Peter

Pellegrini

Premier ministre de Slovaquie

Discours prononcé devant l'Assemblée

mercredi, 27 juin 2018

 Madame la Présidente de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Monsieur le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, Monsieur le Secrétaire général de l’Assemblée parlementaire, Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée, Mesdames et Messieurs les ambassadeurs, Mesdames et Messieurs, chers amis, c’est pour moi un grand honneur de m’adresser à vous. Dans trois jours, le 30 juin 2018, nous célébrerons le 25e anniversaire de l’adhésion de la République slovaque au Conseil de l’Europe, la plus ancienne organisation internationale du continent européen.

Cet hémicycle m’est familier, puisque j’ai eu l’honneur d’y siéger pendant plusieurs années en tant que membre de la délégation permanente de la République slovaque à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. De ce fait, je suis d’autant plus heureux d’être aujourd’hui ici parmi vous, pour évoquer, en tant que Premier ministre de la République slovaque, les succès que mon pays a obtenus depuis 25 ans.

Je serai aussi très heureux de débattre avec vous des enjeux, des difficultés que connaissent aujourd’hui le Conseil de l’Europe comme le continent européen tout entier.

Tous les États membres devraient se rendre compte que le Conseil de l’Europe n'est pas un “menu à la carte” où nous ne choisissons que ce que nous voulons. Par conséquent, nous ne devrions pas nous contenter de profiter des avantages des membres.

L’importance des débats qui se déroulent ici est évidente. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, en tant que plateforme permanente de dialogue à l’échelle parlementaire est une source d’inspiration pour toutes les politiques du Conseil de l’Europe. Elle est en outre un bastion de défense de nos valeurs communes, profondément ancrées dans les principes des droits de l’homme et de la démocratie.

J’appelle votre attention sur le fondement même du Conseil de l’Europe: la protection des droits de l’homme de la paix et de la démocratie. Nous ne saurions perdre de vue le respect de ces valeurs. Nous tendons parfois à les tenir pour acquises au lieu d’y voir des privilèges que nous avons acquis lors de la fondation du Conseil de l’Europe, et dont continue de bénéficier la société européenne.

La République slovaque est parfaitement consciente de ce privilège. En tâchant de remplir les obligations parfois difficiles qui découlent de notre appartenance au Conseil de l’Europe, nous avons pu atteindre un niveau élevé de démocratie en un laps de temps relativement bref, depuis que nous avons accédé à l’indépendance en 1993.

Le Conseil de l’Europe a aidé les jeunes démocraties européennes. Il leur a apporté une aide cruciale à l’époque, parfois en leur demandant de mettre en œuvre des mesures assez strictes. Aujourd’hui, on s’aperçoit que nous avons davantage de problèmes avec les pays avec lesquels le Conseil de l’Europe a choisi de se montrer moins exigeant.

N’oublions pas, cependant, que ces nouveaux membres nous ont apporté une véritable bouffée d’air frais au moment où cette Organisation était en perte de vitesse, juste avant la chute du Rideau de fer. Le sang neuf est toujours un atout même s’il apporte des éléments imprévus ou des voix discordantes. L’entrée de nouveaux membres bénéficie à tous. Nous devons conserver cette approche aujourd’hui et pour l’avenir.

La Slovaquie a surgi sur la carte de l’Europe voici maintenant un quart de siècle. Comme toutes les jeunes démocraties, nous avons dû faire face à toute une série de transformations profondes sur le plan politique, économique, social ou concernant les valeurs fondamentales. Cette période n’a pas été facile, car un grand nombre d’éléments que nous considérions comme stables ont soudain perdu de leur pertinence et nous manquions de points d’appui et de repères.

La Slovaquie a su bâtir ses institutions, son État dans un monde complexe. Nous avons dû créer nos institutions, développer notre propre politique étrangère, notre diplomatie, nouer des liens avec la communauté internationale et tenir notre place en matière de coopération internationale sous toutes ses formes. Aujourd’hui, cette mission a été accomplie. 25 ans après notre indépendance, je puis dire, non sans fierté, que la Slovaquie est un membre à part entière et reconnu de la communauté internationale. La Slovaquie remplit ses engagements, nous contribuons à la paix, à la stabilité, à la sécurité et à la prospérité dans notre monde.

En témoignent les positions que nous avons prises sur la scène internationale et les postes que nous avons occupés: la présidence slovaque du Conseil de l’Europe en 2007, la présidence slovaque du Conseil de l’Union européenne en 2016. Le ministre des Affaires étrangères et européennes, Miroslav Lajčák, a occupé le poste de Président de l’Assemblée générale des Nations Unies pendant plusieurs mois. La Slovaquie est membre du Conseil des Nations Unies pour les droits de l’homme pour la période 2018‑2020, après avoir déjà participé aux travaux du Conseil des droits de l’homme de 2008 à 2011. Dans quelques jours, la Slovaquie succédera à la Hongrie pour occuper pour la cinquième fois la présidence du groupe de Visegrád. L’année prochaine, c’est la présidence de l’OSCE qui nous attend et qui sera l’un des principaux défis de notre diplomatie. Autant d’exemples qui témoignent de la confiance dont jouit notre jeune démocratie au sein de la communauté internationale et de la place qu’elle occupe depuis plusieurs années sur la scène internationale.

