Traian

Băsescu

Président de la Roumanie

Discours prononcé devant l'Assemblée

jeudi, 27 janvier 2011

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, j’ai accepté avec plaisir votre invitation pour réaffirmer l’importance que nous accordons au Conseil de l’Europe, et cela à un moment où des débats cruciaux se tiennent sur son avenir.

Le Conseil de l’Europe peut être fier de son excellente image. Le respect des valeurs promues et défendues par le Conseil permet le développement de sociétés dont les membres peuvent s’exprimer librement et espérer une vie meilleure.

La Roumanie d’aujourd’hui, une démocratie solide caractérisée par l’Etat de droit, est extrêmement reconnaissante au Conseil de l’Europe, car la démocratie roumaine actuelle est assise sur les fondements jetés avec le soutien du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne. Cela nous convainc que notre organisation doit poursuivre sa mission, qui consiste à guider les jeunes démocraties.

Depuis vingt ans, de nouveaux Etats sont apparus. Le processus d’unification sur le continent a progressé, de nouveaux défis ont surgi et nous sommes témoins d’un processus d’adaptation et de réévaluation interne de l’Union européenne, de l’OTAN, de l’OSCE, qui poursuivent de nouveaux objectifs et assument de nouvelles missions. Parfois, la mauvaise synchronisation des efforts conduisent à des chevauchements, voire à des concurrences. Sans perdre de vue son objectif central, qui consiste à créer un espace démocratique commun, le Conseil de l’Europe doit repenser son rôle dans le cadre institutionnel actuel et devrait revoir ses structures, leur accorder davantage de flexibilité et porter l’accent sur les actions qui répondent aux défis actuels. La Roumanie soutient pleinement ce processus de réforme.

Dans le même temps, le programme d’activité doit être mis à jour. L’excellente initiative de la présidence turque du Conseil de l’Europe, qui a créé un groupe de personnalités éminentes, aura une incidence non négligeable sur les progrès à venir. Ces orientations cependant ne suffisent pas et nous devons trouver des solutions aux problèmes concrets auxquels les Européens sont confrontés.

Je citerai la migration, qui est susceptible de créer la vulnérabilité des citoyens et celle des personnes en transit. En recourant aux instruments de suivi, le Conseil de l’Europe peut identifier les tensions accumulées dès leur apparition. Une évaluation sur le terrain permettrait de mener des actions préventives, qui elles-mêmes éviteraient aux situations de s’aggraver. La Roumanie propose de créer un mécanisme d’alerte précoce qui, dans le cadre du processus de réforme, permettrait d’éviter de tels risques.

Le processus de réforme du Conseil de l’Europe doit consolider les instruments de suivi et permettre de préserver les droits des citoyens appartenant à des minorités nationales. Nous ne devons pas ignorer que des Etats et des régions en Europe doivent encore réaliser de très nombreux efforts pour respecter les règles et normes démocratiques en la matière.

Avec ses vingt groupes minoritaires, la Roumanie comprend parfaitement la situation particulière de ces personnes ainsi que la nécessité de préserver leur identité. Avec le soutien du Conseil de l’Europe, nous avons progressé. Nous avons notamment amélioré nos relations avec la Hongrie. Au début des années 90, régnait encore un climat de suspicion, mais nous avons maintenant conclu avec elle un partenariat stratégique. Nous organisons notamment des sessions communes au niveau gouvernemental. Ce partenariat implique un soutien mutuel sur les questions d’intérêt légitime.

Un exemple récent en est l’attitude de la présidence hongroise de l’Union européenne. En effet, conformément aux dispositions du Traité sur l’Union européenne, celle-ci a confirmé que la Roumanie respectait les obligations qu’elle a à assumer, a reconnu le droit légitime des citoyens roumains à circuler librement et a exprimé une position ferme en faveur de l’adhésion de la Roumanie à Schengen en 2011.

La Roumanie souhaite que toutes ses minorités puissent pleinement réaliser leurs aspirations. Cette diversité culturelle, ethnique, religieuse et linguistique nous enrichit. Notre Constitution stipule que des personnes appartenant à des minorités nationales en Roumanie ont le droit d’être représentées au Parlement, de s’exprimer dans leur langue maternelle devant les tribunaux, et de recevoir une éducation et un enseignement dans leur langue maternelle. La nouvelle loi sur l’enseignement qui est entrée en application au début de cette année élargit encore ces droits: elle permet l’enseignement dans la langue maternelle à tous les niveaux de l’enseignement ainsi que l’octroi des ressources pédagogiques nécessaires.

