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Rapport | Doc. 11784 | 18 décembre 2008

Agir pour combattre les violations des droits de la personne humaine fondées sur le sexe, y compris les enlèvements de femmes et de filles

(Ancienne) Commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes

Rapporteure : Mme Antigoni PAPADOPOULOS, Chypre

Origine - Renvoi en commission: Doc. 10753, renvoi n° 3200 du 17 mars 2006, prolongé le 29 mai 2008 2009 - Deuxième partie de session

Résumé

Aujourd'hui en Europe, de nombreuses femmes et des filles, pour l’essentiel issues de communautés migrantes, risquent d'être mariées de force, excisées ou réduites en esclavage, au nom de la tradition, de pratiques coutumières ou religieuses. Elles sont souvent contraintes par leur famille de retourner dans leur pays d’origine et, dans certains cas, enlevées et séquestrées à cette fin.

Ces pratiques, qui constituent des violations graves des droits de la personne humaine, doivent être condamnées fermement. En vertu de la Convention européenne des droits de l'homme, les Etats membres ont une obligation d'agir et de protéger les victimes. Toutefois, compte tenu des règles de droit international privé qui régissent le statut personnel des personnes immigrées ou des ressortissants binationaux, les Etats membres peinent à intervenir pour identifier, assister et rapatrier les victimes.

Il relève de la responsabilité des Etats membres de mettre tous les moyens en œuvre pour prévenir et combattre ces pratiques et protéger les victimes. Aucun relativisme culturel ou religieux ne saurait être invoqué pour justifier ces faits.

L'Assemblée devrait inviter les Etats membres à développer, au niveau national, des politiques de protection des victimes, de prévention de ces violations et de sanction des auteurs et, au niveau international, la coopération avec les autorités des pays d’origine pour renforcer les droits des femmes et la lutte contre la violence fondée sur le sexe.

L'Assemblée devrait également inviter le Comité des Ministres à rédiger dans les plus brefs délais une convention pour combattre les formes les plus sévères et répandues de la violence faite aux femmes, y compris les mariages forcés, suivant la Recommandation 1847 (2008) ainsi qu'à rédiger un nouveau protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme sur l'égalité entre les femmes et les hommes.

A. Projet de résolution

(open)
1. Aujourd'hui, en Europe, de nombreux Etats sont confrontés au problème des mariages forcés, des mutilations sexuelles féminines et d'autres violations graves des droits de l'homme perpétrées contre les femmes et les filles en raison de leur sexe. Les estimations disponibles dans différents pays indiquent que des milliers de filles et de femmes, le plus souvent issues des communautés immigrées, sont vulnérables à ces formes de violences. Alors que les pratiques incriminées sont interdites en Europe, ces filles et ces femmes deviennent des victimes du fait des agissements de leur propre famille. Elles sont enlevées, séquestrées, dans certains cas obligées de retourner dans leur pays d'origine et, au nom de la tradition, des pratiques coutumières ou religieuses, sont mariées de force, excisées ou réduites en esclavage.
2. Si les avancées réalisées dans le domaine des droits de la femme dans certains pays d'émigration sont encourageantes, il faut malheureusement observer que ces pratiques tendent à perdurer au sein des communautés immigrées installées en Europe qui, au nom de la coutume ou de la religion, perpétuent des traditions et des rites. Les mariages forcés et les violations des droits de la personne humaine de ce type sont souvent un alibi pour permettre à l'époux étranger de migrer par le biais du regroupement familial.
3. L’Assemblée parlementaire réaffirme que toute violation des droits de la personne humaine perpétrée contre les femmes et les filles doit être combattue avec fermeté. Aucun relativisme culturel ne saurait être invoqué pour justifier la mise en danger de l’intégrité physique ou psychique d’une femme ou d’une fille. De plus, en vertu des textes internationaux en vigueur, et en particulier la Convention européenne des droits de l'homme, tous les Etats membres du Conseil de l'Europe ont une obligation d'agir, avec diligence, de sorte à empêcher ces violations des droits de la personne humaine et des libertés fondamentales.
4. Rappelant sa Résolution 1468 (2005) sur les mariages forcés et les mariages d'enfants, sa Résolution 1247 (2001) sur les mutilations sexuelles féminines et ses nombreux travaux sur la violence à l'égard des femmes et la traite des êtres humains, l'Assemblée considère qu'il relève de la responsabilité des Etats membres de mettre tous les moyens en œuvre pour prévenir et combattre ces pratiques, tant au niveau national qu'international. La volonté politique est une condition préalable pour éradiquer ces pratiques.
5. L'Assemblée estime que les Etats membres doivent, d'une part, développer au niveau national des politiques de protection des victimes, de prévention de ces violations et de sanction des auteurs et, d'autre part, promouvoir au niveau international les droits des femmes et la lutte contre la violence fondée sur le sexe. La lutte contre les pratiques contraires aux droits de la personne humaine que représentent les mariages forcés, les mutilations sexuelles féminines et toute autre forme de violence fondée sur le sexe devrait dans le même temps devenir une priorité dans les pays d'origine, tout comme la promotion des droits des femmes et de l'égalité entre les sexes.
6. L'Assemblée note que les Etats membres rencontrent des difficultés pour protéger les victimes potentielles ou avérées de pratiques contraires aux droits de la personne humaine, en particulier lorsque les victimes détiennent la double nationalité car, en vertu des règles de droit international privé ou de certaines conventions bilatérales, les possibilités d'intervention des missions consulaires des Etats membres sont réduites.
7. L’Assemblée appelle par conséquent les Etats membres, au niveau national, à mettre tous les moyens en œuvre:
7.1. pour modifier, si ce n’est pas déjà fait, la législation pour interdire et sanctionner, de manière non discriminatoire, tous les mariages forcés (suivant la Résolution 1468 (2005) de l’Assemblée parlementaire), les mutilations sexuelles féminines et toute autre violation des droits de la personne humaine fondée sur le genre, y compris celle perpétrée au nom du relativisme culturel ou religieux;
7.2. pour promouvoir la mise en réseau des acteurs sociaux et politiques pour faciliter l'échange d'information, et promouvoir une action publique concertée;
7.3. pour lancer des poursuites en cas d’enlèvement, de séquestration et de retour forcé de femmes et de jeunes filles lorsqu’il est avéré qu’elles risquent de subir des pratiques contraires aux droits de la personne humaine et aux valeurs du Conseil de l’Europe, tels les mariages forcés ou les mutilations sexuelles féminines;
7.4. pour introduire ou mettre en place des mesures de prévention qui pourraient inclure:
7.4.1. des programmes de sensibilisation et d’éducation visant les femmes et les jeunes filles ainsi que leur entourage familial sur le respect des droits fondamentaux, la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les pratiques contraires aux droits de la personne humaine, en particulier lorsqu’elles sont fondées sur le genre;
7.4.2. une information sur les dispositifs de loi en vigueur disponible dans les langues des communautés concernées, mettant en exergue les risques encourus en cas d’infraction et les dispositifs de protection existant;
7.4.3. une information ciblant les jeunes filles des communautés concernées sur les dispositifs de protection mis en place par les autorités du pays d’accueil;
7.4.4. un soutien aux organisations non gouvernementales visant à informer les communautés immigrées des avancées législatives dans le domaine des droits des femmes et de l'évolution des comportements qui ont pu intervenir dans les pays d'origine;
7.5. pour prévoir des dispositifs d’aide aux victimes pour assurer leur protection (refuges, lignes téléphoniques) et leur réinsertion sociale et professionnelle, une fois rapatriées;
7.6. pour mettre en place des programmes de sensibilisation et de formation des autorités de police (y compris la police des frontières), de justice et de santé sur les violences fondées sur le genre;
7.7. pour prévoir un système d'alerte permettant aux proches de victimes potentielles ou avérées de violence fondées sur le sexe d'avertir les autorités du pays de résidence (et, le cas échéant, ses missions consulaires) des cas d'enlèvements, de séquestrations et, le cas échéant, du retour forcé ou abusif de ces victimes vers leur pays d'origine pour enclencher une procédure d'enquête et prévoir, lorsque cela est possible, des mesures pour protéger la victime, comme l'interdiction de sortie du territoire.
8. L'Assemblée invite par ailleurs les Etats membres, dans leurs relations internationales:
8.1. à renforcer la sensibilisation du personnel consulaire par le biais de formations et de guides pratiques, aux enjeux de l'égalité entre les sexes dans les pays d'origine, au dispositif légal en vigueur relatif aux droits des femmes et à son application, ainsi qu'aux risques graves encourus par les femmes et les filles qui, au nom de pratiques contraires aux droits de la personne humaine, sont rapatriées, de manière forcée ou abusive, vers leur pays d’origine;
8.2. à développer, en particulier à l'attention du personnel consulaire, des protocoles d'intervention clair définissant des mécanismes pour localiser et identifier les victimes, faciliter leur accès au consulat du pays dont elles ont la résidence habituelle et faciliter leur rapatriement et leur réinsertion;
8.3. à développer des mécanismes de coopération avec les autorités nationales et locales des pays d'origine pour les encourager à intervenir auprès des familles concernées en vue de prévenir ou stopper les violations des droits de la personne humaine et, le cas échéant, appliquer les sanctions prévues par la loi;
8.4. à établir des programmes de coopération avec les organisations non gouvernementales dans les pays d'origine pour permettre la localisation et l'identification des victimes et faciliter la prise de contact avec la famille de la victime;
8.5. à accélérer l’octroi d’un visa de retour à la femme ou la fille victime de violations de la personne humaine, en particulier lorsque le titre de séjour original a expiré;
8.6. à renforcer la coopération avec les autorités des pays d’origine et, notamment par le biais de programmes de formation et de financements, les encourager:
8.6.1. à modifier, si ce n’est pas encore fait, la législation pour interdire toute pratique rituelle ou coutumière contraire aux droits de la personne humaine, conformément aux instruments juridiques internationaux et notamment la Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes;
8.6.2. à adopter des lois qui accordent davantage d'autonomie aux femmes, renforcent l'égalité entre les sexes et combattent les violences faites aux femmes;
8.6.3. à mener des politiques énergiques pour faire connaître ces dispositifs et en assurer l’application effective, à la fois dans les zones urbaines et les zones rurales;
8.7. à soutenir les organisations non gouvernementales dans les pays d’accueil et les pays d’origine, qui jouent un rôle de prévention et d’assistance essentiel dans ce domaine et peuvent assurer le lien entre les communautés immigrées et leurs pays d'origine.

