Edward

Fenech-Adami

Premier ministre de Malte

Discours prononcé devant l'Assemblée

mardi, 28 janvier 2003

Monsieur le Président, je suis très heureux que cette occasion me soit donnée de m’adresser à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, compte tenu notamment du rôle actuel de Malte, qui assure la présidence du Comité des Ministres. Je considère que toute organisation saine tire profit d’une réévaluation périodique de sa mission et de ses orientations. La session d’aujourd’hui donne au Conseil l’occasion idéale de procéder à cette sorte d’autoévaluation et de se demander: «Pourquoi sommes-nous ici et comment pouvons-nous être plus efficaces encore?»:

A Malte, nous avons entrepris un examen de conscience similaire, car nous nous trouvons à une croisée historique des chemins. Maintenant que mon gouvernement a conclu avec succès les négociations de l’adhésion à l’Union européenne, lors du Sommet de Copenhague, en décembre dernier, le peuple maltais décidera bientôt, à travers un référendum, si oui ou non l’avenir de son pays se trouve dans le ralliement à l’Union.

Notre demande d’adhésion à l’Union a été déterminée par des facteurs historiques et économiques profondément enracinés. L’adhésion de Malte à l’Union s’inscrit tout naturellement dans la logique du passé et ne constitue pas un changement radical. En effet, elle renforcera notre engagement en faveur de ces idéaux, tels que les droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit, que nous avons constamment cherché à renforcer et à défendre, et qui inspirent depuis longtemps notre participation au présent Conseil.

Dans ce contexte, et gardant à l’esprit la perspective imminente de l’adhésion de Malte à l’Union européenne, je souhaite aujourd’hui mettre l’accent sur un aspect essentiel de la mission du Conseil de l’Europe comme forum dynamique pour la compréhension et la collaboration entre ses Etats membres appartenant à l’Union européenne et ceux qui n’en font pas partie. Cette considération met immédiatement en lumière une raison très claire pour laquelle l’adhésion à l’Union ne signifie pas nécessairement un moindre engagement vis-à-vis du Conseil de l’Europe. C’est tout le contraire; l’adhésion de Malte à l’Union n’entraîne aucun renoncement aux tâches volontairement entreprises il y a de nombreuses années en adhérant au Conseil, mais renforce plutôt notre engagement à cet égard.

Nous entendons poursuivre notre contribution à la construction politique de ce que l’on appelle aujourd’hui la «Grande Europe», l’Europe des quarante-quatre Etats, qui se distingue de l’Europe des quinze Etats membres, qui seront probablement vingt-cinq l’année prochaine...

Nous ne pouvons pas non plus oublier qu’il y a des domaines, comme les droits de l’homme et le développement socioculturel, dans lesquels l’action de l’Union ne peut, en aucun cas, se substituer à celle du Conseil, même dans le cadre du cercle relativement plus restreint de ses membres.

Je souhaite formuler quelques brèves remarques concernant essentiellement les questions liées au concept du Conseil comme centre naturel de coopération entre les Européens. La vision européenne vers laquelle tendent aussi bien l’Union que le Conseil n’est pas celle d’une forteresse exclusive, elle n’est pas alimentée par une ambition hégémonique; elle consiste plutôt à créer des tremplins, selon une démarche méthodique axée sur l’instauration d’un système pacifique et progressiste de gouvernance mondiale.

Fondamentalement, l’Union européenne et le Conseil de l’Europe existent pour promouvoir une forme de mondialisation qui ne menace nullement l’identité différente et évolutive de toute nation. C’est, par conséquent, l’une de nos tâches les plus urgentes de veiller à ce qu’il y ait un dialogue politique entre les membres du Conseil qui font partie de l’Union et ceux qui n’en font pas partie, dans le cadre de notre action pour contribuer ensemble, de manière cohérente, à l’éclosion d’une solidarité humaine universelle. Le Conseil de l’Europe est le contexte idéal, sinon unique, dans lequel une telle stratégie doit être élaborée.

Dans la Constitution proposée pour l’Union européenne, que la Convention sur l’avenir de l’Europe examine actuellement, il est fait référence à la nécessité de promouvoir la coopération entre l’Union et d’autres pays, qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent pas adhérer à celle- ci. Ces initiatives pourraient insuffler une force supplémentaire, utile à un réseau européen élargi, notamment en termes de gestion des problèmes qui traversent les frontières nationales.