Les représentants des minorités nationales ont également le droit de mettre en place des structures assimilées à des partis politiques. Ils peuvent, dans le même temps, être membres de partis et d’associations et occuper des postes publics. À l’heure actuelle, la minorité hongroise fait partie de la coalition au pouvoir et cela a un impact positif sur l’ensemble de la société roumaine.

Mais je voudrais également vous entretenir de la situation des groupes roms, sur laquelle je vous ferai part de trois réflexions.

Tout d’abord, les Roms sont les citoyens d’un Etat particulier, qui a des obligations à respecter envers eux en raison de leur statut de citoyens, mais aussi en raison de leur statut de groupe minoritaire.

Ensuite, les Roms sont des citoyens européens. Cela signifie que l’Europe, par le biais de ses organisations et de ses institutions, a aussi des obligations spécifiques à leur égard, notamment celles de respecter leurs droits et de ne pas les traiter de façon discriminatoire.

Enfin, les Roms constituent une minorité ethnique et, à ce titre, ne peuvent pas bénéficier de l’attention et de la protection d’un Etat ami. Cela signifie que leur Etat de citoyenneté et l’Europe dans son ensemble ont des devoirs supplémentaires à assumer envers eux.

La Roumanie continuera à déployer des efforts pour améliorer la situation des Roms, en accroissant l’utilisation des fonds structurels européens et la participation des collectivités locales dans la mise en œuvre de projets concrets. Cependant, un mode de vie qui a été préservé pendant des siècles ne saurait être changé en quelques années par des mesures administratives. Les traditions de cette communauté doivent être protégées et non effacées. Le mode de vie nomade des Roms ne doit pas être modifié de manière brutale par le biais de mesures restrictives. Les Etats européens doivent coopérer et élaborer une stratégie applicable au niveau européen. L’Union européenne, le Conseil de l’Europe et l’OSCE peuvent jouer un rôle important à cet égard. La responsabilité de ces questions ne saurait, à mon sens, incomber aux seuls pays de citoyenneté.

Mesdames et Messieurs les parlementaires, ma venue ici coïncide avec le 66e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau, libération qui a mis fin à des années d’atrocités. Des femmes, des enfants et des hommes ont été torturés et exterminés en raison de leur religion. Le Conseil de l’Europe dispose de mécanismes pour lutter contre de telles persécutions, si elles menaçaient de nouveau. La Roumanie est l’un des pays qui est extrêmement intéressé par ces mécanismes. Elle a reconnu sa responsabilité historique et la série de manifestations consacrées à la commémoration de l’Holocauste inclut l’inauguration d’un monument aux victimes de l’Holocauste.

Mesdames et Messieurs, un des sujets à l’ordre du jour de votre session est la situation dans les Balkans. En fait, plusieurs dirigeants de la région ont déjà évoqué les développements positifs dans leurs pays liés aux processus d’intégration européen et euro-atlantique. L’année 2010 a été encourageante pour la Roumanie, en dépit des problèmes qui subsistent, tels que la traite des êtres humains, la fraude ou le non-respect des droits des minorités.

Le Conseil de l'Europe a accordé au Monténégro le statut de candidat à l’adhésion et le régime des visas pour l’Albanie et la Bosnie-Herzégovine a été libéralisé. La Croatie et la Serbie ont faire preuve d’une véritable volonté politique pour lutter contre la corruption et ont entamé un processus de réconciliation bilatéral. Nous ne pouvons que nous féliciter de ces évolutions. L’intégration des Balkans occidentaux au sein des structures européennes et euro-atlantiques est, en effet, l’un des objectifs constants de notre politique étrangère.

Pour la Roumanie, la démocratisation des pays voisins constitue une question de sécurité nationale. Bien que les signes de réconciliation interethniques soient de plus en plus tangibles, le souvenir des guerres et des souffrances qu’elles ont entraînées reste encore très vivace. Les tragédies des Balkans sont nées de discriminations sur la base de critères ethniques et religieux. Nous restons très attentifs au processus d’intégration européenne et euro-atlantique des Balkans, dans le respect des normes de l’Union européenne et du Conseil de l'Europe.

