Abdullah

Gül

Président de la Turquie

Discours prononcé devant l'Assemblée

mardi, 25 janvier 2011

Monsieur le Président, avant de prononcer mon discours, j’exprime mes plus sincères condoléances au peuple russe, par l’entremise de ses représentants présents dans cet hémicycle. Une fois de plus, je condamne toutes les formes de terrorisme.

Monsieur le Président, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée parlementaire, c’est un grand plaisir pour moi que d’être de nouveau dans l’enceinte du Conseil de l’Europe. J’ai été assis dans vos rangs pendant dix années. Etre membre de l’Assemblée parlementaire fut une expérience personnelle extrêmement enrichissante.

Mon engagement auprès du Conseil de l’Europe coïncide parfaitement avec les vingt années de ma carrière politique. C’est en tant que membre de l’Assemblée parlementaire que j’ai pris ici la parole pour la première fois. Ensuite, j’ai eu l’occasion d’intervenir devant l’Assemblée parlementaire en tant que Premier ministre, avant de représenter, en tant que ministre des Affaires étrangères, mon pays au Comité des Ministres. C’est maintenant la deuxième fois que je m’adresse à cette assemblée en tant que Président de la Turquie.

«L'Europe représente un mode de vie fondé sur des valeurs et des normes communes de portée universelle»

Monsieur Çavuşoğlu, mon concitoyen, préside à l’heure actuelle l’Assemblée parlementaire, tandis que mon pays préside le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe. J’aimerais exprimer toute ma reconnaissance aux Etats membres pour la confiance qu’ils ont ainsi témoignée à mon pays.

Monsieur le Président, nous sommes réunis ici, à Strasbourg, en ce début d’année 2011, à un moment où l’Europe connaît une grave crise et est affectée par un profond pessimisme. Notre continent essaie de sortir de la crise économique extrêmement sévère qui l’a frappé, plus gravement encore que d’autres régions du monde.

L’Europe connaît un taux de chômage élevé et un fort taux d’endettement qui contraint de nombreux pays à adopter des mesures économiques extrêmement dures. Or, pendant quelque quatre siècles, grâce à ses idées, à sa révolution industrielle et à sa technologie innovante qui permettaient une croissance économique ininterrompue, l’Occident a joui d’un avantage comparatif par rapport au reste du monde.

Il y a de cela seulement dix ans, les démocraties industrielles dominaient l’économie mondiale. Elles représentaient 70 % de la richesse produite. Aujourd’hui, cette proportion est tombée à 50 %. Dans seulement dix ans, elle sera tombée, estime-t-on, à 40 %. Les richesses seront alors essentiellement produites dans le monde émergent.

Ce changement conduit à une nouvelle distribution du pouvoir au niveau international. Il est clair que le centre de gravité du monde se déplace de l’Occident vers d’autres régions du monde, en particulier l’Asie. Si cette tendance se poursuit, l’influence économique et le rôle de l’Europe se réduiront petit à petit.

Cependant, l’Europe, ce n’est pas seulement l’industrialisation, les technologies ou la puissance économique. L’Europe, c’est également le berceau de concepts tels que la démocratie, l’Etat de droit et le respect des droits de l’homme. C’est l’Europe qui a porté en son sein les révolutions démocratiques, comme l’a montré l’Histoire.

Le pouvoir relatif des différents pays, la puissance économique des différents continents ont connu des hauts et des bas au cours de l’Histoire. En revanche, les valeurs nées en Europe perdureront éternellement, elles guideront l’humanité au cours des prochains siècles. C’est pourquoi nous ne devons pas perdre de vue la force qui continue d’être celle de l’Europe.

Au XXe siècle, ayant connu – comme au cours des siècles précédents – des guerres ravageuses, l’Europe a décidé de donner à l’humanité les œuvres les plus nobles.

Notre continent a accompli des progrès immenses ces soixante dernières années. Il a construit un ordre démocratique commun fondé sur l’Etat de droit et le respect des droits de l’homme. L’Europe de l’après-guerre, c’est une maison, une communauté à laquelle chaque citoyen appartient en vertu des droits et libertés individuels dont il jouit, qui sont garantis par des gouvernements élus démocratiquement et défendus par un système judiciaire impartial et indépendant. La tolérance, l’acceptation de l’autre, le respect mutuel de la diversité: voilà notre norme commune!

Etre membre d’une telle communauté, c’est aussi accepter des obligations, se respecter les uns les autres, contribuer au développement d’une société juste où règne la cohésion sociale.

Ces réalisations démocratiques continuent d’être l’apport spécifique de l’Europe au reste du monde. L’Europe, c’est un mode de vie fondé sur des valeurs et des normes communes. Ainsi l’Europe reste-t-elle forte et conserve-t-elle sa pertinence dans le monde actuel.

L’Europe divisée avait conduit à la guerre et à l’oppression. Une Europe sans lignes de clivage, reposant sur des principes démocratiques, a, elle, conduit à la paix et à la prospérité.

Notre Organisation se trouve au cœur même de cette construction démocratique. Elle a réalisé un travail de pionnier, transformant notre continent en un espace juridique unique.

J’aimerais néanmoins souligner que l’Europe n’est pas véritablement consciente du pouvoir qu’elle détient et qu’elle est trop souvent perçue comme un acteur absent à l’échelle internationale.