Mesdames, Messieurs, voici un quart de siècle, le Conseil de l’Europe nous a aidés à jeter les bases des structures de notre État et de notre démocratie parlementaire, conformément au principe de la prééminence du droit et du respect des libertés fondamentales et des droits de l’homme. Aujourd’hui, la Slovaquie offre à son tour à notre Organisation et à ses membres sa propre expérience, ses propres connaissances acquises lors de la transition d’une société totalitaire à une société démocratique. Nous participons activement au processus d’établissement de normes de l’Organisation pour renforcer la coopération internationale et faire face, ensemble, aux défis lancés à l’Europe d’aujourd’hui.

Après avoir évoqué le rôle qu’a joué le Conseil de l’Europe pour nous aider à renforcer la démocratie sur le continent européen, permettez‑moi de dire un mot du rôle de la Convention européenne pour la sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui est l’instrument phare du Conseil de l’Europe. L’histoire le montre, aucun État n’est parfait lorsqu’il s’agit du respect des droits de l’homme. Chaque pays connaît de temps à autre des lacunes, des défauts dans ce domaine, qu’il faut identifier et auxquels il importe de remédier. Les États doivent agir sans relâche dans le domaine des droits de l’homme. Ils doivent continûment s’efforcer de renforcer et d’améliorer le cadre législatif institutionnel et l’application des normes en matière de protection et de promotion des droits de l’homme. Tous les États membres devraient, ensemble, s’efforcer d’éviter que la Cour européenne des droits de l’homme ne se trouve confrontée à des difficultés de long terme qui finissent par avoir un effet négatif sur son fonctionnement et son efficacité.

C’est la raison pour laquelle je pense que le chemin à suivre est celui d’une application efficace de la Convention au niveau national et du plein respect des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Notre pratique en la matière, en République slovaque, nous a appris à quel point la jurisprudence de la Cour de Strasbourg peut être utile pour développer et mettre en place une législation et un processus de décision du système judiciaire, et renforcer ainsi le niveau de protection des droits de l’homme dans un État membre.

Permettez‑moi également de dire un mot des activités de la Commission européenne pour la démocratie par le droit, la Commission de Venise. Cette institution, par sa composition comme par son importance, déborde largement du cadre géographique du Conseil de l’Europe. La République slovaque est reconnaissante de la coopération et de l’assistance extrêmement compétente que lui a fournis la Commission de Venise, y compris dans son avis rendu l’année dernière qui nous a permis de traiter de la question de la désignation des juges à la Cour constitutionnelle de la République slovaque.

Je voudrais, pour reconnaître la valeur du dialogue avec les organismes du Conseil de l’Europe, souligner l’importance du GRECO, le Groupe d’États contre la corruption, et du Comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. La République slovaque s’efforce non seulement de mettre en œuvre les recommandations des organes de contrôle à l’échelle nationale, mais aussi de contribuer à leur bon fonctionnement.

Permettez‑moi d’appeler aussi votre attention sur deux autres piliers importants de l’Organisation et de citer, tout d’abord, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. C’est une institution qui contrôle, supervise le respect des normes des droits de l’homme dans les États membres. Je suis très reconnaissant à l’ancien commissaire, M. Nils Muižnieks, qui a toujours coopéré d’excellente manière avec les autorités slovaques et me réjouis de collaborer bientôt avec le nouveau Commissaire, Mme Dunja Mijatović.

Le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux est aussi un pilier très important de l’Organisation. Il ne saurait y avoir de démocratie à l’échelle nationale sans démocratie à l’échelle locale et régionale. Il est essentiel que nous entendions la voix de nos citoyens qui demandent que nous trouvions des solutions à leurs problèmes quotidiens et qui s’engagent activement dans la vie de leur pays. Cela doit être une priorité pour tous les responsables politiques. Je me félicite donc de la contribution qu’apporte le Congrès au renforcement de la démocratie et de la bonne gouvernance.

Pour la Slovaquie, la protection des droits des personnes qui appartiennent à des minorités nationales est un thème particulièrement important. Dans ce domaine, le Conseil de l’Europe mène des activités de la plus haute importance. Je salue la manifestation qui s’est déroulée la semaine dernière à l’initiative de la Présidence croate du Comité des Ministres. Nous avons célébré le 20e anniversaire de deux instruments juridiques essentiels du Conseil de l’Europe: la Convention‑cadre pour la protection des langues minoritaires et la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. La Slovaquie, dont la population est extrêmement diversifiée en termes de minorités nationales et de groupes ethniques, bénéficie grandement des compétences et de l’assistance fournies par le Comité consultatif et le Comité d’experts dans ses efforts destinés à améliorer la protection des personnes appartenant à des minorités nationales.

Je suis aussi reconnaissant au Conseil de l’Europe pour ses activités visant à améliorer le statut social des Roms, en Slovaquie comme en Europe, y compris leur inclusion sociale. Traiter des problèmes que connaissent ces communautés est une priorité à long terme du gouvernement de mon pays. Nous nous félicitons de toute suggestion émanant de la communauté internationale qui pourrait avoir un impact positif sur ce groupe. Je considère, pour ma part, que l’éducation est une donnée fondamentale pour intégrer les Roms dans la société. C’est la raison pour laquelle j’aimerais mentionner le projet conjoint du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne d’une éducation inclusive pour les enfants appartenant à ce groupe.

Un système judiciaire indépendant et fonctionnant de manière satisfaisante est un pilier fondamental en matière d’État de droit. Je me félicite du fait que le tableau de bord 2018 de la justice dans l’Union européenne ait classé la République slovaque à un niveau bien plus élevé que les années précédentes. Je me félicite également des activités de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, avec laquelle la République slovaque coopère étroitement et de manière intensive. C’est un outil particulièrement utile dans l’arsenal du Conseil de l’Europe. Cette coopération a eu, entre autres résultats, une analyse approfondie de la situation du système de justice slovaque. Les mesures qui ont été proposées par cette Commission contribueront à améliorer encore le fonctionnement du système judiciaire en Slovaquie. Nous disposerons ainsi d’un système de haute qualité, efficace et d’un coût acceptable. Il permettra à terme de rétablir et de renforcer la confiance de nos citoyens à l’égard d’un système de justice indépendant et de qualité.

