Adolfo

Suárez

Président du gouvernement d'Espagne

Discours prononcé devant l'Assemblée

mercredi, 31 janvier 1979

Monsieur le Président, des sentiments très divers, tous profonds et vifs, se confondent dans l’émotion que je ressens au moment de prendre la parole devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.

En vous remerciant de l’honneur et de la satisfaction que j’éprouve à m’adresser à vous, je voudrais exalter le rôle éminent qu’a joué l’Assemblée dans l’entrée de l’Espagne au Conseil de l’Europe. Au nom de la gratitude, je tiens à rendre un hommage ému à votre prédécesseur M. Karl Czernetz, qui a tant contribué à la rencontre définitive de l’Espagne et des institutions européennes.

L’idée de l’Europe, Monsieur le Président, a souvent servi de référence dans l’histoire de l’Espagne. La nier était une marque d’incapacité et d’impuissance politique; l’affirmer, un trait d’imagination et de foi dans l’avenir. On croyait à l’Europe parce qu’elle incarnait le mieux les idéaux de démocratie et de liberté.

On pensait à l’Europe, en définitive, non comme à une aspiration abstraite, mais comme à un programme d’une urgence politique absolue.

Un grand écrivain espagnol – José Ortega y Gasset – a écrit que «l’Europe en tant que société existe avant les nations européennes». Et nous avons cru que l’Espagne ne serait pas une société complète et intégrée avant d’avoir affirmé son «européanité» avec la même force et la même insistance que nous avons mises à défendre l’idée que l’Europe ne serait pas totalement l’Europe tant qu’elle ne pourrait compter sur la présence d’une Espagne démocratique. Telle est l’idée qui a inspiré les paroles de Sa Majesté le roi dans le Message de la Couronne au peuple espagnol qui marque le début d’une nouvelle ère politique:

«L’idée de l’Europe serait incomplète sans une référence à la présence de l’homme espagnol et à l’action de nombre de mes prédécesseurs. L’Europe devra compter avec l’Espagne car nous, Espagnols, sommes européens. Que les deux parties l’entendent ainsi et que nous en tirions toutes les conséquences qui en découlent, c’est aujourd’hui une nécessité.»

Dans le débat qui s’est déroulé dans cette enceinte le 11 octobre 1977, les principales forces politiques espagnoles ont pris un engagement devant les peuples européens: continuer à œuvrer ensemble pour établir pleinement la démocratie dans notre pays. Vous leur avez fait confiance en adoptant la recommandation qui a ouvert à l’Espagne les portes du Conseil de l’Europe dans des délais et à des conditions sans précédents. Je tiens à vous remercier dans la mesure où ce fut là un acte de foi dans le peuple espagnol et ses légitimes représentants démocratiques.

Guère plus de deux ans se sont écoulés depuis que notre pays a entamé le processus de passage à la démocratie. Si deux ans ne comptent guère dans la vie des hommes, ils sont presque toujours imperceptibles dans l’histoire des peuples. Il est sans doute fréquent de se rappeler les périodes de guerre, mais il est peu d’exemples où deux années de changements pacifiques aient pris une signification aussi intense. L’originalité du cas espagnol réside peut-être dans le fait d’avoir su réaliser un changement si profond et si sincère dans un délai aussi bref.

La réforme politique a été entamée dans un contexte difficile de crise économique, de clandestinité des partis politiques, de grave souci des citoyens face au présent et à l’avenir de l’Espagne, de manifestations populaires contre les structures du pouvoir. La radicalisation des positions soulignait l’antagonisme quotidien entre continuité et rupture révolutionnaire. Le risque était énorme car l’une et l’autre attitude niait la possibilité d’arriver à une solution de synthèse qui nous amènerait à la réconciliation. Le grand mérite de la réforme politique a été de convaincre ceux qui s’obstinaient à maintenir des positions inconciliables qu’il leur fallait, pour répondre aux désirs du peuple espagnol, trouver une formule pacifique de concorde nationale.

Aussi la réforme politique intervenue en Espagne a-t-elle dû dépasser le schéma sociologique qui avait conduit à la guerre civile. Pendant des décennies, il s’était produit dans la société espagnole de profondes transformations que le système politique devait nécessairement assimiler. Il fallait avoir le courage de regarder la nouvelle société en face et d’en exposer publiquement et sincèrement les problèmes. Nous étions passés d’une société rurale à une société urbaine, d’une économie essentiellement agraire à une économie industrielle, d’un pays de classes antagonistes à une société de classes moyennes. Tel était le cadre où se trouvait lancé le grand défi du changement politique. Il nous fallait en mesurer convenablement les difficultés pour en imaginer correctement la solution.

C’est au milieu de toutes ces préoccupations qu’au mois de juillet 1976, j’accédais à la présidence du Gouvernement et que, d’emblée, j’exposais ce que serait mon programme d’action. En revoyant maintenant, deux ans et demi après, le programme de gouvernement publié le 16 juillet 1976, on s’aperçoit très bien, à mon avis, que la réforme politique intervenue en Espagne est dans la droite ligne d’une réflexion approfondie sur les problèmes de notre pays et d’une volonté déterminée de les affronter, pour dépasser ce que fut notre histoire récente.

Dans ce programme initial en effet, le Gouvernement exprimait son intention de s’attaquer vigoureusement au processus de transformation politique et exprimait clairement sa conviction que la souveraineté réside dans le peuple. Il s’engageait solennellement à instaurer un système politique démocratique fondé sur la garantie des droits et libertés du citoyen, sur l’acceptation d’un véritable pluralisme et sur l’égalité des chances politiques pour tous les groupes démocratiques. Tout cela, lit-on dans le programme, s’inscrivait dans le cadre d’une autorité légitime, soutenue par le peuple et respectueuse de la loi, comme il se doit dans tout Etat de droit.

Dans cette déclaration du mois de juillet 1976 se trouvent donc inscrits tous les objectifs du processus politique espagnol, objectifs explicitement et concrètement énoncés en ces termes:

Premièrement, soumettre à la décision de la nation les questions de réforme constitutionnelle;

Deuxièmement, procéder avant le 30 juin de l’année suivante à des élections générales;

Troisièmement, réformer la législation pour l’adapter aux réalités nationales en l’axant notamment sur la reconnaissance et l’exercice des libertés publiques;

Quatrièmement, légaliser les partis politiques;

Cinquièmement, faciliter l’autonomie des régions; et

Sixièmement, proposer au roi d’accorder une vaste amnistie aux auteurs de délits d’inspiration politique ou de délits d’opinion.

Cependant il fallait, pour y arriver, se faire une idée globale des différentes phases de la réforme, seul moyen de garantir que l’on parviendrait à l’objectif final. Nous savions que le processus politique de l’Espagne exigerait beaucoup de doigté, non seulement pour écarter des obstacles séculaires, mais aussi pour s’opposer aux éventuels extrémistes qui pourraient en empêcher la réalisation, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Aucune des résistances et des incompréhensions qui allaient surgir ne pouvait nous prendre au dépourvu ni affaiblir notre foi en la démocratie. Mais il nous fallait garder la tête froide, sûrs que ce que nous faisions était bien ce que le peuple espagnol avait attendu des siècles durant.

Toute mutation politique comporte incertitudes et difficultés; et les transformations dont le peuple espagnol allait être le protagoniste, parce qu’elles étaient exceptionnelles, impliquaient des difficultés et des risques exceptionnels eux aussi. Réaliser une mutation authentique et profonde, en demeurant inébranlable dans ses exigences, sans déguiser ses intentions, sans se contenter d’un simple ravalement de façade et, en même temps, opérer cette transformation de manière progressive et pacifique, sans révolution ni choc insurmontable, dans le complet respect des lois, voilà qui était une entreprise difficile et devait donc être mûrement réfléchi.

Nous nous proposons en bref de gouverner par la réflexion, en tenant compte des grands intérêts de l’Etat, en cherchant toujours à collaborer loyalement avec les forces politiques et sociales qui, à ce moment-là et pour des raisons évidentes, n’étaient pas encore représentatives, mais qui n’en étaient pas moins réelles et à qui il fallait donner droit de cité.

Le Gouvernement affronta cette première phase du passage à la démocratie animé d’un double dessein: mettre en œuvre la réforme suivant le principe qu’aucun Espagnol, quelle que soit son origine, ne demeurera à l’écart de la construction de l’avenir démocratique du pays; et, simultanément, modifier les lois fondamentales en se servant des mécanismes qu’elles prévoyaient et en s’assurant de l’accord des institutions existantes.

La loi de réforme politique, approuvée le 6 décembre 1977 par référendum national, introduisit dans la législation espagnole une règle fondamentale qui institutionnalisait l’inviolabilité des droits et des libertés et prévoyait le mécanisme nécessaire pour organiser d’abord des élections générales, les premières depuis plus de quarante ans et, ensuite, élaborer la Constitution.

Pour que se réalisent pleinement toutes les potentialités de cette loi, il fallait définir quels seraient les interlocuteurs susceptibles de représenter les différentes options politiques de l’éventail des idées en Espagne. Or, plus de trois cents partis politiques aspiraient à structurer les secteurs d’opinion de la nouvelle démocratie. On institua pour eux un cadre légal et l’on convoqua des élections d’où serait issue la nouvelle légitimité politique.

Ces élections, vous le savez, eurent lieu le 15 juin 1977 et donnèrent naissance à un parlement bicaméral qui devait élaborer la nouvelle Constitution. Le Gouvernement se proposa alors – il en fit la promesse aux électeurs au cas où son offre rencontrerait un soutien populaire suffisant – de s’atteler à la tâche conformément aux lignes directrices suivantes:

Premièrement, s’efforcer de faire de la Constitution un texte valable pour tous les Espagnols et élaboré par toutes les forces politiques représentées au Parlement;

Deuxièmement, trouver des points d’accord avec les autres forces politiques pour orienter la solution des problèmes économiques et sociaux et gouverner par le dialogue, la transaction et la convention pendant toute la phase constituante.

En effet, négocier un pacte sur des conditions de coexistence est un signe de force et une garantie d’efficacité parce qu’en fin de compte la charpente sociale se consolide et se fortifie lorsqu’elle se construit par l’apport de tous, bien plus que lorsqu’une force politique majoritaire essaie d’imposer aux autres ses règles de vie sociale.

Je pense que les Espagnols ont fait preuve du tact politique nécessaire pour que ce cheminement se fasse par les voies du dialogue et du respect mutuel. Je pense aussi que nous avons fait de grands efforts pour que le flot de sentiments contenus pendant des années n’emporte pas, en les débordant, les digues de l’impatience. Nous avons progressé avec logique et par degrés et nous en recueillons les fruits aujourd’hui. Deux ans seulement après avoir entamé le processus par la loi de réforme politique, les premières élections générales ont eu lieu; la Constitution a été approuvée et, le 1er mars prochain, auront lieu des élections législatives dont sortira un gouvernement constitutionnel. Tout ceci, je le répète, n’est pas le fruit de la victoire de certains Espagnols sur leurs compatriotes mais celui du respect mutuel et du compromis mûrement réfléchi entre les différentes tendances politiques qui existent chez nous.

Je voudrais, depuis cette tribune, rendre hommage aux partis politiques espagnols et à ceux qui furent leurs représentants au Congrès et au Sénat pour avoir su, pleinement conscients de leurs responsabilités, faire face au moment historique qu’il nous était échu de vivre.

Cette politique de consensus répondait à une conjoncture exceptionnelle; aussi n’est-il plus possible ni nécessaire de la mener dans les mêmes termes, maintenant que la Constitution a normalisé les rouages de la vie politique espagnole. Il faut trouver maintenant une nouvelle manière de gouverner et chaque parti doit définir le modèle de société qu’il propose à ses électeurs. C’est précisément parce que cette clarification est nécessaire que j’ai décidé de proposer à Sa Majesté le roi de dissoudre les Cortes et de convoquer de nouvelles élections générales. Mais le fait que, dorénavant, le consensus ne régira plus notre vie politique ne nous dispense pas de reconnaître qu’il a été nécessaire et qu’il a porté ses fruits. L’un de ces fruits, et non le moindre, est cette habitude de dialogue et de modération qui s’est installée dans la vie politique espagnole et à laquelle nous ne voulons ni ne devons renoncer.

