Mikhail

Saakashvili

Président de la Géorgie

Discours prononcé devant l'Assemblée

lundi, 21 janvier 2013

Monsieur le Président de l’Assemblée, Monsieur le Président du Comité des Ministres, Monsieur le Secrétaire Général, (poursuivant en anglais) Mesdames et Messieurs, il a bien sûr été noté qu’il s’agissait de la quatrième fois que j’ai l’honneur de m’exprimer devant cette Assemblée. Cela ne tient pas à mes qualités personnelles, mais au fait que je suis Président depuis longtemps, et cela fait partie des exigences du poste. C’est également un immense privilège de s’adresser à vous à un moment si crucial pour la démocratie géorgienne.

Je tiens avant tout à exprimer ma plus profonde gratitude au Président de l’Assemblée, Jean‑Claude Mignon, pour m’avoir invité à faire part dans ce lieu des aspirations européennes et démocratiques de mon peuple. Comme vous le savez tous, il y a quelques mois a eu lieu le premier transfert de pouvoir à la suite d’élections dans l’histoire de notre nation. Comme dans toute démocratie, les majorités changent en Géorgie selon les souhaits des électeurs, mais notre lutte nationale pour la liberté et l’intégration européenne va au‑delà des divisions politiques. Elle nous unit, constituant l’essence de notre jeune Etat et de notre vieille nation. C’est l’essentiel de mon message, et je ne peux imaginer meilleur endroit pour le délivrer.

Le Conseil de l’Europe regroupe toutes les nations de notre continent autour des principes et des valeurs qui ont façonné le destin européen depuis la fin de la seconde guerre mondiale, ces valeurs et principes qui ont abattu le mur de Berlin et mené à la réunification européenne, ces valeurs de liberté, de respect des droits de l’homme, de responsabilité politique et de respect de l’Etat de droit auxquelles le peuple géorgien est si attaché, et qui m’ont guidé tout au long de ma vie.

« La Géorgie a été menacée, victime d’embargos, bombardée, envahie et occupée. Deux de nos régions ont fait l’objet d’une épuration ethnique »

Mesdames et Messieurs, je me souviens très bien du jour où j’ai découvert le Conseil en tant que jeune stagiaire en provenance de ce qui s’appelait encore Union Soviétique, en 1991, très peu de temps après l’effondrement du mur de Berlin. Mes premiers pas dans le monde libre, et donc en politique – car la politique ne peut exister que dans la liberté – se sont faits ici. Ce furent non seulement mes premiers pas en politique, mais également mes premiers pas dans la vie. Je me souviens avoir partagé mon temps entre des nuits blanches passées à la bibliothèque de la Cour européenne des droits de l’homme, où je devais travailler la jurisprudence pour préparer mon examen d’entrée à l’Institut international des droits de l’homme, et des journées très actives passées à poursuivre à bicyclette une merveilleuse étudiante venue des Pays‑Bas, qui est devenue ma femme et qui est assise ici, souriante. Ainsi, Strasbourg est pour moi un endroit très particulier.

Par la suite, tout a changé pour moi – sauf ma femme –, et je suis revenu ici comme parlementaire d’une Géorgie indépendante, avec d’autres jeunes réformistes pour qui cette Assemblée a été une fantastique école de démocratie. Des années plus tard, j’ai été invité ici pour parler en tant qu’un des acteurs des révolutions de couleur qui prolongeaient les mouvements d’émancipation et de réunification commencées par les «révolutions de velours» en 1989. C’étaient des époques d’espoir et d’enthousiasme.

Aujourd’hui me voilà de nouveau devant vous en tant que président de cohabitation, et leader d’un mouvement qui est retourné à l’opposition après plus de huit années au pouvoir. Cela pourrait vous surprendre, mais après toutes ces années, mes espoirs et mon enthousiasme n’ont fait que croître.

Mesdames et Messieurs, dès le départ, au début des années 1990, alors que la Géorgie était un Etat déliquescent, une nation divisée et brutalisée, mon engagement politique a été inspiré par l’idée que la Géorgie finirait par rejoindre la famille des démocraties européennes, où les gouvernements changent par les élections, et non par les coups de feu.

Bien sûr, tous les politiciens au monde veulent gagner les élections, et je suis déçu que le Mouvement national uni n’ait pas réussi à convaincre la majorité des électeurs lors des élections parlementaires du mois d’octobre dernier. Mais je suis fier que ce parti, mon parti, ait contribué à construire un système dans lequel les gouvernements et les majorités changent suite aux élections, et non par des coups d’Etat ou des révolutions, un cadre institutionnel qui facilite le transfert légitime du pouvoir plutôt que de l’empêcher, en un mot: une démocratie.

Pendant plus de huit années, j’ai dirigé une équipe qui a radicalement changé notre nation, qui a combattu sans relâche la corruption et le crime organisé, qui a systématiquement démantelé les obstacles bureaucratiques hérités de notre passé soviétique, qui a libéré les initiatives dans notre société et qui a aidé à façonner la perception partagée que le gouvernement était là pour servir le peuple et non le contraire, et que la légitimité ne provenait pas du sommet, mais de la base.