Les rédacteurs de la Constitution proposée pour l’Union semblent notamment avoir à l’esprit des problèmes qui seraient autrement insolubles, comme la gestion rationnelle des ressources de la Méditerranée. De toute évidence, ces problèmes ne peuvent être traités que de manière globale, dans un cadre plus large que celui de l’Union. Ils devraient peut-être occuper une place plus importante dans l’ordre du jour des travaux de notre Conseil, dans la perspective d’une action de coopération entre tous nos membres et nos voisins.

Monsieur le Président, permettez-moi maintenant d’aborder très rapidement la dimension socioculturelle, qui est le domaine d’action privilégié du Conseil depuis sa création. On a pu constater que, dans les recommandations soumises par le groupe de travail sur les relations externes de l’Union européenne à la Convention, toute référence à la culture faisait défaut.

Une telle omission nous semble paradoxale dans le contexte mondial d’aujourd’hui. Sans doute, nous qui sommes ici, rejetons-nous tous la thèse selon laquelle le choc des civilisations serait inévitable; mais nous partageons également le point de vue selon lequel la promotion du dialogue interculturel est l’une des priorités les plus nécessaires et urgentes des relations internationales. Le dialogue joue un rôle central dans la prévention de la guerre et du terrorisme, mais aussi dans le développement de la société «des savoirs multiples», qui, selon nos plus éminents économistes, doit être notre idéal. Même lorsque l’on s’en tient au niveau strictement matérialiste de la poursuite de nos intérêts économiques, les échanges culturels figurent en tête de nos objectifs prioritaires, puisque, dans la réalité économique contemporaine, le savoir constitue de l’avis général une ressource essentielle à toute croissance soutenue.

La culture est au Conseil de l’Europe, depuis sa création même, ce que le libre-échange a été jusqu’à présent à l’Union européenne. A l’évidence, il existe encore de nombreuses possibilités d’accroître la collaboration entre le Conseil et l’Union dans le domaine de la promotion du dialogue multiculturel et interreligieux, qui est indispensable à l’épanouissement de tout autre type d’échange. Le Conseil peut se targuer de posséder une vaste expérience en la matière, acquise au fil de longues années, en dépit de moyens financiers toujours insuffisants.

Il en va de même pour la dimension sociale. A la Convention, l’une des questions débattues actuellement est de savoir comment traduire au mieux, dans le projet de Constitution, ce que certains appellent le «modèle social européen». Il est clair que le consensus se limite jusqu’à présent aux aspects ayant trait à la mise au point de repères, à l’identification des méthodes les meilleures, à l’élaboration de scénarios et à d’autres mesures analogues. Sans doute le Conseil de l’Europe, grâce à l’expérience acquise de longue date avec la Charte sociale européenne, à son assise géographique beaucoup plus large et à la politique d’intégration appliquée par le passé, pourrait-il apporter de précieuses contributions à ce débat. De nombreux défis se profilent à l’horizon, tels que l’augmentation spectaculaire des flux migratoires ou le vieillissement accéléré de la population; ce sont autant de sujets importants pour le dialogue, au sein du Conseil de l’Europe, entre les Etats membres de l’Union européenne et les autres.

Troisième et dernier point, le Conseil et l’Union ont d’ores et déjà engagé des échanges constructifs bien qu’occasionnels dans le domaine des droits de l’homme. Nombreux sont ceux qui ignorent que l’intégration de la Charte des droits fondamentaux, adoptée à Nice, dans le projet de Constitution de l’Union européenne, n’ouvrira la possibilité d’appeler les juridictions de l’Union qu’en cas d’abus commis par les institutions européennes elles-mêmes, ou par des Etats agissant en leur nom. En revanche, on réfléchit au moyen de faire adhérer l’Union européenne, comme s’il s’agissait d’un Etat, à la Convention européenne des Droits de l’Homme et à son mécanisme, la Cour, qui accomplit un immense travail ici, à Strasbourg.

Or, le principal défi posé par la Charte de Nice réside peut-être dans l’élargissement considérable des droits sociaux et économiques qu’elle prévoit, en des termes, qui, malheureusement, semblent souvent défier tout projet d’application. A n’en pas douter, la situation générale demande de la part de tous les acteurs de l’Union et du Conseil un effort concerté pour faire en sorte que la Grande Europe dispose d’un système de protection des droits de l’homme aussi cohérent que possible.