C’est en effet grâce à l’esprit de concorde que, dans des conditions peu favorables vu la situation économique et les problèmes sociaux qui en sont la conséquence, on a pu trouver des formules de compromis qui ont permis d’élaborer la Constitution, de négocier un pacte social susceptible de nous faire affronter la crise – le Pacte dit de la Moncloa – de définir sur quelles bases on pourrait instituer un cadre de départ pour les autonomies régionales et enfin d’adapter les droits et libertés publiques au nouveau régime démocratique. Dorénavant, un gouvernement s’inspirant d’un programme de parti doit permettre d’asseoir solidement le modèle de société occidental.

Monsieur le Président, le processus politique qu’a suivi le peuple espagnol est le fruit d’une longue expérience. C’est la leçon que nous a enseignée une histoire fertile en tentatives menées pour organiser la liberté et suivies d’échecs répétés. Il peut sembler tragique, et cela l’est effectivement pour une grande part, que jusqu’en 1978 l’Espagne n’ait pas eu une Constitution acceptée sans réserves par les grandes forces politiques du pays. Mais dans la mesure où cette acceptation du texte constitutionnel interrompt une constante historique qui désagrégeait notre société, nous y voyons aussi un motif d’optimisme et une garantie de stabilité pour l’avenir.

Les Espagnols ont voulu montrer très clairement qu’établir un régime politique adapté aux véritables besoins de la société, authentiquement démocratique et ouvert à toutes les forces sociales, était une chose et d’accepter une quelconque hypothèse de revanche, de régression ou de réouverture de la dialectique de la guerre civile en était une autre. En cela je pense que nous avons eu raison de situer l’horizon de la démocratie dans la société nouvelle et non pas dans une argumentation stérile sur le passé.

Ce n’est peut-être pas à moi qu’il revient de souligner les difficultés que nous avons rencontrées mais j’aimerais vous montrer que, peut-être, le problème majeur consistait à séparer convenablement les différentes phases du processus de réforme et à ne pas faire entrer dans la construction de l’avenir la charge émotionnelle héritée du passé.

Régime politique, Etat et société ayant été des années durant les aspects d’un même bloc monolithique, ceux qui réclamaient un changement de régime politique devaient forcément confondre ces trois réalités. Voici quelles ont été les principales conséquences de cette confusion:

Premièrement., affaiblissement alarmant de la capacité d’autodéfense de l’Etat et de la société;

Deuxièmement, le radicalisme du débat politique et le recours à la revendication systématique qui sapait non seulement les fondements du régime politique mais démantelait aussi l’Etat et la société;

Troisièmement, l’impossibilité d’arriver à une confrontation entre les partis politiques au sein d’un régime de concurrence et de légitimité accepté par tous.

Tout ceci s’ajoutait au grave problème de devoir gouverner sans pouvoir se référer à une norme constitutionnelle ni à un cadre juridique adapté à l’ensemble des revendications non satisfaites. Il nous fallait donc, sans basculer dans le vide, réaliser la transformation de l’ancien édifice en continuant de l’occuper, en reconstruire les structures et en même temps expédier les affaires courantes et normales dans une société en évolution.

Telles étaient les données du problème avec lesquelles il nous a fallu compter, car nous étions convaincus qu’au fil des jours un savant dosage de prudence finirait par s’imposer et que réalisme et modération deviendraient très vite – comme ce fut le cas – la dominante du régime politique espagnol.

Les Espagnols recherchaient ainsi une solution pacifique, qui prendrait appui sur les institutions de l’Etat, que la Couronne favoriserait et qui n’exclurait aucun citoyen ni aucune force politique démocratique. Je crois que la monarchie, institution étrangère au conflit civil qui divisait les Espagnols et, comme telle, arbitre neutre parfaitement étranger à l’affrontement historique des forces politiques, a contribué de façon décisive au succès de l’opération.

En d’autres termes, je crois que c’est parce que l’Espagne est une monarchie qu’elle a pu réaliser ce genre d’opérations. Inversement, on ne saurait nier que le profond attachement du peuple espagnol à Leurs Majestés le roi et la reine et la sincérité avec laquelle l’opération a été menée à terme ont indiscutablement contribué à consolider l’institution monarchique.

Monsieur le Président, ce processus a été le fruit de l’effort de l’ensemble des Espagnols. Ce fut pour moi un honneur de le diriger et c’en est un que d’avoir aujourd’hui l’occasion de vous l’exposer. Mais il me faut redire que si l’Espagne a connu cette extraordinaire transformation, c’est grâce au pouvoir modérateur de la Couronne, instance suprême de l’unité de la nation et garante des droits fondamentaux de l’homme; c’est grâce à la maturité du peuple espagnol dont la pondération et le sens de l’équilibre se sont révélés fondamentaux au moment de reconquérir la souveraineté et d’agir comme source unique de la légitimité; et c’est enfin grâce à la responsabilité des partis politiques représentés au Parlement qui ont su, dans les moments les plus difficiles, s’unir pour se faire avant tout les serviteurs de l’intérêt national.

Monsieur le Président, la Constitution que vient d’approuver le peuple espagnol établit que l’ordre politique et la paix sociale ont pour fondements le respect de la dignité de l’homme et les droits inviolables qui lui sont inhérents.

Cette déclaration solennelle s’inspire d’une attitude bien précise de respect des droits de l’homme, tant en politique intérieure qu’en politique extérieure.

Nous entendons que ces postulats soient l’objet d’un respect universel parce qu’il ne saurait exister de véritable détente sans que soit garanti le respect des droits et des libertés de l’homme, fondement et ultime objectif de la paix. A cet égard, dans sa politique en matière de droits de l’homme, le Gouvernement espagnol s’est fixé une ligne de conduite inspirée des principes suivants:

– la violation persistante des droits fondamentaux de l’homme doit être condamnée, où qu’elle se produise;

– la suppression manifeste des droits fondamentaux de l’homme, où qu’elle se produise, constitue une menace pour la paix;

– les Etats ne sauraient échapper à leurs responsabilités internationales en alléguant qu’il s’agit d’une question relevant exclusivement de leur compétence nationale car la protection des droits de l’homme est une question qui transcende le plan interne et national pour s’inscrire dans un cadre international;

– en conséquence, le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures, consacré par l’Acte final d’Helsinki et scrupuleusement respecté par mon Gouvernement, ne saurait être invoqué pour empêcher la communauté internationale d’examiner les violations graves des droits fondamentaux de l’homme;

– nous estimons que pauvreté, famine et misère constituent, elles aussi, de graves atteintes aux droits de l’homme et nous croyons que la notion de droits de l’homme ne saurait conserver son sens traditionnellement restreint (droits civils et politiques) mais qu’elle doit atteindre à une dimension nouvelle pour englober le développement des droits économiques, sociaux et culturels;

– pour assurer la protection de ces droits, il faut à tout prix perfectionner les mécanismes institutionnels de garantie et de contrôle dont dispose la communauté internationale car la question des droits de l’homme ne saurait demeurer à la merci de critères sélectifs à caractère subjectif.

Fidèles à ces principes, nous avons, en avril 1977, signé et ratifié les Pactes internationaux conclus sous l’égide des Nations Unies, et relatifs l’un aux droits économiques, sociaux et culturels et l’autre aux droits civils et politiques; nous avons appuyé la création d’un Haut-Commissaire pour les droits de l’homme et demandé que, lorsque les circonstances l’exigent, les Nations Unies puissent constituer et envoyer des missions pour enquêter sur les éventuelles violations des droits de l’homme.

Dans le cadre du Conseil de l’Europe nous avons, ces derniers mois, signé la Charte sociale européenne et la Convention européenne relative au statut juridique du travailleur migrant, laquelle s’efforce de protéger les droits des hommes et des femmes qui, parce qu’ils travaillent hors de leur pays, ont précisément besoin d’une protection accrue. Enfin, nous avons signé la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales; le Gouvernement vient de décider de l’adresser aux Cortes pour ratification immédiate et reconnaissance de la compétence de la Cour européenne.

Dans ce domaine des droits de l’homme, je me dois d’exprimer le souci manifesté par mon Gouvernement à propos du terrorisme, forme la plus odieuse et la plus brutale d’atteinte au droit fondamental de l’homme à la sûreté et à la vie.

La satisfaction générale et l’espérance qui ont présidé à l’évolution vers des institutions libres et démocratiques – évolution dont le peuple espagnol fut le protagoniste – se voient assombries par la fréquence des actions terroristes qui accablent le citoyen et menacent de rompre la stabilité de la vie politique, si laborieusement conquise pourtant.

L’Espagne pense que pour lutter contre le terrorisme, il faut, à côté des mesures politiques, juridiques, sociales et policières que prend chaque pays, mettre au point une stratégie globale. Seule, cette stratégie permettra de mener l’indispensable action commune, diplomatique et internationale, sans laquelle les efforts individuels des Etats demeureraient stériles.

Comme le précise bien l’excellent rapport de M. Tabone soumis à la réflexion de l’Assemblée par la commission des questions politiques, la principale caractéristique du terrorisme aujourd’hui est qu’il joint au perfectionnement de son organisation l’appui de groupes internationaux, d’où la difficulté de le réprimer uniquement par l’action de l’Etat directement affecté.

Il existe déjà suffisamment d’exemples qui témoignent de l’authenticité historique de cette affirmation pour qu’il n’y ait plus de doute sur l’impérieuse nécessité de parvenir d’urgence à une coopération internationale à cet égard.

Outre les traités et conventions qu’a signés l’Espagne dans ce domaine, nous suivons avec un intérêt tout particulier les contacts et les réunions d’experts en la matière, et singulièrement le rapport présenté à cette Assemblée, les débats qu’il a suscités ainsi que les recommandations adoptées qui permettent d’espérer que tous les pays européens vont agir en commun.

Des institutions libres et démocratiques, ouvertes aux transformations qu’exigent l’évolution historique ou les nouvelles conceptions idéologiques ou philosophiques, ôtent toute justification aux actions terroristes.

L’institution d’un espace judiciaire européen et l’instauration, dans cet espace, d’une étroite coopération des polices, les réunions périodiques des ministres de l’Intérieur ainsi qu’une organisation internationale permanente de lutte contre les actions terroristes perpétrées par des groupes armés, sont des moyens indispensables pour extirper vite et bien ce mal dont nous souffrons, tous.

Mais qu’il soit bien clair au demeurant que l’Espagne n’hésite pas lorsqu’il s’agit de défendre son unité politique, le droit à la vie de ses ressortissants et la prééminence du droit. Il est clair aussi que si le terrorisme provoque souffrances et victimes, il ne remportera jamais de victoire politique. Donc, nous ne céderons pas et nous continuerons à défendre les institutions démocratiques avec toute l’énergie nécessaire et sans la moindre hésitation.

Monsieur le Président, je rappelais tout à l’heure, au début de mon discours, l’acte de foi de l’Europe vis-à-vis de l’Espagne qui a permis de faire entrer rapidement l’Espagne démocratique au Conseil de l’Europe. Or précisément, la foi et l’espérance ont été les moyens qui nous ont permis de supprimer les obstacles qui paraissaient infranchissables. Continuons à aller de l’avant et à nous mesurer avec encore plus d’espérance à des objectifs nouveaux car seule la conviction que nous sommes capables de réussir tout ce que nous nous proposons nous garantit que nous pourrons réaliser notre dessein.

Je sais bien qu’il est difficile de conserver si longtemps autant d’espoirs, au milieu de tant de difficultés. Mais si l’effort n’est pas constant, l’espoir ne deviendra jamais réalité.

L’histoire est toujours le fait de l’homme. Il n’existe pas de prémonition irréversible et l’on ne saurait admettre une conception mécanique de l’évolution des sociétés humaines. L’avenir se forge par l’effort des peuples, par le travail, les sacrifices et parfois même la souffrance des hommes. L’homme est et sera toujours le maître de son temps. Voilà pourquoi nous avons cru à l’efficacité du processus espagnol. Nous y avons cru parce que nous avions foi en nous-mêmes, parce que nous voulions construire nos lendemains dans l’espérance, et que nous étions disposés à surmonter les déceptions et à souffrir nombre de blessures et d’incompréhensions. Voilà pourquoi aussi nous avons foi en l’homme européen qui peut déverser toutes ses énergies dans l’immense réservoir de culture et de civilisation construit par nos peuples et alimenter ainsi le rêve d’une grande Europe.

