1. Introduction
1. A sa réunion du 9 janvier 2009, à Barcelone, le Bureau
de l’Assemblée a accédé à la demande des chefs des groupes politiques,
qui souhaitaient que l’Assemblée tienne un débat d’urgence sur «Les
conséquences de la crise financière mondiale» durant la première
partie de sa session de 2009, et a décidé de saisir la commission
des questions économiques et du développement pour rapport. La commission
a nommé le rapporteur à sa réunion de Londres, le 23 janvier 2009.
L’Assemblée ayant décidé le 26 janvier 2009 de tenir ce débat, la
commission a approuvé ce rapport à sa réunion du mardi 27 janvier
.
2. La crise financière: rappel des faits
2. Le présent rapport, qui ne prétend aucunement être
exhaustif, n’entrera pas dans le détail des causes de la crise financière
qui a démarré aux Etats-Unis en 2007. Disposant d’un volume exceptionnel
de liquidités émanant pour l’essentiel de l’épargne asiatique considérable,
les banques et institutions de crédit immobilier américaines avaient
depuis quelque temps déjà multiplié leurs octrois de prêts hypothécaires
à des emprunteurs présentant un fort risque de défaillance (les
prêts dits «subprime»). Mi-2007, on s’est rendu compte que cette
pratique en plein essor rencontrait ses premières difficultés, comme
en témoignaient le recul des prix de l’immobilier et la hausse des
saisies immobilières, en augmentation de 93 % par rapport à l’année précédente.
3. Les banques et institutions de crédit immobilier concernées
avaient souvent replacé ces créances à risque auprès d’autres institutions
financières qui les avaient regroupées ou retraitées («titrisées»)
sous forme de «titres garantis par des hypothèques» et autres instruments
financiers plus complexes, commercialisés auprès d’investisseurs,
la plupart du temps par l’intermédiaire d’autres institutions financières.
Ces dernières ne prêtaient parfois pas suffisamment attention au
contenu des produits qu’elles achetaient et vendaient, appâtées
par la tentation de rendements plus lucratifs dans un environnement
de taux d’intérêt peu élevés, par la perspective de primes colossales
et par les notations faussement rassurantes des agences de notation. Pendant
ce temps, les agences de contrôle américaines s’étaient vu progressivement
privées de leur pouvoir d’intervention du fait du courant de pensée
prônant l’économie de marché libérale, qui avait abouti à la déréglementation.
4. La gravité de la contagion de cette «dette toxique» dans la
sphère financière allait apparaître au grand jour à mesure que la
crise prenait de l’ampleur, au deuxième semestre 2007 et en 2008.
Grandes banques, institutions de crédit immobilier et compagnies
d’assurances se sont alors retrouvées en difficulté, plusieurs d’entre
elles, particulièrement aux Etats-Unis et en Europe, se plaçant
sous la protection de la loi sur la faillite, faisant l’objet de
rachat ou d’une nationalisation. Les institutions financières, n’ayant
plus foi dans le système, ont cessé de se faire confiance et les
banques ont pratiquement cessé de prêter – ce qu’on appelle un resserrement
du crédit –, phénomène dont les effets sur la consommation et l’investissement
n’allaient pas se faire attendre. A mesure que la crise s’est emballée,
en septembre et octobre 2008, les bourses mondiales se sont effondrées,
les marchés financiers mondiaux ont été touchés à leur tour et,
l’ensemble du système financier étant menacé d’implosion, les gouvernements
et les banques centrales n’ont pas tardé à intervenir plus massivement
pour tenter d’enrayer une telle catastrophe.
3. Evaluation générale
5. La crise financière a touché non seulement les institutions
financières, mais aussi les pouvoirs publics à tous les niveaux,
les entreprises et les consommateurs du monde entier. Son impact
sera planétaire; il ne sera pas seulement économique, mais aussi
politique, social et environnemental, et concernera tous les secteurs,
de la santé à l’éducation. L’une des conséquences les plus graves
de cette crise est la perte de confiance du public dans le système
financier qui sous-tend l’économie. Cette confiance doit être restaurée. L’essentiel,
c’est que les répercussions de la crise soient gérées de manière
avisée, que les gouvernements et les banques centrales réagissent
à la crise en faisant tout leur possible, de manière coordonnée,
pour en atténuer les effets. Plusieurs dilemmes épineux se posent
déjà: jusqu’où les pouvoirs publics doivent-ils aller pour sauver
des entreprises menacées de faillite, en utilisant pour cela l’argent
du contribuable et en endettant les générations futures? Que doivent
faire les gouvernements pour préserver les intérêts de tous ceux
qui ont investi dans des entreprises étrangères établies sur leur
territoire alors qu’elles se heurtent à des difficultés? Y a-t-il
un risque que les plans de relance eux-mêmes affaiblissent encore
plus le système financier et l’économie?