B. Projet de recommandation

(open)
1. Aujourd'hui, en Europe, de nombreux Etats sont confrontés au problème des mariages forcés, des mutilations sexuelles féminines et d'autres violations graves des droits de l'homme perpétrées contre les femmes et les filles en raison de leur sexe. Les estimations disponibles dans différents pays indiquent que des milliers de filles et de femmes, le plus souvent issues des communautés immigrées, sont vulnérables à ces formes de violences. Alors que les pratiques incriminées sont interdites en Europe, ces filles et ces femmes deviennent des victimes du fait des agissements de leur propre famille. Elles sont enlevées, séquestrées, dans certains cas obligées de retourner dans leur pays d'origine et, au nom de la tradition, des pratiques coutumières ou religieuses, sont mariées de force, excisées ou réduites en esclavage.
2. Rappelant sa Résolution …. (2008) sur "Agir pour combattre les violations de la personne humaine fondée sur le sexe, y compris les enlèvements de femmes et de filles", l'Assemblée parlementaire demande au Comité des Ministres:
2.1. de rédiger dans les plus brefs délais une convention pour combattre les formes les plus sévères et répandues de la violence faite aux femmes, y compris les mariages forcés, suivant la Recommandation 1847 (2008) de l'Assemblée;
2.2. d'encourager le Centre pour l'indépendance et la solidarité mondiale (Centre Nord Sud) à renforcer ses programmes relatifs à l'égalité entre les sexes et la lutte contre la violence fondée sur le genre et à poursuivre le dialogue avec les pays d'émigration et les pays d'immigration sur les enjeux de l'égalité entre les sexes, en particulier en droit civil, et la lutte contre les violations graves des droits de la personne humaine.
3. Rappelant sa Recommandation 1798 (2007) sur le respect du principe d'égalité des sexes en droit civil, l'Assemblée invite le Comité des Ministres à mettre en œuvre ses dispositions sans autre délai et en particulier réitère sa demande qu'un nouveau protocole à la Convention européenne des droits de l’homme consacrant l’égalité entre femme et homme soit rédigé.

