Michal

Kováč

Président de la Slovaquie

Discours prononcé devant l'Assemblée

mercredi, 5 octobre 1994

J’aurais pu choisir de m’exprimer dans une langue étrangère, mais, par respect pour le secrétariat slovaque et puisque ma présence aujourd’hui à Strasbourg revêt un caractère historique pour mon pays, j’ai estimé préférable d’employer le slovaque.

Monsieur le Président de l’Assemblée parlementaire, Monsieur le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, Messieurs les délégués de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Mesdames, Messieurs, c’est un grand honneur pour moi de pouvoir parler aujourd’hui devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. C’est vous, Monsieur le Président de l’Assemblée parlementaire, que je dois remercier de m’avoir donné cette occasion solennelle, et je voudrais également vous remercier pour les paroles encourageantes prononcées lors de votre visite en Slovaquie en janvier dernier. Je voudrais aussi profiter de cette occasion pour exprimer le soutien de la République slovaque au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, Daniel Tarschys, dans son effort d’imposer et de renforcer les principes et les objectifs du Conseil de l’Europe qui contribue dans une mesure décisive au développement des institutions démocratiques et à la protection des droits de l’homme.

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, la naissance de la République slovaque est un exemple des changements dynamiques et démocratiques dans les relations internationales, auxquels nous assistons après la guerre froide.

La naissance d’une République slovaque indépendante correspond aux désirs séculaires de la nation slovaque de l’accomplissement de sa souveraineté nationale. Je voudrais souligner que la République slovaque indépendante avance dans la voie dans laquelle elle s’était engagée en novembre 1989. Nous construisons un Etat de droit démocratique, fondé sur une société pluraliste libre. Depuis quatre ans déjà, nous réalisons la transformation économique dont le but est une économie de marché où la propriété privée est prédominante. Après quelques difficultés passagères, qui se sont exprimées par la baisse du produit intérieur brut, par la baisse de la production dans presque toutes les branches de l’économie, par la croissance de l’inflation et du déficit du budget de l’Etat, et aussi par l’augmentation du chômage, certains côtés positifs de notre évolution économique commencent à se manifester. La Slovaquie, après la scission de la Tchécoslovaquie en janvier 1993, malgré une position moins favorable par rapport à la République tchèque, a maintenu sa stabilité macroéconomique nécessaire et les principes fondamentaux de la transformation.

L’évolution précédente renforce les tendances positives. Nous assistons à l’accroissement du produit intérieur brut, le taux d’inflation est bas, comparable à celui des économies de marché stables, nous assistons à l’avancement du processus de l’assainissement des finances de l’Etat et de la monnaie, à l’augmentation des réserves en devises du système bancaire. Nous enregistrons également les premiers signes de redressement de la production industrielle et de l’accroissement des exportations.

Tout en développant les efforts orientés vers la stabilité macro-économique, nous avons travaillé en Slovaquie sur la création des conditions législatives et institutionnelles d’économie de marché et sur la modification des relations de propriété. Nous sommes conscients que beaucoup de travail nous attend encore dans ce sens, mais nous pouvons d’ores et déjà constater que les piliers juridiques et institutionnels fondamentaux de l’économie de marché sont présents en Slovaquie. La structure de propriété diversifiée se développe d’une manière dynamique, non seulement grâce à la privatisation de la propriété d’Etat existante, mais aussi grâce à la création des nouvelles entités privées d’entrepreneurs. Le secteur privé atteint aujourd’hui une part de 40% de la constitution du produit intérieur brut, et cette part continuera à augmenter. La deuxième vague de privatisation dont les préparatifs s’achèvent actuellement y contribuera sans aucun doute. Nous voulons profiter de la combinaison des différentes formes de privatisation, comme la méthode par coupons, les ventes directes aux investisseurs du pays et de l’étranger, et les ventes d’actions par l’intermédiaire du marché des capitaux. Notre ambition est de lier le processus de privatisation à la restructuration technique et économique du secteur d’entreprise et de banques d’Etat, et d’aider ainsi la microsphère à s’adapter aux conditions changées. Les préparatifs d’un tel programme sont en cours. Nous apprécions l’aide de la Banque mondiale, des experts des pays du G24 et de l’Union européenne apportée aux préparatifs du projet, et nous espérons aussi bénéficier de leur soutien à la réalisation du projet.