Je me félicite, par ailleurs, de l’excellente coopération entre la Banque de développement du Conseil de l’Europe et la République slovaque. En juin 2018, nous avons organisé à Bratislava une réunion conjointe de cette banque multilatérale de développement européenne, la plus ancienne des institutions européennes dans ce domaine. La Slovaquie en est membre depuis 20 ans, et nous avons utilisé à la fois les moyens de financement fournis par la banque et son expérience et ses valeurs. Aujourd’hui, nous contribuons activement à ses fonds et à ses instruments de cohésion sociale.

Mesdames et Messieurs, comme d’autres États membres, la République slovaque a besoin du Conseil de l’Europe en cette époque difficile. Le populisme et l’extrémisme ont le vent en poupe, en Europe comme ailleurs dans le monde, ainsi que les nouvelles mensongères et les discours de haine. Le terrorisme, la crise des migrations ainsi que le scepticisme, la défiance du public à l’égard des institutions sont autant de facteurs qui viennent saper les principes de la démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit. Le multilatéralisme est aujourd’hui menacé par l’absence de dialogue, le manque de tolérance, l’incapacité de s’écouter les uns les autres ou le manque de volonté politique. Or ce n’est que par la collaboration, par la coopération que nous pourrons relever tous les défis qui nous sont lancés aujourd’hui.

Le Conseil de l’Europe n’est pas une exception dans ce contexte. La crise politique et financière vient saper le mandat de l’Organisation et sa capacité d’agir. Elle en perturbe le bon fonctionnement. Le 70e anniversaire de la fondation du Conseil de l’Europe que nous nous apprêtons à célébrer est donc une occasion de nous interroger et de réfléchir à nos points forts comme à nos points faibles, une occasion de définir l’orientation stratégique à suivre plutôt qu’une occasion de célébrer les accomplissements du passé. Mais il est un postulat de base pour cela: il faut que tous les États membres comprennent que le Conseil de l’Europe n’est pas un menu à la carte dans lequel chacun peut choisir le plat de son choix. Il ne faut donc pas simplement profiter des avantages qu’offre l’appartenance au Conseil de l’Europe, il est indispensable d’honorer et de respecter les obligations que nous impose le statut de membre du Conseil de l’Europe. Nous devons mettre en œuvre de façon cohérente les décisions prises par l’Organisation, conformément aux règles qu’ont acceptées l’ensemble des États membres. C’est la raison pour laquelle je me félicite de l’initiative prise par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe de poursuivre les réformes nécessaires et urgentes pour le Conseil de l’Europe.

Monsieur le Secrétaire Général, Monsieur Jagland, au nom de la République slovaque, je tiens à vous remercier pour tout ce que vous avez fait pour cette Organisation. Je suis persuadé que la volonté politique va se faire jour à l’avenir chez tous les acteurs concernés, pour mettre en œuvre la réforme globale de l’Organisation qui permettra de renforcer le Conseil de l’Europe et de mieux définir son action dans le cadre de l’architecture multilatérale moderne.

La nature d’un multilatéralisme efficace est un thème de débat qui a donné lieu à bien des discussions récemment. C’est un débat dans lequel s’opposent les tenants de ce multilatéralisme et les plus sceptiques. Promouvoir un multilatéralisme efficace est l’un des principaux piliers de la politique étrangère de la Slovaquie. Nous l’appliquons sous ses différents aspects, au Conseil de l’Europe. Mais j’aimerais souligner l’un d’entre eux, particulièrement efficace – et si simple qu’on l’oublie parfois: le Conseil de l’Europe est le type d’organisation internationale qui ne saurait être utile de la même façon à tous ses membres simultanément. Il arrive que tel ou tel État ait davantage besoin du Conseil de l’Europe, puis moins à une autre période. En d’autres termes, le Conseil de l’Europe peut offrir parfois davantage, parfois moins à un pays, suivant les périodes. Par conséquent, les membres d’une organisation internationale doivent appréhender celle‑ci non pas sous l’angle de la réponse à leurs demandes respectives à court terme, mais bien plutôt dans une autre perspective – en l’occurrence celle de savoir si cette organisation est favorable à toute la communauté de ses États membres à long terme.

La mission du Conseil de l’Europe consiste à promouvoir et protéger les droits de l’homme en Europe. Je suis préoccupé par le fait qu’aujourd’hui, cette mission se trouve compromise dans des zones touchées par des conflits armés et par des conflits gelés. Nous ne saurions accepter que les droits de l’homme et des citoyens vivant dans ces territoires soient systématiquement niés. Telle est la situation dans un pays voisin de la Slovaquie – je pense à l’Ukraine. Permettez‑moi tout d’abord de répéter que la République slovaque soutient sans réserve l’indépendance, la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans ses frontières reconnues par la communauté internationale. Nous nous félicitons des résultats des réformes qui ont été menées en Ukraine, auxquelles le Conseil de l’Europe a grandement contribué grâce au Plan d’action. Dans le même temps, j’insiste sur la nécessité de poursuivre cet effort de réforme pour mettre en œuvre de manière efficace les nouveaux textes de loi et pour veiller à ce que les réformes soient durables. La Slovaquie réaffirme son engagement de soutenir et d’aider activement l’Ukraine sur la voie du processus de réforme, y compris dans son progrès graduel pour atteindre les normes de l’Union européenne.

