Mircea

Snegur

Président·e de la République de Moldova

Discours prononcé devant l'Assemblée

mardi, 26 septembre 1995

Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames et Messieurs les parlementaires, permettez-moi, avant tout, de vous adresser mes plus sincères remerciements pour l’invitation à prendre la parole devant l’Assemblée parlementaire, dans ce monumental Palais de l’Europe.

Cet événement revêt une signification particulière pour nous, car c’est la première fois que la République de Moldova participe à une session de l’Assemblée parlementaire en sa qualité de membre du Conseil de l’Europe à part entière. Je saisis cette occasion pour remercier encore ceux qui ont soutenu l’adhésion de mon pays à cet organisme: M. le Président Miguel Angel Martinez, M. le Secrétaire Général Daniel Tarschys, les rapporteurs pour notre pays et toute l’Assemblée parlementaire.

Je voudrais également mentionner la contribution particulière de Mme Catherine Lalumière à l’établissement des relations entre le Conseil de l’Europe et la République de Moldova.

L’adhésion de la République de Moldova au Conseil de l’Europe a haussé l’autorité de notre Etat et constitue un acte de soutien et de reconnaissance du caractère irréversible des processus en cours visant à l’instauration d’une démocratie authentique et à l’édification de l’Etat de droit.

Récemment, nous avons célébré le quatrième anniversaire de l’indépendance de la République de Moldova. Si l’on jette un coup d’œil rétrospectif, on voit plus clairement les évolutions de notre Etat. Bien que les relations de mon pays avec le Conseil de l’Europe aient été établies il n’y a pas si longtemps, à savoir le 5 février 1993, au moment où nous avons obtenu le statut d’invité spécial, il est certain que c’est grâce à la précieuse contribution de cet organisme prestigieux que sont devenus possibles les succès enregistrés par mon pays.

Après l’effondrement de l’ancien régime totalitaire, notre pays s’est prononcé pour une nouvelle forme d’organisation de la société: la démocratisation et l’économie de marché. Notre désir de nous intégrer dans l’Europe ne signifie pas un renoncement aux traditions plusieurs fois séculaires propres à notre peuple. En perpétuant ces traditions, nous sommes engagés, en même temps, dans la construction d’une nouvelle société, en puisant aux inestimables valeurs de la civilisation européenne. La nouvelle architecture de la sécurité européenne n’est possible que par la coopération et la démocratie, l’apport du Conseil de l’Europe, véritable centre de la culture humaine, politique et juridique du continent, étant incontestable.

De nos jours, la République de Moldova est beaucoup plus connue en Europe et dans le monde, étant admise dans diverses organisations internationales, telles que l’ONU, l’OSCE et d’autres. Il est important de mentionner que nous avons établi des liens mutuellement avantageux avec l’Union européenne, en signant l’accord de partenariat et de coopération dont les dispositions commerciales font l’objet d’un accord intérimaire qui sera signé très prochainement.

Je voudrais continuer en vous présentant certains éléments positifs de l’évolution de mon pays, sur le plan de la politique intérieure. Avant tout, il faudrait mentionner les élections parlementaires qui se sont déroulées au mois de février 1994 sur la base du pluripartisme, élections qui ont été reconnues par les experts des divers organismes internationaux – y compris par ceux du Conseil de l’Europe – comme étant libres et démocratiques.

Le nouveau parlement a adopté la loi fondamentale du pays – la Constitution de la République de Moldova – véritable base juridique pour l’édification d’un Etat démocratique. Il faut souligner que, durant une année et demie d’activité, le Parlement de la République de Moldova a adopté plus de cinq cents actes normatifs qui forment le fondement juridique de la réforme de la société.

Un témoignage éloquent de la démocratisation, c’est aussi l’activité, dans l’arène politique moldove, des trente-huit partis et organisations socio-politiques dont la gamme d’options politiques est étendue. Récemment, le pays a vu la constitution du Parti de la renaissance et de la conciliation, parti centriste d’orientation libérale, qui se fixe pour objectif d’unir toutes les forces attachées aux idées d’indépendance et de démocratie, et aux relations de marché dans l’économie. La nouvelle formation jouit d’un large soutien dans la société.

