Serzh

Sargsyan

Président de l’Arménie

Discours prononcé devant l'Assemblée

mercredi, 2 octobre 2013

Monsieur le Président, Madame la Secrétaire Générale, Mesdames et Messieurs les parlementaires, je suis heureux de l’occasion qui m’est offerte de m’adresser à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, notre Organisation, qui représente 800 millions d’Européens.

C’est un honneur particulier et une responsabilité pour mon pays d’exercer pour la première fois la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. Au cours de nos six mois de présidence, nous avons voulu contribuer à renforcer le système européen de valeurs, afin de confirmer que l’Europe est une famille de nations engagées sur des valeurs communes, plus qu’un concept géographique.

Mesdames et Messieurs, il y a quelques jours, l’Arménie a fêté ses 22 ans d’indépendance; 22 ans de cheminement, parfois difficile, vers un Etat libre et démocratique, alors que l’Azerbaïdjan ne cesse de proférer des menaces de guerre et de nous imposer une course aux armements, alors que la Turquie garde fermée la route la plus courte qui relie l’Arménie au monde, et ce depuis de très nombreuses années, contre toutes les règles et normes internationales. Tout cela nous a obligés à un effort surnaturel pour développer et construire un Etat moderne. Dans cet environnement complexe, à nul autre pareil, les gouvernements arméniens successifs et le peuple arménien sont restés concentrés sur la poursuite de profondes réformes dans tous les domaines de la vie publique.

« L’Arménie a fait beaucoup d’efforts pour construire un Etat moderne »

La déclaration d’indépendance a été l’aboutissement d’un rêve séculaire de mon peuple. Notre adhésion au Conseil de l’Europe a permis de rétablir notre appartenance historique et culturelle à la famille européenne des nations. Notre société a toujours voulu se doter d’un système étatique fondé sur les valeurs européennes de liberté, de démocratie, de prééminence du droit. Notre appartenance au Conseil de l’Europe et notre coopération avec d’autres organisations européennes sont pour nous un moyen important de consolider la démocratie et de mener à bien des réformes efficaces en Arménie.

Les résultats de nos efforts communs sont visibles et irréversibles. L’Arménie est aujourd’hui un pays où règnent la liberté d’expression et la liberté des médias et qui protège la liberté de réunion. Nous avons une société civile très vivante, bien consciente de ses droits et des moyens de les défendre. Ces avancées et bien d’autres me paraissent essentielles à notre avenir.

Trois grandes élections ont eu lieu en Arménie au cours des dix‑huit derniers mois: les élections législatives de mai 2012, qui ont permis à tous les grands acteurs politiques d’entrer au parlement, ce qui le rend plus fort et plus viable; l’élection présidentielle de 2013, qui s’est déroulée dans un environnement compétitif; enfin, en mai dernier, les élections municipales à Erevan. Le Conseil de l’Europe a chaque fois envoyé des missions d’observation: l’Assemblée parlementaire pour les deux premières élections, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux pour la troisième. Ses délégations ont pu observer les élections et ont élaboré des rapports qui contiennent d’importantes recommandations. J’apprécie ces travaux, qui expriment à mes yeux l’avis honnête de partenaires qui s’intéressent à l’avenir de l’Arménie. Nous avons mis en œuvre les recommandations de l’Assemblée parlementaire et d’autres partenaires internationaux en vue d’organiser des élections libres et équitables. Nous les prenons dûment en considération et nous avons créé une Task Force tout particulièrement chargée d’améliorer le processus électoral. Au cours des jours à venir, les amendements proposés dans le cadre de ces différentes recommandations feront l’objet d’un vaste débat public auquel participeront tous les acteurs ainsi que la communauté internationale.

Nous avons bien des défis à relever: chômage, pauvreté, corruption. Notre gouvernement met en œuvre de vastes programmes à cette fin.

La prééminence du droit est une autre priorité importante. L’égalité devant la loi est une condition sine qua non de notre progrès économique et politique. L’être humain, la dignité humaine, les droits fondamentaux, les libertés sont nos objectifs ultimes. L’Etat doit respecter les droits fondamentaux, humains et civiques et les libertés, qui relèvent d’une loi directement applicable. Ces dispositions inscrites dans notre constitution conditionnent le comportement des individus et des autorités d’Etat et leurs efforts pour renforcer la prééminence du droit et la société civile.

Bien évidemment, la prééminence du droit est inscrite dans toute constitution démocratique, mais l’important est sa mise en œuvre pratique de manière que l’autorité limitée par la loi devienne la règle. Dans les jeunes démocraties en particulier, cela exige un effort cohérent et structuré, un système judiciaire indépendant et une administration impartiale de la justice. Dans ce contexte, la conférence qui s’est tenue en juillet sous les auspices de la présidence arménienne au Conseil de l’Europe sur l’Etat de droit et le pouvoir discrétionnaire a suscité un vif intérêt dans le sillage du processus engagé par la présidence britannique.

Notre pays s’est engagé dans une nouvelle phase de réforme systémique dans ces domaines. Nous mettons en œuvre des programmes de long terme qui, tous, se concentrent sur l’être humain, sur la sauvegarde des droits de l’homme et des libertés, et sur la création d’un environnement de tolérance, de pluralisme, de non‑discrimination, de justice et de confiance mutuelle dans notre pays.

