David

Cameron

Premier ministre du Royaume-Uni

Discours prononcé devant l'Assemblée

mercredi, 25 janvier 2012

Merci, Monsieur le Président, pour vos très aimables paroles.

Une fois par génération, chaque membre a l’honneur de diriger le Conseil de l’Europe. Aujourd’hui, je veux vous entretenir de cette chance qui nous est offerte d’améliorer ensemble la manière dont nous entendons faire progresser la cause des droits de l’homme, de la liberté et de la dignité. Notre agenda pour les mois à venir est ambitieux: nous voulons renforcer la démocratie locale, lutter contre la discrimination et renforcer l’État de droit partout en Europe. Mais la priorité de notre présidence porte sur cet effort commun que nous voulons engager pour réformer la Cour européenne des droits de l’homme. Le rôle de la Cour n’a jamais été plus précieux et plus difficile. Au fur et à mesure que le Conseil a grandi, un nombre croissant de personnes demandent justice et il nous appartient d’agir ensemble pour que la Cour reste fidèle à son objectif initial, qui est de défendre la Convention et de prévenir la violation des droits de l’homme. Je voudrais expliquer pourquoi la Cour doit être réformée et j’aimerais à cette fin avancer quelques propositions.

Auparavant, laissez-moi vous dire que les droits de l’homme sont chers au cœur des Britanniques depuis longtemps. Au XIIIe siècle, la Magna carta a précisé des droits pour les citoyens, y compris le droit à la liberté par rapport à la détention illégale. Au XVIIe siècle, la Petition of Right a donné une nouvelle autorité au Parlement et la Bill of Rights a fixé des limites au pouvoir de la monarchie. Au XVIIIe siècle, cet esprit de liberté était si profondément ancré dans notre Constitution et si enraciné dans notre sol qu’un esclave, au moment où il arrivait en Angleterre, tombait, disait-on, sous la protection des lois et, au regard de tous les droits naturels, devenait immédiatement un homme libre. C’est cet esprit qui a conduit à l’abolition de l’esclavage, qui nous a poussés à lutter contre la tyrannie au cours des deux guerres mondiales et qui a inspiré Winston Churchill qui a promis que la fin de la bataille mondiale serait le couronnement des droits de l’homme. Comme il le disait, dans cette guerre, la victoire fut celle d’un idéal fondé sur les droits de l’homme, la dignité de l’être humain et la conception d’un État serviteur plutôt que maître de son peuple. C’est cette foi qui a animé le peuple britannique pendant des siècles et qui continue à l’animer aujourd’hui.

A l’arrivée du Printemps arabe, le Royaume-Uni a été le principal défenseur des résolutions déposées devant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Il a joué un rôle de leader parmi ses partenaires pour faire pression sur la Syrie. Il a joué un rôle clé pour que des sanctions soient prises contre l’Iran et, par le biais des Nations Unies, nous avons œuvré pour donner davantage de pouvoir aux femmes en Afghanistan, en Irak et au Moyen-Orient. Nous avons apporté un financement supplémentaire au Fonds spécial pour la prévention de la torture et nous contribuons également au Fonds du Conseil de l’Europe pour les droits de l’homme. Tout cela montre bien combien les droits de l’homme sont précieux à nos yeux et combien nous voulons les défendre par nos actions. Lorsque le peuple libyen a voulu saisir sa chance et forger son propre destin, nous sommes allés l’aider avec nos alliés. A Tripoli, il y a quelques mois, j’ai vu des gens heureux d’avoir recouvré leur liberté et je me suis alors souvenu de Margaret Thatcher qui disait que «l’esprit de la liberté est trop fort pour être écrasé par les chars des tyrans.» Notre espoir est que cet esprit de liberté s’étende davantage encore, partout dans le monde arabe. Jamais nous ne resterons silencieux lorsque les droits de l’homme seront violés.

Cela a beaucoup à voir avec le caractère national britannique, avec notre amour de la liberté et notre haine de toute autorité trop puissante. Mais il est également de notre intérêt national de pouvoir vivre, voyager, commercer de manière ouverte et dans un monde sûr. Lorsqu’un gouvernement respecte les droits de l’homme de ses citoyens, il devient un pays stable et c’est bien pour tous. Comme Vaclav Havel l’avait dit en d’excellents termes: «sans citoyens libres, respectueux d’eux-mêmes et autonomes, il ne peut y avoir de nation libre et indépendante. Sans paix interne, c’est-à-dire sans paix entre les citoyens et entre les citoyens et l’État – il ne peut y avoir de garantie d’une paix extérieure.» En d’autres termes, s’engager pour les droits de l’homme est juste, à la fois sur le plan moral et sur le plan stratégique.

Je voudrais que personne ici ne puisse douter de l’engagement du Royaume-Uni dans la défense les droits de l’homme. Je voudrais que personne ne puisse douter de notre conviction que le Conseil de l’Europe, la Convention et la Cour ont un rôle vital à jouer pour défendre ces droits. Mais croire à tout cela ne signifie pas pour autant maintenir le statu quo et c’est bien pourquoi nous pensons que le moment est maintenant venu de poser des questions sérieuses sur le mode de fonctionnement de la Cour.

