seul pays nordique faire partie de la Communauté européenne. Le référendum qui a eu lieu au Danemark sur cette question, en octobre 1972, a clairement montré qu’il y avait une nette majorité en faveur de la participation de notre pays à cette forme de coopération internationale. Le débat qui a précédé le référendum a donné à l’ensemble de la population danoise l’occasion de faire un examen de conscience et de s’interroger sur ce que nous voulions et sur les objectifs que doit se fixer la coopération européenne. Chez les adversaires de l’adhésion, le débat a été marqué par la crainte voir le Danemark absorbé par les grandes nations et par une lourde machine bureaucratique. De leur côté, les partisans, qui ont totalisé les 2/3 des voix exprimées, ont souligné les intérêts économiques considérables qui militent en faveur de l’adhésion du Danemark à la Communauté européenne et ils ont accordé du poids à un fait prometteur, à savoir, que les grandes nations, qui naguère s’étaient fait la guerre au sens propre du terme comme sur le terrain économique, étaient maintenant engagées dans une coopération intensive. Si je devais résumer ce débat et la conclusion qui s’en est dégagée – conclusion sur laquelle les partisans et les adversaires de la Communauté Economique Européenne semblent s’être largement accordés – je dirais que nous étions d’accord sur la nécessité d’une coopération plus poussée en Europe et que nous le sommes restés, mais que nous nous sommes éloignés les uns des autres lorsque nous avons dû décider des formes de coopération qu’il convenait de choisir et de l’étendue de l’abandon de souveraineté que notre pays pouvait accepter. Mais, comme je l'ai dit, l’idée d’une coopération plus poussée en Europe a rallié tous les suffrages.

Le départ pris par les activités de la Communauté européenne élargie, départ auquel nous avons assisté et contribué, est à mon avis prometteur: je ne veux pour preuve que les décisions prises à la réunion au sommet, à Paris, les 19 et 20 octobre 1972, et les déclarations faites à l’occasion des débuts de la nouvelle Communauté il y a quelques semaines. De tous côtés, l’accord se fait sur l’objectif nouveau qui propose d’améliorer la qualité de la vie et de créer une Europe qui assume sa responsabilité en tant que l’une des parties les plus riches du monde, et il semble qu’une volonté de coopérer, une volonté constructive, se fasse jour. Le proche avenir montrera sa solidité devant l’assaut des intérêts particuliers.

Les rapports entre les superpuissances exigent plus que jamais une voix européenne. Le dialogue entre ces superpuissances est fortement marqué par les développements techniques en matière d’armements et il tend, compte tenu d’autres facteurs en jeu sur la scène mondiale, à indiquer que ce n’est plus tant dans le domaine traditionnel de la sécurité que les grands problèmes se poseront à l’avenir. On aura sans doute toujours besoin d’une force armée l’on ne pourra guère renoncer aux systèmes d’alliances. Le monde – y compris sa partie européenne – a encore du chemin à faire avant que ces notions ne soient mises au rancart. La détente est fonction de l’existence et de la «crédibilité» des systèmes de sécurité: je crois que ceux-ci conditionnent la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, qui se prépare actuellement. L’heureuse évolution des relations entre les deux Allemagnes est, certes, le résultat d’une volonté politique mais, là aussi, les systèmes de sécurité existants ont joué un rôle décisif.

Cela dit, je crois que nous allons vers une époque où des problèmes tout autres occuperont le cœur et l’esprit des hommes. La lutte éternelle entre les peuples tendra à prendre la forme d’une émulation dont l’enjeu sera l’aptitude à organiser la société selon les vœux des hommes ou, en d’autres termes, une rivalité pour le cadre de vie.

La nouvelle Communauté qui a vu le jour le 1er janvier 1973 sera un facteur décisif dans l’évolution de l’Europe. Dans un grand nombre de domaines, elle deviendra le centre de décisions d’une très grande portée et non pas seulement pour les pays qui en font partie. C’est avec plaisir que je saisis cette occasion pour souligner le désir du Gouvernement danois de voir la nouvelle Communauté Economique Européenne adopter une attitude d’ouverture vis-à-vis du monde extérieur à la Communauté; devant cette Assemblée il est naturel de mentionner aussi les pays membres du Conseil de l’Europe qui ne font pas partie de la Communauté Economique Européenne; il n’en est aucun avec lequel nous ne souhaitions coopérer le plus étroitement possible. Mais l’esprit d’ouverture ne saurait en rester là. La Communauté doit reconnaître ses obligations: elle doit faire face aux obligations qui sont les siennes – en tant que partenaire dans la coopération – vis-à-vis des autres pays industrialisés de l’Ouest, des Etats-Unis d’Amérique et du Canada, comme de l'Union Soviétique et du monde communiste ainsi que du Tiers monde.

