Fred

Sinowatz

Chancelier fédéral de la République d'Autriche

Discours prononcé devant l'Assemblée

mercredi, 23 avril 1986

Monsieur le Président, Monsieur le Président du Comité des Ministres, Mesdames et Messieurs les Représentants, je vous remercie de m’avoir invité à prendre la parole devant cette Assemblée. Je veux d’abord, Monsieur le Président, vous féliciter de votre élection à de hautes fonctions, qui font suite à une longue expérience parlementaire. Les bons rapports que vous entretenez avec le Président de l’Assemblée des Communautés européennes permettront de développer les liens entre les deux assemblées. Je tiens aussi à remercier le Président Karl Ahrens pour le travail qu’il a accompli. La raison pour laquelle je prends la parole à cette réunion de l’Assemblée parlementaire en qualité de chef du Gouvernement autrichien est que notre pays est membre de plein droit du Conseil de l’Europe depuis exactement trente ans. Aussitôt après la deuxième guerre mondiale, cette guerre civile européenne qui avait laissé notre continent en ruines, couvert de plaies et marqué par la haine entre les peuples, les Autrichiens devenus indépendants mais occupés par trois puissances ont prêté l’oreille à cette grande idée de l’unification européenne, qui n’était plus défendue seulement par un petit nombre d’enthousiastes, mais par des hommes d’Etat européens responsables. Cette idée de surmonter la haine une fois pour toutes et de faire confiance à l’Europe comme entité dans la diversité, cette idée de démanteler les frontières et de ne plus jamais laisser la haine s’instaurer entre les peuples d’Europe était une des grandes espérances pour tous les Etats d’Europe et donc aussi pour l’Autriche exsangue et ruinée.

Vous me pardonnerez cette rétrospective chargée d’émotion parce que j’en tirerai aussitôt une conclusion. Je me rappelle combien ma génération, les jeunes Européens d’alors, soutenait cette ambition avec une formidable foi dans l’avenir, un puissant élan et un grand enthousiasme. Je me rappelle que nous étions tous prêts à partager la misère commune. Parfois, lorsque nous semblons aujourd’hui prêts à partager cette misère, mais non le bien-être acquis en Europe, je crois que nous devrions nous rappeler cet idéal des premières années d’après-guerre. Nous qui occupons maintenant des positions de responsabilité, nous devrions pouvoir résoudre les problèmes techniques et administratifs apparemment insolubles si nous les abordons avec les idéaux que nous avons connus dans notre jeunesse.

Occupée par quatre puissances jusqu’en 1955 et privée d’une souveraineté totale, la République d’Autriche n’a pas pu répondre à l’invitation que lui avait faite le Conseil de l’Europe dès 1951, mais elle a saisi avec gratitude l’occasion qui lui a été offerte d’envoyer des observateurs à l’Assemblée parlementaire et dans les commissions du Conseil de l’Europe. C’est seulement avec le traité d’Etat de 1955 que l’Autriche a recouvré toute sa souveraineté et elle s’en est servi aussitôt pour adhérer au Conseil de l’Europe. A cette occasion, je tiens à rendre hommage à un homme qui, dès le début, a appartenu à l’Assemblée parlementaire d’abord en qualité d’observateur, puis en qualité de délégué du Parlement autrichien et qui, par ses positions en faveur de l’Europe s’est acquis une confiance telle que l’Assemblée parlementaire en a fait son Président. Je tiens à prononcer le nom du Représentant Karl Czernetz car, malgré les persécutions qu’il a subies et l’émigration qu’il a endurée, il ne s’est pas laissé aller à l’amertume ou à la haine, mais a choisi la réconciliation et la coopération. Voici exactement trente ans que l’Autriche est membre du Conseil de l’Europe. Le 16 avril 1956, le ministre autrichien des Affaires étrangères, M. Léopold Figl, a déposé notre instrument d’adhésion. La question était déterminante pour nous de savoir si et comment notre neutralité durable était compatible avec cette coopération au sein de l’Europe commune. Cette question a depuis reçu une réponse satisfaisante par la pratique même de notre collaboration au Conseil de l’Europe. C’est pour l’Autriche une constatation importante.

Grâce à notre collaboration, nous n’avons jamais oublié l’Europe dans son ensemble. Nous n’avons pas oublié que le' continent reste partagé en deux zones, orientale et occidentale, et que nous devons tenir compte de cette réalité en veillant à ce que les oppositions ne s’aggravent pas et ne se polarisent pas.

Nous pensons que dans la mesure du possible et toujours un peu au-delà de ce qui est apparemment réalisable, nous devons rechercher de nouveaux contacts et établir de nouvelles relations entre l’Est et l’Ouest qui tissent un réseau d’informations et d’attentions mutuelles. C’est un objectif auquel M. Karasek s’est toujours attaché en sa qualité de Secrétaire Général du Conseil de l’Europe et je tiens à le rappeler ici.

Il importe en tout cas de maintenir dans tous les pays d’Europe, malgré cette séparation, la conscience d’une communauté de destins qui n’est pas scellée seulement par le passé commun, mais par les tâches communes du présent et de l’avenir, notamment en matière de sécurité. Il nous paraît insensé et irréaliste qu’une partie de l’Europe veuille assurer sa sécurité aux dépens et à la charge de l’autre partie. La sécurité doit être recherchée en commun et le Premier ministre suédois Olof Palme, tragiquement disparu, l’a constamment rappelé. C’est essentiellement par le truchement de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe que nous nous employons à cette tâche. Comme vous le savez, la troisième rencontre d’Helsinki commencera en automne à Vienne. Nous croyons nécessaire de tout mettre en œuvre pour le succès de cette rencontre. L’engagement des Etats concernés, et pas seulement l’engagement et la volonté politique des grandes puissances, constitue l’une des principales justifications de cette espérance. Les petits et les moyens Etats sont aussi interpellés et même profondément concernés. Or, l’Europe appartient à ces Etats et non pas aux grandes puissances.