Monsieur le Président, aujourd’hui c’est le pessimisme qui prévaut sur la vie politique en Europe. De plus en plus de manifestations d’intolérance et de discriminations se font jour dans nos sociétés. Ces dernières années, nos Etats membres sont affectés par l’affaiblissement des relations sociales, par la radicalisation des écarts entre groupes religieux, les clivages ethniques, les divisions entre communautés culturelles. Cela nuit au tissu social de nos nations.

Ces nouvelles tendances représentent un défi pour les sociétés européennes et peuvent même mettre en danger l’acquis démocratique de l’Europe.

Le racisme et la xénophobie sont l’une des principales causes d’inquiétude dans le cadre de la crise économique actuelle. Ils obligent les gouvernements et les élites politiques à prendre une position très ferme vis-à-vis des migrants. Ce sont les Roms, les gens du voyage, les musulmans, les juifs, ceux qui sont différents qui en font les frais et qui font l’expérience du rejet et de l’exclusion sociale dans nombre de nos sociétés.

De plus en plus d’électeurs votent en faveur de partis politiques qui font de l’immigration la cause principale de l’insécurité, du chômage, des crimes, de la pauvreté, des difficultés sociales.

Ces tendances devraient tous nous inquiéter parce qu’il s’agit de pathologies qui menacent la force de l’Europe dans le monde. Nous devons œuvrer de concert pour lutter contre ces problèmes et réaffirmer la place de l’Europe sur la scène internationale.

Mesdames, Messieurs les députés, le Conseil de l’Europe a beaucoup fait et continue d’agir pour promouvoir la coexistence pacifique des peuples en Europe et le respect mutuel des personnes de toutes origines, cultures ou croyances.

Nombre de vos sessions à l’Assemblée sont consacrées à cette noble tâche.

La Cour européenne des droits de l’homme a prononcé de nombreux arrêts qui défendent cet objectif. Le Comité des Ministres, le Commissaire aux droits de l’homme, le Comité européen contre le racisme et l’intolérance ont tous apporté leur contribution à une vie collective harmonieuse pour que chacun vive avec l’autre comme son égal, en toute dignité.

C’est pourquoi le Conseil de l’Europe a pour mission de relever ces nouveaux défis.

En tant que gardiens de la Convention européenne des droits de l’homme, notre mission est de défendre les valeurs qui sont la condition même de la sécurité démocratique et de la stabilité en Europe.

Monsieur le Président, j’aimerais être clair à ce sujet. Les sociétés européennes vont se diversifier de plus en plus. Comme l’indiquent les dernières tendances démographiques et notamment le vieillissement de la population, un certain niveau de migration sera nécessaire pour que la prospérité perdure dans la plupart des pays européens. Les experts tombent d’accord à ce sujet. Il faudra compenser la perte de production économique due au vieillissement de la population par une migration accrue.

Nous constatons parfois que les vagues de migration s’inversent. Par exemple, mon pays, la Turquie, connaît aujourd’hui une immigration en provenance des pays occidentaux qui l’entourent, alors qu’elle était un point de départ des migrants dans les années 1960. Le choix d’une Europe forteresse serait un choix irrationnel et une illusion. Si nos sociétés veulent se diversifier, il faut répondre aux conséquences politiques et sociales croissantes de cette diversité.

Les démocraties européennes commencent à constater ce que la démocratie américaine avait découvert, il y a de cela quelque temps déjà: séparés mais égaux n’est pas la bonne voie. Lorsqu’on divise, il n’y a pas d’égalité. Les communautés de migrants de même que celles des pays d’accueil doivent tout faire pour éviter la ségrégation, la séparation et la coexistence en parallèle.

La diversité doit être inclusive pour que les sociétés démocratiques vivent en bonne harmonie. Il faut que chacun s’attelle à intégrer de manière réussie les migrants.

Les musulmans d’Europe ont peut-être été plus touchés que d’autres par ces tendances, en particulier après les attaques terroristes du 11 Septembre à New York, Madrid, Istanbul et Londres.

Les musulmans en Europe sont très différents de par leurs différentes origines géographiques et leur héritage culturel, mais aussi par la lecture qu’ils font de leur foi. Pourtant, on perçoit mal ces différences et on considère tous les musulmans comme formant une communauté unique.

Ceux qui commettent des crimes n’ont rien à voir avec l’islam. Il faut bien comprendre que les terroristes attaquent aussi des cibles musulmanes. Leur objectif n’est pas politique. Leur objectif est d’atteindre une sorte d’utopie illégale et archaïque.

L’islam, comme toutes les autres religions, prêche la tolérance et le respect des êtres humains, quelles que soient leurs croyances et leurs religions. C’est l’abus de la croyance ou de la religion à des fins politiques qui conduit à l’intolérance et à l’exclusion.

Il en est de même pour ce qui est des minorités ethniques et des récentes vagues d’immigration en Europe. Ce sont ces différentes communautés, ces nouveaux arrivants qui font l’objet de stéréotypes dans l’opinion publique et dans les médias.

