Henri

Grand-duc de Luxembourg

Discours prononcé devant l'Assemblée

lundi, 22 avril 2002

Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames, Messieurs les parlementaires, Excellence, Mesdames, Messieurs, c’est un grand honneur et un plaisir tout particulier, à quelques jours du début de la présidence luxembourgeoise du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, qu’il m’est donné de m’adresser à cette auguste Assemblée d’élus représentant la «Grande Europe», réunis ici sous la coupole de l’aînée de nos institutions européennes.

Depuis plus d’un demi-siècle, les activités du Conseil de l’Europe ont contribué de manière déterminante à façonner le renouveau et le développement de notre continent. Au commencement fut l’idée européenne: elle marqua le début d’une ère nouvelle, traduisant les convictions les plus nobles de ses fondateurs. L’idée prit corps, car elle était tournée vers l’avenir, se proposant d’apprendre du passé et ayant comme ambition première de mettre fin à la violence et à l’horreur qui avaient marqué l’histoire européenne. Elle insuffla au Vieux Continent un cœur et une âme.

Notre foi inébranlable en l’Europe, nous la tenons de cette génération courageuse et visionnaire de femmes et d’hommes qui, ayant eux-mêmes vécu l’indicible, décidèrent d’œuvrer pour que de telles horreurs ne puissent plus jamais se reproduire et entreprirent la réconciliation d’abord, la réforme des mentalités ensuite.

L’idée européenne fut une, mais elle ne fut pas indivisible. Elle devint peu à peu multiforme et se développa selon une géométrie variable dans le cadre de plusieurs organisations qui virent le jour dans les années 1950 et qui mettaient l’accent sur un domaine donné ou sur une forme plus particulière de dialogue et de coopération. Pendant quatre décennies, cette évolution se limita à la moitié occidentale de notre continent.

Monsieur le Président, à y réfléchir et à y regarder de plus près, les valeurs promues par le Conseil de l’Europe relèvent de l’universel et, de ce fait, sous-tendent dès l’origine l’action unificatrice européenne.

Rassemblant les démocraties occidentales pendant presque quarante ans, le Conseil de l’Europe vivait sa vie institutionnelle à sa manière, sans histoires et même, si je puis dire, plutôt replié sur lui-même. Muni de ses préceptes, il évoluait en définissant de nombreuses bonnes pratiques et en élaborant des instruments juridiques qui s’avéraient, et s’avèrent toujours, d’une grande pertinence pour le développement des sociétés des Etats membres. Cela étant, le Conseil vivait à l’ombre de la formidable dynamique d’intégration économique, puis aussi politique et institutionnelle, qui réunissait une partie de ses membres dans le cadre de la Communauté européenne, devenue l’Union européenne.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle d’aucuns, y compris à l’intérieur même de l’Organisation, se posent la question de l’avenir du Conseil de l’Europe au fil du renforcement permanent et des élargissements successifs de sa sœur cadette.

En fait, les deux institutions sont et resteront, j’en suis convaincu, des émanations fortes et originales des idées qui ont fondé le renouveau de l’ordre européen. Toutes deux œuvrent en faveur d’un espace européen où les droits de la personne sont protégés et où est mis en œuvre un ordre juridique commun visant à assurer la paix, la liberté, la justice, la sécurité et la stabilité. Ce faisant, elles se renforcent et se complètent mutuellement. C’est la méthode choisie qui les distingue.

Les normes fondamentales qui dictent l’action du Conseil de l’Europe sont pérennes et immuables. Elles tiennent leur légitimation directement de l’obligation, qui est aussi l’ambition première des Etats de droit et des démocraties pluralistes, de garantir à l’ensemble de leurs populations, et à chaque Européen individuellement, le meilleur cadre possible pour s’épanouir en rendant leurs sociétés plus justes et plus respectueuses des droits et des libertés d’autrui.

Grâce à l’action dévouée et sans relâche du Conseil de l’Europe, ces normes ont connu un affinement constant. La démarche est marquée par la recherche délibérée du passage au niveau toujours plus élevé. Ainsi le corps normatif de l’Organisation et, partant, celui de ses Etats membres, se transforme au fur et à mesure en un tissu qui enveloppe et protège en les nourrissant les domaines les plus variés de la vie de nos sociétés modernes.