La Convention a été rédigée il y a plus de soixante ans. Elle est née sur un continent qui venait de se libérer du totalitarisme, qui était choqué par la brutalité de l’Holocauste, révulsé face à l’inhumanité dont l’homme avait fait preuve à l’égard de l’homme. Son objectif était donc très clair: protéger les droits de l’homme partout sur le continent. Elle a permis d’obtenir beaucoup au fil des décennies, qu’il s’agisse de la torture ou des détentions policières. Elle a rendu les États plus responsables et, depuis la chute du mur de Berlin, elle a joué un rôle important dans le renforcement de la démocratie en Europe centrale et orientale.

Alors, ne nous souvenons pas simplement de l’oppression et de la brutalité du passé. Regardons la situation d’aujourd’hui et voyons par exemple le Bélarus, où des gens sont en prison en raison de leurs convictions politiques, où les dissidents sont condamnés au silence et où leurs droits sont violés. Tout cela montre combien est importante la Convention, combien sont importants le Conseil et la Cour. Cela nous rappelle qu’aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin d’une Cour qui soit un phare pour la cause des droits de l’homme et qui défende sans relâche la liberté et la dignité partout sur le continent et dans le monde.

C’est dans cet esprit que je viens aujourd’hui m’adresser à vous, sachant qu’aujourd’hui la capacité de la Cour à jouer ce rôle vital est menacée pour plusieurs raisons. Tout d’abord, on demande à la Cour de trop faire, ce qui compromet sa capacité de travail. Il y a en effet une inflation massive du nombre des requêtes. Au cours des quarante premières années de son existence, la Cour a examiné 45 000 requêtes. En 2010 – en une année seulement! – 61 300 requêtes ont été déposées. D’où un arriéré de plus de 160 000 requêtes. Les traiter demanderait plusieurs années, ce qui signifie que des dizaines de milliers de personnes attendent et se retrouvent quelque part en suspens, parfois dans des situations terriblement difficiles de détention, de tortures, de violations de leurs droits fondamentaux.

Soyons clairs, des mesures importantes ont déjà été prises pour filtrer les cas irrecevables de façon rapide. La Cour doit en être félicitée. Mais un nouveau problème apparaît, car l’arriéré se compose de plus en plus de requêtes irrecevables qui, selon les critères actuels, doivent cependant être pleinement entendues. Bien sûr, la Cour a mis en place un système pour fixer des priorités en choisissant les cas les plus importants, mais le simple volume des requêtes risque de faire traîner les choses et d’empêcher ainsi la Cour de lutter efficacement contre les violations les plus sérieuses des droits de l’homme.

J’en arrive au deuxième problème: la Cour sauvegarde le droit de la requête individuelle très correctement – un principe auquel le Royaume-Uni est très attaché. Mais il y a quand même le risque que la Cour devienne ainsi une quatrième instance, après une première audience devant un tribunal, un appel, une audience devant une cour suprême ou constitutionnelle. Cerise sur le gâteau, la Cour est là pour ceux qui ne sont pas satisfaits d’une décision de justice prise sur le plan national, et ce même si l’arrêt rendu est raisonnable, bien fondé et conforme à la Convention. La Cour doit pouvoir se protéger contre ces cas qui ne doivent être traités qu’au niveau national.

Un bon départ a été pris avec le Protocole 14 qui précise que les requêtes sont irrecevables dès lors que le requérant ne peut invoquer un dommage significatif pour lui. Un requérant avait demandé 90 euros à une société d’autobus parce qu’il estimait que son voyage de Bucarest à Madrid n’avait pas été aussi confortable que précisé dans la petite annonce. Les tribunaux nationaux ayant refusé sa requête, il s’est adressé à la Cour de Strasbourg! Ce n’est pas le genre d’affaire que la Cour devrait entendre. La Cour a rejeté, bien sûr, cette requête, à juste titre, mais ce cas montre combien il est important pour la Cour d’avoir le pouvoir de contrôler les cas qui lui sont soumis.

Troisième problème, la Cour veut veiller à ce que, dans les 47 États membres, des normes identiques soient appliquées pour la défense des droits. Il en résulte parfois l’impression, pour les gouvernements nationaux, que la marge d’appréciation qui permet différentes interprétations de la Convention s’est rétrécie et que l’on ne prend pas suffisamment en compte les décisions démocratiques des parlements nationaux. Il en résulte aussi des controverses.

Vous savez qu’il y a un débat très vif au Royaume-Uni sur la manière dont les droits de l’homme doivent fonctionner et sur la manière dont les tribunaux nationaux doivent interagir avec l’Europe. Il y a une interprétation erronée de cette question, et une grande inquiétude sur le plan démocratique, par exemple pour la question du vote des prisonniers. Je comprends parfaitement le propos de la Cour lorsqu’elle dit qu’une décision nationale correcte doit être prise mais, en définitive, je pense que nous avons ici une question qui a été examinée dans un débat démocratique raisonnable, soigneusement étudiée par les tribunaux nationaux conformément à la Convention, et que la décision prise par les tribunaux nationaux doit être traitée avec respect.

