Victor

Yanukovych

Président de l’Ukraine

Discours prononcé devant l'Assemblée

mardi, 27 avril 2010

Monsieur le Président, monsieur le Secrétaire Général, mesdames, messieurs les membres de l’Assemblée, c’est la deuxième fois que j’ai l’honneur de m’adresser à votre Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Trois années se sont écoulées depuis ma première visite à Strasbourg. Beaucoup de choses ont changé en Europe et dans le monde, mais sont restés immuables les principes et valeurs du Conseil de l’Europe, conscience politique de notre continent. On ne saurait se montrer à la hauteur des traditions humanistes de l’Europe sans passer par l’hémicycle de Strasbourg.

Nous célèbrerons bientôt le 65e anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale. Le Conseil de l’Europe a été chargé d’éviter qu’une telle crise majeure de la civilisation ne puisse jamais se reproduire. Le pire drame humanitaire, marqué par des atrocités épouvantables et inédites, ne doit jamais se reproduire. Le Conseil de l’Europe a été créé pour faire triompher la démocratie, la primauté du droit et les droits de l’homme et faire en sorte que les belligérants se réconcilient. Le Conseil de l’Europe est devenu un phare pour l’ensemble du continent.

Aujourd’hui, cette mission demeure. Il faut éviter l’apparition de nouvelles lignes de fractures pour préserver la stabilité du continent. Dans cette perspective, nous ne saurions surestimer l’apport du Conseil de l’Europe et de son Assemblée. Le Conseil fournit un ensemble complet de normes incontournables.

« Je n'ai pas été élu Président pour réver, mais pour agir ! et c'est ce que je ferai »

Le Conseil a aujourd’hui 60 ans. Son bilan est remarquable. C’est un succès. Il faut assurer la pérennité de cette réussite, préserver cette identité européenne unique dans ce monde nouveau, à l’ère de la mondialisation. J’espère que le Conseil de l’Europe saura puiser dans son expérience accumulée pour répondre aux défis de l’heure et de demain.

J’ai confiance. La prévention des violations des droits de l’homme restera une priorité absolue au XXIe siècle aux plans national, régional et mondial. Ces questions ont été traitées de manière très complète dans le rapport sur l’avenir du Conseil de l’Europe, rédigé à l’occasion de son soixantième anniversaire. J’appelle votre attention sur son paragraphe 63 qui met en garde sur toute utilisation abusive de l’autorité du Conseil de l’Europe et de son Assemblée à des fins partisanes.

Il est capital que les missions du Conseil de l'Europe ne soient pas dévoyées. Il doit continuer à bénéficier d’un soutien politique sans faille et jouir de financements suffisants pour assurer ses missions. Les débats sont importants, certes, mais au quotidien les Etats membres du Conseil doivent également s’efforcer de respecter les engagements ambitieux qu’ils ont contractés.

Mon pays, en ce qui le concerne, entend se montrer à la hauteur des ambitions que l’on nourrit pour lui aujourd’hui. En particulier, il souhaite poursuivre les réformes en vue de sa présidence du Conseil au mois de mai 2011. L’Ukraine participera activement aux travaux de l’Organisation et veillera à la bonne application des programmes en cours. L’ensemble des partis politiques ukrainiens s’entendent sur la nécessité d’une bonne coopération avec le Conseil de l'Europe. Il est d’ailleurs rare qu’un tel consensus existe dans mon pays.

La communauté internationale a jugé équitable l’élection présidentielle organisée en 2010 en Ukraine. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Une nouvelle ère vient-elle de s’ouvrir dans mon pays ou retomberons-nous dans les travers du passé? Nous avons trop souvent oublié les devoirs qui étaient les nôtres. Certes, des progrès ont été accomplis dans le renforcement des libertés, mais l’évolution de la situation politique en Ukraine reste tout à fait particulière. Les institutions et les différents pouvoirs se sont opposés avec acharnement dans un passé récent. Le Président, le Gouvernement et le Parlement ont été secoués par de nombreux et violents conflits internes. Les partis de la majorité et de l’opposition se sont heurtés avec force.

