Adrian

Nastase

Premier ministre de Roumanie

Discours prononcé devant l'Assemblée

mardi, 30 septembre 2003

Monsieur le Président, très distingués membres de l’Assemblée, Mesdames, Messieurs, c’est un très grand plaisir pour moi d’être dans cet hémicycle de l’Assemblée parlementaire. Permettez-moi d’abord de remercier M. Schieder, le Président de l’Assemblée, ainsi que ses collègues pour l’aimable invitation qui m’a été faite de m’adresser à ce conclave de démocrates, qui illustre l’essence même de l’esprit européen.

En janvier 2001, j’ai eu l’honneur de m’adresser à l’Assemblée, à cette même tribune, peu après avoir pris mes fonctions de Premier ministre. Ce fut alors l’occasion de faire mes adieux aux collègues parlementaires du Conseil de l’Europe et de rendre hommage à l’Assemblée pour son travail remarquable au service de la démocratie et de l’Etat de droit. Aujourd’hui, j’ai l’opportunité de vous associer à une réflexion sur le passé et sur l’avenir en partant de plusieurs bilans.

Le 7 octobre prochain, la Roumanie marquera le dixième anniversaire de son adhésion au Conseil de l’Europe. Durant cette période, ce dernier s’est donné un nouveau visage en passant de trente-trois membres, en 1993, au Sommet de Vienne, à quarante-cinq membres aujourd’hui. La vocation paneuropéenne de cette organisation unique, qui œuvre pour la promotion des valeurs et des principes de la démocratie, de l’Etat de droit et des droits de l’homme a été plus d’une fois confirmée par les développements de notre continent. L’Union européenne et l’Otan connaissent un élargissement historique. Tout au long de ce processus, le Conseil de l’Europe a constitué un facteur d’unité autour du noyau formé par les principes et les valeurs essentielles de la démocratie. Cette vocation du Conseil s’affirmera encore à l’avenir.

Mesdames, Messieurs, la présence de nos parlementaires au sein de cette Assemblée a marqué toute une génération politique en Roumanie, avec des effets incontestables sur la construction d’un Etat démocratique. Depuis la fin de la guerre froide, la Roumanie a participé activement aux initiatives qui ont marqué l’évolution de l’architecture européenne. Elle a également été un acteur et un sujet de transformations démocratiques associées à cette évolution. Dans la société roumaine actuelle, pleinement intégrée dans le modèle européen, le rôle et l’action du Conseil de l’Europe ont une signification toute particulière.

Promouvoir par la stabilité politique interne la stabilité démocratique aux niveaux régional et paneuropéen est un autre volet de l’action du Conseil de l’Europe, où la Roumanie s’est insérée en partenaire digne de confiance.

Dès le début des années 1990, lorsque le processus d’élargissement vers l’est a été lancé, le Conseil de l’Europe a fait valoir sa capacité à renforcer la sécurité et la stabilité du continent par la voie du dialogue et de la réconciliation entre Etats. C’est surtout dans ce domaine que les instruments juridiques, les normes et les mécanismes du Conseil de l’Europe ont fait la preuve de leur valeur et de leur efficacité.

La Roumanie aborde actuellement une nouvelle phase de réformes institutionnelles qui ont cycliquement marqué notre passage du stade de pays en transition à celui de démocratie consolidée. C’est une réalité reflétée dans le nouveau statut de la Roumanie en Europe et dans l’espace euro-atlantique.

Le Conseil de l’Europe est un compagnon de longue route pour la Roumanie. Je le répète, il a été et reste un partenaire essentiel sur le chemin des réformes institutionnelles lancées au début des années 1990. L’exemple le plus révélateur est la contribution de l’Organisation de Strasbourg à l’élaboration de notre Constitution en 1991. Pendant les dix années de présence de la Roumanie au Conseil de l’Europe, l’action de nos principaux acteurs politiques et sociaux – le gouvernement, le parlement, les autorités locales, la société civile – a été animée par la logique démocratique propre au Conseil de l’Europe. Notre réforme institutionnelle, qui porte notamment sur la justice, les affaires internes, la capacité administrative, est indissociablement liée à l’assimilation des standards démocratiques promus par le Conseil de l’Europe.

Il ne s’agit pas seulement de réguler en fixant des normes mais surtout de créer de vrais réflexes démocratiques aux niveaux individuel et social. Cet automne, les citoyens roumains sont appelés à adopter par la voie référendaire le projet de révision de la Constitution et à marquer ainsi l’adaptation de la loi fondamentale au statut de futur membre de l’Union européenne. Je tiens à remercier ici les experts de la Commission de Venise pour leur contribution à cet acte fondamental, si important pour l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne.

Quant au renforcement de la capacité administrative, nous estimons que la décentralisation est nécessaire, puisqu’elle répond à l’exigence de rapprocher les citoyens du pouvoir de décision. L’expérience des autres Etats, dont la France, montre néanmoins que la réforme – transversale par nature – n’est pas facile à mener et qu’il faut veiller, d’une part, à ce que le transfert de compétences soit associé au transfert de moyens et, d’autre part, à ne pas laisser de place à un intégrisme décentralisateur.

Les autorités roumaines ont déjà engagé une réflexion au niveau national en utilisant l’expertise du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe afin d’établir le cadre d’une politique à moyen terme en la matière.