A l’image de la Convention européenne des Droits de l’Homme, fixant dès l’origine des minimums, ambitieux en eux-mêmes, de protection des droits de la personne et de l’action de sa Cour européenne des Droits de l’Homme qui encouragent en permanence des améliorations, l’Organisation tout entière est vouée à l’amélioration de la gestion de la chose publique dans ses Etats membres.

Sur arrière-fond de la protection première de ces droits fondamentaux et inaltérables, le Conseil de l’Europe s’investit en toute logique dans les secteurs de nos sociétés qui sont les plus porteurs d’avenir, tels que le domaine social, l’éducation, la culture, la jeunesse, les sports et l’environnement.

Ce qui m’attire le plus dans la façon d’être du Conseil de l’Europe, c’est sa foi en l’avenir et son opiniâtreté à croire dans le meilleur de l’homme. Etrangère au domaine du purement spectaculaire, la plus ancienne organisation politique de notre continent est une force tranquille œuvrant pour le bien de tous. Patiente et persévérante, elle réunit toutes les qualités d’un bâtisseur, et ce, depuis plus d’un demi-siècle. Son avantage réside dans la persuasion, le dialogue, la coopération et l’assistance.

Que le Conseil de l’Europe vérifie régulièrement le respect des engagements que ses Etats membres ont librement souscrit lors de leur adhésion me semble être une de ses qualités essentielles. Le monitoring est une activité transversale fondamentale qui relève de la certitude que tous les Etats sont faillibles et que des réformes peuvent, à un moment ou à un autre, s’imposer à tous. Le grand-duché a, lui aussi, procédé plus d’une fois à des réformes sur la base des travaux du Conseil de l’Europe et d’arrêts de la Cour européenne des Droits de l’Homme.

La variété et les rôles complémentaires des organes statutaires contribuent à l’originalité du Conseil de l’Europe en ce qu’ils constituent, sur le plan intra-institutionnel, une traduction effective des principes et des structures démocratiques que l’institution préconise vers l’extérieur.

La somme des activités des organes constituants fait la richesse et la force de l’Organisation. Cela étant, je tiens à rendre hommage au rôle de témoin des droits de l’homme et de la démocratie, et à la fonction d’impulsion politique de l’Assemblée parlementaire; à l’action de mise en valeur – par le truchement du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe – de l’apport des villes et régions dans l’échafaudage continental; à la défense des droits de la personne humaine par le biais des juges de la Cour européenne des Droits de l’Homme et par l’action du commissaire aux droits de l’homme; à l’engagement dont font preuve les organes spécialisés, à l’image de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance et du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants; à la gestion des affaires politiques par le Comité des Ministres; à la contribution des conférences des ministres spécialisés en vue de solutions à apporter aux problèmes de société qui se posent à nous tous; aux comités directeurs et aux autres réunions d’experts tissant un large réseau de contacts et d’échanges au plan européen.

Le Luxembourg, qui est fier d’avoir été un pays fondateur européen à plus d’un titre, s’est, depuis toujours, senti à l’aise au sein de cette grande famille démocratique et respectueuse de la prééminence du droit, où tous les Etats sont représentés sur un pied d’égalité. Il s’est en conséquence investi, en tant que partenaire engagé, dans la recherche d’une Europe toujours plus unie autour des mêmes grandes valeurs et des mêmes objectifs fondamentaux.

C’est cette démarche qui a amené le Gouvernement luxembourgeois à placer le semestre de présidence du Comité des Ministres de votre institution sous le thème de la bonne gouvernance.

Mon pays s’est réjoui, avec ses partenaires de la première heure, des premiers élargissements du Conseil de l’Europe, puis de son ouverture aux nouvelles démocraties qui souhaitaient rejoindre l’institution dans la foulée des grands bouleversements de la fin des années 1980.

Qui ne se rappelle encore, à ce sujet, dans ce même bâtiment, dans ce même hémicycle, l’évocation, par le Président Gorbatchev, de la «Maison commune européenne»? N’est-il pas vrai que, grâce au Conseil de l’Europe, l’édifice se construit progressivement, pierre par pierre, sur la base des textes fondateurs de l’Organisation et de son large dispositif conventionnel, pour réaliser l’Europe sans clivages, que l’Organisation a célébrée lors de son 50e anniversaire, à Budapest, en mai 1999?