Nous devons promouvoir les droits de l’homme, la tolérance, le dialogue et la cohésion sociale pour que chacun ait confiance dans nos institutions démocratiques. Si nous y parvenons, l’Europe restera ce phare du respect des droits de l’homme de par le monde. On dit que pour assurer la liberté, le prix en est la vigilance éternelle. Or, les craintes populaires face à l’immigration ont conduit à un soutien renforcé à des partis politiques extrémistes. Je suis particulièrement préoccupé par le fait que des partis politiques moins extrémistes souhaitent néanmoins attirer aussi cet électorat en suscitant ces peurs parmi la population.

J’ai toujours défendu l’usage d’un nouveau langage politique dans notre pays et à l’étranger. Je pense que c’est le langage que l’on utilise en politique qui permet d’être constructif ou négatif. Nous pouvons soit assurer une meilleure compréhension entre les uns et les autres, soit diviser pour mieux régner. Il faut que chacun tente de répondre aux peurs de la population d’une manière convaincante et dans le strict respect de la diversité et des droits de l’homme.

Je tiens à souligner que l’Europe ne sera jamais entre de bonnes mains tant que ses responsables politiques diront qu’elle est en guerre contre les autres cultures et les autres religions. Si de tels arguments continuent d’être répandus, non seulement l’Europe sera moins tolérante et moins démocratique, mais elle deviendra également une zone plus dangereuse pour ses habitants.

Il faut tenir compte des tristes leçons du passé. N’oublions pas que le soutien populaire à l’antisémitisme s’élevait seulement à 5 % à la fin des années 1920. Avec l’effet boule de neige, cette minorité empoisonnée de 5 % d’antisémites a conduit, quelques années plus tard seulement, à l’Holocauste. Si on ne tire pas les leçons de l’Histoire, celle-ci peut se répéter. Le Conseil de l’Europe a un rôle essentiel à jouer pour répondre aux défis contemporains. C’est pourquoi je suis heureux de la constitution d’un groupe d’éminents Européens à l’initiative de la présidence turque et je remercie le Secrétaire Général, M. Thorbjørn Jagland, de sa mise en place, d’autant qu’à sa tête se trouve mon ami, M. Joschka Fischer. J’appelle votre Assemblée à contribuer à ce grand projet intitulé «Vivre ensemble».

La démocratie et les droits de l’homme ne doivent jamais être considérés comme un acquis définitif. En tant que gardien de ces valeurs, le Conseil de l’Europe a, à mon avis, pour mission de poursuivre sa tâche. Pour le faire, il est tout aussi pertinent qu’il y a soixante ans.

Chers amis, il ne faut certes pas oublier les relations de l’Organisation avec l’Union européenne, mais l’Europe ne se réduit pas à l’Union européenne. Le Conseil de l’Europe représente 800 millions d’Européens: il est donc l’unique organisation paneuropéenne fondée sur des valeurs. Grâce à lui, ces millions d’Européens jouissent de droits fondamentaux, comme l’égalité de traitement, la liberté d’expression, l’égalité entre les sexes, la bonne gouvernance ou la transparence. Ils ont également le droit que des comptes leur soient rendus.

Le Conseil de l’Europe a transformé ces valeurs en des engagements contraignants par le biais de mécanismes de suivi. Grâce à l’Organisation, il existe aussi un espace juridique commun en Europe. On ne saurait donc sous-estimer la valeur de notre Organisation et son rôle dans la construction d’une Europe plus libre, plus sûre et plus prospère.

Afin qu’il puisse maintenir son rôle et poursuivre sa tâche, j’en appelle à tous les membres du Conseil pour qu’ils continuent leur activité notamment politique en son sein. Je sais que le Secrétaire Général de l’Organisation s’est engagé fermement dans une réforme politique permettant au Conseil d’être plus pertinent et plus visible encore. Je lui ai fait part de ma conception de l’avenir de l’Organisation lorsqu’il m’a rendu visite à Ankara. Il m’a informé ce matin qu’il ferait de nouvelles propositions. La Turquie apporte tout son soutien à ses efforts. À cette fin, la présidence turque a identifié la réforme de l’Organisation comme une de ses priorités.

La prochaine réunion du Comité des Ministres aura lieu au mois de mai à Istanbul. J’espère qu’elle sera l’occasion de finaliser certaines des réformes actuellement envisagées. La transformation la plus réussie de l’Organisation fut celle de la Cour européenne des droits de l’homme. Cette institution unique en son genre est un succès qui parle de lui-même. Il est donc paradoxal que la Cour soit aujourd’hui confrontée au plus difficile des défis. C’est pourquoi le processus de réforme entamé lors de la Conférence d’Interlaken, sous présidence suisse, doit se poursuivre. La présidence turque le fera dans le cadre d’une conférence de haut niveau qui se tiendra à Izmir, au printemps prochain.

Monsieur le Président, chers amis, tout comme l’Europe elle-même, le Conseil de l’Europe est à la croisée des chemins. Notre continent a de nombreuses raisons de s’inquiéter, mais notre foi en la démocratie doit nous permettre de relever les défis auxquels nous sommes confrontés. Les Etats européens doivent résister à toute tentation de se refermer sur eux-mêmes. L’Europe ne peut échapper à la mondialisation, qui est un processus économique et culturel rapide. Elle doit l’encadrer. Si elle parvient à l’intégrer, elle pourra alors changer l’évolution et le développement du monde. La diversité croissante de l’Europe, sa pertinence, ses valeurs partagées, les leçons qu’elle a tirées du passé, tels sont ses grands atouts.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée parlementaire, rappelons-nous le discours tenu par Winston Churchill au Conseil de l’Europe en 1950. Devant la menace communiste, il avait appelé à la création d’une armée unique européenne. Nos ennemis d’antan sont devenus nos nouveaux amis, nos alliés. L’Europe est bien plus sûre aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a soixante ans. Toutefois, elle doit encore surmonter des défis. Pour le faire, nous avons besoin non pas d’une armée mais d’une conscience unique européenne, pour une Europe plus libre, plus juste, plus égale et plus unie.

