Doc. 9901
11 septembre 2003
Incidences de la "politique de Mexico" sur le libre choix d’une contraception en Europe
Rapport
Commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes
Rapporteuse : Mme Zwerver (Pays-Bas, Groupe Socialiste)
Résumé
Selon les estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), plus d’un demi-million de femmes meurent chaque année de complications liées à la grossesse, et plus de sept millions de femmes en tombent malades ou deviennent handicapées. On compte en outre 40 millions d’avortements par an, qui se déroulent souvent dans de mauvaises conditions, causant ainsi la mort d’environ 70 000 femmes. Dans les pays en développement, la grossesse et l’accouchement demeurent la principale menace qui pèse sur la vie des femmes en âge de procréer. Contrairement à une opinion répandue, l’Europe est également touchée par ce fléau.
Plusieurs organisations et ONG internationales déploient d’importants efforts pour concrétiser le Programme d’action du Caire (adopté en 1994) et la Déclaration d’engagement d’Ottawa (adoptée en 1999) qui veillent à assurer le droit des femmes et des hommes d’être informés et d’utiliser la méthode de planification familiale de leur choix, lesquelles méthodes doivent être sûres, efficaces, abordables et acceptables. Les Etats-Unis sont le principal pays donateur de ce que l’Organisation des Nations Unies (ONU) appelle l’« assistance internationale en matière de population » ; leurs contributions représentent 43 % de l’ensemble des fonds alloués aux activités relatives à la planification familiale, à la santé maternelle et infantile, et aux maladies sexuellement transmissibles y compris le VIH/SIDA.
Toutefois, l’une des premières mesures prises par George W. Bush lors de sa prise de fonction en tant que Président des Etats-Unis a été de rétablir la « politique de Mexico » qui prévoit que les fonds fédéraux d’aide internationale des Etats-Unis ne peuvent être alloués à des ONG étrangères qui pratiquent l’avortement ou font pression afin de rendre l’avortement légal. La politique de Mexico a eu pour conséquence une baisse considérable des fonds alloués aux ONG internationales qui ne peuvent ou ne souhaitent pas se plier à son interprétation restrictive. Or l’effet de la politique de Mexico est à l’opposé des résultats visés par ses auteurs : à mesure que, du fait de l’absence de fonds, des cliniques ferment et l’accès aux soins de santé génésique est plus difficile, les femmes démunies en Europe et dans le monde éprouvent des difficultés croissantes à acquérir des moyens de contraception, ce qui entraîne une augmentation du nombre de grossesses non désirées – et par conséquent d’avortements, fréquemment pratiqués dans de mauvaises conditions. Le résultat est une hausse de la mortalité maternelle.
L’Assemblée devrait appeler les gouvernements des Etats membres à prendre un certain nombre de mesures pour inverser les incidences négatives de la « politique de Mexico » sur le libre choix de la contraception en Europe. Les gouvernements devraient faire en sorte que, dans leurs propres pays, les services d’éducation sexuelle, de santé génésique et de planification familiale s’inspirent du Programme d’action du Caire et de la Déclaration d’engagement d’Ottawa ; que la priorité soit donnée, dans leur politique de développement international, au versement de subventions aux organisations qui en ont perdues à cause de la politique de Mexico ; et que les Etats membres du Conseil de l’Europe ouvrent un débat éclairé avec les Etats-Unis d’Amérique sur les effets néfastes du rétablissement de la politique de Mexico dans le monde entier, mais aussi, en particulier, dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, et qu’ils soient encouragés à l’annuler.
I. Projet de résolution
1. Selon les estimations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), plus d’un demi-million de femmes meurent chaque année de complications liées à la grossesse, et plus de sept millions de femmes en tombent malades ou deviennent handicapées. On compte en outre 40 millions d’avortements par an, qui se déroulent souvent dans de mauvaises conditions, causant ainsi la mort d’environ 70 000 femmes. Dans les pays en développement, la grossesse et l’accouchement demeurent la principale menace qui pèse sur la vie des femmes en âge de procréer.
2. Contrairement à une opinion répandue, l’Europe est également touchée par ce fléau. Le Bureau Régional pour l’Europe de l’Organisation Mondiale de la Santé a formulé l’objectif de ne pas dépasser 15 morts maternelles pour 100 000 naissances vivantes. Plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe éprouvent encore des difficultés à atteindre cet objectif.
3. En 1994, 172 pays ont convenu d’un programme d’action sur 20 ans lors de la Conférence internationale des Nations Unies sur la population et le développement (CIPD), au Caire. Ce programme reconnaît le droit des femmes et des hommes « d’être informés et d’utiliser la méthode de planification familiale de leur choix », lesquelles méthodes « doivent être sûres, efficaces, abordables et acceptables ». Le programme d’action du Caire a été confirmé et renforcé en 1999. En novembre 2002, des parlementaires du monde entier, y compris des membres de l’Assemblée parlementaire, se sont réunis à Ottawa pour préparer et promouvoir la mise en oeuvre du Programme d’action du Caire, et ont adopté la « Déclaration d’engagement d’Ottawa ».
4. Plusieurs organisations et ONG internationales déploient d’importants efforts pour concrétiser le Programme d’action du Caire et la Déclaration d’engagement d’Ottawa. Les Etats-Unis sont le principal pays donateur de ce que l’Organisation des Nations Unies (ONU) appelle l’« assistance internationale en matière de population » ; leurs contributions représentent 43 % de l’ensemble des fonds alloués aux activités relatives à la planification familiale, à la santé maternelle et infantile, et aux maladies sexuellement transmissibles y compris le VIH/SIDA. Toutefois, l’une des premières mesures prises par George W. Bush lors de sa prise de fonction en tant que Président des Etats-Unis a été de rétablir la « politique de Mexico ».
5. La "politique de Mexico" prévoit que les fonds fédéraux d’aide internationale des Etats-Unis ne peuvent être alloués à des ONG étrangères qui pratiquent l’avortement ou font pression afin de rendre l’avortement légal même si les ONG utilisent leurs propres fonds non américains pour pratiquer des avortements légaux ou pour fournir des conseils et orientations sur l’avortement, ou pour engager un débat sur la politique de l’avortement. Cette politique a été annoncée pour la première fois sous la présidence de Ronald Reagan, à l’occasion de la Conférence internationale des Nations Unies sur la population, qui s’est tenue en 1984 à Mexico ; elle a été annulée par le Président Bill Clinton en 1993, et est aujourd’hui de nouveau en vigueur. Son interprétation restrictive signifie que toutes les ONG étrangères doivent veiller à clairement séparer, en tant qu’éléments indépendants l’un de l’autre, avortement et planning familial, sous peine de ne plus recevoir de fonds fédéraux américains.
6. L’avortement ne doit en aucun cas être promu en tant que méthode de planification familiale. Mais lorsque l’avortement n’est pas illégal, il doit être sûr et accessible. D’une part, cela évite les complications de santé (et les décès) résultant d’avortements effectués dans de mauvaises conditions ; d’autre part, cela permet aux conseillers en planification familiale d’accéder directement aux femmes qui ont récemment subi un avortement (pour les aider à éviter toute nouvelle grossesse non désirée). Toute politique de planification familiale doit avoir pour but principal de réduire le nombre de grossesses non désirées et le nombre d’avortements.
7. La politique de Mexico a eu pour conséquence une baisse considérable des fonds alloués aux ONG internationales qui ne peuvent ou ne souhaitent pas se plier à son interprétation restrictive. La Fédération internationale pour le Planning familial (IPPF) chiffre en millions de dollars les pertes subies par ses associations membres, particulièrement dans les pays en développement – mais aussi, par exemple, en Albanie, en Serbie-Monténégro (au Kosovo notamment), en Moldova et en Fédération de Russie. Les organisations internationales elles-mêmes, comme le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et l’OMS, n'ont pas été épargnées. Certains gouvernements européens ont par la suite augmenté leurs subventions sans toutefois pouvoir compenser l’ensemble des pertes subies.
8. Or l’effet de la politique de Mexico est à l’opposé des résultats visés par ses auteurs : à mesure que, du fait de l’absence de fonds, des cliniques ferment et l’accès aux soins de santé génésique est plus difficile, les femmes démunies en Europe et dans le monde éprouvent des difficultés croissantes à acquérir des moyens de contraception, ce qui entraîne une augmentation du nombre de grossesses non désirées – et par conséquent d’avortements, fréquemment pratiqués dans de mauvaises conditions. Le résultat est une hausse de la mortalité maternelle.