Consolider la démocratie et le respect des droits de l’homme constitue notre prochaine priorité, directement liée à la première, à savoir établir l’Etat de droit. Nous avons déjà beaucoup fait dans ce domaine. Nous avons notamment apporté des modifications importantes au code judiciaire pour améliorer la transparence et l’équité de la procédure de sélection des candidats au poste de juge. Nous continuons à nous intéresser aux aspects légaux de la désignation des juges pour assurer leur indépendance parfaite.

Nous modernisons nos institutions pénitentiaires et allons créer un service de probation. Nous avons développé et commencé à mettre en œuvre le plan stratégique 2012‑2016 de réforme de notre système juridique et judiciaire, un plan qui produira, j’en suis sûr, un système judiciaire et juridique conforme aux normes d’un Etat démocratique. A cet égard, j’attache une grande importance à la pleine mise en œuvre du plan d’action Arménie‑Conseil de l’Europe 2012‑2014, qui comporte un volet d’initiatives importantes dans ce domaine.

Nos progrès sont réels et se poursuivront.

J’ai lancé un processus de réforme constitutionnelle en République d’Arménie pour renforcer encore les sauvegardes constitutionnelles de l’Etat de droit et du respect des droits et libertés fondamentaux, mais aussi pour créer un bon équilibre des pouvoirs et rendre plus efficace l’administration publique. Nous serions heureux de pouvoir compter sur l’aide du Conseil de l’Europe dans ce processus, en particulier sur celle de la Commission de Venise.

Mesdames et Messieurs, l’Union européenne est l’un des grands partenaires de l’Arménie. Une réforme profonde dans le domaine des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit est au cœur des relations entre l’Arménie et l’Union européenne. L’instrument créé dans le cadre du Partenariat oriental de l’Union européenne en coopération avec le Conseil de l’Europe est une initiative importante incluant une série d’activités au sein des Etats participants en matière d’élections, de réforme judiciaire, de bonne gouvernance, de lutte contre la corruption et la cybercriminalité.

Ces derniers temps, on a beaucoup parlé du choix de civilisation des pays participant à ce Partenariat oriental de l’Union européenne. Pour notre part, nous avons toujours dit que, pour nous, le problème ne se posait pas à ce niveau. L’Arménie veut continuer à développer un partenariat mutuellement bénéfique avec l’Union européenne. Dès le début de l’initiative du Partenariat oriental, et même avant, nous avons dit et nous continuons à dire que nous voulons avoir les relations les plus étroites et les plus vastes avec l’Union européenne. Nous voulons être proches de l’Union européenne. Cette ligne politique ne changera pas.

Comme on le sait, l’Arménie entretient des relations étroites, des relations d’alliés, avec la Russie. L’Arménie n’a pas établi ces nouvelles relations au détriment des relations avec son allié stratégique, de même que nous refusons de créer des relations avec un partenaire qui serait opposé aux intérêts d’un autre partenaire. Nous continuerons donc à tenir compte des relations et des intérêts de nos partenaires essentiels.

La résolution pacifique de la question du Haut‑Karabakh, sous l’égide des coprésidents du Groupe de Minsk de l’OSCE reste notre priorité jusqu’à un règlement global. Nous apprécions les efforts de tous ceux qui encouragent la stabilité régionale, mais nous savons également que nous devons avant tout nous appuyer sur nos propres forces pour contenir l’adversaire dans l’éventualité de développements négatifs et préserver la paix, notamment lorsque le leader de notre pays voisin continue à déclarer publiquement qu’il veut la guerre et que les Arméniens sont, je le cite, «l’ennemi numéro un», et qu’on le voit s’engager dans des augmentations disproportionnées de dépenses militaires et dans une course aux armements.

Je crois néanmoins qu’une grande partie du peuple d’Azerbaïdjan n’est pas dans cet état d’esprit. Toute personne qui, en Azerbaïdjan, essaie simplement de rappeler le souvenir d’un passé autrefois partagé avec le peuple arménien est publiquement mise en cause. On menace de lui couper une oreille et de l’expulser du pays. On ne connaît donc pas le véritable état d’esprit du peuple d’Azerbaïdjan. Ce que l’on entend, c’est ce qu’exige la machine de propagande. D’où l’inefficacité de toute tentative de mise en place de mesures visant à construire la confiance.

Je suis convaincu que nos peuples auront un meilleur avenir que celui qu’envisagent certains leaders qui prêchent la haine et la guerre. Je l’ai déjà dit publiquement à d’autres occasion, je ne considère pas le peuple d’Azerbaïdjan comme un ennemi du peuple arménien. Nous sommes capables de résoudre nos désaccords dans le respect et de coexister pacifiquement en tant que voisins.

Avant‑hier, mon peuple a enterré Sos Sargasyan, un artiste national de la République d’Arménie, un des acteurs les plus doués de mon pays. Sa dernière déclaration publique était une lettre ouverte aux intellectuels d’Azerbaïdjan, et n’était rien d’autre qu’un appel à la paix, à la justice et à la raison: «Allez‑vous vraiment déclarer une guerre? Mes chers voisins! Elle ne mènera à rien, si ce n’est à faire des victimes innocentes. Pourquoi? Très simplement, parce que, pour vous, le Karabakh est pour vous un territoire, mais pour nous une patrie sacrée». Voilà ce qu’écrivait ce grand intellectuel dans sa lettre ouverte.