Un autre élément important est la presse. Son rôle dans la vie sociale et politique du pays a augmenté considérablement, car elle aborde pratiquement tous les aspects de la vie dans la société avec les multiples problèmes auxquels nous sommes confrontés. Et c’est naturel.

Or l’édification de l’Etat de droit et la transition à l’économie de marché est une œuvre complexe qui vise de la façon la plus directe toutes les couches sociales. Dans ce contexte, chaque citoyen peut exprimer son attitude à l’égard de ces processus.

Mesdames et Messieurs les parlementaires, je tiens à vous assurer que, dans notre pays, des conditions égales pour tous les citoyens ont été créées, indépendamment de leur appartenance à telle ou telle minorité nationale. Bien plus, nous sommes tentés de croire que, sous certains aspects, la législation en vigueur dans le pays dépasse même certaines normes européennes dans ce domaine. Je me réfère notamment à la solution du problème des Gagaouzes, minorité dont le nombre s’élève à 3 % de la population totale de la République de Moldova.

Comme vous le savez, on a accordé à une zone du sud du pays, peuplée de façon prépondérante par cette minorité, un statut spécial qui prévoit une large autonomie. S’agissant du règlement des problèmes ethniques, nous partons du principe qu’ils peuvent et doivent être résolus exclusivement par la voie du dialogue et des compromis, en faisant ainsi preuve de volonté.

C’est ce même principe qui nous guide dans le règlement du conflit de la région transnistrienne du pays. Nous sommes disposés à résoudre les problèmes par des moyens politiques, conformément aux dispositions de la Constitution, à condition que soit assurée l’intégrité territoriale de la République de Moldova. Nous avons élaboré un projet de statut juridique spécial pour cette région, en lui attribuant des compétences assez larges. Cependant, à notre vif regret, les leaders de Tiraspol, qui profitent d’un soutien permanent de l’extérieur, sont réfractaires à notre proposition tout en insistant sur la création d’un Etat à part. Mais les prémices nécessaires pour cela n’existent pas, des prémices qui sont obligatoires pour un pareil acte et qui sont bien connues dans le droit international.

Je tiens à informer l’honorable Assemblée parlementaire que, jusqu’à présent, seul Chisinâu a fait des compromis alors que Tiraspol reste sur des positions rigides. Même dans cette situation, nous avons la certitude qu’on peut trouver une solution à ce nœud gordien par des méthodes politiques et sur la base de concessions réciproques.

Ce qui nous inquiète de façon particulière, c’est la situation dans cette région en matière de droits de l’homme. Nous sommes obligés de constater que les autorités séparatistes maintiennent leurs anciennes positions, en interdisant, dans les écoles moldoves, l'enseignement en langue maternelle sur la base des caractères latins.

Malgré l’insistance permanente des autorités de la République de Moldova et des organismes internationaux, y compris du Conseil de l’Europe, on n’a pas libéré à ce jour le groupe des détenus politiques dirigés par Ilie Ilascu, qui ont été condamnés et incarcérés de manière illégale depuis trois ans par les autorités anticonstitutionnelles de Transnistrie. Je voudrais exprimer l’espoir qu’avec le concours des organisations internationales et, en particulier, avec celui du Conseil de l’Europe, le groupe Ilascu sera transféré aux autorités légales de la République de Moldova.

Un autre élément influence directement le règlement du problème transnistrien: c’est la présence dans cette partie du pays des forces armées de la Fédération de Russie. Le 21 octobre 1994, un accord moldo-russe sur le retrait de la 14e armée a été signé. Nous sommes au regret de constater que l’accord n’est pas encore appliqué par la partie russe. Il ne nous reste donc qu’à continuer à compter sur la lucidité politique de la direction suprême de la Russie et, avant tout, sur celle du Président Boris Eltsine, qui nous a assuré que les accords seront honorés.

Je voudrais continuer en mettant en relief la contribution du Conseil de l’Europe à la consolidation de la démocratie en République de Moldova – assistance compétente et permanente des experts dans divers domaines, avis sur les projets de Constitution et sur plusieurs lois, invitation de spécialistes moldoves à participer à divers programmes de coopération, des séminaires, des réunions, des conférences et des stages, les principales formes de l’importante aide fournie par le Conseil de l’Europe.