De nombreux observateurs ont, à juste titre, caractérisé ce changement de paradigme comme étant une «révolution mentale». Ce long héritage de l’homo sovieticus a fini par être surmonté en Géorgie. Cela signifie que, comme dans quasiment toutes les nations européennes, l’alternance est devenue la règle. C’est pour cela que mes espoirs et mon enthousiasme sont encore plus forts aujourd’hui que jamais. Ce qui s’est passé en Géorgie ces huit dernières années, y compris le 1er octobre – une date importante de notre expérience démocratique – a changé notre nation et même, je le crois profondément, notre région. Toutes ces années, la Géorgie a montré que la corruption n’est pas une fatalité, pas plus que l’autoritarisme, que le choix n’est pas entre le chaos et la tyrannie – comme c’est trop souvent le cas dans le monde post‑soviétique – mais qu’il existe une autre possibilité: le choix européen.

Cette dernière décennie, nous avons payé un lourd tribut pour avoir choisi la voie de la transformation et l’intégration euro‑atlantique. La Géorgie a été menacée, victime d’embargos, bombardée, envahie, occupée. Deux de nos régions ont fait l’objet d’un nettoyage ethnique. Des centaines de milliers de nos citoyens ont été expulsés de leurs maisons. En cet instant où je m’adresse à vous, ils ne peuvent toujours pas retourner dans leurs villes et leurs villages. C’est dans ce contexte, mes chers amis, que nous avons construit notre démocratie et que notre nouvel Etat a pu émerger. C’est dans ce contexte que la révolution mentale a eu lieu.

Je veux vous dire aujourd’hui combien je suis fier d’appartenir à ce peuple géorgien, fier de tous les sacrifices consentis par notre population pour permettre à notre indépendance de survivre et à notre démocratie de grandir et de fleurir, vous dire combien j’admire le courage du peuple géorgien et sa foi dans l’avenir, son absence de haine et sa soif de liberté et de paix.

Je tiens aussi à remercier tous nos amis en Europe: sans leur appui, notre expérience démocratique n’aurait pas survécu et n’aurait pas été couronnée de succès. Nous n’aurions pas pu sortir de cette prison que sont les stéréotypes et les clichés. Je souhaite tout particulièrement remercier cette Assemblée pour les multiples résolutions qui ont été approuvées suite à l’invasion de 2008. Je souhaite vous remercier, Mesdames et Messieurs les parlementaires ici présents et remercier également ceux qui ne sont plus dans cette Assemblée aujourd’hui, tel M. Mattias Eörsi, qui nous ont apporté leur soutien pour traverser ces temps extrêmement difficiles.

Des termes sans aucune ambiguïté ont été utilisés dans les différentes résolutions adoptées afin de lutter contre le nettoyage ethnique, pour la paix et le retrait de la reconnaissance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud en tant que prétendus Etats indépendants.

Comme vous le savez, des demandes restent encore à réaliser: depuis que ces résolutions ont été adoptées, la présence militaire russe n’a pas cessé de s’accroître dans les régions occupées, des villages géorgiens ont encore été rayés de la carte, et la mission de l’Union européenne n’a pas réussi à pénétrer dans les zones occupées. Il n’en demeure pas moins que le fait que l’Assemblée formule ces demandes a été essentiel. Envoyer de tels signaux a montré à tous combien ces principes et ces valeurs sont importants. Cela a permis également aux victimes de comprendre qu’elles ne sont pas seules et de rappeler au monde en quoi cette institution était si importante.

Je sais qu’une résolution sur la situation humanitaire dans les régions occupées est actuellement étudiée par la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées. Je souhaite vous remercier par avance du soutien que vous pourrez apporter à cette résolution. Je vous remercie également de tous les efforts que vous déployez pour nous aider à surmonter les conséquences humanitaires tragiques de l’invasion.

Je souhaite également exprimer l’immense gratitude de la nation géorgienne et son espoir que vous continuerez de suivre ce qui se passe dans notre région en faveur des progrès démocratiques. La Géorgie a besoin d’un Conseil de l’Europe fort et efficace. La Géorgie en a besoin, mais c’est aussi le cas de tous nos pays voisins et de l’ensemble du continent européen. C’est la raison pour laquelle je me félicite de toutes les réformes initiées par le Secrétaire Général Jagland et par le Président Mignon.

(Poursuivant en français) Je tiens à vous féliciter, en français, cher Jean‑Claude, pour le succès de votre initiative. Il était urgent et nécessaire de mener cette réforme à bien. Je suis convaincu qu’elle donnera à cette Assemblée un rôle et un poids supplémentaires. Les principes et les rêves des pères fondateurs de l’Europe vivent dans cette salle et, en Géorgie comme ailleurs, peut‑être plus qu’ailleurs encore, nous savons l’importance cruciale de votre mission à tous et nous soutenons avec enthousiasme tout ce qui renforcera cette Assemblée et le Conseil. Car les Géorgiens ne sont pas seulement des Européens, mais des Européens enthousiastes et convaincus.