Cette collaboration par-delà la ligne de séparation suppose que l’Europe démocratique à laquelle nous appartenons soit consolidée et que ce soit la solidarité et non pas l’égoïsme d’Etat qui s’y exprime. Cette Europe démocratique doit être dominée, non par les ambitions nationales, mais par la capacité de collaboration, même au prix du sacrifice occasionnel de tel ou tel intérêt national. Enfin et surtout il faut qu’une démocratie vivante soit pratiquée quotidiennement.

A en croire les faiseurs d’opinion, ces dernières années ont été marquées par une lassitude de l’Europe. On a parlé d’un europessimisme et même d’une eurosclérose.

Ces clichés ne sont pas nouveaux. Ils m’ont accompagné tout au long de ma vie politique et ils ont toujours été présents au cours des débats publics. C’est une longue et malheureuse tradition de l’Europe que de se complaire dans la représentation de sa propre insuffisance et de son déclin proche.

Certes, l’Europe connaît des problèmes et même de graves problèmes. Je suis surtout frappé par le taux de chômage élevé. Nos Etats comptent près de 19 millions de personnes qui ne trouvent pas d’emploi. C’est un fait qui n’échappe sûrement pas aux intéressés et que nous avons présent à l’esprit, aussi bien que les conséquences sociales et politiques qui en découlent presque nécessairement.

Certes, le développement des techniques modernes pose aussi des problèmes. La question a été souvent débattue. Certains estiment qu’on a exagéré les difficultés. En tout cas, en dépit de certaines réalisations, l’Europe a pris du retard, surtout dans les domaines qui ont une grande importance pour l’avenir de la production. Je pense principalement à l’électronique et à l’informatique.

La lassitude de l’Europe s’explique sans doute moins par ces problèmes concrets que par l’aptitude bien connue des hommes à considérer leurs acquis comme allant de soi. On méconnaît l’énorme distance déjà parcourue sur la voie de l’Europe unie. On trouve normal que les trains et les avions arrivent à l’heure ou que les marchandises quotidiennement nécessaires soient livrées ponctuellement dans les magasins. Ces réalisations vitales vont de soi et échappent à la conscience politique.

Pourtant l’Europe d’aujourd’hui n’est pas née automatiquement d’elle-même malgré une collaboration étroite. Elle est née d’une volonté politique, d’une vision politique. Si, lorsque le Conseil de l’Europe s’est constitué en 1949, quelqu’un avait prédit qu’en une seule génération les frontières seraient très largement abolies pour le commerce des marchandises et la circulation des personnes, et surtout s’il avait prédit que les inimitiés dites héréditaires seraient devenues caduques et que les anciens ennemis héréditaires se seraient rassemblés pour promouvoir avec la plus grande vigueur l’unification européenne, il aurait vraisemblablement fait figure d’utopiste et de rêveur.

Aujourd’hui encore il faut se garder de considérer les acquis comme naturels et de les observer passivement. L’unification européenne doit être sans cesse remise sur le chantier et ne peut être vivifiée que par un mouvement incessant animé par une volonté politique, voire une vision politique.

Il est évidemment indispensable de pousser le développement de l’économie européenne et nous reconnaissons sur ce point un rôle dominant à la Communauté européenne. Pour tous les Etats d’Europe, il est bon que les Communautés européennes assument activement ce rôle. Il importe de créer un véritable marché intérieur des produits industriels qui couvre tous les pays d’Europe, y compris les membres l’AELE.

A cet effet, des décisions ont été prises il y a un an et demi à la rencontre de Luxembourg entre la Communauté européenne et l’AELE et nous espérons qu’elles seront bientôt mises en œuvre dans l’intérêt même de tous les Etats européens. Il est aussi dans l’intérêt de toute l’Europe que la haute technologie et la recherche aboutissent à des réalisations. Nous sommes l’un des premiers Etats qui aient soutenu le programme Eurêka lancé par la France et nous sommes heureux de pouvoir participer au programme COST et à divers projets européens avec la Communauté européenne.

Cette dimension économique de l’Europe est naturellement importante, surtout pour résoudre le problème du chômage, mais nous ne devons pas perdre de vue pour autant l’idée et la question de l’identité politique par-delà l’économie.

Lord Keynes, sans doute l’un des plus grands économistes modernes, a dit en substance ce qui suit:

«On surestime en général la puissance des intérêts matériels et on sous-estime l’effet durable des idées qui font leur chemin lentement et qui, en réalité, sont seules à mouvoir le monde.»

L’Europe, dit-on souvent, est forte de sa diversité, mais cette diversité recèle une grande harmonie sous ses nombreux aspects politiques et humains, sous ses aspirations sociales, dans ses maximes politiques et dans son attitude envers les droits de l’homme, les libertés fondamentales et la démocratie parlementaire.

Ces valeurs et ces positions ne sont pas un simple crépi sur les données économiques et militaires. Ce sont à long terme les conditions essentielles de l’existence des Etats et, au-delà, ce sont naturellement des objectifs qui n’ont d’autre justification qu’eux-mêmes, sans qu’une référence à autre chose soit nécessaire.