Au‑delà de la violence incessante dans l’Est de l’Ukraine, il existe aussi des conflits gelés – en Géorgie, en Transnistrie, dans le Haut‑Karabakh –, qui sont autant de faits qui contredisent le droit international et qui sont la preuve d’une absence de volonté politique de régler ces différends. Je voudrais me féliciter à cet égard des programmes du Conseil de l’Europe, comme les Mesures de confiance qui apportent, à nos yeux, une contribution importante au règlement pacifique des différends et à la coexistence des habitants des territoires concernés.

Depuis des siècles, la sécurité de l’Europe a été directement liée à la situation dans les Balkans occidentaux. Ce n’est donc pas une coïncidence si l’on retrouve une mention si fréquente de cette région dans les documents clés de l’Union européenne et si la politique d’élargissement est perçue comme un investissement stratégique pour la sécurité et la prospérité de l’Europe. Voilà 70 ans, alors que le souvenir de la guerre était omniprésent sur notre continent, nous avons fait un rêve ensemble. Cette idée, à l’époque, était celle d’une Europe sans frontières, une Europe dans laquelle tous les habitants pourraient vivre librement et être heureux, et dans laquelle la prééminence du droit serait un impératif fondamental. Où en sommes‑nous, aujourd’hui? Nous avons fait un chemin considérable pour nous rapprocher de cette idée. La famille européenne est désormais une réalité, puisque 28 pays – y compris d’Europe centrale – peuvent s’asseoir autour d’une même table, débattre d’une gamme très large de questions et faire des choix déterminants pour leur avenir. Pour autant, cette vision et ce rêve n’ont pas été pleinement réalisés.

C’est la raison pour laquelle la Slovaquie continuera à appuyer les efforts de réforme des pays de la région des Balkans occidentaux et à renforcer la crédibilité du processus d’adhésion à l’Union européenne. Nous estimons que cette nouvelle dynamique d’élargissement aidera les pays de la région à remplir les conditions pour être membres de l’Union européenne. Des Balkans occidentaux stables, sûrs, prospères: c’est une vision commune non seulement de l’Union européenne, mais aussi du Conseil de l’Europe, lequel apporte à cet égard une contribution importante.

Avant de conclure, j’aimerais appeler votre attention sur un sujet qui a été amplement évoqué dans cet hémicycle. La corruption constitue l’une des principales menaces à la démocratie en Europe. Ce fléau a jeté son ombre sur cette Organisation et sur un grand nombre de ses États membres. Je ne doute pas que l’Assemblée parlementaire et le Conseil de l’Europe sauront trouver la force intérieure pour régler ce problème dans la dignité. On dit souvent de la corruption qu’elle est le «cancer» d’une société, et nul parmi nous ne peut prétendre être immunisé contre cette maladie. J’en veux pour preuve les événements récents qui se sont produits dans mon pays. Nous considérons que dans la lutte pour préserver et rétablir la confiance des citoyens à l’égard de l’État de droit, des institutions indépendantes et efficaces, une société civile active ainsi que des médias libres sont des partenaires. Le Conseil de l’Europe, avec son expérience et son savoir‑faire, doit jouer un rôle majeur dans ce processus.

Je voudrais maintenant exprimer mon appui au rôle essentiel que jouent l’Assemblée parlementaire et le Conseil de l’Europe pour protéger la démocratie sur l’ensemble du continent européen. Vos activités et vos idées nouvelles sont cruciales, afin de surmonter toutes les difficultés auxquelles nous sommes confrontés ensemble. Mais nous n’atteindrons cet objectif que par la coopération entre les parlementaires et les gouvernements d’une part, entre la société civile et les autres parties prenantes d’autre part. Cette vision de respect mutuel et de tolérance était celle d’Alexandre Dubček, figure politique de premier plan de la Tchécoslovaquie et de la Slovaquie au XXe siècle. On disait de lui qu’il était le visage du Printemps de Prague. Il fut aussi lauréat du Prix Sakharov. J’aurai tout à l’heure, à l’issue de notre débat, l’honneur de dévoiler un buste d’Alexandre Dubček, don de la République slovaque au Conseil de l’Europe.

LA PRÉSIDENTE

Monsieur le Premier ministre, je vous remercie de votre discours qui a vivement intéressé les membres de notre Assemblée. Un nombre important de collègues ont exprimé le souhait de vous poser des questions. Je vous rappelle que les questions ne doivent pas dépasser 30 secondes et que vous devez poser une question et non faire un discours.

Nous commençons par les porte‑paroles des groupes.

M. VAREIKIS (Lituanie), porte‑parole du Groupe du Parti populaire européen (interprétation)

Vous avez indiqué que vous présideriez bientôt le groupe des quatre de Visegrád. Dernièrement, ces pays ont pris des décisions et exprimé des opinions assez différentes de celles de la majorité des États membres de l’Union européenne. Ce groupe de Visegrád est‑il une simple zone de coopération, ou vise‑t‑il vraiment à devenir une alternative à l’intégration de l’Union européenne?