6. Il est bien entendu essentiel aussi que les gouvernements
mais également les organisations internationales concernées s’assurent,
là encore de manière coordonnée, que tous les enseignements sont bien
tirés de cette crise financière, et que des mesures sont élaborées
et adoptées pour réduire le risque de survenance de telles catastrophes
à l’avenir.
4. Perspectives économiques pour 2009-2010
7. Les conséquences économiques de la crise financière
de 2007-2008 se feront sentir pendant toute l’année 2009 et au-delà.
Le Fonds monétaire international (FMI) comme l’Organisation de coopération
et de développement économiques (OCDE) prédisent une récession mondiale
pour 2009. Bien entendu, stricto sensu,
la crise financière n’est pas l’unique responsable du ralentissement,
qui survient par ailleurs à un moment marquant la fin d’un cycle
haussier caractérisé par une période de forte augmentation des prix
des matières premières et de l’énergie.
8. L’impact économique attendu de la crise financière sur la
zone intéressant l’OCDE, qui recouvre largement celle du Conseil
de l’Europe, est décrit dans la dernière version des
Perspectives économiques de l’OCDE (25
novembre 2008)
. Même si certaines incertitudes
planent encore sur ces prévisions, qui dépendent de la rapidité
avec laquelle la crise financière sera surmontée, pour l’OCDE, l’issue
générale est taxée de «récession la plus grave depuis le début des
années 1980». Dans la zone OCDE, l’activité économique devrait reculer
en moyenne de 0,4 % en 2009, avant de se reprendre lentement pour
parvenir à 1,5 % en 2010. Malgré cela, on notera des écarts parfois
significatifs entre les divers pays, avec un recul de 9,3 % du PIB
en termes réels pour l’Islande en 2009 par rapport à 2008, par exemple,
comparé à une augmentation de 4 % pour la Slovaquie.
9. Selon les Prévisions intérimaires de la Commission européenne
publiées par anticipation le 19 janvier 2009
, la croissance du PIB mondial devrait,
selon les projections, ralentir et s’établir à 0,5 % pour l’ensemble de
2009 (contre 3,3 % en 2008 et une moyenne – exceptionnellement forte
– de 5 % sur 2004-2007). A partir du deuxième semestre de 2009,
la croissance mondiale devrait se reprendre progressivement mais
de manière modérée à mesure que s’améliorera la situation des marchés
financiers et que l’impact de l’assouplissement de la politique
macroéconomique (notamment aux Etats-Unis) commencera à se faire réellement
sentir. Globalement, la croissance du PIB mondial devrait s’établir
autour des 2,75 % en 2010.
10. Pour ce qui est du chômage, l’OCDE estime que le nombre de
chômeurs dans les pays de sa zone augmentera de quelque 8 millions
sur 2009-2010, passant de 34 millions en novembre 2008 à 42 millions
. Selon
les Prévisions intérimaires de la Commission européenne, la situation
a commencé à se dégrader dans la plupart des Etats membres en 2008.
L’emploi, toujours en décalage par rapport aux évolutions de la croissance
du PIB, devrait passer dans le rouge cette année, avec un recul
de 3,5 millions d’emplois perdus dans l’Union européenne. Le taux
de chômage devrait donc passer à 8,75 % dans l’Union en 2009 (et
à 9,25 % dans la zone euro), avec une nouvelle flambée en 2010.
11. Au niveau des individus surtout, le chômage pourrait bien
représenter le gros de la facture de la crise financière, et les
pouvoirs publics se doivent donc d’y réagir avec détermination pour
le contenir. Il ne faut pas oublier les conséquences sociales et
politiques du krach de 1929 et de la grande dépression qui l’avait
suivi, avec ses cohortes de chômeurs. Cependant, au vu des interventions
massives déjà mises en œuvre par les gouvernements et les banques
centrales qui ont injecté des capitaux dans le système financier
et qui lancent ou prévoient de lancer des plans de relance économique
de grande envergure, ce scénario catastrophe a peu de risques de
se reproduire.