Je souhaite moins critiquer mon prédécesseur que rappeler les faits et vous convaincre que nous envisageons aujourd’hui un nouveau départ. Ma priorité absolue sera de renforcer la démocratie. Incontestablement, le pluralisme existe en Ukraine. J’en veux pour preuve l’alternance des partis politiques au pouvoir. L’opposition, que je dirige, vient d’accéder aux hautes responsabilités dans des conditions justes et équitables, sans recours à de sombres machinations. Les médias ukrainiens, indépendants et libres, ont fourni à la société des informations complètes sur les débats entre les partis politiques. Ils ont également surveillé les agissements de l’administration. Il reste sans doute des cas de harcèlement ou d’entrave à l’action des journalistes. En tant que Président, je m’efforcerai d’y mettre un terme et de garantir la pleine liberté d’action des médias. Des enquêtes seront ouvertes en cas d’abus ou de pressions injustifiées. J’ai d’ores et déjà ordonné l’ouverture d’enquêtes sur les tristes événements passés. Les droits fondamentaux doivent être intégralement respectés en Ukraine. Il ne saurait y avoir de discriminations entre les sexes, les ethnies ou les confessions religieuses. Nous avons encore beaucoup à faire, c’est certain, notamment pour améliorer la représentation des femmes au sein des instances dirigeantes. J’y veillerai personnellement.

La question des visas est une autre priorité pour mon gouvernement, afin de permettre aux citoyens ukrainiens de se déplacer librement en Europe. La démocratie ne sera possible que si le continent européen jouit d’une véritable stabilité politique. Pour la première fois depuis longtemps, nous avons créé un système exécutif bien organisé, capable de travailler de manière efficace et dans un esprit d’entente. Notre équipe devrait fonctionner de la meilleure manière qui soit à l’avenir, ce qui nous permettra d’appliquer l’ensemble des normes du Conseil de l'Europe. Pour garantir la prééminence du droit, nous devons également éradiquer la corruption et procéder à une vaste réforme du système judiciaire.

Récemment, un juge ukrainien a fêté son anniversaire en organisant une réception somptueuse, où se pressaient des stars du rock. Ce genre de comportement n’est plus possible! Nous mettrons un terme à ce genre de pratique au moyen d’une réforme ambitieuse, sous l’égide de la Commission de Venise. Il s’agit d’assurer l’indépendance de la justice et son efficacité en évitant que les juges fassent l’objet de pressions de la part de certains milieux.

S’agissant de la lutte contre la corruption, je préside le Comité de lutte contre la corruption qui travaille à la mise en œuvre de nouvelles mesures. Elles entreront en vigueur dès que nous aurons reçu l’aval de la Commission de Venise et du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO). Nous allons adapter notre code de lois. Sa réforme, ainsi que celle du système de l’administration publique, devraient intervenir très prochainement. Nous renforcerons par ailleurs l’autonomie locale et régionale.

Il est probable que, en Ukraine comme dans cet hémicycle, certains demeurent sceptiques quant à notre volonté de nous réformer en profondeur. Ils pensent sans doute que je tiens des propos de circonstance, pour être politiquement correct. A ces sceptiques, je répondrai que j’ai été élu pour agir et non pour rêver.

Je tiendrai mes promesses. J’agirai pour cela.

Je le répète, je ne tiens pas deux sortes de discours, l’un à destination interne, l’autre pour l’étranger. Je ne pratique pas le «deux poids, deux mesures». Je vous tiens un discours responsable, soucieux des intérêts de mon pays.

Il convient d’abord de tenir compte des réalités, de faire preuve de pragmatisme, de se départir d’une approche idéologique, de refuser une attitude ne suscitant que des conflits. L’Ukraine doit redevenir un partenaire fiable. Pour cela, il convient de préserver les valeurs. Dans ce sens, nous allons revoir nos accords avec l’étranger. Nous voulons un vaste accord avec l’Union européenne, notamment pour garantir la libre circulation. Nous avons un avenir européen.