Inciter à la xénophobie, menacer de recourir à la force et s’engager à la course aux armements ne sont source d’aucun bien. La paix et la coopération sont les seules voies réalistes pour assurer un avenir prospère aux peuples de la région. Il n’est nul besoin de le prouver.

L’expérience internationale montre que les sociétés démocratiques sont les mieux placées pour résoudre pacifiquement les conflits. Au cours des deux dernières décennies, des institutions démocratiques ont été mises en place au Haut‑Karabakh. Selon des organisations internationales reconnues, telles que Freedom House, la démocratie a davantage progressé dans cette région que dans certains pays voisins. Le Haut‑Karabakh fait depuis toujours partie de la famille européenne, indépendamment de son statut politique. Il me semble donc que le Conseil de l’Europe pourrait engager des contacts directs avec ses représentants dans les domaines qui relèvent de ses attributions. Le Conseil de l’Europe a d’ailleurs l’expérience d’autres zones de conflit.

En tant qu’Arméniens, nous étions destinés à devenir les avocats de la lutte contre le génocide. Un génocide n’est pas seulement un crime contre l’humanité. C’est aussi une manifestation éclatante de fascisme et d’intolérance, et une violation très grave du droit à la vie. Lorsque l’on survit à un génocide, on a pour devoir de lutter contre toutes les manifestations de ce fléau. Le meilleur moyen pour cela est sans doute de faire connaître les pages terribles de l’Histoire et d’évaluer le passé à l’aune des valeurs universelles. Lutter contre les causes des crimes haineux est également très important.

L’Arménie prend des mesures pratiques pour mobiliser les efforts de la communauté internationale en vue de la prévention des génocides. Depuis des années, nous avons déposé diverses résolutions en ce sens dans plusieurs forums internationaux. Nous avons ainsi aidé le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à adopter des résolutions sur la prévention des génocides. Leur objectif était d’attirer l’attention de la communauté internationale sur la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Les Etats doivent s’engager à éradiquer les crimes contre l’humanité.

L’Arménie a fait de la lutte contre l’intolérance et les discours de discrimination et de haine une priorité absolue dans le cadre de sa présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. Il est honteux que de telles pratiques existent encore aujourd’hui. Dans certains pays, ces pratiques sont même encouragées au niveau de l’Etat. Notre volonté de les éradiquer partout dans le monde doit être sans faille.

Mesdames et Messieurs, nos sociétés traversent actuellement des mutations profondes et sont confrontées à bien des défis. Quelles sont nos valeurs en ce XXIe siècle? Pourquoi observe‑t‑on une recrudescence des courants et des pratiques extrémistes? Comment expliquer l’affaiblissement de la cohésion sociale? Pourquoi le Conseil de l’Europe a‑t‑il lancé une campagne de sensibilisation des jeunes contre les discours de haine sur internet?

Il est bien sûr difficile de répondre à ces questions en quelques phrases. A l’époque des technologies modernes de l’information et de la communication, ces pratiques se diffusent instantanément parmi des millions de personnes. Des réponses rapides et adaptées sont nécessaires. Il est de notre devoir de renforcer les ponts entre les nations, les citoyens, les sociétés, les cultures et les religions, afin de transmettre aux générations futures un monde plus pacifique et sûr.

La situation en Syrie, qui cause la mort de nombreux civils innocents, est aujourd’hui fort préoccupante. Il existe une importante communauté arménienne dans ce pays. L’Arménie se félicite donc de l’accord russo‑américain pour un règlement pacifique du conflit syrien et de la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies adoptée il y a quelques jours.

Nous avons tous le devoir d’unir nos efforts pour l’avenir et nous devons inciter les jeunes générations à participer à la construction du monde de demain. Le Conseil de l’Europe constitue une organisation unique d’élaboration et de diffusion des normes en matière de droits de l’homme, de démocratie et d’Etat de droit. Il a une mission cruciale aujourd’hui et son rôle doit être renforcé dans la poursuite de nos objectifs communs.

LE PRÉSIDENT

Je vous remercie, Monsieur le Président.

Des collègues ont exprimé le souhait de vous poser des questions. Je leur rappelle que leur temps de parole est limité à trente secondes.

Mme de POURBAIX‑LUNDIN (Suède), porte‑parole du Groupe du Parti populaire européen (interprétation)

L’Arménie vient de conclure un accord final dans le cadre du Partenariat oriental avec l’Union européenne. Toutefois, elle a fait volte‑face à la dernière minute, préférant rejoindre l’Union douanière créée par la Russie. Celle‑ci fait peser une pression considérable non seulement sur l’Arménie, mais aussi sur l’Ukraine, la Géorgie, la Moldova et l’Azerbaïdjan. Dans le cas de l’Arménie, j’ai cru comprendre que cette pression concernait les questions de sécurité et l’appui de la Russie dans le conflit du Haut‑Karabakh.

L’Arménie a‑t‑elle reçu une offre impossible à refuser de la part de la Russie?

M. Sargsyan, Président de l’Arménie (interprétation)

L’Union douanière ne concerne pas uniquement l’Arménie et la Russie, mais toute une série d’autres pays de la région. Dès le début des négociations avec l’Union européenne, nous avons d’ailleurs affirmé notre volonté d’éviter les conflits d’intérêts. Mais, comme la Commission européenne nous l’a expliqué, le Partenariat oriental ne vise pas à exclure des Etats ou des organisations. Il peut compléter d’autres activités parallèles, d’où des intérêts complémentaires.

