Ilham

Aliyev

Président de l’Azerbaïdjan

Discours prononcé devant l'Assemblée

jeudi, 29 avril 2004

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, c’est un grand honneur pour moi que d’être invité à m’adresser aujourd’hui au Conseil de l’Europe. Je m’en réjouis également à titre personnel, parce que, comme vous venez de le mentionner, Monsieur le Président, j’ai été membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe pendant trois ans. Cette période, qui a peut-être été une des plus instructives et des plus importantes de ma vie, a également joué un rôle clé dans les activités que j’ai menées par la suite, ainsi que, bien entendu, dans la fonction que j’occupe aujourd’hui.

L’Azerbaïdjan est devenu membre du Conseil de l’Europe il y a seulement trois ans. Avant son adhésion, le pays avait connu bon nombre de problèmes. En effet, après avoir acquis son indépendance en 1991, l’Azerbaïdjan se trouvait dans une situation extrêmement difficile: il était en plein chaos politique, économique et militaire; le déclin économique était tel qu’il se trouvait au bord de l’effondrement; il était en proie à la guerre civile et avait connu plusieurs tentatives de coup d’Etat, sans oublier, bien entendu, l’agression de l’Arménie. Tout cela avait empêché l’Azerbaïdjan de se développer normalement, d’une manière libre et démocratique.

Ce n’est qu’après avoir réussi à surmonter le lourd héritage du passé, à instaurer la stabilité économique et sociale et à conclure un cessez-le-feu avec l’Arménie, que l’Azerbaïdjan a pu commencer à se développer d’une manière diversifiée. L’économie s’est peu à peu redressée et, aujourd’hui, elle se développe rapidement. Au cours des sept dernières années, le PIB a crû de 90 %. Durant la même période, l’inflation s’est stabilisée à 2 ou 3 %. En ce qui concerne les investissements étrangers directs, l’Azerbaïdjan est, parmi les anciennes républiques soviétiques ainsi que certains Etats d’Europe orientale, certainement un des pays les plus attrayants. Tous ces facteurs, auxquels il convient d’ajouter les réformes économiques à grande échelle, les réformes foncières, la privatisation des terres ainsi que celle des entreprises, font que le pays vit aujourd’hui à l’heure de l’économie de marché.

A l’heure actuelle, la part du secteur privé dans le PIB s’élève à 75 %, ce qui est considérable. Il faut également tenir compte du secteur pétrolier. Ce dernier, qui pèse très lourd dans le PIB, continue d’être un monopole d’Etat, si bien que ce pourcentage de 75 % fait apparaître que presque toute l’industrie du pays a déjà été privatisée.

Notre pays se développe. La croissance économique actuelle lui permet de s’engager dans d’importants projets économiques à l’échelle internationale, au nombre desquels le plus important projet énergétique du monde. Depuis dix ans, l’Azerbaïdjan développe son secteur pétrolier et gazier en coopération avec les plus grandes multinationales. Cette expérience a été couronnée de succès, succès qui se fonde sur plusieurs éléments clés.

Le climat d’investissement est excellent. Nos investisseurs peuvent être assurés que leurs capitaux sont protégés de manière appropriée, puisque les principaux projets d’investissement sont ratifiés par le parlement et acquièrent force de loi, et que de ce fait ils ne peuvent être modifiés.

Et puis, il y a la transparence, qui constitue un élément clé du succès dans les secteurs pétrolier et gazier ainsi que dans le domaine minier. A cet égard, l’Azerbaïdjan a inscrit à son crédit d’importantes réalisations. Le pays a souscrit dès le départ à l’initiative internationale pour la transparence et entend prendre la tête de ce processus dans la région. Nous travaillons en étroite communication et coopération avec des institutions financières internationales et plus particulièrement avec le Fonds monétaire international, avec lequel nous coordonnons toutes nos activités économiques majeures. Tout cela nous permet d’attirer des investissements s’élevant à des milliards de dollars. L’année dernière, le montant total des investissements effectués en Azerbaïdjan était de 17 milliards de dollars, dont 12 milliards représentaient des investissements directs. Si les investisseurs n’avaient pas confiance dans la stabilité sociale et politique du pays, s’ils n’étaient pas convaincus de la prévisibilité et du développement du pays, ils n’y risqueraient certainement pas leurs capitaux. Nous sommes déterminés à poursuivre la politique engagée.