Les experts d’Europe occidentale ont déjà mentionné l’efficacité de nos premiers pas dans la réforme juridique, le travail effectué par les organes dirigeants du pays en vue de la création d’une société démocratique et de l’intégration, le plus prochainement possible, de notre Etat à l’espace juridique européen.

C’est avec ce même but qu’a été constituée la commission nationale chargée de l’harmonisation de notre législation interne avec la législation et les normes européennes.

Le document juridique le plus important du Conseil de l’Europe est la Convention européenne des Droits de l’Homme, alors que la plus importante réalisation de cet organisme est la mise en oeuvre d’un mécanisme efficace de protection des droits de l’homme. En signant cette Convention, nous nous sommes engagés à garantir le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Honorable assistance, ce serait une faute que de ne pas parler à cette tribune, ne fût-ce qu’en général, de la situation de la République de Moldova. Nous avons réussi à enregistrer certaines réalisations concrètes au niveau macro-économique – c’est une appréciation donnée par des organisations internationales, dont le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. Le déclenchement de la privatisation en masse – première étape de ce processus – l’introduction de la monnaie nationale, sa stabilité et sa convertibilité, la libéralisation des prix et du commerce en général, la réduction considérable du taux d’inflation, le passage de la distribution centralisée des crédits à leur vente aux enchères constituent autant de témoignages convaincants de notre adhésion ferme aux principes de l’économie de marché. La République de Moldova continue à avancer dans la voie des réformes, et ce malgré les calamités naturelles qui ont gravement affecté la population et l’économie en causant des dommages dont la valeur dépasse celle du budget annuel du pays.

A l’heure actuelle,- il est nécessaire de donner une impulsion au processus de constitution du marché des titres de propriété et du marché des capitaux, de perfectionner les systèmes de crédit et d’imposition, de faire fonctionner le mécanisme de la faillite. Lors de la réalisation du programme de réforme et de privatisation, il est important pour nous d’assurer, en même temps, une protection sociale équilibrée de la population.

Nous travaillons beaucoup pour attirer et pour promouvoir les investissements étrangers, d’autant plus que notre législation permet ce genre d’activité. Nous espérons que, par notre qualité de membre du Conseil de l’Europe, nous réussirons à augmenter la crédibilité de la République de Moldova auprès des investisseurs étrangers.

Parallèlement aux efforts déployés en vue de l’intégration économique dans l’Occident, nous sommes conscients que, au moins à l’étape actuelle, les pays de la CEI ont un rôle important à jouer dans la réanimation économique de la République de Moldova.

Sans un accès normal au marché européen, nous ne pouvons pas nous permettre le luxe de perdre des débouchés à l’Est, car, il n’y a pas longtemps, nous faisions partie d’un espace économique unique. Mais je tiens à souligner quand même que notre objectif stratégique est l’intégration au système économique européen et mondial.

Aujourd’hui, la société moldove est convaincue que les réformes économiques et démocratiques n’ont – pas d’alternative. Les principales difficultés sont déjà surmontées, mais il reste encore beaucoup à faire.

Mesdames, Messieurs, la République de Moldova est située dans une zone géopolitique complexe, à l’intersection de divers intérêts. Conformément à la Constitution en vigueur, le pays a proclamé sa neutralité permanente, ce qui veut dire qu’il n’aidera pas des blocs ou des alliances militaires et n’admettra pas qu’il y ait un emplacement pour des troupes étrangères sur son territoire.

Nous ne voulons pas de nouvelles divisions ni de nouvelles polarisations en Europe, pas de «guerre froide» ni de «paix froide». Nous voulons avoir des amis tant à l’Est qu’à l’Ouest. La neutralité de l’Etat ne constitue pas cependant un obstacle sur la voie de sa participation avec d’autres Etats membres du Conseil de l’Europe au programme «partenariat pour la paix», car la République de Moldova met l’accent sur l’aspect civil de la coopération.

En revenant aux problèmes internes, je tiens à souligner que la démocratisation de notre société et que la promotion des réformes économiques se heurtent à un très grave obstacle. Il s’agit du séparatisme auquel nous sommes confrontés dans la région orientale du pays. Il faut riposter fermement à. ce phénomène alimenté par des ambitions politiques.

Quelqu’un affirmait à juste titre que le séparatisme peut être comparé à une arme de destruction de masse, car il met hors fonction des Etats tout entiers, des systèmes régionaux et internationaux. Il n’existe pas de meilleur moyen de déstabiliser un pays que d’y maintenir un séparatisme.