Nous n’avons donc pas changé de position et nous sommes toujours disposés à signer un accord d’association avec l’Union européenne. Néanmoins, après que nous avons réaffirmé cette intention, les représentants de la Commission européenne ont objecté qu’il existait un conflit direct entre les règles de l’Union douanière et celles du Partenariat oriental.

Dans ce cas, avons‑nous répondu, nous sommes prêts à signer l’accord d’association, qui porte essentiellement sur des réformes politiques – réformes que nous nous sommes d’ailleurs engagés à effectuer.

S’agissant de la Russie, il ne serait pas pertinent de parler de pressions. Ni les responsables de la Fédération, ni ceux de l’Union douanière n’ont évoqué la nécessité pour l’Arménie d’adhérer à cette organisation: nous avons nous‑mêmes exprimé ce désir en toute indépendance. C’est une question de réalité concrète: depuis plus de vingt ans, nous sommes insérés dans un système de sécurité militaire composé d’un certain nombre de pays qui, aujourd'hui, constituent en outre une union douanière. Nous ne pouvons donc pas nous tenir à l’écart d’une zone géo‑économique avec laquelle nous collaborons étroitement depuis tout ce temps. Si j’en avais le temps, je pourrais indiquer de façon plus détaillée ce que sont les intérêts économiques de l’Arménie. Mais je me contenterai de vous rassurer: nous allons poursuivre une coopération étroite avec l'Union européenne.

Lord PRESCOTT (Royaume‑Uni), porte‑parole du Groupe socialiste (interprétation)

Vous vous en souvenez, Monsieur le Président, le rapporteur de la commission de suivi avait souhaité des réformes démocratiques et des changements dans la législation de l’Arménie. Ces réformes ont été effectuées grâce à votre coopération. Mais êtes‑vous au courant du fait que 29 objecteurs de conscience, qui refusent de servir dans les rangs de l’armée, sont emprisonnés dans votre pays? Il s’agit d’une infraction claire aux règles du Conseil de l’Europe. Vous engagez‑vous à les faire libérer et à leur offrir, en alternative, la possibilité d’effectuer un service civil?

M. Sargsyan, Président de l’Arménie

À une époque, Lord Prescott, nous avons en effet travaillé ensemble de façon très efficace, et je tiens à vous remercier publiquement pour cette coopération dont l’Arménie a beaucoup bénéficié.

Vous n’ignorez certainement pas que pour respecter les normes européennes en matière de liberté d’opinion et de conscience, nous avons réalisé un travail considérable. Nous avons fait preuve d’une indiscutable volonté politique en apportant des amendements à la législation, y compris s’agissant du service civil. Les personnes qui ne souhaitent pas effectuer leur service dans l’armée pour des motifs de conscience n’encourront pas de sanctions pénales. Sur ce sujet, une réforme a été engagée et le processus se poursuit.

Mme GUŢU (République de Moldova), porte‑parole du Groupe de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe

Un sommet du Partenariat oriental doit se tenir en novembre à Vilnius. Après son adhésion à l’union douanière entre la Russie, le Bélarus et le Kazakhstan, quelles sont les attentes de votre pays à l’égard d’une telle rencontre? L’Arménie souhaite‑t‑elle signer un accord d’association avec l’Union européenne?

M. Sargsyan, Président de l’Arménie

Nous participerons au sommet de Vilnius, et nous espérons obtenir quelques changements dans le document qui y sera négocié.

Quant à l’association avec l'Union européenne, elle comprend deux aspects: l’Accord d’association et l’Accord sur la zone de libre‑échange. Or nos collègues européens affirment qu’il y a contradiction entre ce dernier traité et le Traité sur l’Union douanière. Nous ne signerons donc sans doute que l’accord d’association. Cet accord, et les réformes qu’il implique, forme d’ailleurs le cœur de nos relations avec l’Union européenne. C’est le document principal, dont nous souhaitons utiliser pleinement les dispositions.

Nous avons retiré de nombreux avantages des discussions avec l'Union européenne en matière de réformes dans notre pays: nous participerons donc au sommet et espérons signer l’accord d’association à cette occasion.

M. Sargsyan, Président de l’Arménie (interprétation)

Votre pays a accueilli, je crois, un grand nombre de réfugiés d’origine arménienne qui ont fui le conflit en cours en Syrie. Êtes‑vous satisfait de leurs conditions de vie?

Par ailleurs, seriez‑vous prêt à appuyer des pourparlers impliquant toutes les parties au conflit?

M. Sargsyan, Président de l’Arménie

Nous sommes favorables à de tels pourparlers, et en particulier à la formule qui a été retenue.

Concernant nos frères et nos sœurs qui ont dû quitter la Syrie et les épreuves qu’ils doivent traverser, je ne suis pas particulièrement satisfait des conditions de vie de certains d’entre eux. Toutefois, nous faisons de notre mieux pour aider ces personnes afin qu’elles se sentent, dans la mesure du possible, à l’aise en Arménie. Nous avons ainsi pu fournir des logements ou apporter d’autres formes d’assistance. À Erevan, une école spéciale a été ouverte pour les réfugiés, dont l’enseignement suit les programmes scolaires syriens, de façon à ce que les élèves puissent poursuivre leur éducation dans les écoles syriennes lorsque leurs familles retourneront chez elles. Nous espérons en effet que la situation en Syrie pourra se normaliser.