C. Exposé des motifs par Mme Papadopoulos, rapporteuse

(open)
1. Saisie par le Bureau de l’Assemblée en mars 2006, la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes a été invitée à donner suite à la proposition de résolution intitulée «Enlèvement et «rééducation» de femmes et d’enfants musulmans ayant adopté une orientation trop «occidentale»». Cette proposition indiquait que des femmes et des filles issues des communautés immigrées vivant dans les Etats membres du Conseil de l’Europe étaient enlevées et renvoyées dans leur pays d’origine (Maghreb, Turquie, Syrie, Iran, etc) par des membres de leur famille estimant que leurs femmes ou filles étaient devenues trop «modernes» et trop «émancipées» ou parce qu’elles n’avaient pas accepté le choix de leur famille pour ce qui concerne leur mariage. La commission avait nommé Mme Bousakla (Belgique, SOC) comme rapporteuse.
2. Lors de son premier échange de vues sur ce thème le 14 septembre 2006, la commission avait convenu de réfléchir à la modification du titre du rapport et d’appuyer son travail sur des cas concrets et des visites de terrain. Le 6 septembre 2007, la commission, à l’initiative de sa présidente Mme Bilgehan, a décidé de reformuler le titre du rapport de la manière suivante: «Enlèvement et séquestration de femmes et de filles motivés par des pratiques contraires aux droits de la personne humaine». Elle a estimé opportun d’élargir cette problématique aux communautés établies en Europe où persistent des traditions qui servent à justifier une atteinte aux droits fondamentaux des femmes et de recentrer le rapport sur les violations des droits de la personne humaine encourus par les femmes et les filles issues de communautés qui cherchent à imposer, notamment par des enlèvements et des séquestrations, que ce soit dans les pays d’accueil ou dans les pays d’origine, des pratiques contraires aux droits de la personne humaine, en invoquant la tradition ou la religion (en particulier les mariages précoces et forcés et les mutilations sexuelles féminines).
3. Mme Bousakla n’ayant plus été en mesure de poursuivre son travail de rapporteuse, j’ai été désignée rapporteuse le 4 octobre 2007 par la commission pour poursuivre le travail de la commission dans ses nouvelles orientations. La commission a décidé d’organiser le 11 mars 2008 un échange de vues sur les moyens d’intervention et de prévention que peuvent développer les Etats membres pour promouvoir le respect des droits fondamentaux des filles et des femmes qui encourent des risques graves à raison de leur sexe. Cet échange de vue a réuni Mme Hannana Siddiqui, Co-ordinatrice jointe de l’organisation “Southall Black Sisters“ (Royaume-Uni), M. Svenn Joar Bjerkem, Conseiller, Ministère des affaires étrangères de la Norvège, Section des services consulaires et de la sécurité, Mme Christine Jama, Directrice de Association “Voix de Femmes“ (France) et Mme Gül Ayse Basari, Conseillère à l’Association pour femmes “Orientexpress“, Autriche 
			(1) 
			Voir
procès-verbal déclassifié de l'audition, AS/Ega (2008) PV 2 addendum..
4. Pour recueillir des informations complémentaires, j'ai également invité les délégations nationales auprès de l'APCE de répondre à un questionnaire 
			(2) 
			Voir
Doc. AS/Ega (2008) 14 rév, mentionné par la suite comme 'questionnaire
de l'APCE', disponible sur demande auprès du secrétariat de la commission
sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes.. Les délégations de la Belgique, du Danemark, de la Finlande, de la France, de l'Allemagne, de la Norvège, de la Suisse et de la Turquie ont répondu à ce questionnaire et indiqué qu'ils étaient confrontés à ce problème. La Lituanie, le Luxembourg, Monaco et la Pologne ont indiqué que ce problème ne se posait pas dans leur pays. Lors d'une visite d'information au Maroc les 28 et 29 octobre 2008, Mme Sylvie Affholder, Co-Secrétaire de la commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes de l'APCE et moi-même avons été informées par les autorités marocaines et les organisations non gouvernementales des progrès réalisés dans le domaine des droits des femmes et des difficultés qui subsistent dans l'application des nouvelles mesures. Parallèlement, un échange de vue avec les représentants consulaires de 12 Etats membres du Conseil de l'Europe organisé sous les auspices de l'Ambassadeur de Suède 
			(3) 
			La
Suède présidait le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe de
mai 2008 à novembre 2008. M. Odevall a permis de confronter les pratiques consulaires en matière d'assistance aux victimes.
5. Lors d'une visite d'information au Maroc les 28 et 29 octobre 2008 
			(4) 
			Voir Doc. AS/Ega/Inf
(2008) 9, Mme Sylvie Affholder, Co-Secrétaire de la commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes de l'APCE et moi-même avons notamment rencontré Mme Latifa Akherbach, Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères et à la Coopération, Mme Nouza Skalli, Ministre du Développement social, de la Famille et de la Solidarité, Mme Bassima Haqquaoui, Présidente de la commission permanente chargée des affaires sociales de la Chambre des députés, l'Ambassadeur Bruno Dethomas, chef de la délégation de l’Union Europénne au Maroc ainsi que des représentants de la Ligue démocratique pour les droits des femmes (LDDF), de l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFMA), de la Fondation Ytto et de l'UNIFEM. Nous avons été informées par les autorités marocaines et les organisations non gouvernementales des progrès réalisés dans le domaine des droits des femmes et des difficultés qui subsistent dans l'application des nouvelles mesures. Parallèlement, un échange de vue avec les représentants consulaires de 12 Etats membres du Conseil de l'Europe organisé sous les auspices de l'Ambassadeur de Suède 
			(5) 
			La Suède présidait
le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe de mai 2008 à novembre
2008. M. Odevall a permis de confronter les pratiques consulaires en matière d'assistance aux victimes.
6. Ma tâche prioritaire consiste donc à circonscrire la problématique et à en cerner l’ampleur. Le problème est grave dans certains pays, même s'il s'avère marginal dans d'autres pays. Le nombre de femmes et de filles victimes d’un enlèvement et/ou de séquestration et qui encourent le risque de subir des violations graves de leurs droits fondamentaux est difficile à évaluer, car ces femmes et ces filles sont souvent ramenées dans leur pays d’origine ou sont placées dans leur famille, et disparaissent de nos statistiques. Le second objectif de ce rapport vise à porter une attention plus grande aux possibilités offertes aux Etats membres pour, au niveau national, prévenir ces faits, protéger les femmes et les filles des violations graves de la personne humaine lorsque la tradition, la coutume ou la religion risquent de porter atteinte à leur intégrité, et aussi, au niveau international, quelles actions de prévention et de protection peuvent être mises en œuvre – ressortissantes de ces pays ou résidantes habituelles – sont des victimes avérées ou potentielles de telles pratiques.
7. Des chiffres statistiques exacts ne sont pas disponibles et font cruellement défaut. En Suisse cependant, on estime que 17 000 mariages forcés ont été réalisés ou sont en cours de préparation, et que quelques 7000 femmes et jeunes filles ont subi des mutilations sexuelles ou sont menacées d'en subir – et l'on peut estimer que ces délits donnent lieu à des séquestrations et à des enlèvements 
			(6) 
			Estimations fournies
par le Département fédéral des affaires Etrangères de la Suisse
dans sa réponse au questionnaire de l'APCE.. L'Association Terre des femmes en Allemagne recense chaque année entre 170 et 190 femmes victimes de mariages forcés. En 2007, 48 d'entre elles ont été enlevées et/ou séquestrées pour être mariées de force à l'étranger. Selon le rapport établi par le Bundestag en 2006 sur la base des estimations des ONG, 30 000 femmes pourraient être exposées au risque de mutilations sexuelles féminines 
			(7) 
			Réponse de l'Allemagne
au questionnaire de l'APCE.. L'Unité "mariages forcés" du Royaume Uni traite chaque année 400 cas 
			(8) 
			Voir <a href='http://www.fco.gov.uk/'>http://www.fco.gov.uk</a>.. En France, quelques 70 000 filles âgées de 10 à 18 ans sont potentiellement menacées par les mariages forcés et 65 000 femmes et fillettes sont mutilées ou menacées de l'être 
			(9) 
			Réponse de la France
au questionnaire de l'APCE.. Même s'il ne s'agit que d'estimations, ces différents chiffres laissent penser que des milliers de femmes en Europe, du fait de leur sexe et de leur origine, sont exposées à des violations graves des droits de la personne humaine.