Voici les grands axes de la politique européenne de l’Espagne, dans sa dimension multilatérale qui ne dédaigne pas pour autant les rapports bilatéraux:

Premièrement, le Conseil de l’Europe, organe de contrôle de la démocratie et foyer d’échange des idées politiques entre les pays qui partagent les mêmes idéaux et prétendent établir des règles d’action communes;

Deuxièmement, les Communautés européennes, en qui l’Espagne voit la pièce maîtresse du processus de l’unification de l’Europe;

Troisièmement, la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, qui aura lieu à Madrid en 1980 et dont nous saisissons l’importance.

Il faudrait, d’un point de vue commercial, ajouter à cela l’accord récemment signé avec les pays de l’AELE.

Du point de vue de la sécurité, l’Espagne participe à la défense de l’Occident par le traité d’amitié et de coopération signé en 1976 avec les Etats-Unis.

L’Espagne trahirait par ailleurs son essence historique si elle ne lançait pas un appel solennel à la reconnaissance par l’Europe du rôle de premier plan que doivent jouer aujourd’hui les peuples de la Méditerranée et du monde hispano-américain.

Nous voulons poursuivre une politique de fraternelle coopération et de respect mutuel avec ce monde auquel l’Espagne a été, durant des siècles, politiquement unie, auquel elle est liée aujourd’hui par l’esprit et la culture et sans lequel on ne pourrait comprendre ce qu’elle est. Nous croyons que c’est en se rapprochant des peuples hispano-américains que les Espagnols trouveront au sein de l’Europe à laquelle ils appartiennent, les racines de leur originalité.

D’autre part, l’Espagne ne conçoit pas l’Europe sans sa dimension méditerranéenne, sans le développement en Méditerranée d’une politique européenne fondée, à notre avis, sur la détente, la paix et la coopération entre les Etats riverains dans l’optique suivante:

– intensifier toute action favorisant les intérêts communs, particulièrement la lutte contre la pollution, les échanges humains, l’aménagement des ressources de la mer, etc.;

– intensifier la coopération de façon à réduire les déséquilibres entre les rives nord et sud, dans des domaines comme les matières premières, les produits industriels, le tourisme, les échanges commerciaux, etc.;

– créer un mécanisme complémentaire de sécurité des pays riverains.

Il y a des moments où il faut choisir et l’Espagne a choisi la solidarité européenne. Par notre entière participation aux diverses institutions européennes, non seulement nous partagerons cet effort de solidarité mais nous exigerons aussi de renforcer l’intégration pour que l’Europe ne soit plus la moyenne des compromis nationaux mais la résultante d’un effort et d’une réflexion menés en commun.

Je voudrais enfin en appeler à l’Europe des idées et des sentiments pour l’exhorter à empêcher que l’Europe des intérêts ne ronge ses possibilités et ne coupe les ailes de ses espérances.

Ce n’est que dans la mesure où nous pourrons créer un réseau cohérent d’idées, de sentiments et d’intérêts, qu’ils soient d’ordre économique, politique ou stratégique, que l’Espagne comprendra que sa foi en l’Europe répond bien à la vérité profonde de l’Europe.

L’Europe à laquelle nous croyons est l’Europe des libertés. Elle suppose un modèle de société que nous voulons libre et pluraliste et elle exige que ses divers Etats concertent bien leurs politiques. Car, si l’on estime l’Europe trop grande pour que ses éléments y vivent totalement unis, je pense néanmoins qu’elle est trop petite pour qu’ils y vivent complètement séparés.

(Vifs applaudissements)

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Monsieur le Président du Gouvernement d’Espagne, permettez-moi de vous exprimer la gratitude de l’Assemblée pour avoir bien voulu prendre la parole devant nous et nous informer ainsi de votre philosophie, la philosophie du peuple espagnol. Vous avez grandement raison de dire que l’Europe à laquelle vous croyez, l’Europe de la liberté, est celle qui se trouve représentée dans cette Assemblée.

Venons-en à présent aux questions parlementaires, qui font l’objet du document 4286. On a posé vingt-huit questions au Président du Gouvernement d’Espagne. Il doit nous quitter vers 18 heures. J’espère donc que toute question supplémentaire sera très courte, s’il faut la poser.

M. Suarez répondra à chaque question suivant l’ordre indiqué dans le document 4286.

Il y a d’abord la question n° 1 de M. Hofer. J’en donne lecture:

«M. Hofer

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne:

a. tout en étant conscient de la nécessité d’une coopération accrue dans la zone méditerranéenne, dans quelle mesure du point de vue espagnol, le Conseil de l’Europe en tant qu’organisme destiné à promouvoir une union plus étroite entre les pays européens pourrait intensifier son rôle à l’égard de ses Etats membres qui sont riverains de la Méditerranée;

b. dans quelle mesure l’Espagne attend de la part du Conseil de l’Europe une contribution à la préparation de la réunion sur les suites de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, qui se tiendra en automne 1980 à Madrid, et cela

– soit dans le cadre des activités du Comité des Ministres et de leurs Délégués,

– soit pour l’assistance technique qu’elle pourrait souhaiter dans sa tâche d’organisateur de cette réunion.»

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Monsieur le Président, je crois avoir répondu à la première question dans l’exposé que je viens de faire et qui avait trait aux positions de la politique extérieure espagnole en Méditerranée. Il me semble que M. Hofer m’interroge aussi sur le concours que peut prêter le Conseil de l’Europe à la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, qui aura lieu à Madrid en 1980. Je tiens à dire que l’Espagne est effectivement reconnaissante de la collaboration qu’on pourra lui apporter, tant au niveau du Comité des Ministres que des Délégués, notamment à propos des activités susceptibles de contribuer à la détente et dans tous les domaines où l’expérience du Conseil est résolument positive. Quant à la seconde partie de cette question, qui porte sur une éventuelle assistance technique, nous ne pensons pas que celle-ci soit nécessaire, mais l’Espagne se réserve naturellement la faculté d’y recourir au cas où elle le jugerait utile. Je vous remercie.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Nous en venons à la question n° 2 de M. Jager, dont voici le texte:

«M. Jager

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne:

a. quelle est son interprétation de l’avis de la Commission des Communautés européennes, en date du 29 novembre 1978, relatif à la demande d’adhésion de l’Espagne à la Communauté économique européenne;

b. quelle est en particulier son attitude pour ce qui concerne le démantèlement tarifaire, la concertation en matière agricole, la durée de la période de transition.»

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Monsieur le Président, je crois que la question n’a trait qu’au démantèlement tarifaire. Il me semble évident, Messieurs les Représentants, que la crise économique mondiale a suscité des réactions protectionnistes dans presque tous les pays du monde et aussi, je crois, dans certains pays communautaires. La politique du Gouvernement espagnol consiste à résister fermement à la tentation protectionniste et elle a donné des preuves de sa bonne volonté pendant toute l’année 1978, au cours de laquelle elle a abaissé ses tarifs de près de 20 %, elle l’a également prouvé dans la négociation avec les pays de l’AELE. L’Espagne n’hésitera pas, à l’avenir et au cours des négociations pour son entrée dans la Communauté, à consentir de nouveaux efforts qui favorisent le commerce hispano-communautaire.

M. JAGER (France)

Je remercie M. le Président du Gouvernement d’Espagne et je voudrais lui demander très brièvement s’il pourrait nous donner encore une indication sur la concertation en matière agricole qu’il entend mettre en œuvre et sur la durée de la période de transition probable qui sera nécessaire jusqu’à l’adhésion pleine et entière de son pays au Marché commun.

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Je répondrai d’abord à la question que vous me posez au sujet de la concertation en matière agricole. Le Gouvernement espagnol est fermement décidé à faciliter les contacts de toute sorte avec les pays intéressés pour établir une politique de concertation en la matière. En second lieu, je voudrais dire, au sujet de la durée de la période de transition, que l’Espagne accepte le délai de dix ans à compter de la signature du traité d’adhésion. Telle est la position du Gouvernement espagnol.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

La question n° 3 est posée par M. Aano, au nom de M. Lien. J’en donne lecture:

«M. Lien

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne si, compte tenu du fait que l’Espagne est le seul Etat membre du Conseil de l’Europe qui n’ait pas établi de relations diplomatiques avec Israël, le Gouvernement espagnol a l’intention d’établir de telles relations et, dans l’affirmative, quand.»

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

L’Espagne, évidemment, a toujours eu pour principe d’entretenir des relations avec tous les pays du monde. En ce qui concerne Israël, le Gouvernement espagnol a répété en de nombreuses occasions qu’il entendait établir ces relations quand le conflit du Proche-Orient connaîtrait un début de solution. Telle a été et est encore la position de notre Gouvernement, exprimée à maintes reprises et que j’ai l’honneur de confirmer devant vous.

M. AANO (Norvège) (traduction)

Je désire remercier le Président du Gouvernement d’Espagne de la réponse qu’il m’a donnée. Je voudrais simplement souligner un point. Israël jouissant du statut d’observateur auprès du Conseil de l’Europe depuis de longues années, j’espère que l’Espagne établira des relations diplomatiques avec ce pays sans délai excessif.

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Je l’espère aussi.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Nous en venons à la quatrième question, de M. José Manuel Correia, qui est ainsi rédigée:

«M. José Manuel Correia,

Considérant l’installation par les autorités espagnoles de centrales nucléaires près de la frontière portugaise, qui utilisent les eaux de fleuves internationaux luso-espagnols;

Considérant l’émotion que cette situation soulève dans l’opinion publique portugaise;

Considérant qu’un comité d’experts prépare, au sein du Conseil de l’Europe, un projet de convention sur la protection contre la pollution des cours d’eau internationaux,

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne si son pays est disposé à collaborer avec le Portugal pour la conclusion des travaux de préparation de cette convention ou, au cas où ces travaux exigeraient encore un temps considérable, s’il est prêt à envisager la conclusion d’un accord bilatéral avec le Portugal sur la protection des fleuves Minho, Douro, Tage et Guadiana contre toute sorte de pollution, y compris la pollution nucléaire.»

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne

Il me semble que la question posée par M. Correia a trait à la pollution éventuelle des fleuves qui prennent leur source en Espagne et se jettent au Portugal. Je voudrais rappeler que dans le cadre des excellentes relations que nous entretenons avec notre voisin fraternel, le Portugal, il existe des contacts au niveau des commissions intéressées qui étudient déjà cette question. Je crois bien que de tels contacts ont eu lieu le 15 et le 16 décembre et qu’il y en aura d’autres en février sous la présidence du sous-secrétaire d’Etat espagnol à l’Environnement; on y élaborera les accords qui seront soumis aux Gouvernements des deux pays. Mais je tiens à vous dire, si cela peut vous rassurer, que l’Espagne est toute disposée à établir avec le Portugal une collaboration de nature à dissiper les craintes que suscitent ces installations.

M. José Manuel CORREIA (Portugal)

Monsieur le Président du Gouvernement d’Espagne, je me félicite vivement de la philosophie qui inspire votre réponse, la même qui a inspiré ma question, à savoir que l’intégration de nos deux pays, dans une Europe démocratique, s’ouvre sur de nouvelles relations fraternelles et amicales. Je voudrais encore vous demander si dans cet esprit et tenant compte que je ne suis pas seulement ici un député portugais mais également un député d’une région d’un Etat voisin de l’Espagne, si le Gouvernement espagnol est disposé à considérer dans le futur que les régions frontalières de nos deux pays – dans plusieurs cas celles, les plus arriérées du Portugal comme de l’Espagne – pourront prévoir un champ de développement intégré et de coopération mutuelle entre nos deux pays.