12. Selon l’OCDE, l’inflation est partie pour reculer dans l’ensemble
des pays de sa zone, et devrait passer de 3,3 % en moyenne en 2008
à 1,7 % en 2009, puis à 1,5 % en 2010, du fait d’une réduction de
la demande et d’une chute brutale des prix des matières premières,
pétrole compris. Bien entendu, cela donnera un petit coup de pouce
au revenu des ménages. Selon les prévisions du 19 janvier de la
Commission européenne, avec l’affaiblissement rapide des perspectives
de croissance pour l’Union européenne et l’économie mondiale ainsi
que des marchés de l’emploi en dégradation, les conditions sont
réunies pour revoir significativement à la baisse les perspectives
de l’inflation par rapport à la projection de l’automne dernier.
On s’attend maintenant à ce que l’inflation des prix à la consommation
passe de 3,7 % en 2008 dans la zone UE (3,3 % dans la zone euro)
à 1,2 % en 2009 (1,0 % dans la zone euro) et se situe juste en dessous
des 2 % en 2010 dans les deux zones.
13. Les perspectives économiques de l’OCDE prévoient que la production
américaine va chuter durant le premier semestre de 2009, pour se
redresser progressivement, à mesure que les conséquences du resserrement
du crédit vont s’estomper, que l’immobilier va commencer à se stabiliser
et que l’effet des baisses des taux d’intérêt va commencer à se
faire sentir. Cependant, la reprise sera quelque peu affaiblie par une
consommation des ménages atone, ceux-ci ayant vu fondre leur patrimoine.
Selon les prévisions, le PIB américain devrait reculer de 0,9 %
en 2009, avant de regagner 1,6 % en 2010.
14. La zone euro devrait connaître une évolution similaire, d’après
l’OCDE, son activité devant, selon toute vraisemblance, se tasser
pendant les six premiers mois de 2009 avec le recul de la consommation
et de l’investissement, du fait de la raréfaction du crédit et de
l’impact patrimonial négatif des pertes boursières et de la chute
des prix de l’immobilier. Toutefois, les baisses de taux d’intérêt
et
le retour au calme sur les marchés financiers devraient par la suite
favoriser une reprise graduelle. Selon les Prévisions intérimaires
publiées par la Commission européenne le 19 janvier, en 2009, le
PIB en termes réels devrait chuter de 1,8 % dans l’Union européenne
et de 1,9 % dans la zone euro, avant de se reprendre d’environ 0,5 %
en 2010.
15. Pour l’OCDE, la récession devrait se faire sentir relativement
durement dans les économies les plus vulnérables à la crise financière
ou à un décrochement brutal des prix de l’immobilier. La Hongrie,
l’Islande, l’Irlande, le Luxembourg, l’Espagne, la Turquie et le
Royaume-Uni sont dans ce cas.
16. Pour ce qui est du Japon, moins affecté par la crise financière,
la stimulation des finances publiques devrait produire un léger
sursaut de croissance au début de 2009, cependant la production
devrait se tasser au cours du deuxième semestre du fait d’un affaiblissement
de la demande extérieure et d’un renforcement du yen. L’OCDE avertit
même qu’il y a risque de retour de la déflation dans ce pays. Le
PIB du Japon devrait reculer de 0,1 % en 2009, avant de regagner
0,6 % en 2010.
17. Le ralentissement mondial de la croissance touchera également
les grandes économies de marché émergentes telles que le Brésil,
la Chine, l’Inde et la Russie. Le resserrement des conditions internationales de
crédit, les restrictions budgétaires, la baisse des prix des matières
premières et la réduction de la demande dans le commerce mondial
sont autant d’éléments qui auront leur rôle à jouer. Cependant,
ces économies ayant été caractérisées ces dernières années par de
forts niveaux de croissance, le ralentissement n’affectera que superficiellement
leurs positions dans ce domaine (la Chine, par exemple, qui a connu
un pic à près de 12 % de croissance en 2006, devrait encore enregistrer,
selon les prévisions, une croissance de 8 % en 2009).
18. Les pays en développement risquent d’être particulièrement
vulnérables aux répercussions de la crise financière. Le 9 décembre
dernier, la Banque mondiale prévoyait pour 2009 une contraction
du commerce mondial, pour la première fois depuis 1982. Les flux
de capitaux en direction des pays en développement devraient diminuer,
selon les projections, de 50 %. La récession pourrait créer des
conditions de crise dans bon nombre de pays en développement et
annuler les récentes avancées dans la lutte contre la pauvreté, compromettant
les progrès sur la voie de la réalisation des objectifs du Millénaire
pour le développement.