M. Pellegrini, Premier ministre de Slovaquie (interprétation)

La Slovaquie prendra effectivement la présidence du V4, début juillet. Notre volonté est de rapprocher à nouveau ce groupe de l’Union européenne, donc d’ouvrir une nouvelle phase pro‑européenne. Le groupe de Visegrád n’est pas une alternative à l’Union européenne, évidemment. C’est un sous‑groupe, dans l’Union européenne. Mais il est bon que les pays d’Europe centrale fassent entendre leur voix et qu’ils essaient de trouver des positions consensuelles, car il est intéressant d’avoir une vue régionale plutôt que des vues individuelles. Notre présidence, en tout cas, aura pour devise de représenter un groupe de Visegrád dynamique en faveur de l’Europe, fondé sur trois piliers: la sécurité en Europe, la prospérité économique et des solutions novatrices.

Telles sont les idées que nous mettrons en avant pendant notre présidence.

Nous organiserons de nombreuses réunions de format «V4 plus». À l’automne, il y aura un «V4 plus Allemagne», un «V4 plus France». Nous élargirons le cadre, de manière à être mieux placés pour répondre aux défis de l’heure. Dans la situation actuelle, le V4 n’est nullement un groupe retranché sur lui‑même et défendant des positions diamétralement opposées à celles de la majorité des pays européens.

Ces derniers mois, nous constatons d’ailleurs que certains pays ont des positions qui se rapprochent de celles des pays du groupe de Visegrád. Nous ne sommes donc pas seuls à penser comme nous pensons. Les V4, dont la Slovaquie, sont membres de l’Union européenne, du Conseil de l’Europe, de l’Otan. Nous écoutons les opinions d’autrui, mais nous avons aussi le droit de défendre nos propres idées ensemble et d’essayer d’avoir une vision commune de l’avenir de l’Europe.

Lord ANDERSON (Royaume‑Un), porte‑parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts (interprétation)

Monsieur le Premier ministre, bienvenue chez vous, bienvenue ici, dans l’hémicycle de l’Assemblée parlementaire. Comme nous chérirons le buste du Alexandre Dubček!

Monsieur le Premier ministre, vous l’avez rappelé, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, l’Ecri, a conclu que la République slovaque n’avait pas donné suite aux recommandations qu’elle avait émises à son encontre en 2014 sur le racisme et l’intolérance, y compris dans le cadre des discours politiques. Quelles mesures votre gouvernement a‑t‑il prises pour faire en sorte que ces conclusions du rapport d’évaluation de 2019 soient suivies d’effets plus positifs?

M. Pellegrini, Premier ministre de Slovaquie

Je suis ravi de vous revoir, moi aussi. Je me souviens fort bien de vous. Durant toute une période, j’étais membre de la délégation de la République slovaque.

En République slovaque, nous sommes pleinement conscients du fait que certaines lacunes restent à combler dans les domaines que vous avez évoqués, mais nous essayons vraiment de remédier à toutes les lacunes qui sont évoquées dans le rapport. Nous travaillons en étroite coopération avec le secrétariat de l’Ecri et nous mettons tout en œuvre pour que l’évaluation qui sera réalisée en 2019 donne lieu à des conclusions beaucoup plus positives. J’espère qu’il sera indiqué dans le rapport que nombre des problèmes auxquels nous étions confrontés par le passé ont été réglés. Soyez‑en assuré, la République slovaque mettra tout en œuvre pour rectifier la situation. Je suis absolument convaincu que lorsque nous nous pencherons sur le rapport de 2019, nous constaterons qu’il n’est plus nécessaire de discuter de toutes ces questions. Nous adoptons une multiplicité de mesures visant à remédier à ces points soulevés dans le rapport antérieur.

Lord RUSSELL (Royaume‑Uni ), porte‑parole du Groupe des conservateurs européens (interprétation)

Monsieur le Premier ministre, permettez‑moi tout d’abord de vous féliciter pour votre capacité à prononcer des mots fort difficiles dans la langue anglaise.

Il est vrai qu’il existe des partis extrêmement déplaisants. Pensez‑vous que la présence en Slovaquie d’un parti pratiquement néonazi, le Parti du peuple, dirigé par Marian Kotleba, troisième parti dans les sondages, permet d’avoir une démocratie équilibrée? Êtes‑vous préoccupé? Comment expliquez-vous ce degré de soutien à ce parti?

M. Pellegrini, Premier ministre de Slovaquie

Cher parlementaire, le problème n’est pas propre à la Slovaquie. Des tendances semblables se font jour dans d’autres pays d’Europe. Il faut en être conscient pour que cette tendance ne se poursuive pas, vous avez parfaitement raison. En Slovaquie, nous avons le parti que vous avez cité et dont vous avez fort bien prononcé le nom du dirigeant, parti qui n’éprouve aucune honte à revendiquer des valeurs qui n’ont rien à voir avec celles du Conseil de l’Europe. Cette formation populiste qui propose des solutions simples et même simplistes compte sur sa popularité auprès d’une partie de nos citoyens.

J’appelle toutefois votre attention sur le fait que si son dirigeant avait réussi à se faire élire à la tête d’une région autonome, durant quatre ans, nous avons œuvré pour expliquer ce qu’il en était et, au cours de l’année écoulée, et c’est un autre candidat qui a remporté les nouvelles élections. C’est un message positif. Les Slovaques ont compris que ce n’était pas la voie à suivre. Ils ont élu un candidat démocrate gouverneur de cette région autonome. Nous ferons de même au niveau central pour réduire son influence et l’éliminer de l’espace politique.

Pour ce faire, les partis politiques classiques doivent tenir leurs promesses à l’égard des citoyens et aborder des sujets qui les préoccupent. Obtenir des résultats est le seul moyen de lutter contre le populisme. Ne pas tenir les promesses, ne pas fournir les résultats attendus, c’est ouvrir la voie aux solutions simplistes dont se réclament les populistes, les fascistes, en Slovaquie ou ailleurs. C’est notre responsabilité. Nous devons travailler sans relâche pour tenir parole, offrir les résultats attendus de nos citoyens. C’est ainsi qu’ils auront confiance dans les partis politiques classiques et les institutions démocratiques et qu’ils défendront les valeurs démocratiques.