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Je réponds avec grand plaisir à la question, dont je partage entièrement la philosophie. Je pense que les rapports entre l’Espagne et le Portugal, qui existaient, dirions-nous, dans les traités, mais non dans la réalité, et qui se fondaient depuis longtemps aussi sur des positions plus rhétoriques que réelles, trouvent depuis peu des formes concrètes de coopération et d’entente. A partir de cette coopération et de cette entente, je crois qu’il sera facile de planifier d’un commun accord le développement des régions frontalières hispano-portugaises.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

La cinquième question, celle de M. Bozzi, est rédigée comme suit:

«M. Bozzi

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne si, dans l’optique des intérêts généraux des peuples de la Méditerranée et des espoirs de paix entre tous les riverains, l’Espagne envisage de normaliser ses rapports diplomatiques avec tous les pays du bassin méditerranéen et notamment avec Israël.»

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Monsieur le Président, j’ai déjà répondu à une question semblable. Je répète avec grand plaisir que le Gouvernement espagnol attend l’occasion de normaliser ses relations avec Israël. Sa position, qui n’a jamais varié, est que, dès que les problèmes du Proche-Orient connaîtront un début de solution, l’Espagne prendra les dispositions voulues pour normaliser ses relations avec ce pays. Je tiens à ajouter que c’est également la position du parti que je préside.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

J’espère que M. Bozzi est satisfait de cette réponse très claire. Nous poursuivrons donc avec la question n° 6 de M. Valleix dont je donne lecture:

«M. Valleix,

Rappelant que la perspective d’élargissement des Communautés européennes suscite dans plusieurs pays de la CEE un débat sur la capacité de leurs économies à affronter la concurrence accrue de nombreux produits méditerranéens;

Considérant que, dans cette perspective, le problème de la phase transitoire d’une période généralement admise de dix ans, revêt une importance fondamentale, car de l’étalement dans le temps des concessions, tant douanières que non tarifaires, dépend en effet la réussite ou l’échec de l’élargissement,

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne:

a. s’il peut indiquer dans quelle perspective son Gouvernement envisage cette période transitoire, et en particulier s’il estime que la protection dont bénéficient actuellement les produits industriels espagnols – selon l’accord de 1970 modifié en 1978 – doive et puisse être maintenue tout au long de cette période;

b. plus généralement, de quelle manière il entend conduire l’évolution de l’économie espagnole afin d’éviter la montée de déséquilibres structurels dus à des différences trop grandes de développement de niveau des salaires et de protection sociale;

c. si son Gouvernement a réfléchi aux effets de l’éventuel élargissement quant au renforcement des institutions européennes, ou au contraire leur inflexion vers une zone de libre-échange.»

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Il me semble avoir déjà répondu à la question de la période transitoire. Je voudrais ajouter, à propos du démantèlement tarifaire auquel il est fait allusion, que l’Espagne ne maintiendra pas une protection complète pendant toute la période, c’est-à-dire que nous nous employons à ce que ce démantèlement intervienne de façon homogène dans tous les secteurs, sans exclure cependant l’éventualité de devoir, dans quelques cas rarissimes et avec modération, faire des exceptions à cette règle générale. La seconde partie de la question vise la croissance de l’économie espagnole. Il est évident qu’une fois terminée la période de transition, lorsque se produira l’adhésion de l’Espagne à la Communauté européenne, sa situation économique ne sera pas très différente de la moyenne des pays communautaires. Certes, nous connaissons à l’heure actuelle des taux d’inflation qui sont peut-être le double des taux d’inflation européens, mais il est également vrai que si les efforts préconisés pour l’année 1979 dans le projet de mesures économiques et le programme économique du Gouvernement et de presque tous les partis politiques produisent leurs effets, la réduction du taux d’inflation sera suffisante pour que l’Espagne soit sur ce plan l’égale des autres pays. En définitive, je pense que lorsque l’Espagne sera définitivement incorporée à la Communauté économique européenne, son économie sera au niveau des économies moyennes des pays déjà membres de la Communauté.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Je désire faire remarquer à M. le Président du Gouvernement d’Espagne que ces questions ont bien entendu été soumises par écrit avant que l’Assemblée ait pu prendre note de l’exposé si intéressant de M. le Président du Gouvernement d’Espagne; c’est pourquoi il a tout à fait raison lorsqu’il dit avoir déjà répondu à certaines questions. Cependant, quelques Représentants aimeraient aller un peu plus au fond des choses.

M. Valleix désire peut-être poser une question supplémentaire?...

M. VALLEIX (France)

Je tiens tout d’abord à dire à M. le Président du Gouvernement d’Espagne combien nous souhaitons bonne chance à la démocratie espagnole.

Dans la question que je me suis permis de lui poser, j’ai évoqué le point de savoir comment le Gouvernement espagnol entrevoit l’avenir à l’occasion d’un éventuel élargissement de la Communauté. Considère-t-il que cet élargissement est de nature à renforcer l’institution européenne ou au contraire qu’il comporte des risques contre lesquels il faudra tenter de lutter, notamment celui de voir cette institution évoluer vers une zone de libre-échange, avec les relâchements que cela comporterait?

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Monsieur Suarez, voulez-vous répondre à cette question supplémentaire de M. Valleix?

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Monsieur le Président, avec grand plaisir. Il est évident que je dois exposer clairement mon opinion. Si je croyais sincèrement que l’adhésion du Portugal, de la Grèce et de l’Espagne à l’Europe et à la Communauté économique européenne devait entraîner directement ou indirectement un affaiblissement des institutions communautaires, je vous assure que nous n’aurions pas demandé à y entrer. Donc, si ma réponse est conditionnée, elle est également sincère. Je suis absolument convaincu que l’entrée de trois nouveaux membres dans la Communauté la renforcera notablement. On admet des pays méditerranéens, des pays, si vous me permettez de le dire, très imaginatifs et très désireux de collaborer à la construction de l’Europe, et cela constitue à mes yeux la garantie que leur adhésion fortifiera vraiment la Communauté économique. Sinon, nous n’aurions pas demandé à y entrer.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Nous en venons maintenant à la question n° 7 de M. Pignion, qui est ainsi rédigée:

«M. Pignion,

Rappelant le vif intérêt de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe pour les relations entre pouvoir central et pouvoirs locaux, et pour le rôle de la décentralisation dans le renouveau de la vie démocratique en Europe;

Considérant l’intérêt tout particulier de l’expérience espagnole puisque plusieurs régions de ce pays ont bénéficié, au cours des quinze derniers mois, de statuts de pré-autonomie,

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne s’il peut tirer les premiers enseignements de cette expérience, et indiquer dans quelle mesure les nouvelles institutions mises en place ont affecté les relations avec le pouvoir central d’une part et la vie quotidienne des habitants de ces régions d’autre part.»

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Monsieur le Président, je pense que la question qui m’est posée est très complexe parce qu’elle se rapporte à l’Europe et à l’Espagne. Je ne me sens pas, Messieurs, suffisamment documenté pour pouvoir expliquer à quel point une politique de régionalisation en Europe peut être importante ou non. Ce que je peux indiquer, c’est la position de l’Etat espagnol à l’égard de la régionalisation. Il est certain que notre Constitution prévoit, dans le cadre de l’unité indissoluble de la nation espagnole, des systèmes d’autogouvernement pour toutes les régions du pays. Nous pensons que cela répond au désir de nombreuses régions espagnoles qui présentent entre elles des différences notables, mais aussi à la nécessité de structurer techniquement un Etat moderne. Je pense qu’il est extrêmement positif de rapprocher le plus possible des administrés, le pouvoir de décision, qu’il s’agisse de matières techniques, politiques ou administratives; je crois que la formule permet à la fois de résoudre plus rapidement les problèmes et de mieux associer l’administré aux choses qui le touchent directement et qui sont celles de la communauté dont il fait partie.

L’expérience espagnole en la matière est récente. Le passé ne nous offre pas de solutions qui aient eu un succès éclatant, mais le système de pré-autonomie institué dans notre pays a permis, en quelque sorte, d’essayer des possibilités qui se concrétiseront quand, à travers les statuts d’autonomie, on aura précisé dans le détail des fonctions de responsabilité dans les régions autonomes espagnoles. Il s’agit là d’un problème difficile, compliqué, mais nous pensons que toutes les forces politiques sont unies pour faire en sorte que ce projet soit vraiment viable, qu’il ne fausse ni la vie économique, ni la vie politique de la nation et qu’il ne mette pas en danger l’unité du pays, mais qu’il fasse des habitants de chacune des régions et des nationalités espagnoles, les artisans de leur destin.

M. PIGNION (France)

Je veux simplement dire à M. le Président du Gouvernement d’Espagne que sa réponse, pour imparfaite qu’elle soit, comme il l’a dit lui-même, témoigne de la puissance imaginative de cette jeune démocratie. Nous suivrons avec énormément d’intérêt, nous qui sommes les représentants de vieilles démocraties, l’évolution de ce problème de régionalisation et de pré-autonomie. Je le remercie très vivement pour sa réponse.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Nous en venons à la question n° 8 de M. Boucheny. Nous allons porter notre regard au-delà de l’Atlantique maintenant. La question est ainsi rédigée:

«M. Boucheny

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne si la présence de l’Espagne au sein du Conseil de l’Europe est de nature à renforcer les actions menées par certains parlementaires du Conseil en faveur du rétablissement des libertés en Amérique du Sud et de la libération des prisonniers politiques, au nombre desquels figurent des parlementaires, ainsi qu’en faveur de l’amnistie.»

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Monsieur le Président, je crois qu’il s’agit de savoir jusqu’à quel point la nouvelle Espagne démocratique peut, sur le continent hispano-américain, influer sur la mise en œuvre et l’exercice des libertés démocratiques. Je voudrais dire d’abord qu’il est très difficile à mon avis de transplanter dans un autre contexte international la formule appliquée à l’Espagne. J’aimerais pouvoir fièrement annoncer ici que les formules espagnoles sont parfaitement transposables à tout autre pays du monde désireux de passer d’un régime autoritaire à un régime démocratique. Mais, si je dois répondre avec sincérité et réalisme, je dirai que la transformation politique espagnole, comme j’ai eu l’honneur de l’expliquer devant vous il y a quelques instants, s’est faite dans un contexte politique, économique et sociologique propre à notre pays et qu’il est très difficile d’appliquer les mêmes mesures dans des contextes économiques, sociaux et culturels différents. Elle peut donc, dans une large mesure, servir dans tous les pays qui auraient le fervent désir de passer sur le plan politique d’un système autoritaire à un système démocratique. Ce qui, à mon avis, est utile, c’est uniquement le geste, l’affirmation qu’il est possible de le faire sans révolution préalable, qu’il est possible de le faire avec le minimum de frais sociaux, politiques et économiques, mais évidemment, la transposition est difficile. J’ai l’espoir, d’autre part, que tout le continent hispano-américain, auquel l’Espagne se sent profondément et intimement liée, fera des efforts notables pour que les pays qui y connaissent encore des systèmes politiques autoritaires, recouvrent la liberté. L’Espagne utilise depuis longtemps les moyens dont elle dispose pour œuvrer dans ce sens, avec les voyages de Leurs Majestés le roi et la reine en Amérique hispanique, ceux que j’ai moi-même effectués, avec ceux de tel ou tel membre du Gouvernement et avec ceux des leaders politiques des autres partis politiques espagnols. Je pense que cette collaboration permanente et assidue avec tous les pays ibéro-américains peut et doit, le moment venu, porter ses fruits.

M. BOUCHENY (France)

Monsieur le Président du Gouvernement d’Espagne, je vous remercie pour la façon complète dont vous avez répondu à ma question relative à votre déclaration sur les liens qui existent entre l’Espagne, la civilisation latine et l’autre côté de l’Atlantique.

Notre but, en posant cette question, était de vous demander si les parlementaires espagnols qui siègent dans notre Assemblée, qui connaissent bien les problèmes de l’Amérique du Sud et qui savent combien là-bas un certain nombre de peuples souffrent – des parlementaires sont en prison; récemment, au Nicaragua, avec des armes françaises, américaines, anglaises, ouest-allemandes, des citoyens ont été assassinés – aideront ceux qui dans notre Assemblée souhaitent que la question des droits de l’homme ne fasse pas l’objet d’une sélection, mais qu’elle touche l’ensemble de ceux qui souffrent et sont victimes de la politique de certains pays.