Le rapprochement entre les institutions de l’Etat et le citoyen constitue un objectif fondamental pour notre pays. Ce processus prend une signification spéciale dans la réforme de la justice en ce qui concerne la législation, les pratiques judiciaires et administratives. Dix ans après la ratification de la Convention européenne des Droits de l’Homme par la Roumanie, nous assistons à un réel approfondissement du degré d’assimilation de l’acquis de la Convention tel qu’il s’exprime dans les standards européens représentés par la jurisprudence de la Cour.

Tout récemment, nous avons décidé de transférer l’institution de l’agent du gouvernement du ministère de la Justice au ministère des Affaires étrangères. Cette décision rattache la Roumanie à d’autres modèles institutionnels du genre, qui octroient au ministère des Affaires étrangères la responsabilité directe de la communication avec la Cour, tout en permettant au ministère de la Justice et aux autres institutions de se concentrer entièrement à l’application des arrêts de la Cour et à procéder aux réformes qui pourraient s’avérer nécessaires dans la législation et la pratique judiciaire.

Mesdames, Messieurs, il y a un rapport indéniable entre l’acquis démocratique de chaque Etat membre du Conseil de l’Europe et la stabilité démocratique d’une région de l’Europe dans son ensemble. Ce constat est aussi valable pour la question des minorités.

La contribution du Conseil de l’Europe au règlement du problème des minorités au plan européen et son travail régulateur en matière de droits de l’homme sont incontestables. Beaucoup d’entre vous, dans cet hémicycle, sont déjà familiarisés avec les débats à l’Assemblée qui ont conduit à l’adoption du rapport Jurgens. Le Conseil de l’Europe, la Commission de Venise ont eu une contribution remarquable en ce qui concerne la confirmation des standards du Conseil de l’Europe en matière de minorités, tout en se démarquant de certaines propositions conceptuelles incompatibles avec ces standards.

Il y a quelques jours, j’ai reçu M. Peter Medgyessy, Premier ministre de la Hongrie, à Bucarest. A cette occasion, nous avons signé l’accord bilatéral concernant les conditions d’application de la loi sur le statut des minorités hongroises dans les pays voisins. C’était un moment fort, important, à valeur d’exemple pour l’ouverture au dialogue et l’esprit de responsabilité qui ont prévalu des deux côtés pour parvenir à cet accord. La Commission de Venise, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et le haut-commissaire pour les minorités nationales de l’OSCE ont pu juger du juste équilibre trouvé autour des questions difficiles qui font l’objet de cet accord, ce qui nous autorise à dire que ce fut un succès commun, révélateur, illustratif pour la conscience politique et démocratique européenne.

Un commissaire européen m’a fait remarquer que cela valait bien pour tous les deux un prix Nobel. C’était un peu exagéré. Je ne manquerai pas néanmoins d’évoquer du haut de cette tribune la qualité des relations entre la Roumanie et la Hongrie, car j’estime qu’elles constituent une réussite au plan européen et suis persuadé que le Premier ministre, Peter Medgyessy, confirmera cette analyse devant vous, après-demain. La signature de l’accord mentionné est une victoire diplomatique importante tant pour la Roumanie que pour la Hongrie. Ensemble, nous avons gagné encore un combat au profit de l’Europe.

La stabilité et la sécurité européennes sont menacées quand les droits de l’homme et des minorités le sont. Ce constat est évident si l’on regarde autour de nous les conflits et les crises ayant déchiré les Balkans et le Caucase. L’intolérance ethnique, la discrimination et la haine ont été responsables pour une grande part de cette violence. Toutes les personnes appartenant aux minorités méritent la même attention et, par conséquent, un traitement égal de la part des gouvernements dont ils sont citoyens. Le chemin de la démocratie ne peut être fondé que sur cette approche.

Comme vous le savez sans doute, quelques millions de Roumains vivent hors des frontières de la Roumanie. Très bientôt, nous allons promouvoir un projet de loi pour les soutenir, préserver et affirmer leurs identités culturelle et linguistique, conformément aux standards contenus dans les documents européens et internationaux en la matière.

(L’orateur poursuit en anglais) (Traduction). – J’aimerais, à présent, mettre en exergue quelques-unes des priorités de la Roumanie. La contribution du Conseil de l’Europe à la mise en œuvre, par la Roumanie, des critères politiques de Copenhague est inestimable. La justice et les affaires intérieures sont un autre domaine d’excellence, dans lequel l’expertise du Conseil de l’Europe et la coopération à long terme qui s’est engagée avec la Roumanie ont porté leurs fruits. La réforme de l’administration publique, la démocratie locale, la réforme judiciaire, la cohésion sociale, y compris la protection de l’enfance et l’intégration des Roms, comptent au nombre des activités que nous menons au jour le jour avec le Conseil de l’Europe.

Pour ce qui concerne les Roms, nous sommes convaincus que la meilleure manière de résoudre la question, c’est de rechercher une solution européenne qui interviendrait dans le cadre d’une perspective sociale. Une telle approche serait assurément la plus indiquée pour les Roms eux-mêmes. Nous soutenons pleinement l’action engagée par le Conseil de l’Europe à cet égard et sommes encouragés par la proposition contenue dans la Résolution 1123 (1997) de l’Assemblée parlementaire. Une campagne durable est menée en Roumanie pour sensibiliser et informer la population en vue de prévenir une montée du racisme, de la xénophobie, de l’antisémitisme et de l’intolérance. Un «avocat du peuple» – c’est-à-dire un médiateur – a été institué, qui joue un rôle important dans la défense des droits et libertés des citoyens qui en appellent à lui ainsi que dans la sensibilisation de la société roumaine à ces questions.