Je me suis concentré jusqu’à présent sur le rôle que le Conseil pourrait jouer en tant que forum de communication entre ceux de ses Etats membres qui font partie de l’Union européenne et les autres, notamment parce que ce sujet figure parmi les principaux thèmes de la présidence maltaise du Comité des Ministres. Comme je l’ai indiqué, cet élément s’inscrit aussi, bien évidemment, dans la vision d’un petit pays dont la demande d’adhésion à l’Union est acceptée au moment précis où il exerce la présidence du Comité des Ministres – pour la troisième fois depuis son adhésion au Conseil et pour la deuxième fois depuis ma prise de fonctions en tant que Premier ministre.

En un tel moment, je ne peux m’empêcher de penser que, en raison précisément de leur taille, les petits pays sont fréquemment en mesure d’apporter une contribution plus efficace au règlement de problèmes d’un certain type. Il s’agit des problèmes qui appellent, plutôt qu’une attitude d’échange du type «donnant-donnant», la recherche de solutions parallèles selon le mode «gagnant-gagnant». La troisième voie consiste parfois à transcender des positions opposées plutôt qu’à s’interposer entre elles. Il me semble que, en ce qui concerne la réorganisation des relations entre l’Union et le Conseil, à la lumière de l’évolution des deux institutions, nous venons seulement d’atteindre l’étape de formulation des questions, et n’en sommes pas encore à élaborer des réponses.

Malte est un Etat membre du Conseil de l’Europe depuis suffisamment longtemps pour en connaître intimement les rouages, en revanche, nous ne sommes que sur le seuil de l’Union européenne. Le processus de familiarisation avec une organisation complexe prend du temps. C’est ainsi que, depuis 1987, année de ma première prise de fonctions en tant que Premier Ministre, Malte a déployé d’importants efforts pour devenir partie intégrante de l’Organisation. A l’époque, nous avions commencé à intégrer pleinement les dispositions de la Convention européenne des Droits de l’Homme dans la législation maltaise. Malte avait également entamé un long processus d’adoption et de développement du concept d’autonomie locale, pour parvenir à signer la Charte européenne de l’autonomie locale, le 13 juillet 1993. Nous avons amendé notre Code pénal en y introduisant les concepts et les dispositifs nécessaires pour faire face à de nouvelles menaces telles que le blanchiment d’argent; avec les conseils de différents comités de l’Organisation, nous avons pris des mesures pour étendre le champ d’application des nouvelles dispositions légales au financement du terrorisme.

A présent, nous apprenons à faire une distinction entre les mesures à prendre lorsque des fonds proviennent de sources criminelles et celles qui s’imposent lorsque c’est la destination des fonds en question qui est illégale.

Bien entendu, nous n’avons pas encore eu l’occasion de recueillir une expérience de ce type dans le contexte de l’Union. Néanmoins, il n’est peut-être pas prématuré d’esquisser ne serait-ce qu’une ébauche des relations entre l’Union et le Conseil. Schématiquement parlant, l’Union peut être considérée comme un ensemble de carrefours où ont lieu des échanges d’informations particulièrement intenses dans certains domaines, qui s’inscrit dans le réseau beaucoup moins dense mais plus vaste du Conseil. Ce modèle simpliste pourrait se révéler un cadre utile pour commencer à rechercher des réponses aux questions que vous m’avez donné l’occasion de poser aujourd’hui.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Je vous remercie pour ce discours fort intéressant. Certains membres de l’Assemblée ont exprimé le souhait de vous poser des questions. Je leur rappelle qu’ils disposent, pour ce faire, de trente secondes au maximum. Je tiens également à préciser que les questions supplémentaires ne seront pas autorisées.

La parole est à M. Van der Linden, pour poser la première question.

M. VAN DER LINDEN (Pays-Bas) (traduction)

Je remercie M. le Premier ministre pour ce discours fort important, dans lequel il a accordé une place de premier plan à la culture et aux droits de l’homme. Malte constitue un pont entre l’Europe du Sud et l’Afrique du Nord. Quel rôle peut jouer le Conseil de l’Europe en Afrique du Nord, en tant qu’institution travaillant à la cohésion, à la stabilité et à la prospérité de l’Europe tout entière?