M. JØRGENSEN (Danemark), porte‑parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (interprétation)

Monsieur le Premier ministre, il y a quatre mois, un jeune journaliste, Ján Kuciak, et sa fiancée, Martina Kusnirová, ont été sauvagement assassinés chez eux. Ils dénonçaient des liens financiers entre certains membres du gouvernement et responsables du pays avec la mafia italienne. Comment entendez‑vous poursuivre les auteurs de ces crimes, garantir la liberté de la presse et la sécurité des journalistes dans votre pays?

M. Pellegrini, Premier ministre de Slovaquie (interprétation)

Permettez‑moi de vous rappeler qu’avant cet événement tragique, la Slovaquie occupait le 17e rang mondial en ce qui concerne le soutien apporté aux journalistes et à la liberté d’expression. Nombre de pays dans lesquels la démocratie est bien établie étaient moins bien classés. Par ailleurs, mon gouvernement n’adoptera aucune mesure qui aurait pour effet de limiter la liberté d’expression et en particulier la liberté des journalistes. Aucune censure n’est exercée en Slovaquie. Dans les médias traditionnels comme sur le web, les journalistes travaillent tout à fait librement.

L’assassinat d’un journaliste et de sa fiancée est un événement tragique. Malheureusement, il est difficile d’empêcher un meurtre avec préméditation. Cependant, mon gouvernement fait tout ce qui est possible pour empêcher que des menaces pèsent sur les journalistes et il incite la police à être plus active encore pour éviter ces menaces.

Tout crime doit faire l’objet de poursuites. Il est vrai que, lorsqu’il s’agit du meurtre d’un journaliste, nous devons être plus déterminés encore à traduire les coupables en justice. Quiconque tenterait d’empêcher l’enquête de progresser serait immédiatement dénoncé, et de toute façon il ne parviendrait pas à ses fins, car nous voulons savoir qui sont les meurtriers. Malheureusement, nous ne pouvons pas savoir combien de temps durera l’enquête. Nous avons mis en place une équipe formée de nombreux enquêteurs, qui travaille avec des partenaires internationaux, notamment avec la police italienne, l’Office européen de police (Europol), le FBI et la police néerlandaise. Nous menons une action tous azimuts, qui implique des experts très compétents. Nous ferons tout pour faire éclater la vérité, et grâce à cette action, nous la connaîtrons un jour.

Les libertés sont respectées en Slovaquie, qui demeure l’un des pays les plus surs de la planète pour les journalistes, un pays démocratique, fier d’être membre de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe.

M. PSYCHOGIOS (Grèce ), porte‑parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne (interprétation)

Depuis le début du mois de juin 2018, la République slovaque, n’a reçu, semble‑t‑il, que 16 réfugiés sur les 902 qu’elle devait accueillir. Je vous renvoie aux résolutions du Conseil de l’Europe et aux arrêts rendus qui prévoient la réinstallation d’un certain nombre de réfugiés. Vous parlez du besoin de trouver des solutions communes fondées sur le principe de la solidarité, qui est au cœur du Conseil de l’Europe. Quels commentaires pouvez‑vous faire sur ce sujet?

M. Pellegrini, Premier ministre de Slovaquie (interprétation)

La République slovaque s’est dotée d’une législation qui régit les procédures d’octroi de l’asile, qui est, bien entendu, conforme aux normes européennes. Si nous avons accueilli un petit nombre de réfugiés, c’est sans doute que, alors même que la République slovaque est un pays prospère, les réfugiés ne la retiennent pas comme pays de destination. Ils ne souhaitent pas venir s’y installer.

Vous servir de ce chiffre comme étalon de la capacité de la République slovaque à faire preuve de sa solidarité ne me paraît pas très juste. En effet, nous sommes solidaires de bien d’autres manières. Ainsi, nous aidons les chrétiens de Syrie: nous avons fait venir des familles entières en République slovaque, dont certaines ont choisi de rester, d’autres de retourner en Syrie. Nous aidons nos voisins, en déployant des moyens techniques, financiers et humains. Nous avons proposé nos mécanismes d’octroi d’asile à nos collègues autrichiens et nous avons ainsi examiné les dossiers de 200 demandeurs d’asile que l’Autriche, à l’époque, ne pouvait pas traiter.

La République slovaque est un pays solidaire, mais nous avons notre propre façon d’exercer cette solidarité. Celle‑ci ne se mesure pas seulement au nombre de demandeurs d’asile qui ont vu leur demande acceptée ou au nombre de personnes qui choisissent de venir dans un pays.

Mme GAMBARO (Italie ), porte‑parole du Groupe des démocrates libres (interprétation)

Monsieur le Premier ministre, la Slovaquie va assumer la présidence du groupe de Visegrád. Quelles seront vos priorités, étant donné que l’expérience des quatre membres de ce groupe et la politique d’élargissement sont essentiels pour les pays des Balkans occidentaux dans la perspective de l’adhésion à l’Union européenne? L’intégration des pays des Balkans occidentaux n’est pas seulement un enjeu économique, mais aussi une question très importante sur le plan de la politique et de la sécurité, pour eux comme pour l’ensemble de l’Union européenne.