J’ai insisté sur cet aspect car en République de Moldova le séparatisme constitue un danger réel, non seulement pour l’équilibre fragile établi dans le pays, mais aussi pour la stabilité de la situation dans cette zone du continent. Nous espérons que, par l’intermédiaire du Conseil de l’Europe, mais aussi avec le soutien de ses Etats membres, nous parviendrons à résoudre le problème de la région orientale de la Moldova. Dans ce contexte, nous estimons qu’il serait opportun d’organiser une conférence internationale afin de combattre le séparatisme. Nous serions honorés si cette conférence se déroulait à Chisinâu.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, sur le plan général européen, la République de Moldova développe une coopération fructueuse dans le cadre de l’OSCE et entretient des liens économiques et de partenariat avec l’Union européenne. Le Conseil de l’Europe est une institution intermédiaire entre ces deux organismes, car il contribue par ses efforts à la construction d’une Europe unie, d’une maison européenne commune. Je parle notamment du rôle du Conseil de l’Europe dans les affaires européennes car parfois on essaye d’opérer une division entre les organisations européennes principales et secondaires, et l’on se propose de les hiérarchiser.

Selon notre opinion, tous les organismes européens ont fin poids égal et chacun a son rôle à jouer dans la recherche de solutions aux problèmes du continent. Toutes ces structures doivent être des générateurs de solutions, qu’il s’agisse des problèmes actuels ou futurs, de façon que l’on n’admette pas de doublage ni de subordination dans leurs activités. Le Conseil de l’Europe est donc appelé à offrir aux jeunes démocraties des options pour leur développement, sur le plan humain, bien sûr, mais pas seulement. Par cette activité, il les rapproche de l’espace communautaire, de l’Union européenne et, d’autre part, il offre son soutien actif à l’OSCE. Par exemple la Convention- cadre sur la protection des minorités nationales, adoptée dans le cadre du Conseil de l’Europe, a joué un rôle important dans la conclusion du pacte de stabilité en Europe proposé par l’Union européenne et transmis à l’OSCE qui veillera à son observation. Voilà une réalisation importante qui sert d’appui à l’idée de la compatibilité et de la complémentarité des organisations européennes.

Le Conseil de l’Europe dispose des instruments nécessaires à la réalisation des objectifs communs de tous les Etats européens et de toutes les organisations européennes, objectifs qui sont devenus des valeurs communes: la démocratie, la liberté, le pluralisme, la suprématie de la loi et le respect des droits de l’homme.

La République de Moldova est le premier pays de l’espace CEI à être devenu membre à part entière du Conseil de l’Europe. Nous estimons que la grande famille démocratique européenne ne pourra que gagner à l’adhésion à cet organisme des autres pays de l’Est. Ce n’est pas par hasard donc que l’admission au Conseil de l’Europe est souvent appelée «retour en Europe». Il est important que les pays de l’Est soient stimulés à s’ouvrir davantage à l’autre partie de l’Europe, afin que personne n’ait le sentiment d’être isolé et que tous puissent participer au processus européen.

Le Conseil de l’Europe s’est trouvé à l’origine de l’idée d’une maison commune et d’une Europe unie autour des valeurs humaines universelles, idée à laquelle on a donné, après 1989, un nouveau souffle. C’est toujours lui qui est appelé à être flexible pour répondre aux impératifs de l’histoire en relevant les défis d’une Europe en mutation et, en particulier, pour faire face aux besoins d’une coopération plus intense avec les pays de l’Europe de l’Est. Il est important que les succès de chacun de ces pays soient une réussite de toute l’Europe et que tout succès obtenu par l’Europe permette d’assurer un niveau plus élevé de sécurité et de prospérité aux citoyens de chacun de ces pays. C’est ainsi qu’on pourrait créer une société européenne où règnent la paix et la stabilité, la solidarité humaine, la compréhension mutuelle et la coopération.

De nos jours, certains se demandent pourquoi on aurait besoin du Conseil de l’Europe. La qualité de membre à part entière du Conseil de l’Europe ne donne aucun profit d’ordre matériel, aucun avantage. En réalité ce n’est pas vrai: la coopération dans le cadre du Conseil de l’Europe est un véritable trésor spirituel et la République de Moldova voudrait que cette richesse ne cesse d’augmenter.