M. Fenech-Adami, Premier ministre de Malte (traduction)

Je suis convaincu que le Conseil de l’Europe peut utilement contribuer au développement de la coopération non seulement entre les pays membres et les pays non membres de l’Union européenne, mais aussi avec des pays se situant bien au- delà des frontières européennes. Malte jouit d’une situation idéale du point de vue géographique; l’île a joué et jouera, je l’espère, un important rôle de passerelle entre les deux rives de la Méditerranée. En de nombreuses occasions, des invitations ont été lancées, notamment aux pays nord-africains, à participer aux travaux du Conseil. Voilà qui va assurément dans la bonne direction.

Il a déjà été décidé de tenir, en avril prochain, une table ronde sur la migration, lors de laquelle des pays du nord et du sud de la Méditerranée se pencheront sur la mise en œuvre d’une stratégie de gestion des flux migratoires. Des invitations à ce dialogue ont d’ores et déjà été lancées à des représentants du Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie, de l’Egypte et de la Libye. Je suis convaincu que la présence de participants d’Afrique du Nord à cette réunion sur les flux migratoires dans la Méditerranée sera très utile. Le Conseil adoptera, lui aussi, une attitude positive et constructive.

M. ATKINSON (Royaume-Uni) (traduction)

Monsieur le Premier ministre, votre pays est géographiquement le pays membre du Conseil de l’Europe le plus proche de la Libye, que vous avez citée dans votre précédente réponse. J’aimerais savoir si la politique étrangère qu’il pratique vise également à y promouvoir cette Organisation ainsi que les valeurs de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit.

M. Fenech-Adami, Premier ministre de Malte (traduction)

En tant que membres actifs du Conseil de l’Europe, nous considérons que cela fait partie intégrante de notre rôle, mais pas uniquement à l’égard de la Libye. Malte, qui se situe à l’extrême sud de l’Europe, entretient traditionnellement de bonnes relations avec tous les pays nord-africains, y compris la Libye. Au fil des ans et en dépit de circonstances difficiles, nous avons réussi à maintenir de bonnes relations de travail avec ces Etats et nous avons toujours été très clairs en exprimant notre point de vue sur les principes fondamentaux des droits de l’homme du Conseil de l’Europe, principes que nous nous efforçons de promouvoir le mieux possible.

En toute objectivité, on peut dire que Malte entretient avec la Libye des relations qui se sont révélées utiles. Il est dans l’intérêt de Malte d’avoir de bonnes relations économiques avec la Libye; nous entretenons de telles relations depuis de nombreuses années.

M. MIGNON (France)

Monsieur le Premier ministre, jeudi prochain, dans cet hémicycle, nous tiendrons un débat d’urgence sur la pollution marine. Les catastrophes maritimes qui font peser, entre autres sur les rivages de la France, une menace constante de pollution rendent la délégation française à l’Assemblée parlementaire particulièrement attentive aux engagements que Malte prendra pour se conformer aux normes de sécurité internationalement reconnues.

Combien de radiations du registre maritime de navires non conformes ont-elles été prononcées l’année dernière? Quelles sont, plus généralement, les mesures de contrôle décidées par le Gouvernement maltais pour empêcher la circulation de navires potentiellement dangereux pour la sécurité maritime et les dispositions prises pour assurer le respect de la réglementation internationale et européenne?

M. Fenech-Adami, Premier ministre de Malte (traduction)

Je puis vous assurer que Malte a intégré dans sa législation toutes les réglementations sur la pollution marine, et plus particulièrement celles de l’Union européenne. Nous avons tiré les leçons du naufrage de l’ Erika, dont le souvenir est encore vivant. Depuis lors – et même avant – nous nous sommes employés à intégrer dans notre législation l’ensemble des réglementations nationales existantes. Malte est un membre actif de l’Organisation maritime internationale, dont le conseil comprend d’ailleurs un membre maltais. Je puis vous assurer que toutes les mesures sont prises afin de vérifier les navires battant pavillon maltais et de les rendre conformes aux réglementations en vigueur. Au cours des dernières années, les contrôles sont devenus beaucoup plus stricts et un certain nombre de navires ont été radiés des registres. Je puis vous assurer que Malte continuera de respecter toutes les réglementations actuelles et à venir.

M. JASKIERNIA (Pologne) (traduction)

Malte fait partie des pays qui rejoindront l’Union européenne l’année prochaine, mais, comme on le sait, elle a émis une réserve au traité d’adhésion. J’aimerais connaître la nature ainsi que la raison de cette réserve. Quel est le lien entre cette réserve et le système de valeurs du Conseil de l’Europe?