M. Pellegrini, Premier ministre de Slovaquie (interprétation)

Je souhaite confirmer que la présidence slovaque du Groupe de Visegrád aura pour priorité la poursuite de l’intégration des pays des Balkans occidentaux. Nous sommes absolument persuadés que l’avenir de ces pays devrait se situer dans l’Union européenne, ce qui leur permettra de progresser vers la prospérité et de construire un avenir commun.

Nous devons définir une vision claire au sein du Groupe de Visegrád pour ces pays. Nous devons leur montrer ce qu’ils doivent faire pour adhérer à l’Union européenne. À défaut, nous courons le risque que les citoyens de ces pays pensent que tout est acquis, qu’ils adhéreront sans se réformer. C’est la raison pour laquelle les quatre pays du Groupe de Visegrád, lors du sommet à Sofia, ont déclaré clairement qu’ils ne pensent pas qu’il serait correct d’exclure l’année 2025, qui était mentionnée dans le document initial. Ce document a été adopté sans que cette date apparaisse, mais je pense que ce n’est pas une décision avisée. En effet, si ces pays réalisent le travail nécessaire pour remplir tous les critères requis, ils devraient recevoir de l’Union européenne une réponse claire leur garantissant qu’ils peuvent en devenir des membres à part entière.

Je ne suis pas d’accord avec des pays qui donnent des signaux différents aux pays de l’ouest des Balkans, affirmant par exemple que l’Union européenne a déjà suffisamment de difficultés internes pour songer à un nouvel élargissement. Je ne pense pas que nous puissions tenir un discours de ce genre aux pays de l’ouest des Balkans. C’est pourquoi les pays du V4 continueront à promouvoir activement l’intégration des pays des Balkans occidentaux au sein de l’Union européenne.

LA PRÉSIDENTE 

Je vous propose, Monsieur le Premier ministre, de répondre maintenant à des séries de trois ou quatre questions.

Mme DURANTON (France)

Je vous souhaite la bienvenue, Monsieur le Premier ministre. Vous avez déjà répondu à la question que je voulais poser en répondant à M. Jørgensen.

Mme SCHOU (Norvège) (interprétation)

Au cours des deux derniers mois, en Slovquie, un nombre alarmant de journalistes sont partis de la chaîne de télévision et de radio publique RTVS. Certains sont partis de leur propre gré, d’autres ont évoqué l’influence politique indue à laquelle ces chaînes étaient indûment soumises. Que pensez‑vous de cette situation, qui a provoqué la réaction de nombreuses organisations de la société civile?

M. HAJDUKOVIĆ (Croatie) (interprétation)

Monsieur le Premier ministre, vous avez indiqué, dans votre intervention, que vous continueriez à encourager les pays des Balkans à mener des réformes pour préparer leur adhésion à l’Union européenne et à promouvoir le choix de l’Europe. Mais la question, à ce stade, est de savoir si l’Union européenne est prête à les accueillir, et non l’inverse. Vous dites qu’il n’y a pas de vision européenne claire, auquel cas ils pourraient se tourner vers d’autres horizons. J’aimerais donc savoir ce que vous ferez précisément. Vous parlez de promouvoir cette approche, mais ce terme est assez vaste: quelles mesures prendrez‑vous précisément, en tant qu’État membre, pour soutenir leur adhésion et leur cheminement vers l’adhésion?

M. HOWELL (Royaume‑Uni) (interprétation)

La République slovaque a récemment fait face à un grand scandale de corruption; il y aurait eu des notes en lien avec une forme de fraude fiscale. Pouvez‑vous nous dire s’il s’agit d’un phénomène de grande ampleur en Slovaquie à l’heure actuelle?

M. Pellegrini, Premier ministre de Slovaquie (interprétation)

Pour ce qui est de la situation que vous évoquez au sein des chaînes de télévision et de radio, l’équipe de la télévision slovaque qui m’accompagne a sans doute été ravie de vous entendre poser cette question! La télévision et la radio slovaques sont des organisations publiques, dont les activités sont financées par les contribuables eux‑mêmes. L’État n’assure un financement que si cela s’avère nécessaire. C’est ainsi qu’est garantie l’indépendance de cette institution. Les autorités politiques n’ont aucun moyen d’exercer un contrôle sur la télévision et la radio publiques. Sachez que la personne à la tête de ces services de radio et de télévision publiques est élue par le parlement.

Cette institution compte des milliers d’employés; une douzaine d’entre eux, peut‑être, sont partis, soit qu’on les ait remerciés, soit qu’ils soient partis de leur plein gré, mais cela n’aura pas d’incidence sur la façon dont cette institution est gérée. Ceux qui sont restés ont indiqué que personne ne les muselait ni ne les empêchait de dire ou de publier ce qu’ils souhaitaient. La situation au sein de la radio et de la télévision slovaques est stabilisée. Ces chaînes sont considérées comme les chaînes d’information les plus crédibles en République slovaque.

Les cas de fraude fiscale. La République slovaque a pris un nombre considérable de mesures en vue de lutter contre la fraude fiscale, notamment pour ce qui est de la fraude à la TVA. Un certain nombre de lois ont été votées, des mesures techniques ont également été adoptées pour empêcher la fraude de type «carrousel». Il faut veiller à ce qu’aucune atteinte ne soit portée à l’intégrité du système. Nous le constatons dans les chiffres: des millions d’euros alimentent désormais notre budget, bien plus aujourd’hui que ce n’était le cas avant que nous ne prenions ces mesures. Je suis donc très satisfait de pouvoir dire que nous avons vu notre lutte couronnée de succès. Dans les pays voisins, des mesures similaires sont adoptées parce qu’elles ont fait leurs preuves.

