Gaston

Thorn

Premier ministre du Luxembourg

Discours prononcé devant l'Assemblée

mercredi, 25 janvier 1978

Je vous remercie, Monsieur le Président, de vos aimables paroles de bienvenue. A mon tour, je tiens à rendre hommage à l’action que vous avez menée tant comme Président que comme membre de l’Assemblée dont vous avez été, pendant toutes ces années, une des figures les plus marquantes. Par votre action personnelle, vous avez grandement contribué à une meilleure, oserai-je dire, cohabitation au sein de notre Organisation, de cette Assemblée et du Comité des Ministres, cohabitation qui, nous le savons, n’est pas toujours facile entre deux organes dont l’optique et les moyens d’action ne sont pas forcément les mêmes.

Vous avez tout fait pour éviter les frictions inutiles et pour assurer une coopération fructueuse entre les volets parlementaire d’une part et intergouvernemental de l’autre de notre Organisation, en insistant moins sur ce qui peut nous diviser que sur ce que nous avons en commun, à savoir l’union plus étroite entre nos pays, sur la base des principes de la démocratie, de la prééminence du droit, des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Or, Monsieur le Président, nous tous connaissons et admirons la ferveur et la sincérité de votre engagement personnel pour ces idéaux, qui ont marqué toute votre vie et toute votre action, même dans les moments – je tiens à le souligner – sombres et difficiles que vous et votre pays avez connus. L’Europe a besoin d’hommes comme vous, Monsieur le Président, et je formule l’espoir qu’elle pourra pendant longtemps encore, même quand vous aurez quitté la présidence de cette Assemblée, bénéficier de votre engagement et de vos conseils de senior statesman.

Monsieur le Président, honorables membres de l’Assemblée, avant de vous présenter la communication du Comité des Ministres et de formuler quelques observations en ma qualité de ministre des Affaires étrangères du Grand-Duché de Luxembourg, je voudrais rendre un sincère hommage à la mémoire d’un homme dont la disparition a été durement ressentie par votre Assemblée, par le Comité des Ministres et par tous ceux qui sont et qui restent attachés à la cause de l’unité européenne. Je veux, bien sûr, parler du comte Sforza, Secrétaire Général adjoint du Conseil de l’Europe, qui nous a quittés il y a quelques semaines. Après avoir consacré – faut-il le souligner – la majeure partie de sa vie à cette noble cause, le comte Sforza a profondément marqué cette Organisation de l’empreinte de sa personnalité toute faite de culture, de sagesse, d’esprit de conciliation, de discrétion et cependant d’efficacité. Cette marque, je me plais à le penser, demeurera; un grand ouvrier de l’Europe est mort mais son œuvre, comme la nôtre, vivra.

Monsieur le Président, honorables membres de l’Assemblée, il n’est pas dans mes intentions de vous infliger une lecture, même partielle, de la communication écrite du Comité des ministres qui vous a été distribuée. Je me bornerai à relever quelques aspects saillants de l’activité que le Comité des Ministres a menée depuis que mon prédécesseur à la présidence, mon collègue et ami, M. Amaldo Forlani, vous a fait rapport en octobre dernier.

L’événement le plus important qui s’est produit depuis votre dernière partie de session est certainement un des faits les plus marquants dans l’histoire du Conseil de l’Europe de ces dernières années, je veux bien sûr parler de l’adhésion de l’Espagne à notre Organisation. A un moment où, sur le plan universel, le nombre d’Etats qui répondent aux critères que nous tous ici représentés considérons comme étant ceux de la démocratie ne cesse de diminuer, les frontières de l’Europe démocratique s’étendent et l’Organisation qui rassemble les pays de cette Europe s’élargit.

En 1974, la Grèce nous a rejoints après une douloureuse éclipse de la démocratie, dans ce même pays qui a donné au monde le terme même de démocratie. En 1976, le Portugal, libéré du joug d’une dictature de près d’un demi-siècle, a pris sa place dans notre famille des pays démocratiques européens. L’année dernière, enfin, l’Espagne, grâce à la sagesse de son peuple et aussi de ses leaders politiques, a à son tour réalisé ce que, il y a peu de temps encore, nous osions tous à peine espérer, à savoir une transition sans heurts majeurs dans la paix et la sérénité, de l’autoritarisme ou de la dictature à la démocratie.

Je sais qu’au cours de votre dernière partie de session vous avez eu un débat poignant avec les représentants des principales forces politiques de la nouvelle Espagne, qui n’étaient alors que des observateurs. Leur témoignage aura sans doute contribué d’une façon décisive à la rapidité avec laquelle votre haute Assemblée a recommandé au Comité des Ministres d’inviter l’Espagne à adhérer au Conseil de l’Europe. Cela fut fait lors de la session que le Comité des Ministres a tenue le 24 novembre dernier et à laquelle nous avons pu accueillir, pour la première fois, le ministre des Affaires étrangères de l’Espagne, mon collègue et ami M. Oreja.

A la présente partie de session, votre Assemblée voit à son tour siéger pour la première fois sur ses bancs comme membres à part entière des représentants librement élus du peuple espagnol. Je tiens, au nom de tous mes collègues, à saluer chaleureusement leur présence, en ma qualité de Président du Comité des Ministres et au nom du Gouvernement du Luxembourg. (Applaudissements)

La réunion du Comité des Ministres du 24 novembre, à laquelle je viens de me référer, a une fois de plus mis en relief l’importance que revêt, pour notre Europe démocratique et pour chacun des vingt gouvernements des Etats membres, ce Comité en tant que grand forum politique. Les différents aspects de la coopération entre les pays de l’Europe occidentale, la réunion de Belgrade et les travaux de l’Assemblée générale des Nations unies ont été au centre de nos discussions.

La participation du Président de la Commission des Communautés européennes, M. Roy Jenkins, à notre discussion sur les progrès de la coopération européenne a souligné la volonté de coopération et de synchronisation des activités entre le Conseil de l’Europe d’une part et les Communautés européennes d’autre part. Nous avons ainsi pu constater avec satisfaction qu’une collaboration de plus en plus efficace existe réellement entre les organisations européennes, ainsi qu’une plus grande solidarité entre les démocraties européennes dans leurs relations avec le reste du monde. Cette évolution encourageante répond à une préoccupation maintes fois et à juste titre exprimée par votre Assemblée.

Le Comité des Ministres s’est par ailleurs penché sur l’un des plus graves problèmes auxquels nos pays doivent faire face à l’heure actuelle et qui a souvent retenu notre attention, à savoir le problème du terrorisme et de la violence. Les ministres ont réaffirmé leur soutien à une coopération accrue entre les Etats membres dans ce domaine. Ils ont accueilli favorablement la proposition tendant à réaliser des mesures efficaces de prévention, de punition et de coercition qui soient compatibles, je tiens à le souligner, avec l’attachement de nos pays aux libertés fondamentales auxquelles nous sommes tous attachés.

Les questions relatives aux droits de l’homme ont pris une large place dans nos délibérations, ce qui n’est guère étonnant dans une organisation dont l’objectif le plus noble est la défense et la promotion de ces droits. Nous avons été saisis de propositions extrêmement intéressantes de mon collègue, le ministre des Affaires étrangères de Belgique, M. Henri Simonet, tendant à l’étude en commun des positions européennes relatives à la protection et à la promotion des droits de l’homme en tant qu’éléments des relations internationales et nous avons chargé les Délégués des Ministres d’examiner les suites à donner aux propositions belges. Le Comité des Ministres a également exprimé sa profonde inquiétude devant la pratique continue de la torture dans le monde et a décidé de contribuer à une campagne internationale par la préparation, dans le cadre de notre Organisation, de propositions visant à éliminer la torture de la réalité contemporaine.