Autre exemple sur lequel nous tomberons tous d’accord, je pense: l’immigration. A Izmir, nous avons collectivement invité la Cour à éviter d’intervenir en la matière, sauf dans les cas les plus exceptionnels. Tous les États ont reconnu que la Cour, dans certains cas, allait peut-être un peu trop vite pour substituer ses arrêts aux décisions prises au niveau national. Nous estimons que ce n’est pas son rôle. En d’autres termes, la Cour ne doit pas être vue comme un tribunal de l’immigration.

Protéger un pays contre le terrorisme est l’une des tâches les plus importantes de tout gouvernement. Là encore, personne – et pas moi – ne devrait dire que défendre notre système de droit et de liberté passe par la suspension des droits et des libertés, mais nous avons quand même un véritable problème avec des ressortissants étrangers qui menacent notre sécurité.

Au Royaume-Uni, nous avons engagé toutes les procédures nationales raisonnables, nous avons conclu des accords très détaillés, mais nous ne pouvons toujours pas expulser les personnes dont nous considérons qu'elles posent un problème pour la sécurité du pays. Il n’est pas étonnant dans ces conditions que certains se demandent si les dispositions actuelles sont raisonnables. Bien entendu, aucun pays décent ne devrait expulser une personne vers un pays où elle risque d’être torturée; il est donc difficile de chasser des personnes dont vous êtes pourtant convaincu qu’elles risquent de vous porter tort.

En somme, si nous voulons veiller à ce que tous les droits prévus par la Convention soient respectés, parfois nous ne pouvons pas faire ce qu’il faudrait pour protéger nos concitoyens. Il convient donc de trouver une solution à ce problème.

Nous craignons que les droits de l’homme ne finissent par être discrédités dans ce genre de situation, ce qui devrait tous nous inquiéter. Car défendre ou promouvoir les droits de l’homme, ce n’est pas quelque chose que peuvent faire seuls les gouvernements et les tribunaux, toute la société doit être ralliée à cet objectif.

Lorsque des décisions de justice controversées compromettent le travail bon et patient qui a été réalisé jusqu’alors, elles ne rendent pas justice au travail de la Cour et cela peut avoir un effet très négatif sur la volonté de nos populations de défendre les droits de l’homme. La Cour ne peut pas se permettre une perte de confiance des peuples d’Europe. Elle doit pouvoir faire son travail, et elle doit préserver le droit de requête individuel, tout en empêchant cependant que celui-ci ne fasse obstacle à une bonne justice. Pour les 800 millions de personnes que sert la Cour, il est nécessaire de la réformer afin qu’elle retrouve ses objectifs initiaux. Beaucoup a déjà été fait, mais nous voulons utiliser notre présidence pour aller plus loin.

Le moment est donc venu de procéder à des réformes pratiques et raisonnables qui permettront d’améliorer l'efficacité et la réputation de la Cour. Nous voulons ainsi améliorer les procédures de nomination des juges. L’Assemblée doit avoir des listes restreintes de candidats et des lignes directrices très claires sur les procédures de sélection nationale devraient être mises en place.

Nous voulons tous que les gouvernements nationaux assument au premier chef leurs responsabilités s'agissant de la sauvegarde des droits de leurs citoyens. La subsidiarité est un principe fondamental de la Convention, et à Izmir nous avons tous été d’accord pour dire qu’il fallait faire davantage pour que cette subsidiarité puisse s’exprimer pratiquement.

Nous avons donc formulé des propositions visant à rendre plus responsables les systèmes nationaux. Ainsi, la Cour pourra mieux se concentrer sur les pires violations des droits de l’homme et contester les décisions des tribunaux nationaux qui ne respecteraient pas la Convention.

Au Royaume-Uni, nous réfléchissons à un «Bill of rights» et nous examinons attentivement la manière dont nos libertés sont protégées. Les parlements ont un rôle essentiel à jouer dans cet effort, notamment pour veiller à ce que les États respectent leurs obligations. On pourra ainsi alléger le travail de la Cour.

Avec notre présidence, nous avons une occasion unique de mettre en place un programme pratique de réformes pour faire respecter les nobles intentions de la Convention dans le cadre d’un consensus et d’une foi inébranlable dans les droits de l’homme. Il s’agit là d’un défi que nous pouvons relever ensemble.

LE PRÉSIDENT

Monsieur le Premier ministre, je vous remercie de votre discours qui a vivement intéressé les membres de notre Assemblée.

Un nombre important de collègues ont déjà exprimé le souhait de poser une question. Je rappelle à nos collègues que celles-ci doivent avoir un caractère interrogatif et ne pas dépasser 30 secondes.

Je donne la parole à M. Volontè, pour poser une question, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

M. VOLONTÈ (Italie)

Monsieur le Premier ministre, je vous remercie de votre présence. Une des actions politiques les plus importantes de votre gouvernement concerne le rôle de la subsidiarité en matière sociale. Comment ce travail a-t-il eu lieu, en particulier en ce qui concerne la nouvelle politique en faveur de la famille, qui a défini les priorités de votre gouvernement après les actes de vandalisme qui ont eu lieu au mois d’août?

M. Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni (interprétation)

Je crois fermement que si nous voulons mettre en place des changements sociaux, si nous voulons améliorer l’état de la société, nous ne pouvons pas simplement compter sur le gouvernement. Il faut également impliquer les individus, les parents, les associations locales. Nous devons tous nous réunir et voir comment, ensemble, nous pouvons résoudre des problèmes sociaux complexes et rendre notre pays plus fort.

Pour cela, il faut encourager la philanthropie, mais également transférer les pouvoirs aux niveaux les plus bas, afin que les groupes communautaires, les gouvernements locaux, les pouvoirs locaux soient capables de prendre en main les changements.

C’est la raison pour laquelle nous sommes en train de faire passer une législation qui donnera plus de pouvoir à ces petites organisations et qui leur permettra de mieux contrôler ce qui se passe dans notre pays.

Une partie de la solution consiste également à renforcer les familles, car ce sont elles qui éduquent les enfants. À ce titre, elles sont à la base d’une bonne société. Nous avons vu hélas ce qui s’est passé dans les rues au mois d’août de l’année dernière. Il y a des réponses à fournir concernant la criminalité, les sanctions… Mais encore une fois, ce n'est pas l'État qui éduque les enfants.

M. MICHEL (France)

Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement est-il prêt à appliquer complètement et dans les meilleurs délais les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme? Les réelles difficultés de fonctionnement de celle-ci ne doivent pas servir de prétexte à remettre en cause la Cour elle-même et son autorité. Je crains que sur ce sujet ne s’instaure entre vous et nous un dialogue de sourds.

M. Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni

Que ce soit dans le cadre de l’Union européenne ou du Conseil de l'Europe, le Royaume-Uni a toujours été un pays qui a été prêt à exécuter les arrêts de la Cour et à procéder aux changements législatifs nécessaires. Nous avons la réputation de nous plaindre et de demander si telle ou telle loi est réellement nécessaire, mais lorsqu’il s’agit d'exécuter les arrêts de la Cour, nous sommes plutôt rapides, par rapport à d'autres pays. Nous avons une approche claire concernant la prééminence du droit et lorsque nous signons quelque chose, nous l’introduisons dans notre système juridique.

M. SEYIDOV (Azerbaïdjan) (interprétation)

Au sein de notre groupe, il y a de nombreux représentants de différents pays dont le Royaume-Uni, la Russie, la Géorgie ou l’Azerbaïdjan, d’où je viens moi-même. Nous sommes les représentants de différentes cultures, mais nous luttons pour les valeurs communes défendues par le Conseil de l'Europe. Vous avez déjà exprimé votre opinion sur le multiculturalisme: pouvez-vous nous en dire davantage?

M. Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni (interprétation)

L’année passée, je me suis exprimé en Allemagne et j’ai tenté alors d’expliquer ce que je voulais dire. Le Royaume-Uni est un très bon exemple de pays ayant une démocratie multiraciale qui fonctionne, beaucoup de personnes pouvant venir y vivre et jouir de tous leurs droits. Cela montre comment on peut lutter contre le racisme et accueillir des personnes émanant de différents pays, de différentes cultures et faire en sorte qu’elles vivent ensemble.

Je crois que nous avons néanmoins commis certaines erreurs, car nous avions une approche trop tournée vers un multiculturalisme d’État qui consistait, plutôt que de tenter d’intégrer ces cultures, à les traiter comme étant bien distinctes et séparées au sein du pays.

Si je dis que le multiculturalisme d’État a été un échec, je pense pourtant qu’une démocratie multiraciale est possible, comme nous le voyons en Grande-Bretagne ainsi que dans d’autres pays, mais que celle-ci ne réussira pas en traitant les différentes cultures comme autant de blocs. Le rabbin de Grande-Bretagne l’a d'ailleurs très bien compris. Il s’agit non pas de créer des foyers distincts mais de tous ensemble construire une même maison.

Ceux qui arrivent dans notre pays ne se contentent pas d’être assimilés, ils apportent avec eux une différence dont nous tirons un parti très positif dans le cadre de cette construction commune. Donc: oui à la démocratie multiraciale, mais non au multiculturalisme d’État!

Mme LUNDGREN (Suède) (interprétation)

Monsieur le Premier ministre, nous nous félicitons du Traité de Lisbonne qui comporte plusieurs obligations pour l’Union européenne en matière de droits de l'homme. Nous notons que des négociations très intenses ont eu lieu depuis que vous avez montré en 2010 qu’il y avait toute une série de questions juridiques extrêmement complexes pouvant être résolues. Nous avons besoin d’un engagement très clair. Pourquoi avons-nous le sentiment que la Grande-Bretagne bloque le processus?

M. Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni (interprétation)

Nous ne bloquons en rien le processus, mais il est important de reconnaître que l’adhésion de l’Union européenne à la Convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme est une étape importante et différente: c’est en effet la première fois qu’une organisation plutôt qu’un pays adhère, ce qui génère des questions extrêmement complexes qu’il faut examiner avec soin. Le Royaume-Uni et d’autres pays de l’Union européenne signataires de cette convention doivent donc se poser ces questions et y réfléchir. Nous pensons qu’il est préférable de le faire avant d’adhérer à quoi que ce soit et c’est précisément ce que nous faisons à l’heure actuelle.