19. Le Conseil des directeurs exécutifs des Nations Unies, dans
une déclaration antérieure, avait averti que les répercussions les
plus graves de la crise frapperaient ceux qui en sont le moins responsables:
les pauvres dans les pays en développement
. Il avait invité tous
les Etats à réaffirmer et à renforcer leur engagement et leurs promesses
en faveur du développement et de l’aide humanitaire. Face à la crise
actuelle, l’aide publique au développement (APD) doit être placée
encore plus au cœur de l’action en faveur des pays pauvres en développement
qui sont confrontés à des contraintes financières, à l’assèchement
des flux de liquidités et à un déséquilibre de plus en plus grave
de leur solde des balances des paiements.
20. En outre, le Conseil avait invité tous les Etats à reprendre
leurs efforts pour conclure les négociations du cycle commercial
de Doha. Un système commercial sain, ouvert et fondé sur des règles
est essentiel pour préserver la croissance économique à long terme,
ce qui va dans l’intérêt de tous. Alors que nos systèmes économiques
et sociaux sont de plus en plus mis à l’épreuve, nous devons résister
aux sirènes du protectionnisme et promouvoir l’ouverture et l’intégration.
5. Réactions des pouvoirs publics
21. Les gouvernements et les banques centrales sont intervenus
massivement à mesure que la situation se détériorait. Ils ont monté
des plans de sauvetage pour des institutions financières structurellement
importantes, afin d’éviter l’implosion totale des marchés financiers;
ils ont assoupli leur politique monétaire, abaissant leurs taux
d’intérêt pour contrer les effets récessionnistes du resserrement
du crédit; enfin, ils ont adopté des mesures budgétaires destinées
à relancer la demande et l’emploi, y compris sous forme de programmes
de dépenses publiques et de réductions d’impôt, marquant ainsi un
retour significatif à des politiques keynésiennes. En outre, ils
ont entamé une réforme plus ou moins coordonnée du système financier international.
22. Tout au long de 2007 et de 2008, la Réserve fédérale des Etats-Unis
a réagi à l’aggravation de la crise par plusieurs réductions des
taux d’intérêt et par des injections considérables de capitaux dans
le système financier mis à mal, notamment en faveur des banques
et institutions financières non bancaires. En octobre 2008, le Gouvernement
américain, après avoir gagné à sa cause un Congrès au départ réticent,
a adopté un plan de sauvetage de 700 milliards de dollars des Etats-Unis
(le «Troubled Assets Relief Program» – TARP), le plus gros de toute
l’histoire du pays. La moitié de ces fonds a déjà été utilisée,
et de nombreuses questions se posent concernant l’utilisation exacte
qui en a été faite. La nouvelle administration américaine souhaite
utiliser l’autre moitié, mais se heurte à une certaine opposition,
y compris parmi ses partisans, qui souhaitent davantage de transparence
et entendent bien comprendre les conditions d’utilisation de ces
fonds.
23. Dans le même temps, la nouvelle administration américaine
peaufine aussi un grand plan de reprise économique, une sorte de
New Deal budgétaire combinant dépenses publiques et aides fiscales.
Le 15 janvier 2009, les représentants démocrates ont proposé un
projet de loi pour quelque 825 milliards de dollars des Etats-Unis,
répartis entre environ 60 % de dépenses nouvelles (essentiellement
en faveur de Medicaid, de l’éducation, des infrastructures et des
énergies renouvelables) et 40 % de réductions d’impôt, qui a été
mis sur pied en consultation avec le Président nouvellement élu
et qui, après examen par le Congrès, devrait être adopté d’ici à
la mi-février.
24. Pour financer sa réaction à la crise, le Trésor américain
devrait emprunter 1 500 milliards de dollars des Etats-Unis en 2009,
qui viendraient s’ajouter à sa dette existante. Il est permis de
se demander si ce nouvel emprunt peut être absorbé et, dans le cas
contraire, si les prix des T. Bonds ne risquent pas de s’effondrer.
Le même type d’interrogations vaut aussi pour la solvabilité des
pays européens – la notation de la dette souveraine de la Grèce,
du Portugal et de l’Espagne a été revue à la baisse, sans même parler
du cas très délicat de l’Islande.