Au cours des trois prochaines années, près de 10 milliards de dollars seront investis dans les seuls secteurs pétrolier et gazier. Les grands projets de construction de voies de communication et d’oléoducs revêtent une importance capitale non seulement pour notre pays et les pays de transit, mais également pour l’ensemble de la région. Ils sont facteurs de sécurité, de stabilité et de coopération à l’échelon régional.

L’Azerbaïdjan participe activement à la coopération régionale, qui, à l’heure actuelle, est satisfaisante; il entend poursuivre dans cette voie à l’avenir.

Une utilisation à bon escient des réserves de pétrole et de gaz de la Caspienne permettra à l’Azerbaïdjan de diversifier son économie. La production et le transport du pétrole et du gaz ne constituent pas une fin en soi, mais un moyen de diversifier l’économie, de créer une société moderne, civilisée et économiquement forte, de conduire de nouvelles réformes politiques et de poursuivre dans la voie de la démocratisation.

Ces réalisations ainsi que les projets qui seront mis en œuvre dans un proche avenir contribueront, bien entendu, grandement à renforcer l’économie de notre pays qui est en passe de devenir une grande puissance économique. En 2005 et 2006, les principaux oléoducs et gazoducs seront entrés dans la phase d’exploitation, ce qui permettra d’élever le niveau de vie dans tous les pays impliqués.

Bien entendu, tout cela ne constitue qu’un des aspects de la vie de notre pays. L’Azerbaïdjan se développe non seulement du point de vue économique, mais également du point de vue social. Nous avons mis en place un grand nombre de programmes sociaux et, bien que notre politique économique se fonde sur les principes d’une économie libre de marché, la plus grande partie de notre budget va aux questions sociales. Cette combinaison d’économie de marché et de protection sociale est l’une des clés de notre succès.

Dans le domaine de la réforme politique, le pays a accompli d’importants progrès. Son appartenance, depuis trois ans, au Conseil de l’Europe a joué un rôle crucial dans la poursuite de la démocratisation. Une nouvelle législation a été adoptée. Les recommandations du Conseil de l’Europe et les engagements que notre pays a contractés en ce qui concerne leur mise en œuvre l’ont beaucoup aidé. C’est pourquoi j’aimerais exprimer ici ma sincère reconnaissance à tous nos collègues du Conseil de l’Europe pour leur coopération, leurs conseils, leur expertise et leurs recommandations; toutes ces démarches étaient fort constructives et avaient toutes pour objectif de renforcer la démocratie au sein de notre société et de faire de l’Azerbaïdjan un authentique membre de la famille européenne. Mais il reste encore beaucoup à faire. Dans de nombreux domaines, le pays ne satisfait pas encore pleinement aux normes internationales, ce pour des raisons tant objectives que subjectives. Un pays qui a souffert de la guerre, de l’occupation, de la guerre civile et d’autres événements dramatiques ne peut pas devenir libre et démocratique du jour au lendemain. Cependant, la démocratisation pleine et entière reste notre choix stratégique. Les élections présidentielles ainsi que les mesures prises ensuite par notre gouvernement sont la preuve de notre engagement à l’égard de ces valeurs ainsi que de notre détermination à poursuivre dans la voie de l’instauration d’une société libre, démocratique et pluraliste.

La croissance économique et la démocratisation de la société constituent les éléments clés de notre politique et leur mise en œuvre doit aller de pair. Un pays peut être une puissance économique, mais, en l’absence de démocratie et de transparence, et en l’absence de respect des droits de l’homme, il n’aura pas d’avenir. En nous penchant sur l’expérience de certains pays producteurs de pétrole, nous avons, malheureusement, constaté que tous ne présentaient pas un bilan flatteur. Le pétrole peut être facteur de prospérité, mais cette prospérité comporte aussi des éléments négatifs. Nous avons tiré les leçons de ces mauvaises expériences et sommes déterminés à ne pas tomber dans les mêmes travers.

Parallèlement, l’Azerbaïdjan connaît de nombreux problèmes. Nous avons engagé la lutte contre la pauvreté par le biais d’un programme spécifique, que nous avons mis sur pied avec la Banque mondiale. Pour faire face au chômage élevé, notre programme de réformes économiques et sociales prévoit la création de centaines de milliers d’emplois, notamment en province. Il s’agit là d’un engagement que j’ai pris officiellement, afin de garantir que le pays se développera de manière dynamique et diversifiée, non seulement dans la capitale et les grandes villes, mais également dans toutes ses régions: les villages reculés doivent, eux aussi, pouvoir bénéficier des avantages de la croissance économique.