Le Gouvernement danois souhaite que les neuf pays de la Communauté mettent en commun leurs forces, au service d’une politique visant à s’opposer à ce matérialisme étroit dont beaucoup ont eu tendance à penser – à tort d’ailleurs – qu’il a jusqu’à maintenant caractérisé la coopération entre les Six.

Que l’on ne se méprenne pas sur ce que je dis. Je sais fort bien que c’est le progrès matériel qui forme la base de notre existence et de nos activités, et il faut que cette base soit assurée.

La nouvelle orientation dont j’espère et dont je crois qu’elle sera suivie par la Communauté Economique Européenne pourrait avoir comme thème principal: l’amélioration de la qualité de la vie. C’est d’ailleurs un point sur lequel le sommet de Paris a marqué son accord.

Me voici revenu au développement technique et économique qui modifie la vie quotidienne à un degré toujours croissant, qui pose de nouveaux problèmes et qui lance de nouveaux défis.

Les sous-produits du bien-être matériel croissant des pays riches nous amènent à reconnaître que la richesse a aussi ses problèmes, qu’il nous faut apprendre à surmonter. Nous voulons maintenir un niveau d’emploi élevé et assurer de bonnes conditions matérielles à nos populations, mais nous ne voulons pas être étouffés par les déchets de la production industrielle. Le respect du cycle de la nature doit être le leitmotiv des efforts des hommes politiques pour diriger l’évolution de la société en vue d’améliorer la qualité de la vie. Celle-ci, cependant, concerne aussi la politique de l'environnement à un autre titre. Je pense notamment ici à l’épanouissement de l’homme dans son travail quotidien. Comment assurer à chaque homme la place qui lui revient et la possibilité de participer plus directement aux affaires de la société dans laquelle il vit, ou aux décisions qui le touchent de près. Nous nous trouvons ici devant un impératif qui se pose à toutes les sociétés industrialisées et dont la solution affectera de nombreux domaines de la vie en société.

Une tâche consistera à démocratiser la vie économique de sorte que l’augmentation du capital devienne la copropriété des salariés, et que soit ainsi instauré le droit de posséder plus qu’une chemise et une voiture. La liberté individuelle d’autrefois, qui s’exprimait par exemple dans la vie économique par le slogan «A chacun sa boutique», perd du terrain. Une nouvelle forme d’individualisme fondée sur l’effort collectif est nécessaire. Nous devons renoncer à une certaine forme de liberté pour en conquérir une autre dont il faut espérer qu’elle sera plus grande.

Comme je l’ai dit, c’est de grand cœur que le Danemark s’engage dans la coopération dans le cadre de la Communauté Economique Européenne. Mais cela ne signifie pas que nous réduirons notre participation active au sein d’autres organismes internationaux de coopération dont nous sommes membres.

Le Conseil de l’Europe a justifié dès sa création sa raison d’être, y compris comme lieu de rencontre des parlementaires des pays démocratiques d’Europe. Il a été possible ainsi d’aboutir à une interaction entre les idées des différents parlements nationaux et de fonder sur une inspiration réciproque tant les travaux législatifs au plan national qu’une prise de position dans les différents pays en faveur de la coopération internationale. Le Conseil de l’Europe a été un catalyseur extrêmement utile; il a influencé l’opinion des pays de l’Europe occidentale dans un sens positif, en faveur de la coopération internationale. Entre autres choses, il a été une serre où l’idée européenne a pu vivre et se développer.

L’exécution de ces tâches par le Conseil de l’Europe continuera de revêtir une grande importance pour la coopération internationale. Quand mon prédécesseur, M. Jens Otto Krag rendit visite au Conseil de l’Europe en 1966, son discours était principalement axé sur les moyens de surmonter la division de l’Europe en deux organisations de marchés. Aujourd’hui, cette question n’est plus à l’ordre du jour dans la forme qu’elle avait alors. Nous pouvons maintenant regretter qu’il n’ait pas été possible de surmonter entièrement cette division. C’est ainsi que nous avons dû emprunter une voie plus longue et plus compliquée. Aussi le Gouvernement danois regrette-t-il que l’élargissement de la Communauté Economique Européenne n’ait compris que les trois pays qui viennent d’y adhérer. Nous devons naturellement respecter les motifs qui ont été décisifs pour la position de chaque pays vis-à-vis de la Communauté. Mais, pour être francs, nous aurions été doublement heureux de notre adhésion à la Communauté Economique Européenne si la Norvège aussi avait dit oui lors du référendum de septembre 1972.