25. En Europe, la Banque centrale européenne (BCE) et d’autres
banques centrales ont prêté massivement à des banques confrontées
à l’assèchement des prêts interbancaires, pour leur permettre de
disposer des liquidités qui leur faisaient défaut. Ces mesures exceptionnelles
ont renforcé la capacité des banques à se refinancer et assoupli
les tensions dues à la crise de liquidités sur le marché monétaire.
Dans le même temps, alors qu’aux inquiétudes à propos de l’inflation
en 2007-2008 succédait la crainte d’une récession, voire d’une possible
déflation, les banques centrales ont abaissé leurs taux d’intérêt
directeurs pour stimuler la demande. Les pouvoirs publics ont également
participé au sauvetage des institutions financières en difficulté,
à commencer par la nationalisation de Northern Rock au Royaume-Uni,
opération suivie du plan, annoncé le 19 janvier 2009, de 100 milliards
de livres injectés par le Gouvernement britannique pour aider les
banques à limiter leurs pertes dues à des actifs en capilotade,
qui venait lui-même compléter un plan similaire de 37 milliards
de livres annoncé en octobre 2008.
26. Les 11 et 12 décembre 2008, le Conseil de l’Union européenne
a approuvé un Plan européen de relance économique, qui servira de
cadre pour des mesures incitatives ciblées d’un montant total de
200 milliards d’euros, équivalent peu ou prou à 1,5 % du PIB de
l’Union européenne et destiné aux Etats membres et aux institutions
de l’Union européenne. Pour l’essentiel, il se compose d’enveloppes
visant à stimuler les économies nationales, déjà adoptées ou en
phase de préparation, mais qui ne comportent pas toujours des dépenses
nouvelles: 20 milliards d’euros en France, 32 milliards en Allemagne,
80 milliards en Italie, 31 milliards en Pologne, 11 milliards en
Espagne et 20 milliards au Royaume-Uni. Conscient que de telles mesures
commenceraient, temporairement, par aggraver les déficits budgétaires
qui passeraient au-delà du plafond des 3 % du PIB autorisé au titre
du Pacte de stabilité et de croissance, le Conseil européen réaffirme son
engagement total en faveur de finances publiques pérennes et invite
les Etats membres à revenir aussitôt que possible à leurs objectifs
budgétaires à moyen terme.
27. Le Japon comme la Chine ont adopté des plans de stimulation
économique d’envergure (s’élevant respectivement à 276 milliards
de dollars des Etats-Unis, en octobre 2008, et à 588 milliards de
dollars des Etats-Unis, en novembre 2008).
28. L’envergure planétaire de la crise financière montre, s’il
en était besoin, la nécessité d’une coopération internationale pour
éviter les mesures qui fausseraient la concurrence ou aboutiraient
à transférer le problème vers d’autres pays. Malheureusement, cette
sorte de solidarité n’a pas été exercée de manière cohérente, et des
décisions ont été prises de manière unilatérale, alors qu’elles
auraient dû faire l’objet d’une concertation préalable. Ainsi, lorsque
l’Irlande a décidé d’accorder une garantie illimitée des dépôts
bancaires, elle a attiré des fonds en provenance de pays qui ne
garantissaient pas leurs dépôts de manière aussi généreuse. Lorsque le
Royaume-Uni a gelé les dépôts de la filiale britannique de la banque
islandaise Landsbanki et placé une autre banque islandaise, la Kaupthing,
sous administration de la FSA (Financial Services Authority) britannique,
ce qui était au départ une crise financière a abouti à une faillite
complète qui a obligé à monter une opération internationale de sauvetage
ayant mobilisé les pays nordiques et d’autres pays européens, ainsi
que le FMI
.
En ces temps de crise, il est vital que la solidarité, la coordination
et la coopération internationales jouent à plein, non pas seulement
entre membres de l’Union européenne, mais également à l’égard des
Etats membres du Conseil de l’Europe plus vulnérables et d’autres
pays du «voisinage» de l’Union européenne.
6. Réforme de l’architecture financière internationale
29. La crise financière devrait aboutir, c’est là une
de ses conséquences majeures, à une réforme de l’architecture financière
mondiale
.