M. KOX (Pays-Bas) (interprétation)

Merci, Monsieur le Premier ministre, de votre discours sur les droits de l'homme. Comment pensez-vous que nous puissions défendre les droits sociaux et démocratiques alors que nous vivons une véritable période de crise?

M. Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni (interprétation)

Vous venez de dire quelque chose de très important. En Europe occidentale, nous voyons bien à quel point les gouvernements subissent des pressions et à quel point les hommes politiques et les citoyens ont compris l’importance de prendre des mesures face au terrorisme pour préserver la population. Cela renvoie précisément à votre question: qu’y a-t-il dans le système pour nous aider et aider les gouvernements à ne pas aller trop loin tout en préservant les droits de l'homme?

Effectivement, la Convention des droits de l'homme est là. Elle est importante, mais ce que nous faisons à l’échelle nationale compte également beaucoup. Cela étant, il y a un équilibre à trouver, par exemple, concernant l’expulsion des étrangers dont on a de bonnes raisons de penser qu’ils menacent le pays. Pour l’instant, nous n’avons pas encore trouvé la réponse, mais nous devons veiller à ce que les gouvernements respectent la loi en étant bien conscients qu'il y a des moments où des gouvernements outrepassent leurs droits.

M. REISS (France)

Monsieur le Premier ministre, lorsque, en 2005, le Président Chirac a proposé d’instaurer une taxe de solidarité sur les billets d’avion pour financer l’organisme international Unitaid, le Royaume-Uni a été parmi les cinq pays fondateurs de cette mesure appliquée aujourd’hui dans une trentaine de pays. A l’image de son prédécesseur, le Président Sarkozy propose aujourd’hui de créer une taxe sur les transactions financières. Ne trouvez-vous pas moral de demander une contribution à l’industrie financière, qui porte une grosse part de responsabilité dans les errements dans lesquels le monde s’est trouvé entraîné par la crise financière dès 2008?

M. Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni (interprétation)

Je suis sans doute d’accord avec le Président Sarkozy: il faut demander aux banques et au secteur financier d’apporter une contribution juste aux programmes de réduction des déficits budgétaires que nous menons tous dans nos pays.

En Grande-Bretagne, nous avons une taxe sur les transactions financières. Nous avons établi un système grâce auquel il y a une justice par rapport à ces dernières. Nous avons, par ailleurs, introduit un prélèvement bancaire qui nous permet d’engranger un certain nombre de revenus, mais le problème que me pose l’instauration d’une telle taxe, si vous voulez l’appliquer partout dans le monde, c’est qu’alors le pays n’appliquant pas cette taxe attirera toutes les transactions vers lui. Un excellent rapport a été rédigé qui montre que cette taxe coûterait aux pays de l’Union européenne plus de 400 000 emplois. À un moment où nous tentons de réduire nos déficits et de créer une croissance avec des emplois à la clé, il faut agir judicieusement. Avec tout le respect que je dois au Président Sarkozy, avec qui je suis d’accord sur bon nombre de problèmes, notamment en ce qui concerne la Libye, je crois qu'il faut avoir bien présentes à l’esprit les conséquences de l’instauration d’un telle taxe.

M. AGRAMUNT (Espagne) (interprétation)

Monsieur le Premier ministre, c’est un honneur pour moi que de vous poser ma question: que pensez-vous de l’Union européenne, du Traité de Schengen et de l’union monétaire? En outre, je souhaiterais savoir quelle est la position du Royaume-Uni sur la politique de décolonisation.

M. Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni (interprétation)

Comme vous le savez, la Grande-Bretagne ne fait partie ni de la zone euro ni des Accords de Schengen. Nous pensions que c’était dans notre intérêt national. Nous préférions conserver nos propres frontières et nous en tirons un certain nombre d’avantages. Il en va de même pour la monnaie unique.

Bien entendu, j’espère que les pays de la zone euro arriveront à régler les problèmes qui les occupent pour le moment. Le Royaume-Uni ne fait donc pas partie de la zone euro et nous préférons ne pas changer de position. Nous sommes confrontés à un certain nombre de difficultés de nos jours, et je pense que nous devons nous en occuper. Pour le moment, les choses resteront donc telles qu’elles sont.

La deuxième partie de votre question concerne la décolonisation et, peut-être, Gibraltar et les Malouines. Je pense que nous devons œuvrer en faveur de l’autodétermination. Aussi, tant que les habitants d’un territoire dans le monde qui fait partie du Royaume-Uni souhaitent conserver ce statut, loin d’être de la décolonisation, ce serait en fait de la recolonisation que d’aller à l’encontre de leurs souhaits.

M. OMTZIGT (Pays-Bas) (interprétation)

Merci pour votre discours très clair. Vous dites que les États membres doivent respecter la Convention européenne des droits de l’homme et la mettre en œuvre. Comment pensez-vous que la Russie le fasse en général et dans un cas particulier, l’affaire Magnitski, une personne qui a été battue, torturée à mort après de nombreux jours d’incarcération? Pensez-vous que nous puissions avoir une véritable enquête et un véritable procès?

M. Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni (interprétation)

Je pense que vous parlez d’une affaire qui est particulièrement importante.