M. Fenech-Adami, Premier ministre de Malte (traduction)

Excusez-moi, mais je n’ai pas entendu la dernière partie de votre question.

M. JASKIERNIA (Pologne) (traduction)

Quel est le lien entre cette réserve et le système de valeurs du Conseil de l’Europe?

M. Fenech-Adami, Premier ministre de Malte (traduction)

Malte est parvenue à négocier soixante-dix-sept arrangements particuliers, dont certains ont trait à sa situation particulière. C’est ainsi que l’un d’entre eux, qui porte sur la récente résolution de l’Union européenne relative à l’adoption, sujet auquel la population maltaise est particulièrement sensible, s’inspire du protocole particulier dont a bénéficié l’Irlande au moment de son adhésion à l’Union européenne. Nous avons été soumis à des pressions, à Malte même, par notre conférence épiscopale et, bien que nous sachions que la législation sur l’avortement n’entre pas dans le domaine de compétences de l’Union européenne, nous avons insisté pour que soit adopté un protocole stipulant que, en matière d’avortement, la loi maltaise doit primer sur les réglementations européennes.

Il est d’autres points qui posent problème. C’est ainsi que, en ce qui concerne la libre circulation des capitaux, nous avons avancé la petite taille de notre pays ainsi que la densité de sa population, l’une des plus fortes au monde, afin de négocier une disposition spéciale sur la vente de propriétés à Malte. Bien entendu, cet arrangement n’est pas discriminatoire, mais il dispose que Malte peut limiter la vente de propriétés à des ressortissants de pays membres de l’Union européenne qui ne résident pas sur le territoire maltais. Cette disposition ne s’applique pas aux résidences principales.

Nous avons également insisté pour que, conformément à notre Constitution, la neutralité de Malte soit reconnue dans le traité passé avec l’Union. C’est ainsi que nous avons convenu que, dans la partie du traité d’adhésion afférente à Malte, soit incluse une déclaration précisant que la neutralité de Malte sera maintenue et qu’elle n’entrera pas en conflit avec la politique de l’Union.

M. LIBICKI (Pologne) (traduction)

Tout comme Malte, la Pologne fait partie des pays candidats à l’adhésion à l’Union, et elle connaît un certain nombre de problèmes moraux semblables à ceux de Malte. J’aimerais connaître votre opinion sur la place que doivent tenir les questions morales dans les protocoles aux traités d’adhésion.

M. Fenech-Adami, Premier ministre de Malte (traduction)

J’ai déjà indiqué les points sur lesquels nous nous sommes entendus. La résolution du Parlement européen visant à encourager les Etats membres à adopter des lois prévoyant l’IVG a soulevé à Malte un tollé général. Bien que l’Union européenne ne soit pas compétente pour ces questions, nous voulions calmer les craintes de la population. C’est pourquoi nous avons engagé auprès de l’Union des négociations qui ont débouché sur l’adoption, entre les deux parties, d’un protocole précisant que la loi maltaise relative à l’avortement prévaut et continuera de prévaloir sur les réglementations européennes après l’adhésion du pays à l’Union.

M. PANGALOS (Grèce) (traduction)

Monsieur le Premier ministre, je me réjouis de votre présence dans cette enceinte à un moment particulièrement intéressant de l’histoire de l’Union européenne. Les négociations qui se tiennent au sein de l’Union portent essentiellement sur deux questions. La première a trait aux structures de l’institution et à la forme que prendra la présidence: y aura- t-il, à l’avenir, un président élu par les citoyens ou bien y aura-t-il deux présidents, l’un qui émanerait de la Commission et l’autre qui serait élu au suffrage universel? La deuxième porte sur l’identité culturelle de l’Union européenne. J’aimerais connaître votre point de vue sur ces deux questions.

M. Fenech-Adami, Premier ministre de Malte (traduction)

Les discussions portent sur la convention relative à l’avenir de l’Europe. En ce qui concerne l’organisation institutionnelle, le plus important pour nous est le maintien du principe de l’égalité entre les Etats membres et le respect du principe de subsidiarité. Pour l’instant, nul ne connaît l’issue de ces discussions. Nous suivons le débat sur la proposition franco-allemande. J’ai demandé aux membres maltais de la Commission d’insister pour que le principe de l’égalité entre les Etats membres soit pleinement respecté, ce quelle que soit l’issue des discussions.