1. Contexte et champ d’application du rapport

8. Dans un premier temps, je souhaiterais rappeler le contexte de ces enlèvements et séquestrations pour à identifier les moyens de les éviter ou d’y remédier. Le rapport se limite aux cas d’enlèvement et de séquestration qui peuvent aboutir à des pratiques qualifiées de violations graves des droits fondamentaux des personnes, telles les mariages forcés, les mutilations sexuelles féminines, l’esclavage ou les violences fondées sur le genre (viols notamment). Seront exclus du champ de ce rapport les enlèvements d’enfants issus de couples mixtes, et dont les parents se déchirent la garde, cette problématique étant régie par d’autres instruments juridiques.
9. Les pratiques contraires aux droits de la personne humaine que nous considérerons dans ce rapport s’expliquent surtout par la forte pression qui s’exerce dans une partie des communautés, immigrées ou non, marquées par une culture patriarcale prononcée, pour lesquelles la préservation de l’honneur familial ou la pérennisation de coutumes ancestrales (mariages forcés, mutilations sexuelles féminines, etc) prévalent sur le respect des droits fondamentaux et privilégie le groupe sur l’individu. Il va sans dire que ce phénomène exerce une influence paralysante sur le processus d’intégration et d’émancipation des femmes et des filles (notamment musulmanes, hindoues et sikhs 
			(10) 
			«Home Office Working
Group – information gathering exercise of forced marriages» – soumis
par Interights, Ain O Salish Kendra (ASK) et Shirkat Gah, mars 2000.) dans les pays d’accueil.
10. Ces mesures d’éloignement peuvent s’accompagner de mesures d’isolement dans le pays d’origine, de séquestration, voire de «resocialisation» des femmes et des jeunes filles afin qu’elles adoptent un mode de vie qui soit considéré comme compatible avec les coutumes locales. Par ailleurs, les parents qui organisent ces enlèvements peuvent envisager de marier les jeunes filles de force, ou, cas extrêmes, de rapatrier leurs filles afin de leur faire subir, au nom de la tradition, des mutilations sexuelles. Ces formes de violence les rendent en outre plus vulnérables au VIH/sida.
11. Deux cas de figure méritent d’être distingués: lorsque la violation des droits fondamentaux a lieu sur le territoire des Etats membres du Conseil de l’Europe, tout acte de violation des droits fondamentaux doit être sanctionné de manière non discriminatoire et sans relativisme culturel. Il convient en effet de souligner qu’aucune justification de telles violations au motif qu’elles correspondent à une pratique ou une coutume ne saurait être acceptée.
12. La question devient plus complexe lorsque ces faits sont commis dans des pays tiers et que la femme ou la fille est rapatriée dans son pays d’origine où ces pratiques contraires aux droits de la personne humaine subsistent et sont tolérées, que ce soit en droit ou en fait. Quelles sont, dans ce cas, les possibilités offertes aux Etats membres du Conseil de l’Europe de protéger et d’aider les victimes (qui peuvent avoir la double nationalité) de violations des droits de la personne humaine, compte tenu des règles de droit international public qui régissent la protection consulaire par exemple? Il règne souvent un sentiment d’impuissance des proches qui assistent à la «disparition» de ces femmes: les écoles ne peuvent que constater l’absence de ces élèves à la rentrée. Les proches ne peuvent engager une procédure de recherche ou des investigations. Le crime reste impuni.
13. Les enlèvements et séquestrations concernent à la fois des femmes majeures, mais aussi de jeunes filles, qui sont éloignées de leur lieu de vie ou, dans certains cas, renvoyées dans leur famille d’origine parce que leur comportement ne correspond plus au rôle qui leur est assigné dans la société traditionnelle. Cet éloignement vise à les resocialiser conformément aux choix de vie des parents.
14. Certains Etats, quelquefois sous l’effet d’une forte mobilisation de l’opinion publique, ont entrepris des démarches pour venir en aide aux victimes et notamment faciliter leur retour dans le pays d’accueil. Pour illustrer cette problématique, deux exemples ont été choisis, impliquant l’éloignement d’une mineure et d’une femme majeure.
15. En février 2000, la famille de Fatoumata, lycéenne en France, ne peut accepter qu’elle fréquente un jeune homme qui ne soit ni musulman ni sénégalais. Se sentant trahi par sa fille, le père refuse de lui adresser la parole. Lors de vacances passées au Sénégal chez ses grands-parents, Fatoumata se laisse convaincre par son père de lui confier son passeport en prétextant vouloir prolonger son séjour d'une semaine. En lieu et place, Fatoumata est emmenée en Casamance, dans le village familial isolé de tout, sans téléphone ni électricité. Son père lui avoue qu’il est venu la rejoindre pour l'empêcher de revenir en France, pays qui selon lui a détruit sa famille et ses espoirs. En France, le lycée de Fatoumata, qui a perdu sa trace se mobilise, interpelle le Ministre de l'éducation nationale, collecte 600 signatures de lycéens. La pétition est remise à Viviane Wade, femme du président sénégalais, lors de sa visite à l’Ambassade du Sénégal à Paris. Grâce aux efforts conjoints des autorités françaises et sénégalaises, Fatoumata réussit à rejoindre la France en juillet 2000, après avoir probablement échappé à un mariage forcé 
			(11) 
			Association
Fatoumata pour l’émancipation des femmes, <a href='http://afef.free.fr/'>http://afef.free.fr/</a>.
16. En août 1997, Nadia F., une jeune fille de 18 ans révolus qui jouit de la double nationalité norvégienne et marocaine et vit en Norvège avec sa famille, est droguée par ses parents et acheminée de force vers la région du Rif au Maroc. Le père de Nadia ne pouvait accepter le mode de vie adopté par sa fille en Norvège. Séquestrée, Nadia réussit toutefois à avoir accès à un téléphone et prévient son ancien employeur, qui alerte les autorités norvégiennes. Le Ministère des Affaires Etrangères norvégien demande à l’ambassade de Norvège à Rabat l’ouverture d’une enquête. Il s’agit de la sixième affaire de ce genre en 18 mois. Une coopération s’établit entre les Ministères des Affaires Etrangères et les Ministères de l’Intérieur du Maroc et de la Norvège. L’Ambassadeur de Norvège entre en contact avec le père pour tenter, en vain, une négociation. Un mandat d’arrêt Interpol est lancé. L’affaire est médiatisée au Maroc et en Norvège. Le père est contraint de laisser sa fille rentrer en Norvège, où les autorités lui trouvent un emploi au ministère de l’éducation. Cependant, victime de pressions de la part de sa communauté d’origine, Nadia est transférée par les autorités norvégiennes dans un lieu tenu secret. Son mari et son employeur portent plainte contre les parents pour enlèvement, séquestration et tentative de mariage forcé, un motif qui sera finalement abandonné, faute de preuves. Le 10 novembre 1998, et compte tenu du contexte familial et de la clémence implorée par Nadia, le père et la mère sont respectivement condamnés à 15 mois et 12 mois de prison, avec sursis, au paiement d’une amende et au remboursement des frais de justice 
			(12) 
			<a href='http://www.maroc-hebdo.press.ma/'>www.maroc-hebdo.press.ma</a>..
17. Dans ces deux cas, une issue a pu être trouvée au problème, mais est-ce toujours le cas? Même ces deux exemples témoignent des difficultés qu’ont rencontrées les autorités publiques pour identifier les situations de danger auxquelles sont confrontées des femmes et des filles, initier des procédures de recherches et de coopération avec les pays tiers le cas échéant, assister la victime et trouver une voie d’issue au conflit familial.