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

J’ai écouté avec grand plaisir l’intervention de M. le parlementaire, mais il me pose une question à laquelle il m’est très difficile de répondre. Je ne peux garantir que les parlementaires espagnols adopteront une conduite déterminée au sein de cette Assemblée, sauf peut-être dans une certaine mesure pour ceux qui appartiennent à mon parti politique. Ce dont je suis absolument certain, c’est que tous les parlementaires espagnols présents dans cet hémicycle défendent les droits de l’homme avec ferveur. Cela oui, je puis le garantir. Je peux aussi affirmer que la collaboration des parlementaires espagnols à la proclamation et à la défense des droits de l’homme intéressera tous les pays qu’a mentionnés M. le Représentant, car nous nous devons de le faire, et cette action ne se fera pas de façon sélective, mais sur tous les continents, quel que soit le lieu ou le pays. C’est tout.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

La question n° 9 est également de M. Boucheny. J’en donne lecture:

«M. Boucheny

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne ce que le Gouvernement espagnol compte faire pour créer en Méditerranée une zone de paix dénucléarisée et y promouvoir la coopération entre les pays riverains.»

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Parmi les différents aspects à travers lesquels j’ai essayé, dans une intervention antérieure, d’illustrer les grandes options du Gouvernement espagnol à propos de la Méditerranée, j’ai évidemment parlé de la création d’une force de sécurité des pays riverains et, s’agissant de la question qu’on me pose maintenant, je dois déclarer que nous, Gouvernement espagnol, sommes naturellement favorables à une réduction de tout le potentiel militaire qui existe en Méditerranée, tant en armes conventionnelles qu’en armes nucléaires. Si l’on avait la garantie absolue que les puissances nucléaires ne cherchent pas seulement la non-prolifération des armes atomiques, si l’on pouvait garantir que l’objectif final est la destruction de leurs propres armes atomiques, on pourrait alors parler en toute sécurité de la nécessité de créer une zone dénucléarisée. Je crois qu’il serait, qu’on veuille bien me le pardonner, assez naïf de ma part de croire qu’on puisse obtenir une zone dénucléarisée sur un espace déterminé de la terre quand on assiste de tous côtés à une course impressionnante à l’armement nucléaire. Voilà ce que je peux répondre à la question qu’on m’a posée. Je vous remercie.

M. LE PRÉSIDENT

M. Boucheny semble satisfait par votre réponse, Monsieur Suarez. Les questions nos 10, 11 et 12 sont celles de M. Carvalhas. J’en donne lecture dans l’ordre de leur numérotation:

«Question n° 10:

M. Carvalhas,

Rappelant que le traité d’amitié et de coopération entre le Portugal et l’Espagne a été salué et ratifié par les quatre groupes parlementaires de l’Assemblée de la République portugaise, qui estiment que ce traité est important pour le développement des relations de type nouveau entre le Portugal et l’Espagne,

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne quel est son avis à ce sujet et quelles sont, selon lui, les perspectives, dans la pratique, du développement de la coopération entre les deux pays.

Question n° 11:

M. Carvalhas,

Considérant que le plan énergétique espagnol prévoit d’ici à 1987 l’achèvement de la construction, déjà en cours, de sept centrales nucléaires, et celle de trois autres centrales sur un total de huit dont l’autorisation préliminaire de construction a déjà été délivrée,

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne si la centrale de Sayago fait partie des trois centrales dont la construction sera terminée en 1987.

Question n° 12:

M. Carvalhas

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne si les autorités espagnoles sont disposées à introduire la question de la défense de la qualité des eaux (problèmes de pollution thermique, chimique et radioactive) dans l’ordre du jour de la commission luso-espagnole de réglementation de l’utilisation et exploitation des tronçons internationaux des fleuves Minho, Loma, Tage, Guadiana et affluents.»

Souhaitez-vous, Monsieur le Président du Gouvernement d’Espagne, grouper vos réponses aux questions nos 10,11 et 12 de M. Carvalhas ou préférez-vous les traiter séparément?

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Si M. le Président le permet, j’aimerais répondre aux trois ensemble. A propos de la première, c’est-à-dire du traité d’amitié et de coopération que nous avons signé avec le Portugal et les. perspectives d’avenir, je crois y avoir dans une certaine mesure répondu dans la réponse que j’ai faite à son collègue portugais. Les espoirs du Gouvernement espagnol et je pense, j’en suis même sûr, du Gouvernement portugais, sont d’améliorer leurs relations et de les intensifier dans tous les domaines: technologique, culturel, économique et social. Cette volonté commune s’exprime à travers les commissions de travail prévues par le traité lui-même et je crois que les résultats seront spectaculaires. A propos des centrales, j’ai répondu aussi, me semble-t-il, qu’une réunion doit prochainement étudier le risque de pollution des fleuves qui se jettent au Portugal par les centrales nucléaires prévues en Espagne. Quant à la centrale de Sayago, je peux affirmer que sa construction n’est pas encore approuvée. Par conséquent, nombre des questions que vous me posez, restent encore à trancher; elles peuvent et doivent faire l’objet de conversations que les deux pays ont d’ailleurs engagées. Je ne sais s’il reste une question... Il me semble que j’ai répondu aux trois.

M. LE PRÉSIDENT

La question n° 13 de Lord Morris est ainsi rédigée:

«Lord Morris

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne:

a. où en sont les négociations entre le Gouvernement d’Espagne et le Gouvernement du Royaume-Uni sur les questions d’intérêt commun;

b. s’il estime qu’elles progressent de façon satisfaisante;

c. et s’il est satisfait de la coopération du Gouvernement du Royaume-Uni et des initiatives qu’il a prises au cours de ces négociations.»

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne

Les relations entre l’Espagne et la Grande-Bretagne sont évidemment amicales et cordiales et je pense sincèrement que la connaissance en profondeur des problèmes qui concernent les deux pays ne cesse de s’améliorer. Si l’on me demande personnellement, en tant que Président du Gouvernement, si je suis ou non satisfait du progrès de ces conversations, je dirai que je le suis; si l’on me demande si je suis très content de leur déroulement, je dirai que je ne suis pas encore très content. Il est évident qu’il existe dans les relations entre l’Angleterre et l’Espagne un point de friction qu’il est à peine utile de rappeler ici et qui est Gibraltar. Nous pensons que le problème de Gibraltar doit trouver une solution. C’est ce qu’ont ordonné les Nations Unies elles-mêmes et nous espérons que le Gouvernement britannique, dans le cadre des conversations préliminaires que nous avons actuellement, fera un effort pour affronter le problème avec réalisme. Nous pensons qu’il existe de vastes possibilités de solution, qui ménageront tous les intérêts légitimes en jeu, c’est-à-dire celui de l’Angleterre, celui de l’Espagne et celui des Gibraltariens, et tout particulièrement dans le cadre espagnol, où la Constitution prévoit des systèmes de communautés autonomes qui peuvent parfaitement sauvegarder les droits légitimes du peuple de Gibraltar.

Lord MORRIS (Royaume-Uni) (traduction)

Je veux seulement remercier le Président du Gouvernement de ses explications si complètes et le féliciter de cet exploit parlementaire qui, je me permets de le dire en toute sincérité, est particulièrement brillant. (Murmures)

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Nous en venons maintenant à la question n° 14 de M. Pires, qui est très voisine de la question n° 10 posée par M. Carvalhas. J’en donne lecture:

«M. Pires,

Rappelant que le Portugal et l’Espagne démocratiques ont déjà conclu un accord général de coopération et, plus tard, un accord commercial;

Rappelant que certaines personnes pensent, à ce propos, qu’on est allé trop loin, alors que d’autres, au contraire, pensent qu’on a été trop timide,

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne ce qu’il pense du développement de la coopération ibérique, notamment dans le cadre de l’approche européenne des deux pays.»

M. le Président du Gouvernement d’Espagne désire-t-il ajouter quelque chose?

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Certainement Monsieur le Président; je voudrais cependant, par courtoisie, dire quelques mots à M. Pires. Il est exact que j’ai déjà répondu aux questions qu’il formule mais, il fait, me semble-t-il, spécifiquement référence à la collaboration ibérique, notamment dans le cadre d’un rapprochement en direction de l’Europe. Je pense que l’Espagne et le Portugal ont non seulement 800 kilomètres de frontière commune, mais aussi le désir de conserver leur indépendance et leur souveraineté, ainsi que quantité de problèmes et d’intérêts communs. Logiquement nous pouvons et devons les affronter dans un esprit de coopération et de complémentarité et dans le respect absolu de la souveraineté de chacun des pays. L’un de ces problèmes est notre intégration à l’Europe. Les Portugais savent certainement à quel point l’Espagne contribue à leur propre objectif; c’est un objectif commun, nous constituons deux pays qui, outre qu’ils sont appelés à s’entendre, seraient condamnés, même s’ils n’étaient pas intelligents, à le faire par la force des choses.

M. PIRES (Portugal)

Je vous remercie, Monsieur le Président du Gouvernement, de répondre à la troisième édition de la même question. J’ajoute cette brève question; pensez-vous que le fait que le Portugal appartienne à l’OTAN et que l’Espagne n’en soit pas membre soit un problème pour la sécurité et la coopération dans la péninsule ibérique?

Croyez-vous que le Portugal ait une perspective plus atlantique et que l’Espagne ait une perspective plus méditerranéenne des problèmes de la péninsule et que cela puisse poser un problème pour la coopération et la sécurité dans la péninsule ibérique?

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Je répondrai, avec une rapidité télégraphique, qu’elles ne sont pas un obstacle.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

En raison du peu de temps dont nous disposons, j’espère que M. Pires est satisfait de cette réponse et que nous pouvons maintenant passer à la question n° 15 de M. Mangelschots, qui est ainsi rédigée:

«M. Mangelschots,

Rappelant que, pour le moment, quatre acteurs du groupe Els Joglars sont encore prisonniers et trois acteurs sont en exil, simplement par le fait que ce groupe de mime a, dans une pièce La Torna, parodié des militaires,

Demande au Président du Gouvernement d'Espagne s’il n’estime pas – attachant une grande importance au respect des droits de l’homme – que le moment est venu de mettre en liberté ces prisonniers et permettre aux exilés de retourner dans leur patrie.»

La question n° 16 est également posée par M. Mangelschots. J’en donne lecture:

«M. Mangelschots,

Estimant que la visite du Président du Gouvernement d’Espagne au Conseil de l’Europe pourrait fournir l’occasion à des parlementaires européens d’exprimer leur attente que l’Espagne normalise ses relations avec Israël et se conforme ainsi à la position des pays membres de la CEE;

Soulignant l’anomalie qui existe entre la politique déclarée de l’Espagne, visant à l’universalité de ses relations avec les nations du monde, et l’absence de relations avec Israël dont les parlementaires siègent en tant qu’observateurs à l’Assemblée du Conseil de l’Europe depuis vingt-cinq ans,

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne s’il veut prendre position sur cette question.»

M. le Président du Gouvernement veut-il bien répondre à la question n° 15?

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Si la question porte sur la situation de personnes poursuivies en Espagne à la suite d’une représentation théâtrale, je pense qu’il s’agit du groupe «Els Joglars». Je voudrais vous dire que, dans presque tous les pays, il existe des règles qui sanctionnent les attitudes qui attentent à l’honneur et à la dignité des personnes ou des institutions. Je voudrais ajouter que cela arrive évidemment aussi en Espagne, avec peut-être des particularités qui tiennent à ce qu’on n’a pas encore complètement transformé tous les textes juridiques que suppose l’existence d’une Constitution pleinement démocratique. Il me semble que tout le monde sait aussi que ceux qui étaient détenus, dans ce cas concret, ont été remis en liberté et que les députés espagnols ont été saisis d’un projet de modification du code de justice militaire qui sera examiné par la prochaine législature. Le projet prévoit que l’examen de ces cas, dans l’hypothèse où il s’agirait d’attitudes délictueuses indiquées et envisagées dans la législation commune, relèvera de la juridiction ordinaire. Telle est la réponse que je peux donner à la question que l’on m’a posée. Je vous remercie.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

M. Mangelschots a-t-il une question supplémentaire à poser?... Non?... M. Mangelschots n’a pas d’autre question à poser; il est satisfait de votre réponse, Monsieur le Président du Gouvernement et il reconnaît également avoir reçu une réponse à la question n° 16.