9. En conséquence, l’Assemblée parlementaire appelle les parlements et les gouvernements de ses Etats membres :
i. à faire en sorte que, dans leurs propres pays, les services d’éducation sexuelle, de santé génésique et de planification familiale s’inspirent du Programme d’action du Caire et de la Déclaration d’engagement d’Ottawa ;
ii. à ne pas promouvoir l’avortement en tant que méthode de planification familiale, mais à veiller à ce qu’il continue d’être accessible et pratiqué dans de bonnes conditions lorsqu’il n’est pas illégal ;
iii. à encourager et favoriser la discussion et les échanges d’expériences entre les Etats membres sur l’avortement en toute sécurité comme problème de santé publique et de droit à la reproduction ;
iv. à consolider et accroître leur soutien, en tant que pays donateurs, en faveur des programmes de santé génésique et sexuelle dans les pays qui n’ont pas atteint les objectifs de l’OMS en matière de santé maternelle, en réexaminant et si nécessaire en augmentant leur engagement dans le cadre de leurs budgets d’aide (en ayant à l’esprit l’accord international selon lequel les pays développés devraient prévoir au moins 0,7% de leur PIB à l’aide au développement);
v. à donner priorité, dans leur politique de développement international, au versement de subventions aux organisations qui en ont perdues à cause de la politique de Mexico ;
vi. à affirmer leur soutien au Programme d’action du Caire et à la Déclaration d’engagement d’Ottawa, et à ouvrir un débat éclairé avec les Etats-Unis d’Amérique sur les effets néfastes du rétablissement de la politique de Mexico dans le monde entier, mais aussi, en particulier, dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, en encourageant le Président George W. Bush à l’annuler.
II. Exposé des motifs par la rapporteuse, Mme Zwerver
A. Introduction
1. La politique de Mexico, également connue sous le nom de « règle du bâillon mondial » (Global Gag Rule), est une initiative de l’administration américaine qui vise à priver de l’aide financière des Etats-Unis toute organisation étrangère associée à des activités liées à l’avortement. Il est important de bien comprendre qu’il s’agit de supprimer des aides destinées à permettre non de réaliser des avortements, (les Etats-Unis interdisent depuis les années 70 l’utilisation à cette fin des soutiens qu’ils allouent), mais à financer des activités connexes de conseil et/ou d’orientation et à faire pression pour rendre l’avortement légal ainsi que les organisations exerçant ce type d’activités, même lorsque celles-ci bénéficient de financements d’autres sources.
2. Sachant que plus de 500 000 femmes meurent chaque année de complications liées à la grossesse et plus de 70 000 des suites d’avortements pratiqués dans des conditions dangereuses, il n’est pas douteux que cette décision de l’administration américaine aura d’énormes répercussions sur la santé féminine, ce qui doit nous préoccuper au plus haut point, les Etats-Unis étant les premiers donateurs dans le domaine du développement international et de loin les plus gros contributeurs en matière de planning familial international. L’adoption d’une telle politique ne peut que peser sur les efforts déployés par les donateurs européens pour réaliser leurs objectifs de développement. Elle aura de surcroît un impact certain sur les pays bénéficiaires de l’aide internationale au développement, et singulièrement sur les groupes de population les plus vulnérables de ces pays, notamment sur les femmes démunies. Dans les pays en développement, la grossesse et l’accouchement demeurent la principale menace qui pèse sur la vie des femmes en âge de procréer.
3. Contrairement à une opinion répandue, l’Europe est également touchée par le fléau des risques de santé liés à la maternité. Le Bureau Régional pour l’Europe de l’Organisation Mondiale de la Santé a formulé l’objectif de ne pas dépasser 15 morts maternelles pour 100 000 naissances vivantes. Plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe éprouvent des difficultés à atteindre cet objectif. Je ne dispose pas de chiffres récents pour l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe mais, de 1995 à 1997, ce serait le cas des pays suivants : Russie, Roumanie, Géorgie, Azerbaïdjan, Moldova, Lettonie, Ukraine, Arménie, Albanie, Lithuanie et Slovénie (par ordre de gravité du problème)1.
4. Le rapport s’attachera donc aux conséquences réelles de l’application de la politique de Mexico, en particulier sur la santé des femmes en Europe et dans le monde entier, et sur les moyens dont disposent les organisations de planification familiale pour assurer des services tout à fait indispensables. Un autre point important à aborder concerne l’impact politique de la « règle du bâillon », eu égard notamment à la récente évolution de l’administration américaine vers un durcissement de sa position sur tous les aspects de la planification familiale internationale et sur la santé et les droits des femmes. Enfin, le rapport dressera un état des lieux des dispositions prises par les pays européens face à la politique de Mexico et présentera des propositions sur les initiatives que pourraient envisager les Etats membres du Conseil de l’Europe.
5. Je m’appuierai en grande partie sur l’excellent rapport d’expert2 de Mme Dilys Cossey (Royaume-Uni), qui a été déclassifié et est disponible auprès du Secrétariat de la Commission.
B. Historique de la politique de Mexico
6. En 1994, 172 pays ont convenu d’un programme d’action lors de la Conférence internationale des Nations Unies sur la population et le développement (CIPD), au Caire. Ce programme (voir document AS/Ega/Inf (2003) 11) reconnaît le droit des femmes et des hommes « d’être informés et d’utiliser la méthode de planification familiale de leur choix », lesquelles méthodes « doivent être sûres, efficaces, abordables et acceptables ». Selon les principes qui sous-tendent le consensus du Programme d’action du Caire, « les normes relatives aux droits de l’homme universellement reconnues s’appliquent à tous les aspects des programmes en matière de population »3 et « les droits des femmes et des fillettes font inaliénablement, intégralement et indissociablement partie des droits universels de la personne humaine »4. Le Programme comporte une définition générale des droits et de la santé génésiques (Chapitre VII), et attache une importance particulière à la santé des femmes et des enfants (chapitre VIII).
7. En novembre 2002, des parlementaires du monde entier, y compris des membres de l’Assemblée parlementaire, se sont réunis à Ottawa pour préparer et promouvoir la mise en oeuvre du Programme d’action du Caire, et ont adopté la Déclaration d’engagement d’Ottawa (voir annexe II).
8. Plusieurs organisations et ONG internationales déploient d’importants efforts pour concrétiser le Programme d’action du Caire et la Déclaration d’engagement d’Ottawa ; on peut citer, parmi d’autres, le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la Fédération internationale pour le Planning familial (IPPF), Marie Stopes International (MSI) et Ipas (ONG nord-américaine). Les Etats-Unis sont le principal pays donateur de ce que l’Organisation des Nations Unies (ONU) appelle l’« assistance internationale en matière de population » ; leurs contributions représentent 43 % de l’ensemble des fonds alloués aux activités relatives à la planification familiale, à la santé maternelle et infantile, et aux maladies sexuellement transmissibles y compris le VIH/SIDA. Toutefois, l’une des premières mesures prises par George W. Bush lors de sa prise de fonction en tant que Président des Etats-Unis a été de rétablir la « politique de Mexico ».
9. La politique de Mexico prévoit que les fonds fédéraux d’aide internationale des Etats-Unis ne peuvent être alloués à des ONG étrangères qui pratiquent l’avortement ou qui font pression pour le rendre légal même si cela gêne l’action des ONG qui consiste à aider les femmes à exercer leur droit à la reproduction. Cette politique a été annoncée pour la première fois sous la présidence de Ronald Reagan, à l’occasion de la Conférence internationale des Nations Unies sur la population, qui s’est tenue en 1984 à Mexico ; elle a été annulée par le Président Bill Clinton en 1993, et est aujourd’hui de nouveau en vigueur. Son interprétation restrictive signifie que toutes les ONG étrangères doivent veiller à clairement séparer, en tant qu’éléments indépendants l’un de l’autre, avortement et planning familial, sous peine de ne plus recevoir de fonds fédéraux américains ; cela réduit leurs possibilités d’aider les femmes à adopter des méthodes de contraception modernes. J’estime que le rétablissement de la politique de Mexico va à l’encontre des principes clairement établis du Programme d’action du Caire et de la Déclaration d’engagement d’Ottawa, dans la mesure où cela transpose au niveau international les contradictions, complexités et confusions du débat sur l’avortement tel qu’il est mené aux Etats-Unis, et en raison des incidences sur les politiques nationales.
C. Incidences de la politique de Mexico
Sur la santé de la femme
10. Comme il est indiqué plus haut, l’organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu’un demi-million de femmes meurent chaque année à cause de leur état de santé durant leur grossesse ou d’autres causes liées à la grossesse ; des millions d’autres sont malades ou handicapées pour les mêmes raisons. Quelque 70 000 femmes meurent tous les ans des suites d’un avortement pratiqué dans de mauvaises conditions, soit 13 % de la mortalité maternelle5. Cette mortalité maternelle effrayante a été comparée à un jumbo jet qui s’écraserait toutes les six heures, jour après jour. La plupart de ces décès surviennent dans le monde en développement. Le Programme d’action du Caire de 1994 demandait une diminution de moitié, d’ici 2000 , des taux de mortalité maternelle de 1990 et encore d’une autre moitié, d’ici 20156. Mais le FNUAP affirme que, si nombre d’indicateurs de santé se sont améliorés lors des deux dernières décennies dans la plupart des pays en développement, les taux
de mortalité maternelle n’ont pas décliné. Selon le Dr Nafis Sadik, ancienne directrice exécutive du FNUAP, la grossesse et l’accouchement constituent la plus grande menace à la santé des femmes en âge de procréer 7.