2. Le rôle des autorités publiques pour protéger la victime et prévenir les enlèvements et les séquestrations

18. S’il est difficile de mesurer le nombre d’enlèvements et de séquestrations commis à l’encontre des femmes et des filles, la rapporteuse souhaiterait rappeler les chiffres avancés par Mme Rosmarie Zapfl-Helbling (Suisse, PPE/CD), rapporteuse de l’APCE sur les mariages forcés et les mariages d’enfants en 2005: en France, 70 000 personnes risquent un mariage forcé. Seraient majoritairement concernées des filles d’origine étrangère vivant en France, jeunes majeures ou mineures, parfois très jeunes. (…) Plusieurs communautés sont concernées par ces pratiques: les Africains, les Maghrébins, les Asiatiques, les Turcs. Cette estimation a été reprise par le GAMS (Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles). Pour sa part, le GAMS évalue à 70 000 le nombre d’adolescentes de 10 à 18 ans potentiellement menacées, toutes communautés confondues, domiciliées en Ile-de-France et dans six départements à forte population immigrée (Nord, Oise, Seine-Maritime, Eure, Rhône, Bouches-du-Rhône)» 
			(13) 
			Document
10590. Voir aussi CDEG (2005) 1 Les mariages forcés dans les États
membres du Conseil de l’Europe, Législation comparée et actions
politiques, Étude préparée par Edwige Rude-Antoine, Docteur en droit,
Chargée de recherche CERSES/CNRS..
19. Je considère qu’il est de la responsabilité des Etats membres de mettre tous les moyens en œuvre pour protéger les victimes avérées ou potentielles et prévenir les violations des droits fondamentaux fondées sur le genre.
20. Je rappelle les travaux de l’Assemblée sur les mariages forcés et les mariages d’enfants 
			(14) 
			Résolution 1468 (2005), Recommandation
1723 (2005) et Doc 10590 (Rapporteuse: Mme Zapfl-Helbling,
Suisse, PPE/DC). et les mutilations sexuelles féminines 
			(15) 
			Résolution 1241 (2001) et document 9076 (Rapporteur: Mme Vermot-Mangold,
Suisse, SOC)., qui constituent des pratiques contraires aux droits de la personne humaine. En particulier Mme Zapfl-Helbling avait souligné la responsabilité des Etats et estimé que «les Gouvernements devront fournir des efforts suffisants afin de prévenir les mariages en question» 
			(16) 
			Document
10590, paragraphe 37..
21. Les Etats membres du Conseil de l’Europe ont une obligation d’agir et de protéger les femmes de ces risques qui découlent de la Convention des Nation Unies sur l’élimination des violences à l’égard des femmes et de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Rappelons à cet égard également:
  • l’article 4 de la Déclaration des Nations Unies sur l'élimination de la violence à l'égard des femmes (1993), qui invite les Etats à «mettre en œuvre sans retard, par tous les moyens appropriés, une politique visant à éliminer la violence à l'égard des femmes» 
			(17) 
			Voir aussi les conclusions
de la 51ème session de la Commission
de la condition de la femme sur l’élimination de toutes les formes
de discrimination et de violence à l’égard des petites filles. et, à cet effet, «agir avec la diligence voulue pour prévenir les actes de violence à l'égard des femmes, enquêter sur ces actes et les punir conformément à la législation nationale, qu'ils soient perpétrés par l'Etat ou par des personnes privées»;
  • l’Article 2.2 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant (1989), qui stipule que «les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l'enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille». L’Article 11.1 ajoute que «les Etats parties prennent des mesures pour lutter contre les déplacements et les non-retours illicites d'enfants à l'étranger.» et que (article 11.2), «à cette fin, (ils) favorisent la conclusion d'accords bilatéraux ou multilatéraux ou l'adhésion aux accords existants);
  • les instruments juridiques de la Conférence de La Haye de droit international privé (Convention sur la protection des enfants de 1996 par exemple) permettent également d’éclairer nos réflexions et de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant.
22. Lorsque des faits sont perpétrés dans un Etat tiers à l’encontre d’un ressortissant d’un Etat membre du Conseil de l’Europe, la protection consulaire, régie par la Convention de La Haye de 1930, peut toutefois, compte tenu des évolutions en droit international public, permettre à un Etat Partie, dans des cas particuliers exceptionnels et tout en respectant les règles de droit international, offrir son assistance ou sa protection diplomatique ou consulaire à l’un de ses ressortissants qui possède simultanément une autre nationalité, par exemple dans certains cas d’enlèvement d’enfant 
			(18) 
			Paragraphe 102 du rapport
explicatif de la Convention européenne sur la nationalité, article
4..
23. Pourtant, en dépit des obligations internationales contractées par les Etats membres, les risques encourus par les femmes et les filles qui subissent le poids des coutumes et des traditions sont encore mal appréhendés, ou mal interprétés. On se souvient de l’émotion provoquée en Italie par un arrêt rendu par la Cour de Cassation en août 2007, qui relaxait les parents de Fatima, une jeune femme qui avait attachée et séquestrée et frappée par son père, «non pour des motifs vexatoires ou par mépris» avait estimé la Cour, mais au motif «que les comportements de la fille avaient été jugés incorrects». Le Procureur de Bologne, qui avait déposé un recours contre l’acquittement en appel, avait estimé pour sa part que Fatima avait été séquestrée et attachée à une chaise, «puis libérée uniquement pour être brutalement battue par ses parents, qui voulaient la punir de sa fréquentation avec un ami et plus généralement pour son style de vie» 
			(19) 
			Eric
Jozsef, La justice italienne absout la charia en famille, Libération,
10 août 2007..