(Reprenant en anglais) Ces huit dernières années, vous nous avez accompagnés alors que nous édifiions nos institutions démocratiques. Nous poursuivons notre transformation démocratique. Vous nous avez conseillés et vous vous êtes félicités des progrès que nous avons réalisés dans votre dernière Résolution 1801 dans laquelle vous nous avez proposé des changements là où vous pensiez que nous pouvions faire plus.

La coopération qui fut la nôtre toutes ces années avec votre Assemblée et la Commission de Venise fut exemplaire. Personne ne peut mettre en doute l’expertise de la Commission de Venise. C’est pour cela que je demande à notre nouveau gouvernement d’attendre les recommandations de cette commission avant de mettre en œuvre des lois, notamment en matière de système judiciaire.

Je souhaite également saisir cette occasion pour remercier tout particulièrement ceux d’entre vous qui ont participé à l’observation des élections législatives, en particulier le président de la mission d’observation, M. Luca Volontè.

Vous avez pu dire que la Géorgie se rapproche des normes que vous promouvez ici et qui, un jour, nous uniront tous dans cette salle. Votre vigilance est essentielle et aidera la Géorgie à poursuivre sur la voie du progrès. Mais comme vous le savez, et comme cela s’est produit dans de nombreuses démocraties ces dernières années, la classe politique géorgienne souffre d’une mentalité qui veut que tout aille au gagnant. Allant de poursuites sélectives ciblant d’anciens responsables gouvernementaux, des parlementaires de l’opposition, des autorités locales et des médias indépendants à des agressions physiques de partisans politiques, une campagne a commencé à avoir un véritable impact et à rendre l’opposition politique silencieuse.

Le changement pacifique et constitutionnel de gouvernement qui illustre que les institutions n’appartiennent pas à un parti et qui marque le début d’une période de cohabitation entre différents élus de couleurs politiques différentes, pourrait représenter une opportunité indéniable pour nous permettre d’avancer dans les réformes. Au lieu de cela, nous avons pu voir le Premier ministre établir publiquement un lien entre la vague d’arrestations et les activités politiques de l’opposition. Nous avons entendu le ministre de la Justice déclarer aux médias que sa mission était de détruire le Mouvement de l’Unité nationale par voie judiciaire. Nous avons pu voir les attaques quotidiennes dont étaient victimes les juges qui essayaient de faire valoir leur autonomie.

Nous avons vu également le harcèlement dont sont victimes les médias indépendants. Nous avons vu ce qui s’est passé avec l’organe de radiodiffusion public géorgien. La première chaîne publique était une chaîne télévisée respectant parfaitement l’équilibre lors de la campagne électorale de l’an dernier. Plutôt que de renforcer l’émergence de cette télévision publique objective, le nouveau Premier ministre a poussé le directeur de l’organe de radiodiffusion à démissionner et a annoncé publiquement son intention de fusionner cet organe de radiodiffusion avec la chaîne 9 qui appartient à sa famille. C’est extrêmement préoccupant de voir que, simultanément, le directeur de la grande chaîne privée en Géorgie, Rustavi 2, a été arrêté et doit répondre d’accusations d’activités commerciales illicites pouvant lui valoir de nombreuses années de prison et que le Premier ministre a lancé un appel public pour que Rustavi 2, cette chaîne privée, change de propriétaire par voie judiciaire.

Nous invitons le nouveau gouvernement à faire tout ce qu’il peut pour renforcer le cadre démocratique plutôt que de le saper. Il est également vrai que certaines des réformes que nous avons menées n’ont pas été bien comprises par certaines parties de la population. Je suis d’accord pour dire que notre communication a été parfois déficiente, mais je suis également persuadé que les principes et les valeurs que nous promouvons méritent des prises de risque politique.

La loi adoptée en 2011 qui accorde les mêmes droits à toutes les minorités religieuses nous a peut‑être coûté quelques voix, mais fallait‑il pour autant avoir un discours de haine et d’intolérance? Cela justifiait‑il la restauration sur fonds publics des statues de Staline dans plusieurs villes géorgiennes?

Le nouveau gouvernement de Tbilissi a déclaré qu’il entendait poursuivre l’intégration européenne et euro‑atlantique du pays. C’est un signal positif; je m’en suis publiquement félicité à plusieurs reprises et j’ai offert mon aide aux ministres en charge de cette question. Mais les paroles ne suffisent pas: encore faut‑il agir en conséquence. L’Union européenne et l’Otan ne sont pas de simples partenaires pour la Géorgie: elles sont la famille que nous voulons rejoindre pour poursuivre la transformation de notre politique étrangère.

Voilà qui explique la surprise provoquée par les déclarations du Premier ministre lors de sa visite récente à Erevan, en Arménie. Il a en effet dit qu’un pays pouvait avoir de bonnes relations aussi bien avec l’Otan qu’avec la Russie, ce qui revient à établir un parallèle entre les deux. Il a également cité nos amis arméniens en exemple.