L’adhésion du Danemark à la Communauté n’a pas eu pour corollaire que mon pays ne s’intéresse plus aux pays membres du Conseil de l’Europe qui ne sont pas membres de la Communauté Economique Européenne. Nous croyons que le Conseil de l’Europe continuera d’avoir un rôle important à jouer, principalement comme organe de contact à différents niveaux. Plutôt que de s’amoindrir après l’élargissement de la Communauté Economique Européenne de 6 à 9 membres, l’importance de réunions entre les parlementaires des 17 pays s’accroîtra. Il est important que les mécanismes de fonctionnement du Conseil de l’Europe soient bien structurés pour concourir à ces fonctions de médiation. Sa structure même et son organisation interne doivent évoluer de pair avec le développement général de la société et s’adapter aux tâches modifiées, aux tâches nouvelles qu’exige notamment l’évolution de l’Europe. Nous devons éviter les doubles emplois entre organisations européennes et veiller à ce que leurs travaux soient plutôt complémentaires et servent le but commun, à savoir une coopération européenne plus efficace.

Dans un grand nombre de domaines techniques, le Conseil de l’Europe a apporté une contribution extrêmement précieuse. II faut à cet égard mentionner le domaine des droits de l’homme, et partant, la volonté de fonder toute action sur la démocratie. L’œuvre entreprise dans les domaines de la culture, de l’enseignement et du droit revêt également une très grande importance. Dans ces domaines, le Conseil de l’Europe a acquis une expérience et des données qui le mettent en position de continuer à promouvoir une coopération précieuse entre les pays occidentaux.

Qu’il me soit permis de terminer ce discours par un conseil qui comporte en même temps une invitation au Conseil et à son Assemblée. Après l'élargissement de la Communauté, je crois que le Conseil de l’Europe pourra mieux contribuer à la coopération européenne à la fois en développant ses propres activités et en les adaptant à celles de la Communauté.

Au Danemark, nous disons que tous les chemins mènent à Rome. Je crois que c’est un dicton qui se répète dans toute l’Europe. Des chemins différents conduisent aussi à une coopération accrue entre les peuples de l’Europe. De nombreuses difficultés se sont amassées: des divergences sur les fins et les moyens, des guerres et des crises économiques. Nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation où la coopération connaît de grandes possibilités de développement. Il ne faut pas qu’elles soient étouffées par la bureaucratie, l’étroitesse d’esprit ou le manque d’adaptation aux exigences et aux idées des temps nouveaux. C’est là que l’action du Conseil de l’Europe peut continuer à apporter une contribution considérable.

(Applaudissements).

M. LE PRÉSIDENT

Monsieur le Premier Ministre, les applaudissements de l’Assemblée soulignent nos remerciements.

M. Jorgensen a bien voulu accepter de répondre aux questions des membres de notre Assemblée. La parole est à M. Radinger, pour poser la première question.

M. RADINGER (Autriche) (traduction)

On reproche souvent à la Communauté Economique Européenne d’avoir une optique économique étroite. Maintenant que île Danemark, pays à la structure sociale relativement avancée, fait partie de la Communauté, comment envisagez-vous le développement de la politique sociale au sein de la Communauté Economique Européenne? Qu’attend votre gouvernement du programme d’action sociale qui sera établi comme suite de la Conférence au sommet de Paris?

M. Jørgensen, Premier ministre du Danemark (traduction)

Ainsi que je l’ai déjà dit dans mon exposé, le fait que les neuf chefs de gouvernement aient unanimement reconnu: à leur réunion de Paris en octobre, que l’expansion économique ne saurait être une fin en soi, me paraît très favorable. Dans la société ouverte que nous voulons tous, l’amélioration de la qualité de la vie évoquée dans le communiqué ne peut se faire que par la coopération. En l’absence de coordination, notamment dans le domaine social, nous serons confrontés au phénomène appelé «dumping social», ce qui amènera les pays s’efforçant de maintenir un niveau social élevé soit à se tenir à l’écart des pays à niveau moins élevé, soit à voir menacé leur propre niveau. Dans la perspective communautaire, cette coordination doit être le principal objectif de la politique sociale. Il s’ensuit que, dans ce sens, la politique sociale est une notion bien plus vaste qu’au sens national. Pourtant, la politique sociale dans le sens communautaire ne représente en fait qu’un des aspects des efforts globaux de la Communauté vers la réalisation de ses objectifs. Or, pour y arriver, il est indispensable de maintenir la stabilité de l’emploi par une intensification de la coopération économique et monétaire. Je verrais volontiers à long terme la création d’un Etat-providence européen.