Au cours de cette année, nous allons célébrer à la fois le trentième anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme et le vingt-cinquième anniversaire de l’entrée en vigueur de la Convention européenne des Droits de l’Homme qui est à ce jour, il faut le souligner, l’instrument le plus efficace qui ait été conclu sur le plan international dans le domaine de la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Malgré l’acquis dont notre Organisation et nos pays peuvent se prévaloir dans ce domaine et dont nous avons toutes les raisons d’être fiers, ce double anniversaire devrait cependant nous inciter à ne pas tomber dans l’autosatisfaction, mais à rechercher les moyens permettant le développement des droits et libertés fondamentaux de l’homme, non seulement dans le cadre de l’Europe occidentale, mais également dans un cadre bien plus vaste, européen d’abord, universel ensuite.

En ce qui concerne la réunion de Belgrade, le Comité des Ministres a insisté sur l’importance de maintenir l’impulsion donnée par l’Acte final d’Helsinki dans son ensemble; il a ainsi souligné l’utilité d’échanges de vues réguliers sur ce sujet au sein du Conseil de l’Europe. Ces échanges seront poursuivis au niveau des Délégués des Ministres, assistés d’experts.

Quant à la 32e Assemblée générale des Nations Unies, le Comité des Ministres a apprécié hautement la valeur des discussions préparatoires qui ont eu lieu entre les Délégués des Ministres et les experts compétents des administrations nationales. Nous avons chargé nos Délégués de poursuivre et de développer cette activité selon la même procédure. Le Comité des Ministres a exprimé par ailleurs sa détermination de promouvoir la coopération entre les pays démocratiques de l’Europe dans le cadre des Nations Unies, notamment en ce qui concerne les droits de l’homme et d’autres matières qui y sont directement liées.

La lecture de la communication écrite vous montrera, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, qu’à part les activités éminemment politiques que je viens de citer, notre Comité a réalisé des progrès importants dans certains domaines dits techniques, mais revêtant néanmoins une grande importance politique. Je voudrais notamment mentionner la signature, par plusieurs Etats membres, de la Convention européenne sur le statut juridique du travailleur migrant. Dans ce contexte, je tiens à rappeler que, lors de notre dernière réunion ministérielle, ma collègue suédoise a proposé la convocation d’une réunion ad hoc des ministres européens responsables en matière de migration de main-d’œuvre.

Avec votre permission, Monsieur le Président, je ferai maintenant quelques commentaires en tant que ministre des Affaires étrangères du Luxembourg et qui n’engagent donc pas le Comité des Ministres.

En ce qui concerne le Proche-Orient, de grands espoirs ont été notamment suscités par l’initiative courageuse du Président Sadate de se rendre à Jérusalem. Cette visite, ainsi que les contacts qui ont suivi, et plus particulièrement la visite du Premier ministre Begin en Egypte, avaient relancé la dynamique de la paix. C’est pourquoi, même si les négociations paraissent actuellement bloquées, on peut néanmoins espérer que la voie d’un règlement pacifique a été irréversiblement ouverte il y a deux mois. C’est ma conviction profonde, et il importe que cette marche vers la paix trouve des encouragements aussi larges et aussi nombreux que possible.

Je regrette pour cela que toutes les parties concernées n’aient pas jugé pouvoir serrer ou resserrer les rangs autour du Président Sadate, afin de rendre les discussions aussi exhaustives et aussi prometteuses qu’elles devaient l’être. J’ai l’espoir toutefois qu’avec le temps le mouvement ira s’amplifiant car il me semble que seul un règlement global, couvrant tous les aspects du problème et toutes les parties intéressées, peut, à la longue, inaugurer une ère de paix pour le Proche-Orient.

Les positions prises de part et d’autre restent très éloignées sur bien des points fondamentaux, mais il est évident qu’elles ne peuvent être que des points de départ, à partir desquels un rapprochement progressif s’effectuera: c’est comme cela en effet que seules peuvent se dérouler des négociations internationales. Il ne serait pas réaliste de s’attendre à ce que chacun fasse, dès le début, toutes les concessions – et il serait anormal d’accepter que les positions de départ restent inébranlables! Cela me paraît particulièrement indispensable en ce qui concerne le problème palestinien, comme en ce qui concerne l’interprétation de la Résolution 242.

J’espère vivement, d’une part, que ceux qui revendiquent le rôle de représentants qualifiés des Palestiniens en tirent les conclusions et se posent donc comme interlocuteurs valables et, partant, responsables. J’espère tout aussi vivement qu’Israël fasse preuve de la souplesse nécessaire afin que le peuple palestinien ne reste pas le seul de la région à ne pas disposer d’une patrie. La nature de cette patrie, les liens qu’elle pourra entretenir avec d’autres Etats de la région seront matières à négociation entre toutes les parties intéressées; il importera seulement que la solution retenue trouve un accord suffisamment général, ne laissant de côté que les extrémistes dont les revendications ne pourront jamais être satisfaites dans la mesure où ils se refuseront à reconnaître le droit de tous les Etats de la région à vivre en paix ensemble.

Faute de quoi, un foyer de tensions dangereux, non seulement pour le Proche-Orient, mais pour le monde entier, subsisterait à tout jamais.

Pour ce qui est des droits de l’homme, les événements récents, que ce soit aux Nations Unies ou à Belgrade, montrent une insistance croissante sur les droits économiques et sociaux, ou encore sur une conception plus collective des droits de l’homme, différente de notre conception traditionnelle qui est plutôt individualiste, et que certains voudraient aujourd’hui mettre en opposition avec cette dernière.

Cette évolution m’inspire deux remarques:

Je voudrais être le premier à reconnaître l’importance des droits économiques et sociaux et, dans un sens plus large, la forte mesure dans laquelle la situation économique d’un pays détermine les possibilités d’appliquer nos critères de démocratie et de respect des droits de l’homme. Tous ceux qui ont parcouru le monde ont pu se rendre compte que des gens mal nourris, voire au bord de la famine, et privés d’instruction placent le droit à des élections libres ou à la liberté de parole et d’association très différemment de nous sur leur liste de priorités. Il importe donc pour chacun d’entre nous que ces facteurs soient pleinement pris en compte, et notamment dans nos rapports avec les pays en voie de développement.

En revanche, et ce sera ma deuxième remarque, il faut empêcher que cette nouvelle conception économique des droits de l’homme ne soit présentée comme un remplacement possible ou comme préalable absolu à notre ancienne conception. Nous devrons veiller à ce qu’un nouvel équilibre s’établisse par addition des éléments positifs, et non sous forme d’élimination des libertés individuelles par de nouvelles revendications. Si une telle évolution négative devait prévaloir, ce que je ne crois pas, on arriverait ainsi, entre autres, et pour compte à la limite, à considérer que seuls des ressortissants de pays développés pourraient revendiquer le droit à ne pas être torturés. Le Conseil de l’Europe peut puiser dans son attachement traditionnel aux droits de l’homme les ressources nécessaires pour favoriser un développement allant dans la seule bonne direction.

Monsieur le Président, vous trouverez certes normal que le Président en exercice du Comité des Ministres, qui représente aussi un des pays membres de la Communauté européenne, vous fasse part, comme vous en avez manifesté le désir, de quelques considérations sur la Communauté des Neuf.