Le 15 novembre 2008, le G20 s’est réuni dans un Sommet sur les marchés financiers
et l’économie mondiale, appelé également la Conférence de Bretton-Woods
II par tous ceux qui attendent une refondation du système financier
mondial. De fait, cette conférence a jeté les bases du processus
visé. Selon les termes mêmes de la synthèse des conclusions émanant
de la Maison-Blanche, les dirigeants politiques participant au sommet
sont parvenus à une compréhension commune des causes profondes de
la crise mondiale, ont passé en revue les actions que les pays ont
entreprise et entreprendront pour traiter la crise dans l’immédiat
et renforcer la croissance, sont convenus de principes communs pour réformer
nos marchés financiers, ont lancé un plan d’action pour mettre en
œuvre ces principes et ont demandé aux ministres d’élaborer des
recommandations spécifiques supplémentaires qui seront examinées par
les dirigeants lors d’un sommet ultérieur; enfin, ils ont réaffirmé
leur engagement en faveur des principes de l’économie de marché.
30. Il a été convenu que des mesures immédiates pourraient être
prises ou envisagées pour renouer avec la croissance et soutenir
les économies de marché émergentes tout en continuant de prendre
les mesures nécessaires pour stabiliser le système financier, en
reconnaissant l’importance d’un soutien aux politiques monétaires
et en utilisant les mesures budgétaires en tant que de besoin, en
apportant des liquidités pour contribuer à fluidifier les marchés
du crédit et en veillant à ce que le Fonds monétaire international
(FMI), la Banque mondiale et les autres banques multilatérales de
développement soient dotées des ressources suffisantes pour aider
les pays en développement touchés par la crise, ainsi que pour apporter
un financement au commerce et aux infrastructures.
31. Les participants au sommet se sont entendus sur des principes
communs pour guider la réforme des marchés financiers, notamment
davantage de transparence et de responsabilisation, une réglementation assainie,
la promotion de l’intégrité sur les marchés financiers, le renforcement
de la coopération internationale et la réforme des institutions
financières internationales.
32. Ils ont approuvé un plan d’action contenant un programme de
travail complet visant à mettre en œuvre ces principes, et ont demandé
aux ministres des Finances de s’employer à faire en sorte que le
plan d’action soit mis en œuvre pleinement et énergiquement
.
33. Les avancées seront examinées au prochain G20, qui doit se
tenir à Londres le 2 avril 2009.
34. Ces travaux seront menés parallèlement à ceux de la Commission
d’experts du Président de l’Assemblée générale des Nations Unies
sur les réformes du système monétaire et financier international, présidée
par Joseph Stieglitz, ancien économiste en chef de la Banque mondiale
et conseiller du Président des Etats-Unis
.
35. Ce que l’on peut dire d’ores et déjà est que le Fonds monétaire
international, considéré jusque-là comme une organisation n’ayant
plus véritablement de raison d’être, a désormais repris le rôle
qui était le sien à l’origine, celui de prêteur international à
des pays confrontés à des difficultés de balance des paiements.
Le FMI a récemment mis au point des prêts conséquents à l’Islande,
à la Hongrie, à la Lettonie, à la Serbie, à l’Ukraine et au Pakistan.
Il va sans dire que ces habits de prêteur que le FMI réendosse aujourd’hui
aboutiront indubitablement, une fois encore, à un questionnement
sur ses conditions de prêts, qui prennent habituellement la forme
de coupes budgétaires, et sur l’impact de ces conditions pour les
populations, comme cela avait été par exemple le cas à la suite
de la crise financière asiatique de 1997.
7. Droits sociaux et économiques
36. La commission des questions économiques et du développement
de l’Assemblée, dans une déclaration adoptée à sa réunion du 26
novembre 2008, se félicitait de la déclaration approuvée par le
G20, tout en déplorant que celle-ci ne fasse aucune référence à
la protection des droits sociaux et économiques des citoyens en
période de crise. C’est cette dimension qui a été, à juste titre,
soulignée dans des déclarations émanant de représentants du Conseil
de l’Europe ainsi que du directeur général de l’Organisation internationale
du travail, M. Juan Somavia, entre autres.
37. Dans une déclaration du 20 octobre 2008, par exemple, M. Somavia
soulignait que les dirigeants mondiaux ne devraient pas faire porter
l’essentiel de leur action sur les institutions financières lorsqu’ils évoquent
des plans de sauvetage mais, et c’est là le point le plus important,
mettre l’accent sur les gens, et notamment les personnes plus exposées.
Il soulignait la nécessité d’une action rapide et coordonnée des gouvernements
pour éviter une crise sociale qui pourrait être sévère, de longue
haleine et de portée mondiale
.