Le Conseil porte nos valeurs et nos aspirations: il constitue un forum sans pareil pour nourrir cette conscience. Agissons ensemble pour construire cette Europe-là.

LE PRÉSIDENT (interprétation)

Je vous remercie, Monsieur le Président, de ce discours qui aura passionné les membres de l’Assemblée. Mes collègues souhaitent vous poser des questions. Il y a plus de quarante inscrits.

Je tiens à leur rappeler qu’ils ont trente secondes chacun. De plus, il s’agit bien de poser une question et non pas de faire un discours.

La parole est d’abord à M. Volontè, au nom du Groupe du Parti populaire européen.

M. VOLONTÈ (Italie) (interprétation)

Monsieur le Président, nous sommes très heureux de votre venue dans cet hémicycle, vous qui avez été des nôtres durant tant d’années.

Vous avez évoqué un grand nombre de sujets, notamment le danger de voir l’Europe revenir aux années 1930. Nous sommes tous préoccupés par l’extrémisme. Toutefois, l’Europe se rappelle son histoire et ne veut pas d’un retour en arrière.

De grandes réformes constitutionnelles ont été réalisées en Turquie: comment ferez-vous pour que votre pays renforce davantage encore la liberté de religion, l’autonomie des minorités et les droits de l’homme?

M. Gül, Président de la Turquie (interprétation)

Comme vous l’avez souligné, la Turquie a lancé des réformes de grande ampleur visant à renforcer les normes démocratiques et juridiques turques.

Ce travail a parfois été décrit comme une révolution silencieuse. Nous avons encore beaucoup de choses à faire mais aucun pays n’est parfait en Europe, que ce soit à l’Est ou à l’Ouest. Nous sommes conscients des lacunes existantes et avons l’intention de tout faire pour les combler. Nous avons confiance en nous-mêmes pour réaliser cet effort. Les réformes vont se poursuivre en Turquie dans tous les domaines, y compris ceux que vous avez évoqués.

Mme DURRIEU (France) (interprétation)

Monsieur le Président, je tiens à vous saluer – nous avons été collègues – ainsi que votre pays. En tant que rapporteur sur le dialogue post-suivi, mission qui doit bientôt s’achever, je salue également les réformes que vous y avez réalisées.

La Turquie vit un moment privilégié puisque, outre votre présence ce matin, et celle du président du Comité des Ministres hier, le Président du Conseil de l’Europe est également un Turc – je rends hommage à son travail. Vous êtes la conscience du Conseil de l’Europe.

Or l’évolution démocratique d’un pays se mesure à certains moments plus qu’à d’autres. Lors du dernier référendum, une seule réponse était possible pour 26 questions. Pour les prochaines élections qui se dérouleront en juin 2011, modifierez-vous le seuil de 10 %, comme vous vous y étiez engagé en 2007? Je vous rappelle que la Commission de Venise l’a jugé trop élevé.

M. Gül, Président de la Turquie (interprétation)

Notre Constitution prévoit que la loi électorale ne peut être modifiée pendant une année électorale. À une époque, il était possible de le faire et nous avons connu de mauvaises expériences. Mais une révision constitutionnelle est prévue après les élections du mois de juin. Le débat est déjà lancé, un grand nombre de modifications ont déjà été apportées et chacun, partis de l’opposition et au pouvoir, est convaincu qu’il est nécessaire de réformer notre Constitution.

Sachez cependant qu’en ce qui concerne les candidats indépendants, il n’existe pas de seuil.

LE PRÉSIDENT (interprétation)

Je vous rappelle, mes chers collègues, d’une part, que vous avez 30 secondes pour poser votre question et, d’autre part, qu’il ne s’agit pas de faire un commentaire.

La parole est à M. Savvidi, au nom du Groupe démocrate européen.

M. SAVVIDI (Fédération de Russie) (interprétation)

Monsieur le Président, je vous remercie pour vos condoléances à l’égard de la population russe qui a été victime hier d’un attentat terroriste.

Je voudrais également, par votre intermédiaire, remercier le Gouvernement turc de la possibilité qui a été donnée cette année, après quatre-vingt-sept ans, d’accepter une liturgie dans des monastère orthodoxes de l’est de votre pays. Est-il possible de restaurer ces monastères religieux?

M. Gül, Président de la Turquie (interprétation)

Nous respectons tous les citoyens, quelle que soit leur religion. La liberté de religion existe en Turquie, elle est essentielle pour la démocratie.

Quand, dans le passé, les questions politiques et religieuses ont été confondues, aussi bien dans le débat national qu’international, cela a donné lieu à des difficultés. Aujourd’hui, nous avons bien l’intention d’éliminer tous les obstacles à ces libertés. Cela est aussi très important pour la majorité musulmane de Turquie. Notre but est de respecter chaque citoyen et la religion qu’il pratique, qu’il soit musulman, catholique, orthodoxe ou même agnostique.