Pour ce qui est de la Communauté économique européenne, je dois constater qu’elle se trouve actuellement à un palier critique de son évolution: l’objectif majeur des traités de Rome, l’instauration d’une union douanière, me paraît acquis. Pour ce qui est de l’intégration européenne, cependant, des succès non négligeables ont certes été obtenus, principalement dans le domaine des transactions commerciales et de la politique agricole, mais l’essor rapide qu’ont pris les échanges tant à l’intérieur de la Communauté qu’avec les pays tiers a promu notre Communauté des Neuf au rang de première puissance économique mondiale, ce que nous aimons souvent souligner avec fierté, mais disons que cette première puissance économique ne vaut que pour autant que le volume des échanges soit considéré comme seul critère déterminant.

L’action extérieure de notre Communauté s’est également révélée positive, notamment au travers d’accords d’association avec de très nombreux pays en voie de développement. De même, sa force d’attraction ne s’est pas affaiblie; récemment encore, trois pays, vous le savez tous, la Grèce, le Portugal et l’Espagne, ont posé leur candidature à l’entrée dans la Communauté.

Mais le contexte international s’est profondément modifié. La crise économique qui secoue notre monde occidental, l’inflation d’une part, le taux de chômage élevé d’autre part, n’a fait, hélas!, qu’accroître les dangers de la relative stagnation que connaît l’intégration européenne au cours de ces dernières années alors que personnellement j’avais espéré que les Neuf fassent front en renforçant leur cohésion et en allant plutôt de l’avant dans l’œuvre d’intégration. Pour arriver en même temps à surmonter les problèmes difficiles qui se posent à la Communauté tout en évitant les pièges du protectionnisme renaissant et les tentations du repli sur soi, la Communauté européenne devra développer ses capacités d’élaborer des solutions au niveau européen.

Pour ce faire, et pour assurer à la fois une croissance satisfaisante, le plein emploi et aussi la stabilité économique à l’intérieur de la Communauté, il faudra bien se décider à remédier aux déséquilibres structurels et aux déséquilibres régionaux qui se manifestent à l’intérieur de la Communauté.

Cela, Monsieur le Président, suppose ou présuppose la réalisation intégrale d’un véritable marché commun assurant la libre circulation complète aussi bien des marchandises que des capitaux et des personnes.

Mais un tel marché ne pourra être réalisé que s’il s’accompagne d’une politique effective de redressement structurel, et je pense ici notamment à des domaines aussi importants que la sidérurgie et l’industrie textile, sans parler même du problème permanent qu’est le problème agricole.

Or, la réalisation de ces objectifs dépend à son tour, car tout est lié, d’une harmonisation suffisante des différentes politiques économiques et monétaires. C’est pourquoi je ne puis que me féliciter des récentes initiatives prises par le Président de la Commission européenne, mon ami M. Jenkins, qui visent à faire revivre l’idée, déjà ancienne, d’une union économique et monétaire.

Actuellement, Monsieur le Président, deux occasions s’offrent à nous, qui seraient susceptibles de créer les impulsions nécessaires pour donner un second souffle au processus de l’intégration européenne.

Tout d’abord, le futur élargissement de la Communauté à trois nouveaux membres posera des problèmes économiques non négligeables pour lesquels l’Europe devra se donner les moyens de les surmonter, tout en respectant ce qu’on a déjà pratiquement oublié, le fameux triptyque de 1969 «élargissement, approfondissement et achèvement» de l’intégration.

Le second moment est l’élection du Parlement européen au suffrage universel dont vous entretenait ce matin le Président Kirchschläger: ce processus, dont l’aboutissement, vous le savez, a connu ces dernières semaines de nouvelles vicissitudes, permettra nous l’espérons encore, par l’intermédiaire de l’instauration d’un suffrage démocratique au niveau européen et par la constitution parallèle de partis politiques dont l’audience ne se limite plus aux frontières nationales, de faire participer les forces vives à l’élaboration de l’édifice communautaire européen. Ainsi pourrons-nous passer d’un ensemble auquel on reproche souvent son caractère trop technocratique à un Europe véritablement démocratique et qui existerait par la volonté clairement manifestée de ses peuples.

Peut-être ces deux événements réussiront-ils, comme le souhaite le Président Kirchschläger, à insuffler à l’ensemble européen, même à celui qui dépasse la Communauté, ce souffle nouveau dont elle a, dont nous avons tant besoin. (Applaudissements)

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Il y a un problème. M. Thorn a d’autres fonctions que la présidence du Comité des Ministres, et il doit nous quitter à 17 h 45. Il a été déposé treize questions, et deux membres souhaitent intervenir dans la discussion, ce qui nous donne au total quinze orateurs. Il est maintenant 17 h 6. Si tous les membres ont une question à poser, M. Thorn ne pourra évidemment leur répondre. D’autre part, nous ne saurions attendre du Premier ministre du Luxembourg qu’il réponde à des questions trop longues. Je demande donc aux membres d’être le plus brefs possible, et nous verrons jusqu’où nous pouvons aller. Les questions figurent dans le document 4110. La première est de M. Margue et a trait au rapport de la Commission des Droits de l’Homme sur la requête introduite par Chypre contre la Turquie. J’en donne lecture:

«M. Margue

Demande au Président du Comité des Ministres quand le Comité des Ministres prendra position au sujet du rapport de la Commission des Droits de l’Homme dans l’affaire Chypre contre Turquie.»

M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg

Monsieur le Président, je voudrais répondre en même temps à la question de M. Margue et à celle de M. Molin.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Dans ce cas, voici le texte de la question n° 2 qui vous est posée par M. Molin:

«M. Molin

Demande au Président du Comité des Ministres:

– si le rapport de la Commission européenne des Droits de l’Homme, de juillet 1976, concernant l’affaire Chypre contre Turquie sera publié, ainsi que la décision du Comité des Ministres à ce sujet;

– dans la négative, quelles en sont les raisons.»

M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg

L’affaire de Chypre, introduite contre la Turquie, a été examinée par notre Comité des Ministres. Ces discussion étant confidentielles, comme chacun le comprendra je ne suis nullement autorisé à en divulguer ici le contenu.

Je tiens à préciser que la publication du rapport des droits de l’homme ne peut être décidée par notre Comité que dans les conditions prévues à l’article 32 de la convention. En l’occurrence, le Comité des Ministres n’a pas pris une telle décision. Je ne puis donc rien ajouter de plus.

Sous ma responsabilité personnelle, j’indiquerai néanmoins que la conjoncture actuelle, notamment l’attitude adoptée tout récemment par le nouveau Gouvernement turc, me semble permettre d’espérer des progrès dans la voie d’une solution possible de ce pénible problème chypriote. Des prises de positions publiques sur un aspect aussi douloureux qu’important, mais partiel, ne seraient, je pense, pas de nature à hâter ou à favoriser une telle solution.

M. MARGUE (Luxembourg)

Monsieur le Président, je veux seulement poser une question additionnelle.

M. le Président du Comité des Ministres vient de nous rappeler que notre Convention sur la sauvegarde des Droits de l’Homme est le moyen le plus efficace de protection qui existe. Croit-il vraiment qu’en mêlant le politique et le juridictionnel, le Comité des Ministres qui, selon les options prises par les pays défendeurs, doit remplir la fonction qui dans d’autres cas appartient à la Cour, ne risque pas d’être accusé de déni de justice s’il persiste à ne rien faire du tout?

Nous n’avons pas à lui donner d’instructions sur ce qu’il doit faire. Mais un recours étant porté devant lui, M. le Président ne croit-il pas que le Comité des Ministres doit prendre une décision?