Nous avons toute confiance dans l’avenir des jeunes démocraties de la région, qui doivent préserver l’identité religieuse, linguistique, culturelle et ethnique de leurs minorités nationales. Un mécanisme a démontré son efficacité à cet égard: il s’agit de la procédure de suivi du Conseil de l'Europe. Certaines minorités, y compris en Roumanie, ont des difficultés à protéger leur identité culturelle. Elles font l’objet de discriminations, sur des bases linguistiques, et sont assimilées de force. Bien que les réglementations internationales confient aux Etats un rôle important en matière de protection des liens culturels et linguistiques entre minorités, des difficultés apparaissent lorsque certains d’entre eux reconnaissent uniquement le statut de minorité linguistique à des minorités proches d’un pays voisin.

La Roumanie veille au respect des droits des Roumains à l’étranger, en coopérant avec les Etats voisins dans le cadre des mécanismes internationaux. Nous souhaitons que le statut de minorité roumaine soit reconnu aux Aroumains, aux Valaques, aux Istro-roumains et aux Mégléno-roumains. Par le biais des accords bilatéraux, nous avons maintes fois exprimé notre intérêt pour ces communautés d’origine roumaine vivant à l’étranger. Ces accords reflètent notre intérêt légitime à la mise en place d’une région stable et sécurisée.

Aussi redoublerons-nous d’efforts, à l’avenir, auprès des organisations européennes chargées de la protection des minorités nationales, en particulier auprès du Conseil de l'Europe. Nous souhaitons apporter notre soutien économique, politique, social et culturel aux personnalités roumaines vivant à l’étranger, non pas pour les inciter à quitter leur pays d’accueil mais pour les encourager à renforcer les liens entre ce pays et la Roumanie.

Avant de conclure, je voudrais exprimer les condoléances du peuple roumain aux victimes de l’attentat terroriste survenu en début de semaine à Moscou. Nos pensées vont également aux blessés et à leurs familles. La Roumanie condamne avec la plus grande fermeté cet attentat horrible et lâche qui a touché des innocents. Elle réaffirme son engagement à lutter contre le terrorisme aux côtés des alliés de l’OTAN, de la Fédération de Russie, et de tous les Etats appartenant à la coalition internationale antiterroriste.

Je vous remercie de votre attention. Je suis bien sûr disposé à répondre à vos questions.

LE PRÉSIDENT (interprétation)

Je vous remercie vivement, Monsieur le Président, pour ce discours qui a beaucoup intéressé les membres de notre Assemblée. Un nombre important de nos collègues a en effet exprimé le souhait de vous poser des questions. Je leur rappelle que celles-ci doivent avoir un caractère strictement interrogatif et ne pas dépasser 30 secondes.

La parole est à M. Vareikis, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

M. VAREIKIS (Lituanie) (interprétation)

Monsieur le Président, vous avez évoqué la situation des Roumains qui vivent en dehors de la Roumanie. En tant que rapporteur sur la Moldova, j’aimerais vous interroger sur le phénomène de «la passeportisation», sur lequel les chiffres varient en fonction des sources. Quelle est la politique de votre pays en la matière?

M. Băsescu, Président de la Roumanie (interprétation)

La loi roumaine sur la citoyenneté est régie par le principe suivant: les proches d’un citoyen roumain qui ont perdu à tort la citoyenneté roumaine peuvent l’obtenir à nouveau. Sous le régime communiste, ceux qui quittaient le pays, quelle qu’en soit la raison, perdaient automatiquement la citoyenneté roumaine. La loi à laquelle vous faites référence ne vise pas en particulier les citoyens de la Moldova, mais tous les citoyens qui ont perdu à tort la citoyenneté roumaine, où qu’ils vivent à l’heure actuelle.

Quant aux chiffres, je peux vous indiquer qu’entre 1990 et 2010, nous avons autorisé 170 000 personnes à obtenir à nouveau la citoyenneté roumaine.