Sa transformation fondamentale en une grande aventure paneuropéenne mise en route dans la foulée du 1er Sommet du Conseil de l’Europe, à Vienne en 1993, et confirmée par le 2e Sommet de 1997, a déjà porté ses fruits. Sur la base de l’expérience acquise, elle a enrichi les anciens membres et donné espoir et perspectives d’avenir aux nouveaux.

Le plus frappant dans l’histoire récente de l’institution, et qui confirme son rôle et son dévouement dans la réconciliation et la construction européenne, est qu’elle a eu le courage, la volonté politique et la capacité de s’ouvrir à des Etats en proie à des difficultés internes ou sortant de querelles intestines et de conflits fratricides afin de leur prêter main-forte de l’intérieur.

L’adhésion de la Bosnie-Herzégovine, prévue dans le courant de cette semaine, en est un exemple tangible et bienvenu, que nous tenons à saluer chaleureusement en souhaitant à ce nouvel Etat membre que la chance lui sourie enfin, à l’aube de son intégration dans l’Europe.

Monsieur le Président, si j’ai pu m’exprimer à cette tribune aujourd’hui en tant que chef d’un Etat qui vit la construction européenne au quotidien, en constatant les bénéfices de paix, de stabilité, de sécurité et de prospérité qu’elle engendre et dont l’engagement pour l’Europe relève de la plus pure des convictions, c’était aussi pour marquer, du fond du cœur, le plein attachement du Luxembourg et de sa population tout entière aux valeurs et aux objectifs du Conseil de l’Europe.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Je vous remercie, Altesse, pour ce discours fort intéressant ainsi que pour le soutien que vous avez exprimé au sujet des activités du Conseil de l’Europe. Nous partageons entièrement votre point de vue selon lequel cette organisation paneuropéenne ne perdra pas sa raison d’être, même après l’élargissement de l’Union européenne. La caractéristique principale du Conseil, c’est que tous ses Etats membres peuvent y travailler sur un pied d’égalité, ce qui contribue assurément à éviter que n’apparaissent de nouvelles lignes de démarcation sur le continent européen. Il se dégage, tant du discours que vous venez de prononcer que des entretiens privés que nous avons eus, un profond intérêt pour notre Organisation. Nous sommes heureux de voir que nous pourrons compter sur votre soutien lorsque sera venu, pour le Luxembourg, le moment d’assurer la présidence du Comité des Ministres.

Nous en arrivons à présent à ce que l’on pourrait qualifier de «première parlementaire». Son Altesse royale a, à titre exceptionnel, accepté de répondre aux questions des présidents des groupes politiques. La parole est à M. Davis, au nom du Groupe socialiste.

M. DAVIS (Royaume-Uni) (traduction)

Merci beaucoup, Altesse, pour ce discours au cours duquel vous avez, notamment, évoqué l’élargissement du Conseil de l’Europe. Il est assurément exact que le Conseil de l’Europe s’est considérablement élargi au cours de ces dernières années, puisqu’il est passé de vingt-trois Etats membres en 1989 à quarante-quatre aujourd’hui, avec l’adhésion, cette semaine, de la Bosnie-Herzégovine. Vous avez également évoqué les valeurs de notre Organisation. Selon certains, cet élargissement n’a été possible qu’en abaissant les normes du Conseil; d’autres réfutent une telle allégation. J’aimerais connaître votre point de vue sur cette question.

Son Altesse Royale, Grand-duc de Luxembourg

Il convient de se référer à l’historique du Conseil de l’Europe, première institution à avoir été fondée après la guerre pour assurer la paix en Europe occidentale. Malheureusement, à cette époque, la partie «Est» de notre continent était sous le régime que nous connaissons tous et il était alors impossible de l’intégrer. A la suite des bouleversements extrêmes intervenus à la fin des années 1980, cette approche fut permise. Au cours des vingt dernières années, le Conseil de l’Europe a réalisé un travail remarquable en essayant d’intégrer quasiment tous les pays de l’Europe de l’Est au sein de cette Assemblée.

Il est essentiel pour l’ensemble du continent européen qu’il puisse trouver un lieu où les fondements de la démocratie soient respectés et où les droits de l’homme soient justement présentés. Ainsi, les nouvelles démocraties pourront apprendre de l’Europe ce que nous avons pu apprendre depuis plus de cinquante ans et profiter de notre expérience, afin que, elles aussi, trouvent leur place et que, après tant de siècles de malheurs et de guerres, nous puissions vivre sur un continent qui formera l’Europe et qui ira, comme disait le général de Gaulle, jusqu’à l’Oural.