Nous avons par ailleurs lancé un processus avec les organisations internationales qui se consacrent au soutien des réfugiés syriens – ceux d’origine arménienne ne font à cet égard pas d’exception. Nous ferons de notre mieux pour que ces derniers se sentent protégés.

M. PAPADIMOULIS (Grèce), porte‑parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne (interprétation)

La question que je souhaite vous poser est parfaitement claire: souhaitez‑vous le maintien du statu quo en ce qui concerne le Haut‑Karabakh, ou êtes‑vous disposé à rechercher une solution politique de compromis?

Par ailleurs, pensez‑vous prendre des initiatives pour favoriser les discussions entre l’Arménie et la Turquie et réduire la tension entre les deux pays?

M. Sargsyan, Président de l’Arménie

Comme vous le savez, le Groupe de Minsk s’occupe de la question du Haut‑Karabakh, et cela fait maintenant vingt ans que nous négocions. Depuis le départ, il nous est apparu que ce problème ne pourrait être résolu que sur la base de concessions mutuelles, de compromis.

Après de très longs débats en 2007, le Groupe de Minsk et l’OSCE ont proposé aux parties un document, «les principes de Madrid», pour trouver une solution à ce conflit sur la base de trois principes fondamentaux: le non‑recours à la force ou à la menace de la force, le droit des peuples à l’autodétermination, l’intégrité territoriale des Etats.

Au reçu de ce document, nous avons déclaré pouvoir résoudre le conflit sur ces bases; les Azéris également. A partir de 2008, dès ma première élection à la présidence, je me suis personnellement engagé dans les pourparlers avec le Président de l’Azerbaïdjan, pendant plus de trois ans avec la médiation de l’ancien Président russe M. Medvedev.

À l’été 2011, certains ont eu le sentiment que les parties étaient prêtes à signer un accord sur des principes fondamentaux. Nous sommes allés à Kazan en Russie pour une dernière rencontre permettant de terminer les pourparlers et de signer un document. A la veille de cet événement je suis venu dans cette Organisation, j’ai déclaré avoir des doutes graves concernant la volonté de l’autre partie de signer, la communauté internationale était d’un autre avis. Malheureusement, il s’est avéré que j’avais raison. A Kazan la délégation d’Azerbaïdjan est arrivée avec dix nouveaux amendements que nous n’avons naturellement pas pu accepter.

Les Azerbaïdjanais ont commencé à dresser des obstacles artificiels puis sont passés aux menaces. Leur objectif est de résoudre le problème par la force. Ils ne s’en cachent pas. Ils refusent d’accepter deux des trois principes proposés par le Groupe de Minsk, le non‑recours à la force ou à la menace de la force et l’autodétermination. Nous continuons à penser que le problème doit se résoudre sur la base de concessions mutuelles. Les trois principes doivent être appliqués conjointement et simultanément. Nous souhaitons la paix, la stabilité. Les ressources consacrées à la course aux armements dans cette région doivent être réorientées vers la prospérité de nos peuples.

Mme POSTANJYAN (Arménie) (interprétation)

Il est évident que vous êtes ici, non pas par la volonté du peuple arménien, mais à la suite de crimes organisés et du vol des votes des Arméniens en février. Vous ne pouvez pas représenter ici la volonté et l’autorité du peuple arménien. C’est pourquoi je vous pose une question sur un autre sujet.

Vous êtes‑vous rendu récemment dans un casino en Europe? Tout le monde sait que vous êtes joueur. Avez‑vous perdu 70 millions d’euros? Qui a versé cet argent? Si ce n’est pas cette somme, quel est le montant de vos dernières pertes dans un casino?

M. Sargsyan, Président de l’Arménie (interprétation)

Je suis profondément convaincu, Madame, que je représente bien le peuple arménien et j’en suis fier. Malheureusement, votre candidat n’a pas montré les qualités nécessaires dans une élection présidentielle pour représenter le peuple arménien.

Votre déclaration concernant ma présence dans un casino est sans doute le fruit de votre imagination. Je n’ai jamais mis les pieds dans un casino quel qu’il soit en Europe. Je ne joue pas dans les casinos. De plus, malheureusement, j’aurais bien du mal à réunir 70 millions d’euros. Si je le pouvais, je vous en donnerais une partie pour que vous soyez plus heureuse et moins amère. Je ne sais pas si cela répond à votre question…

M. IVANOVSKI («L’ex‑République yougoslave de Macédoine») (interprétation)

D’après un rapport, l’Arménie a fait très peu de progrès dans son développement démocratique: la justice n’est pas indépendante, il existe toujours des pressions du parti au gouvernement, la corruption ne diminue pas. Des préoccupations existent toujours concernant les élections. On note d’éventuelles intimidations, une mauvaise utilisation des ressources publiques. Quand et comment des normes démocratiques sérieuses seront-elles mises en place en respectant les principes du Conseil de l’Europe?

M. Sargsyan, Président de l’Arménie (interprétation)

Je ne sais pas quel parti vous représentez mais je vois bien que vous êtes hostile à l’Arménie. Je me permets de vous conseiller de lire attentivement le rapport sur mon pays établi par les missions internationales qui précisent clairement que l’Arménie a fait des progrès.

Je vous respecte parce que vous exprimez votre avis. Vous en avez le droit. Est‑ce que la démocratie s’améliore dans votre pays? Je suis sûr que vous vous intéressez aussi à ce processus.