M. BLUMENFELD (République Fédérale d’Allemagne) (traduction)

Monsieur le Président, permettez-moi de remercier M. le Premier Ministre Jørgensen des paroles encourageantes qu’il a eues dans son discours pour le Conseil de l’Europe, son avenir et ses activités futures, sujet dont nous nous préoccupons beaucoup et dont nous avons discuté ces derniers jours.

Je poserai deux questions à Monsieur le Premier Ministre. Il a surtout évoqué les raisons économiques qui ont poussé le Danemark à adhérer à la Communauté européenne. Ce qui m’intéresse, c’est de savoir s’il est exact que le Gouvernement danois appuie, aujourd'hui encore, la proposition du Gouvernement français d'établir à Paris un «Secrétariat politique», à l’encontre du vœu des autres membres de la Communauté élargie, qui voudraient voir un tel Secrétariat politique établi dans le cadre des institutions communautaires, c’est-à-dire à Bruxelles. Ma question est donc, Monsieur le Premier Ministre, la suivante: le Gouvernement danois estime-t-il toujours que ce Secrétariat doit avoir son siège à Paris et, dans l’affirmative, pour quelles raisons?

Ma deuxième question porte sur la Conférence qui se tiendra probablement au cours du deuxième semestre de cette année à Helsinki. A votre avis, Monsieur le Premier Ministre, quel rôle pourrait jouer le Conseil de l’Europe et, le cas échéant, l’Assemblée Consultative, dans le contexte de cette conférence; et croyez-vous que le Conseil de l’Europe puisse formuler des propositions concrètes? Vous avez déjà fait allusion, dans votre discours, à un ou deux caractères particuliers du Conseil de l’Europe. Pourriez-vous nous dire ce que vous attendez de la Conférence d’Helsinki?

M. Jørgensen, Premier ministre du Danemark (traduction)

M. Blumenfeld a demandé les raisons économiques de la décision danoise. Je puis dire que le Danemark a estimé en premier lieu qu’il était incontestablement dans l’intérêt économique de la population et de la société danoises d’adhérer à la Communauté. Le domaine géographique auquel nous appartenons internationalement, nos liens et allégeances traditionnels, ainsi que nos relations économiques font que notre entrée dans la Communauté Economique Européenne est naturelle. Nous n’ignorons pas que lorsqu’on adhère à un système de coopération économique quel qu’il soit, on se heurte également à un certain nombre de problèmes à caractère à la fois économique et politique. Par ailleurs, nous ne voulons pas de coopération trop poussée en politique étrangère. Nous acceptons néanmoins le fait, dont le sommet de Paris est un témoignage, que les ministres des Affaires étrangères des 9 pays devront procéder à des consultations et des échanges de vues plus fréquents, y compris en matière de politique étrangère. La question précise qui m’a été posée était en réalité si le Danemark appuierait la création d’un Secrétariat et quel devrait en être le siège. Le Gouvernement danois envisage cette question de façon très pragmatique. Il estime en effet que ce Secrétariat serait utile et qu’il devrait être établi dans la ville la plus appropriée du point de vue fonctionnel. Personnellement, Bruxelles me paraît tout indiquée. Toutefois, il convient de préciser qu’en ce qui concerne le Danemark, cette coopération politique devra avoir lieu en dehors du cadre des institutions et des procédures de décision prévues par le Traité de Rome. Nous pensons qu’il est prématuré d’aborder la question de la coopération politique dans une optique différente et plus vaste.

En ce qui concerne la deuxième question, il est encore trop tôt pour parler de façon concrète des résultats que l’on peut attendre de la Conférence sur la sécurité et la coopération européennes. Nous espérons naturellement que les entretiens qui se tiennent actuellement à Helsinki prépareront le terrain de manière que cette conférence puisse aboutir à une sécurité et à une coopération accrues entre l’Europe de l'Est et l’Europe de l’Ouest. Nous attachons également une extrême importance à un plus large échange d’informations et d’idées ainsi qu’à une plus grande mobilité des personnes. Ce sont donc des aspects de la question dont nous devons tenir compte si nous voulons parvenir à la détente. Comme je l’ai déjà déclaré, il est impossible de dire aujourd’hui quel rôle cette conférence jouera, de même qu’il est impossible de dire quel rôle le Conseil de l’Europe pourra jouer en ce qui concerne l’application de ses résultats éventuels.