M. VAN DER LINDEN (Pays-Bas) (traduction)

Je vous remercie, Altesse, pour cette allocution fort encourageante. Vous avez souligné le rôle du Conseil de l’Europe en tant que communauté de valeurs. L’Organisation a fait œuvre pionnière dans le domaine de la biomédecine en adoptant la Convention d’Oviedo sur les droits de l’homme et la biomédecine et ses protocoles additionnels. Pensez-vous que cette démarche normative établit un bon équilibre entre le principe immuable de la dignité humaine et les possibilités offertes par le progrès scientifique?

Son Altesse Royale, Grand-duc de Luxembourg

Effectivement, la médecine, et la science en général, ont accompli des progrès absolument extraordinaires ces dernières années. Comme pour tout développement dans les nouvelles technologies, il faut veiller à la dignité de l’homme, qui est essentielle. Nous avons, dans tous nos parlements, des commissions d’éthique qui étudient l’évolution des sciences médicales.

Vous avez décidé d’interdire le clonage humain. A mon avis, c’est une très sage décision. On ne peut imaginer de créer une «race» humaine uniforme sans disparités. Ce serait bien triste.

Evidemment vous discuterez de tout le développement de la génétique et de l’embryon humain. Vous vous penchez sur tout cela avec une grande sagesse. Je lis souvent vos documents sur ces sujets. Vous louvoyez extrêmement bien entre les difficultés éthiques et morales, et l’évolution de la science. Nous pouvons compter sur votre sagesse pour donner des avis aux membres de votre Assemblée. J’espère qu’ils suivront vos recommandations.

M. EORSI (Hongrie) (traduction)

Je tiens, à mon tour, à remercier Son Altesse royale de nous avoir fait part de son point de vue sur les valeurs de cette Assemblée, qui nous tiennent tant à cœur. Ma question a trait à l’une de nos valeurs fondamentales. C’est en 1994 que l’Assemblée a adopté sa première recommandation en faveur de l’abolition de la peine de mort, recommandation qui a débouché sur l’élaboration du Protocole no 6 à la Convention européenne des Droits de l’Homme concernant l’abolition de la peine de mort en temps de paix. Dans quelques jours, le Protocole no 13, abolissant la peine de mort en toutes circonstances, sera ouvert à la signature à Vilnius. J’aimerais savoir si cela constitue pour vous un motif de satisfaction et de fierté. Pensez-vous que l’Europe, et plus particulièrement la Grande Europe, a fait progresser la civilisation européenne dans le monde et, dans l’affirmative, de quelle manière?

Son Altesse Royale, Grand-duc de Luxembourg

La philosophie première du Conseil de l’Europe est la protection et le respect de la personne humaine, la protection de la dignité humaine et de la vie tout court. Heureusement que vous avivez cette philosophie. Depuis 1994, elle a permis d’avancer considérablement sur le chemin de l’abolition totale de la peine de mort.

Je suis pour la vie. L’homme ne peut pas détruire l’homme, quelles que soient les circonstances. Des pays membres de votre Assemblée sont sur le point d’arriver à l’abolition. J’en suis heureux. Dans les mois et les années à venir, l’ensemble de l’Europe aura enfin renoncé à l’anéantissement d’un être humain.

Les conclusions du Conseil de l’Europe en ce domaine sont un exemple pour le monde. La peine de mort, punition extrême, n’est pas une solution. Elle ne va pas dans le sens des droits de l’homme. En plus elle n’empêche pas que des actes criminels soient commis. Depuis que la plupart de nos pays ont supprimé la peine capitale, il n’y a pas eu de changements dramatiques. C’est le cas également dans d’autres continents. Je vous soutiens complètement car l’exemple que vous apportez au monde est extrêmement bénéfique. Il va dans le sens d’une amélioration de la société mondiale.

M. ATKINSON (Royaume-Uni) (traduction)

Nous avons tous grandement apprécié l’allocution que Son Altesse royale a prononcée devant cette Assemblée. Le Luxembourg a le produit intérieur brut par habitant le plus élevé de tous les pays membres de l’OCDE. En un mot, votre pays est le plus prospère du monde. J’aimerais connaître votre secret...

Son Altesse Royale, Grand-duc de Luxembourg (traduction)

Souhaitez-vous une réponse ou une recette?