M. IWIŃSKI (Pologne) (interprétation)

Conformément à l’article 80 de la Constitution roumaine, il devrait exister en Roumanie une fonction de médiateur entre les pouvoirs exercés par l’Etat et les citoyens. On vous a accusé, au cours des dernières années, d’avoir minimisé le rôle du parlement, violé l’indépendance de la justice et refusé tout dialogue avec l’opposition. Je précise d’ailleurs qu’en signe de protestation, les membres de l’opposition de la délégation roumaine de l’Assemblée ne sont pas présents dans l’hémicycle.

M. Băsescu, Président de la Roumanie (interprétation)

Êtes-vous socialiste? Êtes-vous membre du Groupe socialiste?

M. IWIŃSKI (Pologne) (interprétation)

Oui, tout à fait. Je suis membre du Groupe socialiste. Je viens de Pologne.

M. Băsescu, Président de la Roumanie (interprétation)

Je n’avais pas demandé votre pays d’origine, j’avais juste demandé votre parti.

Vous pouvez vérifier que les parlementaires socialistes et membres de l’opposition ne répondent à aucune des invitations au dialogue que je leur adresse. La preuve en est que les membres de l’opposition socialiste au Parlement roumain ne sont pas présents ce matin dans cet hémicycle.

Avant de venir ici, je n’ai pas, que je sache, demandé aux représentants de tel ou tel parti politique de quitter la salle. Si cette décision a été prise, c’est parce qu’hier un membre connu de l’opposition a été arrêté pour fraude. Je puis vous garantir – vous pouvez d’ailleurs le vérifier à la lecture de la presse roumaine – que ces partis d’opposition n’ont jamais répondu à mes invitations à engager le dialogue. Les collègues de votre groupe vous ont peut-être mal informé. C’est même de la désinformation! Ce sont eux qui refusent la main tendue, non l’inverse. Ce jeu de l’opposition est inacceptable, et ce n’est pas honorable de leur part.

M. SOLONIN (Fédération de Russie) (interprétation)

La réponse que vous avez donnée à la question de M. Vareikis n’a pas permis de faire la lumière sur la politique de la Roumanie en matière de citoyenneté. Certains affirment que l’objectif visé est une fusion de la Roumanie et de la Moldova, voire une annexion de la Moldova, pour créer une plus grande Roumanie. Quelle est votre réaction?

M. Băsescu, Président de la Roumanie (interprétation)

Je vous prie de bien vouloir noter que la Roumanie n’a aucune expérience en matière d’annexion.

Mme GUŢU (Moldova) (interprétation)

Je voudrais vous remercier, Monsieur Băsescu, au nom de la délégation de la Moldova, car vous n’avez cessé de soutenir nos aspirations européennes.

J’aimerais vous demander une chose au nom de mon groupe politique: quelles possibilités sont ouvertes à notre république? Cela fait tout de même quinze ans que nous sommes l’objet d’un suivi. Pensez-vous que l’on nous inclura dans le «paquet» des pays des Balkans? Pensez-vous que nous pourrons adhérer à l’Union européenne?

M. Băsescu, Président de la Roumanie (interprétation)

Ecoutez, c’est une bataille politique, il faut bien le dire. C’est une bataille que nous devons livrer ensemble. Nous, nous souhaitons que la Moldova adhère le moment venu à l’Union européenne. Tel est notre souhait.

Sur le plan tactique, dirai-je, nous pensons qu’il convient de convaincre les autres Etats membres de l’Union européenne de prendre en compte l’intégration de la Moldova dans la famille européenne. Cela devrait se faire en même temps que l’adhésion des pays des Balkans occidentaux. L’Union européenne suit de très près le volet électoral des élections chez vous. C’est un exemple qui montre que l’Union européenne vous suit. Lorsque votre pays pourra être assimilé à un pays candidat à l’Union européenne, les négociations pourront s’ouvrir.

Il y a quand même un préalable fondamental. Le gouvernement récemment mis en place devra trouver une solution pacifique pour mettre en œuvre les réformes spectaculaires qui ont été engagées en 2009 et en 2010. Nous vous souhaitons bonne chance dans vos efforts.

M. PETRENCO (Moldova) (interprétation)

Aujourd’hui, la Roumanie est le seul pays en Europe et dans le monde dont les autorités ne reconnaissent pas ouvertement l’identité moldove. Elles disent que, tous les Moldoves étant roumains, la République de Moldova serait un deuxième Etat roumain. Vous avez refusé de signer un traité politique, vous avez refusé de reconnaître la frontière entre la Roumanie et la Moldova. Vous avez simplement signé un document technique.