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, ces dernières années, nous avons assisté aux changements rapides des rapports dans la politique mondiale. La situation présente est marquée par les changements dynamiques dus à la multipolarité croissante des relations internationales. Depuis un an, de nombreux événements sont survenus qui ont fait progresser la communauté internationale vers l’accomplissement des idéaux qui sont également les objectifs du Conseil de l’Europe, le développement de la cohabitation pacifique des nations et le renforcement de la coopération. Pourtant, nous avons assisté aussi à des événements qui ne peuvent pas nous remplir d’optimisme.

La Slovaquie souhaite apporter sa contribution à des relations nouvelles fondées sur le respect du droit international et à des principes d’une cohabitation démocratique des nations. C’est conforme aux principes de notre politique étrangère, fondée sur les valeurs fondamentales de la société slovaque. Cette orientation est caractérisée par le respect de la démocratie et des droits de l’homme, et par la création d’un milieu économique obéissant aux principes de marché libre. La démocratie et la protection des droits de l’homme sont garanties par la Constitution. Dans un pays où la Cour constitutionnelle fonctionne bien, il n’y a pas de garantie plus grande.

Il est évident que la République slovaque en tant que petit pays d’une région du centre de l’Europe, sensible, doit avoir une orientation de politique étrangère clairement définie. De ce point de vue, la République slovaque oriente ses activités vers les processus d’intégration européenne et s’efforce de faire partie des pays stables, démocratiques et prospères. L’adhésion à l’Union européenne et la participation active à la création d’un modèle efficace de sécurité européenne font partie des priorités de la politique étrangère slovaque. Nos activités en matière de politique étrangère sont donc orientées sans équivoque vers les conditions permettant une rapide adhésion à part entière de la Slovaquie à l’Union européenne. De ce point de vue, la signature de l’Accord européen d’association entre la République slovaque et l’Union européenne est un point de départ capital.

Les contacts internationaux de la République slovaque sont, bien évidemment, beaucoup plus larges et multilatéraux. Nous souhaitons avoir les meilleurs rapports avec les pays avoisinants, rapports fondés sur une base contractuelle solide, permettant une coopération étendue et avantageuse pour les deux parties. Je constate avec satisfaction que nous arrivons à atteindre cet objectif, ce qui contribue à la stabilité de toute la région. Contribuent également à l’accomplissement de cet objectif les relations de plus en plus étroites avec les pays d’Europe occidentale, relations que nous réussissons à renforcer aux niveaux économique, politique et de sécurité. Sur le plan global, le maintien des liens transatlantiques solides est une priorité pour la Slovaquie qui est une partie intégrante de la région européenne. Mais nous ne pouvons pas non plus sous-estimer le développement des contacts et de la coopération avec nos voisins de l’Est, la Fédération russe, l’Ukraine et les autres pays de la Communauté des Etats indépendants, ainsi qu’avec les régions plus éloignées du monde.

Les tâches et les objectifs que nous nous sommes fixés sont ambitieux et supposent un soutien de l’opinion publique et le consensus des instances les plus importantes de notre scène politique. Je peux néanmoins constater avec satisfaction que, dans les questions fondamentales de l’orientation de la politique étrangère de la République slovaque, règne un large consensus civique et politique. C’est un signal positif pour l’étranger qui, dans l’avenir, peut compter sur la République slovaque comme un partenaire fiable et crédible.

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, l’adhésion de la République slovaque au Conseil de l’Europe a défini pour notre Etat d’un côté les droits de participer activement à la solution des problèmes européens et à l’élaboration des documents du Conseil de l’Europe, et, de l’autre côté, les obligations résultant de l’acte même d’adhésion au Conseil de l’Europe et de la coopération intergouvernementale et interparlementaire. L’adhésion de la Slovaquie au Conseil de l’Europe représente pour nous un encouragement et un engagement constant.

L’avis du Conseil de l’Europe émis lors de l’acte d’adhésion, déclarant que la République slovaque est considérée comme apte et prête à respecter et à accepter les principes d’un Etat de droit, les garanties des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour toutes les personnes relevant de sa juridiction, joue un rôle important de motivation.