L’objectif central de la Roumanie est d’adhérer à l’Union européenne. Nous espérons pouvoir achever les négociations d’adhésion en 2004 et travaillons d’arrache-pied pour préparer le pays à rejoindre l’Union en 2007. J’ai suivi avec intérêt la réunion conjointe qui s’est tenue récemment entre l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et le Parlement européen sur le thème «Construire une Europe des valeurs». Le Conseil de l’Europe et, plus particulièrement, son Assemblée ont réaffirmé leur rôle de force motrice pour la promotion de nouvelles idées à soumettre à la réflexion des Européens. Les Roumains se réjouissent de prendre part à l’effort déployé dans les forums européens à tous les niveaux.

La Roumanie a apporté sa contribution aux débats sur l’avenir de l’Europe au sein de la Convention de l’Union. Le projet de Constitution européenne tient compte du point de vue de la Roumanie et devrait contribuer à donner forme à l’Union, qui est une entité politique fondée sur les valeurs communes à tous les citoyens et Etats européens. La Roumanie estime que le travail accompli par la Convention ne doit en aucun cas être compromis. Certains aspects du projet nécessitent une mise au point, mais une renégociation du texte à la rédaction duquel ont travaillé tant de représentants des gouvernements et des parlements nationaux ainsi que des institutions européennes pourrait se révéler malheureuse.

Le poids politique croissant de l’Union européenne doit également se traduire sur la scène internationale. L’Europe se doit de contribuer à la gestion de la mondialisation selon des principes éthiques, tout en veillant à promouvoir son propre développement économique et social. Une Europe plus forte, s’exprimant d’une même voix, capable de jouer à l’échelon mondial un rôle à la mesure de sa puissance économique et de son patrimoine culturel et politique, et assumant davantage de responsabilités en matière de sécurité au sein d’un partenariat euro-atlantique sera à même d’apporter une contribution essentielle à la paix dans le monde et à la gestion des questions mondiales.

Je puis vous dire, mes chers collègues, que nous sommes convaincus que le débat sur l’avenir de l’Europe appelle la définition, par le 3e Sommet du Conseil de l’Europe, du rôle futur de l’Organisation dans le nouveau contexte mondial. Nous comptons apporter une contribution active à la préparation de cette réunion. Nous sommes convaincus que la place prépondérante du Conseil de l’Europe en matière de démocratie, de prééminence du droit et de droits de l’homme continuera de militer en faveur de la vocation paneuropéenne de l’Organisation.

Le Conseil de l’Europe devrait renforcer son rôle afin de garantir le respect de ces valeurs dans tous ses Etats membres. Tout en s’associant aux efforts déployés à l’échelon international en vue de lutter contre le terrorisme, le Conseil de l’Europe peut étendre son rôle en s’attachant à la promotion des valeurs démocratiques, et en incitant au dialogue entre les cultures et les religions. La Roumanie soutiendra toutes les mesures qui seront prises dans ce sens.

La réforme de la Cour européenne des Droits de l’Homme exige également des mesures concrètes. Nous sommes favorables à la mise au point d’une vision unitaire européenne dans le domaine des droits de l’homme et approuvons l’idée d’incorporer la Convention européenne des Droits de l’Homme dans la future Constitution européenne.

Avec le Comité des Ministres et l’Assemblée, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe a joué un rôle clé dans le développement de la démocratie et des pouvoirs locaux en Europe. La Roumanie soutient vivement son action, qui sert le principe de subsidiarité. Outre les principes de légitimité et de responsabilité démocratique, la transparence dans la gestion des affaires publiques a beaucoup bénéficié de cette participation de la société civile.

La Roumanie, qui fait historiquement partie de l’Europe, se voit comme un pilier du système de valeurs et de principes qui sous-tendent le projet européen: démocratie, respect des droits et libertés des citoyens, justice sociale, tolérance, solidarité au sein et entre les nations, et sens des responsabilités à l’égard des générations à venir. Ayant consolidé sa démocratie, et étant aujourd’hui fermement ancrée dans la construction européenne, la Roumanie entend contribuer au développement de l’Europe et du monde.

Son nouveau statut de membre de l’Otan et de l’Union européenne exigera qu’elle prenne des responsabilités accrues. La Roumanie a déjà prouvé sa capacité de gérer de grandes questions touchant à la sécurité et à la stabilité en Europe, lorsque, en 2001, elle a assuré avec succès la présidence de l’OSCE. La Roumanie continuera de promouvoir la vocation paneuropéenne du Conseil de l’Europe, par le biais notamment des relations bilatérales qu’elle entretient avec les pays d’Europe de l’Est et du Sud-Est ainsi qu’avec ceux de la région du Caucase. Elle agira dans le même esprit au sein du processus de coopération pour l’Europe du Sud-Est, dont elle assurera la présidence en 2004.

Le Gouvernement roumain travaille à resserrer les liens avec tous les pays voisins et soutient vivement les efforts déployés par les pays de l’ouest des Balkans en vue de leur adhésion future à l’Union européenne. Il encourage également la préparation à l’Europe de l’Ukraine et de la République de Moldova, dont la présidence du Comité des Ministres est un atout pour le Conseil de l’Europe.