Ne croyez-vous pas que cette position officielle constitue un défi pour la paix et la stabilité dans cette région de l’Europe et un véritable obstacle sur la voie de la résolution du conflit en Transnistrie?

M. Băsescu, Président de la Roumanie (interprétation)

Monsieur le parlementaire, permettez-moi de vous rappeler deux éléments essentiels.

Les frontières actuelles ont été tracées à la suite du Traité de Paris de 1947. Elles correspondent d’ailleurs à ce qui était la frontière entre la Roumanie et l’Union soviétique. La Roumanie n’a entrepris aucune action qui remette en cause les frontières de l’ancienne Union soviétique, qui sont aujourd’hui celles de la République de la Moldova.

En 1991, la Roumanie a été le premier Etat au monde à reconnaître l’indépendance de la République de Moldova. La Roumanie n’a jamais cessé de se battre pour le rétablissement de l’intégrité territoriale de la République de Moldova en trouvant une solution au problème de la Transnistrie. Puisque la Roumanie ne fait pas partie du «groupe 5 + 2», il revient aux Etats concernés et aux institutions internationales de trouver une solution.

Chaque fois qu’elle en a l’occasion, la Roumanie demande que soit respectée l’intégrité territoriale des Etats. Nous n’avons jamais réclamé une partie d’un territoire appartenant à un Etat voisin.

Votre déclaration vise des pays qui, eux, n’ont pas reconnu les frontières de la Moldova. Ces Etats existent, mais nous n’en faisons pas partie. Non seulement nous avons accepté les décisions de Paris de 1947 sur le tracé des frontières, mais nous avons un autre accord frontalier. Que peut faire un Etat indépendant tel que le nôtre?

M. FOURNIER (France)

Monsieur le Président, la France et l’Allemagne se sont déclarées défavorables à l’adhésion de votre pays à l’espace Schengen, en mars prochain, soulignant les carences constatées en Roumanie, comme en Bulgarie, en matière de contrôle des flux migratoires et de lutte contre le trafic de stupéfiants et d’armes. Ces fortes réserves ne paraissent pas, aux yeux des deux gouvernements, de nature à remettre en cause le principe d’une adhésion à moyen terme de la Roumanie à l’espace Schengen.

Monsieur le Président, quelles sont les intentions de votre gouvernement au vu des difficultés évoquées par la France et l’Allemagne? Pensez-vous que votre pays pourra répondre de manière satisfaisante à ces interrogations avant l’été 2011?

M. Băsescu, Président de la Roumanie (interprétation)

La Roumanie a une très brève réponse à vous faire pour le moment. Mais, nous pourrions vous fournir une réponse plus détaillée.

La Roumanie a rempli ses obligations au titre de son adhésion à l’espace Schengen. Notre approche est parfaitement conforme au Traité d’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne. Ce traité d’adhésion est un acquis communautaire pour tous les Etats membres de l’Union européenne. En conséquence, si un Etat se retrouvait avec des obligations supplémentaires, quelques semaines à peine avant la prise de décision, cela créerait un précédent dangereux. Voilà pour le principe.

Par ailleurs, je pourrais vous prouver, statistiques à l’appui, que la formulation de votre question n’est pas fondée. La Roumanie se bat contre la corruption partout, le long de ses frontières et ailleurs. Je vous citerai deux chiffres: au cours des quatre dernières années, en Roumanie, 51 officiers des douanes et plus de 120 officiers de police des frontières ont été arrêtés et jugés.

M. POZZO di BORGO (France)

Monsieur le Président, votre pays a connu jusqu’en 2009 plusieurs années de croissance liées tout autant au dynamisme de votre économie qu’à l’impact de l’adhésion à l’Union européenne. Force est de constater qu’à l’instar de l’ensemble du continent européen, la Roumanie est aujourd’hui confrontée à un ralentissement certain de son activité: 23,4 % de la population roumaine sont en situation de grande précarité et 33 % des Roumains sont confrontés à des privations matérielles graves. Quelle est la position de votre gouvernement à ce sujet?