Ce n’est que lorsque les gens auront le sentiment que leur niveau de vie commence à s’élever que notre gouvernement estimera avoir réussi. Notre objectif est de faire en sorte que tous les citoyens jouissent du même niveau de vie, afin que chacun puisse profiter de la prospérité économique et du développement du secteur pétrolier et que chaque citoyen de l’Azerbaïdjan puisse bénéficier des mêmes droits. Nous avons déjà accompli des progrès substantiels à cet égard. Le pays fait grand cas de la tolérance ethnique et religieuse. Non seulement depuis notre indépendance, mais déjà bien avant, lorsque nous faisions encore partie de l’Union soviétique, nous cultivions la tolérance religieuse et ethnique. Nous n’avons pas modifié notre politique. L’Azerbaïdjan est un pays pluriethnique, où tous les groupes ethniques et toutes les religions se sentent chez eux.

L’un des principaux problèmes auxquels le pays est confronté depuis longtemps est l’occupation de 20 % de son territoire par l’Arménie. Cette agression a débuté avec des actions de séparatisme agressif conduites par l’Arménie contre l’Azerbaïdjan et a débouché sur l’occupation de la région autonome du Haut-Karabakh et de sept autres régions de l’Azerbaïdjan situées au-delà de la frontière administrative du Haut-Karabakh. Les Arméniens n’ont jamais vécu dans ces sept régions de l’Azerbaïdjan, qui étaient dans leur totalité peuplées d’Azéris. Cette occupation a fait des centaines de milliers de réfugiés.

Les faits sont bien connus de l’Assemblée: non seulement ils ont été évoqués à maintes reprises par les membres de notre délégation, mais ils sont également reflétés dans bon nombre de documents du Conseil de l’Europe. Aujourd’hui, quelque 250 000 réfugiés azéris vivent en Arménie et les 700 000 Azéris qui habitaient dans les sept régions concernées d’Azerbaïdjan sont devenus des personnes déplacées. Cela vaut également pour presque 50 000 Azéris qui vivaient dans la région autonome du Haut-Karabakh. Et puis, il y a les réfugiés arrivés en Azerbaïdjan en raison de conflits qui sévissaient dans d’autres pays. Tout cela fait que l’Azerbaïdjan est le pays au monde qui compte le plus grand nombre de réfugiés, puisqu’ils sont 1 million sur une population totale de 8 millions d’habitants. Et cette situation dure depuis plus de dix ans.

Cela fera dix ans cette année que le cessez-le-feu a été signé entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, et, après tout ce temps, les négociations demeurent sans résultat. Bien entendu, nous ne pouvons nous accommoder de ce statu quo. L’Azerbaïdjan n’acceptera jamais la perte de ses territoires. Les normes du droit international doivent prévaloir. L’Azerbaïdjan respecte l’intégrité territoriale de tous les pays du monde et exige le même respect à l’égard de la sienne, qui doit être restaurée. Les forces arméniennes doivent se retirer des territoires occupés et les réfugiés doivent pouvoir retourner dans leur patrie.

Au XXIe siècle, il est inacceptable qu’un pays du Conseil de l’Europe – l’Arménie – continue d’occuper le territoire d’un autre pays du Conseil de l’Europe – l’Azerbaïdjan. La communauté internationale doit s’élever contre une telle situation. Bien entendu, nous espérons qu’une action concertée de la part de la communauté internationale nous aidera à résoudre ce problème. Nous sommes reconnaissants au Conseil de l’Europe d’avoir entrepris de débattre de cette question. Comme vous le savez, la commission des questions politiques travaille actuellement à un rapport sur l’Arménie, l’Azerbaïdjan et le Haut-Karabakh. Nous espérons fermement que ce document reflétera la situation et, plus important encore, qu’il éclairera le conflit sous l’angle politique.

Les Arméniens ont leurs propres arguments. J’en commenterai quelques-uns ici afin de donner de la situation une image plus complète. Ils arguent, en premier lieu, du fait que les Arméniens du Haut-Karabakh ont droit à l’autodétermination. Ce droit est très important et nous le respectons. Je tiens toutefois à attirer votre attention sur un point essentiel: les Arméniens exercent déjà ce droit. Ils disposent de leur propre Etat; en tant que peuple, les Arméniens ont déjà exercé leur droit à l’autodétermination. Imaginez ce qui arriverait si tous les Arméniens de la diaspora exigeaient d’exercer leur droit à l’autodétermination dans tous les pays où ils se trouvent! L’existence de minorités dans un pays doit-elle se traduire par une sécession? Les minorités, où qu’elles se trouvent, devraient-elle avoir le droit de créer leur propre Etat? Non, bien entendu.