J’ai pris connaissance du calendrier extrêmement varié de la présente partie de session. Permettez-moi d’ajouter quelques mots à propos des Nations Unies. La Roumanie est candidate à un poste de membre non permanent du Conseil de sécurité pour la période 2004-2005. A ce titre, elle souhaite voir renforcé le rôle central des Nations Unies dans la coordination des efforts déployés à l’échelle mondiale en faveur de la démocratie. Les Nations Unies restent, à ses yeux, une organisation indispensable pour les gouvernements. Dans le cadre de son futur mandat au Conseil de sécurité, l’une des principales priorités de la Roumanie sera aussi de favoriser une vision commune de l’Europe et des Etats-Unis sur les problèmes de sécurité et de développement au Proche-Orient, en Méditerranée, en mer Noire et en Asie. Elle s’attachera aussi à intensifier la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Enfin, la Roumanie pense que son expérience peut être utile aux pays en voie de développement soucieux de trouver des solutions à des problèmes tels que la pauvreté, l’accès à l’éducation et le développement économique.

Je tiens aujourd’hui à rendre hommage au rôle essentiel qu’a joué le Conseil de l’Europe dans le développement démocratique de la Roumanie. Le succès de la Roumanie est aussi celui du Conseil de l’Europe. Malgré les nombreuses difficultés et les nombreux obstacles, dont il lui reste encore quelques- uns à lever, la Roumanie a prouvé qu’elle était devenue un pilier sur lequel peut compter la communauté des nations démocratiques.

Le moment est venu pour nous de rembourser cet investissement de la communauté démocratique du Conseil de l’Europe dans la stabilité démocratique de la Roumanie en faisant profiter de notre expérience d’autres pays européens en transition. Nous sommes arrivés à destination. Le chemin vers la démocratie a été long et semé d’embûches. Mais nous avons bénéficié du soutien de nombreux amis, dont beaucoup sont, ou étaient, membres de l’Assemblée parlementaire.

Je dois avouer qu’en esprit j’appartiens toujours à ce forum. Si je dis cela, c’est parce que j’ai encore la mémoire vive de toutes ces années passées parmi vous à défendre les valeurs et les principes du Conseil de l’Europe par le biais de nos actions politiques que nous nous efforcions de traduire dans la vie quotidienne des citoyens que nous représentions. L’Europe que nous sommes en train de construire doit être fondée sur les valeurs et les objectifs européens communs, sur le respect de la diversité et sur une culture de la solidarité.

Les mutations extraordinaires ainsi que les terribles désastres et conflits qu’a connus le continent européen doivent s’effacer au profit d’une nouvelle vision européenne, une vision qui doit se fonder sur une meilleure compréhension de l’objectif européen commun et sur l’égalité des chances tant pour les nations que pour les citoyens. Il a toujours été de la vocation du Conseil de l’Europe d’unir les efforts au service de cette vision généreuse. Mes chers amis, je vous remercie de votre attention.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Merci beaucoup, Monsieur Nastase, pour cette allocution fort intéressante, au cours de laquelle vous avez abordé tous les centres d’intérêt de l’Assemblée, ce qui montre que vous ne vous contentez pas de suivre les travaux du Conseil de l’Europe et de l’Assemblée, mais que vous y prenez également une part active en authentique partenaire.

Plusieurs membres de l’Assemblée ont exprimé le souhait de vous poser une question. Je leur rappelle qu’ils disposent pour ce faire de trente secondes au maximum. Il s’agit de poser des questions et non de faire des discours. Les questions qui portent sur le même thème seront regroupées. Quant aux questions supplémentaires, je suis disposé à les autoriser, mais seulement à la fin de notre dialogue et à condition que nous disposions de suffisamment de temps.

La parole est à M. Eorsi, pour poser la première question.

M. EÖRSI (Hongrie) (traduction)

Monsieur le Premier ministre, je me réjouis de vous retrouver dans cette enceinte. En tant qu’ami et ancien collègue, vous connaissez la valeur des symboles en politique. J’ai beaucoup apprécié les propos que vous avez tenus au sujet des relations entre la Roumanie et la Hongrie, mais un nouveau problème s’est fait jour pour ce qui concerne le statut des minorités. Ce statut avait été interprété différemment par la Roumanie il y a 150 ans, mais j’aimerais savoir ce qui, aujourd’hui, l’empêche de restaurer les libertés qui revêtent une telle importance pour la minorité hongroise.

M. Nastase, Premier ministre de Roumanie (traduction)

Je vous remercie pour cette importante question. Chaque fois qu’un problème trouve un règlement, il semblerait qu’en surgisse un autre. Je me réjouis de pouvoir dire que, à l’heure actuelle, la discussion porte sur le statut et non sur la loi pertinente. Celle-là a été «ficelée» et nous venons de signer les conditions d’application. Pendant deux ans et demi, nous nous sommes efforcés d’harmoniser le cadre juridique avec les normes européennes. La Roumanie s’attache à comprendre la philosophie qui sous-tend la promotion et la protection des droits des minorités, et a beaucoup fait dans ce sens. Le fait que mon gouvernement ait été mis en place grâce au soutien du parti hongrois en est d’ailleurs la preuve. On peut dire que la nouvelle Constitution satisfait aux normes européennes, puisque y ont été incorporées un certain nombre de dispositions importantes, notamment pour ce qui concerne la possibilité d’employer les langues minoritaires dans les relations avec l’administration ou le judiciaire.