M. Băsescu, Président de la Roumanie (interprétation)

Je ne suis pas tout à fait d’accord avec les chiffres mentionnés. Plusieurs mesures ont été élaborées et appliquées en 2010. Je vous demande de bien vouloir prendre en considération qu’en Roumanie, 90 % des maisons sont des propriétés privées. Pouvez-vous me dire quel en est le pourcentage en France?

Entre 2004 et 2008, la Roumanie a connu un bond économique qui a été suivi d’une croissance négative en 2009 et 2010. Pour 2011, il y a un espoir de relance économique. La croissance économique résultait d’un encouragement excessif de la consommation et d’un boom immobilier.

Par la suite, la Roumanie a voulu mettre l’accent sur le développement durable. Des mesures très dures ont été mise en place pour trouver des sources d’investissement. L’année dernière, nous avons baissé de 25 % les salaires des fonctionnaires. Les retraites sont frappées d’un impôt de 5,5 %. L’âge de la retraite a été relevé de 62 à 65 ans pour les hommes et de 58 à 63 ans pour les femmes. Des mesures ont été adoptées pour élargir l’assiette fiscale. Nous avons procédé également à une réforme de la retraite des militaires.

On pourrait nous accuser de ne pas respecter la dimension sociale de l’Europe. Mais, il est indispensable d’avoir un bon système de production en Roumanie si nous ne voulons pas emprunter pour payer les prestations sociales.

Mme STAVROSITU (Roumanie) (interprétation)

Pour son adhésion à l’espace Schengen, la Roumanie bénéficie du soutien de la Hongrie, pays voisin, qui assume la présidence de l’Union européenne. Monsieur le Président, vous avez déclaré que l’année 2011 sera celle de l’adhésion de la Roumanie à Schengen. Vous avez également contribué largement à l’adoption d’une loi sur l’enseignement. Que pensez-vous de la stratégie de la Roumanie à l’égard des minorités?

M. Băsescu, Président de la Roumanie (interprétation)

Je continuerai de faire mon devoir de chef de l’Etat roumain en soutenant l’adhésion de mon pays à l’espace Schengen. Nous nous sommes engagés à être prêts à y adhérer en mars 2011 et les rapports d’évaluation ont confirmé que nous le serions. La Roumanie n’a aucune raison d’abandonner cet objectif.

La loi sur l’enseignement, quant à elle, est une des lois les plus progressistes de l’Union européenne en la matière. En effet, l’enseignement peut être dispensé dans la langue maternelle de chacun, ou presque, dans toutes les écoles du système d’enseignement roumain. Voilà ce que cette loi apporte aux minorités.

La Roumanie en reconnaît officiellement vingt, qui sont représentées au parlement. C’est pourquoi, si une école n’assure pas l’enseignement dans une langue maternelle, l’Etat se chargera du transport des enfants vers une autre école.

Généralement, les responsables européens ne mentionnent que les conséquences négatives d’une loi. Pour en connaître les conséquences positives, venez donc en Roumanie!

M. BÉTEILLE (France)

Monsieur le Président, le 16 décembre dernier, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a indiqué, dans une lettre adressée à votre Premier ministre, que le quotidien des Roms vivant en Roumanie demeurait marqué par la pauvreté et la discrimination. Il appelait, à cet égard, votre gouvernement à mener une politique globale en faveur de cette minorité, notamment en matière d’emploi, d’éducation, de logement et de santé.

Je mesure pleinement les difficultés économiques que vous pouvez rencontrer pour la mise en place d’un vaste projet d’intégration. Toutefois, quelles mesures votre gouvernement entend-il prendre en ce domaine?

M. Băsescu, Président de la Roumanie (interprétation)

Je vous remercie d’avoir posé cette question, à laquelle je répondrai précisément.

Officiellement, on compte 500 000 Roumains Roms. En réalité, ils sont estimés à quelque 1,5 million. Mais, lors du dernier recensement, en 2001, nous avons constaté que les Roms intégrés dans la société ne demandent plus à être reconnus comme appartenant à cette communauté.

Dans le cadre de la stratégie décennale d’intégration des Roms, couvrant les années 2000 à 2010, par-delà le volet financier, des mesures très importantes ont été prises. J’en donnerai quelques exemples.