Concernant la sécurité, nous considérons que la meilleure politique pour l’Ukraine est le non-alignement sur quelque bloc que ce soit. C’est la meilleure façon de défendre nos propres intérêts.

On m’interroge souvent sur nos relations avec la Russie. C’est vrai qu’il y a beaucoup de défiance dans certains milieux, très soupçonneux à notre égard. Le 21 avril un accord a été signé. Il est ratifié aujourd’hui par le parlement ukrainien. La discussion fut un peu agitée. Mais cela s’est plutôt bien passé et au final, l’accord nécessaire a été obtenu. Il y a eu un déchaînement de passions, héritage des cinq années passées, mais la situation est en train de s’apaiser. Aujourd’hui le Parlement a aussi adopté le budget du pays.

Selon moi, les relations avec la Russie se caractérisent par l’ouverture de nouvelles opportunités. Ces relations ne signifient pas que nous négligerons les autres pays. Nous souhaitons des relations mutuellement profitables avec tous nos partenaires, la Russie et les autres. Avec la Russie, nous voulons de bonnes relations dans l’intérêt des différentes communautés, ce qui bénéficiera aussi à l’ensemble de nos partenaires. Les relations apaisées avec la Russie seront profitables pour tout le monde.

Je ne ferai pas aujourd’hui de longs développements sur le gaz. Nous avons connu un certain nombre de déboires car les accords signés par l’administration Timochenko étaient inacceptables pour l’Ukraine. C’était la fin de la compétitivité des entreprises ukrainiennes. Le prix était le plus élevé d’Europe. Nous avons donc voulu rétablir des conditions commerciales plus équitables pour payer le gaz à son juste prix. Nous avons réussi une percée sur ce dossier face à la Russie.

Nous sommes sur le point de finaliser nos discussions avec le Fonds monétaire international. J’espère que nous pourrons signer au mois de mai un nouvel accord qui portera sur les 24 à 30 mois à venir. Il ne sera pas facile à l’Ukraine de faire face car l’héritage est lourd à porter sur le plan économique. Le PIB a diminué de 15 % et la production industrielle de 20 %. La situation est au moins aussi dure que celle de la Grèce actuellement. Ne nous voilons pas la face. Il faudra trouver des solutions essentiellement internes. Si certains partenaires peuvent nous apporter un soutien, tant mieux. Nous serons toujours transparents vis-à-vis de nos partenaires étrangers.

J’en viens à nos relations avec nos partenaires stratégiques. Selon le scénario que nous avons défini, lors des premières discussions à Bruxelles, Moscou et Washington, nous devrions parvenir à établir un équilibre entre nos différents partenaires privilégiés. Nous souhaitons des relations harmonieuses avec les trois sommets de ce triangle. J’ai l’intention d’établir des partenariats stables, solides avec l’Union européenne, la Russie et les Etats-Unis d’Amérique.

Je veux élargir la base démocratique dans le pays. Les normes démocratiques nous inspireront aussi pour toute notre action extérieure. Nous sommes déterminés à appliquer les valeurs européennes. Nous voulons renforcer notre coopération avec nos partenaires européens. Nous mènerons cette action de pair avec le rétablissement de meilleures relations avec d’autres pays encore.

Il n’y aura pas de contradiction dans notre action. Si nos relations s’améliorent avec nos différents interlocuteurs, ce sera un avantage pour l’ensemble de nos partenaires aussi, que ce soit l’Union européenne ou la Russie. Vous constaterez à l’avenir que je suis un homme de parole. Quand je dis quelque chose, je le fais.

Monsieur le Président, mesdames et messieurs, j’ai essayé de faire un tour d’horizon complet. J’espère ne pas avoir abusé de votre patience. Je vous remercie de votre attention. Je répondrai volontiers à vos questions.