Mais l’intégration européenne ne se fait pas uniquement avec des idées abstraites. Elle doit également se faire sur le plan matériel. C’est pourquoi nous sommes en train de construire entre Bucarest et Budapest une autoroute qui revêtira une importance capitale pour les relations entre les deux pays. Nous avons instauré avec le Gouvernement hongrois un partenariat de coopération pour le XXIe siècle; mais des problèmes subsistent, qui trouvent leur origine au XIXe siècle. En 1925, le Gouvernement, à l’époque libéral, de Roumanie s’est accordé avec le Parlement roumain pour dire que le statut accordé à la fin du XIXe siècle avait une portée particulière, révisionniste. De fait, ce n’était pas vraiment le cas, mais c’est ainsi qu’il était ressenti. Cela toutefois n’avait rien à voir avec le problème de l’exécution, par les Habsbourg, de treize généraux au cours de la révolution de 1848. C’est pour cela que le statut revêtait une telle importance pour les Roumains et pas uniquement pour la minorité hongroise. Le fait que le statut doive être restauré en Roumanie, et pas en Hongrie, signifie qu’il faut prendre en compte les sensibilités des Roumains.

Cela dit, nous comprenons que, ayant travaillé à la loi sur le statut, il convient également de rechercher un compromis pour ce qui concerne le statut lui-même. Mon parti travaille avec le Parti hongrois de Roumanie en vue de trouver un tel compromis d’ici au mois de décembre. Je suis optimiste quant au succès de ces travaux. Néanmoins, le Conseil de l’Europe devra se pencher sur une autre question qui revêtira certainement un intérêt particulier, celle de la double citoyenneté fondée sur l’origine ethnique. Etant donné toutefois qu’il nous faudra peut-être attendre deux ans après l’adoption, par les parlements nationaux, des nouvelles dispositions avant de pouvoir dire si elles sont conformes aux normes européennes, je vous invite dès à présent à vous concentrer sur la citoyenneté européenne et les projets européens, et à ne pas en revenir au XIXe siècle. Au XXIe siècle, travaillons pour la génération actuelle et pour les générations futures, ce dans l’intérêt à la fois des Roumains et des Hongrois!

M. ATKINSON (Royaume-Uni) (traduction)

On constate, au sein des parlements de certains pays orthodoxes, une fâcheuse tendance à soutenir des lois visant à limiter la liberté de religion aux «religions traditionnelles», ce qui serait, bien entendu, contraire à la Convention européenne des Droits de l’Homme. Pouvez-vous nous donner l’assurance que vous n’encouragerez aucune mesure de cet ordre dans votre parlement?

M. Nastase, Premier ministre de Roumanie (traduction)

Nous avons travaillé longtemps ensemble sur ce sujet, y compris en tant que rapporteurs de l’Assemblée parlementaire sur celui des sectes, question dont nous avons débattu tant en commission qu’en séance plénière. Je ne puis que réaffirmer ici que les dispositions qui régiront à l’avenir la liberté de religion en Roumanie tiendront pleinement compte des normes européennes.

Mme DURRIEU (France)

Monsieur le Premier ministre, la Roumanie est membre du Conseil de l’Europe depuis dix ans. Vous avez ici de nombreux partenaires et amis. Vous avez déclaré: «Le Conseil de l’Europe est l’essence même de l’esprit européen.» Pourriez-vous nous préciser les contours de cette Europe future, en termes de politique et de sécurité communes?

M. Nastase, Premier ministre de Roumanie

Je vous remercie infiniment, Madame Durrieu, pour votre question. Je fais partie de ceux qui croient en la mission historique de l’Europe. Il était important pour elle de se réunifier, mais des mesures restent encore à prendre. La Roumanie et la Bulgarie devraient devenir membres de l’Union européenne avant 2007.

Une Europe qui a déjà une politique commerciale commune, une monnaie commune à la plupart de ses membres, qui se prépare à avoir un seul ministre des Affaires étrangères, ne peut jouer un rôle global si elle n’évolue pas dans sa politique de sécurité et dans ses relations internationales.

Une Constitution européenne ne peut que refléter les rapports de force et les intérêts des acteurs nationaux. Je crois beaucoup à une Europe unie, puissante non seulement du point de vue économique, mais aussi pour jouer un rôle global dans la politique internationale, de défense et de sécurité communes.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Je vous remercie. Les deux questions suivantes, qui portent sur des questions d’autonomie, ont été regroupées. La parole est à M. Gedei, pour poser sa question.

M. GEDEI (Hongrie) (traduction)

J’aimerais savoir si votre gouvernement envisage de donner l’autonomie à la région roumaine limitrophe de la ville hongroise de Szeged.

M. ÉKES (Hongrie) (traduction)

Merci. Monsieur le Premier ministre, ma question porte précisément sur le même point. Le rapport d’Andreas Gross traite de l’autonomie des minorités. Quelles sont à votre sens les possibilités d’intégrer cet aspect dans la politique régionale de la Roumanie? Ma deuxième question concerne la restitution des biens de l’Eglise. Où en êtes-vous dans ce domaine?

