Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 11879 | 28 avril 2009

Projet de Protocole n°14 bis à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Klaas de VRIES, Pays-Bas, SOC

Origine - Voir le Doc. 11864. Renvoi en commission: débat d’urgence, Renvoi no 3528, décision de l’Assemblée du 27 avril 2009. 2009 - Deuxième partie de session

Résumé

Compte tenu du fait que le Protocole no 14 à la Convention européenne des droits de l’homme n’est pas entré en vigueur et que cette situation a des répercussions négatives sur le traitement des requêtes par la Cour, le Comité des Ministres a pris l’initiative de mettre en pratique certaines procédures prévues par le Protocole no 14, afin d’accroître la capacité de traitement des requêtes par la Cour. A cet égard, le Comité des Ministres a invité l’Assemblée parlementaire, au titre de la procédure d’urgence prévue à l’article 50 du Règlement de l’Assemblée, de rendre son avis sur le projet de protocole no 14 bis.

Le protocole no 14 bis est conçu comme un protocole additionnel, dont la ratification par l’ensemble des Etats parties n’est pas indispensable. Il permettra à des formations de juge unique de connaître des requêtes manifestement irrecevables (actuellement traitées par des comités de trois juges) et étendra la compétence du comité de trois juges au traitement des requêtes manifestement bien fondées et des affaires répétitives qui découlent de dysfonctionnements structurels ou systémiques (actuellement traitées par les chambres de la Cour, composées de sept juges).

L’existence du protocole no 14 bis prendrait fin une fois le Protocole no 14 à la Convention entré en vigueur.

La commission des questions juridiques et des droits de l’homme souscrit pleinement à cette importante initiative, étant entendu qu’elle doit être envisagée comme une mesure intérimaire et provisoire, en attendant l’entrée en vigueur du Protocole no 14.

A. Projet d’avis

(open)
1. L’Assemblée parlementaire attache la plus haute importance au fonctionnement de la Cour européenne des droits de l’homme (la Cour), dont l’efficacité est gravement menacée, notamment, par un afflux toujours plus rapide de nouvelles requêtes et par l’augmentation constante du volume de l’arriéré des affaires. Elle se félicite par conséquent de l’initiative prise par le Comité des Ministres d’adopter, dès que possible, le projet de protocole no 14 bis, qui renforcera la capacité de traitement des requêtes par la Cour en attendant l’entrée en vigueur du Protocole no 14 à la Convention européenne des droits de l’homme (la Convention).
2. L’Assemblée relève également à ce propos l’initiative prise en parallèle, qui prévoit l’application provisoire des dispositions du protocole no 14 bis au moyen d’une déclaration, faite par une Conférence des Hautes Parties contractantes à la Convention en marge de la 119e session ministérielle qui se tiendra à Madrid le 12 mai 2009, initiative à laquelle elle souscrit pleinement. Cette démarche permettrait à la Cour d’appliquer ces dispositions à certains Etats parties à la Convention avant ou indépendamment de l’entrée en vigueur du protocole no 14 bis.
3. L’Assemblée rappelle à cet égard la «Déclaration de Varsovie» du 17 mai 2005, dans laquelle l’ensemble des chefs d’Etat et de gouvernement ont pris l’engagement solennel d’élaborer une stratégie à long terme destinée à garantir l’efficacité du système de la Convention, en tenant compte des effets initiaux du Protocole no 14 et des autres décisions prises par le Comité des Ministres en mai 2004. L’absence d’entrée en vigueur du Protocole no 14 demeure par conséquent une source de préoccupation majeure.
4. A cet égard, l’Assemblée déplore vivement la position adoptée par la Douma d’Etat de la Fédération de Russie, qui a refusé depuis décembre 2006 de consentir à la ratification du Protocole no 14 à la Convention; protocole important portant modification de la Convention, et dont l’entrée en vigueur est soumise à la ratification préalable par l’ensemble des Etats parties à la Convention. En agissant ainsi, la Douma d’Etat a en réalité considérablement aggravé la situation dans laquelle se trouvait la Cour et a également empêché les personnes relevant de sa juridiction de bénéficier d’une procédure de traitement rationalisée des requêtes par la Cour. La Douma d’Etat de la Fédération de Russie est instamment invitée, avec la plus grande fermeté, à admettre que les modifications du mécanisme de contrôle prévues par le Protocole no 14 (et par le protocole no 14 bis) permettront à la Cour de traiter les requêtes dans un délai acceptable, lui laissant ainsi la possibilité de se concentrer sur les affaires importantes, qui exigent d’être examinées en profondeur.
5. L’Assemblée considère le projet de protocole no 14 bis comme un bon moyen provisoire de donner rapidement effet à l’application provisoire de deux dispositions tirées du Protocole no 14 à la Convention. Il s’agira d’un protocole additionnel, dont la ratification par l’ensemble des Etats parties à la Convention n’est pas indispensable. Il permettra à des formations de juge unique de traiter des requêtes manifestement irrecevables, actuellement traitées par des comités de trois juges, et étendra également la compétence du comité de trois juges au traitement des requêtes manifestement bien fondées et des affaires répétitives qui découlent de dysfonctionnements structurels ou systémiques, traitées à l’heure actuelle par les chambres de la Cour, composées de sept juges. L’existence du protocole no 14 bis prendra fin dès l’entrée en vigueur du Protocole no 14 à la Convention.
6. L’Assemblée se félicite du recours, par le Comité des Ministres, à la procédure d’urgence de l’Assemblée, qui lui a permis, au dernier moment, de prendre position sur un sujet important, qui est toujours activement examiné à l’échelon intergouvernemental.
7. L’Assemblée recommande au Comité des Ministres d’apporter les modifications suivantes au projet de protocole no 14 bis:
7.1. dans le préambule, ajouter un nouveau troisième paragraphe libellé comme suit:
«3. Eu égard à l’Avis (...) (2009), adopté par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe le (...) avril 2009»;
7.2. à l’article 1, remplacer le mot «Parties» par «les mots «Hautes Parties contractantes»;
7.3. à l’article 6, au paragraphe 1, remplacer «Etats membres» par «Hautes Parties contractantes»;
7.4. à l’article 6, au paragraphe 2, remplacer les mots «Etat membre» par les mots «Haute Partie contractante à la Convention»; remplacer les mots «par le protocole» par les mots «par le présent protocole» et ajouter, après les mots «en vigueur», la formule «à l’égard de cette Haute Partie contractante»;
7.5. supprimer les crochets de l’article 7; remplacer les mots «du protocole» par les mots «du présent protocole» et remplacer les mots «qu’elle l’appliquera» par les mots «que les dispositions du présent protocole lui sont applicables»;
7.6. supprimer tous les crochets des articles 8 à 10.
8. S’agissant de l’exposé des motifs, l’Assemblée recommande que la version définitive du paragraphe 6 mentionne spécifiquement le présent avis de l’Assemblée parlementaire et la date de son adoption.