Il y a des minorités dans beaucoup de pays, y compris européens. Il existe d’importantes minorités azéries dans de nombreux pays. Il y a près de 500 000 Azéris en Géorgie. Ils sont très nombreux en Fédération de Russie et ailleurs. Il y a aussi 200 000 Arméniens en Géorgie, soit quatre fois plus que dans le Haut-Karabakh. Est-ce à dire que ces personnes devraient pouvoir exercer leur droit à l’autodétermination? Certes non. C’est pourquoi il existe, dans ce cas précis, une contradiction entre droit à l’autodétermination et intégrité territoriale. En d’autres termes, nous attendons de la communauté internationale qu’elle joue un rôle actif en vue de trouver à ce conflit une solution fondée sur les normes du droit international.

Comme je le disais, c’est pour moi un grand plaisir et un grand honneur d’avoir l’occasion de m’adresser à cette Assemblée. L’Azerbaïdjan a accompli d’importants progrès depuis qu’il a acquis son indépendance. Aujourd’hui, nous poursuivons avec détermination notre intégration dans l’Europe et dans la famille européenne – les structures européennes. Nous ferons de notre mieux en vue de respecter toutes les normes et toutes les valeurs communes du Conseil de l’Europe. Voilà l’objectif vers lequel tend la politique que nous mettons en œuvre depuis longtemps. Les efforts déployés aujourd’hui par l’Azerbaïdjan se situent dans le droit-fil de cette politique. Nous continuerons d’être des membres actifs du Conseil de l’Europe. Nous sommes profondément engagés envers les valeurs européennes communes. Notre délégation a toujours été très active au sein du Conseil de l’Europe.

Je remercie les membres du Conseil de l’Europe, au sein duquel nous comptons beaucoup d’amis, de la compréhension dont ils font preuve à l’égard de nos problèmes. Je me réjouis de revoir aujourd’hui mes anciens collègues du Groupe des démocrates européens, avec lesquels j’ai travaillé de manière constructive pendant trois ans, ainsi que tous les autres membres de l’Assemblée. Je me souviens avec une réelle nostalgie de l’époque où, siégeant dans cette enceinte, je travaillais avec vous. Aujourd’hui, j’occupe une autre fonction et suis investi d’autres responsabilités. Soyez assurés que la politique que l’Azerbaïdjan met en œuvre depuis quelques années se poursuivra et qu’elle permettra d’apporter la paix et la prospérité à notre pays et à la région tout entière. Je vous remercie de votre attention.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Merci beaucoup, Monsieur Aliyev, pour ce discours fort intéressant ainsi que pour les propos aimables que vous avez tenus à l’endroit de cette Assemblée et du Conseil de l’Europe. Comme vous le savez, plusieurs parlementaires ont exprimé le désir de vous poser une question.

Je leur rappelle qu’ils disposent, pour ce faire, de trente secondes au maximum. Il s’agit, en effet, de poser des questions et non de prononcer des discours. Je suis disposé à autoriser des questions supplémentaires dans les limites du temps disponible. La parole est à M. Gaburro, pour poser la première question.

M. GABURRO (Italie) (traduction)

Je souhaite tout d’abord féliciter le Président de l’Azerbaïdjan pour les progrès considérables accomplis ces dernières années. Ma question concerne en particulier le secteur économique, dont les progrès ont été spectaculaires. Peut-il nous dire quel est le poids économique de l’Azerbaïdjan par rapport aux systèmes économiques des pays de l’Union européenne, et nous indiquer les tendances et les principaux secteurs concernés tant par l’importation que par l’exportation? Merci.

M. Aliyev, Président de l’Azerbaïdjan (traduction)

Nos relations commerciales et économiques avec l’Union européenne se renforcent d’année en année. La comparaison entre les chiffres de 2003 et ceux de 2002 fait apparaître une augmentation de près de 40 % des échanges, ce qui montre que l’Europe est devenue un important marché pour l’Azerbaïdjan. A ce propos, vous me permettrez de mentionner que l’Italie est notre principal partenaire.

Bien entendu, il convient de noter qu’une grande partie des infrastructures de l’Azerbaïdjan ont été mises en place à l’époque soviétique, ce qui fait que les pays issus de l’ancienne URSS restent nos principaux partenaires commerciaux. Les nouvelles structures et les nouvelles entreprises satisfont aux normes internationales, mais elles sont encore trop peu nombreuses. La plupart de nos industries ont été héritées du passé et c’est la raison pour laquelle nos produits sont dans leur grande majorité exportés vers les pays voisins, eux aussi issus de l’ex-Union soviétique.