M. Nastase, Premier ministre de Roumanie (traduction)

L’autonomie est une notion complexe. Il convient en premier lieu de définir ce que nous entendons par ce terme qui, en raison des interprétations ambiguës auxquelles il prête, est traité différemment selon les pays.

Je commencerai donc, si vous le permettez, par préciser ce que j’entends par autonomie: c’est la relation entre le gouvernement central et les collectivités locales. L’autonomie administrative existe en Roumanie et le Gouvernement roumain soutient pleinement le processus de décentralisation. Les représentants des collectivités locales qui m’accompagnent peuvent témoigner du fait que nous sommes en train de transférer de nombreux pouvoirs du gouvernement central vers les collectivités locales.

Par «collectivité locale», j’entends une communauté composée de Roumains, d’Allemands, de Hongrois ou de toute autre nationalité. C’est pourquoi je m’oppose à toute idée d’autonomie qui serait fondée sur des considérations ethniques. Mais, comme on m’a demandé mon point de vue, j’apporterai une réponse directe à la question qu’on m’a posée. Je m’oppose à l’octroi aux communautés ethniques d’une autonomie en matière d’administration des affaires publiques. Je considère, au contraire, que chaque gouvernement européen doit défendre l’identité culturelle et la liberté de culte des minorités, dans le respect des normes européennes. Voilà la direction dans laquelle nous travaillons. Nous avons adapté notre législation aux normes européennes – peut-être mieux que ne l’ont fait d’autres pays européens. J’espère que notre exemple sera suivi par nos voisins.

C’est le meilleur moyen de résoudre les conflits ethniques tout en travaillant à la constitution d’un espace européen intégré. Nous ne voulons pas que les communautés se désintègrent; nous voulons, au contraire, les intégrer dans une communauté européenne élargie. C’est pourquoi la notion d’autonomie devrait toujours être entendue comme une sorte de philosophie en vertu de laquelle les centres de décision se rapprochent des citoyens, mais sans créer de divisions ou d’enclaves au sein des pays existants.

Je suis convaincu que la minorité roumaine de Hongrie et la minorité hongroise de Roumanie seront traitées selon les mêmes normes, ce qui leur permettra de continuer à vivre selon leurs riches valeurs culturelles et spirituelles.

Pour répondre à la deuxième question, je dirai que la restitution des biens de l’Eglise s’inscrit, tant en Roumanie que dans d’autres pays en transition, dans le cadre plus vaste de la restitution des biens privés, qui permettrait de réparer, de restaurer et de créer un autre environnement pour le statut de la propriété. Le problème est d’autant plus difficile à résoudre que, pendant des décennies, les Etats communistes de la région se sont attachés à modifier ledit statut.

Nous avons également pris des mesures en vue de la restitution de terres agricoles, d’exploitations forestières et de propriétés privées ainsi que de la privatisation de certaines propriétés de l’Etat. Toutefois, la restitution des biens de l’Eglise se heurte à d’autres difficultés parce que, en Roumanie, ces biens n’appartiennent pas à l’Etat. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la recherche de compromis est une entreprise de longue haleine. De tels compromis sont en train de se mettre en place à l’échelon local. Toutefois, l’Etat et le Gouvernement roumains se sont toujours efforcés d’encourager de telles solutions, et le ministre de la Culture qui m’accompagne pourrait vous donner de nombreux exemples de restitutions déjà effectuées. Il faut continuer sur cette lancée en vue de parvenir à régler définitivement ce problème en Roumanie et dans d’autres pays en transition.

M. MIGNON (France)

Monsieur le Premier ministre, permettez-moi d’abord de vous dire tout le plaisir que j’ai éprouvé à vous revoir dans cet hémicycle: voilà qui nous rappelle quelques bons souvenirs, lorsque nous nous sommes battus côte à côte pour faire en sorte que votre pays entre au Conseil de l’Europe.

L’ouverture, que je souhaite prochaine, comme mes collègues, du processus d’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne va poser d’une manière nouvelle le problème de l’immigration en provenance de votre pays ou qui transite par votre territoire. Comment la Roumanie se prépare-t-elle aujourd’hui à cette échéance et quel est l’état des coopérations bilatérales et multilatérales actuellement mises en œuvre pour répondre de manière concertée aux problèmes posés par les mouvements de population en cause tant aux autres pays qu’à votre propre pays?

M. Nastase, Premier ministre de Roumanie

Merci, Monsieur Mignon, de vos commentaires et de votre question qui me donne l’occasion de m’exprimer sur ce sujet qui, comme toutes choses humaines, a une dimension positive et une dimension négative.

Certes, après la chute du communisme, les Gouvernements roumains ont supprimé les visas pour se rendre à l’étranger. Cependant, les Roumains ont trouvé un mur de l’autre côté de la frontière. Il y a encore deux ans, ils ne pouvaient pas voyager en Europe. Ils avaient besoin de visas. Cela était plutôt difficile! Depuis deux ans, un enthousiasme extraordinaire s’est manifesté pour comprendre l’Europe. Cette année, près de 4 millions de Roumains ont traversé la frontière. La plupart d’entre eux sont néanmoins retournés dans leur pays.

Comme vous le savez, il existe des situations d’exception. Nous devons indiquer à nos concitoyens qu’ils ont la possibilité de voyager et d’accepter, grâce aux accords existants, des emplois à court terme dans les pays de l’Union européenne, mais qu’ils ne doivent pas créer de problèmes à nos amis. En effet, l’opinion publique de ces pays risque de basculer. Nous considérons comme essentielles les mesures tendant à favoriser un changement de mentalité de nos concitoyens pour qu’ils comprennent ce qui se passe en Europe, ainsi que leurs responsabilités dans ce domaine.