Je pense que chacun reconnaît l’identité culturelle de l’Union européenne. Je fais partie de ceux qui souhaitent une référence aux racines chrétiennes de la culture et de l’histoire de l’Europe. Toutefois, nous nous accordons tous à dire qu’il ne faut pas dénaturer le caractère laïque de l’Union.

Pour ce qui est de la question de savoir quels sont les critères requis en matière d’identité culturelle pour être admis à l’Union, il est un pays qui vient immédiatement à l’esprit, un pays qui s’était vu promettre l’adhésion au moment où il avait signé un accord d’association dans les années 1960. Il faut éviter d’avoir une vue étroite de l’identité culturelle. L’Union européenne continuera de respecter le multiculturalisme. On ne saurait restreindre l’identité culturelle de l’Europe par des définitions étriquées. L’essentiel, dans l’identité culturelle de l’Europe, c’est le respect des droits de l’homme, quelle que soit l’idéologie sur laquelle ils se fondent, ainsi que le plein respect de l’Etat de droit.

M. MOONEY (Irlande) (traduction)

Tout comme la Constitution maltaise, la Constitution irlandaise garantit le droit à la vie. Je me réjouis de voir que Malte tire les leçons de l’expérience irlandaise au sein de l’Union européenne. L’Irlande possède également une certaine expérience des référendums. L’ensemble de la société irlandaise participe au Forum pour l’Europe, auquel se sont adressés de nombreux représentants de l’opposition politique maltaise. J’aimerais savoir quelles mesures le Gouvernement maltais a prises pour faire participer l’ensemble de la société au débat sur l’adhésion à l’Union. J’aimerais également savoir si vous êtes confiant quant à l’issue du référendum à venir.

M. Fenech-Adami, Premier ministre de Malte (traduction)

Je suis très confiant quant au succès du référendum qui doit se tenir un samedi du mois de mars prochain, ce qui ne laisse que quatre ou cinq dates possibles. La population maltaise, qui participe depuis des années au dialogue sur l’Union européenne, a cherché à connaître les idées qu’elle défend et à savoir quelles en seraient les retombées sur sa vie quotidienne. D’âpres discussions se tiennent pour et contre l’adhésion, auxquelles participent toutes les couches de la société maltaise. Certains d’entre vous ont, j’en suis convaincu, eu l’occasion de se rendre à Malte. Il est étonnant de voir la passion que suscite au sein de la population la question de l’adhésion à l’Union. Je regrette toutefois qu’on mette autant l’accent sur les inconvénients de l’adhésion pour certaines personnes ou certains groupes. Il ne fait aucun doute que la question de l’adhésion revêt un intérêt national. Pour ma part, je suis convaincu que la plupart des Maltais se considèrent comme des Européens. Les Maltais ont ce sentiment d’appartenance à l’Europe en raison de leur histoire, de leur culture et de leurs liens avec le continent.

Au cours de la campagne, qui doit durer environ cinq semaines, je m’emploierai à souligner la dimension nationale. Je ne doute pas que la population de Malte a pris conscience des progrès réalisés depuis le 5 décembre 1970, date à laquelle nous avons signé un accord d’association avec la Communauté économique européenne, ce qui a permis d’attirer les investissements et de créer des emplois. Je suis convaincu que tous les acteurs de la scène économique maltaise auront compris que le développement économique du pays est, et restera étroitement lié à celui de l’Europe.

Il ne fait aucun doute que Malte doit adhérer à l’Union européenne. Certaines industries manufacturières qui fournissent le marché local en subiront le contrecoup; dans tous les cas elles devront opérer une restructuration pour être compétitives. Ces arguments ont été ressassés à maintes reprises au cours de discussions parfois assez houleuses, mais je suis convaincu que le sentiment d’appartenance à l’Europe l’emportera et que le référendum sera un succès.

LE PRÉSIDENT (traduction)

La dernière parlementaire à avoir exprimé le souhait de poser une question à M. Fenech-Adami est Mme Herczog, qui est suppléante. Le Bureau de la séance m’informe toutefois qu’elle n’a pas été dûment désignée par sa délégation nationale pour remplacer le représentant pendant la présente séance. Je regrette de ne pouvoir lui donner la parole.

Nous sommes arrivés au terme de notre dialogue avec M. Fenech-Adami, que je remercie cordialement au nom de l’Assemblée à la fois pour son discours, pour les propos aimables qu’il a tenus et pour les observations fort intéressantes qu’il a formulées.