Avec l’aspiration à la justice sociale qui s’exprime par exemple dans la Charte sociale, cette harmonie idéologique est la base de l’Europe unie. Chargé d’exprimer cette harmonie, le Conseil de l’Europe est devenu une institution sans égale et capable de représenter mieux que toute autre et avec une plus grande force de rayonnement le caractère à la fois nécessaire et exaltant de la démocratie.

Les pessimistes prétendent que la démocratie est menacée dans le monde par toutes sortes de puissances et qu’elle se trouve sur la défensive et en retrait. Il est vrai qu’elle a sans cesse de nouveaux défis à relever, mais elle progresse dans le monde, notamment dans des Etats et des zones qui ne sont pas exemptes de tensions ni de gêne matérielle et où, comme en Amérique latine, il faut lutter durement pour procurer à la population l’indispensable.

L’Europe a pour mission de favoriser cette évolution mondiale, non par conviction et par idéalisme, mais dans son propre intérêt. Si la démocratie se trouve encore en danger sur d’autres continents, elle subira aussi des pressions en Europe. Si, au contraire, elle se développe dans d’autres continents, elle se renforcera aussi en Europe. Encore une fois, le Conseil de l’Europe est le symbole et l’outil de cette identité démocratique collective de l’Europe et cette mission lui incombe en quelque sorte naturellement.

Il s’efforce d’ailleurs de l’assumer. L’essentiel est sans doute qu’il étaye la démocratie en Europe même, notamment par l’institution de l’Assemblée parlementaire et par son activité organique dans le domaine des droits de l’homme. Rien n’est plus convaincant et ne paraît plus efficace que la pratique devenue toute naturelle de garantir aux hommes la dignité, la liberté et la coopération politique.

Il importe de soutenir cette action dans le monde. C’est ainsi que le Conseil de l’Europe organise une conférence sur l’avenir de la démocratie parlementaire en vue de placer la démocratie européenne dans un contexte mondial. Cette conférence doit se tenir l’année prochaine.

Au-delà, je crois que le Conseil de l’Europe peut apporter une aide pratique et directe au développement démocratique dans le monde. Il le fait en invitant les Etats d’Europe à envoyer des observateurs outre-mer pour s’assurer que le développement des élections est conforme à certaines normes. L’un de ces observateurs, le délégué néerlandais Torn Kerstiens, après un séjour au Nicaragua et au Salvador, a adressé un rapport à ses compatriotes les exhortant à transformer ces contrôles électoraux en un nouvel instrument de droit international. Je tiens à souligner cette initiative tout en estimant qu’elle n’a pas à aboutir immédiatement à des instruments internationaux, c’est-à-dire à des traités.

Il suffirait à mon avis que le Conseil de l’Europe réunisse des parlementaires et des fonctionnaires et juges nationaux hautement compétents en matière d’organisation, de mise en œuvre et de contrôle des élections et se déclarent prêts à se mettre à la disposition d’un Etat non européen qui souhaiterait que le déroulement d’élections soit observé par des témoins internationalement reconnus.

Ce groupe ne devrait donc pas imposer ses services, mais se tenir prêt pour le cas où le sceau de qualité du Conseil de l’Europe serait demandé. Naturellement il faudrait commencer par fixer de façon à la fois précise et exhaustive les conditions d’engagement de ce groupe. Le financement ne devrait pas faire de difficulté, car tous les membres du groupe garderont leur emploi et n’auront qu’à se tenir disponibles.

Du point de vue de la République d’Autriche et en ma propre qualité, je conçois de la façon suivante l’avenir du Conseil de l’Europe. Il y a des domaines qui sont les domaines originels du Conseil de l’Europe et qui doivent subsister et se développer. Ce sont des domaines où il ne peut y avoir aucun motif logique, moral ou philosophique d’admettre une évolution différente selon les Etats d’Europe occidentale et où il ne peut y avoir aucun motif de diviser l’Europe en coalitions ou en unions économiques.

Le premier de ces domaines est celui des droits de l’homme. Le Conseil de l’Europe et ses Etats membres peuvent être fiers d’avoir créé avec la Convention européenne des Droits de l’Homme et ses institutions, la Commission et la Cour, un système juridique qui n’a d’équivalent nulle part dans le monde. Le fait que les Etats européens aient décidé de reconnaître des droits à l’individu face à l’Etat, non seulement par une déclaration, mais en lui donnant les moyens de faire valoir ces droits, est un modèle éclatant pour la protection des droits de l’homme dans le monde entier. Si le Conseil de l’Europe n’avait que ce résultat à son actif, il suffirait à justifier son existence. La dernière session de la Conférence ministérielle européenne sur les droits de l’homme à Vienne a montré que les instruments de sauvegarde des droits de l’homme étaient perfectibles. J’espère que les idées et les pensées exprimées lors de cette conférence seront débattues sans délai dans les comités d’experts compétents du Conseil de l’Europe. C’est précisément parce que la Convention européenne des Droits de l’Homme n’est pas l’œuvre des administrations, mais une authentique création de l’Assemblée parlementaire, que je vous demande, à vous Messieurs les délégués des parlements nationaux, de faire en sorte dans cette Assemblée que l’élan politique favorable à l’amélioration des instruments des droits de l’homme reste contenu dans le cadre du Conseil de l’Europe.