Par notre adhésion au Conseil de l’Europe, l’espace démocratique, où règnent la loi et les règles de l’économie de marché, s’est étendu. Ce n’est qu’un premier pas vers l’intégration graduelle de la République de Moldova à l’Europe, mais c’est sans doute un pas important, car il ouvre la perspective de l’extension vers nous de la zone de sécurité et de stabilité.

Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames, Messieurs, en conclusion, je voudrais assurer l’Assemblée parlementaire que la République de Moldova est un partenaire sûr car elle a la volonté ferme de s’intégrer aux structures et au mécanisme européen de coopération, de respecter de la façon la plus sérieuse les engagements assumés et de promouvoir les réformes démocratiques entamées. Nous participons activement aux travaux du Conseil de l’Europe, organisation nécessaire à tous les citoyens du vieux continent.

Je vous remercie de votre attention.

(Applaudissements)

LE PRÉSIDENT

Un nombre important de nos collègues souhaitent, Monsieur le Président, vous poser des questions; je leur demanderai d’être le plus bref possible et je vous demande également de répondre de façon succincte.

Si je suis très heureux de voir que beaucoup de parlementaires veulent vous poser des questions, je constate que cela perturbe l’emploi du temps. La parole est à M. Antretter.

M. ANTRETTER (Allemagne) (traduction)

Monsieur le Président, je vous remercie de votre remarquable allocution.

L’un des principaux critères qui avait présidé à l’admission de votre pays au Conseil de l’Europe était sa Constitution moderne, en tout point conforme aux normes de notre communauté de valeurs. On nous informe qu’à présent vous avez l’intention de la modifier en vue d’accorder plus de pouvoirs au président.

J’aimerais savoir si ces informations sont exactes et, dans l’affirmative, la raison des modifications envisagées. Je vous remercie.

M. Snegur, Président·e de la République de Moldova (interprétation)

précise qu’il ne s’agit là que du programme d’un nouveau parti, le Parti de la réconciliation. Pour ce qui est des modifications constitutionnelles réellement prévues, il est vrai que le Président de la République est à l’origine d’une initiative concernant le nom scientifique de la langue nationale, qui est la langue roumaine. Le parlement s’apprête à étudier la question, mais tout cela sera sans incidence sur la démocratisation.

M. SOLE TURA (Espagne) (interprétation)

rappelle que M. Snegur a publiquement jugé positifs les changements constitutionnels introduits par le Président du Kazakhstan. Pense-t-il réaliser des réformes en ce sens?

M. Snegur, Président·e de la République de Moldova (interprétation)

précise qu’il s’agissait d’une réponse à une question d’un journaliste lors d’une récente conférence de presse. Le Président du Kazakhstan, il l’a affirmé alors, avance sur une voie approuvée par son peuple. La République de Moldova, quant à elle, avance sur sa propre voie, celle de la démocratisation.

M. PAUNESCU (Roumanie) (traduction)

Monsieur le Président, j’aimerais, si possible, poser ma question en roumain.

LE PRÉSIDENT

Tout est possible dans ce monde, mais ce serait un dialogue direct avec le Président de la République de Moldova. Je vous suggère de l’instaurer à la réception de demain soir. Cet après-midi, il serait plus judicieux de tous nous faire profiter de votre intervention dans une langue de travail de l’Assemblée.

M. PAUNESCU (Roumanie) (traduction)

Monsieur le Président, je salue le courage dont vous avez fait preuve cette année en invitant le parlement à apporter à la Constitution les modifications qui s’imposaient pour que soit reconnue l’identité roumaine de la langue et de la culture au-delà du Prut. On considère en général que l’identité nationale englobe également la culture; j’aimerais savoir quelles mesures concrètes vous envisagez de prendre pour éviter l’aliénation de l’identité roumaine de la langue et de la culture de la Moldova, sachant qu’elle n’est pas reconnue par les autorités de Chisinau.

M. Snegur, Président·e de la République de Moldova (interprétation)

répond qu’il a pris cette initiative parce qu’elle correspond à la vérité scientifique. Il est anormal que certaines autorités et une partie de l’intelligentsia ne reconnaissent pas un fait établi. Il se déclare prêt à collaborer avec les députés pour leur faire admettre que la langue de la République de Moldova est le roumain.