3. Encourager les Etats membres à combattre les violations des droits de la personne humaine et à remédier aux cas d’enlèvements et de séquestrations

24. Je souhaiterais dans ce rapport de l’Assemblée parlementaire mettre en exergue les bonnes pratiques développées dans les Etats membres du Conseil de l’Europe. Comme l’illustrent les deux exemples mentionnés plus haut, les autorités publiques et la société civile ont un rôle à jouer pour dénoncer, combattre, prévenir et, le cas échéant, sanctionner ces faits de violence. Je souhaiterais proposer trois pistes de travail:

Le développement de mesures d’intervention pour apporter une aide aux victimes avérées ou potentielles de violations de droits fondamentaux. Ces mesures pourraient inclure:

  • dans les pays membres du Conseil de l’Europe, des dispositifs d’aide aux victimes (refuges, lignes téléphoniques, mesures d’accompagnement des victimes de pratiques contraires aux droits de la personne humaine) et des programme de formation pour la police, les magistrats et les travailleurs sociaux visant à mieux appréhender les risques encourus par les femmes et les filles et les pratiques traditionnelles contraire aux droits de la personne humaine qui mettent en danger l’intégrité physique et psychique des femmes et des filles. La mise en réseau de l'ensemble des acteurs s'avèrent également fondamentale pour assurer la détection, l'assistance et la prise en charge intégrale des victimes 
			(20) 
			En France, l'Association
'Voix de femmes' propose ainsi la création d'une 'cellule d'alerte,
de veille et d'intervention' regroupant différents acteurs institutionnels
et associatifs pour favoriser la prévention et l'intervention en
faveur des personnes en danger de mariage forcé. Voir AS/Ega (2008)
PV 2 addendum.;
  • dans les pays tiers, une coopération avec le personnel des ambassades et consulats et le réseaux d’ONG locales, une formation prenant en compte les questions de genre du personnel des affaires étrangères, la possibilité donnée aux consulats de mener des opérations pro-actives et de solliciter l’aide des autorités locales pour retrouver la trace de la jeune fille pour laquelle il existe une suspicion de violation des droits de la personne humaine; une coopération judiciaire accrue entre pays européens et avec les autorités du pays et formation du personnel local de la police et de la justice pour réprimer le mariage forcé, les mutilations sexuelles féminines et les pratiques contraires aux droits de la personne humaine;
  • à ce titre, il y a lieu de souligner des bonnes pratiques identifiées au cours de la préparation du rapport. La Finlande prévoit d'intervenir auprès des personnes en détresse qui résident habituellement en Finlande et se trouve provisoirement dans un Etat tiers. En particulier lorsque cette détresse est provoquée par la privation illégale de liberté, la mission diplomatique peut informer les autorités compétentes du pays tiers ainsi que les autorités finlandaises compétentes, facilite la transmission d'information entre les autorités compétentes et la personne privée illégalement de sa liberté ainsi que sa famille et suit l'évolution du dossier auprès de l'Etat tiers 
			(21) 
			Réponse de la Finlande
au questionnaire de l'APCE..

La mise en place de mesures de prévention, ciblant en particulier la jeune femme et son entourage familial. La prévention pourrait inclure l’élaboration d’un guide pratique destiné aux binationaux sur les mesures d’aide aux victimes y compris par le biais de la protection diplomatique, l’aide aux ONG engagées dans la promotion des droits de la femme dans les Etats d’origine et les pays d’accueil; le développement de campagnes de sensibilisation et d’information sur les mariages forcés et les mutilations sexuelles féminines; la mise en place de structures d’aide aux victimes dans les Etats du Conseil de l’Europe et dans les Etats d’origine; la mise en place de mesures de médiation et de conciliation pour favoriser le dialogue avec les parents lorsque cela s’avère à priori envisageable.

Certains Etats ont opté pour une politique active de lutte contre les mariages forcés et les mariages arrangés. Lors des échanges de vues tenus en commission, il m'a été indiqué que l'Autriche a mis en place des contraintes administratives lourdes visant à empêcher les mariages blancs. Au Royaume-Uni, avec l'entrée en vigueur le 25 novembre 2008 de la Loi sur les mariages forcés (protection civile) 2007, l'âge minimum du mariage a été relevé à 21 ans pour pouvoir introduire une demande de visa pour rejoindre le Royaume-Uni 
			(22) 
			30% des cas traités
par l'Unité Mariages Forcés impliquaient des victimes âgées entre
18 et 21 ans (cf Law Society Gazette,
9 octobre 2008)., de même que l'âge minimum d'un ressortissant britannique souhaitant se marier à l'étranger. Une autorisation préalable du Home Office sera nécessaire si le mariage est contracté avant l'âge minimum requis.