M. MOLIN (Suède) (traduction)

La réponse du Comité des Ministres est quelque peu décevante. Le Comité des Ministres dispose actuellement de tout le temps nécessaire pour examiner le rapport de la Commission européenne des Droits de l’Homme, qui lui a été présenté il y a plus d’un an, en août 1976, et dont nous avons eu des échos dans les journaux de plusieurs pays. Nous ne savons pas si ces informations de presse sont fondées ou non; il serait donc fort opportun que l’Assemblée discute ouvertement de ces éventuelles violations de la Convention des Droits de l’Homme.

Je n’ignore pas qu’il incombe au Comité des Ministres de promouvoir le juste règlement de la crise de Chypre, mais un débat ouvert dans cet hémicycle peut contribuer également à la recherche de ce règlement, qui devra être conforme aux principes des droits de l’homme et de la souveraineté nationale.

M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg

J’ai l’impression, Monsieur le Président, que tous les membres de cette Assemblée savent bien, par définition, qu’une réponse du Comité des Ministres faite à une question doit rester insatisfaisante pour ceux qui la posent. C’est du moins la tradition en ce qui concerne les questions épineuses, depuis de nombreuses années.

Les membres de cette Assemblée doivent par ailleurs se rendre compte que je ne suis certainement pas, sur une question complémentaire, autorisé à répondre au nom de mes dix-neuf autres collègues.

Le problème tel qu’il a été présenté dans toute son acuité juridique, aussi bien par M. Molin que par mon compatriote M. Margue, peut être renversé dans le domaine politique.

A titre personnel, je leur répondrai qu’en effet le risque de déni de justice que M. Margue semblait viser existe, et existe même délibérément. Cette possibilité a été donnée au Comité et je crois que ceux, dont je n’étais pas, qui envisageaient cette procédure envisageaient cette hypothèse.

Monsieur Molin, vous avez appris par l’intermédiaire de la presse les éléments de ce document et vous souhaitez un large débat. Le Comité des Ministres siège ici à la fois comme instance juridique et comme comité politique et nous, savons que leurs intérêts peuvent être contraires. La diffusion de ce rapport constitue déjà en elle-même une sanction.

Vous êtes, Mesdames, Messieurs, des personnalités politiques, et nous savons que, pour mettre un terme à une situation que nous sommes tous prêts à condamner, il faut également mettre un terme à la querelle politique. Nous devons donc choisir entre les deux risques, les deux tendances auxquels nous sommes exposés: allons-nous vouloir tout exposer en public dans les détails alors que nous savons que l’une ou l’autre partie va s’en emparer? Il n’y aura pas alors la majorité requise, ce pourquoi je ne peux rien. La procédure est ce qu’elle est et demande un vote à la majorité des deux tiers. Allons-nous insister pour que le Comité des Ministres prenne ce qui apparaîtrait comme une sanction et qui ne rendrait que plus difficile une entente politique à un moment où les hommes politiques que nous sommes constatent qu’un rapprochement est peut-être possible?

J’essaye de vous faire comprendre, Mesdames, Messieurs, à titre personnel, que ce n’est pas le moment où mes collègues du Comité des Ministres sont prêts à vous suivre dans cette voie; ce n’est peut-être pas, à ce stade, ce qu’il y a de plus indiqué.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Je vous remercie. Nous allons maintenant entendre la question n° 3 de M. Machete, dont je donne lecture:

«M. Machete,

Notant avec satisfaction que le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Gouvernement luxembourgeois, dans sa réponse à la question écrite posée par M. Hengel au Parlement du Luxembourg au sujet de la Recommandation 821 de l’Assemblée du Conseil de l’Europe et donnant l'analyse politique de la situation en Europe, soulignait que dans le rôle futur du Conseil de l’Europe, la sauvegarde et le développement des droits de l’homme et des libertés fondamentales figurent parmi les domaines d’activité prioritaires;

Se félicitant du fait que dans un message à la 61e Session du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, le 24 novembre 1977, M. Henri Simonet, ministre des Affaires étrangères de la Belgique, a souligné que le domaine des droits de l’homme doit rester la «carte de visite» du Conseil de l’Europe et a ajouté qu’il ne suffit pas qu’il s’affirme et se renforce vers l’intérieur des Etats membres mais qu’il montre également le vrai visage de l’Europe à l’extérieur, qu’il soit un des canaux principaux par lequel l’Europe participe à l’action qui, sur le plan mondial, se livre pour la défense des droits de l’homme;

Notant avec intérêt l’accueil favorable donné à la proposition belge par le Comité des Ministres,

Demande au Président du Comité des Ministres:

a. dans quelle mesure le rôle du Conseil de l’Europe dans le domaine des droits de l’homme reste prioritaire pour ses vingt États membres dans la perspective des activités accrues de la Communauté européenne dans le domaine des droits de l’homme;

b. quelles actions concrètes seront entreprises par le Comité des Ministres pour donner suite à la proposition belge qui vise à faire du Conseil de l’Europe un des canaux principaux par lequel l’Europe démocratique participe à l’action mondiale pour la défense des droits de l’homme.»

M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg

Je me permets en premier lieu de féliciter M. Machete d’être aussi bien informé des débats qui ont lieu au Parlement luxembourgeois. Cela fait toujours plaisir. (Sourires)

Dans ma réponse à la question écrite que j’avais donnée à M. Hengel sur la Recommandation 821 relative au mal européen, j’avais répondu que:

«Il n’est nullement envisagé de diminuer le rôle qui revient tout naturellement dans ce domaine au Conseil de l’Europe. En vertu de la Résolution (74) 4 sur le rôle futur du Conseil de l’Europe, la sauvegarde et le développement des droits de l’homme et des libertés fondamentales figurent parmi les domaines d’activité prioritaires. Ce principe est concrétisé dans le Programme de travail sous la forme d’activités visant, notamment, à l’élargissement des droits prévus par la Convention européenne des Droits de l’Homme et à l’amélioration de l’application de celle-ci.»

Ce point de vue est partagé par le Comité des Ministres.

En ce qui concerne les activités des Communautés européennes dans le domaine des droits de l’homme, je tiens à dire d’emblée qu’il ne saurait être question de compétition entre ces deux Organisations. J’en vois une preuve dans la déclaration commune adoptée l’année dernière par les trois institutions des Communautés européennes sur la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ainsi que vous le savez, cette déclaration se réfère expressément à la Convention européenne des Droits de l’Homme, qui constitue ainsi le texte de référence commun du Conseil de l’Europe et des Communautés.

J’estime que le Conseil de l’Europe a toutes les raisons de se féliciter de cette évolution. Je suis persuadé que les Neuf, de même que les autres Etats membres du Conseil de l’Europe, sont pleinement conscients, non seulement de l’importance des réalisations de cette Organisation en matière de droits de l’homme, mais également du rôle qu’elle sera appelée à jouer à l’avenir dans le développement des droits de l’homme et que le Statut lui a fixé comme objectif.

C’est à mon sens, dans ce contexte qu’il faut prendre en considération les propositions très intéressantes faites par mon collègue belge, M. Henri Simonet, à la 61e Session du Comité des Ministres par l’entremise de son ambassadeur. Elles sont fondées sur la reconnaissance du rôle du Conseil de l’Europe dans le domaine des droits de l’homme, qui devrait revêtir, pour les pays qui font partie de notre Organisation, une importance accrue en tant qu’élément de leurs relations internationales.

Notre Comité étudie sérieusement les suites pratiques à réserver à ces propositions, auxquelles j’ai personnellement déjà donné mon accord et sur lesquelles je ne puis encore vous communiquer pour le moment d’indications précises.