11. Selon notre expert, Mme Cossey, le rétablissement de la politique de Mexico et le fait d’imposer aux ONG ayant des activités liées à l’avortement, des restrictions sur les soins de santé en matière de procréation auront pour résultat de maintenir ces objectifs à distance. Le seul domaine autorisé est celui des soins post-abortifs (SPA) lesquels se limitent à réparer les dégâts à la suite d’avortements spontanés, dangereux ou illégaux. Les premiers financements de l’USAID destinés aux SPA remontent à 1990 et, jusqu’ici, quelque 20 millions de dollars ont été dépensés sur le programme, dont 15 millions en 1999 et 2000. L’évaluation effectuée par l’USAID, en octobre 2001, démontre que le programme SPA a eu un effet positif en matière de réduction de la mortalité maternelle dans les hôpitaux de trois des quatre pays étudiés. Cependant, l’évaluation indiquait également que le suivi réalisé par le biais des consultations et services de planification familiale et en liaison avec d’autres services spécialisés dans la santé en matière de procréation, inclus dans le programme SPA, était insuffisant et nécessitait un renforcement8. Ces liaisons sont essentielles à la pleine efficacité du programme SPA, mais cela ne suffit pas. Selon la définition qu’en donne le Programme d’action du Caire, les soins de santé en matière de procréation sont une constellation de méthodes, de techniques et de services qui contribuent à la santé et au bien-être de la femme en prévenant et en résolvant les problèmes de santé liés à la procréation.9
12. Cependant, cette approche est lacunaire parce que rien n’est prévu pour protéger la vie et la santé des femmes, en leur permettant de recourir à un avortement sans risques. Il s’agit d’une politique qui se fonde non sans astuce sur une partie seulement du Consensus du Caire sur l’avortement, incorporée dans le paragraphe 8.25 du Programme d’action10, selon laquelle l’avortement ne devrait, en aucun cas, « être promu comme méthode de planification familiale. Tous les gouvernements et les organisations intergouvernementales et non gouvernementales sont donc expressément invités à renforcer leur engagement en matière de santé des femmes, afin que les incidences de l’avortement pratiqué dans de mauvaises conditions soient traitées comme une préoccupation majeure de santé publique, et de réduire le recours à l’interruption de grossesse à travers des services de planification familiale élargis et améliorés. »
13. Notre expert est d’avis que les soins post-abortifs peuvent sans doute satisfaire la conscience des autorités actuelles des Etats-Unis, mais le message insinue néanmoins que l’avortement à risques n’est acceptable que si les femmes peu1vent disposer de « services de qualité susceptibles de gérer les complications post-abortives ». Ce n’est pas là le sens général du Consensus du Caire sur l’avortement, qui avait déjà fait l’objet d’un débat long et circonstancié, au cours duquel la délégation américaine de l’époque avait joué un rôle constructif de premier plan. L’accent avait été mis sur la nécessité de services effectifs en matière de procréation et de soins de santé pour la mère et l’enfant, afin d’être en mesure d’offrir toute une gamme de choix11. Ce point a été développé davantage dans la déclaration de la Session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations-Unies sur le suivi de cinq ans préconisé lors de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD), en juin/juillet 1999. Selon la conférence, si l’avortement n’est pas illégal, les systèmes de santé devraient former et équiper les prestataires de services de santé et prendre ultérieurement des mesures pour veiller à ce que l’avortement soit sans risques et accessible12.
14. Le résultat final de tout programme de population et de santé en matière de procréation, financé par l’USAID, dans les pays d’Europe orientale par exemple, sera que les prestations des services de santé en matière de reproduction et de sexualité des ONG - et peut-être aussi du gouvernement – seront fractionnées et isolées des services spécialisés dans l’interruption de grossesse, sauf dans le cas des soins post-abortifs. L’avortement est légal dans tous ces pays et les services de planification familiale sont inadéquats ; les femmes s’en remettent à des pratiques abortives pour réguler leur fécondité. Pourtant, les ONG compétentes en matière de planification familiale ne sont pas éligibles aux financements de l’USAID, là où l’avortement est légal et ne suscite pas de complications médicales. En conséquence, l’efficacité des services de santé en matière de procréation et de sexualité est peu à peu grignotée par la politique idéologique du gouvernement américain qui impose ses restrictions.
Sur les organisations offrant des services de planification familiale ou exerçant des activités liées à l’avortement
15. L’impact de la politique de Mexico se fait sentir très clairement dans deux domaines: une influence négative insidieuse sur l’opinion vis-à-vis des services de santé en matière de procréation et de sexualité; une baisse significative des financement alloués aux ONG, se traduisant – parfois rapidement – par une réduction des programmes et services.
16. Il y a une grande myopie dans l’imposition de ces contraintes irréalistes au financement des ONG. Le rôle des ONG dans ces domaines délicats est unique; les gouvernements eux-mêmes éprouvent des difficultés, lorsqu’il s’agit, par exemple, de fournir aux jeunes de l’information, de l’éducation et des services. Les ONG, elles, ont la possibilité d’expérimenter des approches inédites et peuvent identifier les besoins, grâce à leur connaissance du terrain.
17. La politique de Mexico influence l’opinion et engendre la circonspection et l’incertitude par crainte de perdre un financement. Dans leur article The Mexico City Policy and US Family Planning Assistance, Richard P. Cincotta et Barabara B. Crane13produisent des preuves tirées de la recherche conduite, en 1990, par le projet Population Technical Assistance, financé par l’USAID. Il s’agit de l’évaluation très méticuleusement documentée du premier cycle de la politique de Mexico, au cours de laquelle furent visités 49 sous-projets dans six pays. Les résultats ont révélé que, dans certains cas, des clients ayant besoins de soins médicaux ont été refusés ou laissés sans informations sur leur état, que le traitement d’avortements septiques n’étaient pas prévus dans les projets ou furent supprimés, que l’on a dit à des médecins travaillant pour des ONG qu’ils n’avaient pas le droit de pratiquer l’avortement légal dans leur pratique privée et enfin, qu’il était interdit à des personnel d’entamer une recherche sur l’incidence locale de l’avortement ou de discuter de l’avortement sur leur lieu de travail ou dans le cadre de conférences.
18. On dirait que l’histoire se répète. Six ONG américaines recueillent actuellement, sous la houlette de Population Action International, des données qualitatives dans quatre pays (Ethiopie, Kenya, Zambie et Roumanie) au sujet de l’impact de la règle du bâillon mondial sur l’offre et l’accès à la planification familiale. Les enquêteurs se sont rendus dans les quatre pays. Les premiers résultats suggèrent que le nombre de services de planification familiale a été réduit (particulièrement en Zambie), que des cliniques ont été fermées au Kenya et qu’ont été particulièrement touchées la distribution de contraceptifs et les prestations communautaires, l’information regardant la santé en matière de procréation et l’information sur le VIH, ainsi que l’activité consistant à aiguiller les patients en fonction de leurs besoins. En Roumanie, et c’est le principal impact, il a été fait en sorte que l’avortement et la planification familiale demeurent entièrement séparés et indépendants l’un de l’autre, ce qui ne manque pas de gêner l’action des ONG qui voudraient aider les femmes à exercer leur droit à la reproduction. Les faits relevés par la recherche paraîtront sous la forme d’études de cas par pays au cours de l’été 200314. Un exemple de l’incertitude qu’a déjà suscitée la politique de Mexico vient de Roumanie: il s’agit de l’annulation d’un projet de l’ONG américaine Ipas qui, en collaboration avec le gouvernement, prévoyait d’ouvrir à l’intention des femmes des consultations de planification familiale post-abortives. La raison avancée est que « la règle du bâillon a effrayé les intéressés locaux. Les gens ne veulent pas se mêler de questions liées à l’avortement »15.
19. Il existe d’autres preuves de l’influence croissante de la politique de Mexico : le gouvernement américain, par exemple, met tout en œuvre pour détourner l’attention du problème de l’avortement à risques ou empêcher les ONG financées par l’USAID d’exprimer des points de vue susceptibles de contrarier la politique anti-avortement en cours. Les informations relatives à l’interruption de grossesse sont de plus en plus difficiles à trouver sur les sites Internet des organisations de santé internationales bénéficiant des financements de l’USAID; de même, Safe Motherhood et autres initiatives de santé en matière de procréation financées par le même organisme évitent d’aborder le sujet de la mortalité maternelle liée à l’avortement16.