M. FOURNIER (France)

Ma question complète celle de Mme de Pourbaix‑Lundin.

L’Arménie a annoncé son souhait de rejoindre l’Union douanière mise en place par la Russie. Ce rapprochement n’a pas été sans susciter des interrogations au sein de l’Union européenne avec laquelle votre pays a souhaité renforcer ses liens au début de l’année 2013, via la signature d’un protocole à l’accord de partenariat et de coopération signé en 1999.

Cette décision semble remettre en cause le projet d’accord de libre‑échange avec l’Union européenne que votre pays entendait signer lors du sommet du Partenariat oriental prévu à la fin du mois de novembre à Vilnius. Quel sens entendez‑vous désormais donner aux relations entre votre pays et l’Union européenne?

M. Sargsyan, Président de l’Arménie (interprétation)

Comme je l’ai dit plus tôt, nous allons continuer à développer nos relations avec l’Union européenne. Nous irons à Vilnius, et nous discutons avec nos collègues de l’Union européenne du type de document que nous pourrions signer.

Je tiens à rappeler que, dès le début des pourparlers, nous nous sommes mis d’accord avec nos collègues européens. Il a été dit que nos rapports avec l’Union européenne ne se développeraient pas aux dépens des relations existantes avec nos alliés. Les rapports avec l’Union européenne s’ajoutent aux rapports que nous avons avec d’autres organisations. Pendant trois ans, la compréhension réciproque régnait, nous nous comprenions, et je regrette que nos collègues au sein de l’Union européenne pensent que l’accord de libre‑échange est incompatible avec l’Union douanière. L’accord d’association, au départ, concerne des réformes politiques et, je le dis, nous allons continuer toutes ces réformes, nous sommes prêts à aller de l’avant et à signer cet accord d’association à Vilnius.

M. DÍAZ TEJERA (Espagne) (interprétation)

Monsieur le Président, j’ai parlé avec votre représentation diplomatique à Madrid, qui est remarquable. Ses membres m’ont donné la même explication que vous, ce matin, ici, à propos des résolutions du Conseil de Sécurité, des deux de l’Assemblée générale des Nations Unies et de la résolution approuvée ici, au sein du Conseil de l’Europe. Avec tout le respect qui vous est dû, en tant que représentant du peuple arménien, je voudrais savoir ce que nous pourrions faire pour vous aider dans ce conflit. Et quelles initiatives pourriez‑vous prendre à partir de demain afin que les choses évoluent? Sinon, on va continuer à parler de la même chose pendant des années sans avancer. Voilà quelle est ma question.

M. Sargsyan, Président de l’Arménie (interprétation)

Je voudrais parler des quatre résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Je commencerai par dire que c’est la question à laquelle l’Azerbaïdjan ne veut pas répondre. Pourquoi? Pour différentes raisons. Les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies requièrent avant toute chose la fin du conflit et la stabilisation, et, ensuite, on peut résoudre la situation. L’Azerbaïdjan ne s’est jamais plaint concernant cette résolution. Cette résolution est là, mais les luttes ont continué et, après chaque résolution, cela a été la même chose. Il y a eu de nouvelles attaques ou la préparation de nouvelles attaques. À la suite de cette nouvelle attaque, il y a une nouvelle perte de terrain, et une nouvelle résolution est alors adoptée par le Conseil de sécurité. Le Conseil de sécurité s’est rendu compte que l’Azerbaïdjan ne souhaite pas arrêter le conflit. C’est pourquoi ils ont adopté des résolutions.

L’Arménie s’est plainte dans les règles de la résolution. Nous voulons user de notre influence. Nous souhaitons respecter la résolution des Nations Unies, et nous essayons de faire en sorte que la population du Haut‑Karabakh le fasse aussi. Maintenant, que pouvez‑vous faire de façon particulière? Eh bien, je rappelle que chacun d’entre nous, en tant qu’Etat membre du Conseil de l’Europe, a décidé de se soumettre à un certain nombre d’engagements.

En 2001, l’Azerbaïdjan a pris l’engagement de résoudre le conflit du Haut‑Karabakh par des moyens pacifiques. Comme vous le voyez, nous en sommes toujours là et, nous, nous déclarons que ce conflit doit être résolu de façon pacifique. Mais tous les jours, les dirigeants de l’Azerbaïdjan, à différents niveaux, disent que le conflit doit être résolu par les moyens militaires. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe devrait donc poser cette question: est‑ce que l’Azerbaïdjan s’est vraiment engagé à respecter ses obligations ou pas? Si ce n’est pas le cas, il y a lieu de prendre une décision. Si, en revanche, c’est le cas, alors, il faut que les obligations soient respectées.

Nous devrions arriver à une conclusion. Le conflit doit être résolu de manière pacifique. Je ne le dis pas parce que l’Azerbaïdjan a une population plus nombreuse que l’Arménie, je ne le dis pas parce que nous avons peur de perdre une éventuelle guerre, mais nous ne voulons pas combattre, nous ne voulons pas d’un conflit armé. Telle est la situation. Nous pensons que la guerre ne permet pas de régler le problème. Nous ne pouvons pas nous engager dans une guerre. Nous voulons mettre un terme à cette situation par une solution pacifique. Une solution a été proposée, qui doit respecter trois principes fondamentaux. Le peuple du Haut‑Karabakh doit avoir le droit de décider comment il souhaite vivre: veut‑il être indépendant, partie de l’Arménie ou partie de l’Azerbaïdjan? C’est à eux de déterminer cela, c’est l’autodétermination. A eux de choisir!