Je pense que vous serez d’accord avec moi pour considérer que la plupart des Roumains ne créent pas de problèmes dans les pays où ils vont. Toutefois, pour ceux qui n’acceptent pas les règles du jeu, nous avons signé des accords bilatéraux de réadmission – tel est le cas avec la France – selon lesquels ceux qui transgressent la loi et créent des problèmes peuvent être refoulés en Roumanie. En outre, dans nos ambassades, des officiers de police coopèrent avec les ministères de l’Intérieur des pays membres de l’Union européenne.

Nous sommes donc conscients de la responsabilité du Gouvernement et des autorités roumaines envers nos partenaires et amis qui acceptent de supprimer l’obligation de visa pour les ressortissants roumains. Nous essayons maintenant d’examiner, de manière très spécifique avec chaque pays, les problèmes qui peuvent se poser. Ainsi, lors du dernier week-end, une grande partie des Roumains qui essayaient de sortir de leur pays ont été retenus à la frontière roumaine, car nous avons voulu lancer un appel très clair à la responsabilité individuelle de ceux qui se rendent en Europe.

Nous sommes conscients que les pays de l’Union européenne voudraient faire le tri entre les bons fruits et ceux qui le sont moins. Par exemple, les jeunes informaticiens sont bienvenus dans la plupart des pays européens. D’autres sont moins bienvenus. Nous le comprenons et nous essayons d’aider l’économie européenne de ce point de vue aussi. J’espère que nos amis des pays européens accepteront que nous essayions de faire ce qui est nécessaire afin d’éviter des situations négatives pour leur pays.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Je vous remercie. Les deux questions suivantes, qui portent sur l’Europe du Sud-Est, ont été regroupées. La parole est à Mme Petrova-Mitevska, pour poser sa question.

Mme PETROVA-MITEVSKA («l’ex-République yougoslave de Macédoine»)

Monsieur le Premier ministre, votre pays prendra, l’année prochaine, la présidence du Processus de coopération de l’Europe du Sud-Est. La Roumanie ainsi que «l’ex-République yougoslave de Macédoine» comptent au nombre des fondateurs de cette importante initiative qui a pour objectif de promouvoir la coopération entre les pays de la région. J’aimerais savoir quelles seront les priorités de la Roumanie au cours de sa présidence.

M. KIRILOV (Bulgarie) (traduction)

C’est pour moi un honneur que d’avoir l’occasion de m’adresser au Premier ministre, qui est aussi un ancien collègue. Ma question est très brève. Pour la première fois, tous les pays de l’Europe du Sud-Est se trouvent sur le chemin de l’intégration européenne. J’aimerais savoir comment vous évaluez le rythme des progrès qu’ils accomplissent, y compris, bien entendu, les pays de l’ouest des Balkans.

M. Nastase, Premier ministre de Roumanie (traduction)

Il nous appartient non seulement d’instaurer des relations bilatérales entre chaque pays de l’Europe du Sud-Est, Bruxelles et Strasbourg, mais aussi de renforcer la solidarité régionale. Il faut prendre conscience qu’on apportera une valeur ajoutée non seulement par le biais des activités que nous menons dans nos propres pays, mais aussi par le biais de celles qui seront entreprises dans l’ensemble de la région. C’est pourquoi, au cours de notre présidence, nous nous emploierons à insister sur la nécessité de mettre en place une plate-forme de coopération en vue de l’intégration de la région tout entière. Il faut contribuer au développement d’un réseau de relations économiques et politiques. Aujourd’hui, la paix règne dans la région, mais, comme vous le savez, un certain nombre de problèmes sensibles subsistent, auxquels il faut trouver un règlement, ce qui sera grandement facilité par l’intensification du dialogue politique. Nous encourageons une telle approche. C’est la raison pour laquelle notre présidence revêtira une importance particulière.

Nous nous efforçons également d’aider la République de Moldova à devenir membre à part entière du Processus de coopération de l’Europe du Sud-Est. Il est essentiel de rassembler l’ensemble des pays de la région en vue de participer à l’effort européen d’intégration et de développement démocratique.

Monsieur Kirilov, je me réjouis, moi aussi, de l’occasion qui m’est donnée ici de retrouver de vieux amis. Je me réjouis également de voir que la Roumanie et la Bulgarie sont, ces dernières années, parvenues à comprendre qu’il était plus efficace de collaborer que de rivaliser d’efforts, chacun de son côté, pour voir qui sera le meilleur élève. Voilà une des leçons que nous avons apprises au sein de l’Otan. Nous avons commencé à renforcer notre coopération. Monsieur Kirilov, je vous félicite, ainsi que vos collègues bulgares et mes collègues roumains, pour avoir compris que, en termes de relations parlementaires, le moment est opportun pour soutenir nos deux gouvernements.