M. MUEHLEMANN (Suisse) (traduction)

Monsieur le Président, au cours de la visite que j’ai effectuée dans votre pays l’année dernière, vous exprimiez l’espoir que les parlementaires de la république de Transnistrie réintégreront bientôt le Parlement moldove. A ce propos, j’aimerais vous demander où en sont actuellement les relations entre Chisinau et Tiraspol sur le plan politique.

M. Snegur, Président·e de la République de Moldova (interprétation)

considère que, même si le parlement de Tiraspol a été renouvelé, la question de son retour demeure à l’ordre du jour. Il regrette toujours la situation actuelle, d’autant plus qu’il a été entendu qu’il fallait trouver une solution pacifique aux problèmes qui ont provoqué le conflit armé de l’été 1992. Un accord a déjà été passé pour la reconstruction des ponts sur le Dniestr. Mais il faut compter avec l’influence de forces extérieures, en clair la Douma russe, qui apportent leur appui à Tiraspol. Pour sa part, la République moldove ne répondra pas aux provocations militaires et fera preuve de la plus grande patience, même si l’autre partie n’est pas encore prête au dialogue.

Il faut bien reconnaître que le calme règne sur la rive droite du territoire de la République de Moldova tandis que les réformes se font attendre sur la rive gauche et que la population rencontre davantage de difficultés. Cependant, il existe déjà des facteurs de rapprochement et de consolidation, telle la monnaie moldove qui a également cours sur la rive gauche du Dniestr.

M. GRICIUS (Lituanie) (traduction)

Comme vous le disiez dans votre allocution, la question du retrait de la 14e armée russe de Transnistrie a engendré certaines tensions entre la Moldova et la Russie. J’aimerais savoir si vos relations avec ce pays ainsi que votre statut dans la Communauté d’Etats indépendants s’en trouvent affectés.

M. Snegur, Président·e de la République de Moldova (interprétation)

rappelle que la République moldove est membre de l’union économique constituée par la CEI et que le retrait des forces armées russes de Transnistrie pose de délicats problèmes, car l’accord du 21 octobre n’a toujours pas été ratifié par la Russie. Le retrait des forces armées, qui suppose aussi l’évacuation des importantes quantités d’armes accumulées sur la rive gauche du Dniestr, n’a pas encore commencé alors qu’il doit s’étaler sur trois ans. Malgré certains changements au sein de l’état-major des forces russes et l’esquisse d’un mouvement, les résultats sont encore insuffisants et la République de Moldova, toujours ouverte au dialogue, compte sur l’appui des organisations internationales, en particulier de l’OSCE, qui doit surveiller et contrôler ce retrait.

M. MARUFLU (Turquie) (traduction)

Monsieur le Président, la délégation turque aimerait vous exprimer toute sa sympathie et vous remercier de votre remarquable discours. En tant que parlementaire d’un pays qui entretient depuis fort longtemps des relations avec la Moldova, je connais et je partage le sentiment d’inquiétude qui entoure les questions de sécurité et de stabilité dans les pays d’Europe centrale et orientale.

La Turquie attache la plus haute importance à la souveraineté, à l’indépendance et à l’intégrité territoriale de la Moldova et soutient pleinement ses efforts de réconciliation nationale.

J’aimerais que vous nous donniez quelques précisions sur la position de votre pays à l’égard de l’élargissement de l’OTAN; j’aimerais également connaître votre réaction face à la démarche de la Russie tendant à faire de la Transnistrie, située à plus de mille kilomètres de ses frontières, une base permanente pour la 14e armée, débaptisée «groupe d’intervention».

M. Snegur, Président·e de la République de Moldova (interprétation)

souligne que la Constitution de la République moldove ne permet pas l’appartenance à un bloc militaire. C’est pour cette raison que son pays est favorable à une solution comme le partenariat pour la paix. En ce qui concerne la sécurité dans la région, M. Snegur est d’avis que l’on ne peut pas écarter la Russie si l’on veut trouver une solution réaliste. Cependant, la Constitution moldove ne permet pas la présence militaire étrangère – comme la 14e armée – sur le territoire. C’est ce que le Président a répondu au chef de l’Etat russe lors de leur rencontre du 6 juin.