20. Il convient de rappeler que c’est la seconde fois que des ONG subissent une telle expérience, par exemple l’International Planned Parenthood Federation (IPPF). En novembre 1984, l’IPPF perdit une subvention annuelle de 12 millions de dollars, dont 5 millions en biens et services, soit le quart de ses revenus, parce qu’elle refusait de se plier à la nouvelle politique de Mexico. L’IPPF est une organisation hors du commun. Créée il y a 50 ans, elle compte à présent plus de 150 associations de planification familiale nationale membres autonomes et est présente dans 182 pays. Sur la base de sa connaissance inégalée des problèmes de santé mondiaux liés à la procréation et à la sexualité, l’IPPF s’est engagée à fond pour soutenir le droit des femmes à choisir librement l’avortement légal. A l’heure actuelle, huit de ses membres FPA sont impliqués dans une activité liée à l’avortement. C’est la raison pour laquelle l’IPPF ne peut accepter les restrictions qu’imposent la politique de Mexico et n’a pas signé.
21. Cependant, en 2000, l’IPPF commençait déjà subir des pertes de financement parce que le Président Clinton était tenu d’approuver la reconduite annuelle de la politique de Mexico. Pour les deux années 1999-2001, l’USAID lui a alloué un financement de 10,5 millions de dollars, soit moins de 8% de son revenu total. Pour la période 2001-2003, l’IPPF perd encore 8 millions de dollars, somme qui lui aurait permis de couvrir une prolongation de subvention centrée sur des activités telles que des programmes pour la jeunesse, la lutte contre le VIH/sida et des actions de promotion. Malgré de très bons résultats, certains programmes en cours pourraient également avoir à subir des coupes sombres, par exemple, des centres de convivialité pour les jeunes, au Ghana, au Sénégal et au Mozambique, des programmes de technologie de l’information pour les jeunes, au Pérou et en Albanie, et des programmes de renforcement des capacités au Mozambique, au Sénégal et en Afrique du Sud17.
22. L’expérience de Marie Stopes International (MSI) illustre la brutalité que sont susceptibles de revêtir les effets de la politique de Mexico. Présente dans 38 pays en Afrique, Asie, Australie, Europe, Amérique latine et le Moyen-Orient, cette ONG dispense de l’information en matière de procréation et de sexualité à 3,3 millions de personnes. Lorsque MSI refusa de signer la politique de Mexico, son budget africain fut amputé de plus de 3 millions de dollars: trois clinique durent fermer au Kenya, et des programmes de vulgarisation desservant des communautés démunies en Ethiopie, de même que d’autres centres, en Tanzanie, furent également obligés de cesser toute activité. « Etant donné la situation économique difficile du Kenya, la perte des financements de l’USAID a été un coup très dur à encaisser pour Marie Stopes Kenya » a reconnu la directrice régionale pour l’Afrique, Mme Sue Newport18.
23. La politique de Mexico a également touché l’ONG américaine Ipas. Créée en 1973, Ipas est une ONG internationale qui a pour objectif de réduire la mortalité et les dommages liée à l’avortement et d’améliorer la capacité les femmes à exercer leurs droits en matière de procréation et de sexualité, ainsi que d’améliorer l’accès aux service de santé en matière de procréation (soins post-abortifs et avortement induit). Les programmes mondiaux et par pays d’Ipas prévoient la formation, la recherche, des activités de promotion, la distribution de technologies en matière de procréation et de diffusion de l’information. Ipas a produit et distribue une brochure de grande qualité traitant de l’aspiration par le vide (MVA, quant à ses activités de recherche et d’expertise, elles sont largement appréciées. A l’époque du rétablissement de la règle du bâillon, Ipas travaillait en sous-traitance avec un projet USAID, en collaboration avec l’Université de Caroline du Nord (UCN), en vue de soutenir la formation et l’assistance technique en matière de soins post-abortifs. Refusant d’appliquer les restrictions de la règle du bâillon à ses ONG partenaires d’outremer, Ipas se retira du projet, retrait qui se solda par une perte de deux millions de dollars. Mais, non moins important, les activités en cours dans plusieurs pays africains se sont interrompues , tandis que l’UNC se mettait en quête d’autres partenaires et que certaines activités, encore à leur tout début en Afrique, n’eurent jamais l’occasion de se concrétiser. L’expertise exceptionnelle d’Ipas fut perdue pour le projet et pour les contreparties locales qui comptaient sur son assistance technique.
Sur les organismes intergouvernementaux
24. Le Fonds des Nations Unies pour la Population (FNUAP) a également subi des pertes de financement significatives du fait de l’amendement Kemp-Kasten apporté à l’appropriations bill, loi de finances faisant l’objet d’un vote annuel. Même sous le gouvernement Clinton, en 2000, la subvention de 25 millions de dollars affectée au FNUAP a subi une réduction dollar pour dollar pour tout montant dépensé en Chine, disposition qui a permis de ramener à 21,5 millions de dollars la somme effectivement perçue par le FNUAP. A la fin de 2001, le Congrès avait approuvé 34 millions de dollars pour l’année fiscale 2002, mais ce montant tout d’abord gelé dans sa totalité par le Président Bush, fut ensuite intégralement retenu en juillet 2002. Cette décision a été prise au mépris des conclusions d’une mission américaine de 14 jours, en Chine, du 13 au 26 mai 2002, affirmant n’avoir trouvé aucune preuve que le FNUAP aurait soutenu ou participé en connaissance de cause à la gestion d’un programme d’avortement coercitif ou de stérilisation forcée en République populaire de Chine. Elle a recommandé de ne rien remettre au FNUA en sus des 34 millions de dollars déjà affectés19. Une mission d’enquête britannique envoyée précédemment en Chine, en avril 2002, avait conclu que le FNUAP était une « force du bien » et que la participation du FNUAP était un encouragement aux efforts des réformateurs chinois pour accélérer la transition vers une approche axée sur le client dans toute la Chine20.
25. En novembre, les Etats-Unis déclaraient qu’ils se réservaient le droit de décider si oui ou non ils contribueraient au programme de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui comporte un volet recherche sur les médicaments induisant l’avortement. Neuf membres du Congrès saisirent le ministère des affaires étrangères d’une plainte au motif qu’un montant de 3 millions de dollars destiné au Programme de procréation humaine de l’OMS avait été gelé. Un porte-parole du ministère assura qu’il n’y avait pas eu gel, mais qu’on ne savait pas encore exactement au profit de quoi les 3 millions seraient affectés, toutefois la somme étaient toujours disponibles pour financer des activités de santé en matière de procréation, conformes à la loi des Etats-Unis21.
Sur les gouvernements donateurs européens et leurs partenaires
26. Poul Nielson, commissaire européen chargé du développement et de l’aide humanitaire, résume l’esprit dans lequel les donateurs européens ont réagi au rétablissement de la politique de Mexico par le gouvernement Bush, en déclarant que l’Europe se devait de combattre de ‘decency gap’.Les gouvernements européens donateurs, comme ceux du Danemark et des Pays-Bas, ont repris cet esprit à leur compte.
27. Leur action a été conforme à leurs dires. Dès juillet 2001, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Danemark et la Finlande ont répondu aux demandes de l’IPPF et augmenté leur aide publique au budget de base de l’IPPF en lui affectant les sommes suivantes (les Pays-Bas ont doublé leur contribution)22 :
Allemagne : 2001 euros 511 292 extra euros 460 163 annuellement
Pays-Bas : 2001-2003 euros 20,4 millions
Danemark : 2001 euros 268 916 extra
Finlande : 2001 euros 84 000 extra
28. Le FNUAP a bénéficié aussi, en 2002, d’une augmentation de financement de la part des donateurs européens (13 des 19 pays donateurs qui ont accru leur contribution sont européens). Les Pays-Bas sont le contributeur le plus important (52,5 millions de dollars), suivis par la Norvège (25,15 millions de dollars), le Royaume-Uni (21,68 millions de dollars), le Danemark (21,46 millions de dollars) et l’Allemagne (13 millions de dollars)23. Dans sa déclaration de janvier 2003 devant le Conseil d’administration du Programme de développement de l’Onu et du FNUAP, Thoraya Ahmed Obaid, directrice exécutive du FNUAP, rapporte qu’en 2002, les ressources de base du FNUAP totalisaient 256 millions de dollars, soit 13 millions de moins que les 269 millions perçus en 200124.
29. La Suède alloue environ 4 % de son ADO (Aide au Développement Officiel) à des questions concernant la population et le développement. Au vu de la situation difficile du FNUAP et étant donné l’évaluation favorable des travaux du Fonds par la Suède, le gouvernement suédois a également augmenté sa contribution principale au Fonds de 25 millions de SEK en 2002. En 2003, la Suède a encore augmenté sa contribution principale de 20 millions de SEK qui atteint aujourd’hui 205 millions de SEK. La Suède apporte aussi une aide importante à l’UNICEF, l’ONUSIDA et à l’IPPF.