Je suis très fier que les relations entre la Géorgie et l’Arménie, ainsi que celles entre nos deux peuples, aient pris une autre dimension sous ma présidence. S’il y a eu des attaques contre nos voisins, nous avons, pour ce qui nous concerne, abandonné toute rhétorique de ce type.

Il faut surtout comprendre que la Géorgie a décidé de se fixer pour objectif d’intégrer l’Otan. Or les déclarations récentes du Premier ministre constituent un changement par rapport à tout ce que nous avons fait ces dernières années. En effet, il a de facto abandonné nos aspirations à entretenir des relations avec l’Otan. Pour ma part, je pense que la Géorgie doit à la fois intégrer l’Otan et entretenir de bonnes relations avec la Russie.

Ce que je viens de dire ne m’a d’ailleurs pas empêché de soutenir l’entrée de la Russie à l’OMC et de prendre, à l’égard de ce pays, un certain nombre de mesures unilatérales dont je suis très fier – nous avons notamment établi avec lui de très nombreux liens culturels. Tout cela doit être renforcé. Nous devons toutefois changer nos orientations en matière de politique étrangère. Or, les déclarations qui ont été faites récemment ne me semblent pas correspondre à ce que souhaite le peuple géorgien. Il nous faut entretenir de bonnes relations avec nos voisins. Cela dit, il ne faut pas sacrifier ce qui constitue notre objectif principal pour atteindre un objectif secondaire. C’est d’autant plus vrai que les déclarations que je viens d’évoquer font suite à de nombreuses mesures en matière de politique étrangère. Par exemple, le fait de promouvoir la liaison ferroviaire avec la Russie au détriment de celle avec Istanbul constitue un changement d’orientation considérable de notre politique étrangère. Je pense aussi au fait que certaines personnes accusées d’espionnage ont été libérées. Tout cela est extrêmement préoccupant. Parallèlement, on a expliqué fièrement aux Géorgiens que le nouveau gouvernement avait repoussé avec succès une première vague d’«attaques occidentales». De tels mots nous rappellent la rhétorique anti‑occidentale qui avait pourtant disparu depuis longtemps à Tbilissi.

Malgré les menaces qui pèsent sur nous, sans parler des bombes, de l’invasion et de l’occupation, nous avons préservé notre enthousiasme envers l’Union européenne et l’Otan. Alors que nous sommes plus proches que jamais de notre objectif, est‑ce le moment de montrer des hésitations? Rien n’est jamais irréversible et je suis sûr que nous parviendrons à une cohabitation fructueuse en Géorgie. Je l’ai dit au Premier ministre: nous devons trouver un moyen pour sortir de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons actuellement. Ce serait l’intérêt de tous; nous le devons au peuple géorgien. J’ai présenté un plan en cinq étapes à la majorité afin d’assurer une cohabitation pacifique et de garantir l’intérêt supérieur de la nation. Il s’agit de mesures concernant l’économie et la politique étrangère – je pense en particulier à des initiatives communes s’agissant de l’Union européenne et de l’Otan. Nous pouvons et devons travailler ensemble. Personne n’a intérêt à voir échouer le nouveau gouvernement, car cela aurait un impact sur l’ensemble du pays.

Je forme donc solennellement le vœu que nous puissions travailler ensemble pour améliorer ce qui peut encore l’être dans notre démocratie. Nous devons nous concentrer sur les principes sur lesquels nous pouvons nous mettre d’accord – ces principes qui sont au fondement même du Conseil de l’Europe et que les principales forces politiques géorgiennes prétendent respecter, promouvoir et défendre. Ce qui est en jeu est bien plus important que nos intérêts politiques partisans, nos animosités personnelles ou nos ambitions collectives; l’enjeu, c’est l’avenir même de notre démocratie et, au‑delà, celui de la démocratie dans nos régions. Cet enjeu mérite que l’on se batte pour lui.

LE PRÉSIDENT

Je vous remercie beaucoup, Monsieur le Président, pour ce très intéressant discours.

Les membres de l’Assemblée souhaitent vous poser des questions. Je rappelle à mes collègues qu’ils disposent de 30 secondes pour poser des questions et que celles-ci doivent avoir vraiment un caractère interrogatif.

La parole est à M. Volontè au nom du groupe du Groupe du Parti populaire européen.

M. VOLONTÈ (Italie) (interprétation)

Aussitôt après les élections, vous avez fait des déclarations particulièrement positives qui ont ouvert la porte à une période de cohabitation dans votre pays. Or nous avons pu constater qu’un certain nombre de décisions déconcertantes ont été prises par le nouveau gouvernement au cours des derniers mois. Pourriez‑vous revenir sur ce sujet et nous dire comment vous envisagez cette cohabitation? Comment le Conseil de l’Europe peut‑il vous aider, vous et la démocratie dans votre pays?

M. Saakashvili, Président de la Géorgie (interprétation)

Notre Constitution n’obligeait pas le Président à céder tout de suite. J’aurais pu essayer de former un gouvernement, ne serait‑ce que pour quelques mois; je ne l’ai pas fait. J’aurais pu maintenir en place les ministres de la Défense, de la Justice, de l’Intérieur et les procureurs; je ne l’ai pas fait. Les Géorgiens ont voté et il fallait prendre acte du résultat. La façon dont nous avons géré cette situation est claire: le nouveau gouvernement assume l’entière responsabilité de son action. Le Président a quant à lui un rôle d’arbitre.