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan) (interprétation)

Monsieur le Président, vous venez d’évoquer l’intégrité territoriale, les prétentions territoriales, mais l’Azerbaïdjan est occupé par l’Arménie: 20 % de notre territoire est occupé par l’Arménie! Plusieurs régions qui n’ont jamais appartenu au Haut‑Karabakh sont occupées, et vous avez des revendications territoriales à l’égard de la Turquie, et à l’égard de la Géorgie. Vous jouez le jeu de l’intégration européenne, de l’Union douanière, alors pensez‑vous que ce type de politique ait un avenir?

M. Sargsyan, Président de l’Arménie (interprétation)

Ce type de politique que vous venez de décrire, je le confirme, n’a pas d’avenir, mais ce type de politique que vous venez de décrire n’a rien à voir avec notre politique. Nous n’avons jamais émis la moindre revendication territoriale à l’égard de la Turquie; s’il y avait une seule déclaration en ce sens, je vous présenterais mes excuses mais il vaudrait mieux que vous vous informiez mieux.

En ce qui concerne la Géorgie, vous m’apprenez quelque chose. Vous venez de m’annoncer, au sujet de la Géorgie, quelque chose que j’entends pour la première fois, et c’est un propos, permettez‑moi de vous le dire, ridicule. Je ne sais pas qui vous représentez, mais je ne comprends pas comment vous pouvez tenir des propos pareils à l’égard de deux nations pacifiques pour essayer de créer un problème qui n’existe pas.

Je crois que toutes les organisations européennes, y compris l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, ont toujours soutenu les Etats exprimant leur volonté souveraine. C’est à la République d’Arménie de décider si elle souhaite se joindre à une union douanière, si elle souhaite se joindre à l’Union européenne ou à l’Organisation de la coopération islamique. Nous n’avons pas de comptes à vous rendre à cet égard.

Que voulez‑vous dire par «jouer ce jeu»? Nous ne jouons pas à des jeux. Nous menons une politique, nous appliquons une politique dans l’intérêt de notre population.

Quant aux affirmations selon lesquelles 20 % du territoire de l’Azerbaïdjan seraient occupés par l’Arménie, je vous prierai de bien vouloir réviser vos connaissances en mathématiques. Votre attitude à l’égard de l’Arménie doit changer.

Dans l’une des quatre résolutions des Nations Unies auxquelles j’ai fait référence tout à l’heure, il y a une déclaration selon laquelle l’Arménie n’est pas associée aux combats qui ont eu lieu au Haut‑Karabakh. Les Nations Unies ont envoyé une commission spéciale pour établir les faits.

Nous considérons que la République d’Arménie et ses forces armées sont les garants de la sécurité de la population du Haut‑Karabakh. Si l’Azerbaïdjan devait attaquer le Haut‑Karabakh, l’Arménie le défendrait sans hésiter.

Lancer une guerre puis se plaindre d’être occupé n’est pas cohérent. Si une guerre devait éclater, je suis persuadé que l’Azerbaïdjan se plaindrait quelques mois après, de l’occupation, non pas de 20 %, mais de 25 % ou de 30 % de son territoire.

M. RYABIKIN (Ukraine) (interprétation)

Monsieur le Président, votre intervention semble indiquer que le règlement politique du conflit du Haut‑Karabakh prend beaucoup de temps. Mais les victimes de ce processus interminable sont les habitants de diverses nationalités du Haut‑Karabakh qui ont dû quitter leur foyer et qui, à ce jour, n’ont pas pu rentrer chez eux.

Quelles sont les initiatives humanitaires qui pourraient être prises pour permettre à ces gens de retrouver leur foyer?

M. Sargsyan, Président de l’Arménie

Toutes les personnes qui ont dû quitter leur foyer en raison du conflit ont un droit plein et entier de retrouver leur domicile. Mais dans quel pays ces personnes peuvent‑elles revenir? Telle est la question.

Ces personnes doivent‑elles prendre le statut du territoire dans lequel elles se réinstalleraient? Le retour de ces personnes ne créerait‑il pas de nouveaux conflits? Il faut une solution politique pour que ces personnes puissent enfin rentrer chez elles dans des conditions de sécurité. Si elles revenaient aujourd’hui, à cause de la politique de l’Azerbaïdjan, il y aurait une reprise du conflit et elles devraient fuir à nouveau.

Le document intitulé «principes de Madrid» traite précisément du problème des réfugiés. Il faut une solution globale, c’est le seul moyen de résoudre ce problème.

M. GHILETCHI (République de Moldova) (interprétation)

Les relations extérieures, les affaires étrangères sont essentielles pour tous les pays. Or l’Arménie est confrontée à des difficultés dans ce domaine – et la plupart des membres de notre Assemblée le regrettent.

Monsieur le Président, que vous pouvez‑vous nous dire des relations de l’Arménie avec la Turquie?

M. Sargsyan, Président de l’Arménie

Malheureusement, les efforts que nous avons entrepris pour renouer avec la Turquie n’ont pas abouti à des résultats positifs. Je crois que les Turcs ne sont pas prêts à renouer des relations avec l’Arménie.