Le deuxième domaine est celui de la culture européenne. L’ensemble de la culture européenne a beau se dérober aux définitions précises, il est clair pour nous tous que l’Europe constitue une unité culturelle, mais une unité qui n’est pas née de l’uniformité. L’unité culturelle de l’Europe est faite de la diversité des expressions culturelles issues de la fécondation mutuelle et des échanges ininterrompus de tous les Etats d’Europe. Cette culture européenne, qui n’est pas seulement une collection de trésors artistiques, qui est autre chose que la littérature, la musique et le théâtre européens et qui représente la conscience commune d’une cohabitation sociale rassemblant en réalité toutes les formes et les règles de vie que les Etats et les peuples d’Europe ont élaborées et acquises en plusieurs siècles, cette culture européenne dis-je, n’admet aucune fragmentation. Il appartient donc au Conseil de l’Europe de favoriser cette fécondation culturelle réciproque des peuples européens, de participer au développement de la culture européenne non pas pour la diriger, car la culture a besoin de liberté, mais pour promouvoir cette liberté et toutes les manifestations culturelles de l’Europe.

Le troisième domaine est la lutte contre le terrorisme. En quelques mots, je tiens à dire qu’à mon avis le Conseil de l’Europe et tous ses Etats membres ont intérêt à combattre ensemble cette terrible réalité. C’est justement parce que tous les Etats du Conseil de l’Europe ont pris parti pour les valeurs et les institutions fondamentales de la démocratie et qu’ils reconnaissent la plus large protection aux droits de l’homme qu’ils doivent combattre ensemble le terrorisme qui représente une des plus graves menaces pour la démocratie et les droits de l’homme.

Cette terrible forme de violence, qui ne respecte pas les frontières nationales et qui méprise la vie et les droits de l’homme dans un fanatisme aveugle, ne menace pas seulement la vie et la santé de nos citoyens, elle menace les principes mêmes auxquels nous adhérons.

Les mesures de protection rendues nécessaires par le terrorisme compromettent, il est vrai, la liberté de circulation en Europe et, parfois, certains de nos droits fondamentaux si hautement estimés; lorsqu’elles sont prises au bénéfice de personnes particulièrement menacées, elles menacent même notre régime démocratique. En effet, notre système de démocratie représentative suppose que les électeurs puissent contacter directement les élus et non pas seulement par l’intermédiaire de l’écran de télévision ou des vitres blindées. Par conséquent, la menace terroriste, par le biais des mesures de protection indispensables, revient à séparer les électeurs de leurs élus et menacent ainsi indirectement notre système de démocratie représentative.

C’est pourquoi l’Autriche estime que le Conseil de l’Europe est le forum tout indiqué pour une décision commune sur les mesures de précaution à prendre contre cet ennemi de nos valeurs fondamentales démocratiques, contre le terrorisme, mais aussi pour la mise en pratique de notre collaboration. Voilà pourquoi je suis favorable à la tenue d’une conférence des ministres compétents pour les mesures à prendre dans la lutte contre le terrorisme.

La volonté politique de tirer tout le parti possible du Conseil de l’Europe aboutira plus facilement s’il apparaît en toute clarté que le Conseil ne fait pas concurrence aux institutions de Bruxelles et si les deux institutions se comportent en partenaires procédant à des échanges intensifs d’informations, élaborant des projets communs et pratiquant une étroite collaboration. Sur une initiative suisse et autrichienne, le Comité des Ministres a pris une décision à ce sujet et les deux organisations ont des entretiens. Nous comptons qu’ils aboutiront à des résultats concrets.

Enfin, le Conseil de l’Europe a besoin de moyens financiers suffisants et du soutien constant de l’opinion publique dans les Etats membres. Son utilité ne doit pas être connue seulement des initiés; elle doit être vécue par le citoyen moyen. Pour les Autrichiens, le Conseil de l’Europe symbolise l’identité européenne, il exprime surtout le prestige et les potentialités de la démocratie et les droits de l’homme. Il montre symboliquement que les Etats européens ont tiré la leçon des erreurs du passé et qu’ils ne veulent pas répandre dans le monde la zizanie, mais la coopération et l’espoir. Il est donc compréhensible que nous nous prononcions sans réserve pour cette institution et que nous voulions contribuer pour notre part à ce que dans l’avenir le Conseil de l’Europe accomplisse sa tâche de coopération au bénéfice de l’unification européenne. (Applaudissements)

M. LE PRÉSIDENT

Monsieur le Chancelier, je vous remercie pour votre exposé qui aura vivement intéressé tous les membres de notre Assemblée.

Nous avons été très sensibles à votre analyse des travaux réalisés par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et, surtout, nous vous remercions des propositions que vous nous faites et que nous étudierons dans le détail.

Nous abordons maintenant les questions parlementaires à M. le Chancelier fédéral de la République d’Autriche. Etant donné que dix collègues ont déjà manifesté leur intention d’interroger notre hôte, je leur demande d’être particulièrement brefs dans l’énoncé de leur question qui ne devrait pas dépasser une minute. Cela permettra un dialogue plus vivant et fructueux avant que M. Fred Sinowatz ne soit obligé de nous quitter, à 12 heures 15 au plus tard. La parole est à M. Butty.

M. BUTTY (Suisse)

Monsieur le Chancelier fédéral d’Autriche, permettez-moi de vous poser une question qui intéressera non seulement mon pays, la Suisse, et les pays neutres membres du Conseil de l’Europe mais également l’ensemble de tous les pays membres du Conseil de l’Europe.