La volonté de la République slovaque de maintenir la continuité des engagements résultant des conventions européennes et surtout ceux des conventions en matière de droits de l’homme a été affirmée par la République slovaque, lorsque, dès sa naissance, elle a demandé la succession dans les conventions du Conseil de l’Europe pour lesquelles la fédération précédente a été Partie contractante.

Lors de l’acte de l’adhésion de la République slovaque au Conseil de l’Europe, nous nous sommes unilatéralement engagés à suivre les recommandations de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, relatives surtout aux rapports avec les minorités nationales résidant sur le territoire de la République slovaque. La République slovaque considère comme une tâche importante de garantir les droits des minorités et de créer les conditions nécessaires à leur développement, en conformité avec la Constitution de la République slovaque et avec les accords internationaux relatifs aux droits des citoyens appartenant aux minorités nationales. Notre objectif est d’assurer et de développer une cohabitation harmonieuse de tous les citoyens de la République slovaque. C’est avec plaisir que je profite de cette occasion pour informer l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe que la République slovaque a rempli les engagements pris lors de l’adhésion au Conseil de l’Europe.

Nous avons adopté une législation posant le droit de toute personne appartenant à une minorité nationale d’utiliser ses nom et prénom dans sa langue maternelle; l’inscription des nom et prénom dans les registres d’état civil est faite également dans sa langue.

L’engagement de donner aux personnes appartenant à une minorité (hongroise, allemande, ruthène), dans les régions où le nombre de ses membres dépasse 20%, le droit d’indiquer dans leur langue les noms des villes et des communes, les inscriptions et les autres informations, conformément à la recommandation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, est également respecté dans la loi du Conseil national de la République slovaque relative à la signalisation des communes dans les langues des minorités nationales.

La République slovaque, en tant qu’Etat multiethnique, construit selon le principe civique, n’est pas favorable à une compréhension collective des droits des personnes appartenant aux minorités nationales, mais elle est partisane des droits individuels, car seule la liberté de l’individu peut être le garant d’un Etat libre. Il s’agit avant tout du développement des droits individuels, de l’assurance d’un développement complet de l’identité nationale spécifique à tout citoyen de la République slovaque, sans considération d’appartenance ethnique, de religion, etc. Le règlement juridique de la République slovaque assure toutes les conditions nécessaires à la possibilité de travailler politiquement, de développer sa culture et de s’instruire.

Dans ce contexte, je voudrais mentionner que, dans la mise en place de la nouvelle organisation territoriale et administrative du pays, est appliqué le principe civique et que celui-ci est fondé sur les caractéristiques historiques des régions, tenant compte des aspects géographiques, culturels et socio-économiques spécifiques, permettant une étroite coopération des habitants sans égard à la différence de nationalités. Notre effort est de créer surtout des ensembles territoriaux économiquement efficaces dans le cadre desquels nous soutiendrons l’esprit de coopération, de cohabitation, ainsi que les droits permettant à chacun de se réaliser pleinement. L’application de tels critères formulés dans le projet de l’organisation de l’administration locale et régionale a été appréciée aussi par les experts du Conseil de l’Europe, selon lesquels le principe ethnique ne devrait pas être un critère décisif dans la formation des domaines d’autonomie locale du deuxième niveau. J’ai évoqué cette question, car elle résulte des recommandations du Conseil de l’Europe.

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, la République slovaque se félicite de la décision du Sommet de Vienne du Conseil de l’Europe d’entrer dans le processus d’une orientation qualitativement nouvelle de la codification juridique internationale des droits des personnes appartenant aux minorités nationales sous la forme de l’établissement d’une convention-cadre relative aux minorités nationales. Nous sommes convaincus que l’élaboration de cette convention sera bientôt terminée, que celle-ci, établie au Conseil de l’Europe et soutenue par les pays membres, représentera la norme européenne.