La rénovation des monastères, est une question technique que je ne souhaite pas aborder. Mais sachez que la restauration d’une église arménienne a été financée par l’Etat et que d’autres églises et des mosquées font également l’objet de travaux de restauration. La Turquie est un très grand pays qui compte un grand nombre de monuments très anciens dont certains ont besoin d’être restaurés.

Mme FIALA (Suisse) (interprétation)

Merci d’être parmi nous, Monsieur le Président. Les frontières extérieures de Schengen connaissent des difficultés. La Grèce vit actuellement une situation qu’à connue l’Italie, à savoir l’arrivée massive de réfugiés, souvent via votre pays, en provenance d’Afrique sub-saharienne, d’Afghanistan ou d’Iran. Comment la Turquie peut-t-elle contribuer à atténuer ce problème? Combien de réfugiés traversent les frontières de la Turquie aujourd’hui?

M. Gül, Président de la Turquie (interprétation)

Vous évoquez un problème majeur qui n’intéresse pas seulement l’Europe. De nombreux pays sont concernés, notamment la Turquie.

Pour être objectif, il convient de préciser que ces flux ne passent pas uniquement par la Turquie, mais aussi par d’autres pays. Certains migrants arrivent même par la mer. La Turquie est attentive à ce problème puisque du fait de sa géographie, elle se trouve sur les itinéraires des migrants de l’Est et du Sud. C’est la raison pour laquelle nous avons pris un train de mesures assez strictes en coopération étroite avec des organisations régionales et internationales. Nous en discutons aussi avec les autorités grecques et bulgares, entre autres.

La Turquie ne peut pas devenir le pays d’accueil de tous les migrants. Par moments, les flux sont très importants. Toutefois, nous avons accordé récemment certains droits à des personnes se trouvant sur notre territoire, notamment en matière de protection sociale. Mais il est indispensable que les pays concernés coopèrent étroitement.

M. HUNKO (Allemagne) (interprétation)

Monsieur le Président, M. Hammarberg, le Commissaire aux droits de l’homme, a parlé de la résolution du conflit kurde comme une des tâches centrales en matière de droits de l’homme en Europe.

J’ai fait partie, en octobre, d’une délégation allemande qui s’est rendue dans votre pays pour suivre le procès de 151 leaders de la société civile kurde, élus, avocats, syndicalistes, défenseurs des droits humains, intellectuels, journalistes et fonctionnaires à Diyarbakir.

Ma question est la suivante: pourquoi des dizaines de membres d’un parti politique légal se retrouvent-ils en détention provisoire pour certains, depuis deux ans, et pourquoi ne peuvent-ils pas s’entretenir dans leur langue maternelle? Ne pensez-vous pas qu’en bloquant la voie démocratique, la spirale de la violence ne fera que se développer?

M. Gül, Président de la Turquie (interprétation)

Si vous avez suivi cette affaire, vous devez connaître la position de la Turquie: plus l’Etat démocratique sera développé, plus nous aurons un Etat de droit et plus les terroristes se verront isolés. Mais aucun Etat ne peut accepter que d’autres pouvoirs cherchent à agir par des canaux différents.

Ce sont des tribunaux indépendants qui jugent cette affaire et nous souhaitons qu’ils rendent leurs verdicts le plus rapidement possible. Si les accusés ne parlent pas le turc, ils ont la possibilité de s’exprimer dans une autre langue.

M. OMTZIG (Pays-Bas) (interprétation)

Je vous remercie, monsieur le Président, pour vos propos très clairs et pour vos efforts incessants en vue de promouvoir les droits de l’homme en Turquie et dans le reste de l’Europe.

Vous avez mentionné les minorités musulmanes dans les pays d’Europe. Je voudrais vous demander de vous intéresser également aux minorités chrétiennes dans votre propre pays. Je pense, par exemple, à ce qui s’est passé au sujet de divers monastères. Que comptez-vous faire pour protéger ces minorités et donner suite à la Résolution que nous avons adoptée à ce sujet?

M. Gül, Président de la Turquie (interprétation)

Le Traité de Lausanne prévoit le respect des droits des minorités et leur protection. La Turquie a souscrit à ce traité et les minorités n’ont pas moins de droits que les autres citoyens Turcs.

Par conséquent, en tant que citoyens, tous les gens sont égaux en Turquie, quelles que soient leur foi ou leurs croyances, et chacun a le droit de pratiquer sa religion et d’en parler.

S’agissant des problèmes de propriété, un certain nombre de questions se posent. Des discussions, parfois très anciennes, portent sur certaines propriétés. Si les décisions prises par les tribunaux turcs en la matière n’apparaissent pas satisfaisantes, la partie qui s’estime lésée peut s’adresser à la Cour européenne des droits de l’homme, dont les arrêts sont contraignants pour la Turquie, qui fait donc ce qu’il faut pour y donner suite.