En effet, après l’élargissement de la Communauté européenne à l’Espagne et au Portugal, douze des vingt et un pays membres du Conseil de l’Europe font également partie maintenant de la Communauté économique européenne. Or les neuf autres pays, parmi lesquels l’Autriche et la Suisse, peuvent ressentir l’impression qu’ils courent le risque d’être isolés par rapport aux pays membres de la Communauté. Face à cette situation, la Suisse attache évidemment la plus haute importance au développement de la coopération avec la Communauté économique européenne, que ce soit par le biais de l’AELE sur le plan bilatéral ou par l’entremise du Conseil de l’Europe. Vous venez d’ailleurs de faire allusion à ces sortes de tractations, ce qui m’a vivement intéressé.

Le Conseil de l’Europe doit jouer en quelque sorte le rôle d’un pont entre les pays membres et les pays non membres de la Communauté. Aussi, je vous pose la question précise suivante: quelle est l’attitude de l’Autriche en la circonstance et, en particulier, comment conçoit-elle l’avenir avec la Communauté économique européenne?

M. Sinowatz, Chancelier fédéral de la République d'Autriche (traduction)

Mesdames et Messieurs, je voudrais commencer par dire que l’Autriche se félicite de l’élargissement de la Communauté européenne. Nous nous félicitons du regain de dynamisme du processus d’intégration dans le cadre de la Communauté; nous nous plaçons dans une perspective européenne à un niveau supérieur.

Je ne voudrais cependant pas cacher que nous aussi – tout comme la Suisse et d’autres pays de l’AELE – craignons une aggravation de l’écart, bien que je pense, Mesdames et Messieurs, qu’il ne faille pas être trop pessimiste, car le développement social, le développement économique dans les pays de l’AELE, est en fin de compte identique à celui qui caractérise les pays de la Communauté.

Je considère cependant qu’il faut que nous appliquions les idées et les théories contenues dans la Déclaration de Luxembourg, notamment aussi en matière de coopération scientifique et technique et dans le domaine de la protection de l’environnement. Il faut que nous continuions à nous efforcer d’éliminer tous les obstacles que peuvent encore rencontrer les échanges commerciaux.

Je considère que compte tenu des contacts bilatéraux que nous voulons continuer à développer avec la Communauté, ainsi que du potentiel de l’AELE, un rôle particulier doit être dévolu au Conseil de l’Europe. En l’occurrence, nous avons la possibilité de jeter un pont.

Bien que je sois convaincu qu’une séparation en deux de l’Europe occidentale soit exclue – une telle séparation existe de toute manière, lorsqu’on considère l’Europe dans son ensemble – il faut que nous veillions à ce que l’évolution se fasse dans le même sens, à ce que l’Europe demeure effectivement une unité pour les pays qui font partie de la Communauté mais aussi pour les pays en dehors de la Communauté. C’est pourquoi, il faut que nous prévoyions un maximum de possibilités de coopération.

M. VALLEIX (France)

Monsieur le Chancelier fédéral, vous nous avez fort intéressés ce matin et nous vous en remercions. J’ai noté aussi avec intérêt votre engagement dans l’initiative d’une sorte de rôle de missionnaire arbitre de la démocratie parlementaire telle que nous l’entendons.

Ma question est plus spécifique et plus actuelle. Vous avez bien voulu, et nous partageons votre analyse, rappeler que l’Europe a accompli des progrès fort positifs depuis la dernière guerre; sans être d’un optimisme béat, nous savons que nous devons continuer dans cette voie. Vous avez souligné à cet égard cette volonté de démocratie, à conforter dans le monde, nous en sommes tous d’accord.

Pour en revenir à l’actualité très récente, que pensez-vous, Monsieur le Chancelier fédéral, des déclarations récentes, à Berlin-Est du Secrétaire général du parti communiste d’URSS, M. Gorbatchev, et, plus particulièrement, portez-vous un jugement sur un éventuel voyage de M. Gorbatchev en République Fédérale allemande, mais assorti des conditions que l’on sait?

M. Sinowatz, Chancelier fédéral de la République d'Autriche (traduction)

Mesdames et Messieurs, la volonté de démocratie – si je puis reprendre ces termes – a coïncidé pour nous en Autriche en quelque sorte avec la volonté de bâtir une Autriche autonome, capable de survivre; c’est pourquoi, bien que nous soyons un pays neutre – mais il ne s’agit pas d’une neutralité idéologique – nous considérons que nous faisons partie du système démocratique pluraliste. Cela nous tenons à l’affirmer clairement.

Cependant, malgré notre attachement à la démocratie, que nous avons toujours manifesté et que nous continuerons à manifester, pour des considérations d’ordre géopolitique, pour des considérations d’ordre économique, pour des raisons historiques, nous nous sommes efforcés d’instaurer et d’entretenir de bonnes relations également avec nos voisins de l’Est; et nous y avons réussi dans une large mesure. Certainement aussi parce que nous étions avantagés par notre statut de neutralité.

J’ai eu récemment l’occasion – lors d’une visite de travail à Moscou, où l’on inaugurait une exposition industrielle autrichienne – de m’entretenir pendant environ deux heures avec le Secrétaire général du parti communiste soviétique, M. Gorbatchev. Cet entretien a été très intéressant parce que – contrairement à ce qui était d’usage jusqu’à présent en Union Soviétique – nous avons parlé ouvertement notamment de la réforme économique en Union Soviétique mais, bien entendu, aussi des propositions de l’Union Soviétique en matière de désarmement, qui ont été évoquées plus particulièrement lors du Congrès du SED à Berlin-Est, ainsi que de la question de l’arrêt des essais nucléaires.