En conséquence, nous en venons à la question n° 17 de M. Coutsocheras, qui est ainsi rédigée:

«M. Coutsocheras

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne s’il n’estime pas opportune l’institution en Espagne d’une distinction honorifique internationale à la mémoire de Federico Garcia Lorca qui serait décernée chaque année à un poète dont l’œuvre traduit le même esprit que celui de Lorca et sa lutte pour les droits de l’homme.»

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Je pense, Monsieur le parlementaire, Mesdames et Messieurs, que le grand mérite de l’œuvre de Garcia Lorca tient au fait qu’elle est le patrimoine de toute la collectivité espagnole. Je pense aussi qu’elle appartient au patrimoine de l’humanité tout entière parce qu’elle transcende les frontières. Je crois que c’est là que réside l’importance fondamentale de l’œuvre de Garcia Lorca. L’institution d’un prix littéraire me semble absolument sans importance pour sa personnalité et son œuvre. Je crois d’ailleurs qu’il existe un prix littéraire à Grenade – que les parlementaires espagnols me corrigent si je me trompe – il existe un prix qui porte le nom de Federico Garcia Lorca et qui est décerné – me semble-t-il – par l’Université de Grenade: un prix de poésie. Quant aux chances de voir instituer un prix au sens où l’entend le député grec, je voudrais dire que cette responsabilité incombe, en définitive, aux organismes culturels espagnols. Je pense que la culture ne saurait être dirigée par l’Etat, la seule chose que celui-ci puisse faire étant de lui donner une impulsion, car la culture a sa vie propre et doit suivre ses propres voies.

M. COUTSOCHERAS (Grèce)

Je vous remercie, Monsieur le Président du Gouvernement, pour votre réponse.

Comme vous le savez, Federico Garcia Lorca, hormis sa qualité de grand poète, s’est battu et a offert sa vie pour les droits de l’homme. En honorant sa mémoire de poète et de héros, nous rappelons aux institutions et aux citoyens le devoir de lutter pour ce Prométhée enchaîné à Chypre et ailleurs. C’est pourquoi je vous ai soumis cette idée.

Ma question supplémentaire est la suivante: qui se réfère à la décision de la sous-commission de l’Union interparlementaire réunie à Athènes, qui a proclamé la Méditerranée «mer de la civilisation»? C’est une façon d’attirer l’attention de nos pays pour la sauvegarde de cette mer qui souffre de la pollution et du pillage aquatique des objets de l’Antiquité et de l’art. Etes-vous d’accord, Monsieur le Président du Gouvernement, sur la décision d’appeler la Méditerranée «mer de la civilisation»?

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Monsieur le Représentant, je pense humblement qu’avant que l’Union interparlementaire dise que la Méditerranée était la «mer de la civilisation», les faits eux-mêmes en témoignaient; les faits et l’histoire. Alors, je crois qu’il est sans importance pour cette Assemblée que j’indique si je suis ou ne suis pas pour la Méditerranée «mer de la civilisation». Il est évident que je le suis, Monsieur le parlementaire.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

J’espérais que M. Coutsocheras poserait sa question sous forme de poème, car c’est un poète. (Sourires)

Nous en venons maintenant à la question n° 18, posée par M. Sénés, qui s’intéresse beaucoup au bordeaux et peut-être aussi au champagne et aux vins de la Loire. J’en donne lecture:

«M. Sénés,

Rappelant la position du parti socialiste de France quant à l’entrée de l’Espagne au sein de la CEE, qui présente pour notre économie française et en particulier pour la viticulture, les cultures fruitières et maraîchères méridionales des dangers fort préoccupants;

Rappelant que, dans de telles conditions, les socialistes français ne pourraient donner leur accord définitif que dans la mesure où l’Espagne s’appliquera à mettre en vigueur des dispositions légales, fiscales, sociales et économiques mettant les producteurs espagnols sur le même plan que les producteurs français;

Souhaitant rassurer les travailleurs du Midi de la France,

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne de faire savoir si son Gouvernement prépare cette harmonisation.»

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

C’est une préoccupation que nous, Espagnols, partageons. Je répondrai que l’entrée de l’Espagne dans les Communautés n’entraînera pas de préjudice pour les produits méditerranéens français. C’est notamment vrai pour les produits horticoles et pour le vin, et ce pour deux raisons à mon avis suffisamment importantes: d’une part parce que l’Espagne est disposée à prendre, pendant toute la période transitoire, toutes les dispositions voulues pour éviter une brusque distorsion des marchés, en contrepartie des mesures que la France adoptera de son côté; en second lieu parce que je crois que nos productions, celles-ci du moins, ne sont pas compétitives et ne peuvent pas s’accroître de façon notable parce que les terres où on les cultive ont presque toutes atteint leur maximum de productivité et, en troisième lieu, parce que, face à la préoccupation que l’on perçoit ou que l’on devine dans la question et qui porte sur les salaires et les prix de revient inférieurs en Espagne, je rappellerai que depuis quelques années, la hausse des rémunérations et des coûts de production ressemble assez à celle des autres pays européens. Mais je tiens à dire, parce que je sais que la France s’inquiète, que si nous nous préoccupons des produits espagnols, nous nous préoccupons aussi des produits français et que nous essaierons, par tous les moyens, de trouver des formules qui permettent de concilier les intérêts des deux parties.

M. SÉNÉS (France)

Monsieur le Président, je voudrais tout d’abord rétablir la vérité. Je ne suis ni bordelais, ni bourguignon, ni champenois, je suis originaire de la région méridionale où se trouve le vignoble le plus important du monde, vignoble de vin de consommation courante, auquel l’entrée de l’Espagne dans le Marché commun pose tout de même quelques problèmes, et des problèmes sérieux.

Je vous remercie, Monsieur le Président du Gouvernement d’Espagne, et je prends acte de votre réponse, mais celle-ci est pour moi incomplète. Il faut dire que je suis un parlementaire quelque peu technicien. Je me permets simplement d’insister sur la nécessité de certaines harmonisations, qui doivent être possibles, et je vous demande, Monsieur le Président du Gouvernement, d’essayer, de votre côté, dans le cadre du Gouvernement espagnol, de précipiter la réalisation de ces harmonisations, afin d’éviter les légitimes réactions des producteurs français qui, en définitive, défendent, dans notre région d’exploitation familiale, leur droit à la vie et pas autre chose. Je vous remercie, Monsieur le Président du Gouvernement.

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Le dernier appel de M. le Représentant me touche profondément. Naturellement, nous défendons tous les droits qui nous reviennent et nous devons faire un grand effort pour essayer de comprendre ceux des autres. Telle est l’explication que je donnais à la question posée par M. le Représentant. L’effort de l’Espagne sera d’essayer de comprendre parfaitement les problèmes que l’entrée de l’Espagne dans la Communauté pose à une région de la France comme à tout autre pays européen. Ce que je demande aussi, c’est que ces régions et ces pays comprennent les problèmes que l’entrée de l’Espagne comporte pour les Espagnols. Comme je suis absolument convaincu qu’il en sera ainsi, je crois que nous devons faire un effort suffisamment important, et l’Espagne y est disposée, pour vaincre les obstacles initiaux, les problèmes qui peuvent se présenter à court terme dans telle ou telle zone de production ou dans tel ou tel secteur industriel, parce que je crois qu’en définitive, et j’en appelle à vos connaissances techniques, l’entrée de l’Espagne sera bénéfique à toute la production agricole méridionale. J’en suis absolument convaincu mais naturellement, du côté espagnol, nous étudierons la possibilité, et nous ne ménagerons aucun effort pour y parvenir, de concilier les intérêts des agriculteurs français, des agriculteurs espagnols et des agriculteurs européens.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

La question n° 19, de M. Dejardin, est ainsi libellée:

«M. Dejardin,

Considérant que la presse espagnole a fait état, citant des sources gouvernementales, de complicités en Belgique avec l’ETA et a notamment dénoncé la présence d’armes automatiques de fabrication belge dans les mains des terroristes basques, ainsi que leur participation à des camps d’entraînement en Belgique, accusation qui est grave et serait gratuite si ces arguments ne sont pas étayés par d’autres précisions;

Estimant que le commerce des armes ne connaît pas de morale, seul le profit intéressant les marchands, même au prix du sang innocent, que n’importe qui peut acquérir n’importe quelle arme, même d’origine belge, bien que le Gouvernement belge n’accorde de licence d’exportation d’armes qu’à destination de gouvernements établis,

Demande au Président du Gouvernement d'Espagne s’il est disposé à:

a. soit infirmer solennellement ces accusations jugées infamantes par l’opinion publique belge, soit les confirmer par des précisions probantes, afin d’aider les parlementaires belges à réagir efficacement;

b. encourager une collaboration efficace entre les services de police d’Espagne compétents et la Sûreté de l’Etat de Belgique, dans la recherche des terroristes quels qu’ils soient et de leurs partisans éventuels en Belgique, répondant ainsi à la sinistre collaboration antérieure des divers services de police dans la recherche des opposants politiques au régime fasciste dont le peuple d’Espagne a souffert pendant quarante ans.»

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Pardon, Monsieur le Président, je ne me souviens plus très bien de la question. C’est ma faute évidemment. Il me semble qu’il y est dit que des media espagnols ont publié des informations selon lesquelles il existait un trafic d’armes entre la Belgique et l’ETA, l’organisation terroriste qui sévit en Espagne, ce qui est une accusation très grave. Il se peut en effet que ces informations aient paru dans des organes de presse espagnols comme elles ont paru dans des organes de la presse belge, mais cela ne signifie en aucune façon que le Gouvernement espagnol accepte qu’il en soit ainsi, ni surtout qu’il ait quelque chose à dire ou à reprocher en la matière aux autorités belges. Nous sommes convaincus que les autorités belges n’ont rien à voir dans cette affaire. Que M. le Représentant en soit certain. Nous n’avons pas le moindre doute sur le comportement du Gouvernement belge. Naturellement, si nous avions quelque doute, nous l’aurions manifesté sans ambiguïté, mais rien ne nous permet de penser que le Gouvernement belge prête son concours à cette fourniture d’armes. C’est tout.

M. DEJARDIN (Belgique)

Je me réjouis de la réponse que vient de faire publiquement M. le Président du Gouvernement d’Espagne car elle mettra sans doute fin à certaines rumeurs.

Dans une seconde partie de la question posée, je sollicitais son avis sur une collaboration efficace entre les services de la police espagnole et la sûreté belge dans la recherche des terroristes et de leurs partisans éventuels en Belgique, ce qui constituerait une réponse honorable à la sinistre collaboration antérieure entre les services de police qui ont pourchassé les opposants politiques au régime fasciste dont le peuple espagnol a souffert pendant quarante ans.

Au-delà de cette collaboration précise, je me permets d’espérer, Monsieur le Président du Gouvernement, que la volonté de collaboration que vous avez manifestée dans votre discours introductif sera de nature à régler enfin le problème de la présence en Espagne de criminels de guerre nazis, dont un criminel de guerre belge, qui profite encore, trente-trois ans après, des fruits de ses crimes.

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Il me semble que l’accusation que vient de porter M. le parlementaire est grave. L’affirmation selon laquelle il y aurait en Espagne un criminel qui continuerait à profiter de ses crimes, est grave. Je voudrais donc dire que s’il est réclamé par un tribunal et que l’on transmette cette demande, le Gouvernement espagnol la fera naturellement examiner par les autorités judiciaires pour qu’elles décident des suites à lui donner. En ce qui me concerne, c’est un sujet que je ne connais pas et qui m’a surpris dans votre intervention. Quant à la collaboration de la police espagnole et de la police belge dans la recherche des terroristes, je suppose que vous voulez parler des terroristes où qu’ils se trouvent, que ce soit en Belgique ou dans n’importe quel autre pays. J’en prends bonne note et je ferai volontiers mon possible pour que les responsables de la police espagnole puissent se mettre en liaison avec leur collègues belges et trouver une formule de coopération. C’est tout ce que je peux dire en réponse à la question que vous avez posée.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Je vous remercie, Monsieur le Président du Gouvernement. La question n° 20 a trait au chemin de fer transpyrénéen du Canfranc – sujet tout à fait différent. J’en donne lecture:

«M. Baeza Martos,

Se référant à la Recommandation 826, relative à l’évolution récente des grands axes de communication et de l’aménagement du territoire en Europe, adoptée par l’Assemblée en janvier 1978,

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne s’il peut informer l’Assemblée du stade auquel sont arrivées les négociations entre les autorités espagnoles et françaises pour la réouverture du chemin de fer transpyrénéen du Canfranc, projet sur lequel les régions espagnoles d’Aragon et de Valence fondent beaucoup d’espoir.»