Toutefois, la tendance est positive et nous regardons aujourd’hui les marchés européens avec beaucoup d’espoir. Je suis convaincu que les relations commerciales avec l’Europe continueront de se renforcer cette année encore.

Mme DURRIEU (France)

Monsieur le Président, c’est un plaisir et un honneur que de vous recevoir. Vous venez de réaffirmer votre détermination à faire de votre pays une démocratie. Quelles mesures avez-vous donc prises contre les violences et les irrégularités qui ont terni les dernières élections présidentielles?

Par ailleurs, votre pays est soumis au monitoring. Qu’en est-il du respect de vos engagements en la matière?

M. Aliyev, Président de l’Azerbaïdjan (traduction)

Les événements intervenus à la suite des élections présidentielles montrent qu’il subsiste des tensions dans notre société. Le gouvernement et notre parti encouragent le dialogue politique – un dialogue normal entre toutes les forces politiques du pays. Nous voulons résoudre nos problèmes par le biais du dialogue, mais, malheureusement, certains membres de l’opposition n’ont pas attendu de connaître les résultats officiels de l’élection pour exprimer leur mécontentement avec des pierres et des barres de fer. La télévision a rendu compte de la violente attaque contre la police. Il y a eu de nombreux incidents de ce genre et les principales chaînes de télévision en ont montré un, au cours duquel les manifestants ont lancé un camion contre la police.

Bien entendu, comme tous les pays du monde, l’Azerbaïdjan a le droit de se défendre. Et comme tous les pays du monde, il n’apprécie guère les attaques contre la police. Je pense que toutes les forces politiques d’Azerbaïdjan doivent agir dans le cadre de la loi. Démocratie et légalité doivent aller de pair. A maintes occasions, avant et après les élections, j’ai invité, dans mes discours officiels, toutes les forces politiques du pays à participer à un dialogue constructif. Malheureusement, je n’ai pas eu de réponse. Nous continuerons néanmoins à nous efforcer de créer un climat propice à la résolution des différends politiques par la voie du dialogue.

M. SLUTSKY (Fédération de Russie) (interprétation)

demande des précisions sur le programme de lutte contre la pauvreté mis en œuvre en Azerbaïdjan.

M. Aliyev, Président de l’Azerbaïdjan (interprétation)

répond que son pays travaille en coopération avec la Banque mondiale dans le cadre de ce programme, qui a pour but d’éradiquer la pauvreté. La question des réfugiés reste particulièrement complexe et, bien que le gouvernement dispose de ressources financières limitées, il tente de trouver des solutions pour leur venir en aide: 17 millions de dollars ont été réunis dans un premier temps pour subvenir aux besoins de logements et d’infrastructures; 30 000 réfugiés, pour commencer, devraient bénéficier de ces mesures. Le retrait total des forces d’occupation arméniennes du territoire azéri n’en reste pas moins une condition sine qua non pour mettre fin à cette catastrophe humanitaire qui dure depuis dix ans. Les récentes déclarations du ministre des Affaires étrangères arménien lors du Sommet de Bratislava permettent d’espérer une amélioration de la situation.

Mme VERMOT-MANGOLD (Suisse) (traduction)

Monsieur le Président, vous vous êtes à plusieurs reprises prononcé en faveur du dialogue en vue de résoudre les problèmes. Voyez-vous une possibilité de proposer un plan de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan? Quand un tel plan pourrait-il être présenté et quels en seraient les piliers?

M. Aliyev, Président de l’Azerbaïdjan (traduction)

L’Azerbaïdjan a réaffirmé à maintes reprises sa volonté de régler la question par des moyens pacifiques. Mais, bien entendu, la décision n’appartient pas à une seule des parties: il faut être deux pour pouvoir parvenir à un accord. Nous attendons de ceux qui sont chargés de nous aider à résoudre la question – le Groupe de Minsk de l’OSCE et ses coprésidents (Etats-Unis, France et Fédération de Russie) – qu’ils jouent un rôle plus actif en vue de la résolution du conflit. Lorsque les deux parties ne peuvent s’accorder, une tierce partie est en droit d’agir. Les coprésidents du Groupe de Minsk ont pour mandat de jouer un rôle de médiateurs dans les négociations, et pas uniquement un rôle d’observateurs, comme cela arrive malheureusement quelquefois. Nous sommes déterminés à poursuivre les négociations, mais, dans un même temps, celles-ci ne peuvent avoir lieu que si elles portent sur une question précise. Nous nous refusons à mener des simulacres de négociations. Si l’Azerbaïdjan estime vaine la poursuite de négociations, il réexaminera sa politique.