Toutefois, j’espère pouvoir vous donner de plus amples détails d’ici à la prochaine réunion au cours de laquelle j’aurai le plaisir d’être des vôtres.

M. LE PRÉSIDENT

La quatrième question, de M. Karasek, est rédigée comme suit:

«M. Karasek,

Constatant que des propositions pour un programme d’action communautaire dans le secteur culturel ont récemment été soumises au Conseil par la Commission des Communautés européennes,

Demande au Président du Comité des Ministres s’il peut donner l’assurance que:

a. la compétence du Conseil de l’Europe dans le domaine culturel continuera d’être reconnue au sein de la CEE et non seulement au niveau de la recherche mais aussi sur le plan des mesures concrètes;

b. les ministres de la CEE, lorsqu’ils examineront ces récentes propositions, tiendront dûment compte du rôle du Conseil de l’Europe dans le domaine culturel.»

M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg

Le 22 novembre 1977, la Commission des Communautés européennes a effectivement adressé au Conseil une communication intitulée «Actions communautaires dans le secteur culturel». Cette communication sera examinée par le Conseil lorsque le Comité économique et social et le Parlement européen auront donné leur avis.

Cette proposition de la Commission ne vise nullement à mettre sur pied une politique culturelle; cela découle déjà de la définition donnée du secteur culturel, à savoir: «L’ensemble des personnes et des entreprises qui se consacrent à la production et à la distribution des biens culturels et des prestations culturelles.»

Notre Communauté a le devoir d’appliquer le traité de Rome à ce secteur comme à tous les autres. Les actions que la Commission propose d’engager concernant notamment le libre-échange des biens culturels, la liberté de circulation et d’établissement des travailleurs de la culture, l’harmonisation de la fiscalité, en matière de TVA, par exemple, et le rapprochement des législations notamment sur les droits d’auteur.

Cette action est donc essentiellement économique et subsidiairement sociale. Elle n’est dès lors pas de nature à entraîner un double emploi avec les activités du Conseil de l’Europe, ces dernières ayant un caractère différent, plus vaste, je dirai même plus noble. Il existe, d’ailleurs, une excellente collaboration, pour autant que je sache, au niveau des services, entre le Conseil de l’Europe et la Commission des Communautés en ce domaine. Il y a énormément à faire à cet égard et toutes les initiatives doivent être et seront les bienvenues, je le dis au nom du Conseil. Nous devons prendre garde à ce que la crise économique et sociale du secteur culturel ne dégénère pas en crise de culture. Cela, le Conseil de l’Europe et la Communauté doivent s’employer ensemble, chacun dans sa mesure et dans la limite de ses compétences, à l’empêcher.

M. KARASEK (Autriche) (traduction)

Je vous remercie, Monsieur le ministre, d’avoir répondu à cette question.

Je ne suis pas entièrement convaincu, néanmoins, qu’il n’existe pas un certain risque de double emploi, comme par exemple dans le domaine qui a été mentionné des droits d’auteur, où le Conseil de l’Europe a déjà accompli certains travaux préparatoires et devrait pouvoir arriver à une unification, en Europe, dans le cadre le plus large possible. Il serait très souhaitable que l’on parvienne, pour ces questions, à une certaine délimitation des champs d’activité avec les Communautés.

M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg

Monsieur le Président, je crois que ce n’est pas tellement une question complémentaire, c’est un ajout, une déclaration de l’honorable député. Je dois dire qu’il a mentionné ici le point de rencontre, de friction, où les deux cercles risquent de se rencontrer. J’en prends note et je veillerai, dans la mesure de mes moyens, à ce que cela soit pris en considération.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Je vous remercie, Monsieur le ministre. La cinquième question est de M. Ménard. J’en donne lecture:

«M. Ménard,

Considérant que le Comité des Ministres, soutenu par l’Assemblée du Conseil de l’Europe, a adopté une Convention européenne pour la répression du terrorisme;

Constatant que le Conseil des ministres des Neuf élaborerait simultanément un accord analogue;

Rappelant que les neuf États membres de la CEE sont également membres du Conseil de l’Europe,

Demande au Président du Comité des Ministres, eu égard aussi à sa qualité de grand spécialiste et praticien de la construction de la CEE:

a. quelles nécessités précises ont rendu souhaitable l’élaboration d’un texte communautaire, alors même que certains pays de l’Europe des Neuf se sont déclarés très satisfaits de la convention européenne, comme le prouve le fait qu’ils en ont pratiquement mené à terme la procédure de ratification;

b. s’il estime qu’une telle procédure est de nature à rendre les rapports entre l’Europe des Neuf et l’Europe des Vingt aussi harmonieux, confiants et efficaces qu’ils devraient l’être.»

M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg

En tant que Président en exercice du Comité des Ministres, je ne peux que me féliciter d’une initiative prise par le Conseil dans la lutte contre le terrorisme, tout particulièrement de l’ouverture à la signature de la convention à laquelle l’honorable parlementaire a bien voulu faire allusion. S’il n’est malheureusement pas tout à fait exact de dire que les procédures de ratification sont pratiquement menées à terme, je crois savoir qu’à part les deux gouvernements qui ont déjà déposé les instruments de ratification, plusieurs gouvernements, parmi lesquels les membres de la Communauté, se préparent à ratifier la convention dans des délais rapprochés, ce dont je ne peux que me réjouir.

En ce qui concerne le projet d’accord envisagé dans le cadre communautaire, je pense qu’une telle action, si elle s’insère pleinement dans le cadre de la convention européenne et ne fait pas obstacle à l’application de celle-ci par le plus grand nombre possible de membres du Conseil de l’Europe, pourrait faciliter la résolution visée par la convention.

Dans ce contexte, je me permets de rappeler les prises de position du Parlement européen qui s’est en effet, à deux reprises, exprimé en faveur d’une ratification de la convention européenne par les gouvernements des Neuf. J’ajouterai qu’un des membres de la Communauté n’a pas signé la convention du Conseil de l’Europe, comme vous le savez. Il y a lieu d’espérer que les travaux des Neuf auront l’avantage de permettre de trouver une formule qui soit également acceptable par le pays en question.

M. MÉNARD (France)

Je vous remercie, Monsieur le ministre, de votre réponse, qui me donne satisfaction. J’étais un peu inquiet. Il semblait y avoir discordance ou manque de coordination entre le Comité des Ministres des Vingt et le Conseil des Ministres des Neuf. Mais votre réponse semble indiquer qu’il n’en est rien. Je vous en remercie.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Merci beaucoup, Monsieur Ménard. La sixième question est posée par M. Pelletier. J’en donne lecture:

«M. Pelletier,

Constatant que la jurisprudence récente de la Cour de justice des Communautés européennes, à la suite de l’arrêt de principe dans le cas Nolde, tout comme les récents travaux du Parlement européen, illustrés notamment par le rapport Scelba sur les droits spéciaux, tendent à montrer que la défense des droits de l’homme est de plus en plus considérée comme de la compétence des institutions communautaires;

Constatant que, par une déclaration commune du 5 avril 1977, le Parlement européen, le Conseil et la Commission ont consacré formellement cette tendance,

Demande au Président du Comité des Ministres:

a. s’il ne pense pas que la création de deux ordres juridictionnels distincts, dont les compétences se chevauchent, risque de soulever certains problèmes;

b. s’il ne pense pas en outre que, les méthodes de saisine, les pouvoirs de décision et les jurisprudences des deux Cours étant très distincts, il faudra tôt ou tard aborder au fond ce problème, et déterminer de manière plus précise la répartition des compétences dans un domaine où la Cour européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg a pourtant fait ses preuves depuis un quart de siècle.»