Certes, il a été plus difficile de mettre en œuvre un certain nombre de mesures concernant par exemple le parquet. Nous rencontrons également d’autres problèmes sur des points particuliers. En dépit de cela, nous souhaitons vivement, comme je l’ai dit, préserver ce nouveau modèle de coopération. Les membres de la majorité parlementaire eux‑mêmes ont compris qu’il existe différents niveaux de responsabilité: les pouvoirs locaux peuvent être de couleurs politiques différentes, de même que la majorité parlementaire et le Président. C’est une situation normale, mais c’est une nouveauté pour notre pays. C’est aussi une chance unique pour les juges de devenir plus forts et pour les médias de jouer un rôle clé.

En période de cohabitation, le rôle du Président est important, car il permet d’accompagner le processus et d’assurer la transition vers une nouvelle présidence. Encore une fois, il s’agit d’une expérience de transition particulièrement importante. Nous n’avons pas d’expérience en la matière et devons donc inventer. Je ne perds pas espoir.

M. IWIŃSKI (Pologne) (interprétation)

Monsieur le Président, compte tenu des processus en cours, quelles sont, selon vous, les chances de voir le Rêve géorgien se réconcilier avec votre propre parti, et de voir votre pays entretenir de bonnes relations avec la Fédération de Russie? L’establishment géorgien a‑t‑il tiré les leçons de la formule employée en 2008 par Mme Rice: «La paix, c’est toujours mieux que la guerre»?

M. Saakashvili, Président de la Géorgie (interprétation)

Il n’est pas utile de nous donner une telle leçon: notre petit pays, dans le climat violent qu’il connaît, sait parfaitement que la paix est préférable à la guerre. L’ignorer serait se montrer suicidaire; or nous ne sommes pas une nation suicidaire.

Le problème n’est pas tant de parvenir à une réconciliation entre les partis, mais de maintenir un système politique acceptable susceptible de permettre à chacun d’exprimer son point de vue, d’assurer l’indépendance de la justice et des médias, d’éviter le chaos et de faire en sorte que chacun respecte l’autre. En la matière, on peut toujours faire mieux, mais quoi qu’il arrive, nous nous efforçons de maintenir un cadre bien réglementé.

En ce qui concerne la Russie, nous cherchons à tendre la main à la société russe et franchissons les étapes nécessaires pour améliorer nos relations avec ce pays. Il faut cependant que la Russie abandonne ses ambitions et donne aux nations souhaitant l’indépendance la liberté d’assumer leurs propres choix. Chacun doit pouvoir réussir par ses propres moyens. C’est dans l’intérêt des nations concernées comme dans celui des Russes eux‑mêmes.

Tout en souhaitant protéger notre pays, nous avons fait de notre mieux, même sous le feu des bombes, pour ne pas adopter un discours de haine à l’égard de la société russe, afin de ne pas causer de dommages irréparables dans nos relations. Nous n’avons jamais pris de mesures symétriques à celles que la Russie prenait à notre égard, qu’il s’agisse des exigences très dures posées en matière de visa, de l’embargo commercial ou du blocus énergétique. Au contraire, nous avons encouragé la venue de touristes russes sur notre sol et nous avons tout fait pour renforcer nos liens culturels. De même, nous n’avons pas cherché à empêcher l’accès de la Russie à l’Organisation mondiale du commerce, car une telle évolution nous paraît bénéfique.

Je pense qu’à terme, les choses iront dans le bon sens, mais nous devons être patients.

Mme FUSU (République de Moldova)

Je vous remercie, Monsieur le Président de la Géorgie, pour votre discours très important. En tant que représentante de la Moldavie, je comprends le problème que pose la relation entre votre pays et la Russie.

Les dernières élections ont conduit à modifier la majorité parlementaire et à mettre votre parti en minorité. Dans cette situation nouvelle de cohabitation, le vecteur européen et euro‑atlantique reste‑t‑il prioritaire pour la Géorgie? Où en est la négociation en vue de conclure un accord d’association avec l’Union européenne?

M. Saakashvili, Président de la Géorgie

Durant les premières semaines, toutes les déclarations du nouveau gouvernement se sont inscrites dans l’idée qu’il n’existe pas d’autre alternative pour la Géorgie que l’entrée dans l’Europe et dans l’Otan. Certes, il y a quelques jours, son discours a changé assez radicalement, mais j’espère que ce n’est que provisoire.

À l’occasion d’un référendum, près de 60 % des Géorgiens ont voté en faveur d’une entrée dans l’Otan – ce pourcentage atteindrait même 80 % aujourd’hui. À l’inverse, le nombre de citoyens opposés à l’Otan est très réduit, et c’est pourquoi aucun parti politique important, s’il est pragmatique, ne peut se permettre de soutenir leur position. N’importe quel groupe politique ayant l’espoir de gouverner la Géorgie se doit de représenter les intérêts de leurs électeurs, et ne peut donc ignorer le fait que la totalité de la population est favorable à l’Europe et à l’Otan. Telle est la réalité.