M. GROSS (Suisse) (traduction)

Je tiens, d’emblée, Monsieur le Président, à vous rendre hommage pour votre courage et pour la liberté de vos propos. L’Assemblée traitant souvent de questions concrètes, j’aimerais, moi aussi, vous poser une question concrète. Quel est, entre la croissance économique, le développement démocratique et la justice sociale, l’objectif qui vous paraît prioritaire et quelles mesures prendriez-vous pour mener les trois de front?

M. Aliyev, Président de l’Azerbaïdjan (traduction)

Je vous remercie pour cette question. On ne peut parvenir à ces objectifs qu’en mettant en œuvre un train de mesures. Un pays peut devenir une puissance économique sans être une démocratie. Mais cela ne vaut pas pour l’inverse. On ne peut créer un pays démocratique sans une économie forte, laquelle est nécessaire pour régler les problèmes sociaux. Dans les pays pauvres, la lutte contre la pauvreté prime souvent sur la démocratisation. Aucun des objectifs que vous avez évoqués ne peut être une priorité à lui tout seul, car ils sont tous trois également importants. Il n’est toutefois pas possible d’instaurer une société démocratique sans une économie forte. L’Azerbaïdjan a commencé par jeter les bases de son économie et par attirer les investissements. Il a ensuite entrepris de diversifier son économie et, à cet égard, les chiffres que j’indiquais tout à l’heure montrent qu’elle est en pleine croissance. En tenant compte du fait qu’une personne sur huit est un réfugié qui doit être soutenu par le gouvernement, nos priorités sont la stabilité sociale, la sécurité, la démocratie et le développement économique, comme le prouve la politique que nous mettons en œuvre.

M. KIRILOV (Bulgarie) (traduction)

Puisque vous êtes un ancien membre de l’Assemblée, Monsieur le Président, je ne vous apprendrai rien en vous disant que de nombreux parlementaires sont vivement préoccupés devant le nombre de conflits irrésolus dans le sud du Caucase. Vous avez parlé de celui qui affecte votre pays, mais j’aimerais connaître votre point de vue sur les initiatives lancées par la communauté internationale en vue de restaurer la confiance dans la région. Appréciez-vous et soutenez-vous ces initiatives?

M. Aliyev, Président de l’Azerbaïdjan (traduction)

En l’absence de mesures de confiance, il serait difficile d’envisager un accord général. Nous ne pouvons souscrire d’emblée à chacun des points du processus de paix, c’est pourquoi il faut adopter une approche par étape. Les mesures de confiance ont un sens plus large, mais leur objectif principal est de permettre la résolution du conflit pas à pas. Cette approche est logique et peut aider les deux parties à parvenir progressivement à un accord. La première étape doit être le retrait par l’Arménie des forces d’occupation stationnées dans les sept régions de l’Azerbaïdjan situées au-delà de la frontière administrative de la région autonome du Haut-Karabakh, car cette démarche contribuera à se rapprocher d’une solution. Ce retrait, qui a été débattu tant au Parlement européen que dans d’autres instances, constitue une bonne mesure de confiance et nous aidera certainement à parvenir à une solution.

M. ATES¸ (Turquie) (traduction)

Monsieur le Président, j’aimerais vous souhaiter la bienvenue en turc, votre langue maternelle, dans laquelle nous pourrions converser si l’interprétation était assurée pour les autres membres de l’Assemblée.

Vous avez mentionné le projet de construction de gazoducs et d’oléoducs ainsi que l’importance qu’il revêt pour la prospérité de la région. Quels sont, à votre avis, les liens entre la réussite de sa mise en œuvre et l’intégration future des peuples de ces régions, notamment dans le contexte des récentes initiatives de l’Union européenne et de la Grande Europe?

M. Aliyev, Président de l’Azerbaïdjan (traduction)

La mise en œuvre de ces projets aura différents impacts sur nos relations avec l’Union européenne. En premier lieu, elle permettra de renforcer l’économie de l’Azerbaïdjan. Il serait naïf de croire que le pétrole seul permettra de parvenir à la prospérité. Il faut travailler dur et saisir cette occasion unique pour créer une économie forte, qui ne dépendra pas du pétrole et du prix du pétrole. Tel est notre objectif stratégique. Bien entendu, le développement économique nous rapprochera des normes européennes et jouera un rôle important dans nos relations internationales.