LE PRÉSIDENT (interprétation)

Monsieur le Président je vous remercie infiniment pour ce discours fort intéressant.

Les membres de l’Assemblée ont exprimé le souhait de vous poser des questions. Je rappelle qu’elles ne doivent pas dépasser 30 secondes. Il ne s’agit donc pas de faire des discours.

La première question est de M. Frunda, au nom du Groupe Parti populaire européen.

M. FRUNDA (Roumanie) (interprétation)

Monsieur le Président, je vous félicite pour votre élection. Je suis navré pour ce qui s’est passé aujourd’hui au sein du parlement ukrainien. Une des richesses de l’Ukraine sont les minorités nationales. Vous avez un grand nombre de communautés, des Hongrois, des Russes, etc.. Au cours des dernières années, elles ne disposaient pas de la base juridique nécessaire pour être élues au Parlement et dans les organes locaux comme représentants de leurs communautés. Leurs droits à l’éducation étaient limités, notamment pour accéder à l’université dans leur langue maternelle, qu’elles ne pouvaient pas utiliser dans leurs relations avec les autorités. Comment traiterez-vous ce problème si important dans les mois qui viennent?

M. Yanukovych, Président de l’Ukraine (interprétation)

Il s’agit d’une question très importante qui affecte toute notre société et qui a perturbé de nombreux représentants des communautés nationales ces derniers temps.

Il est vrai que ces deux dernières années, leurs droits ont été bafoués, la question qui se pose donc actuellement est la suivante: comment rétablir les droits, non seulement de la communauté russophone, mais également des Roumains, des Tatars et de toutes les minorités nationales qui vivent en Ukraine.

Nous devrons de toute évidence modifier le système, mettre en place des examens particuliers et donner la possibilité aux enfants originaires des différentes communautés de passer leurs examens dans leur langue maternelle.

Nous avons élaboré toute une série de lois qui permettront de donner effet à la Charte des langues régionales – cela n’a pas encore été fait en raison d’une trop grande politisation. J’espère donc que le Parlement les examinera et les votera le plus rapidement possible. Et je signerai, soyez-en sûrs, les décrets de promulgation qui couvriront l’ensemble du territoire. La Charte sera à ce moment-là dûment mise en œuvre.

Mme ČURDOVÁ (République Tchèque) (interprétation)

Je vous félicite, M. Yanukovych, pour votre élection comme Président de l’Ukraine.

Le Conseil de l’Europe repose sur des valeurs communes, la démocratie et la prééminence du droit; j’espère donc que l’Ukraine prendra des mesures pour promouvoir la démocratie qui s’adresse à tous les citoyens, aux hommes comme aux femmes. Dans votre langue, Ukraine et démocratie sont des termes féminins. Je ne comprends donc pas pourquoi le gouvernement ukrainien n’est composé que de ministres hommes!

Quelles mesures comptez-vous adopter pour augmenter le nombre de femmes au sein des organes décisionnels et des différentes institutions de votre pays, afin que les problèmes rencontrés par les femmes ukrainiennes soient mieux pris en compte?

M. Yanukovych, Président de l’Ukraine (interprétation)

Je suis entièrement d’accord avec vos observations. Et très honnêtement, j’ai été quelque peu surpris lorsque j’ai constaté que la coalition n’était pas en mesure de proposer à des femmes de devenir ministres. Mais c’est la démocratie, et il est très difficile pour moi d’interférer dans ce processus de nomination des ministres.

Je suis entouré de femmes brillantes qui pourraient assumer ce rôle. J’ai d’ailleurs, au sein de mon administration, trois femmes, dont deux chefs adjointes, expertes dans leur domaine, qui travaillent avec beaucoup d’efficacité. Elles assurent ainsi un équilibre entre les hommes et les femmes.

L’égalité entre les deux sexes est important dans tous les pays, et je suis certain que ce processus démocratique va s’améliorer dans un avenir proche, quand je serai en mesure de soulever cette question auprès des plus hautes instances de mon pays.