Je ne vois pas très bien à quel cas vous faites référence. J’ignore s’il s’agit de la propriété d’une fondation, mais je pourrais vous citer l’exemple d’une propriété qui appartenait à une minorité. Cette dernière s’est adressée à la Cour européenne des droits de l’homme. Celle-ci a jugé que la minorité religieuse concernée était dans son droit et son bien lui a été restitué. Il faut bien examiner tous les aspects des différents cas!

M. SALLES (France)

Monsieur le Président, la Turquie et Israël ont toujours entretenu des relations confiantes permettant un dialogue utile et fructueux dans une région particulièrement sensible. Il semble que ces relations se soient dégradées ces dernières années. La Turquie, du fait de sa situation stratégique particulière, n’a-t-elle pas intérêt à jouer un rôle de médiateur facilitant le dialogue entre Israël et ses voisins immédiats?

M. Gül, Président de la Turquie (interprétation)

Notre politique étrangère va dans ce sens et, en jouant ce rôle, notre objectif n’est pas d’accroître le prestige de la Turquie, mais de contribuer à la stabilité et à la paix dans notre région.

Quand nous songeons à notre histoire, nous voyons que la Turquie a, pendant bien des siècles, joué un rôle important sur un très vaste espace géographique et dans un vaste système de coopération. La Turquie a la capacité d’apporter une contribution pour résoudre les problèmes régionaux.

Pour ce qui concerne le Moyen-Orient, les Israéliens comme les Palestiniens ont demandé à la Turquie de les aider à résoudre un certain nombre de problèmes. Ainsi, la Turquie est intervenue entre Israël et la Syrie pour inciter ces deux pays à engager des négociations directes. C’est une dimension qui s’inscrit dans notre approche globale pour le Moyen-Orient.

S’agissant de nos relations avec Israël, elles sont bien réelles comme elles le sont avec Gaza. La Turquie a également tenté d’apporter une contribution à la résolution de quelques problèmes entre Israël et des pays arabes à la demande, d’ailleurs, des parties concernées. La Turquie s’est impliquée dans toutes ces activités parce qu’on le lui avait demandé. Elle n’était ni tenue ni obligée de le faire!

Pour ce qui est de nos décisions récentes, elles relèvent moins d’un choix de la Turquie que du choix d’Israël, depuis l’affaire de l’embargo à Gaza. Les organisations internationales ont considéré que cet embargo n’était pas légal et beaucoup ont dit qu’une sanction collective ne saurait être acceptée. De nombreuses organisations humanitaires ont tenté d’aider les habitants de Gaza. À l’instar de nombreux pays, la Turquie l’a également fait avec la participation de personnes venant de 47 pays. Il s’agissait en fait d’un convoi humanitaire qui s’approchait de Gaza et qui a été attaqué par Israël dans les eaux internationales. Vous savez ce qui en a résulté!

La situation actuelle s’explique donc moins par un choix de la Turquie que par un choix d’Israël. Si Israël n’a plus confiance en la Turquie, c’est l’affaire d’Israël. Nous ne voulons pas, quant à nous, nous mêler des affaires des autres sans y être invités. Il reste que, dans le passé, de nombreuses demandes ont été adressées par le Gouvernement israélien à la Turquie pour intervenir dans la Grande région et que la Turquie y a donné suite en vue de favoriser la paix et la stabilité dans la région. En l’espèce, la Turquie n’a pas ménagé ses efforts.

Mme GAUTIER (France)

Monsieur le Président, au mois de janvier votre pays a été condamné par la Cour pour avoir interdit la parution de six journaux entre 2001 et 2007.

En 2010, la Cour a également condamné la Turquie pour avoir interdit le retour sur son territoire d’une universitaire américaine. Puis elle a lui a demandé de verser des indemnités à deux journaux censurés pour avoir publié des déclarations du PKK.

Vous devinez donc quelle est ma question, monsieur le Président: qu’en est-il exactement des engagements que vous avez souscrits en matière de liberté d’expression auprès du Conseil de l'Europe?

M. Gül, Président de la Turquie (interprétation)

J’ai écouté vos propos, mais c’est la première fois que j’entends parler de ces affaires, je n’en avais pas connaissance. Notre ambassadeur, représentant permanent au Conseil de l'Europe et donc présent ici, a l’air tout aussi surpris que moi et il m’indique qu’il n’a pas reçu ces informations. Je ne suis pas sûr qu’elles soient correctes, mais si vous pouvez me le garantir, je vous prie de me donner davantage de précisions car je n’ai connaissance ni des interdictions de journaux ni des autres évènements que vous mentionnez. Cela étant, nos diplomates pourront suivre cette affaire dont ils viennent de prendre connaissance.

Si l’expression de la liberté ne s’accompagne pas de violences, il faut accepter ce que l’on vous dit. Ce qui est dit ne plaît pas forcément à un pays, la Turquie en l’occurrence, mais s’il ne s’agit pas d’une tentative de s’adonner à la violence ou de provoquer la violence, tout peut être dit et tout peut être discuté en Turquie.

Mme ZOHRABYAN (Arménie) (interprétation)

Quand la Turquie reconnaîtra-t-elle le génocide d’un million et demi d’Arméniens commis sous l’Empire ottoman? Ne pensez-vous pas que la Turquie doit avoir le courage d’accepter et de reconnaître le génocide arménien afin qu’elle puisse se libérer du lourd fardeau de son passé et prendre sa place parmi les pays civilisés?