Je considère que ces propositions sont intéressantes et qu’il convient de les prendre au sérieux. Le fait que l’Union Soviétique possède maintenant un Secrétaire général, lequel – également du point de vue occidental – est capable d’interpréter cette politique, ne doit cependant pas nous inciter à en déduire automatiquement qu’il y aura une modification de la politique pratiquée jusqu’à présent par les Russes. Ce n’est certainement pas le cas, mais je considère qu’il importe – notamment en ce qui concerne la proposition faite par M. Gorbatchev à Berlin-Est à propos du désarmement également dans le domaine des armes conventionnelles – que cette proposition, je le répète, soit reprise et examinée. C’est d’ailleurs aussi l’avis du Chancelier fédéral allemand.

M. CARVALHAS (Portugal)

Monsieur le Chancelier, la position favorable de l’Autriche au désarmement et à la détente est bien connue. Vous avez déjà parlé de ce que vous pensez de la suspension de tous les essais nucléaires et des propositions de moratoire qui ont été faites dans ce sens. Mais je vous pose la question suivante: quelle est votre position quant à la tenue d’une conférence sur le Moyen-Orient à laquelle participeraient toutes les parties intéressées, notamment l’OLP, unique et légitime représentant du peuple palestinien?

M. Sinowatz, Chancelier fédéral de la République d'Autriche (traduction)

Je tiens à préciser que les propositions que j’ai mentionnées concernant le désarmement et l’arrêt des essais nucléaires émanent du Secrétaire général soviétique. Je les ai évoquées ici. Ce qui intéresse cependant les Autrichiens, c’est que le processus de désarmement soit vraiment entamé. Il n’est pas agréable de vivre dans une région où s’accumulent les armements.

En ce qui concerne le Moyen-Orient, l’Autriche a toujours eu une position claire, à laquelle nous sommes attachés. Nous considérons notamment aussi que le problème ne pourra finalement être résolu que sur une base extrêmement large, avec la participation de toutes les parties concernées, dans le cadre d’une conférence tenue sous l’égide des Nations Unies et à laquelle participeraient évidemment aussi les représentants du peuple palestinien. Or, nous sommes d’avis que cette représentation des Palestiniens c’est l’OLP. Il faudrait, à plus long terme, la faire participer à un processus de paix de ce genre. Pour qu’elle serve à quelque chose, il faut cependant qu’une conférence de ce genre soit bien préparée. Or, compte tenu de la situation actuelle au Moyen-Orient, il ne semble pas que les conditions favorables à la tenue d’une telle conférence soient réunies.

M. MARTINEZ (Espagne)

Monsieur le Chancelier, je tiens d’abord, au nom des socialistes espagnols, à vous témoigner le respect, l’admiration et l’amitié que nous portons à votre personne, à votre parti, à votre gouvernement, à votre pays et à votre peuple.

Récemment, à l’occasion d’un référendum sur l’articulation de sa participation dans les mécanismes de sécurité occidentale, le peuple espagnol a décidé que son pays se constituait en zone dénucléarisée. Nous espérons d’ailleurs continuer à faire des progrès dans ce sens et même à entraîner certains de nos voisins et de nos amis. Nous constatons d’ailleurs avec satisfaction que de telles initiatives sont prises dans la Méditerranée, dans les Balkans, dans les pays Scandinaves, voire en Europe centrale.

Pensez-vous, Monsieur le Chancelier fédéral, que la création d’une zone dénucléarisée en Europe constitue une contribution à la détente et, en définitive, à la paix?

M. Sinowatz, Chancelier fédéral de la République d'Autriche (traduction)

Je tiens d’abord à vous remercier des aimables paroles que vous avez prononcées à l’intention de mon pays et de mon peuple. Je voudrais aussi vous dire combien nous nous sommes réjouis du retour de l’Espagne à la démocratie et rendre hommage à tout ce que l’Espagne a réalisé ces dernières années.

Je considère que des zones dénucléarisées sont souhaitables dans leur principe. Nous estimons cependant que ce processus doit englober la totalité des Etats d’une région et qu’il convient de ne pas modifier les équilibres existants et, enfin, que le désarmement devrait porter sur tous les domaines pour être efficace.

M. CAVALIERE (Italie) (traduction)

Monsieur le Chancelier fédéral, vous savez que l’Italie, respectueuse des accords bilatéraux et des lois internes, fait preuve de beaucoup de compréhension et d’une large ouverture d’esprit à l’égard des minorités de langue allemande, à travers des reconnaissances et des concessions qui garantissent pleinement les droits de ces minorités à tous égards, à l’intérieur certes des frontières que personne ne saurait nous contester.

L’Italie agit de la sorte tant par respect des droits de l’homme que par souci d’entretenir avec l’Autriche les meilleurs rapports. Pourtant, on assiste depuis quelque temps dans cette région à des manifestations d’agacement et d’hostilité contre l’Italie, avec des parades à caractère militaire et des prétentions d’indépendance et de création d’un nouvel Etat. Quelle est votre opinion, Monsieur le Chancelier fédéral, au sujet de ces mouvements? Ne croyez-vous pas qu’ils sont injustifiés et dangereux pour le maintien de bonnes relations entre l’Autriche et l’Italie? Ne pensez-vous pas que l’Autriche devrait les décourager?