LE PRÉSIDENT (interprétation)

La parole est à Mme Brasseur, au nom de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.

Mme BRASSEUR (Luxembourg)

Je voudrais tout d’abord vous féliciter, Monsieur le Président, pour votre élection.

Il paraît qu’actuellement la glorification de Staline et l’interprétation soviétique de la Seconde Guerre mondiale deviennent monnaie courante dans votre pays. Cette tendance serait soutenue par le gouvernement, et en particulier par le ministre de l’Education.

Que comptez-vous faire, Monsieur le Président, pour mettre un terme à ces mouvements plus qu’inquiétants?

M. Yanukovych, Président de l’Ukraine (interprétation)

Je comprends votre question, mais sachez que la position du ministre de l’Education n’est pas différente de la mienne, que nos points de vue sont semblables.

Il est vrai que certains de nos concitoyens ont des opinions radicales, très extrémistes, dont nous devons tenir compte. Mais je n’ai pas entendu dire que certains d’entre eux souhaitaient élever un nouveau monument à la gloire de Staline.

Je pense que vous faites allusion à un membre de l’organisation de Parti communiste de la ville de Zaporojie qui a émis le souhait, il est vrai, d’ériger un buste de Staline «dans son jardin», si je puis dire. J’ai parlé au maire de cette ville de ce problème – qui connaît l’avis du conseil municipal – et qui entend tenir un référendum local afin que la question soit débattue publiquement.

Toutefois, la grande majorité des Ukrainiens se sont débarrassés de ces vestiges et personne n’a l’intention, je puis vous l’affirmer, d’en ériger de nouveaux!

M. MARKOV (Fédération de Russie) (interprétation)

Monsieur le Président, mon Groupe souhaite également vous présenter ses félicitations pour votre élection. Election donc nous avons été les observateurs et, si la lutte a été acharnée, votre victoire est incontestable.

Je voudrais soulever la question des nationalistes agressifs qui prônent un ultranationalisme. Et nous trouvons dans les manuels d’histoire des paroles assez lénifiantes concernant ces ultranationalistes. Que compte faire le gouvernement à cet égard?

M. Yanukovych, Président de l’Ukraine (interprétation)

Cette question se place dans le sillage de la question précédente. En effet, une petite partie de la population campe sur des positions extrémistes. Des habitants de certaines régions occidentales prônent ce genre d’opinions. Mais je le répète, la majorité des citoyens de l’Ukraine n’appuient en rien cette position. Au reste, un procès est actuellement en cours. Un débat s’est également instauré sur le sujet. Une déclaration du Parlement européen ainsi que des déclarations de nos voisins, notamment de la Pologne, condamnent de telles opinions. L’opinion publique en tirera sans nul doute des conclusions. Mais dès maintenant, on peut affirmer qu’elles seront négatives, car ni le pays ni la société ne partagent ces idées.

J’ajoute que nous avons mis en place une commission nationale qui se penche actuellement sur la question de l’élaboration de manuels de cours d’histoire pour les classes du primaire. Une fois achevé ce travail d’élaboration, ce sont des historiens et non des politiques qui participeront à la mise en place de cette action.

M. LAAKSO (Finlande) (interprétation)

Au nom de mon groupe politique, je voudrais vous féliciter pour votre élection, monsieur le Président.

Le Gouvernement finlandais compte une majorité de femmes; nous avons même dû créer un mouvement pour protéger les hommes! Mais telle n’est pas ma question.

Monsieur le Président, comme vous l’avez indiqué, les politiciens ont tendance à s’arroger le rôle des historiens. La confusion des rôles est de plus en plus fréquente, y compris au sein de notre Assemblée parlementaire. Notre Président, M. Çavuşoğlu, a rédigé un rapport qui est inscrit à l’ordre du jour de cette partie de session portant sur la grande famine. Comment jugez-vous cet épisode de l’Histoire? Je ne trouve pas normal que nous décidions par un vote de la bonne interprétation de l’Histoire. Vous-même estimez-vous qu’il soit nécessaire de voter pour établir la vérité historique?