Songeons au rôle joué par l’Assemblée du Conseil de l’Europe, le Parlement européen, les groupes politiques européens, et tous les formidables instruments de coopération mis en place pour assister la démocratie géorgienne: cette sympathie, ce soutien sont une réalité quotidienne dans mon pays, et c’est tout ce qui compte. Les dernières déclarations du gouvernement m’ont beaucoup irrité, mais elles ne sont que temporaires.

M. PUSHKOV (Fédération de Russie) (interprétation)

Monsieur Saakachvili, depuis les dernières élections en Géorgie, des informations, venues de l’intérieur du pays mais aussi d’organisations internationales comme Human Rights Watch, font état de graves et massives violations des droits de l’homme commises pendant votre présidence, telles que la torture de détenus. Reconnaissez‑vous les faits? Qu’en est‑il de votre responsabilité personnelle?

M. Saakashvili, Président de la Géorgie (interprétation)

Je suis très heureux que nos voisins russes s’intéressent soudain à la démocratie, aux droits de l’homme et à la liberté individuelle, et j’espère qu’ils appliquent quotidiennement ces principes dans leur grand et magnifique pays. Nous serions ravis de voir la Russie respecter elle‑même les droits fondamentaux sur son sol. Peut‑être qu’ainsi, un jour, nous aurons à apprendre de vous!

Pour en revenir à mon pays, nous avons toujours prêté l’oreille aux critiques émises par les organisations internationales, quelles qu’elles soient, et même lorsque nous n’étions pas d’accord avec leurs propos. Je suis fier de pouvoir affirmer que nous avons mis fin à l’époque où nous ne connaissions ni droit, ni loi, et où la criminalité régnait. Selon l’Union européenne, la Géorgie est aujourd’hui cinq fois moins dangereuse que la Russie en termes de risque criminel. Selon Transparency International, nous nous situons à 80 places devant notre grand voisin sur le plan de la lutte contre la corruption. De même, nous sommes en neuvième place pour la sûreté des investissements, tandis que la Russie vient après les cent premiers. Ces bonnes références sont importantes pour un petit pays comme la Géorgie; peut‑être en va‑t‑il différemment dans un pays aussi grand que le vôtre.

Nos progrès réjouissent de nombreuses personnes, y compris parmi nos amis russes, et en rendent d’autres nerveuses. Chacun réagit à sa manière, mais nous comptons de toute façon poursuivre nos efforts.

M. KOX (Pays‑Bas) (interprétation)

Monsieur le Président, je voudrais tout d’abord vous remercier pour avoir été l’un des initiateurs de ce jeu des questions‑réponses spontanées entre des chefs d’Etat et des parlementaires. Puisque vous n’avez pas peur des questions spontanées, la mienne est la suivante: quelle a été la meilleure décision que vous ayez prise au cours de votre présidence, et quelle a été la pire?

M. Saakashvili, Président de la Géorgie (interprétation)

Je vous remercie, Monsieur Kox, de faire cette remarque. Car lorsque j’étais membre de cette Assemblée, il fallait d’abord avoir rédigé sa question avant même de pouvoir la poser oralement!

J’ai pris l’une de mes meilleures décisions le 1er octobre dernier, en faisant connaître, et reconnaître, immédiatement les résultats des élections. Cela n’avait jamais été fait en Géorgie, quel que soit le gouvernement en place. Je l’ai fait de façon très optimiste en pensant à l’avenir du pays, même si j’étais pessimiste en ce qui concerne le futur gouvernement.

Pour ce qui est des pires décisions, la liste en est bien longue et je ne voudrais pas en accabler l’Assemblée! Peut‑être devrais‑je y réfléchir davantage avant de vous répondre!

Mme GÜNDEŞ BAKIR (Turquie) (interprétation)

Monsieur Saakachvili, vous avez mis la Géorgie sur la voie de la démocratie, de la libéralisation commerciale et de l’intégration euro‑atlantique. Pensez‑vous que le gouvernement géorgien va maintenant suivre une autre voie, s’éloigner du bloc occidental?

M. Saakashvili, Président de la Géorgie (interprétation)

Madame, comme je l’ai déjà dit, nous devrions garder ce cadre démocratique.

Le judiciaire doit être indépendant, alors qu’à l’heure même où nous parlons il fait l’objet d’attaques. En effet, des membres du gouvernement qualifient le président de la Cour suprême de criminel, et présentent un projet de loi au parlement visant à remplacer les tribunaux par des jurys.

Des responsables politiques locaux subissent des attaques physiques par des groupuscules qui s’estiment compétents pour les juger! Tout cela me fait penser à la révolution culturelle chinoise!

J’espère que le projet de loi visant à remplacer les tribunaux par des jurys ne sera pas adopté, que la majorité va comprendre que tout cela est de la folie, que d’insulter le président de la Cour suprême est de la folie, que les accusations proférées à la télévision sont de la folie!