Nous comprenons cette norme comme obligatoire pour les pays qui y souscriront et elle sera une preuve pour les minorités nationales de la mesure de la protection des minorités, possible et acceptable pour les pays européens. Je souligne cet aspect car, dans les rapports entre l’Etat et la minorité, plusieurs minorités éventuellement, un certain équilibre doit être maintenu, un équilibre que la convention-cadre devrait respecter. Toute violation de cet équilibre – due au non-respect des droits des personnes appartenant à une minorité nationale par l’Etat ou à des revendications exagérées et sans cesse croissantes de la minorité – pourrait conduire, surtout dans les petits pays, à une déstabilisation politique.

Je suis d’avis qu’à l’obligation de l’Etat d’assurer convenablement et dans le cadre de ses possibilités socio-économiques la protection et le développement de l’identité des minorités nationales correspond le droit de l’Etat d’attendre un comportement loyal de la part des membres des minorités nationales. Seule la confiance mutuelle peut être la garantie d’une vie riche de la minorité nationale. Pour nous, toute minorité nationale résidant sur le territoire de la République slovaque représente un enrichissement important pour le patrimoine culturel de notre société construite selon le principe civique. Les droits généreusement garantis et surtout le degré de conscience élevé des différentes minorités en Slovaquie créent de très bonnes conditions pour que notre pays devienne l’exemple d’une société multiethnique européenne moderne.

La République slovaque est Partie contractante à plusieurs conventions importantes du Conseil de l’Europe, et le Gouvernement de la République slovaque suit avec beaucoup d’attention l’application et l’accomplissement des conséquences juridiques et pratiques résultant des différentes conventions.

Sa volonté d’assurer pleinement le respect des droits de l’homme, la République slovaque l’a affirmé par la signature et la ratification du Protocole n° 11 à la Convention européenne des Droits de l’Homme. Notre république, qui a ratifié ce protocole en tant que deuxième Etat membre du Conseil de l’Europe, a fait savoir son soutien et son accord à la réforme du mécanisme de contrôle du respect des droits de l’homme.

Un office de représentants de la République slovaque devant la Commission et la Cour européennes des Droits de l’Homme a été créé. Actuellement, nous recherchons des possibilités pour assurer l’application des dispositions de la Convention européenne des Droits de l’Homme pour prévenir la torture et les traitements inhumains, et la coopération avec le Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du Conseil de l’Europe.

Actuellement, l’examen de l’adhésion de la République slovaque aux autres conventions du Conseil de l’Europe et l’harmonisation progressive des mesures législatives avec les normes juridiques internationales constituent l’activité principale en matière de droit international. Nous poursuivons la ratification de la Charte sociale européenne, nous examinons les possibilités d’adhésion de la République slovaque à la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, à la Charte européenne des autonomies locales, à la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière et à d’autres conventions.

La diversité des activités et la solution commune des problèmes de coopération européenne au sein du Conseil de l’Europe permettent aux experts de la République slovaque de participer à la préparation des conventions et des documents internationaux, et à la coopération multilatérale européenne structurée.

Nous apprécions le projet d’aide aux pays d’Europe centrale et orientale et les moyens financiers généreux permettant la rencontre des experts au Conseil de l’Europe et la participation des différents pays membres aux échanges de vues et à la solution des problèmes d’intérêt commun dans les domaines du droit, de la culture et de la protection du patrimoine culturel, des médias, de la santé, de l’environnement, des autorités locales et régionales. Ces rencontres prennent la forme de séminaires, conférences ou visites d’experts du Conseil de l’Europe dans les différents ministères de la République slovaque.

La République slovaque apprécie beaucoup la possibilité de participer aux activités du Conseil de l’Europe. Les autorités de l’Etat accueillent volontiers l’aide qu’apportent les experts du Conseil de l’Europe dans la solution de nos problèmes législatifs dans le cadre du système juridique européen, ce qui doit renforcer aussi nos institutions démocratiques.

La fin de la situation de bipolarisation de l’Europe a donné au Conseil de l’Europe l’occasion historique de contribuer à la consolidation de la démocratie et au soutien des processus de réforme dans les pays d’Europe centrale et orientale. De nos jours, il n’y a plus de raisons de diviser artificiellement le continent, et la réunification de l’Europe devient une nécessité sur les plans politique et économique. La République slovaque considère, dans ce contexte, comme une tâche importante du Conseil de l’Europe son ouverture plus large aux nouveaux membres, sachant que la procédure d’adhésion des candidats devrait correspondre aux critères fondés sur les principes et les objectifs du Conseil. Dans ce sens, nous sommes prêts à contribuer au soutien des efforts des pays candidats.