D’une façon générale, je dirai que le Danemark tient, dans la plus large mesure possible, à utiliser les organisations internationales de coopération existantes plutôt qu’à créer de nouveaux mécanismes. C’est là que le Conseil de l’Europe pourrait entrer en ligne de compte.

Sir JOHN RODGERS (Royaume-Uni) (traduction)

J’aimerais demander au Premier Ministre s’il peut me dire comment le Danemark envisage le développement futur de la coopération nordique maintenant qu’il est membre de la Communauté élargie? On prétend, je crois, que l’adhésion danoise à la Communauté est parfaitement compatible avec la coopération nordique; mais la création, par la Communauté, d’une union économique et monétaire d’ici 1980 ne risque-t-elle pas de rendre de plus en plus difficile la conciliation de ces deux objectifs?

M. Jørgensen, Premier ministre du Danemark (traduction)

Le Danemark envisage ses relations avec les pays nordiques et son appartenance aux Communautés européennes comme des développements, des efforts parallèles, plutôt que divergents. Les problèmes auxquels les pays nordiques auront à faire face sont également ceux qui appellent une solution dans le cadre de la Communauté. Ce sont les problèmes d’une société industrielle moderne. Il serait très regrettable que l’évolution de la société au sein de la Communauté prenne une direction diamétralement opposée à celle des pays nordiques non membres de la Communauté Economique Européenne. Contribuer à éviter qu’une telle chose n’arrive nous paraît être une tâche importante et nullement impossible. A tout prendre, nous estimons que la coopération nordique et celle qui s’instaure actuellement au sein de la Communauté ont un même objectif. Cette question comporte donc deux aspects sur lesquels nous devrions pouvoir coordonner nos efforts. Certes, des difficultés pourront surgir, mais nous sommes persuadés que nous serons en mesure de les résoudre, car, en fin de compte, les développements sont parallèles et l’objectif est le même.

Mme HERKLOTZ (République Fédérale d’Allemagne) (traduction)

Monsieur le Premier Ministre, permettez-moi de poser une question au Chef du Gouvernement d’un pays dont l’économie est largement orientée vers l’agriculture. Le Danemark est-il prêt et disposé à accepter les règles de la politique agricole commune telles qu’elles existent actuellement, et, dans l’affirmative, en résulte-t-il pour lui des problèmes particuliers? Ou bien votre Gouvernement entend-il proposer certaines modifications et, le cas échéant, lesquelles? Vous comprendrez aisément, Monsieur le Premier Ministre, combien votre réponse à ces questions nous intéresse.

M. Jørgensen, Premier ministre du Danemark (traduction)

Le Danemark a adhéré à la Communauté dans une optique très précise. Le Danemark – pays industriel, mais également doté d’une importante production agricole – a été notamment attiré par les dispositions communes prévues pour l’agriculture. Nous œuvrerons en faveur d’une politique conduisant à un perfectionnement de ces dispositions, c’est-à-dire leur donnant une plus grande efficacité et une meilleure forme administrative. L’adhésion à la Communauté constitue, à notre avis, un avantage pour l’agriculture danoise aussi n’envisageons-nous pas dans ce domaine de grosses difficultés dans l’avenir prévisible. Nous en concluons donc d’une manière générale que l’appartenance à la Communauté est dans l’intérêt de l’agriculture danoise. Nous croyons que nous serons en mesure d’influer sur les arrangements futurs au sein du Marché Commun, et qu’ainsi nous pourrons désormais, ce qui ne serait pas le cas autrement, agir sur les cours des événements.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Monsieur le Premier Ministre, je tiens à vous remercier chaleureusement d’avoir accepté de faire un exposé devant notre Assemblée, d’avoir répondu avec amabilité aux diverses questions posées par nos collègues, ainsi que d’avoir assisté à une partie de nos travaux, témoignant ainsi une nouvelle fois l’intérêt que vous-même et votre pays portez aux activités du Conseil de l’Europe.

Je profite de l’occasion pour signaler que vous avez inauguré aujourd’hui une nouvelle procédure, adoptée voici un mois par la Commission Permanente de l'Assemblée, et qui consiste à faire une plus large place à la discussion après les discours dont les ministres honorent notre Assemblée. Et vous venez de démontrer brillamment que l’intérêt et la force d’une intervention ne sont pas fonction directe de sa longueur. Je vous en remercie et me permets de vous assurer que cette Assemblée ne manquera pas de tirer parti des idées, des suggestions et des propositions que votre exposé, riche de substance, a mises en relief. Merci, Monsieur le Premier Ministre.

(Applaudissements).