B. Exposé des motifs, par M. Klaas De Vries

(open)

1. Procédure

1. Lors de sa 1054e réunion, les 15 et 16 avril 2009, le Comité des Ministres (Délégués des Ministres) a invité l’Assemblée parlementaire à lui fournir un avis sur le projet de protocole no 14 bis à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), en lui demandant d’y procéder pendant sa partie de session du mois d’avril 2009, selon la procédure d’urgence prévue à l’article 50 du Règlement de l’Assemblée. La demande de recours à cette procédure d’urgence a été faite pour permettre aux Délégués d’établir la version définitive du texte au début du mois de mai 2009, avant la 119e session ministérielle qui aura lieu à Madrid le 12 mai prochain. En transmettant ce texte accompagné d’un projet d’exposé des motifs, le président des Délégués des Ministres a attiré l’attention sur le fait que les modalités de l’éventuelle application provisoire du présent protocole étaient toujours à d’examen.
2. Le 27 avril 2009, l’Assemblée a saisi, pour rapport, la commission des questions juridiques et des droits de l’homme de la demande d’avis faite par le Comité des Ministres.
3. Lors de sa réunion le même jour, la commission des questions juridiques et des droits de l’homme a désigné, en qualité de rapporteur, M. Klaas de Vries (Pays-Bas, Groupe socialiste).