Monsieur le Président de l’Assemblée parlementaire, Monsieur le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, Messieurs les délégués de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Mesdames, Messieurs, permettez-moi en conclusion d’exprimer ma reconnaissance pour le soutien apporté par le Conseil de l’Europe et par son Assemblée parlementaire à la République slovaque dans son processus de transformation profonde qui concerne tous les domaines de la vie politique et sociale.

La République slovaque voit dans le Conseil de l’Europe une organisation internationale multilatérale dont les membres sont unis par le respect des droits de l’homme et par le développement d’idéaux et de principes communs, par le renforcement de la démocratie pluraliste, par la solution des problèmes d’intérêt commun, et elle apprécie hautement sa mission irremplaçable dans le processus de réunification de l’Europe grâce à la coopération intergouvernementale et interparlementaire.

La République slovaque en tant qu’Etat indépendant existe depuis un peu moins de deux ans et elle doit – en dehors de toutes les démarches de transformation nécessaires aux anciens pays communistes – faire encore un travail considérable pour la construction et le bon fonctionnement de ses institutions de l’Etat. Mais nous sommes résolus à accomplir les deux tâches de manière à ce que notre pays soit un membre fiable et digne de la grande famille de l’Europe.

Je suis heureux d’avoir eu l’honneur d’exprimer devant cette Assemblée la conscience de la République slovaque d’appartenir au patrimoine européen.

Merci de votre attention. (Applaudissements)

LE PRÉSIDENT (traduction)

Merci, Monsieur le Président. Nous avons suivi vos propos avec une attention toute particulière. Nous attendons beaucoup des engagements pris par votre pays et nous avons été heureux d’apprendre qu’il ratifiera bientôt certains des documents fondamentaux du Conseil de l’Europe.

Un certain nombre de membres de l’Assemblée ont exprimé le désir de vous poser des questions. Je tiens à leur rappeler qu’ils disposent pour ce faire de trente secondes. Après la réponse du Président, ils pourront poser une question supplémentaire, pour laquelle je leur demande d’être brefs. La parole est à M. Szymanski.

M. SZYMANSKI (Pologne) (traduction)

Le passage d’une économie planifiée et centralisée à une économie de marché suppose que les entreprises changent de mains. Il faut programmer le développement du secteur privé pour lui assurer la suprématie dans l’économie nationale. Je sais que le Gouvernement slovaque a décidé d’accélérer le processus de privatisation, notamment par des mesures grâce auxquelles plus de la moitié des entreprises nationalisées relèveront du secteur privé à la fin de la deuxième vague de privatisation par coupons. J’aimerais savoir comment se déroule cette deuxième vague de privatisation.

M. Kováč, Président de la Slovaquie (interprétation)

rappelle que le secteur privatisé représente déjà 40% du PIB slovaque. Le gouvernement prépare une seconde vague de privatisation pour la première moitié de 1995, ce qui portera la participation du secteur privé à 60% du PIB. A ce stade, le processus se poursuivra encore. La société slovaque tout entière, à quelques rares exceptions près, est en faveur de cette évolution. Le gouvernement a l’intention de privatiser toutes les sociétés d’Etat et prépare activement le cadre juridique nécessaire.

M. TROJAN (République tchèque) (traduction)

Il y a deux ans, notre république commune de Tchécoslovaquie a été divisée entre la République tchèque et la République slovaque. La scission s’est faite pacifiquement et sans difficultés majeures; force est cependant de reconnaître qu’elle a eu, pour les deux nouveaux pays, certaines conséquences négatives, d’ordre économique notamment. J’aimerais savoir, Monsieur le Président, où en est la coopération économique entre la République tchèque et la Slovaquie, d’une part, et entre les deux républiques et les autres pays d’Europe centrale et orientale, d’autre part; quelles sont, selon vous, les possibilités de développer cette coopération?