Récemment, je me suis rendu à Moscou. J’y ai rencontré le président Medvedev et le Premier ministre Poutine. Je connais ces affaires, l’affaire Magnitski par exemple. Ces affaires sont importantes, et il nécessaire de faire davantage de progrès, c’est évident. Nous ne devons pas hésiter, qu’il s’agisse de la France, de l’Allemagne, de l’Espagne, de l’Italie ou de la Grande-Bretagne. Nous devons absolument nous engager avec la Russie, établir un rapport clair avec le Gouvernement russe, mais, au-delà de ça, il ne faut pas oublier qu’il faut tenir compte de ces affaires importantes. Nous avons tous une obligation: assurer le respect des droits de l’homme, de la dignité dans les pays, et il faut en parler également avec d’autres pays.

M. VRETTOS (Grèce) (interprétation)

Monsieur le Premier ministre, l’immigration illégale en Europe, notamment dans les pays d’Europe du Sud, a fortement augmenté ces trois ou quatre dernières années. Vu que c’est un véritable fardeau qui pèse sur nos sociétés, avec toutes les conséquences que cela a, pensez-vous qu’une nouvelle politique devrait être mise en œuvre par l’Union européenne, fondée sur la solidarité, sur le partage de ce fardeau, inévitable mais extrêmement lourd?

M. Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni (interprétation)

Cette question est soulevée très fréquemment lors des réunions du Conseil européen. Il est vrai que le fardeau que représentent les pressions migratoires s’est alourdi ces dernières années et que cela a un impact sur des pays tels que l’Italie, la Grèce et Malte. Ce fut un fardeau extrêmement lourd lors des événements en Libye.

Je crois que l’Union européenne a joué, avec Frontex, un rôle important. Mais, avant d’aller trop loin dans toutes ces discussions sur le partage du fardeau, penchons-nous sur les derniers chiffres: quels sont les pays qui portent la plus grande part du fardeau en matière de demandes d’asile? Eh bien, ce sont le Royaume-Uni, la Suède, les Pays-Bas et d’autres. Je crois donc que l’on devrait vraiment, en matière d’immigration, investir dans Frontex plutôt que de se précipiter pour mettre en œuvre ce concept de partage de fardeau. Il faut bien réfléchir avant d’agir.

M. HARANGOZÓ (Hongrie) (interprétation)

Monsieur le Premier ministre, les médias hongrois ont dit, au mois de novembre, que votre gouvernement allait mettre en place un groupe de travail avec notre gouvernement. Pouvez-vous nous dire dans quels domaines vous voulez développer une coopération? De plus, recommanderiez-vous aux nouvelles démocraties émergentes de suivre l’exemple du Premier ministre hongrois pour ce qui est de consolider la démocratie?

M. Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni (interprétation)

Je crois qu’il y a des intérêts communs entre la Grande-Bretagne et la Hongrie, qu’il s’agisse du marché unique en Europe, de la croissance européenne ou d’une signature plus rapide d’accords commerciaux entre l’Union européenne et d’autres parties du monde. Le Premier ministre hongrois et moi-même avons des discussions sur ce sujet, et nous allons continuer de discuter. Il existe évidemment un certain nombre de divergences entre l’Union européenne et la Hongrie, sur les questions relatives aux droits de l’homme et la démocratie. Elles doivent être résolues, et je pense qu’elles le seront.

Mme ZOHRABYAN (Arménie)

Monsieur le Premier ministre, le Royaume-Uni est l’un des grands investisseurs dans l’économie de l’Azerbaïdjan, pays qui déclare ouvertement son intention de résoudre le conflit du Haut-Karabakh par la force. Quelle est la position de votre pays sur les menaces d’utilisation de la force proférées par l’Azerbaïdjan? N’êtes-vous pas préoccupé par le fait que les sommes gagnées par l’Azerbaïdjan grâce aux investissements britanniques peuvent être utilisées pour relancer la guerre?

M. Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni (interprétation)

Nous ne souhaitons évidemment pas que cela arrive et nous sommes en faveur du groupe de Minsk. Nous le soutenons, nous soutenons le processus en cours pour parvenir à un règlement au Haut-Karabakh. Je crois que l’Azerbaïdjan peut également tout mettre en œuvre pour y parvenir.

M. NIKOLOSKI («l’ex-République yougoslave de Macédoine») (interprétation)

Le Royaume-Uni est l’un des membres les plus éminents de l’Otan. En 2008, notre pays a été invité à son sommet, comme vous le savez. Cette année doit se tenir le sommet de Chicago. J’aimerais savoir ce que vous pensez de ce qui est en cours, à savoir le blocage de l’entrée de notre pays dans l’Otan.

M. Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni (interprétation)

Je suis favorable à l’entrée de votre pays dans l’Otan. Nous sommes en train de prendre des mesures pour assurer l’économie de marché et la démocratie dans votre pays, et je crois que nous devons être ouverts à une entrée de votre pays dans l’organisation européenne. Je sais qu’un débat se poursuit et que des préoccupations continuent de s’exprimer, mais j’espère simplement que ce litige pourra être réglé. J’espère que les Grecs pourront voir la question sous un autre angle; l’adhésion de «l’ex-République yougoslave de Macédoine» pourrait les aider, en tant qu’ils sont membres de l’Otan et de l’Union européenne, comme elle vous sera utile. Je crois important que l’on puisse, sur ce sujet aussi, trouver une solution.