M. Sinowatz, Chancelier fédéral de la République d'Autriche (traduction)

Je tiens à préciser que du côté autrichien, non seulement il n’y a pas de manifestations d’intolérance mais qu’au contraire, les relations entre l’Italie et l’Autriche sont bien meilleures actuellement que dans le passé. Je voudrais rappeler que le Président du Conseil, M. Craxi, a été le premier homme d’Etat italien à se rendre en Autriche en visite officielle depuis cent ans. J’ai eu moi-même, par la suite, l’occasion de lui rendre visite à Rome. Nous entretenons vraiment d’excellentes relations qui ont d’ailleurs débouché sur la conclusion d’une série d’accords, lesquels revêtent une grande importance pour nous. A cela s’ajoute – et je considère que c’est très important – les liens de sympathie qui unissent les peuples entre eux et la sympathie que les Autrichiens éprouvent pour les Italiens et qui est immense.

Quant au Tyrol du Sud – et vous y avez fait allusion – nous sommes d’avis qu’un pont doit exister entre l’Autriche et l’Italie, un pont de l’amitié, un développement des relations. Je suis convaincu qu’à Bolzano, on s’efforce d’aboutir, on s’efforce de régler par la voie de la négociation les points qui demeurent en suspens. Certains détails restent à régler; on en discute, et je considère que c’est normal. Il est aussi normal que la population italienne s’inquiète de certains mouvements.

Je considère que l’on ne peut espérer aboutir à des résultats que par le biais de négociations intensives et je suis très optimiste à cet égard.

Mme HUBINEK (Autriche) (traduction)

Monsieur le Chancelier fédéral, vous avez affirmé que vous souhaitez profiter de la volonté politique du Conseil de l’Europe. Je ne puis que souscrire à cela.

Simplement une question qui me tient personnellement très à cœur. Il existe toute une série de conventions dans le domaine de la protection de l’environnement. Nous avons de nouveau entendu hier un rapport sur la Convention de Berne. Tout cela n’a cependant de sens que si on l’applique dans les parlements nationaux. Voici la question que je voudrais vous poser: interviendrez-vous pour que ces recommandations du Conseil de l’Europe soient aussi appliquées lorsqu’elles vont à l’encontre d’intérêts économiques?

M. Sinowatz, Chancelier fédéral de la République d'Autriche (traduction)

C’est bien mon intention, Madame le député. Il peut évidemment arriver qu’un projet, prévu et élaboré depuis longtemps, avant que cette convention n’entre en vigueur à l’échelon national, ne puisse plus être mis en œuvre sur les mêmes bases. Concrètement je suis en mesure d’indiquer qu’aucune décision définitive n’a encore été prise dans ce domaine. Il va cependant de soi que nous approuvons les conventions et que nous comptons aussi les intégrer dans notre ordre juridique.

M. GADIENT (Suisse) (traduction)

Monsieur le Chancelier fédéral, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, l’absence d’une politique européenne des transports a été déplorée par cette Assemblée à plusieurs reprises ces derniers temps. De larges fractions de la population européenne en pâtissent. Les péages autoroutiers ne sont qu’un exemple des difficultés suscitées par le manque de coordination. La liaison nord-sud fait partie d’un ensemble de problèmes qui ne peuvent être abordés et résolus de manière satisfaisante qu’avec la participation de tous les pays intéressés. D’où ma question: êtes-vous aussi d’avis, Monsieur le Chancelier fédéral, que l’élaboration d’une politique européenne des transports s’impose d’urgence et que le Conseil de l’Europe, dont font aussi partie les pays de transit que sont l’Autriche et la Suisse, est prédestiné à jouer un rôle de pionnier en la matière?

M. Sinowatz, Chancelier fédéral de la République d'Autriche (traduction)

Monsieur le député, j’approuve totalement ce que vous avez affirmé à propos d’une politique européenne des transports; l’Autriche est en effet le pays le plus concerné par la circulation de transit nord-sud: depuis 1970, le volume du trafic sur notre axe nord-sud est passé d’environ 3 millions de tonnes à 19 millions de tonnes; 99 % de ce trafic proviennent des pays de la Communauté. C’est pourquoi nous appréhendons une nouvelle orientation dans ce domaine. Nous nous sommes fixé comme objectif le transfert sur rail d’une grande partie du transport routier de marchandises, afin de réduire les énormes nuisances que subit la population du Tyrol. Cela exige cependant, comme vous le faites remarquer à juste titre, un aménagement des transports à l’échelon européen et notamment la mise en place en commun avec nos pays voisins, la République Fédérale d’Allemagne et l’Italie, d’une infrastructure, permettant d’utiliser davantage que jusqu’à présent les transports ferroviaires. Nous considérons que l’adoption d’une politique européenne des transports doit être absolument prioritaire.

M. OEHLER (France)

Monsieur le Chancelier fédéral, j’ai écouté attentivement votre proposition de mettre en place, au Conseil de l’Europe, un groupe composé de parlementaires, de fonctionnaires et d’autres personnes compétentes afin de contrôler les élections, à la demande – je dis bien à la demande – des Etats non européens. C’est un domaine nouveau. Comment voyez-vous le fonctionnement d’un tel groupe et quels seraient ses moyens?

M. Sinowatz, Chancelier fédéral de la République d'Autriche (traduction)

Je pense que c’est moins compliqué que cela ne puisse paraître à première vue. Il faudrait que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe se prononce à ce sujet. Il serait aussi opportun que le Comité des Ministres examine cette proposition. Le cas échéant, un comité mixte pourrait réfléchir aux aspects concrets de cette question et en définir le contexte. Je considère – et vous l’avez mentionné vous-même – que cela n’entre en ligne de compte que si l’on en exprime le désir, si on le demande. Par ailleurs, il importe à mes yeux de définir des directives. Enfin, je suppose que les moyens financiers nécessaires seraient peu importants car il s’agirait d’hommes et de femmes, qui continuent à exercer leurs activités à l’échelon national et n’auraient à intervenir que si le cas d’espèce se produisait.