Le peuple géorgien a voté pour une vie meilleure et non pas pour des actes de résistance à l’OTAN ou à l’Union européenne. Il n’a pas voté pour que le gouvernement change de voie. C’est la raison pour laquelle je suis optimiste pour notre société. Notre croissance économique, ces trois dernières années, était de 6-7%, même s’il est vrai que la population veut toujours plus. Vous le savez très bien, c’est comme surfer sur la vague; à un moment, la vague peut vous couvrir. Ce qui est important c’est de ne pas couler et rester sur le dessus de la vague. Non, Madame, nous ne devrions pas changer notre orientation.

M. SHLEGEL (Fédération de Russie) (interprétation)

Je vous remercie, Monsieur Saakachvili, pour les chaleureuses paroles que vous avez exprimées à l’égard de la Russie, mais il faut dire que nos relations sont dans une impasse. Il est donc difficile de vous entendre, en même temps, tenir de tels propos et critiquer les personnes qui, chez vous, essaient d’améliorer la situation entre nos deux pays.

M. Saakashvili, Président de la Géorgie (interprétation)

Quand vous parlez des relations entre la Russie et la Géorgie, vous voyez une tout autre Géorgie que celle dont je parle. Avec tout le respect que je vous dois, il vous faudrait de bonnes lunettes pour voir la véritable Géorgie! Celle qui est reconnue par la communauté internationale.

La Russie n’aura pas ce qu’elle souhaite, à savoir des parties de notre territoire! Quand la Russie aura abandonné ses ambitions, nos relations s’amélioreront beaucoup plus facilement!

Il existe de nombreux dirigeants d’autres pays qui pourraient s’exprimer en langue russe mais qui sont tellement allergiques à cette langue qu’ils ne le feront jamais! Je pourrais moi‑même vous citer Pouchkine et d’autres auteurs russes classiques. Ce que je veux dire, c’est que je suis peut-être le dernier Premier ministre à même de manier correctement la langue russe, en tout cas bien mieux que ne le fait notre Premier ministre actuel.

La Russie doit oublier ses prétentions territoriales et ses ambitions impérialistes. Dès lors tout ira mieux.

A de nombreuses reprises, je me suis rendu hors des frontières, qui sont parfois poreuses, parfois ouvertes, parfois fermées. Nous n’avons jamais voulu les fermer; d’ailleurs, j’ai personnellement serré la main à des centaines de touristes russes et jamais je n’ai ressenti de haine ou d’aversion de leur part.

Je ne reviendrai pas sur ma carrière politique et sur tout ce que nous avons fait pour améliorer nos relations avec le peuple russe. Nous voulons la paix et je considère que les voisins de la Géorgie doivent entretenir de bonnes relations avec notre pays. Voilà un message qui vient du cœur!

Mme BRASSEUR (Luxembourg)

Je voulais vous interroger sur les divergences de vue qui vous opposent à la nouvelle majorité sur les relations internationales, mais vous avez déjà amplement répondu à cette question. Quelles sont donc les divergences essentielles qui vous opposent sur les points de politique nationale? Enfin, quels sont les défis que la Géorgie doit relever à court terme?

M. Saakashvili, Président de la Géorgie (interprétation)

Avec votre permission, Madame, je vous répondrai en anglais.

(Poursuivant en anglais) Avant les élections, le nouveau gouvernement a promis de revenir à des éléments importants du passé, arguant que ce qui s’est passé au cours des huit dernières années n’avait pas été porteur et qu’avant tout allait bien. J’ai répondu que si ce qui avait été réalisé n’était pas idéal, pour autant nous suivions la bonne direction, car le passé ne portait rien de bon pour notre pays. Certains veulent faire revivre le passé et c’est ainsi que des noms et des visages réapparaissent, que la corruption refait surface, que les minorités sont mal perçues...

Je prendrai l’exemple des relations avec différents groupes ethniques et religieux. Que signifie être européen? Cela fait‑il partie de nos constructions mentales? Des différences importantes existent qui ne peuvent être comblées par de petits ajustements sociaux et économiques. On ne peut pas promettre quelque chose que l’on ne peut réaliser, ni ici ni ailleurs. Le peuple peut comprendre qu’être nourri sans travailler est chose impossible, ici et ailleurs. De même, croire qu’une personne riche partagera avec ses voisins est un mythe. Aussi, croire que l’on va changer ses relations avec le grand voisin impérialiste sans renoncer à nos intérêts fondamentaux est une utopie. Selon moi, les choses changeront quand chacun se développera de son côté. Nous devons rénover de façon permanente nos institutions, renouveler nos idées, insuffler du sang nouveau, faire germer de nouvelles idées et ne pas tenter de renouer avec le passé, mais être résolument tournés vers l’avenir.

Que nous manque‑t‑il? Ce ne sont pas les années communistes, mais notre jeunesse. Nous avions alors plus d’énergie, nous avions davantage de perspectives.

Qu’est‑ce que pour nous le passé si ce n’est un mauvais système politique, un véritable poison administré à notre population? J’espère que nous allons pouvoir surmonter la situation dans laquelle nous sommes.