A partir de 2006, l’Azerbaïdjan commencera à livrer du gaz naturel à la Turquie. Comme vous le savez, la Turquie et la Grèce sont convenues d’unir leurs réseaux de distribution de gaz. C’est pourquoi nous aurons la possibilité de livrer du gaz à la Turquie et à la Grèce ainsi qu’à d’autres pays européens. Dans ce cas – et cela fait également partie de nos objectifs stratégiques – l’Azerbaïdjan sera un fournisseur fiable et efficace de gaz pour les consommateurs européens, compte tenu des coûts de transport et d’autres facteurs. Voilà les facteurs les plus identifiables des efforts que nous déployons pour réaliser nos objectifs, mais il y en a également d’autres.

Permettez-moi de vous donner un chiffre: quelque 10 millions de dollars sont investis chaque jour dans quatre projets pétroliers et gaziers en Azerbaïdjan. Les organisations financières internationales qui nous accordent des prêts pour la mise en œuvre de tels projets nous font manifestement confiance. Cette confiance contribue à accroître non seulement notre crédibilité, mais aussi nos possibilités de coopérer dans d’autres secteurs avec ces organisations, y compris la Banque mondiale. Je suis convaincu que tel sera le cas, ce qui donnera une autre dimension à nos relations avec l’Union européenne. Le développement du secteur non pétrolier ainsi que les projets que nous déployons dans les domaines des transports et de l’intégration se poursuivront une fois que les principaux projets énergétiques auront été mis en œuvre.

Mme HURSKAINEN (Finlande) (traduction)

Selon les rapports, le processus électoral en Azerbaïdjan aurait été entaché d’irrégularités. J’aimerais savoir si des enquêtes ont été ouvertes à ce propos.

M. Aliyev, Président de l’Azerbaïdjan (traduction)

Les élections de l’année dernière reflètent la situation réelle dans le pays. Je ne nierai pas l’existence d’irrégularités. Notre législation n’est pas parfaite et, pour être franc, nous ne sommes pas encore prêts à tenir des élections répondant aux normes requises par l’Union européenne. Toutefois, il ne fait aucun doute que les résultats de l’élection reflètent bien la réalité. Avant la consultation, il a été procédé à des sondages d’opinion, dont certains ont été menés par des organisations internationales. Le sondage effectué par l’American International Republican Institute avant le début de la campagne électorale avait fait apparaître que 65 % des électeurs avaient l’intention de voter pour moi. La campagne électorale m’a donné une nouvelle occasion de présenter mon programme, mes vues et mes idées. Mais il y a également eu d’autres facteurs. L’opposition n’a pas été en mesure de désigner un candidat unique et ses membres se sont affrontés au lieu de faire front pour tenter de battre le candidat de la majorité, ce qui a eu pour résultat de m’apporter des voix supplémentaires.

Il ne fait aucun doute que, tant pour l’Azerbaïdjan que pour les observateurs étrangers, les résultats de l’élection reflètent la réalité. Dans un même temps s’est posée la question des bureaux de vote où on a constaté des irrégularités. Sauf erreur de ma part, dans plus de 600 d’entre eux, le résultat a été invalidé en raison de ces irrégularités. Toutes les mesures nécessaires ont été prises en vue d’améliorer le processus électoral à l’avenir. Les prochaines élections seront meilleures. Les dernières élections l’étaient déjà par rapport aux précédentes. L’Azerbaïdjan est un pays neuf, qui ne satisfait pas encore à toutes les normes en la matière. Quelque 1 000 observateurs ont suivi le processus électoral. Je suis convaincu qu’il y aura moins de problèmes à l’avenir.

LE PRÉSIDENT (traduction)

En principe, nous devrions en terminer maintenant, mais je vais encore donner la parole à deux orateurs, MM. Bruce et Rustamyan, avant de clore notre dialogue avec M. Aliyev, car il n’est que juste qu’un Arménien ait l’occasion de poser une question. Je demanderai au Président Aliyev de bien vouloir répondre après que les deux questions auront été posées. La parole est à M. Bruce, pour poser sa question.

M. BRUCE (Royaume-Uni) (traduction)

En tant que rapporteur sur la question des prisonniers politiques en Azerbaïdjan, je tiens à vous remercier des entretiens que vous avez eu l’amabilité de m’accorder, le premier en décembre et le second hier, lesquels ont été très constructifs. Je sais que, depuis décembre, vous avez procédé par deux fois à la libération de prisonniers politiques. Pensez-vous respecter l’obligation d’achever ce processus en septembre, ce qui permettrait de clore ce chapitre des relations entre le Conseil de l’Europe et l’Azerbaïdjan, et de passer à celui de l’instauration d’une société démocratique pluraliste?