Lors de ma visite d'information au Maroc, j'ai constaté que les consulats admettent souvent être démunis lorsque les victimes de mariages forcés ou arrangés ont également la nationalité marocaine. Dans certains cas, lorsqu'une victime peut être identifiée par les services consulaires, une approche au "cas par cas" peut permettre le rapatriement de la jeune fille. Cependant, si je me base sur le témoignage d'ONG qui travaillent sur le terrain, ces cas semblent être particulièrement rares et ne représentent que le sommet de l'iceberg. Plusieurs représentants consulaires ont d'ailleurs admis devoir "improviser" – ne pouvant, dans certains cas (mariages de mineures par exemples 
			(23) 
			Le nouveau code de
la famille, adopté en 2003, prévoir que l'âge légal du mariage est
fixé à 18 ans, sauf autorisation préalable du juge. En 2007, 38
710 demandes de mariage concernant des mineures ont été introduites
auprès du juge, qui, dans 86,79% des cas, les a autorisés. Source:
rapport du Ministère de la Justice cité dans le rapport 2007 'Droit
des femmes et Code de la famille, après 4 ans d'application' de
la Ligue Démocratique pour les Droits des Femmes du Maroc.), que ralentir l'obtention d'un visa en attendant que l'épouse ait atteint la majorité.

Cependant, des protocoles de vérification dans les consulats peuvent aider à lutter contre les mariages forcés à des fins migratoires. Le consulat français a ainsi mis en place des procédures de validation des mariages civils, qui prévoient notamment l'interview séparée des deux conjoints lorsqu'un des époux est mineur. En cas de doute, ou lorsque des indices suffisants existent, le consul a la possibilité de saisir de Procureur de Nantes qui peut, durant un délai de cinq ans, annuler un mariage en cas de vice de consentement ou de détournement de la finalité du mariage 
			(24) 
			En 2007, le consulat
de France de Rabat a enregistré 1400 mariages (dont la majorité
concernait des ressortissants binationaux). Dans 200 cas, le Procureur
de Nantes a été saisi pour défaut de consentement. Dans dix cas
(soit 5% des saisines introduites) il a été établi qu'il s'agissait
de mariages forcés. .

Et enfin,l’adoption ou révision des conventions bilatérales, qui inclurait, pour les autorités consulaires dont la fille / la femme a la nationalité ou qui en est une résidente habituelle, la possibilité de prendre des mesures de protection, comme par exemple un droit de visite de ces personnes, la possibilité de s’entretenir bilatéralement et en privé avec elles et d’organiser son conseil juridique. A ce titre, il y a lieu de signaler qu'en vertu de la convention bilatérale entre la Belgique et le Maroc, les ministères de la justice des deux pays ont mis en place une commission mixte qui permet aux autorités consulaires belges de travailler avec les autorités locales marocaines. En cas de contentieux familial (par exemple un différend entre le père et la mère résidant habituellement en Belgique pour ce qui concerne la garde ou le lieu de résidence de leur enfant) 
			(25) 
			Au Maroc, seul le père
détient l'autorité parentale. Il peut ainsi s'opposer à la sortie
de territoire marocain de ses enfants., la commission mixte peut être saisie pour demander aux autorités marocaines d'enclencher une médiation avec la famille concernée, et en particulier d'appliquer les dispositions prévues dans le code de la famille adopté en 2003 – qui représente une avancée importante des droits de la femme au Maroc. Une procédure similaire mériterait d'être mise en place pour permettre aux proches d'une victime de violence fondée sur le sexe résidant habituellement en Europe d'alerter les services consulaires et d'enclencher une coopération avec les autorités du pays d'origine.

4. Quelques pistes d'action

25. L’Assemblée parlementaire devrait reconnaître que tout enlèvement et séquestration de femmes ou de filles motivées par des pratiques contraires aux droits de la personne humaine doit être fermement condamné et combattu, aucun relativisme culturel ne saurant justifier la mise en danger de l’intégrité physique ou psychique d’une femme ou d’une fille.
26. L’Assemblée devrait appeler les Etats membres à mettre tous les moyens en œuvre pour renforcer les actions de prévention des mariages forcés et de toute pratique contraire aux droits de la personne humaine dans le pays d’accueil ou d’origine, sensibiliser les autorités publiques et consulaires aux risques graves encourus par les femmes et les filles qui sont rapatriées, de manière forcée ou abusive, vers leur pays d’origine.
27. En particulier l’Assemblée pourrait inviter les Etats membres:
  • à modifier, si ce n’est pas déjà fait, la législation pour interdire et sanctionner les mariages forcés (suivant la Résolution 1468 (2005) de l’Assemblée parlementaire), les mutilations sexuelles féminines et tout autre violation des droits de la personne humaine fondée sur le genre;
  • à lancer des poursuites en cas d’enlèvement, de séquestration et de retour forcé de femmes et de jeunes filles lorsqu’il est avéré qu’elles risquent de subir des pratiques contraires aux droits de la personne humaine et aux valeurs du Conseil de l’Europe, tels les mariages forcés ou les mutilations sexuelles féminines;
  • à mettre en place des procédures pour faciliter l’identification des victimes dans les consulats et accélérer l’octroi d’un visa de retour à la femme ou la fille victime de violation de la personne humaine, en particulier lorsque le titre de séjour original a expiré;
  • à mettre en œuvre des mesures de prévention qui pourraient inclure:
  • i. des programmes de sensibilisation et d’éducation visant les femmes et les jeunes filles ainsi que leur entourage familial sur le respect des droits fondamentaux, la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les pratiques contraires aux droits de la personne humaine, en particulier lorsqu’elles sont fondées sur le genre;
    ii. une information sur les dispositifs de loi en vigueur disponible dans les langues des communautés concernées, mettant en exergue les risques encourus en cas d’infraction et les dispositifs de protection existant;
    iii. une information ciblant les jeunes filles des communautés concernées sur les dispositifs de protection mis en place par les autorités du pays d’accueil;

  • à mettre en place des dispositifs d’aide aux victimes pour assurer leur protection (refuges, lignes téléphoniques) et leur réinsertion sociale et professionnelle, une fois rapatriées;
  • à mettre en place des programmes de sensibilisation et de formation des autorités de police (y compris la police des frontières), de justice, de santé et des autorités consulaires sur les violences fondées sur le genre;
  • à soutenir les organisations non gouvernementales dans les pays d’accueil et les pays d’origine, qui jouent un rôle de prévention et d’assistance essentiel dans ce domaine;
  • à faciliter la mise en réseau des acteurs sociaux et politiques pour une action publique concertée;
  • à renforcer la coopération avec les autorités des pays d’origine et les encourager à:
  • i. modifier, si ce n’est pas encore fait, la législation pour interdire toute pratique rituelle ou coutumière contraire aux droits de la personne humaine conformément aux instruments juridiques internationaux, et notamment la Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes, et mener des politiques énergiques pour en assurer l’application;
    ii. poursuivre les actes de violations des droits de la personne humaine fondées sur le genre;
    iii. localiser et identifier les victimes, et faciliter leur accès au consulat du pays dont elles ont la résidence habituelle.