Mme MOGHERINI REBESANI (Italie) (interprétation)

Jusqu’à présent, Monsieur le Premier ministre, votre gouvernement a dit non à un certain nombre de propositions de nature à nous permettre de sortir de cette situation de crise économique, en particulier au cours des négociations concernant la taxe sur les transactions financières. Quelles sont donc vos propositions concrètes pour sortir de la crise et éviter toutes les conséquences dramatiques qu’elle a sur la dignité humaine?

M. Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni (interprétation)

Nous n’avons pas dit non à tout. Nous avons aidé l’Europe, quand même.

S’agissant de la taxe sur les transactions financières, je ne pense pas qu’elle soit une solution à long terme si elle n’est pas imposée au reste du monde. Ce sera bien pendant cinq minutes; ensuite, on se rendra compte que des emplois nous échapperont et partiront dans d’autres parties du monde. Cela va nous coûter en termes d’investissements et en termes d’emplois. Si l’on veut une croissance économique, il faut investir pour que nos jeunes aient des emplois. Nous devons investir au sein de l’Union européenne, et non investir à l’extérieur de l’Union européenne ni mettre en place des taxes qui feraient que de tels mouvements auraient lieu. L’Union européenne joue un rôle important. Il faut proposer des mesures qui fassent vraiment la différence si l’on veut vraiment booster notre économie et la création d’emplois. Il faut investir dans les services, signer des accords de libre-échange avec le Canada, l’Amérique du Sud; cela a été fait par le passé, et c’est bien cela qui a fait la différence. Voilà qui est à l’ordre du jour des préoccupations britanniques, et je vais en parler au cours du prochain Conseil européen. J’espère que vous verrez que nous avons une attitude vraiment positive et engagée.

M. AVITAL, observateur d’Israël (interprétation)

En tant que représentant israélien, je suis bien sûr intéressé par votre avis sur le Proche-Orient et le conflit avec la Palestine. Je pense aussi au Maghreb, à l’Egypte et à la Jordanie. Que pensez-vous de la menace nucléaire iranienne? Comment pensez-vous agir au Moyen-Orient? Quelles sont vos priorités?

M. Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni (interprétation)

Ce serait une erreur que d’essayer de dresser une liste de priorités. Une chose est sûre, nous devons exercer une pression sur l’Iran pour éviter qu’il se dote de l’arme nucléaire. Quant aux négociations entre Israël et l’Autorité palestinienne, nous faisons tout ce qui est en notre possible pour les favoriser. Plusieurs éléments sont en jeu dans l’émergence d’un processus positif au Moyen-Orient: l’influence d’Al-Qaida, mais aussi les conséquences du Printemps arabe et l’impact des différents développements du conflit israélo-palestinien.

Mme VESAITE (Lituanie) (interprétation)

Monsieur le Premier ministre, force est de constater que le monde n’est pas dirigé par les gouvernements démocratiquement élus, mais par les banques. Or la plupart d’entre elles sont basées à Londres. Comment, selon vous, reconstruire les marchés financiers afin qu’ils ne ressemblent plus à des casinos mais qu’ils investissent dans l’économie réelle?

M. Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni (interprétation)

En effet, nous devons réformer les institutions financières, et c’est précisément à quoi s’emploie le Gouvernement britannique. Nous avons séparé les activités de prêts et d’investissements au sein des établissements bancaires, dont le fonctionnement a été revu en profondeur, au niveau de la macro-réglementation. Jusqu’à présent, on ne se rendait pas bien compte des différents niveaux d’intervention des banques. Toutefois, il ne serait pas juste de dire que tout est de leur faute. Certains États ont trop emprunté, sans réfléchir à l’avenir, et nous devons reconnaître que certains problèmes auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés en Europe sont dus à des erreurs politiques. D’ailleurs, le déficit budgétaire des États n’est pas ce qui est le plus inquiétant à l’heure actuelle en Europe; c’est le déficit dans les échanges commerciaux au sein de la zone euro qui doit nous mobiliser. Il ne suffira pas de mettre en œuvre des politiques d’austérité ici ou là pour régler tous les problèmes. Ce serait même une grosse erreur.

M. LEIGH (Royaume-Uni) (interprétation)

Bienvenue à Strasbourg, Monsieur le Premier ministre! La Convention européenne des droits de l’homme, à l’origine, ciblait les régimes totalitaires. Aujourd’hui, la Cour considère que la Convention est un instrument qui doit tenir compte davantage des aspirations des citoyens européens. Qu’en pensez-vous?

M. Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni (interprétation)

Je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous. Certes, la Convention européenne du Conseil de l'Europe a été élaborée à un moment où l’Europe sortait du totalitarisme, mais la Cour doit continuer de concentrer son attention sur les pays dans lesquels les violations de la Convention sont les plus fréquentes. Des pressions s’exercent dans tous les pays et les gouvernements doivent se soumettre à la prééminence du droit. La Convention fait partie intégrante du mécanisme de surveillance du Conseil de l'Europe et les réformes engagées permettront à l’avenir d’améliorer notre efficacité dans la défense des droits de l’homme sur le continent.