Pour ce qui est de la coopération régionale, comme vous le savez, les priorités du monde actuel diffèrent d’une région à l’autre. Au cours du conflit dans l’ex- Yougoslavie, beaucoup de promesses ont été faites. Le Pacte de stabilité est apparu comme une sorte de plan Marshall très efficace. Par la suite, le conflit en Afghanistan est devenu une priorité, suivie par le Proche-Orient et l’Irak. Il faut reconnaître que c’est à nous-mêmes qu’il appartient de résoudre les problèmes de notre région. C’est pourquoi il faut continuer de travailler ensemble afin de trouver les ressources nécessaires pour la mise en place d’une infrastructure régionale et pour la liaison de nos réseaux énergétiques. Tout cela valorisera nos relations avec les autres régions d’Europe. C’est la raison pour laquelle je suis très favorable à la promotion de relations telles que celles que nous entretenons avec la Hongrie. Les données économiques font apparaître que cette philosophie a débouché sur des résultats encourageants.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Je vous remercie. Les deux dernières questions, qui ont trait à la Moldova, ont été groupées. La parole est à M. Neguta, pour poser sa question.

M. NEGUTA (Moldova)

Monsieur le Premier ministre, lors de votre rencontre avec les ambassadeurs à Bucarest, vous avez déclaré que la Roumanie ne souhaitait pas conclure un traité de base avec la Moldova. La Roumanie est-elle prête à signer un traité de base avec la Moldova, comme elle l’a fait avec ses voisins la Hongrie, la Bulgarie et l’Ukraine?

LE PRÉSIDENT (traduction)

La deuxième question émane de M. Rakhansky, mais il n’est pas présent.

M. KLYMPUSH (Ukraine) (traduction)

Monsieur le Président...

LE PRÉSIDENT (traduction)

Non vous ne pouvez pas poser de question. Vous n’êtes pas M. Rakhansky. Mais je pense pouvoir préciser que la question de M. Rakhansky portait sur le fonds créé pour les projets de coopération avec la République de Moldova. Le Premier ministre a fait savoir qu’il souhaitait y répondre également. Je donne la parole à M. le Premier ministre de Roumanie.

M. Nastase, Premier ministre de Roumanie

Monsieur le Président, je vous prie de bien vouloir accepter que je réponde aussi à la question qui n’a pu être développée par notre collègue ukrainien.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Je l’accepte.

M. Nastase, Premier ministre de Roumanie

Il faut bien comprendre que la philosophie des traités de base date de la période qui a directement suivi la fin du communisme. A l’époque, les pays de l’Est, en transition, avaient essayé de définir leur conduite envers les pays de l’Europe occidentale ainsi que leurs relations avec les pays voisins et leurs frontières. Cette période est dépassée. La plupart des traités invoqués ont été signés immédiatement après 1989-1991. Imagineriez-vous que la France décide de signer des traités politiques avec le Danemark ou la Belgique avec l’Italie? Ce n’est plus nécessaire, me semble-t-il.

La Roumanie aurait éventuellement pu signer ce genre d’accord avec la République de Moldova en 1991 ou 1992. J’étais ministre des Affaires étrangères à l’époque et je me souviens d’avoir proposé un texte qui n’a pas été accepté par la République de Moldova. Dix années se sont écoulées; nos relations sont fondées sur les principes du droit international. La Roumanie avait été la première à reconnaître la République de Moldova. Nous avons signé un accord de frontières avec cet Etat. Je ne vois pas bien l’intérêt de signer de nouveaux accords entre nos deux pays, sauf pour des matières particulières de coopération, comme les échanges culturels, économiques et autres.

En revanche, nous avons proposé de signer une déclaration commune pour un partenariat européen. En effet, la Roumanie et la République de Moldova se retrouvent dans un environnement européen, au sein des institutions européennes, et doivent respecter ensemble ce genre de principe.

J’en viens à la seconde question. Le fait qu’un parlementaire ukrainien m’interroge sur le fonds qui a été créé pour des projets de coopération entre la Roumanie et la République de Moldova montre clairement un intérêt pour les sujets régionaux. Ce fonds a été créé à une certaine époque que je n’évoquerai pas; il faut examiner son mode de fonctionnement.

Nous nous sommes inspirés du modèle hongrois pour concevoir un département en faveur des Roumains qui vivent en dehors de nos frontières. Le fonds sera utilisé par ce département, par le biais d’organisations non gouvernementales. Puisqu’il a été créé avec de l’argent roumain, je ne vois pas pourquoi sa gestion serait décidée dans le cadre d’une formule mixte entre le Gouvernement roumain et le Gouvernement moldove. Comme il s’agit de l’argent du contribuable roumain, nous ne devons répondre de son fonctionnement que devant l’opinion publique roumaine. Toutefois, je le répète, s’il s’agit de la question des projets pour aider, comme l’ont fait la plupart des pays de la région, les citoyens qui se trouvent en dehors de nos frontières, une action sera menée, sur la base d’un autre modèle accepté par le Conseil de l’Europe, par l’intermédiaire d’un département qui s’occupe directement de cette matière, ainsi que par des ONG qui attribueront l’argent à des projets très précis.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Nous sommes arrivés au terme de notre dialogue avec M. Nastase, que je remercie chaleureusement pour son discours et pour les réponses qu’il a faites aux questions qui lui ont été posées.

Je profite de cette occasion pour présenter les vœux de l’Assemblée à la Roumanie qui célébrera, le 7 octobre, le dixième anniversaire de son adhésion au Conseil de l’Europe. Monsieur le Premier ministre, je vous remercie, ainsi que la délégation de ministres et de parlementaires qui vous accompagne, d’avoir répondu à notre invitation.