(L’orateur poursuit en français) Il faut voir le Luxembourg comme une région. Il y en a d’autres beaucoup plus riches, Bruxelles, Paris, l’Ile-de- France, Londres. Nous avons réussi à créer un environnement économique fort grâce à la chance, certes, mais aussi grâce à notre travail. Une telle situation attire énormément de gens bien sûr. Nous nous considérons comme le centre économique d’une région: plus de 100 000 frontaliers viennent travailler chaque jour chez nous.

Nous n’avons pas de secret, seulement une bonne «gouvernance». Moi-même, durant les vingt dernières années, avant d’avoir mes responsabilités actuelles, j’ai été président du comité de développement économique. J’ai voyagé dans le monde entier pour diversifier l’économie luxembourgeoise, attirer de nouvelles entreprises chez nous et vendre nos produits dans le monde. Je connais bien ce domaine des échanges. Durant mes voyages, j’insistais toujours sur la spécificité luxembourgeoise, sur le fait que le Luxembourg, pays qui se trouve au centre de l’Union européenne, est un pays politiquement et socialement stable, avec un consensus social très fort.

Comme la situation économique est bonne, nous avons attiré de grandes entreprises.

On affirme toujours que la place financière a fait la richesse du Luxembourg. Ce n’est pas vrai. Jusqu’aux années 1860-1870, notre pays était extrêmement pauvre. Un tiers de la population est parti pour les Etats-Unis et le Brésil. Heureusement, nous avons trouvé du minerai de fer au sud. Il en est résulté la révolution industrielle et la richesse en découlant.

Puis nous avons diversifié. Il y a eu la crise de la sidérurgie et on a essayé de faire en sorte que d’autres entreprises viennent s’installer. Enfin on a créé la place financière, en essayant d’être compétitifs, de trouver des niches.

A été mise en place une compagnie de satellites, aujourd’hui la première au monde. De même, on a créé une sidérurgie qui, grâce aux synergies de différentes compagnies, est devenue elle aussi la première au monde.

Petit pays, nous nous efforçons malgré tout d’être compétitifs par rapport aux autres.

Nous faisons notre travail et il y a parfois un peu de jalousie à notre égard parce que nous avons obtenu une grande réussite. Il ne faut pas se polariser sur le fait que le Luxembourg est le pays le plus riche de l’Union européenne. Lui-même participe énormément à l’aide au développement et il verse une part importante de nos contributions. Il faut considérer le Luxembourg plutôt comme une région.

M. LAAKSO (Finlande) (traduction)

Il y a peut-être un secret. J’éviterai toutefois de poser la question de celui des comptes bancaires étrangers au Luxembourg... En revanche, j’aimerais savoir si vous pensez que l’économie libre de marché est apte à se réguler elle-même tout en garantissant la justice et la cohésion sociale.

Son Altesse Royale, Grand-duc de Luxembourg

L’individu est au centre des valeurs européennes. C’est la grande différence entre ce que nous faisons en Europe et ce qui se passe dans d’autres démocraties, par exemple aux Etats-Unis. Si nous livrions nos économies entièrement au marché, cela ne marcherait pas. On l’a vu avec quelques gouvernements de certains pays européens. Il y a eu des difficultés. Une présence du gouvernement dans différents domaines peut être bénéfique. Nous ne pouvons certainement pas laisser la liberté totale à l’économie.

Nous avons développé en Europe un consensus social. Je dirai, pour reprendre l’exemple luxembourgeois, que lors de la crise de la sidérurgie dans les années 1970, le gouvernement a créé une institution, «la tripartite», à laquelle participaient les membres du gouvernement, les syndicats et le patronat. Grâce à elle, la restructuration de la sidérurgie a pu se faire sans grèves, sans chômage, sans licenciements massifs, dans le consensus. Voilà un exemple frappant qui montre bien que l’on peut réussir à allier, dans nos pays, la liberté économique et une présence dans les structures gouvernementales.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Je vous remercie, Altesse. Ainsi s’achève notre dialogue avec Son Altesse royale, le grand-duc Henri de Luxembourg. Vos applaudissements, mes chers collègues, traduisent l’hommage que vous rendez à notre hôte pour son exposé et pour les réponses qu’il a apportées à vos questions. Merci beaucoup, Altesse, pour être venu à Strasbourg et pour avoir accepté de répondre aux questions des parlementaires.