30. En juillet 2002, Poul Nielson annonça un programme de 32 millions d’euros dans 22 pays en développement, en partenariat avec le FNUAP et l’IPPF, tenant ainsi sa promesse d’éliminer l’«indécence ». Après avoir qualifié la décision des Etats-Unis de « regrettable et contre-productive », M. Nielson a ajouté que les perdants dans le contexte de cette décision seront les personnes les plus vulnérables de la planète25.
31. Il convient de noter que les Etats-Unis demeurent le plus gros contributeur dans le domaine du développement de la santé en matière de procréation et de sexualité. Néanmoins, l’apport des donateurs européens représente 40% de l’aide aux activités de population et de santé en matière de procréation et de sexualité. Cependant, le budget de développement international de six des 18 donateurs européens ne comporte pas de poste de dépense ‘population, santé en matière de procréation et de sexualité’26.
32. Le défi permanent consiste, cependant, à renforcer cette bonne volonté et à ne pas se contenter seulement d’un soutien mais d’augmenter l’aide financière. Il y a encore place pour procéder à un accroissement significatif du fait que, comme indiqué au point 32, le budget de développement international de six des 18 donateurs européens ne comporte pas de poste de dépense population, santé en matière de procréation et de sexualité. Il conviendrait de les encourager à revoir leur politique à cet égard pour la mettre au rang des priorités. Il est urgent d’investir; car les objectifs financiers définis par le Programme d’action du Caire (17 milliards de dollars pour 2000, 18 milliards pour 2010 et 20 milliards pour 2015)27 sont trop bas sans pour autant être atteints.
33. En outre, en novembre 2001, le Conseil de développement de l’Union européenne a accepté de charger la Commission européenne de suivre les progrès accomplis par les Etats membres dans la réalisation de l’objectif fixé par les Nations Unies, à savoir l’affectation de 0,7% de leur PNB à L’APD. La Commission européenne devra engager le dialogue avec les Etats membres de l’UE et définir un échéancier permettant de mieux cerner l’objectif. L’Assemblée pourrait jouer un rôle utile dans le cadre de ce suivi, en s’impliquant dans une coordination avec des pays potentiellement donateurs et extérieurs à l’Union européenne. En outre, les parlementaires nationaux seraient susceptibles de jouer un rôle essentiel dans le cadre du processus de suivi28.
D. Conclusions
34. J’estime que l’avortement ne doit en aucun cas être promu en tant que méthode de planification familiale. Mais lorsque l’avortement n’est pas illégal, il doit être sûr et accessible. D’une part, cela évite les complications de santé (et les décès) résultant d’avortements effectués dans de mauvaises conditions ; d’autre part, cela permet aux conseillers en planification familiale d’accéder directement aux femmes qui ont récemment subi un avortement (pour les aider à choisir une méthode de régulation des naissances plus appropriée). Toute politique de planification familiale doit avoir pour but principal de réduire le nombre de grossesses non désirées et d’avortements.
35. La politique de Mexico a eu pour conséquence une baisse considérable des fonds alloués aux ONG internationales qui ne peuvent ou ne souhaitent pas se plier à son interprétation restrictive. La Fédération internationale pour le Planning familial (IPPF) chiffre en millions de dollars les pertes subies par ses associations membres, particulièrement dans les pays en développement – mais aussi, par exemple, en Albanie, en Serbie-Monténégro (au Kosovo notamment), en Moldova et en Fédération de Russie. Les organisations internationales elles-mêmes, comme le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et l’OMS, n'ont pas été épargnées. Certains gouvernements européens ont par la suite augmenté leurs subventions sans toutefois pouvoir compenser l’ensemble des pertes subies.
36. Or l’effet de la politique de Mexico est à l’opposé des résultats visés par ses auteurs : à mesure que, du fait de l’absence de fonds, des cliniques ferment et l’accès aux soins de santé génésique est plus difficile, les femmes démunies en Europe et dans le monde éprouvent des difficultés croissantes à acquérir des moyens de contraception, ce qui entraîne une augmentation du nombre de grossesses non désirées – et par conséquent d’avortements, fréquemment pratiqués dans de mauvaises conditions. Le résultat est une hausse de la mortalité maternelle.
E. Recommandations
37. J’estime qu’en conséquence, l’Assemblée parlementaire pourrait appeler les gouvernements de ses Etats membres :
i. à faire en sorte que, dans leurs propres pays, les services d’éducation sexuelle, de santé génésique et de planification familiale s’inspirent du Programme d’action du Caire et de la Déclaration d’engagement d’Ottawa ;
ii. à ne pas promouvoir l’avortement en tant que méthode de planification familiale, mais à veiller à ce qu’il continue d’être accessible et pratiqué dans de bonnes conditions lorsqu’il n’est pas illégal ;
iii. à encourager et favoriser la discussion et les échanges d’expériences entre les Etats membres sur l’avortement en toute sécurité comme problème de santé publique et de droit à la reproduction ;
iv. à consolider et accroître leur soutien, en tant que pays donateurs, en faveur des programmes de santé génésique et sexuelle dans les pays qui n’ont pas atteint les objectifs de l’OMS en matière de santé maternelle, en réexaminant et si nécessaire en augmentant leur engagement dans le cadre de leurs budgets d’aide (en ayant à l’esprit l’accord international selon lequel les pays développés devraient prévoir au moins 0,7% de leur PIB à l’aide au développement);
v. à donner priorité, dans leur politique de développement international, au versement de subventions aux organisations qui en ont perdues à cause de la politique de Mexico ;
vi. à affirmer leur soutien au Programme d’action du Caire et à la Déclaration d’engagement d’Ottawa, et à ouvrir un débat éclairé avec les Etats-Unis d’Amérique sur les effets néfastes du rétablissement de la politique de Mexico dans le monde entier, mais aussi, en particulier, dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, en encourageant le Président George W. Bush à l’annuler.
ANNEXE I – Etude de cas - Arménie
Mission d’information de Mme Zwerver en Arménie (24-28 mars 2003, Erevan)
Introduction
1. Mme Zwerver s’est rendue en Arménie pour une mission d’information du 24 au 28 mars 2003. Elle était accompagnée de Mme Olga Kostenko, co-secrétaire de la Commission. Le programme de la visite a été préparé en coopération avec l’Association pour la planification familiale d’Arménie (FPA) et son directeur exécutif, Mme Mary Khachikyan, dont l’aide s’est avérée extrêmement précieuse.
2. Le programme de la mission comprenait des rencontres avec des responsables gouvernementaux et parlementaires, des représentants d’organisations internationales et non gouvernementales travaillant dans les domaines de la planification familiale et des droits en matière de procréation ainsi que des visites dans des établissements de soins.
3. La visite de la sénatrice Zwerver a été couverte par la télévision arménienne dans le cadre de programmes d’information et par plusieurs grands journaux.
Situation générale
4. Mme Zwerver a été accueillie et informée de la situation dans le pays par l’Association pour la planification familiale d’Arménie "Pour la famille et la santé" (FPA d’Arménie), organisation publique non gouvernementale à but non lucratif. La FPA d’Arménie est devenue membre de la Fédération internationale pour la planification familiale (IPPF) et de son Réseau européen en 1999. L’organisation compte 9 antennes et bureaux de représentation dans toute l’Arménie. Ses principaux objectifs sont a) de faire progresser le droit fondamental de toute personne (femmes, hommes et jeunes) de faire des choix libres et éclairés concernant sa propre santé en matière de sexualité et de procréation b) de promouvoir des moyens d’exercer ce droit et c) de garantir que l’égalité des femmes et leurs droits à la planification familiale, à la santé en matière de sexualité et de procréation restent une priorité dans les politiques nationales et internationales de développement.
5. Les membres de la FPA ont souligné que la période de transition en Arménie s’était soldée par une crise socio-économique et culturelle dans le pays, entraînant une dégradation de la situation des femmes. Tout ceci a occasionné un fort taux de migration, de pauvreté et de chômage qui a eu pour effet d’empêcher les femmes de jouir pleinement de leurs droits génésiques.
6. Les obstacles suivants entravent l’amélioration de la santé des femmes :
- faibles niveaux de vie ;
- budget limité des établissements de soins ;
- absence d’une politique publique claire en faveur du développement efficace de la santé ;
- chômage – absence de protection sociale ;
- inexistence de services médicaux gratuits.
7. Le service de santé publique est désormais payant et aucune couverture sociale n’est fournie à la population.
8. A l’heure actuelle, le taux de natalité a diminué en raison des obstacles susmentionnés ainsi que du fort taux de migration (y compris des hommes).
9. Le nombre de mères célibataires et de femmes qui abandonnent leurs enfants a augmenté. On peut également observer un accroissement de la prostitution chez les jeunes ainsi que l’apparition d’un nouveau phénomène : la traite des femmes. En conséquence, le nombre de personnes atteintes de maladies sexuellement transmissibles, de grossesses d’adolescentes et d’avortements clandestins a augmenté.