Monsieur Suarez, voulez-vous répondre?

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Je répondrai à cette question, Monsieur le Président. Il me semble qu’elle a été posée par M. Baeza Martos. On sait qu’il y a eu récemment des réunions du Gouvernement espagnol et que la question a été longuement traitée dans des recommandations adressées au Gouvernement espagnol et au Gouvernement français. Le Gouvernement espagnol appuie les demandes de réouverture de ce tronçon ferroviaire; il attend les études pertinentes et les contacts avec les autorités françaises compétentes pour se prononcer sur sa viabilité. Mais je dirai dès maintenant qu’il est favorable à cette nouvelle voie de communication.

M. BAEZA MARTOS (Espagne) (traduction)

Je tiens à remercier M. le Président du Gouvernement de ses paroles, qui ne manquent pas de rassurer nombre de nos compatriotes d’Aragon et de Valence.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

M. Luptowits serait-il d’accord avec moi pour considérer que le Président du Gouvernement d’Espagne a déjà répondu à sa question n° 21? Sa question est ainsi rédigée:

«M. Luptowits,

Considérant le passé historique et les relations linguistiques, qui lient étroitement l’Espagne à l’Amérique latine,

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne quel rôle d’exemple peut, à son avis, jouer l’Espagne démocratique à l’égard de l’Amérique latine.»

Monsieur Luptowits, désirez-vous poser une question supplémentaire?

M. LUPTOWITS (Autriche) (traduction)

Monsieur le Président, je vous remercie; la réponse correspond à mon attente.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Je vous suis très reconnaissant parce que nous pouvons ainsi passer à la question n° 22 qui a également été traitée par le Président du Gouvernement d’Espagne, à savoir la promotion et la consolidation de la stabilité dans la région méditerranéenne. Je lis cette question:

«M. Calamandrei

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne de quelle façon, à son avis, l’Espagne, particulièrement dans ses relations avec les blocs et les alliances existants, peut apporter une contribution en vue d’éviter des troubles dans les équilibres internationaux, et, au contraire, promouvoir et consolider la stabilité dans la région de la Méditerranée.»

M. Calamandrei désire-t-il poser une question supplémentaire?

M. CALAMANDREI (Italie) (traduction)

Monsieur le Président, si le Président du Gouvernement d’Espagne estime n’avoir rien à ajouter à ses observations précédentes sur la question de l’équilibre et de la stabilité en Méditerranée, je ne voudrais certes pas insister pour qu’il le fasse; c’est à lui de décider.

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Je crois avoir déjà dit dans une précédente intervention, Monsieur le Président, ce que je pensais à ce sujet.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Nous en venons maintenant à la question n° 23 de M. Ahrens, dont je donne lecture:

«M. Ahrens,

Constatant que la Constitution espagnole, qui vient d’être approuvée à une très grande majorité par le peuple espagnol, est la Constitution la plus moderne des Etats membres du Conseil de l’Europe et qu’elle contient un chapitre spécial consacré à l’administration locale faisant ressortir le rôle particulier qui revient aux communes et provinces dans la construction démocratique de l’Etat espagnol,

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne:

a. pourquoi les élections communales n’ont pas été organisées immédiatement après la promulgation de la Constitution, mais seulement après l’organisation des élections parlementaires;

b. à quelle date les élections communales sont fixées et quand l’organisation communale instituée par l’ancien régime sera remplacée par une organisation communale issue des élections démocratiques.»

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

C’est là une question très intéressante qui dénote un grand intérêt pour les problèmes intérieurs de l’Espagne, à propos de sujets aussi concrets que les élections municipales. La loi sur le régime local espagnol actuellement en vigueur, loi votée par l’actuelle législature, c’est-à-dire la législature qui vient de se terminer par la convocation de nouvelles élections générales, a approuvé, en quelque sorte, toute la trame de la législation locale espagnole et précisé que les élections se feraient dans un délai déterminé à partir de l’entrée en vigueur de la Constitution. Je crois me rappeler que le délai était de quatre-vingt-dix jours et les élections auront certainement lieu dans ce délai, défini par la loi. En second lieu, la huitième disposition additionnelle de la Constitution espagnole donnait au Président du Gouvernement d’Espagne actuel la possibilité de choisir dans un délai déterminé, entre un vote d’investiture et des élections générales. En optant pour des élections générales, comme la Constitution stipulait que le délai entre la dissolution des Chambres et les élections générales ne devait pas dépasser soixante jours, il fallait que ces dernières aient lieu avant les municipales. Mais, indépendamment de cette subtilité dialectique fondée sur les textes législatifs, il y avait aussi la faculté offerte au Président du Gouvernement par la législation, celle de procéder aux élections municipales dans un délai qui ne doit pas être supérieur à celui fixé par la loi une fois la Constitution en vigueur ou de le faire dans le délai fixé par la Constitution elle-même. J’ai naturellement opté pour ce qui me convenait le mieux, ce qui je crois est élémentaire dans toute organisation politique démocratique, dans le cadre des pouvoirs qui étaient les miens. Quand va-t-on changer les anciennes structures municipales? Evidemment après les élections municipales. La conséquence logique du résultat des élections municipales, qui auront lieu en Espagne le 3 avril prochain, sera naturellement un bouleversement dans la composition des conseils municipaux et des assemblées provinciales.

M. AHRENS (République Fédérale d’Allemagne) (traduction)

Monsieur le Président du Gouvernement, je voudrais vous remercier très sincèrement de votre réponse extrêmement franche. Cette question témoigne cependant aussi de l’intérêt que les membres de cette Assemblée portent à l’évolution de la situation en Espagne, ce qui devrait aussi être un motif de satisfaction pour vous.

Je voudrais encore poser rapidement une question complémentaire. Vous savez certainement que de nombreux jumelages ont été conclus entre des villes et communes des Etats membres du Conseil de l’Europe. Ces jumelages ont essentiellement pour but de rapprocher les citoyens – surtout les jeunes citoyens – de nos pays. Mes nombreux entretiens avec des autorités municipales, pas seulement en Allemagne mais aussi dans d’autres pays, m’ont appris que l’on souhaite entrer dès que possible en contact avec des villes espagnoles. D’où ma question: votre Gouvernement est-il prêt à favoriser cette prise de contact?

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Dans la mesure où le Gouvernement peut encourager les contacts, il est évident qu’il le fera; je voudrais simplement rappeler que la responsabilité de ces décisions incombe aux conseils municipaux et aux assemblées provinciales, mais je crois pouvoir affirmer que la volonté de tous les partis politiques, quel que soit le résultat électoral le 3 avril, sera de favoriser ces rencontres. Celles-ci sont positives pour les villes qui y participent, elles sont positives pour les pays où ces villes sont situées, et je crois qu’elles sont positives pour la collectivité tout entière. Dans la mesure donc où le Gouvernement pourra encourager ce genre d’initiatives dans le cadre de l’autonomie accordée aux conseils municipaux et aux assemblées provinciales, il le fera naturellement avec grand plaisir.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Nous en venons à la question n° 24 de M. Gessner, qui est ainsi rédigée:

«M. Gessner

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne si le renversement de la dictature en Espagne a entraîné des conséquences effectives en ce qui concerne le personnel de l’appareil policier.»

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

C’est une question complexe qui exigera peut-être une réponse un peu longue et je prie MM. les parlementaires de m’en excuser, parce que je voudrais expliquer que, s’il n’y a absolument pas en Espagne d’épuration politique, c’est en raison même de la philosophie de la réforme que j’ai eu l’honneur d’exposer devant vous il y a un instant. Nous avons cru que quelle que fût, je l’ai déjà dit, l’origine idéologique des Espagnols, aucun ne serait écarté par la future Constitution. Il fallait poser la réforme espagnole en faisant abstraction du passé et en regardant vers l’avenir. C’est la raison pour laquelle il n’y a pas eu d’épuration de fonctionnaires ou de policiers dans aucun corps de l’Etat. Je crois sincèrement que les forces de sécurité espagnoles ont fait un effort très louable pour s’intégrer à la nouvelle dimension de l’Etat espagnol, un Etat démocratique où leur principale fonction consiste à garantir le libre exercice des libertés civiques et, par conséquent, la sécurité des citoyens. Je crois qu’elles ont fait un effort méritoire. Parallèlement, le Gouvernement, à travers différents projets de loi soumis au Parlement et des mesures de moindre portée prises par les conseils des ministres successifs, a cherché à accroître le caractère professionnel de ces corps, leur insertion dans l’Etat démocratique et leur perfectionnement dans les méthodes de recherche, de détection, de prévention et de répression du crime face à une délinquance commune de plus en plus technique et à un terrorisme de plus en plus virulent. La réponse que je donne ici n’est peut-être pas exactement celle que souhaiterait le citoyen d’un pays quelconque ou la victime d’un acte délictueux, mais c’est celle qu’on peut donner au regard de la formation et du caractère professionnel de ces forces dont le niveau, je le répète, ne cesse de s’élever. Quant au fait que les mêmes personnes demeurent à leur tête, il me semble d’abord qu’au cours de l’année passée il y a eu de grands changements: on a mis à la retraite plus de la moitié des chefs et on a rajeuni tous les cadres supérieurs de la police, mais, en second lieu, si ceux qui conservent une responsabilité l’exercent dans l’esprit de notre Constitution et dans le respect absolu du processus démocratique et de leurs devoirs, il n’y a pas de raison de les démettre de leurs fonctions, parce qu’il faut être conséquent dans un processus politique comme celui qui collabore activement, quelle qu’ait été son attitude dans le passé, à la défense des institutions démocratiques, mérite le respect de tous les Espagnols.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Puis-je admettre que M. Gessner est satisfait, afin que l’on puisse encore répondre aux autres questions avant 18 heures?

M. GESSNER (République Fédérale d’Allemagne) (traduction)

Monsieur le Président, je tenais simplement à ce que M. le Président du Gouvernement sache que mes bons vœux l’accompagnent dans ses efforts. Je considère que pour la démocratisation de l’Espagne, il importe qu’outre un gouvernement démocratique, celle-ci soit aussi dotée d’un appareil d’Etat fidèle à la démocratie. Tel était le sens de ma question.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Nous en venons à la question n° 25 de Sir John Rodgers, qui est ainsi rédigée:

«Sir John Rodgers

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne si l’Espagne, qui ne fait actuellement partie d’aucune alliance militaire ou politique, souhaite, dans le contexte de ses efforts pour nouer des liens politiques et économiques plus étroits avec les autres Etats démocratiques européens, un resserrement de la coopération militaire avec ces Etats.»

Monsieur Suarez, voulez-vous répondre à cette question?

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

J’y répondrai avec grand plaisir, Monsieur le Président. Il s’agit de savoir si l’Espagne, qui n’appartient à aucune alliance, peut ou non intensifier sa coopération militaire avec les Etats d’Europe occidentale. Elle coopère sur le plan militaire avec des pays européens comme le Portugal et la France. Naturellement, elle peut accroître sa coopération militaire avec d’autres démocraties européennes et, comme je l’ai dit dans le discours que j’ai eu l’honneur de prononcer devant vous, elle coopère avec l’ensemble du monde occidental par le traité d’amitié et de coopération conclu en 1976 avec les Etats-Unis. Si la question vise ou sous-entend le thème de l’alliance atlantique, je l’aborderai également avec grand plaisir en exposant la position du Gouvernement espagnol et celle du parti que je préside. Le Gouvernement estime que l’entrée éventuelle de l’Espagne dans l’OTAN ne revêt pas un caractère d’urgence et exige de toute évidence un vaste débat au Parlement espagnol. Nous pensons que la décision doit être le fruit de la collaboration des forces politiques espagnoles les plus importantes, faute de quoi il ne saurait guère y avoir de résultat pratique. Mon Gouvernement et mon parti sont partisans de l’adhésion à l’alliance, tout en estimant que ce n’est ni une question urgente, ni une question que l’on puisse poser de façon péremptoire. Il faut en débattre au Parlement, il faut rechercher la collaboration des autres forces politiques et, le cas échéant et le moment venu, on étudiera les modalités de cette éventuelle adhésion. Mais, je le répète, l’Espagne participe actuellement à la défense du monde occidental par le traité d’amitié et de coopération avec les Etats-Unis.