M. Yanukovych, Président de l’Ukraine (interprétation)

Nous connaissons les territoires des pays qui ont subi ces épreuves dans les années 30. Il s’agit des anciens pays de l’ex-Union soviétique. L’Holodomor a eu lieu en Ukraine, en Russie, notamment dans les districts de Krasnodar, le long de la Volga, au Bélarus, au Kazakhstan. Ce furent là les conséquences du régime totalitaire de Staline. Toutes les régions sur les territoires desquelles a eu lieu cette grande famine l’ont reconnue. Mais reconnaître que l’Holodomor a été un génocide à l’encontre de tel ou tel peuple ne nous semblerait pas une attitude juste et appropriée. Ce fut une tragédie qui a touché l’ensemble des peuples qui appartenaient alors à l’espace soviétique.

M. BRAUN (Hongrie) (interprétation)

Monsieur le Président, la minorité hongroise en Ukraine a eu la possibilité de créer des écoles de langue hongroise au cours de ces dernières décennies. Malheureusement, les mesures qui ont été adoptées dans le domaine de l’éducation ces dernières années ont participé à détériorer la situation de cette minorité. Ainsi, la réglementation entrée en vigueur cette année a-t-elle eu un impact négatif pour cette minorité. Nous aimerions recueillir votre avis et savoir quelles sont les mesures que vous avez l’intention de prendre pour réduire l’effet des mesures prises par le gouvernement précédent.

M. Yanukovych, Président de l’Ukraine (interprétation)

J’ai toujours été contre cette politique qui porte atteinte aux langues de certains groupes ethniques et minorités en Ukraine. De toute évidence, la politique linguistique doit être bien équilibrée.

Nous allons adopter sous peu des lois qui permettront d’appliquer la Chartre européenne des langues régionales ou minoritaires. Dès qu’elles seront adoptées par le Parlement, je les signerai immédiatement et elles s’appliqueront à l’ensemble du territoire, ce qui permettra précisément de développer la culture et la langue d’un certain nombre de peuples qui vivent sur le territoire ukrainien.

M. VAREIKIS (Lituanie) (interprétation)

Monsieur le Président, vous avez indiqué à plusieurs reprises que vous souhaitiez mettre en œuvre la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, ce qui me paraît être une bonne chose. Ma question porte sur un petit groupe ethnique, les Tatars de Crimée, petite communauté qui est en train de disparaître purement et simplement. Quel est le programme que vous envisagez pour que cette nation, qui fait partie du patrimoine européen, survive?

M. Yanukovych, Président de l’Ukraine (interprétation)

Je suis d’accord avec vous pour penser que la politique de notre gouvernement ces dernières années vis-à-vis des Tatars de Crimée n’était guère appropriée et qu’il faut par conséquent la revoir. Nous souhaitons mettre en œuvre un programme national dans un avenir proche.

Celui-ci s’accompagnera de la mise en place d’une agence administrative veillant à sa bonne exécution. Je gage qu’avec l’aide du chef des Tatars de Crimée, que je connais depuis très longtemps, il en sera ainsi fait.

M. ZINGERIS (Lituanie) (interprétation)

Je vous félicite, Monsieur le Président, pour votre victoire aux dernières élections qui se sont déroulées dans des conditions équitables. Néanmoins, quid des événements qui viennent de se produire au sein du parlement ukrainien? Vont-ils devenir coutumiers alors que vous vous devez d’être le Président de tous les Ukrainiens et de travailler à l’apaisement des débats?