10. L’avortement et la contraception sont autorisés par la loi en Arménie. L’interruption volontaire de grossesse est l’un des moyens de contraception le plus populaire, ce qui est en partie lié à l’ignorance des femmes en matière de sexualité ainsi qu’à l’inaccessibilité de la contraception.
11. L’autre moyen de contraception est le coït interrompu et seule une petite partie des femmes utilisent des préservatifs et des stérilets en raison de leur coût (selon une étude sociale arménienne).
12. Comme l’indique l’enquête démographique et sanitaire arménienne effectuée en 2000, les femmes ont de plus en plus tendance à recevoir les premiers soins prénatals à un stade avancé de leur grossesse et à accoucher chez elles. L’Arménie a également un taux élevé d’interruption de grossesse : une femme avorte en moyenne 2,6 fois au cours de sa vie.
Répercussions du “Global Gag Rule” (“règle du bâillon mondial”) en Arménie
13. Les représentants de la FPA ont informé Mme Zwerver que la FPA ne travaillait pas directement avec l’USAID et que son financement n’était pas affecté par les réductions touchant les activités liées à l’avortement.
14. M. Daduryan, responsable de programme au Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a informé Mme Zwerver que le FNUAP travaille en Arménie depuis 1997 en étroite coopération avec le gouvernement. Le FNUAP octroie chaque année à l’Arménie entre 200 000 et 300 000 dollars américains pour des programmes de santé génésique. Ils travaillent en coopération avec d’autres donateurs, mais en général l’intérêt des donateurs pour ce pays est assez faible.
15. Il considère que le « Global Gag Rule » n’a eu aucun impact direct sur les programmes de santé génésique en Arménie, mais a eu incontestablement des répercussions sur le budget du FNUAP, qui a connu une réduction pouvant atteindre 40% dans certains pays. Toutefois, le FNUAP est parvenu jusqu’à présent à protéger ses programmes en Arménie.
16. Il a également mentionné que les fonds accordés par l’USAID aux programmes de santé génésique étaient répartis entre différentes organisations américaines et que par conséquent ils n’étaient pas utilisés très efficacement.
17. Les programmes de santé génésique devraient accorder la priorité à l’achat de matériel médical, de contraceptifs, au financement des campagnes d’information et au soutien des priorités gouvernementales.
18. Le FNUAP alloue 30 % de ses fonds à des ONG locales, 30 % au gouvernement et 20 % sont réservés à ses besoins administratifs ; le reste des fonds est utilisé pour soutenir 77 cabinets de consultation équipés de matériel médical. Par rapport à l’époque soviétique, lorsque 3 milliards de dollars américains étaient consacrés aux soins de santé, aujourd’hui le budget n’a pu dégager que 400 millions de dollars américains.
19. Lors de la discussion avec les membres du Parlement, il a été signalé que l’USAID avait soutenu le programme national de lutte contre le SIDA et avait apporté de l’aide en faveur du développement législatif et de la publication de conventions internationales et autres documents connexes.
20. Lors de la rencontre avec les ONG, plusieurs représentants de ces organisations ont indiqué qu’ils avaient participé à différents projets financés par l’USAID, tels que PRIME II (partenariat associant les principales organisations sanitaires mondiales dont l’objectif est d’améliorer la qualité et l’accessibilité des services de planification familiale et de santé génésique dans le monde) et le projet “Droits sexuels et génésiques et violence faite aux femmes” et qu’ils poursuivaient leur coopération en la matière. La mise en œuvre de ces projets a été efficace et couronnée de succès. Cependant, le projet sur la planification familiale mené par l’Université John Hopkins et financé par l’USAID a fait l’objet de vives critiques de la part de la société et a nui à la bonne compréhension par les Arméniens des problèmes posés par la planification familiale. Cette réaction a été provoquée par la campagne de publicité en faveur de ce projet qui n’était pas adaptée à la situation particulière du pays.
21. En septembre 2002, le ministère de la Santé et le projet PRIME II, avec le soutien de l’USAID, ont organisé un Forum sur l’amélioration de la qualité des soins de santé génésique et infantile ainsi que de l’accès à ces soins. Le Forum a adressé des recommandations en matière de politique et de programme au ministère de la Santé pour que des mesures soient prises afin de renforcer les services de santé.
22. En général, comme l’a affirmé M. Abrahamyan, consultant auprès du ministre de la Santé sur les questions de santé maternelle et infantile, les projets financés par le biais d’organisations partenaires d’USAID ont utilisé leurs fonds pour couvrir leurs besoins administratifs et une petite partie seulement a été directement attribuée au pays alors que le FNUAP a adopté une approche très efficace en matière d’élaboration de programmes. Le FNUAP a pris en considération les besoins locaux et a mis en œuvre ses programmes avec des partenaires locaux.
Education sexuelle
23. La FPA a organisé plusieurs rencontres entre Mme Zwerver, les médias et les organisations non gouvernementales. Les représentants des ONG ont notamment mis l’accent sur le problème de l’éducation sexuelle en Arménie. Actuellement, seuls deux établissements de soins dans la ville d’Erevan (créés par l’AFHA) proposent gratuitement des conseils en matière de planification familiale et de santé sexuelle et génésique ainsi que des services de santé pour les jeunes. En raison du manque de communication et des contraintes économiques, il est difficile pour les jeunes vivant dans les régions rurales de se rendre à Erevan et de profiter pleinement de ces services. Les conseils en matière de IST/VIH sont principalement dispensés dans les centres de prévention des IST et du SIDA. Toutefois, les jeunes ont un accès extrêmement limité à ces services essentiellement à cause des préjugés sociaux associés à la sexualité des adolescents. Ainsi, la santé sexuelle et génésique des adolescents et des personnes en âge de procréer n’est nullement protégée et leurs besoins en la matière ne sont pas satisfaits.
24. Les représentants du Forum jeunesse de la FPA ont informé Mme Zwerver de leurs activités sur l’éducation aux droits en matière de sexualité et de procréation dans les régions arméniennes.
25. Ils ont organisé un séminaire de formation de sept jours à l’intention de leurs jeunes collègues éducateurs dans le domaine des droits à la sécurité en matière de procréation et de sexualité. Les jeunes ont exprimé leurs besoins d’échanger leurs points de vues avec des organisations partenaires d’autres pays européens. Ils ont également insisté sur la coopération du gouvernement avec des ONG en vue de la mise en œuvre des droits génésiques. Les jeunes devraient aussi être représentés aux conférences internationales traitant du problème des droits génésiques afin de faire part de leur position et de pouvoir échanger leurs points de vues au niveau international.
26. La position de l’évêque Paren Avedikian, représentant de l’Eglise apostolique arménienne, est très intéressante en ce qui concerne le problème des soins de santé prodigués aux femmes et des interruptions de grossesse pratiquées dans de mauvaises conditions. Il a affirmé que son Eglise n’avait jamais condamné la contraception et soutiendrait l’éducation sexuelle à l’école.
27. M. Yeritsyan et M. Tadevosyan, membres du Parlement arménien, ont informé Mme Zwerver de l’adoption par le Parlement de la loi sur la santé et les droits génésiques. Cette loi a donné aux femmes le droit de décider librement et avec discernement du nombre d'enfants qu’elles désirent et de l’espacement de leurs naissances. Cette loi autorise l’avortement et prévoit aussi que l’éducation sexuelle doit être dispensée dans les écoles et autres établissements d’enseignement. Malheureusement, peu de fonds sont disponibles pour la mettre en oeuvre.
Maladies sexuellement transmissibles
28. Comme l’ont précisé les membres du Parlement, la propagation des infections sexuellement transmissibles, l’augmentation du nombre d’avortements ainsi que l’accès limité de la population aux services de santé constituent les problèmes les plus dangereux dans les domaines de la planification familiale et des droits génésiques.
29. Mme Yeritsyan a déclaré que le Parlement a élaboré pour 2003 un programme approuvé par le gouvernement sur le soutien aux services de santé destinés aux femmes dans les régions rurales. Les établissements médicaux régionaux fournissent des services de faible qualité et en raison des migrations, la propagation des IST et du VIH/SIDA s’est considérablement accrue.
30. M. Yesayan, vice-ministre des Affaires sociales et M. Abrahamyan, consultant auprès du ministre de la Santé sur les questions de santé maternelle et infantile, ont fait savoir que les infections sexuellement transmissibles constituaient un grave danger pour la population arménienne.
31. Entre 1988 et la fin de l’année 2001, 169 porteurs du VIH au total ont été officiellement enregistrés en Arménie et 19 d’entre eux sont déjà décédés. Toutefois, selon les données des Nations Unies, le nombre de porteurs du VIH est estimé à environ 1500-2200 et la plupart d’entre eux sont des jeunes. Parmi les principaux facteurs de cette propagation du VIH figurent le manque d’éducation sexuelle, l’accroissement des migrations et l’accès limité aux soins de santé préventifs et curatifs.