M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg

Monsieur le Président, je ne pense pas qu’il convienne de répondre, comme l’honorable parlementaire m’invite à le faire, en termes de «compétence» – peut-être même pensait-il en termes de «concurrence» – des uns par rapport aux autres, c’est-à-dire la Communauté d’une part, le Conseil de l’Europe d’autre part. Bien au contraire, en tant que Président en exercice du Comité des Ministres, je ne peux que me féliciter de l’appui que la Convention européenne des Droits de l’Homme a trouvé auprès des instances communautaires, que ce soit par le biais de la déclaration commune des organes de la Communauté du 5 avril 1977, dans une résolution votée par le Parlement européen sur les droits spéciaux en novembre dernier, ou encore de la jurisprudence de la Cour de justice.

Il s’agit finalement ici de la pénétration dans l’ordre juridique communautaire de principes dégagés au sein du Conseil de l’Europe et consacrés par la Convention européenne des Droits de l’Homme, convention qui constitue, je le souligne, et qui continuera à constituer, j’en suis sûr, quels que soient les développements sur le plan de la Communauté, le lien par excellence entre tous les membres du Conseil, membres ou non de la Communauté économique européenne.

Que cette évolution, si elle devait s’affermir, puisse un jour poser des problèmes sur le plan de la technique juridique, c’est possible, dirai-je à mon ami M. Pelletier. Mais pour le moment, une telle hypothèse reste d’ordre théorique.

De toute manière, les membres de la Cour de justice de la Communauté et ceux de la Cour des Droits de l’Homme ont depuis longtemps des contacts continus, et je sais que ces contacts existent également avec les services compétents du Secrétariat du Conseil de l’Europe et ceux de la Commission de Bruxelles. Je pense que dans ce domaine nous devrions tous nous en féliciter.

M. PELLETIER (France)

Je remercie Monsieur le Président du Comité des Ministres de sa réponse, mais je crois quand même qu’il risque de se poser à terme un problème. En effet, nous assistons depuis quelque temps à l’élargissement des compétences de la Cour de justice des Communautés européennes. Pour ma part, je m’en félicite car cela prouve que, malgré les obstacles rencontrés, l’intégration des neuf pays de la Communauté s’effectue progressivement.

Cependant, je crois tout de même qu’il peut y avoir à terme certaines difficultés, car l’existence de deux juridictions distinctes dont les compétences se chevauchent et se chevaucheront de plus en plus risque de soulever certaines difficultés dans l’avenir.

Il faudra, je crois, tôt ou tard, aborder ce problème au fond et déterminer de façon plus précise la répartition des compétences dans un domaine où la Cour européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg a fait ses preuves depuis près d’un quart de siècle. Je crois vraiment que le Comité des Ministres, sous la conduite de son dynamique Président, devra se pencher rapidement sur ce problème.

M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg

Monsieur le Président, vous comprendrez que je n’ai rien à ajouter à ce qu’a dit M. le sénateur Pelletier. Je lui indiquerai seulement que je suis sensibilisé à la question et, s’il y avait le moindre péril, comme il semble le penser – on ne peut pas l’exclure à priori – ce problème mérite qu’on s’en occupe aussi bien au niveau du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe qu’au niveau du Conseil des Ministres de la Communauté.

Pour ma part, je ferai tout ce qui est dans la mesure de mes moyens pour qu’on se saisisse de ce problème et que l’on évite ce double emploi.

M. LE PRÉSIDENT

Je vous remercie, Monsieur le ministre.

Je rappelle à l’Assemblée qu’il reste sept questions et que deux membres désirent participer au débat. Comme chaque intervention doit durer sept minutes, vous comprendrez que même s’ils sont très brefs, nos collègues qui ont demandé la parole ne pourront pas tous obtenir une réponse du Président du Comité des Ministres. La parole est à M. Péridier.

M. PÉRIDIER (France)

Ma question concerne Chypre, mais comme vous allez le voir, dans un cadre tout à fait particulier.

Pouvez-vous me dire pourquoi Chypre, qui est membre du Conseil de l’Europe, au même titre que le Luxembourg et que tous les autres pays représentés dans notre Conseil; pourquoi Chypre qui participe au Comité des Ministres par l’intermédiaire de M. Christophides, ministre des Affaires étrangères de Chypre; pourquoi Chypre qui a un bureau dans cette maison, qui a participé financièrement à l’établissement de cette maison où nous sommes heureux de nous trouver; pourquoi Chypre ne peut pas avoir de représentant au Conseil de l’Europe? Pourquoi n’a-t-il pas le droit de venir ici, lui qui est membre du Conseil de l’Europe, défendre sa politique et ses intérêts comme peut le faire à l’heure actuelle la Turquie?

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Cette question intéresse en réalité non pas le Comité des Ministres, mais le Bureau de l’Assemblée. Vous comprendrez, je l’espère, qu’y répondre prendrait tout le temps dont on dispose pour les autres questions, qui sont au nombre de sept.

M. PÉRIDIER

Monsieur le Président, le Comité des Ministres a le droit d’intervenir auprès du Bureau, car jusqu’à maintenant le Bureau ne nous a jamais expliqué les motifs de cette interdiction à l’égard d’un pays qui est membre du Conseil de l’Europe.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Si le Président du Comité des Ministres désire répondre à la question, rien ne saurait s’y opposer.

M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg

Monsieur le Président, je tenais à dire à cette honorable Assemblée qui connaît les compétences limitées du Comité des Ministres et qui a eu beaucoup d’occasions de s’en plaindre plus ou moins à juste titre, qu’elle doit savoir ce que vous venez de dire, Monsieur le Président, que la question visée par l’honorable sénateur – et je rappelle que ce n’est pas la première fois que je l’entends intervenir dans ce domaine qui lui tient à cœur – ne relève pas de la compétence du Comité des Ministres. Au niveau de notre Comité, Chypre est représenté. Comme vous venez de le dire, il y a eu des difficultés pour que l’Assemblée valide les pouvoirs de la délégation chypriote. Ce n’est pas le Comité des Ministres qui est intervenu et je vois mal l’Assemblée où certains de ses membres demandant au Comité d’intervenir dans ses compétences alors que par ailleurs elle aurait souvent et très légitimement tendance à faire le contraire. Alors ne me demandez pas de faire ce que demain vous me reprocheriez.

Personnellement et, j’en suis sûr, mes dix-neuf autres collègues aussi voudraient qu’entre les deux communautés ethniques et grâce à vous, Mesdames, Messieurs de l’Assemblée, se trouve le consensus permettant de valider et d’accepter les pouvoirs d’une délégation chypriote. C’est là mon désir personnel. Cela répond à notre Statut, cela répond à nos vœux, mais ce n’est pas ma faute si ce n’est pas le cas actuellement.

Sir Frederic BENNETT (Royaume-Uni) (traduction)

Si je puis poser ma question en deux parties, je m’engage à ne pas en poser d’autres.

Nous savons qu’il y a eu jusqu’à présent à Helsinki et à Belgrade plusieurs tentatives d’harmoniser les positions des pays membres de la CEE.

Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe s’est-il efforcé, lui aussi, de parvenir à un consensus quelconque? M. Thorn pense-t-il que le Comité des Ministres ferait mieux entendre sa voix dans les conférences internationales de ce genre si les membres de cette Assemblée étaient élus au suffrage direct au lieu d’être désignés?