Sir John RODGERS (Royaume-Uni) (traduction)

Je suis très reconnaissant à M. le Président du Gouvernement d’Espagne de sa réponse. Je reconnais avec lui qu’une adhésion éventuelle de l’Espagne à l’OTAN ne revêt actuellement aucun caractère d’urgence, mais étant donné, comme nous l’a dit M. le Président du Gouvernement d’Espagne, que l’Espagne a conclu un traité avec les Etats-Unis d’Amérique en 1976, j’espère que dans un avenir relativement proche, il pourra envisager des relations plus étroites avec les nations de l’OTAN.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Je propose que nous combinions la question n° 26 de M. Faulds et la question n° 27 de Mme von Bothmer car toutes deux ont trait aux bonnes relations avec le monde arabe et au nouveau dialogue euro-arabe. J’en donne lecture:

«Question n° 26:

M. Faulds

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne s’il ne serait pas temps que les nations européennes, dans leur propre intérêt et eu égard à la nécessité d’entretenir de bonnes relations avec le monde arabe, reconnaissent l’Organisation pour la libération de la Palestine, qui est considérée dans le monde entier comme la représentante du peuple palestinien dépossédé.

Question n° 27:

Mme von Bothmer

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne s’il est conscient du fait que les gouvernements arabes sont déçus par l’absence de progrès politique du dialogue euro-arabe et par l’absence de réactions de la part des gouvernements européens devant leur désir de coopération plus étroite dans les domaines qui nous occupent.»

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Pour ce qui est de la question de M. Faulds sur les relations de l’Espagne avec l’OLP, je dois déclarer que l’Espagne ne peut, juridiquement, avoir de relations diplomatiques qu’avec les Etats. Elle a néanmoins, tant en appuyant aux Nations Unies la reconnaissance de l’OLP comme représentant légitime du peuple palestinien, qu’en reconnaissant officiellement à Madrid le Bureau de l’Organisation de libération de la Palestine, manifesté clairement sa position en la matière et elle entretient d’ailleurs d’excellentes relations avec ce Bureau. Quant à l’intérêt qu’auraient les pays européens à des relations plus étroites avec le monde arabe, je ne suis évidemment pas le plus qualifié pour dire ce qu’ils doivent ou peuvent faire, mais je peux dire ce que fait l’Espagne, qui en a d’excellentes. Nous pensons que favoriser les relations de l’Europe avec le monde arabe est extrêmement positif et contribuera de façon notable à la détente et à la paix. Je serais heureux en tout cas que les pays européens entretiennent au nom de la raison d’Etat, comme le fait l’Espagne, des relations plus suivies et plus étroites avec le monde arabe.

M. FAULDS (Royaume-Uni) (traduction)

Je voudrais demander à M. le Président du Gouvernement d’Espagne s’il ne convient pas avec moi qu’il ne peut y avoir de perspective de paix au Moyen-Orient – ce qui intéresse sans aucun doute l’avenir de l’Europe, sans parler d’autres parties du monde – tant que les Palestiniens des territoires occupés et ceux de la diaspora (ceux qui ont été chassés de leur territoire et dispersés) n’auront pas obtenu, peut-être à la suite d’une pression internationale sur Israël, la création de leur propre Etat? En conséquence, M. le Président du Gouvernement d’Espagne envisage-t-il de retarder la reconnaissance de l’Etat d’Israël tant que ce dernier n’aura pas lui-même reconnu un Etat palestinien indépendant?

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Mme von Bothmer désire-t-elle poser une question supplémentaire, qui sera peut-être différente?

Mme von BOTHMER (République Fédérale d’Allemagne) (traduction)

Monsieur le Président du Gouvernement d’Espagne, j’ai déjà entendu une partie de la réponse. Je serais cependant heureuse de recevoir une réponse encore plus précise à la question tendant à savoir si vous considérez que le dialogue euroarabe constitue un bon moyen d’améliorer les relations entre l’Europe et les pays arabes, sur le plan non seulement économique, mais aussi politique.

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

C’est évidemment bien ainsi que je l’entends. J’estime qu’indépendamment des relations économiques ou industrielles qui pourraient exister et qui existent déjà avec les pays européens, ce serait, sur le plan politique, extrêmement propice à la détente et à des solutions pacifiques au Moyen-Orient. Je le crois fermement. Mais on me rappelle que je n’ai pas répondu à votre question et je vous prie de m’en excuser. Une constante de la position espagnole est que tout règlement passe nécessairement, entre autres considérations comme l’application de la Résolution 338 des Nations Unies et les résolutions connexes, par la reconnaissance des droits nationaux du peuple palestinien. La question que vous formulez coïncide exactement, si j’ai bien compris, avec la position du Gouvernement espagnol sur la nécessité de reconnaître les droits nationaux du peuple palestinien et de leur donner un Etat.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Nous en venons à la dernière question, la question n° 28 de M. Yanez-Barnuevo qui est ainsi rédigée:

«M. Yanez-Barnuevo,

Considérant que l’invitation opportune adressée à l’Espagne, en la personne du Président du Gouvernement, pour intervenir devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, a été formulée avant que ne soient annoncées les élections législatives en Espagne qui doivent avoir lieu le 1er mars prochain;

Étant donné que le Parlement espagnol précédent a été dissous le 29 décembre 1978,

Demande au Président du Gouvernement d’Espagne s’il n’estime pas que la prudence politique aurait dû l’amener à retarder sa visite au Conseil de l’Europe, afin de ne pas faire coïncider cet événement avec la campagne électorale espagnole qui, dans les faits, a déjà commencé.»

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Il est clair que je ne l’ai pas ajournée. Je voudrais dire à M. Yanez-Barnuevo que j’ai reçu, si je ne me trompe, l’invitation du Conseil de l’Europe le 27 septembre, que je l’ai immédiatement acceptée et qu’il s’est produit ensuite la dissolution des Chambres et la convocation des élections générales. Il est certain qu’on peut interpréter cette visite comme électoraliste, quoiqu’elle fût fixée bien avant la date des élections générales. Mais j’ai promis aussi, et je l’ai dit au peuple espagnol à la télévision, le jour de la dissolution des Chambres, que nous continuerions à gouverner jusqu’aux élections, et gouverner signifie aussi s’acquitter de tous ses engagements intérieurs et extérieurs. Il est possible que cette visite soit électoralement rentable pour Adolfo Suarez et le parti qu’il préside, mais il est vrai aussi que pour Adolfo Suarez et le parti qu’il préside, l’exercice quotidien du pouvoir comporte bien des éléments négatifs en période électorale et je pense que les deux choses se compensent, mais j’affirme en tout cas que je n’ai pas eu la moindre intention de tirer de cette visite un avantage électoral et j’affirme catégoriquement que je ne l’ai pas cherché. Mais, dans l’hypothèse où je l’aurais fait, je crois que ce n’aurait pas non plus été condamnable. Je crois que l’impolitesse de ne pas accepter l’invitation, au titre de la prudence politique, aurait été plus grave.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

M. Yanez-Barnuevo est-il satisfait ou voudrait-il poser une nouvelle question?

M. YANEZ-BARNUEVO (Espagne) (traduction)

Je suis évidemment satisfait de la réponse parce que je connais bien M. Suarez et je savais que sa réponse même serait aussi électoraliste, c’est-à-dire que, dans ce sens, je lui ai donné une occasion magnifique. En tout cas, je voulais surtout profiter de la première occasion offerte aux parlementaires espagnols de participer à un débat ouvert et public avec le Président du Gouvernement. Tant mieux si cela s’est fait à Strasbourg. J’espère qu’il en sera souvent ainsi aux Cortes espagnoles. Et en tant que représentant de l’opposition, pour qu’il voie qu’il n’y a en nous aucune intention électorale, je voudrais féliciter sincèrement M. Suarez pour son intervention, en particulier pour sa reconnaissance du rôle des partis politiques espagnols dans le processus de transition vers la démocratie. Je vous remercie.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Monsieur le Président du Gouvernement d’Espagne, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Suárez, Président du gouvernement d'Espagne (traduction)

Monsieur le Président, je ne crois pas qu’il soit opportun d’engager un débat avec mon cher ami et collègue, car il est mon collègue au Congrès, Luis Yanez-Barnuevo, mais je tiens à lui dire qu’il a eu d’autres occasions d’établir ce dialogue avec moi au Parlement espagnol, simplement par l’application du règlement. Le règlement des Cortes espagnoles et du Congrès des députés lui offrait à cet égard, s’il l’avait voulu, quantité de possibilités. Je suis intervenu au Parlement toutes les fois que je l’ai jugé opportun et il a eu, quant à lui, dans l’exercice de ses droits parlementaires, toutes les occasions prévues par le règlement. Quant à vos remerciements pour mes paroles précédentes, je tiens à vous dire, M. Yanez-Barnuevo, et vous le savez très bien, que ce n’était pas une phrase creuse, mais l’expression de la vérité: le comportement des partis politiques espagnols pendant cette période de transition a été exemplaire. Le reconnaître est le fait d’hommes bien nés et exprimer sa gratitude l’est aussi.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Monsieur le Président du Gouvernement, au cours de la période d’après-guerre, il fut un temps où personne n’aurait pu lancer une campagne électorale sans s’être montré auparavant sur le perron de la Maison Blanche avec le Président des Etats-Unis. Dans les années 60, il fallait avoir été vu au Kremlin pour avoir de bonnes chances de gagner la campagne. De nos jours, on ne vous prête aucune attention si vous n’avez pas été reçu par M. Deng, à Pékin; peut-être dans les années 80, connaîtrons-nous une nouvelle époque, où les campagnes électorales partiront de l’hémicycle du Conseil de l’Europe. Je dois admettre cependant, de manière très objective, que, dans cet hémicycle, les deux parties ont les mêmes chances.

Comme le savent les Représentants, M. Suarez est parmi nous, non seulement pour nous adresser un discours et répondre à des questions, mais aussi pour remettre le Prix du musée du Conseil de l’Europe, un peu plus tard dans la soirée. C’est pourquoi, il me faut être très bref en le remerciant car notre temps est limité. Je veux seulement dire que dans mon pays, le 5 décembre est la Saint-Nicolas. Saint-Nicolas peut être comparé à Santa Claus, mais avec cette différence qu’il nous vient d’Espagne et nous apporte des cadeaux. J’ai noté que M. le Président du Gouvernement avait répondu à toutes les questions avec le plus grand talent. C’est une chose de répondre à des questions mais tout à fait une autre d’y répondre de mémoire comme il l’a fait. Vous avez dit, Monsieur le Président du Gouvernement, que le Conseil était la pierre angulaire de la démocratie. Nous partageons tous les mêmes idéaux. Vous avez dit également que le noyau de la coopération européenne était la Communauté européenne et vous avez rappelé le désir de votre Gouvernement de devenir membre de cette Communauté. J’espère sincèrement que le Gouvernement espagnol continuera à s’intéresser d’une manière aussi active au Conseil de l’Europe une fois que l’Espagne sera devenue membre de la Communauté européenne. Pourquoi limiter la coopération européenne à neuf, dix, onze ou douze membres lorsque vingt et une démocraties européennes sont disposées à travailler ensemble dans des domaines tels que la coopération culturelle, la lutte contre le terrorisme et peut-être même à unir leurs efforts pour exporter la démocratie vers d’autres pays? J’espère aussi qu’à l’avenir, le Gouvernement espagnol prendra la même part active aux délibérations de notre Comité des Ministres et aux travaux du Conseil de l’Europe en prenant soigneusement note de toutes les décisions que cette Assemblée prend démocratiquement.

Je vous remercie, Monsieur le Président du Gouvernement d’Espagne, de votre excellent discours et de la façon dont vous avez répondu à des questions qui n’étaient pas toujours faciles. Encore une fois, merci. (Applaudissements)