Le système d’enseignement roumain prévoit, à différents niveaux, des tests. Les Roms avaient, de droit, à l’école une place sans passer l’étape des tests. Si nous voulons intégrer de manière viable les Roms, il faut transiter par l’enseignement et l’éducation. Les enfants roms ont la possibilité d’aller à l’école partout en Roumanie. Nous ne les avons jamais isolés. Je tiens également à signaler qu’il existe un département «Roms», au sein du gouvernement, placé sous la houlette d’un secrétaire d’Etat.

Nous partageons le mécontentement de certains représentants européens en matière d’intégration des Roms. La stratégie décennale, qui a expiré en 2010, n’a pas produit les résultats escomptés. Ils sont même loin d’avoir répondu aux attentes. La difficulté ne vient pas des ressources puisque la plus grande partie nous est versée par l’Union européenne. Elles suffisent. Le plus difficile est de trouver la solution idoine au problème posé. La nouvelle stratégie, pour la période 2011-2015, prévoit d’inclure le département dédié aux Roms au sein du ministère de l’Intérieur, afin d’assurer une interface directe avec les pouvoirs locaux. En effet, l’échec de la stratégie précédente est, en grande partie, dû à la centralisation de l’action menée à l’égard des Roms. L’idée est donc de développer l’implication des pouvoirs locaux. Jusqu’à présent, le département dédié aux Roms subventionnait des ONG qui, à leur tour, réalisaient différents projets. Aujourd’hui, nous devons éviter de renouveler l’erreur de ne pas impliquer les pouvoirs locaux, que nous avons commise pour la période 2000-2010. C’est pourquoi, outre le service dédié aux Roms et les ONG, il conviendra de les impliquer véritablement.

M. KALMÁR (Hongrie) (interprétation)

Monsieur le Président, je suis très heureux de vous accueillir dans cet hémicycle. Selon l’Union européenne, d’ici à 2013, les frontières de la Roumanie devront être retracées. Prendrez-vous en compte les recommandations de l’Union européenne et les spécificités culturelles particulières? Le découpage des départements actuels sera-t-il modifié?

M. Băsescu, Président de la Roumanie (interprétation)

Nous avons toujours dit que nous n’étions pas d’accord avec une autonomie fondée sur des critères ethniques. La Roumanie est en train d’accroître l’autonomie de ses pouvoirs locaux. C’est ainsi que les communautés disposent d’une police locale, que la gestion des hôpitaux a été transférée aux pouvoirs locaux, tout comme celle de différents musées et d'établissements culturels. Enfin, la nouvelle loi relative à l’éducation nous oblige à déléguer la gestion des écoles aux régions.

Les pouvoirs locaux devront alors percevoir de nouveaux impôts. Un pourcentage important du produit de la fiscalité sera pré-affecté aux pouvoirs locaux. Voilà comment nous envisageons l’autonomie des régions en Roumanie.

Les groupes ethniques ne sont pas les seuls à avoir besoin de leur autonomie. Pourquoi les Roumains devraient-ils disposer de moins d’autonomie dès lors qu’il s’agit de décider du sort de leurs communautés respectives? Il s’agira d’un processus maîtrisé et graduel et je pense que la Roumanie est en avance par rapport à d’autres pays européens.

M. GAUDI NAGY (Hongrie) (interprétation)

Le document du Conseil de l'Europe sur le régionalisme montre bien que les régions sont, non pas un danger, mais un facteur de stabilité. Depuis le traité très injuste qui a été ratifié, de nombreux Hongrois doivent quitter la Roumanie. Or 99 % des habitants de la région frontalière souhaitent leur autonomie et plus de 600 000 personnes possèdent une identité hongroise, une langue et des traditions. Quand allez-vous commencer à négocier avec les autorités hongroises?

M. Băsescu, Président de la Roumanie (interprétation)

Nous souhaitons aussi que les Roumains qui sont citoyens de votre Etat bénéficient des mêmes droits que ceux dont peuvent se prévaloir les Roumains d’origine hongroise qui vivent sur notre territoire. Il convient donc, sur ce sujet, d’avoir une approche équilibrée.

LE PRÉSIDENT (interprétation)

Mes chers collègues, il nous faut maintenant conclure les questions à M. Băsescu, que je remercie vivement.