Vous savez que nous avons eu de longs pourparlers qui ont abouti à la signature de protocoles sur le rétablissement des relations diplomatiques. Mais le Parlement turc et les autorités turques ont refusé de ratifier ces documents.

Mon sentiment est que dans un avenir à court terme la Turquie n’a pas l’intention de ratifier ces protocoles. Donc s’il n’y a pas de relations entre la Turquie et l’Arménie, ce n’est pas de notre fait. Nous pensons que tout pays devrait avoir une attitude responsable à l’égard des documents sur lesquels il a apposé sa signature.

Le Gouvernement turc a essayé de nous communiquer des propositions par divers canaux, mais celles‑ci visent essentiellement à apaiser la communauté internationale. Si la Turquie voulait vraiment faire quelque chose, elle n’aurait qu’à ratifier ces protocoles, et à ce moment‑là nous pourrions normaliser nos relations.

Nous sommes disposés, en ce qui nous concerne, à débattre de toute question intéressant les deux pays.

M. JAPARIDZE (Géorgie) (interprétation)

Monsieur le Président, les problèmes de sécurité et de stabilité de notre région sont imbriqués et on ne peut pas modifier notre géographie.

Selon vous, y a‑t‑il une perspective pour la coopération régionale?

M. Sargsyan, Président de l’Arménie

L’un des objectifs essentiels du Partenariat oriental était justement de promouvoir la coopération régionale. Je sais que vous, plus que tout autre, connaissez les efforts que nous avons consentis. Nous avons un grand nombre de projets conjoints.

Le dernier exemple en date est la mise en œuvre de points de contrôle intégrés aux frontières en matière douanière. Toute coopération implique la participation des parties intéressées, tant il est vrai que s’engager dans une coopération unilatérale n’est pas possible. Pour notre part, nous sommes prêts à nous engager dans toute forme de coopération. A cet égard, nous avons suggéré à la Turquie de normaliser nos relations, car nous ne pouvons pas, comme vous l’avez souligné, modifier notre géographie. Nous allons rester là où nous sommes et vivre les uns à côté des autres. En raison de cette simple réalité, nous devons nouer des relations constructives. En revanche, je ne vois pas comment nous pourrions nouer des relations de coopération avec ceux qui ne manifestent pas d’intérêt pour une telle démarche ou avec ceux qui se vantent de leur volonté ou de leurs tentatives d’isoler un pays. Mais pour ce qui nous concerne, nous allons maintenir d’excellentes relations de coopération avec la Géorgie et nous espérons que le moment viendra où d’autres nous rejoindront.

M. ZINGERIS (Lituanie) (interprétation)

Je viens de Vilnius en Lituanie, où j’ai passé vingt ans au titre de mes activités parlementaires. En 1989, j’ai adhéré à un mouvement démocratique.

La Lituanie a brisé le joug de l’Union soviétique et, en 1990, elle a proclamé la restauration de son indépendance. Aujourd’hui, la question se pose des consultations internes. Quelle est la nature des consultations internes que vous menez, quelles relations avez‑vous avec les membres de votre opposition, Monsieur le Président? Par exemple, envisagez‑vous un référendum dans votre pays afin de ne pas suivre la voie de l’Ukraine et de la République de Moldova? Avez‑vous l’intention de respecter la volonté de la population arménienne à la suite de la réunion du 28 novembre qui se tiendra à Vilnius et de signer l’accord d’association?

M. Sargsyan, Président de l’Arménie (interprétation)

Telle est la question qui est évoquée régulièrement avec les différents acteurs politiques. Si je vous disais que toutes les forces d’opposition ont été consultées de façon approfondie, peut‑être ne serais‑je pas fidèle à la vérité, mais la Constitution arménienne prévoit que le Président a la prérogative de mener la politique étrangère. La Constitution autorise ainsi le Président à signer des traités internationaux. Ils seront soumis au Parlement arménien, où toutes les forces politiques sont représentées. Si le Parlement arménien venait à refuser de ratifier les documents signés par le Président, il faudrait alors envisager d’autres options et peut‑être renoncer à telle ou telle politique.

J’espère que l’adhésion à l’Union douanière sera considérée comme intéressante par les différentes forces politiques, car il y va de l’intérêt de notre population. Nous sommes liés aux Etats membres de l’Union douanière par bien des relations. Un tiers de nos exportations, notamment des produits agricoles et des produits manufacturés, se font vers la Fédération de Russie. Si des règlements techniques ne devaient pas être respectés, vous imaginez combien il serait difficile d’exporter ces produits. Quoi qu’il en soit, la signature de l’accord d’association à Vilnius reflète, je pense, l’opinion majoritaire de notre société. Nous procédons à des sondages d’opinion et je ne crois pas qu’il soit utile d’organiser un référendum. A l’avenir, si les forces politiques le demandaient, peut‑être pourrions‑nous envisager d’en organiser un. Je puis vous assurer que les études que nous avons effectuées montrent que notre décision reflète les intérêts et les vœux de la majorité du peuple arménien.

LE PRÉSIDENT

Mes chers collègues, nous sommes obligés d’interrompre la liste des questions. Vous êtes tous conviés maintenant à une réception organisée pour remercier l’Arménie des vitraux qu’elle nous a offerts. Merci beaucoup, Monsieur le Président, pour ce magnifique présent.

Je vous remercie de nouveau pour votre discours et pour vos réponses aux questions des parlementaires.