M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg

En ce qui concerne les Conférences d’Helsinki et de Belgrade, il y a effectivement au niveau gouvernemental la procédure à neuf que vous venez de signaler, mais nous, aussi bien au niveau de nos représentants qu’à celui du Comité des Ministres, nous essayons de dégager un consensus à vingt, c’est-à-dire pas au niveau que vous imaginez puisque, ainsi qu’il est apparu ce matin lors du discours de M. Kirchschläger et des questions qui lui ont été adressées, cette Assemblée comprend des pays dits alignés, d’autres qui ne le sont pas et d’autres qui sont neutres, mais cependant fidèles à notre appartenance commune au Conseil de l’Europe; nous essayons au niveau gouvernemental de dégager une position commune et nous restons en contact les uns avec les autres.

En ce qui concerne le deuxième point que vous avez abordé, je souhaiterais que vous précisiez votre question.

Sir Frederic BENNETT (traduction)

En disant que je ne poserai pas d’autres questions, j’essayais d’accélérer les choses.

Le Comité des Ministres se considérerait-il comme menacé s’il adoptait une position commune sur des problèmes comme celui-ci face à une Assemblée élue, et non pas désignée?

M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg

A titre personnel, j’estime que cela ne changerait pas la dimension du problème. J’ai entendu ce matin la question posée à M. Kirchschlâger en ce qui concerne une nouvelle élection. J’estime que certains pays membres de la Communauté ont déjà suffisamment de difficultés en ce qui concerne celle du Parlement européen, pour ne pas en ajouter en leur demandant d’élire encore d’autres assemblées.

Si nous devions demain procéder à l’élection de l’Assemblée du Benelux, du Parlement européen, du Conseil de l’Europe et du Pacte atlantique, il risquerait d’y avoir inflation dans ce domaine.

Il est essentiel qu’il y ait une élection qui renforce les pouvoirs d’une assemblée là où elle a un pouvoir de décision vis-à-vis des exécutifs. Mais ce problème, pour si intéressant qu’il soit, n’apparaît pas dans la même mesure pour les assemblées où ce pouvoir n’existe pas.

M. CHRISTIANSEN (Danemark) (traduction)

Je voudrais demander au ministre ce qu’il adviendra du projet de recommandation du Conseil de l’Europe sur la sécurité des correspondants à l’étranger. D’après ce que je sais, il est impossible de relancer la question. Si tel est le cas, le ministre est-il partisan qu’elle soit inscrite dans la troisième corbeille de la CSCE?

Enfin, en tant que membre de la Communauté, le ministre a-t-il une suggestion à formuler quant à la date définitive des élections au Parlement européen?

M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg

Pour ce qui est du Conseil de l’Europe, un projet de convention européenne relative aux correspondants étrangers a été examiné par le Comité des Ministres au niveau des Délégués, début 1977. Ce projet a été renvoyé au Comité directeur pour les droits de l’homme pour qu’il le mette au point. Le Comité des Ministres ne manquera pas de tenir votre Assemblée informée des développements ultérieurs.

En tant que ministre des Affaires étrangères du Luxembourg, j’estime que ce problème est de ceux qui devraient être discutés plus avant entre les pays participant à la réunion de Belgrade. S’il y a des problèmes au sujet des correspondants de presse, ils existent surtout du fait des politiques restrictives de certains des pays faisant partie des Trente-cinq.

Une élimination de ces politiques et une réelle protection des correspondants de presse sont donc l’objectif à atteindre dans le cadre européen le plus large.

Vous m’avez également interrogé in fine sur la date possible des élections européennes. Je suis particulièrement mal placé pour y répondre en tant que Premier ministre du Luxembourg. Ce sont d’autres de mes collègues qui seraient mieux placés pour le faire. Ne disposant pas de boule de cristal, je ne puis vous dire quand ces élections auront lieu mais les neuf chefs de gouvernement, lors du prochain conseil européen, seront amenés à se pencher sur la question et à décider d’une nouvelle date.

Sachez seulement que votre serviteur souhaite que cela ait lieu le plus vite possible.

M. RADIUS (France)

Vous avez, lors de votre visite à Vienne, indiqué que le Conseil de l’Europe a un rôle particulier à jouer en tant qu’instrument de dialogue entre l’Est et l’Ouest. A ce sujet, je vous poserai les trois questions suivantes:

Pensez-vous que ce rôle ait été jusqu’à présent suffisamment souligné?

N’estimez-vous pas que notre débat de l’année dernière aurait dû débuter par des contacts constructifs entre membres des parlements de l’Est et de l’Ouest?

Considérez-vous que votre Comité des Ministres fait suffisamment preuve de volonté politique et d’initiative pour contribuer effectivement à la détente?

M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg

Si j’ai bien compris mon ami M. Radius, il me fait entendre de façon discrète que les ministres devraient moins parler.

Je me permets de lui dire qu’interrogé par des journalistes à Vienne j’ai indiqué très sincèrement les domaines où je voyais plutôt un développement possible des activités du Conseil de l’Europe par rapport aux Communautés et à d’autres institutions, où chacun essaie de trouver son rôle à jouer.

M. Radius ne devrait pas me demander de porter un jugement sur l’utilité des activités de cette Assemblée. C’est à elle qu’il appartient de se manifester en ce sens.

Cette plus grande Europe que vous représentez, comme nous en avons parlé depuis ce matin, et qui inclut des neutres, des non-alignés, d’autres encore, devrait essayer, si elle le souhaite – toujours d’après mon avis personnel – de définir sa politique, ses vues, ses objectifs. Si l’Assemblée souhaite aller au-delà et être plus qu’un pont entre d’autres pays, elle trouvera les voies et moyens nécessaires.

Personnellement, je l’encouragerai dans cette voie aussi longtemps que nous resterons tous attachés à la détente, à l’ouverture vers d’autres pays, mais aussi – ne nous méprenons pas sur ce point – à la défense stricte des principes qui nous sont communs et que nous n’entendons pas voir diluer.

M. MÜLLER (République Fédérale d’Allemagne) (traduction)

Monsieur le Président, vous avez indiqué tout à l’heure que l’élection directe du Parlement européen pourrait donner une heureuse impulsion à l’Europe. Concrètement, ma question est la suivante: la fixation d’une date pour ces élections et le report constant de cette date ont-ils été favorables ou préjudiciables au processus d’unification?

M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg

M. Müller, comme tous les gens intelligents, pose seulement les questions dont il connaît déjà les réponses! (Sourires)

Je crois, effectivement, qu’à partir du moment où on a décidé que des élections européennes étaient nécessaires, essentielles, et contribueraient au renforcement de l’unité européenne, le fait de se refuser à les organiser ou à les reporter n’est pas particulièrement favorable à l’œuvre d’intégration européenne. Telle est la réponse sans équivoque que j’apporte à la question posée.

En disant cela, je ne veux pas porter de jugement sur les raisons qui ont poussé tel ou tel gouvernement ou telle ou telle assemblée souveraine à ne pas procéder à ces élections. Après vingt ans, le péril ne réside pas tellement dans le report de un, deux ou trois mois de ces élections, mais bien plutôt dans le fait qu’il a fallu presque vingt ans pour aboutir à un accord de principe sur ces élections et qu’une fois cet accord conclu on n’ait pas réussi, après deux ans, à le mettre en pratique.

Plus grave encore: la réalité même de ces élections risque, éventuellement, d’être remise en question et ce, par suite d’événements qui pourraient survenir entre-temps.

En reportant ainsi éternellement la concrétisation des espérances des populations européennes, espérances contenues dans le traité, on risque de rendre l’Europe encore plus difficilement compréhensible aux citoyens.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Je vous remercie, Monsieur le ministre.