M. RUSTAMYAN (Arménie)

Monsieur le Président, en adhérant à différents traités ou programmes de coopération internationale, l’Azerbaïdjan émet régulièrement des réserves unilatérales qui ont pour objectif de bloquer la participation de l’Arménie à toute coopération régionale ou internationale.

En tant que Président nouvellement élu, avez-vous l’intention de poursuivre cette politique? Si oui, ne pensez-vous pas que l’absence de toute coopération associant l’ensemble des pays de la région est susceptible d’affecter le développement global de cette région? Selon vous, ne perdons-nous pas ainsi l’occasion d’atténuer la tension et de créer des conditions propices à un règlement du conflit?

M. Aliyev, Président de l’Azerbaïdjan (traduction)

Je commencerai par répondre à la question de M. Bruce. Nous nous sommes engagés à respecter toutes les obligations que nous avons contractées en adhérant à l’Organisation. Je suis personnellement déterminé à clore ce chapitre, parce que nous avons encore d’autres tâches à accomplir. Il nous faut veiller au développement du pays et à l’instauration d’une société moderne, démocratique et libre. Les événements du passé font aujourd’hui partie de l’Histoire. Ce point de vue a été formulé à maintes reprises et je suis convaincu que si les membres de toutes les forces politiques d’Azerbaïdjan participaient aux efforts déployés pour l’instauration de la démocratie au lieu de travailler à détruire ce qui a déjà été édifié nous parviendrions à atteindre nos objectifs plus rapidement.

Par le passé, notre problème était que certaines forces œuvraient contre le gouvernement, contre l’Etat et contre l’indépendance du pays en s’attaquant à la souveraineté de l’Azerbaïdjan – par des actes criminels et d’autres types d’agissements. Cela, nous ne pouvons nous le permettre. Notre pays connaît un nombre considérable de problèmes: il y a l’occupation; il y a les réfugiés. Nous devons travailler à la consolidation de la démocratie. Tous les Azéris doivent unir leurs efforts en vue de renforcer notre indépendance, de mettre fin au conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, et de libérer notre pays.

Au cours du premier discours que j’ai prononcé à la suite de mon élection, je disais que je serais le Président de tous les Azéris – et c’est ce que je suis. J’entends poursuivre la politique visant à mettre un terme à la tragique histoire du passé, mais il est très difficile d’y parvenir seul. Toutes les forces politiques doivent prendre une part active à cet effort. Les mesures que j’ai prises en vue de gracier les prisonniers se situent dans le droit-fil de cette politique et je compte poursuivre dans cette voie.

Pour ce qui est de la question posée par M. Rustamyan, je tiens à clarifier un point important – que j’ai d’ailleurs évoqué à plusieurs reprises lorsque j’étais membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. On a parfois l’impression que l’Arménie souhaite coopérer avec l’Azerbaïdjan, mais que ce dernier s’y refuse. C’est peut-être vrai, mais il y a à cela de bonnes raisons. Le territoire de l’Azerbaïdjan est occupé et, bien entendu, il ne saurait être question de coopérer avec l’occupant. Imaginez un instant que votre pays soit occupé et que l’occupant vous invite à coopérer! Cela ne peut fonctionner; la proposition manque de sérieux. L’Azerbaïdjan ne coopérera pas avec l’Arménie tant que le conflit du Haut-Karabakh ne sera pas résolu. Si l’Arménie veut coopérer dans la région, elle est libre de le faire. Nous, nous mettrons en œuvre notre propre politique. Mais la coopération régionale est impossible sans la participation de l’Azerbaïdjan.

Qu’est-ce que l’Arménie a gagné avec cette occupation? La population a-t-elle vu son niveau de vie augmenter? L’Arménie est-elle devenue plus puissante économiquement et politiquement? A-t-elle amélioré son image? Je lui laisse le soin de répondre à ces questions… L’occupation de territoires appartenant à un autre pays ne contribue certainement pas à donner de soi une image positive. La coopération régionale avec l’Arménie n’est pas possible. Une nouvelle fois, je souligne que telle est la position officielle de notre pays et qu’il n’en changera pas tant que les forces arméniennes ne se seront pas retirées de son territoire.

LE PRÉSIDENT (traduction)

Monsieur le Président, au nom de l’Assemblée, je vous remercie de votre visite, de votre discours ainsi que des réponses que vous avez faites aux questions des parlementaires. Nous vous souhaitons plein succès à vous-même et à votre pays.