LE PRÉSIDENT

En l’absence de M. Xuclà et de Mme Čigāne, inscrits dans le débat, la parole est maintenant à Mme Durrieu.

Mme DURRIEU (France)

Je salue notre ancien collègue parlementaire du Conseil de l'Europe, avec lequel nous avons parcouru un long chemin.

Monsieur le Président, les avis dans cette enceinte sont partagés. Je souhaiterais que le Conseil de l'Europe conserve parmi ses principes le respect de la souveraineté et de l’intégrité des Etats. C’est un appel à une solution pacifique entre la Géorgie et la Fédération de Russie.

M. Saakashvili, Président de la Géorgie

Merci, Madame Durrieu.

M. HERKEL (Estonie) (interprétation)

Monsieur le Président, je veux tout d’abord vous remercier d’avoir mentionné notre rapport de suivi sur les conséquences des conflits. Vous utilisez toutefois des expressions qui tendent à légitimer une occupation illégale. Comprenez‑vous ce que cela peut signifier? Dans notre intérêt à tous, il serait bon de reconnaître les faits.

M. Saakashvili, Président de la Géorgie (interprétation)

Comme je l’ai dit, nos voisins russes notamment ont passé leur temps à vouloir légitimer l’occupation. Le Premier ministre de Tuvalu a rencontré le Ministre des Affaires Etrangères Lavrov trois heures durant. Après avoir été emmené par avion à New‑York, il a été conduit en Abkhazie, où il a signé l’accord de reconnaissance de l’Abkhazie. J’ignore le détail de la transaction. Mais les longs entretiens diplomatiques entre la grande nation russe et l’ile de Tuvalu ont eu pour résultat qu’elle reconnaisse l’occupation de l’Abkhazie. Félicitations à la Russie! Qu’au XXIe siècle la Fédération de Russie puisse agir d’une telle façon alors que nous devrions être des amis naturels, des alliés n’est pas normal. Vous devez respecter notre droit à exister, à nous développer et notre droit à la normalité plutôt que d’essayer d’obtenir de nous autre chose.

Est‑ce ainsi que doivent être les relations de voisinage? Est‑ce ainsi que l’on essaie d’atteindre des objectifs communs? Voilà ce que je souhaiterais voir changer.

Je dois reconnaître que cela a été le cas l’année dernière, lorsque Dmitri Medvedev a dit: «Je déteste Saakachvili, mais il faut reconnaître qu’il a fait de grands efforts. Nous avons des leçons à tirer de son expérience.» On a par la suite estimé que la Géorgie était trop petite et qu’il était impossible pour la Russie de faire la même chose. Récapitulons: ceux‑là même qui disaient que la Géorgie devait disparaître, et qui m’ont menacé même physiquement, estiment, quatre ans plus tard, que l’on peut tirer des leçons de cette expérience sur la façon de gérer leur pays. Voilà qui prouve que l’on peut évoluer! J’espère que de telles choses auront lieu plus souvent!

Peu importe quels seront le gouvernement et le président de la Fédération de Russie, il nous faudra trouver un langage commun et essayer d’avoir de bons rapports bilatéraux.

LE PRÉSIDENT

MM. Ghiletchi et Jensen, inscrits dans le débat, n’étant pas présents dans l’hémicycle, la parole est maintenant à M. Japaridze.

M. JAPARIDZE (Géorgie) (interprétation)

Monsieur le président Saakachvili, pensez‑vous véritablement que le Gouvernement actuel géorgien s’oppose à nos aspirations européennes, et si oui, pourquoi?

M. Saakashvili, Président de la Géorgie (interprétation)

Je ne «pense» pas: j’entends ce qui se dit – et j’y réfléchis. J’ai entendu dire qu’il fallait «résister à la pression exercée par l’Europe et par les Etats‑Unis»: je n’avais rien entendu de tel depuis 1991! J’ai entendu dire que le secrétaire général de l’OTAN était sur le point d’intervenir dans les affaires internes de la Géorgie. Je n’accepte pas ce genre de propos; si l’on veut devenir membre de l’OTAN, il faut accepter les critiques constructives: c’est la règle de la démocratie! Il y a quelques jours, j’ai entendu dire que l’on devait prendre les mêmes distances et avoir les mêmes relations avec la Russie et avec l’OTAN; je le refuse totalement, car cela aura un prix en matière de politique étrangère.

J’ai également entendu dire que la Géorgie devait cesser d’être un problème pour les relations entre l’Occident et la Russie. Mais si l’on cesse d’être un problème sans que ce problème soit résolu, cela signifie‑t‑il que la Géorgie ne doit plus exister en tant que pays? Cela a pu arriver par le passé! Tout cela me donne donc à penser que les choses n’évoluent pas dans le bon sens. J’espère sincèrement me tromper, mais je crois que mon point de vue n’est pas isolé.

LE PRÉSIDENT

Nous en avons terminé avec les questions à M. Saakachvili, que je remercie très chaleureusement, au nom de l’Assemblée, pour son intervention et pour la spontanéité de ses réponses.