Politique gouvernementale
32. Lors de la discussion avec les représentants du gouvernement, M. Yesayan, vice-ministre des Affaires sociales et M. Abrahamyan, consultant auprès du ministre de la Santé sur les questions de santé maternelle et infantile, Mme Zwerver a été informée de la situation actuelle en Arménie concernant la santé génésique et la politique gouvernementale en matière de planification familiale et de droits génésiques.
33. L’enveloppe du budget national allouée au ministère de la Santé est extrêmement faible et de nouvelles réductions sont même prévues. Le système de santé publique se trouve dans un cercle vicieux : ni la population ni le gouvernement ne disposent de ressources suffisantes pour financer les services de santé.
34. Le gouvernement ne dispose d’aucune ressource pour la mise en œuvre de la loi sur les droits génésiques et a demandé aux donateurs internationaux de participer à son financement. Le gouvernement ne dispose d’aucune ressource pour soutenir les ONG qui travaillent dans ce domaine mais coopère volontiers avec elles.
35. Un autre problème important tient au fait qu’aucun programme national d’éducation n’a été mis en place dans le domaine des soins de santé, notamment en matière de santé sexuelle.
36. Un programme national de planification familiale a été mis en œuvre en Arménie dans le cadre duquel un grand nombre de contraceptifs ont été distribués. Ce programme est soutenu par le FNUAP.
37. Le gouvernement arménien a lancé un ambitieux programme visant à développer les soins de santé primaire par la mise en place de la médecine familiale et de mécanismes plus efficaces de prestation de services.
38. Les ressources affectées aux activités de planification familiale devraient être investies en premier lieu dans l’équipement technique pour les services de santé publique, puis dans la formation du personnel de santé, notamment dans les régions et dans les campagnes de sensibilisation du public ainsi que dans l’amélioration de l’accès aux établissements de soins.
Recommandations
39. A l’issue de cette mission, Mme Zwerver a proposé plusieurs recommandations visant à améliorer la situation en Arménie en ce qui concerne les droits génésiques et une politique de planification familiale :
- encourager les donateurs internationaux et les gouvernements européens à accorder une assistance financière au gouvernement arménien en vue d’améliorer la santé en matière de procréation et de sexualité ;
- encourager les donateurs internationaux à développer leurs programmes d’assistance en étroite coopération avec des institutions gouvernementales et des ONG travaillant dans ce domaine ;
- encourager les organisations d’aide humanitaire à fournir à l’Arménie des contraceptifs et des médicaments pour le traitement des IST ;
- encourager le gouvernement arménien à inclure des représentants d’organisations de jeunes dans les délégations nationales lors des forums internationaux ;
- encourager l’administration américaine à continuer à fournir une assistance aux programmes de santé génésique et sexuelle en Arménie.
ANNEXE II : Conférence internationale des parlementaires 2002
sur la mise en œuvre du Programme d’Action de la Conférence Internationale sur la Population et le Développement (CIPD)
Engagement d’Ottawa
Nous, Parlementaires du monde entier, venons à Ottawa pour réaffirmer notre engagement envers le Programme d'action de la Conférence internationale sur la population et le développement et pour nous engager à agir afin de faire progresser la mise en oeuvre du Programme d'action et des principales mesures identifiées dans l'examen mené cinq ans après.
Nous réaffirmons en outre notre engagement envers le développement durable et ses trois piliers : croissance économique, progrès social et protection de l'environnement.
Nous reconnaissons et acceptons notre rôle crucial, sur les plans tant individuel que collectif, en tant que pont entre le peuple et le gouvernement - comme avocats pour les droits et les besoins du peuple, comme législateurs chargés de faire des lois pour protéger ces droits, et comme responsables chargés de mobiliser les ressources et de créer l'environnement propice nécessaire pour répondre à ces besoins.
Nous reconnaissons et acceptons en outre le fait que la population est un problème transversal qui a un impact sur tous les autres problèmes de développement et qui occupe donc une place centrale dans la réalisation des objectifs de développement pour le Millénaire, en particulier ceux qui visent à éliminer la pauvreté et la faim; à améliorer la santé maternelle, y compris les efforts menés pour lutter contre l'avortement pratiqué dans des conditions dangereuses et pour promouvoir la santé et les droits en matière de reproduction et de sexualité; combattre le VIH/sida; assurer l'enseignement primaire universel; et promouvoir l'égalité entre les sexes et l'affranchissement des femmes.
Nous reconnaissons en outre les faits suivants :
Il manque 34 % des fonds nécessaires pour atteindre le chiffre mondial convenu de ressources pour 2000, qui est de 17 milliards de dollars pour les programmes de population et de santé en matière de reproduction - 24 % sur le plan des ressources intérieures et environ 55 % sur celui des ressources extérieures.
La moitié de la population mondiale vit avec moins de 2 dollars par jour; 1,2 milliard de personnes vivent avec moins d'un dollar par jour. Plus de la moitié sont des femmes.
L'instabilité politique fait obstacle à l'élimination de la pauvreté et au développement durable.
Dans le monde entier, quelque 840 millions de personnes souffrent de malnutrition; des millions d'entre elles, dont 6 millions d'enfants âgés de moins de 5 ans, meurent chaque année des effets de la faim et de la malnutrition chroniques.
On compte actuellement environ 40 millions de réfugiés et de personnes déplacées dans leur propre pays, dont beaucoup n'ont pas accès aux services de santé en matière de reproduction.
En 2000, 508 millions de personnes vivaient dans des pays en situation de stress hydrique; en 2025, ce sera le cas de 3 milliards.
On compte un milliard d'adolescents qui ont atteint ou sont sur le point d'atteindre la période procréatrice de leur vie et dont beaucoup n'ont pas accès à l'éducation et aux services de santé en matière de reproduction.
Chaque année, plus de 500 000 femmes meurent durant la grossesse et l'accouchement; 7 millions de plus souffrent d'infections ou de lésions.
Dans le monde entier, 350 millions de femmes n'ont pas encore obtenu accès à un éventail de moyens de contraception sans danger et efficaces; chaque année, près de 175 millions de grossesses ne sont pas désirées ou se placent à un moment inopportun.
Dans le monde entier, les besoins de millions de femmes sur le plan de la planification familiale et de la santé en matière de reproduction ont été ignorés, notamment dans des pays comme l'Afghanistan, où les femmes ont été contraintes durant des décennies de pâtir de la non-satisfaction de ces besoins.
Près de 40 millions d'avortements sont pratiqués chaque année, souvent dans des conditions dangereuses. Environ 78 000 femmes, soit 227 par jour, meurent chaque année à la suite d'interruptions de grossesse pratiquées dans des conditions dangereuses.
En 2001, 5 millions de personnes sont devenues séropositives, dont 800 000 étaient des enfants; 3 millions de personnes sont mortes du sida la même année.
On compte 13,4 millions d'orphelins du sida, dont beaucoup ont la charge d'un foyer.
Près de la moitié de tous les nouveaux cas d'infection frappent des jeunes âgés de 15 à 24 ans et les jeunes filles sont particulièrement exposées.
On compte 40 millions de personnes atteintes du VIH/sida; 28,5 millions d'entre elles vivent en Afrique.
Le nombre des préservatifs nécessaires pour offrir une protection contre le VIH/sida est inférieur chaque année de 8 milliards aux besoins.
En 2050, le nombre de personnes âgées de 60 ans au moins passera de 600 millions à près de 2 milliards et leur proportion dans la population doublera, passant de 10 % à 21 %; beaucoup d'entre elles vivront dans la pauvreté et auront besoin de l'aide des pouvoirs publics pour obtenir des services sociaux et de santé.
Appel à l'action
Nous, Parlementaires réunis à Ottawa, nous engageons à prendre les mesures suivantes et lançons un appel aux Parlementaires, partout dans le monde, pour qu'ils s'y engagent aussi :
• Faire tout le possible pour affecter jusqu'à 5 à 10 % des budgets nationaux de développement aux programmes de population et de santé en matière de reproduction.
• Faire tout le possible pour atteindre l'objectif convenu d'affecter à l'aide publique au développement (APD) 0,7 % du PNB et n'épargner aucun effort pour mobiliser le montant estimatif convenu de ressources financières indispensables à la mise en oeuvre du Programme d'action de la CIPD.
• Donner un rang élevé de priorité à l'accès universel aux services et produits de santé en matière de reproduction dans le cadre des politiques nationales de santé et de réduction de la pauvreté, sur le plan tant des allocations budgétaires que des activités de programme.
• Formuler et mettre en oeuvre les politiques et fournir les moyens de financement nécessaires pour offrir aux réfugiés et aux personnes déplacées les soins voulus sur le plan de la santé en matière de reproduction et de sexualité.