28. L'Assemblée parlementaire devrait encourager le Conseil de l'Europe à rédiger dans les plus brefs délais une convention pour combattre les formes les plus sévères et répandues de la violence faite aux femmes, y compris les mariages forcés, suivant la Recommandation 1847 (2008). Elle devrait également promouvoir, avec le Centre Nord Sud, la question de l'égalité entre les femmes et les hommes (notamment en droit civil), ainsi qu'une action concertée pour lutter contre les violences fondées sur le genre par une coopération renforcée entre pays d'émigration et pays d'immigration.
29. Pour ce qui regarde le principe d'égalité entre les femmes et les hommes en droit civil, je voudrais enfin rappeler que l'Assemblée a noté, dans sa Recommandation 1798 (2007) sur le respect du principe d'égalité des sexes en droit civil que, "s’agissant du principe d’égalité des sexes dans les relations privées internationales, les règles de droit international privé prévoyant le rattachement à la législation nationale de l’époux ou du père sont particulièrement inquiétantes, de même que l’inégalité résultant de l’application de règles discriminatoires du droit étranger". De ce fait, l'Assemblée a invité le Comité des Ministres à "élaborer un nouveau protocole à la Convention européenne des Droits de l’Homme inscrivant l’égalité entre femme et homme comme un droit fondamental de la personne humaine primant sur toute disposition issue ou applicable en vertu d’un accord ou d’une convention de droit privé international".
30. Avançant l'argument que "plusieurs autres instruments juridiques destinés à combattre toute forme de discrimination et de violence à l’égard des femmes ont déjà été adoptés", le Comité des Ministres a répondu qu'il "n'[était] pas nécessaire, à ce stade, d’entreprendre l’élaboration d’un nouveau protocole à la Convention européenne des Droits de l’Homme tel que le propose l’Assemblée au paragraphe 9.1 de sa recommandation" 
			(26) 
			Doc. 11648.. Je ne partage pas ce point de vue. La réalité à laquelle sont confrontées les femmes enlevées exposées à des violations des droits de la personne humaine montre que les instruments actuels ne sont pas suffisants pour assurer une protection adéquate des victimes. J'ai la ferme conviction qu'un tel protocole améliorerait la protection des femmes et éviterait d'"importer" des pratiques discriminatoires de l'étranger, qui peuvent s'avérer contraires au principe de l'égalité des sexes ou même constituer une violation des droits de la personne humaine, comme expliqué dans ce rapport. Aussi l'Assemblée devrait-elle réitérer la demande faite au Comité des Ministres d'élaborer un nouveau protocole à la Convention européenne des droits de l’homme sur l'égalité entre les femmes et les hommes.

Commission chargée du rapport: commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes

Renvoi en commission: Doc. 10753, renvoi n° 3200 du 17 mars 2006, prolongé le 29 mai 2008

Projet de résolution et projet de recommandation adoptés à l'unanimité par la commission le 5 décembre 2008.

Membres de la commission: M. Steingrímur J. Sigfússon (Président), M. José Mendes Bota (1er Vice-Président), Mme Ingrīda Circene (2ème Vice-Présidente), Mme Anna Čurdová (3ème Vice-Présidente), M. Frank Aaen, M. Francis Agius, M. John Austin, M. Lokman Ayva, Mme Marieluise Beck, Mme Anna Benaki (remplaçant: M. Ioannis Giannellis-Theodosiadis), M. Laurent Béteille, Mme Oksana Bilozir, Mme María Delia Blanco Terán, Mme Olena Bondarenko, M. Pedrag Bošcović, Mme Anna Maria Carloni, M. James Clappison, Mme Minodora Cliveti, Mme Diana Çuli, M. Ivica Dačiċ, M. David Darchiashvili, Mme Lydie Err, Mme Catherine Fautrier, Mme Mirjana Ferić-Vac, Mme Sonia Fertuzinhos, Mme Alena Gajdůšková, M. Guiseppe Galati, Mme Claude Greff, M. Attila Gruber, Mme Carina Hägg, M. Ilie Ilaşcu, Mme Fatme Ilyaz, Mme Francine John-Calame, Mme Nataša Jovanoviċ, Mme Birgen Keleş, Mme Krista Kiuru, Mme Angela Leahu, M. Terry Leyden, Mme Mirjana Malić, Mme Nursuna Memecan, Mme Danguté Mikutiené, M. Burkhardt Müller-Sönksen, Mme Christine Muttonen, Mme Hermine Naghdalyan, Mme Fiamma Nirenstein, Mme Yuliya Novikova, M. Mark Oaten (remplaçante: Mme Christine McCafferty), M. Kent Olsson, M. Jaroslav Paška, Mme Antigoni Papadopoulos, M. Claudio Podeschi, Mme Majda Potrata, Mme Mª del Carmen Quintanilla Barba, M. Frédéric Reiss, Mme Mailis Reps, Mme Maria Pilar Riba Font, Mme Jadwiga Rotnicka, Mme Marlene Rupprecht, Mme Klára Sándor, Mme Miet Smet, Mme Albertina Soliani, Mme Darinka Stantcheva, Mme Tineke Strik, M. Michał Stuligrosz, Mme Doris Stump, M. Han Ten Broeke, M. Vasile Ioan Dănuţ Ungureanu, Mme Tatiana Volozhinskaya, M. Marek Wikiński, M. Paul Wille, Mme Betty Williams (remplaçante: Baroness Anita Gale), M. Gert Winkelmeier, Mme Karin S. Woldseth, Mme Gisela Wurm, M. Andrej Zernovski, M. Vladimir Zhidkikh, Mme Anna Roudoula Zissi.

N.B. Les noms des membres qui ont pris part à la réunion sont imprimés en gras.

Secrétariat de la commission: Mme Kleinsorge, Mme Affholder, Mme Devaux.