M. KAIKKONEN (Finlande) (interprétation)

Monsieur le Premier ministre, je voudrais vous poser la même question que celle que j’ai posée tout à l’heure à la Présidente de la Finlande. Si vous la regardez de l’extérieur, à quoi ressemble l’Europe que vous voyez?

M. Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni (interprétation)

Je vois le tableau d’une Europe en deux parties. Je vois la démocratie, les grandes libertés, l’engagement en faveur des droits de l’homme et des valeurs européennes unanimement partagées; mais je vois aussi la faible croissance économique et un chômage en hausse, notamment chez les jeunes. D’autres régions du monde connaissent une croissance rapide. Pour les responsables politiques européens, le défi est de sortir l’Europe de la stagnation économique, afin que le XXIe siècle soit un grand siècle pour nos pays. Pour cela, nous ne devons pas avoir peur de prendre les mesures nécessaires. Nous possédons les meilleures universités, de formidables entreprises dans tous les domaines, l’un des plus grands marchés du monde. Il nous faut simplement une véritable volonté politique pour faire tomber les réglementations qui entravent le commerce et l’activité. Le rêve d’une Europe démocratique est loin d’être dépassé mais nos difficultés économiques appellent des solutions audacieuses.

Mme BAKIR (Turquie) (interprétation)

Le Sénat français a adopté cette semaine une loi sur le génocide arménien. Que pensez-vous de l’exploitation qui est faite en France de l’histoire, dans cette période pré-électorale? La liberté d’expression justifie-t-elle l’instrumentalisation de l’histoire?

M. Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni (interprétation)

Il s’agit d’une question difficile. Au Royaume-Uni, nous avons également adopté des lois tournées vers le passé, notamment pour permettre la poursuite de certains criminels. Le fait est que le peuple arménien a été victime d’atrocités. Cela doit être dit. Il n’en reste pas moins nécessaire, selon moi, de vivre dans le présent, en nous employant à développer des liens forts avec la Turquie et tous les pays membres de l’Union européenne.

Si nous pensons à la menace de la terreur et du nucléaire dans la région proche-orientale, la Turquie en est partie prenante. Il faut voir comment nous pouvons vivre ensemble, faire en sorte que la Turquie musulmane puisse devenir membre de l’Union européenne. En fin de compte, sur cette question, tous les États de l’Union européenne, y compris la France, ont leur liberté d’appréciation.

Depuis des années, la relation entre la Turquie et le Royaume-Uni est une relation forte. Mon engagement est ici ferme. Je ferai en sorte que cela se poursuive.

M. ASSAF (Autorité nationale palestinienne, partenaire pour la démocratie) (interprétation)

Monsieur le Premier ministre, vous avez rencontré, il y a une semaine, M. Mahmoud Abbas qui s’est dit très satisfait. Tout cela fait penser à notre peuple que le Royaume-Uni défendra davantage la solution des deux États. Que proposez-vous de faire sur ce dossier?

Deuxième question: en octobre 2011, l’Assemblée parlementaire a demandé à ses pays membres du Conseil de sécurité de voter en faveur de la création d’un État palestinien. Quelle est la position du Royaume-Uni sur cette question?

M. Cameron, Premier ministre du Royaume-Uni (interprétation)

Merci pour votre question. Il est bon d’avoir un équilibre sur les questions concernant Israël et la Palestine.

Nous sommes d’ardents défenseurs de la solution à deux États. Nous voulons un Israël sûr dans ses frontières, comme nous voulons un nouvel État palestinien qui puisse accueillir dignement le peuple palestinien. Nous ferons tout ce que nous pourrons pour qu’une telle solution s’impose. C’est pour cela que j’ai rencontré M. Mahmoud Abbas et puis, hier, M. Netanyahou. Ce qui est important, c’est que les discussions aient continué en Jordanie. Nous voulons que ces discussions se poursuivent.

Ceux qui veulent une solution doivent tout faire pour encourager les parties à s’asseoir autour d’une table et à ouvrir un vrai dialogue. Il faut que les Palestiniens créent des mesures de confiance, qu’ils sachent que les Israéliens sont de bonne foi et veulent une solution. Les Israéliens quant à eux ne doivent pas poser trop de conditions préalables à l’ouverture d’un dialogue. Il faudra trouver des solutions sur le problème de Jérusalem, sur le problème du droit au retour, sur les échanges de territoires. Vous êtes les seuls, vous les Palestiniens et les Israéliens, à pouvoir décider de ces questions. Nous autres, nous pouvons essayer de vous aider à vous retrouver autour d’une table. C’est l’engagement que prend le Royaume-Uni, ami d’Israël, ami du peuple palestinien, favorable à une solution à deux États. Chaque année qui passe sans solution nous éloigne d’une telle solution. Il faut maintenant donner aux Palestiniens la terre qu’ils méritent.

LE PRÉSIDENT

Merci beaucoup, Monsieur le Premier ministre, pour votre intervention et pour la qualité des réponses que vous avez apportées. Je confirme ce que j’ai dit tout à l’heure, on sent bien la patte du grand tennisman!