• Promulguer, faire connaître et imposer des lois et politiques de nature à promouvoir et protéger les droits fondamentaux des fillettes et des jeunes femmes, à assurer l'accès égal et la pleine participation des femmes à la prise de décisions à tous les niveaux, et à éliminer toutes les formes de violence, de coercition et de discrimination contre les femmes, y compris diverses formes de pratiques traditionnelles, culturelles et religieuses qui leur sont nuisibles.
• Faire disparaître tous les écarts et inégalités entre les sexes dans l'éducation, l'emploi et les moyens d'existence, adopter et imposer des mesures propres à assurer l'éducation des filles, développer leurs compétences techniques et professionnelles et leur enseigner à lire et à écrire.
• Promouvoir la réduction de la mortalité et de la morbidité maternelles ainsi que du nombre d'avortements pratiqués dans des conditions dangereuses, à la fois en tant que priorité de la santé publique et que préoccupation relative aux droits en matière de reproduction.
• Soutenir l'éducation sanitaire afin de faire prendre conscience des risques liés à la grossesse, au travail et à l'accouchement, et d'approfondir la compréhension des rôles et responsabilités respectifs des membres de la famille, notamment des hommes, s'agissant de promouvoir et de protéger la santé maternelle.
• Donner une priorité élevée à l'approvisionnement en eau, surtout dans les zones rurales, et à l'assainissement dans les stratégies nationales de développement et de réduction de la pauvreté, et en particulier à un meilleur rendement des ressources hydriques, à la stabilisation de la population et à la stabilisation du climat.
• Améliorer l'accès de tous ceux qui vivent dans la pauvreté, en particulier des femmes, aux ressources agricoles, y compris la terre, et promouvoir des systèmes de distribution équitables et efficaces, ainsi que le développement durable.
• Susciter la volonté politique nécessaire pour élaborer des politiques du VIH/sida et les intégrer aux politiques nationales de santé en matière de reproduction, et mettre en oeuvre les plans d'action nationaux; promulguer une législation propre à garantir le respect des droits fondamentaux et la dignité des personnes atteintes du VIH/sida et des orphelins du sida; et dispenser l'éducation et les services nécessaires pour prévenir la transmission de toutes les formes d'infections sexuellement transmissibles, dont le VIH/sida, et pour offrir le traitement de ces infections.
• Veiller à ce que les adolescents, tant scolarisés que non scolarisés, reçoivent l'information nécessaire dans les langues appropriées, aussi bien que des services et des occasions de participer à la planification des politiques et programmes qui leur sont destinés et de faire des choix et prendre des décisions responsables et informées concernant leurs besoins sur le plan de la santé en matière de reproduction et de sexualité.
• N'épargner aucun effort pour assurer d'ici l'an 2015 l'accès universel aux services et produits de santé en matière de reproduction, en encourageant les gouvernements, les donateurs, la société civile et le secteur privé à travailler ensemble, avec l'appui des gouvernements, à atteindre cet objectif.
• Créer et/ou renforcer une capacité nationale de collecter, analyser et diffuser des données statistiques, ventilées par sexe, au service de la planification nationale du développement, et dégager les ressources nécessaires à cette fin.
• Promouvoir et protéger la pleine jouissance par les personnes âgées de leurs droits économiques, sociaux, culturels, civils et politiques et éliminer toutes les formes de violence et de discrimination contre elles; et donner aux personnes âgées les moyens de participer pleinement et efficacement à la vie de leurs sociétés respectives dans les domaines économique, politique et social.
Promesse
Nous, Parlementaires, promettons, en tant qu'avocats de la collectivité publique, législateurs et responsables, de mettre en oeuvre ces mesures et de suivre de manière active et systématique les progrès que nous faisons à cet égard. Nous promettons en outre de faire régulièrement rapport sur ces progrès par l'intermédiaire des groupes parlementaires et de nous rencontrer de nouveau dans deux ans pour évaluer les résultats obtenus, sur le plan tant individuel que collectif.
Commission saisie du rapport: Commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes
Renvoi en commission : Doc. N° 9508, renvoi N° 2753 du 3 septembre 2002
Projet de résolution adopté à l'unanimité et 2 abstentions par la commission le 5 septembre 2003.
Membres de la commission: Mme Err (Présidente), Mme Aguiar (1ère Vice-Présidente), Mme Mikutiene (2ème Vice-Présidente), M. Baburin (suppléant : M. Rudkovsky), Mme Bauer, Mme Biga-Friganovic, Mme Bilgehan, Mme Castro (suppléante : Mme Lopez Gonzalez), Mme Cliveti, Mme Curdova, M. Dalgaard, Mme Fogler, M. Foulkes, Mme Frimannsdóttir (suppléant : M. Skarphedinsson), M. Gaburro (suppléant : M. Giovanelli), M. Goldberg, Mme Hadjiyeva, Mme Hägg, M. Juri, Mme Katseli (suppléante: Mme Damanaki), Mme Kestelijn-Sierens, Mme Konglevoll, Mme Kosa-Kovacs, Mme Kryemadhi, Mme Labucka, Mme Lintonen, Mme Lucic, M. Mahmood, M. Mooney, M. Neimarlija, Mme Paoletti Tangheroni (suppléant : M. Scherini), Mme Patarkalishvili, Mme Patereu, M. Pavlov, Mme Pericleous-Papadopoulos, Mme Petrova-Mitevska, M. Pintat, M. Pullicino Orlando, M. Riccardi, Mme Roth, Mme Rupprecht, Mme Schicker, Mme Yarygina, Mme Zapfl-Helbling, Mme Zwerver.
N.B. Les noms des membres qui ont pris part à la réunion sont imprimés en italique.
Secrétaires de la commission: Mme Kleinsorge, Mme Kostenko
1 Division de l’UNFPA pour les Etats arabes et l’Europe / Bureau régional de l’OMS pour l’Europe: Women’s and Reproductive Health Programme: Family Planning and Reproductive Health in Central and Eastern Europe and the Newly Independent States, troisième édition 2000. Le rapport de mortalité maternelle cité pour 100.000 naissances est de 50 pour la Russie (1997), 42 pour la Roumanie (1997), 47 pour la Géorgie (1995), 44 pour l’Azerbaïdjan (1995), 48 pour la Moldova (1997), 42 pour la Lettonie (1997), 31 pour l’Ukraine (1997), 39 pour l’Arménie (1997), 27 pour l’Albanie (1997), 22 pour la Lituanie (1997) et 26 pour la Slovénie (1997).
2 AS/Ega (2003) 21
3 Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement, Chapitre 1, Préambule, paragraphe 1.15
4 Programme d’action, Chapitre II, Principes, Principe 4
5 ‘Etat du monde en 1999: Changement démographique et développement durable’ par le Dr Nafis Sadik, alors Directrice exécutive du FNUAP, Conférence interparlementaire sur la démographie et le développement durable, Bucarest, Roumanie, 21-23 octobre 1999
6 Programme d’action adopté par la Conférence internationale sur la population et le développement. Chapitre VIII : Santé, Morbidité et Mortalité, para. 8.21 Le Caire 5-13 septembre 1994
7 Dr. Nafis Sadik, Conférence interparlementaire sur le changement démographique et le développement durable, 21-23 octobre 1999
8 ‘Global Evaluation of USAID’s Postabortion Care Programme’, October 2001, USAID
9 Programme d’action du Caire, Chapitre VII, Droits à la procréation et à la santé en matière de procréation , Para 7.2, 5-13 septembre 1994
10 Programme d’action du Caire, Chapitre VIII, Santé, Morbidité et Mortalité, Para. 8.17 et 8.22, 5-13 septembre 1994
11 Idem
12 ‘Actions-clés pour la mise en œuvre complémentaire du programme d’action - CIPD + 5’ ; Chapitre IV, Droits et Santé en matière de procréation, Section C, Réduire la mortalité et la morbidité maternelle, Para 63 (iii) ; rapport de la Session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies (UNGASS) (CIPD + 5), juin 1999
13 The Mexico City Policy and US Family Planning Assistance, Richard P. Cincotta and Barbara B. Crane, SCIENCE, Vol. 294, 19 octobre 2001.
14 GGR Impact Research, courriel de Population Action International, 1er avril 2003
15 Welcome to Peru, where pregnancy can kill you. Randi Glatzer. Self, août 2001
16 Information fournie par un courriel d’Ipas, 20 mars 2003
17 IPPF European Network (EN) Mexico City Information Pack, juillet 2002.
18 www.e-politix.com/forum/mariestopes.
19 www. house.gov/maloney/issues/UNFPA/unfpausreport.pdf
20 IEPFPD Press release 18 juillet 2002.
21 IEPFPD News Update novembre 2002.
22 DAC Watch, IPPF European Network, Vol. 4, juillet 2001.
23 www.eurongos.org
25 Communiqué de presse de la Commission européenne.
26 State of the World Population Doc 9452 para. 23
27 Programme d’action, Chapitre X111 Action nationale, para. 13.5