M. MARTINO (Italie) (traduction)

Monsieur le Chancelier, vous avez fait allusion au début de votre intervention au problème de la sécurité. Vous avez évoqué ensuite le souvenir d’Olof Palme, puis de M. Karasek et esquissé certains aspects de la Hongrie, au-delà des frontières entre l’Est et l’Ouest. Vous vouliez sans doute nous dire qu’il fallait aspirer à une Europe toujours plus large et plus complète; or, de nombreuses opérations de police ayant montré que les actions terroristes trouvent souvent leur origine dans les pays de l’Est, même s’il ne s’agit que de transit, pensez-vous qu’il soit possible de conclure des accords qui permettent au moins une information préventive sur le terrorisme international? Votre pays en particulier a-t-il tenté de conclure avec les pays voisins des accords de ce type et avec quel résultat?

M. Sinowatz, Chancelier fédéral de la République d'Autriche (traduction)

Je crois, Monsieur le député, que nous avons pu constater ces derniers temps que les pays d’Europe de l’Est ont aussi modifié leur point de vue en ce qui concerne le terrorisme international et qu’ils sont effectivement prêts à envisager une action commune dans ce domaine. C’est déjà le cas sur le plan bilatéral. En matière de lutte contre le terrorisme, nous avons déjà maintenant la possibilité d’échanger des expériences et des informations avec nos voisins de l’Est. Ces relations se sont révélées fructueuses. L’objectif doit être de franchir cette ligne de démarcation en Europe et d’aboutir à une action commune, une collaboration en matière de lutte contre le terrorisme. Je suis optimiste à cet égard.

M. BIANCO (Italie) (traduction)

Monsieur le Chancelier, je n’ai pas de question à poser, je souhaite simplement vous exprimer ma gratitude. Je prends acte en effet de votre réponse positive et juste à la question posée par notre collègue M. Cavalière. Parler, comme vous l’avez fait, du Tyrol du Sud, du Haut-Adige comme d’un trait d’union, d’un pont entre nos deux pays, c’est pour nous un fait important que nous apprécions. Nous sommes également très heureux que vous reconnaissiez les liens étroits qui existent entre l’Autriche et l’Italie et qui se sont resserrés ces derniers temps de façon encore plus chaleureuse. Je vous remercie, Monsieur le Chancelier.

M. Sinowatz, Chancelier fédéral de la République d'Autriche (traduction)

Je vous remercie très sincèrement de ce que vous avez dit, Monsieur Bianco.

M. BÜCHNER (République Fédérale d’Allemagne) (traduction)

Monsieur le Chancelier fédéral, après avoir souligné les progrès considérables accomplis par l’Europe, vous avez aussi évoqué les graves problèmes auxquels nous sommes confrontés actuellement et notamment celui que vous considérez comme le plus préoccupant, à savoir le taux élevé du chômage en Europe.

Or, il se trouve que les commissions compétentes de l’Assemblée s’apprêtent à recommander pour la deuxième fois aux gouvernements de prendre une série de mesures qui seraient susceptibles de remédier quelque peu à cette situation. Nombre de collègues considèrent qu’une diminution notable du temps de travail – sous quelque forme que ce soit – doit en faire partie, surtout pour donner aux jeunes la possibilité de trouver un emploi à l’issue de leur formation. Nous considérons, en effet, qu’il n’y a pas pire déception ni pire expérience pour les jeunes que de se rendre compte, lorsqu’ils ont achevé leur formation, que la société n’a, au fond, pas besoin d’eux.

Monsieur le Chancelier fédéral, quelle est votre opinion sur l’opportunité d’une réduction du temps de travail?

M. Sinowatz, Chancelier fédéral de la République d'Autriche (traduction)

Je partage votre avis en ce qui concerne l’importance du danger politique que constitue le chômage. En effet, si l’Autriche a perdu son statut démocratique pendant les années 30, c’est en partie en raison des énormes difficultés économiques, qui ont engendré un chômage massif, les chômeurs déçus ne croyant plus à la capacité de redressement du pays ni aux vertus de la démocratie. C’est pourquoi, développer l’emploi en Autriche ne fait pas seulement intervenir des considérations d’ordre économique, mais aussi des considérations d’ordre social, que nous ne saurions négliger, outre toutes les autres mesures que nous prenons. A notre sens, cela exige cependant que nous ne laissions pas uniquement au secteur privé le soin de prendre ces mesures, mais que l’Etat crée en même temps les conditions requises pour assurer autant que possible le plein emploi.

Un aspect de cette question a, bien entendu, trait à la réduction du temps de travail. En Autriche, nous sommes d’avis qu’il faut agir avec pragmatisme dans ce domaine, ce que nous faisons d’ailleurs. Nous prévoyons de procéder par secteur et progressivement, bien entendu, en tenant compte de la compétitivité de notre économie. Dans la sidérurgie, nous avons déjà fait le premier pas. Les syndicats – leurs objectifs coïncident en grande partie avec ceux du gouvernement – espèrent arriver à la semaine de trente-cinq heures au début des années 90, et cela en faisant constamment preuve de pragmatisme.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Nous sommes ainsi arrivés au terme des questions.

Monsieur le Chancelier fédéral, au nom de l’Assemblée, je voudrais vous adresser nos remerciements. Il était très intéressant pour nous d’apprendre comment vous concevez les activités du Conseil de l’Europe.