M. Gül, Président de la Turquie (interprétation)

Nous considérons que le terme de génocide n’est pas approprié. Nous n’acceptons pas l’idée d’un génocide dans l’histoire de notre pays. Si des personnes l’affirment, nous les engageons, et de façon très ouverte, à créer une commission réunissant des spécialistes, des scientifiques, afin d’établir s’il y a eu oui ou non génocide. Nous ouvrirons toutes nos archives, militaires et civiles. Nous sommes disposés à laisser travailler une telle commission dont nous accepterions ensuite les résultats.

Je voudrais revenir à la Première Guerre mondiale. Les souffrances furent vives et nous déplorons tous les souffrances qui furent causées à l’époque. L’Empire ottoman, prédécesseur de la Turquie moderne, combattait sur quatre fronts différents. Des provocations de personnes vivant dans ces régions ont entraîné des mouvements de populations et des affrontements au cours desquels de nombreuses personnes, de toutes les parties prenantes, ont perdu la vie. Ce sont des faits que nous ne pouvons que regretter.

Mais pour parler de génocide, il faut dès l’origine une intention délibérée de tuer les personnes appartenant à une ethnie ou à une religion. Si l’on se penche sur les faits historiques, on constatera que des citoyens arméniens de l’époque étaient membres de la Haute cour de justice de l’Empire ottoman ou ambassadeurs et que toutes les églises d’Istanbul étaient ouvertes. Vous voulez qualifier ces faits de génocide mais ne pouvons l’accepter. Il faudrait ouvrir les archives, réaliser un travail sérieux d’enquête pour déterminer si cela est avéré. Je le répète, nous sommes prêts à accepter les résultats des travaux d’une commission indépendante.

Le fondateur de la République de Turquie, Mustafa Kemal Atatürk, pour ne pas réveiller l’hostilité et la haine parmi les habitants du pays, évitait d’évoquer le passé et parlait de l’avenir. À la suite des nombreux conflits que la Turquie a connus, des millions de Turcs ont quitté les Balkans pour revenir en Turquie et trois millions de Turcs ont perdu la vie. Les souffrances furent partagées.

Evoquer des faits en essayant de susciter l’hostilité entre la Turquie moderne et ses voisins n’est pas conforme à la volonté des fondateurs de la Turquie, qui voulaient établir des relations d’amitié et jeter un pont vers l’avenir.

L’affirmation à laquelle vous faites référence semble avoir été accueillie favorablement dans un grand nombre de pays. Ainsi le Parlement d’un pays peut se réunir pour affirmer qu’un génocide a été commis voilà un siècle, décréter où il a eu lieu, quand et qui en est responsable. Mais si l’on pose ces questions à ceux qui ont voté pour cette résolution, ils ne sont pas en mesure de répondre.

Si l’on tenait compte de tous les faits historiques, personne en Europe ne serait en mesure d’avoir des relations avec ses voisins. Bien sûr, nous regrettons et nous déplorons toutes les souffrances subies par le passé, mais il nous faut, tous ensemble, tourner notre regard vers l’avenir. Nous devons envisager l’avenir en amis pour que règnent la paix et l’amitié.

Par conséquent, je ne puis accepter cette allégation. Il faut en débattre et considérer les résultats de l’expertise qui sera faite.

M. BRAUN (Hongrie) (interprétation)

Le Gouvernement turc a-t-il l’intention de se saisir du problème de seize pays membres de l’Union dont les citoyens ont encore besoin d’un visa pour se rendre dans onze autres pays, y compris la Hongrie?

M. Gül, Président de la Turquie (interprétation)

Des plaintes, en effet, nous sont adressées. Il arrive que l’on interprète de façon excessive des textes juridiquement contraignants. Dans le cadre de nos relations bilatérales, nous essayons toujours d’évoquer avec nos interlocuteurs, notamment l’Union européenne, la nécessité de réviser ces documents et de modifier leurs dispositions. Il arrive, par exemple, qu’un homme d’affaires envoie des produits dans la foire commerciale d’un autre pays où il n’est pas autorisé à se rendre pour en faire la promotion. C’est une situation paradoxale à laquelle nous sommes parfois confrontés.

M. ROUQUET (France)

Le processus de normalisation des relations entre la Turquie et l’Arménie nous a donné l’espoir d’une certaine stabilité dans cette région. Vous avez négocié et signé avec l’Arménie sans condition préalable des textes de protocole relatifs aux deux pays. Par la suite, vous avez avancé des préconditions, dont l’une sur le conflit du Haut-Karabakh ne figure pas dans les protocoles et concerne un Etat tiers: l’Azerbaïdjan.

En liant ces questions, monsieur le Président, n’avez-vous pas bloqué toute avancée dans la normalisation tant attendue?

M. Gül, Président de la Turquie (interprétation)

Vous avez suivi la politique étrangère de la Turquie au cours des années récentes. Nous cherchons à éviter tous les problèmes avec nos voisins. L’Arménie est un pays voisin. Pendant mille ans, nous avons coexisté de manière extrêmement pacifique, à l’exception de quelques années au cours de la Première Guerre mondiale. Hormis cette période, nous avons une culture commune, des traditions communes et une très longue tradition de coexistence.