La crise entraînerait une hausse significative du chômage, et c’est
pourquoi il conviendrait de prendre des mesures pour étendre la
protection sociale et la couverture du chômage, faciliter la formation, renforcer
les services de placement et mettre en place des mécanismes d’urgence
pour l’emploi. La crise ayant déjà laminé les fonds de pension investis
en bourse, les régimes de retraite devraient se voir doter de liquidités suffisantes
pour éviter d’avoir à vendre des actifs dans un marché effondré
afin de pouvoir servir les prestations.
38. Le 21 novembre 2008, le conseil d’administration du BIT a
diffusé une déclaration présentant six mesures «nécessaires pour
remédier aux retombées de la crise sur l’économie réelle afin de
protéger les personnes, soutenir la productivité des entreprises
et préserver l’emploi», à savoir
:
1. garantir les crédits nécessaires pour la consommation, le commerce
et l’investissement, et stimuler la demande; 2. protéger les personnes
les plus exposées (en particulier les jeunes, hommes et femmes,
les travailleurs précaires et ceux du secteur informel, les travailleurs
migrants et les travailleurs pauvres) en élargissant la protection
sociale et les prestations de chômage, en offrant des possibilités
supplémentaires de formation et de reconversion professionnelle,
en renforçant les services de placement, en développant ou en instituant
des programmes d’urgence pour l’emploi ainsi que des systèmes de
protection sociale ciblés, en préservant les régimes de retraite
et en développant et en renforçant les mesures de protection sociale
et de protection des travailleurs, en particulier par l’extension
de la sécurité sociale à tous; 3. soutenir les entreprises productives,
rentables et pérennes, conjointement avec une économie sociale solide
et un secteur public viable, pour augmenter au maximum l’emploi
et le travail décent, et accompagner ces actions des mesures spéciales
nécessaires pour garantir un environnement favorable à l’investissement
et à la croissance, surtout pour les petites entreprises et coopératives
qui, dans toutes les économies, font vivre le plus grand nombre
de gens; 4. réaffirmer la Déclaration de l’OIT relative aux principes
et droits fondamentaux au travail et son Suivi (1998) qui reconnaît l’importance
particulière des droits fondamentaux, à savoir la liberté d’association
et la reconnaissance effective du droit de négociation collective,
l’élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire, l’abolition effective
du travail des enfants et l’élimination de la discrimination en
matière d’emploi et de profession; 5. remettre l’accent sur l’importance
du dialogue social tripartite et de la coopération entre les gouvernements
et les organisations représentatives des travailleurs et du patronat
pour faire face à la crise et en alléger le plus possible les conséquences
pour les gens, les entreprises, pour assurer le droit au travail
et à un travail décent; et 6. maintenir l’aide au développement
au moins à son niveau actuel et accorder des lignes de crédit et
une aide supplémentaires pour aider les pays à faible revenu à amortir
la crise.
39. Le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe,
M. Thomas Hammarberg, est revenu sur les droits sociaux dans une
déclaration du 17 novembre 2008 dans laquelle il rappelait que les
contribuables avaient mis la main au portefeuille, apportant des
montants considérables pour remettre en état le système bancaire
afin d’éviter l’effondrement du système financier mondial
.
«Des gens ordinaires, comme vous et moi, ont payé la facture pour
les pratiques irresponsables d’un petit nombre. En outre, certains
éléments portent déjà à croire que ce sont les moins riches qui
souffriront le plus de la récession dans laquelle le monde se trouve
aujourd’hui.» Le Commissaire aux droits de l’homme a appelé à la
mise en place de programmes concrets qui promeuvent la cohésion
sociale et empêchent toute dilution des normes de droits de l’homme
déjà adoptées, qui incluent les droits économiques et sociaux tels
qu’ils sont consacrés dans la Déclaration universelle des droits
de l’homme, dans la Charte sociale européenne de 1961 et dans la
Charte sociale européenne révisée de 1996 du Conseil de l’Europe,
qui doit encore être ratifiée par 22 Etats membres. M. Hammarberg
a également prévenu qu’une hausse du chômage fera peser une contrainte
supplémentaire sur les budgets publics qui auront donc d’autant
moins de latitude pour des actions d’assistance sociale alors même
que celles-ci sont toujours plus nécessaires. Cette situation risque
de causer des tensions, voire de l’agitation sociale. Ce sont alors
la xénophobie et d’autres manifestations d’intolérance qui risquent
de se propager, et les minorités et migrants d’en devenir la cible.