M. Kováč, Président de la Slovaquie (interprétation)

reconnaît que la scission des deux républiques a été suivie de certaines difficultés dans les domaines du commerce et de la balance des paiements. Ces difficultés avaient d’ailleurs été prévues. Mais, depuis lors, deux monnaies distinctes ont été créées et, deux mois après la scission, la situation s’était déjà stabilisée. Le commerce connaît un certain développement même si des difficultés et fluctuations subsistent, notamment dans les relations douanières.

Quoi qu’il en soit, pour la partie slovaque, la coopération avec la République tchèque est tout à fait prioritaire et elle entend poursuivre l’union douanière et la coopération. C’est d’ailleurs l’intérêt commun aux deux parties puisque celles-ci étaient liées dans le passé par des relations économiques étroites. Ces données historiques permettent d’espérer qu’on en arrivera à un bon niveau de coopération.

Concernant la coopération avec les autres pays d’Europe centrale et orientale, M. Kovac rappelle que l’accord du groupe de Visegrad permet entre ces pays, des échanges commerciaux et une coopération économique. Bien que ce groupe ne tienne pas à instituer cette coopération, celle-ci reste cependant utile et, lors de la dernière réunion, tenue en République slovaque, chacun des membres du groupe a confirmé sa volonté de poursuivre.

M. MARUFLU (Turquie) (traduction)

Au nom de la délégation turque, je vous remercie, M. Kovac, de votre exposé très clair et très complet. Pendant trois ou quatre ans nous avons été témoins de grands bouleversements historiques en Europe, puisque les pays d’Europe centrale et orientale ont opéré avec succès leur passage vers la démocratie. Nous avons également été heureux d’apprendre que, grâce à un processus approprié, la jeune République slovaque a trouvé sa place dans notre maison européenne commune et qu’elle a pu asseoir sa position. Selon vous, comment les organisations européennes pourraient-elles contribuer à transformer l’Europe centrale et orientale en une zone de paix et de sécurité dans le continent?

M. Kováč, Président de la Slovaquie (interprétation)

déclare apprécier les efforts des pays d’Europe occidentale et du Conseil de l’Europe pour aider la République slovaque. Certaines possibilités n’ont toutefois pas encore été explorées suffisamment, notamment en vue de l’harmonisation législative. Des solutions que l’on ignore existent parfois déjà.

M. KILIÇ (Turquie) (traduction)

Pensez-vous, Monsieur Kovac, qu’une coopération régionale fructueuse soit de nature à favoriser l’intégration des pays d’Europe centrale et orientale dans les nouvelles structures européennes?

M. Kováč, Président de la Slovaquie (interprétation)

répond positivement et fait allusion à une rencontre des présidents des pays d’Europe centrale et orientale qui vient d’avoir lieu sur ce thème. Il considère que ce type de coopération favorise le changement, l’intégration, ainsi que la solution des problèmes sociaux et économiques.

M. LAANOJA (Estonie) (traduction)

Lors de la conférence des Nations Unies qui s’est tenue au Caire le mois dernier, les représentants de la Slovaquie ont vivement appuyé la position du Saint-Siège contre la contraception et la libéralisation de l’avortement. Pensez-vous que la République slovaque soit en mesure d’adopter un point de vue plus tolérant, ou du moins plus souple, sur ce sujet délicat, directement lié aux droits de l’individu, et plus particulièrement à ceux de la femme?

M. Kováč, Président de la Slovaquie (interprétation)

estime que la délégation de son pays a fait preuve d’une certaine souplesse. Il rappelle que la population slovaque est essentiellement catholique, de rite romain et de rite grec. L’attitude prise au Caire reflète ses positions.

M. SPACEK (République tchèque) (traduction)

Cette année, la vie politique en Slovaquie a été affectée par la tenue des élections générales d’où aucun parti n’est sorti clairement victorieux. Vous avez entrepris de difficiles négociations pour parvenir à constituer un nouveau gouvernement. Envisagez-vous la possibilité de former une large coalition afin d’aplanir les tensions qui s’étaient fait jour par le passé?