Nous n’aimerions rien tant que normaliser nos relations avec l’Arménie. J’ai été le premier Président turc à me rendre en Arménie lorsque le président Sargsian a été élu. Je lui ai écrit une lettre dans laquelle je lui disais que nous devions faire preuve de courage et normaliser nos relations. Il m’a invité et, malgré bien des oppositions dans mon pays, je me suis rendu en Arménie. Je l’ai à son tour invité à venir en Turquie, ce qu’il a fait. Nous sommes tous deux animés d’une volonté politique de normaliser nos relations. Comme vous l’avez indiqué, nous avons signé des protocoles. Nous aimerions qu’ils soient adoptés.

J’ai cru comprendre en écoutant votre question que l’Azerbaïdjan devrait se retirer de l’Arménie, mais il faut admettre qu’une partie du territoire azerbaïdjanais qui est occupé est reconnu par les Nations Unis. Je ne pense pas que l’on puisse considérer cela comme un élément accessoire. Je ne dis pas que je lie ces sujets, ne vous méprenez pas sur mon propos. Mais si l’on a une vision globale du problème, si vous me demandez si nous ne signons pas le protocole en raison une occupation du territoire azerbaïdjanais, cela me laisse à penser que vous considérez cette occupation comme accessoire, peu importante, voire légitime. Cela serait contraire aux principes des Nations Unies, puisque chacun reconnaît l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan et l’Arménie sait parfaitement que le territoire qu’elle occupe appartient à la République d’Azerbaïdjan.

Mais cela m’amène à un autre point: si nous voulons instaurer la sécurité et la coopération dans le Caucase, il faut avoir une vision globale. La Turquie, l’Arménie, la Géorgie, l’Azerbaïdjan, la Russie doivent, ensemble, faire en sorte que toute cette région devienne une région de coopération et de paix.

Aussi longtemps que des problèmes se poseront quelque part dans la région, le Caucase restera un mur entre l’Europe et l’Asie. En revanche, si l’on aboutit à une solution, le Caucase cessera d’être un mur pour devenir une passerelle, et les perspectives de développement du Caucase s’ouvriront pleinement.

Par conséquent, nous devons faire preuve de détermination pour surmonter les problèmes dans cette région. Nous sommes déterminés à le faire et nous avons la volonté d’y parvenir. Mais certains problèmes sont chroniques dans la région et il n’est pas toujours possible de les traiter rapidement. J’espère cependant qu’ils pourront être résolus et que le Caucase deviendra une vaste zone de coopération et de prospérité.

Nous assumons pleinement toutes les mesures que nous avons prises à ce jour et sommes déterminés à faire en sorte que ce processus aboutisse.

Mme TÜRKÖNE (Turquie) (interprétation)

Excellence, nous sommes très heureux de vous saluer dans cet hémicycle aujourd’hui. Je poserai ma question dans ma langue maternelle, le turc, puisque cela est possible.

Il est parfois dit, notamment dans la presse occidentale, dans les médias américains, que la Turquie «s’écarte» du monde occidental et se tourne vers le Proche et le Moyen-Orient. C’est un débat constant. Qu’en pensez-vous? Pouvez-vous nous dire si la Turquie a vraiment changé de position?

M. Gül, Président de la Turquie (interprétation)

Comme vous l’avez dit, Madame, un certain nombre d’articles de presse ont, au cours de la période récente, défendu ce point de vue. La Turquie a-t-elle changé son approche? A-t-elle changé d’attitude?

Avant de répondre, il me faut évoquer un autre sujet. Tout à l’heure, dans mon allocution, j’ai parlé des normes démocratiques, de la primauté du droit et des droits de l’homme. Tel est le cadre général à l’aune duquel il faut juger les choses. S’il y a un manque de progrès dans ces domaines, alors, il convient de se préoccuper de l’attitude de la Turquie. En revanche, si la démocratie se consolide, si les problèmes touchant les droits de l’homme sont progressivement réglés, si les normes en matière de droits de l’homme sont améliorées et si de nouvelles mesures sont prises pour assurer l’égalité des femmes et la place des enfants, si l’évolution est favorable dans les domaines de la transparence et de la responsabilité publique, je ne pense que l’on puisse réellement se préoccuper de la modification de cette attitude ou des priorités de la Turquie.

Bien entendu, la Turquie a le droit d’entretenir des relations avec tous les pays. Du fait de sa situation géostratégique, elle se doit de se tourner vers tous les membres de la région. Devrions-nous demander au Royaume-Uni pourquoi il est actif dans tous les pays du Commonwealth, de la Malaisie à l’Australie? Pouvons-nous le critiquer pour cela? Allons-nous demander à la France de cesser d’exploiter ses relations historiquement riches avec certains pays africains? Non! De la même manière, la Turquie, dans le cadre de sa politique multilatérale, continue à entretenir des relations économiques et politiques avec tous les pays avec lesquels elle a été historiquement proche. C’est parfaitement normal.

La Turquie est un des membres fondateurs du Conseil de l’Europe. Elle attache une très grande importance aux activités du Conseil. Elle est engagée dans un processus d’adhésion à l’Union européenne. Je ne pense pas que ces préoccupations soient justifiées.

LE PRÉSIDENT (interprétation)

Je vous remercie vivement, Monsieur le Président, au nom de l’Assemblée pour avoir répondu très complètement aux questions qui vous ont été posées.