Les extrémistes pourraient chercher à exploiter de telles tendances,
voire à les provoquer.
40. Le Président de l’Assemblée parlementaire, M. Lluís Maria
de Puig, dans son message à l’occasion de la Journée des droits
de l’homme, le 10 décembre 2008, a rappelé les leçons de l’Histoire:
une crise économique entraîne dans son sillage une montée des préjugés
et de la discrimination.
41. Les turbulences financières et économiques peuvent donc très
facilement se propager à la sphère politique et des droits de l’homme.
Nous en avons eu à de très nombreuses reprises la démonstration
au fil des siècles, et tout récemment en Bulgarie, en Grèce, en
Islande, en Lettonie et en Lituanie, où l’insatisfaction populaire
à l’égard de la détérioration des conditions économiques, entre
autres, a débouché sur l’agitation sociale et parfois des actes
de violence dans les rues.
__________
Commission chargée du rapport: commission des questions économiques
et du développement.
Renvoi en commission: débat d’urgence, Renvoi no 3503
du 26 janvier 2009.
Projet de résolution adopté à l’unanimité par la commission
le 27 janvier 2009.
Membres de la commission: M. Márton Braun (Président),
M. Robert Walter (Vice-Président),
Mme Doris Barnett (Vice-Présidente),
Mme Antigoni Papadopoulos (Vice-Présidente),
M. Ruhi Açikgöz (remplaçant: M. Mustafa Ünal),
M. Ulrich Adam, M. Pedro Agramunt Font de Mora, M. Roberto
Antonione, M. Robert Arrigo, M. Zigmantas Balčytis, Mme Veronika
Bellmann, M. Radu Mircea Berceanu, M. Vidar Bjørnstad, M. Luuk
Blom (remplaçant: M. Tuur Elzinga),
Mme Maryvonne Blondin,
M. Predrag Bošković, M. Patrick Breen, M. Erol Aslan Cebeci, Mme Elvira Cortajarena Iturrioz, M. Valeriu Cosarciuc, M. Joan Albert Farré Santuré,
M. Relu Fenechiu, M. Guiorgui Gabashvili, M. Marco Gatti, M. Paolo Giaretta, M. Zahari Georgiev, M. Francis
Grignon (remplaçante: Mme Josette Durrieu), Mme Arlette
Grosskost, Mme Azra Hadžiahmetović, Mme Karin
Hakl, M. Norbert Haupert,
M. Stanisław Huskowski, M. Ivan Ivanov, M. Igor Ivanovski, M. Miloš Jevtić,
Mme Nataša Jovanović, M. Antti Kaikkonen, M. Emmanouil Kefaloyiannis, M. Serhiy Klyuev (remplaçante:
Mme Yuliya Novikova),
M. Albrecht Konečný, M. Bronislaw Korfanty,
M. Anatoliy Korobeynikov,
M. Kumcuoğlu, M. Flemming
Damgaard Larsen, M. Bob Laxton,
M. Harald Leibrecht, Mme Anna Lilliehöök, M. Arthur Loepfe, M. Denis MacShane (remplaçante:
Baroness Detta O’Cathain), M. Yevhen Marmazov, M. Jean-Pierre Masseret,
M. Miloš Melčák, M. José Mendes Bota, M. Attila Mesterházy,
M. Alejandro Muñoz Alonso,
Mme Olga Nachtmannová,
Mme Hermine Naghdalyan, M. Gebhard Negele, Mme Mirosława Nykiel, M. Mark Oaten, Mme Ganira
Pashayeva, Mme Marija Pejčinović-Burić, M. Viktor Pleskachevskiy,
M. Jakob Presečnik, M. Maximilian Reimann, M. Andrea Rigoni, Mme Maria de
Belém Roseira (remplaçant: M. Maximiano Martins),
M. Giuseppe Saro, M. Samad
Seyidov, M. Steingrímur J. Sigfússon, M. Leonid Slutsky (remplaçante:
Mme Natalia Burykina),
M. Serhiy Sobolev, M. Christophe Steiner,
M. Vyacheslav Timchenko,
Mme Arenca Trashani, Mme Ester
Tuiksoo, M. Oldřich Vojíř (remplaçant: M. Ladislav Skopal), M. Konstantinos Vrettos, M. Harm Evert Waalkens,
M. Paul Wille, Mme Maryam
Yazdanfar.
N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués
en gras.
Secrétariat de la commission:
M. Newman, M. de Buyer et M. Chahbazian.