M. Kováč, Président de la Slovaquie (interprétation)

indique que les élections ont effectivement montré la nécessité d’une coalition. Il estime qu’il faut toutefois des garanties pour que cette coalition puisse continuer la politique des gouvernements précédents.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Monsieur Spacek, désirez-vous poser une question supplémentaire?

M. SPACEK (traduction)

Je ne désire pas poser de question, mais, au nom de la délégation tchèque, je souhaite un plein succès au Président Kovac et à la Slovaquie.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Nous nous associons tous à ce vœu émis par la délégation tchèque. La parole est à M. Jaskiernia.

M. JASKIERNIA (Pologne) (traduction)

A votre avis, la sécurité en Europe devrait-elle plutôt reposer sur le processus de la CSCE ou sur les structures de l’Otan? J’aimerais également savoir comment vous appréhendez le «partenariat pour la paix».

M. Kováč, Président de la Slovaquie (interprétation)

déclare que la position de son pays ne diffère pas de celle de la Pologne ou de la Hongrie. Il estime que l’adhésion de ces pays à l’Otan ne doit pas être conditionnée par une adhésion préalable à l’Union européenne. Il ajoute que la République slovaque a été associée au projet de partenariat pour la paix et qu’un document qui sera soumis à l’Otan est actuellement en préparation.

M. JASKIERNIA (traduction)

La Slovaquie a-t-elle été invitée à participer à l’opération Haïti? Quel est son sentiment à cet égard?

M. Kováč, Président de la Slovaquie (interprétation)

déclare que l’offre a été faite et acceptée. Actuellement des négociations sont en cours sur des questions d’application technique.

M. BRUGGER (Italie) (traduction)

Monsieur le Président, en tant que membre d’une minorité ethnique – je suis originaire du Tyrol du Sud – j’ai écouté avec une attention toute particulière vos observations concernant les minorités nationales en Slovaquie. Ne pensez-vous pas que, partout où les minorités ethniques forment la majorité, seule une large autonomie territoriale pourrait permettre de résoudre leurs problèmes?

M. Kováč, Président de la Slovaquie (interprétation)

se demande ce qu’il adviendrait de la nation slovaque et des citoyens slovaques si l’on s’engageait dans cette voie. Il faut songer à promouvoir les droits individuels avant les droits collectifs. Il n’y a pas en Slovaquie de zone ou de territoire où les Hongrois, ou telle ou telle minorité, seraient nettement majoritaires et il n’y a pas de raison de sacrifier la majorité des citoyens aux exigences des minorités.

La politique slovaque consiste à favoriser la coexistence entre Slovaques et citoyens appartenant à des minorités, tout en renforçant l’autonomie locale. C’est ainsi qu’on pourra mieux garantir les droits des minorités.

M. BRUGGER (traduction)

Monsieur le Président, l’exemple du Tyrol du Sud montre bien qu’il est tout à fait possible – bien que de manière un peu moins complète – de protéger les minorités à l’intérieur d’une entité territoriale autonome, sans pour autant traiter plus mal les ressortissants nationaux. C’est pourquoi je suis d’avis que, dès lors que l’on parle de protection de groupes de personnes ou de protection collective de ces minorités, on ne peut pas se contenter de veiller uniquement à la protection des droits des individus.

M. Kováč, Président de la Slovaquie (interprétation)

apprécie les résultats de la politique qui vient d’être évoquée mais estime qu’elle déstabiliserait son pays si elle était appliquée en Slovaquie.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Monsieur le Président, je vous remercie de votre exposé, ainsi que d’avoir si aimablement répondu aux questions de l’Assemblée. Vos remarques finales sont très importantes. Si la Slovaquie signe et ratifie la Charte de l’autonomie locale, elle pourra trouver des solutions aux problèmes que vous avez évoqués. Cette charte est souvent méconnue; elle est pourtant, avec la Convention européenne des Droits de l’Homme et la Charte sociale européenne, un instrument majeur du Conseil de l’Europe.

Je vous remercie de vos observations qui nous seront précieuses. L’Assemblée se souviendra longtemps de votre visite et tient à vous assurer qu’elle est à présent mieux à même de comprendre la position de la Slovaquie et d’apprécier la contribution que votre pays peut apporter aux travaux et aux activités du Conseil de l’Europe.