Il nous reste encore deux minutes, après quoi le ministre devra nous quitter. Il serait vain de nous lancer dans une discussion alors que le ministre n’entendrait qu’une partie de l’exposé du premier orateur. Nous ferions bien, semble-t-il, de procéder à cette discussion à la première occasion, mais non pas aujourd’hui. Est-ce aussi l’avis de l’Assemblée? En l’espace de deux minutes, il est impossible d’entendre un orateur et la réponse du ministre. La parole est à M. Coutsocheras.

M. COUTSOCHERAS (Grèce)

Monsieur le Président, permettez que la séance continue afin que M. le Premier ministre du Luxembourg puisse encore répondre à la question que je lui ai posée en qualité de Représentant grec.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Nous pouvons continuer, mais le ministre doit partir. Je l’ai déjà expliqué: nous ne pouvons le retenir.

M. COUTSOCHERAS

Dans votre exposé, vous avez, Monsieur le Premier ministre, dit votre foi dans la protection des droits de l’homme.

Après la décision prise le 21 octobre 1977, par le Comité des Ministres, concernant la suite à donner au rapport de la Commission des Droits de l’Homme concernant la violation de la convention européenne par les autorités turques à Chypre, l’examen de cette affaire a été suspendu pour une période de neuf mois. Aucune décision n’a été prise bien que le rapport ait été soumis au Comité depuis un an.

N’estimez-vous pas, Monsieur le Premier ministre, que cette attitude est tout à fait contraire à l’esprit et à la lettre de l’article 32 de ladite convention? Au surplus, cette attitude étant motivée par des raisons politiques, n’ébranle-t-elle pas dangereusement le système de protection des droits de l’homme au détriment, également, du prestige et de l’efficacité du Conseil de l’Europe?

M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg

Je vous remercie de tous vos efforts. Je ne peux que vous renvoyer à la réponse que j’ai donnée à M. Margue et à M. Molin tout à l’heure, s’agissant du même problème.

Je vous ai dit que cette délibération était secrète. Je ne peux donc pas en dire davantage. Dans la mesure où elle a été prise en application et dans le respect des règlements, quelles que soient les conséquences, je ne peux pas accepter qu’elle soit contraire à l’esprit des-dits règlements. Elle ne l’est pas.

Pour le reste, je me permets de vous renvoyer, je le répète, à mes explications de tout à l’heure. Je reste à votre disposition et j’espère pouvoir vous en dire davantage à notre prochaine réunion.

M. LE PRÉSIDENT (traduction)

Je vous remercie. Monsieur le Président du Comité des Ministres, j’ai deux orateurs sur ma liste: MM. de Koster et Otero Madrigal. Vous reste-t-il assez de temps pour les entendre?

(M. Thorn fait un signe d’assentiment.)

La parole est à M. de Koster.

M. de KOSTER (Pays-Bas) (traduction)

J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt l’allocution du Premier ministre du Luxembourg, en particulier ce qu’il a dit sur l’harmonisation des positions et des votes à l’Assemblée des Nations Unies. Je voudrais savoir ce qui a été décidé sur la manière d’améliorer la coordination entre les Etats membres. Une réponse à cette question nous permettrait de déterminer dans quelle mesure il sera donné suite à la recommandation que la commission des questions politiques doit présenter demain sur l’incidence des droits de l’homme dans les relations internationales. Les résultats de ces échanges de vues sur les droits de l’homme et les questions connexes relevant des Nations Unies seront-ils transmis de Strasbourg à New York, et les délégations de nos Etats membres y donneront-elles suite aux Nations Unies? Bien que l’on constate souvent une certaine identité de vues sur les valeurs fondamentales dont dépend l’ordre public dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, il est fréquent que ces derniers votent de façon divergente à l’Assemblée générale des Nations Unies.

Enfin, j’ai l’impression que la grande majorité des Etats membres des Nations Unies s’intéressent tout particulièrement aux droits socio-économiques collectifs, alors que le Conseil de l’Europe semble avoir accordé plus d’attention jusqu’à présent aux droits civiques et politiques.

Le Premier ministre considère-t-il que nos Etats membres ont la faculté de s’intéresser davantage à la protection des droits économiques et sociaux dans le cadre du Conseil de l’Europe, tout en accordant la même attention que par le passé à la défense des droits civiques et politiques dans le contexte des Nations Unies?

M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg

Je crois devoir répondre à l’honorable M. de Koster qu’effectivement il y a consultation et échanges de vues entre les membres du Conseil de l’Europe, sur ces problèmes politiques, mais, comme vous l’imaginez, vu nos objectifs légèrement différents, il y a encore, oserai-je dire, plus de difficultés à trouver des positions communes à vingt qu’à neuf, où nous en avons déjà pas mal. A titre d’exemple, la semaine prochaine nos représentants au niveau des ambassadeurs se rencontreront pour échanger leurs vues sur des problèmes politiques et pour essayer de dégager des vues communes.

A ce stade de la discussion, le maximum est fait, sur la base des traités qui sont les nôtres. Mais j’ajouterai personnellement que peut-être les répercussions ne sont pas ce qu’elles devraient être. En effet, au niveau des ministres, des ambassadeurs et des représentants permanents, il y a échanges de vues, mais aucune répercussion n’est donnée à l’extérieur, par exemple aux Nations Unies à New York.

Je me permettrai de préconiser, sans vouloir engager de procédures contraignantes, qu’on demande à celui de mes successeurs qui exercera la présidence du Comité des Ministres, lorsqu’il préparera un échange de vues, d’en tenir au moins régulièrement informés les représentants diplomatiques, au niveau des Nations Unies ou ailleurs, afin que, s’il y a échange de vues au niveau des membres du Conseil de l’Europe – sans que pour autant une position soit arrêtée dans le détail et qu’un texte contraignant engageant les Vingt soit pris – on le sache à l’extérieur.

Je pense qu’ainsi, pas à pas, on pourra améliorer la procédure. Personnellement, je me suis déjà assez avancé dans mon discours de tout à l’heure. Ainsi on pourra faire droit à votre demande dans le cadre des discussions que nous serons amenés à avoir sur la base des propositions de M. Henri Simonet.

M. OTERO MADRIGAL (Espagne) (traduction)

Je suis heureux de me trouver dans cette magnifique ville de Strasbourg et je remercie le Conseil de l’Europe pour l’accueil qu’il nous a réservé. Je saisis l’occasion qui m’est offerte pour remercier M. Thorn, Président en exercice du Comité des Ministres, des paroles très amicales qu’il a prononcées envers notre pays et de l’accueil fait à la délégation espagnole auprès du Conseil de l’Europe.

Nous aimerions également remercier tous les autres membres de cette Assemblée. Nous aimerions mettre l’accent sur le fait que si nous voulons interpréter les sentiments des délégués espagnols auprès de l’Assemblée – et je crois ici être l’interprète de tous les partis politiques représentés – nous soutenons tous les propos de M. Thorn concernant le renforcement de l’Europe.

Maintenant, comme à tout autre moment décisif dans l’histoire, l’Europe a besoin de toutes les bonnes volontés, de toute l’imagination afin de poursuivre le chemin que d’autres grands Européens ont tracé à notre intention.

L’un de mes compatriotes, hier, a cité M. Monnet et M. de Madariaga. Nous, Espagnols, ferons tout ce qui est en notre pouvoir en vue de promouvoir l’idée d’une Europe unie dans tous les pays.

M. Thorn, Premier ministre du Luxembourg

Je ne peux que remercier l’honorable parlementaire et vous remercier aussi, Monsieur le Président.