M. JESZENSZKY (Hongrie) (traduction)

Monsieur le Président, lors de notre dernière session j’ai eu l’honneur de faire partie des rapporteurs qui ont recommandé l’admission de votre pays au Conseil de l’Europe. L’Assemblée nous avait alors manifesté son entier soutien; la Moldova s’est attiré toutes les sympathies et nous sommes convaincus qu’elle est appelée à devenir le fleuron des pays pluriethniques et pluriculturels de l’Europe de l’Est.

J’ai appris récemment que vous aviez déposé devant le Parlement moldove un projet de loi sur la sécurité de l’Etat qui, selon les rapports en provenance de votre pays que j’ai eus entre les mains, devrait à l’avenir relever du seul Président de la République, sans intervention du parlement. J’aimerais connaître les raisons qui vous ont amené à élaborer un tel projet de loi.

M. Snegur, Président·e de la République de Moldova (interprétation)

se défend de vouloir accaparer le pouvoir et accroître ses prérogatives. Il ne s’agit que de mieux répartir les compétences entre le parlement qui légifère et l’exécutif qui gouverne. Il veut rassurer l’orateur sur la stabilité du régime moldove.

M. EÖRSI (Hongrie) (traduction)

Monsieur le Président, dans votre discours, vous avez plus particulièrement insisté sur les questions de politique étrangère. Les membres de l’Assemblée conviendront certainement avec moi qu’il est de la plus haute importance, pour un petit pays comme la Moldova, d’entretenir de bonnes relations avec tous ses voisins. Or, malgré vos efforts, la situation ne s’est guère améliorée avec la Roumanie, et nous déplorons qu’aucun accord bilatéral n’ait pu être signé. J’aimerais savoir quels sont exactement les obstacles que vous rencontrez en la matière et par quelles mesures ils pourraient être levés afin de permettre une réconciliation entre les deux pays.

M. Snegur, Président·e de la République de Moldova (interprétation)

considère qu’il n’y a pas d’obstacle à la conclusion d’un pareil accord entre son pays et la République roumaine, accord pour lequel existent déjà au contraire les bases d’une intégration économique et spirituelle. Une commission mixte au niveau du ministère des Affaires étrangères travaille à l’élaboration d’un traité, qui est en voie d’achèvement.

Sir Russell JOHNSTON (Royaume-Uni) (Traduction). – Le consensus a souvent cours dans cette aimable Assemblée, parfois un peu soporifique, où il est d’usage de poser des questions plutôt gentilles à nos honorables visiteurs. En tant que libéral, je vais peut-être briser cette image en faisant preuve de plus d’impertinence à l’égard du Président de la Moldova. Je me demande si Chisinau, capitale de la Moldova, ne serait pas bien inspirée d’élever des statues à la gloire de Molotov et de Ribbentrop car, n’était leur esprit retors, le pays aurait pu ne jamais voir le jour. Partant de cette question qui m’embarrasse – en toute bienveillance s’entend – j’aimerais savoir, Monsieur le Président, comment vous envisagez les relations futures de votre pays avec la Roumanie. Ou, pour formuler un peu plus crûment la question de M. Eörsi, comment justifiez-vous une existence séparée de la Roumanie?

M. Snegur, Président·e de la République de Moldova (interprétation)

pense avoir déjà répondu partiellement à cette question. Il ne possède pas l’expérience politique de certaines excellences qui siègent dans l’Assemblée, mais il est ici l’interprète de la position des autorités de la République de Moldova et pense l’être aussi de celle de la Roumanie en cette matière. Le point de départ est la réalité reconnue par le document d’Helsinki et à laquelle s’ajoutent les acquis obtenus par la République de Moldova depuis la proclamation d’indépendance. La Moldova avance à grands pas dans la communauté des pays européens.

LE PRÉSIDENT

Nous vous remercions, Monsieur le Président, des réponses que vous avez bien voulu apporter, dans le cadre de cet exercice, aux questions qui vous ont été posées.

Monsieur le Président, votre pays joue le rôle qu’il doit assumer dans le contexte international. Les questions qui vous ont été posées auraient pu l’être aux Belges, aux Suisses, aux Espagnols par rapport aux Portugais, voire aux Irlandais, bref à tous les pays frontaliers de la construction européenne.