M. Yanukovych, Président de l’Ukraine (interprétation)

C’est la nation ukrainienne qui décidera lors des prochaines élections – notamment les élections locales de 2011 – à qui confier les rênes de son destin. Au cours des trois dernières élections, le Parti des Régions dont j’étais le président, a été victorieux. En l’occurrence, ma volonté d’unir les Ukrainiens l’emportera toujours sur les intérêts particuliers de tel ou tel groupe politique. Il est hors de question de cautionner ceux qui placent leurs intérêts avant le bien commun de la nation, ceux-là même auxquels vous faites allusion en évoquant les événements inédits dans notre histoire qui se sont déroulés au Parlement. Il n’a pas suffi à ces partis de me critiquer personnellement dès 2004: ils se sont divisés entre eux alors que j’ai, quant à moi, toujours souhaité mettre un terme à ces affrontements afin que règne cet ordre démocratique que je ne cesserai de promouvoir à travers notamment l’organisation d’élections libres et équitables.

M. GROSS (Suisse) (interprétation)

Il est manifestement plus facile de remporter des élections que d’unifier un pays. Or, le vainqueur se doit de tendre la main à ses adversaires sans attendre l’organisation des élections suivantes. Que comptez-vous faire pour aller en ce sens? S’il est vrai que jeter des œufs ne constitue pas un argument, comment envisagez-vous de surmonter les divisions qui se sont fait jour?

M. Yanukovych, Président de l’Ukraine (interprétation)

Je ne distingue pas les Ukrainiens entre eux, qu’ils soient médecins ou professeurs, qu’ils viennent de l’est ou de l’ouest. Tous aspirent à vivre dans un pays pacifié et stable où les lois sont respectées et où l’opportunisme ne l’emporte pas sur la Constitution. Mon action ira bien entendu en ce sens. Je veux rétablir la primauté du droit et des droits de l’homme dans mon pays, de même que je compte tout faire pour rétablir notre économie qui, pendant cinq ans, est partie à vau-l’eau. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour mettre rapidement en œuvre les réformes qui s’imposent.

Bientôt, nous fêterons le vingtième anniversaire de l’indépendance de l’Ukraine; depuis vingt ans mes compatriotes aspirent au changement. A la différence de mes prédécesseurs, je ne leur mentirai pas: j’agirai pour chacun d’entre eux et pour que mon pays soit considéré comme un partenaire stable sur un plan international. L’Ukraine tiendra ses engagements et elle demeurera unie derrière son Président. Le bon sens et le pragmatisme l’emporteront quels que soient les séculaires désaccords politiques que nous connaissons par ailleurs.

Mme GAUTIER (France)

Monsieur le Président, depuis votre élection, vous avez donné des gages de votre engagement européen. Des incertitudes, voire des inquiétudes demeurent toutefois sur certains points. En l’occurrence, je voudrais savoir si l’Ukraine rejoindra la Russie, le Bélarus et le Kazakhstan pour former une union douanière avec ces pays, ou si elle est déterminée à engager les réformes nécessaires à la mise en place d’une zone de libre échange avec l’Union européenne.

M. Yanukovych, Président de l’Ukraine (interprétation)

L’Ukraine a fait son choix il y a déjà quelques années, qui consistait à rejoindre l’OMC. Depuis son adhésion, le temps s’est écoulé et l’Ukraine est maintenant bien intégrée dans cette organisation.

L’Ukraine est en train de développer ses politiques en s’inspirant des principes de l’OMC. C’est la raison pour laquelle former une union douanière avec la Russie, le Bélarus et le Kazakhstan est impossible à l’heure actuelle, car les principes économiques et le statut de l’OMC ne nous permettraient pas d’adhérer à une telle union douanière. J’ai déjà répondu plusieurs fois à cette question.

Quant au développement d’une zone de libre échange avec l’Union européenne, c’est l’Ukraine qui en a pris l’initiative. Elle est appuyée par l’Union européenne. Donc, effectivement, nous nous sommes engagés sur cette voie.

LE PRÉSIDENT (interprétation)

Il nous faut maintenant mettre un terme à cette séance de questions à M. Viktor Yanukovych, que je remercie vivement pour son allocution et pour toutes les réponses qu’il a apportées aux questions des parlementaires.