J’en viens maintenant à la situation dans les Balkans occidentaux. Nous devons soutenir la Croatie, qui doit devenir, à terme, membre de l’Espace Schengen. Nous devons soutenir également la Roumanie et la Bulgarie pour que ces pays aussi rejoignent l’Espace Schengen. Sur le plan technique, je pense que la Croatie est prête; sur le plan stratégique, il serait beaucoup plus efficace que nous puissions repousser notre frontière au sud. Cela nous permettrait de faire face à un certain nombre de défis. Nous soutenons donc les aspirations de la Croatie. Ce que j’ai dit à propos des pays des Balkans occidentaux vaut pour la Croatie: s’il y a conformité avec les exigences, il ne faut pas empêcher ce pays de devenir membre.

M. GHILETCHI (République de Moldova) (interprétation)

Monsieur le Premier ministre, je remercie votre pays de soutenir la République de Moldova, notamment lorsque, récemment, l’Assemblée générale de l’Onu a adopté une résolution sur la présence de troupes russes sur notre territoire. Vous avez d’ailleurs parlé de la Transnistrie: que pourrait‑on faire pour que la Fédération de Russie applique ses engagements internationaux et retire ses troupes d’une partie du territoire de la République de Moldova?

M. FOURNIER (France )

Plusieurs ONG, dont Amnesty International, dénoncent la discrimination et les violences policières que subissent les Roms en République slovaque. Comment réagit le Gouvernement slovaque face à cela?

M. HUNKO (Allemagne) (interprétation)

Ma question porte sur les sanctions contre la Fédération de Russie au Conseil de l’Union; elles seront sans doute prolongées. Cela doit être décidé à l’unanimité mais dans mon pays, en Allemagne, de plus en plus de personnes disent qu’il est temps de commencer à démanteler cet arsenal de sanctions, voire de les supprimer. Quel est le sentiment en Slovaquie à ce propos?

M. Pellegrini, Premier ministre de Slovaquie

Merci pour vos propos, Monsieur Ghiletchi. S’agissant de la République de Moldova, la Slovaquie reste déterminée à aider votre pays pour que celui‑ci se rapproche de l’Europe et de l’Union européenne.

Le problème que vous évoquez est en effet très complexe. Au nom de mon pays, je peux vous affirmer que nous privilégions toujours la voie de la paix et du dialogue. C’est la seule façon de résoudre ces problèmes qui durent depuis bien longtemps. Je crains qu’en essayant d’accroître la pression, on ne fasse empirer la situation sur place. Je pense qu’il faut essayer, au Conseil de l’Europe et ailleurs, d’exercer une influence pour trouver des solutions diplomatiques. En tout cas, il faut toujours rechercher des solutions diplomatiques.

Concernant les Roms, la Slovaquie héberge effectivement une communauté rom, qui est libre de vivre comme elle l’entend, selon ses us et coutumes, dès lors qu’elle respecte la loi. Cela vaut d’ailleurs pour tout le monde. Chacun, sur le territoire de la Slovaquie, doit respecter la loi. Si quelqu’un l’enfreint, qu’il s’agisse d’un Slovaque, d’un étranger venu d’Allemagne ou d’un Rom, peu importe, l’infraction doit être réprimée.

En matière de lutte contre la criminalité, nous ne faisons aucune distinction. Nous réprimons tous les crimes et poursuivons tous les criminels. Je ne pense pas que la moindre statistique pourrait démontrer que nous sommes spécialement hostiles ou répressifs à l’égard des Roms plus qu’à l’égard d’autres communautés. Il est vrai que lorsqu’un incident se produit, on en parle longtemps. Un an, deux ans, trois ans après les faits, on en parle toujours. Sachez que nous faisons le maximum pour intégrer au mieux la communauté rom au sein de la société slovaque. Nous agissons en particulier au niveau des enfants. Nous essayons de les faire sortir des cercles vicieux de la non‑scolarisation. Nous essayons de les éduquer au mieux. En tout cas je crois qu’il ne se passe rien de terrible vis‑à‑vis des Roms en Slovaquie. Je le répète, lorsque des crimes ou des infractions sont commis, nous réagissons quels qu’en soient les auteurs.

En ce qui concerne les sanctions vis‑à‑vis de la Fédération de Russie, la Slovaquie soutient depuis longtemps la thèse selon laquelle ces sanctions n’ont pas eu d’effets positifs mesurables. Elles n’ont certainement pas amélioré les relations entre la Fédération de Russie et l’Union européenne. Bien au contraire, ces sanctions ont provoqué des dégâts politiques et économiques. Certaines entreprises ont perdu des marchés importants, elles ont perdu leurs débouchés en Fédération de Russie. Loin de produire des effets positifs, ces sanctions ont surtout compliqué les choses à nos yeux. Voilà pourquoi nous pensons qu’il serait bon de réexaminer la question, et d’envisager un dialogue constructif plutôt que de prolonger des sanctions sans effets, voire délétères, tant pour notre économie que pour l’économie russe.

LA PRÉSIDENTE (interprétation)

Nous devons maintenant mettre fin aux questions à M. Pellegrini. Monsieur le Premier ministre, merci beaucoup pour votre intervention passionnante. J’ai en particulier apprécié vos propos sur l’impossibilité d’être membre «à la carte» ainsi que sur la mise en œuvre effective des conventions, en particulier la Convention européenne des droits de l’homme, et le respect des décisions de la juridiction de Strasbourg. Je souhaite à la République de Slovaquie encore au moins 25 ans d’appartenance fructueuse à notre Organisation!