2. Urgence du renforcement de la capacité de traitement des requêtes de la Cour européenne des droits de l’homme

2.1. Contexte

4. Compte tenu du fait que le Protocole no 14 à la Convention européenne des droits de l’homme n’est pas entré en vigueur et que cette situation a des répercussions négatives sur le rendement de la Cour européenne des droits de l’homme, il est largement admis au sein de l’Assemblée parlementaire et du Comité des Ministres qu’en l’absence d’une solution provisoire et intérimaire rapide permettant à la Cour de renforcer considérablement sa capacité de traitement des requêtes, celle-ci risque de succomber sous le poids des nombreuses requêtes dont elle est saisie.
5. En 1999, 22 650 requêtes ont été introduites, dont près de 3 700 ont été attribuées à une formation judiciaire. En 2006, la Cour a été saisie de plus de 50 000 requêtes, dont près de 30 000 ont été attribuées à une formation judiciaire. En 2006, le nombre de requêtes introduites a augmenté de 11 % et celui des nouvelles requêtes russes de 38 %. Fin 2008, 97 300 requêtes étaient pendantes devant la Cour, dans l’attente qu’une formation juridictionnelle statue à leur sujet (57 % d’entre elles concernaient la Roumanie, la Russie, la Turquie et l’Ukraine), soit une augmentation de 23 % par rapport à 2007. En 2008, la Cour a prononcé un arrêt pour 1 880 requêtes (contre 1 735 en 2007, soit une progression de 8 %) et 32 043 requêtes ont été attribuées à une formation judiciaire en 2008, soit une augmentation de 11 % par rapport à 2007.
6. Il s’ensuit que la Cour doit trouver d’urgence le moyen de régler notamment trois questions: il importe que les juges ne consacrent pas trop de temps à des affaires manifestement irrecevables (environ 95 % de l’ensemble des requêtes), se prononcent avec célérité sur les affaires répétitives qui portent sur des dysfonctionnements systémiques déjà clairement établis au sein des Etats (ce qui représente environ 70 % des affaires dans lesquelles la Cour statue sur le fond) et, ce faisant, concentrent leur travail sur les requêtes les plus importantes et statuent à leur sujet au plus tôt.

2.2. Absence d’entrée en vigueur du Protocole n° 14 à la Convention européenne des droits de l’homme

7. Bien que le Protocole no 14 à la CEDH (et les autres mesures prises pour garantir l’efficacité durable du système de la CEDH, comme l’explique l’exposé des motifs du protocole), traite d’un certain nombre d’autres questions importantes, telles que le nouveau critère de recevabilité, l’adhésion de l’Union européenne et le mandat non renouvelable de neuf ans des juges, je limite volontairement mes observations aux dispositions qui auraient des conséquences immédiates sur la capacité de traitement des requêtes de la Cour. Quant aux autres raisons qui justifient l’indispensable entrée en vigueur du présent protocole portant modification de la Convention, il suffit de renvoyer à ce sujet à la «Déclaration de Varsovie» du 17 mai 2005, dans laquelle l’ensemble des chefs d’Etat et de gouvernement ont pris l’engagement solennel d’élaborer une stratégie à long terme destinée à garantir l’efficacité du système de la CEDH, en tenant compte des effets initiaux du Protocole no 14 et des autres décisions prises par le Comité des Ministres dans le cadre du «train de réformes de mai 2004» 
			(1) 
			Le texte intégral du
Protocole no 14 à la Convention et son
exposé des motifs sont disponibles sur le site: 
			(1) 
			<a href='http://conventions.coe.int/Treaty/Commun/QueVoulezVous.asp?NT=194&CM=8&DF=1/20/2007&CL=ENG'>http://conventions.coe.int/Treaty/Commun/QueVoulezVous.asp?NT=194&CM=8&DF=1/20/2007&CL=ENG</a>. 
			(1) 
			Voir également, à ce propos, Eaton, M.
et Schokkenbroek, J., «Reforming the Human Rights Protection System Established
by the ECHR», Human Rights Law Journal,
vol. 6,2005, p. 1-17..
8. La capacité de traitement des requêtes de la Cour pourrait augmenter de 20 à 25 % si deux procédures prévues par le Protocole no 14 à la CEDH recevaient dès à présent exécution, à savoir la formation de juge unique (pour connaître des requêtes clairement irrecevables) et les nouvelles compétences du comité de trois juges (requêtes manifestement bien fondées et affaires répétitives qui découlent de dysfonctionnements structurels ou systémiques). En d’autres termes, les décisions rendues au sujet de requêtes manifestement irrecevables, pour lesquelles statue actuellement un comité de trois juges, pourraient être traitées par un juge unique, tandis que les requêtes manifestement bien fondées et les affaires répétitives qui découlent d’un dysfonctionnement structurel de l’Etat pourraient être traitées intégralement (recevabilité, fond, satisfaction équitable) par un comité de trois juges, au lieu d’une chambre de sept juges comme c’est le cas à l’heure actuelle 
			(2) 
			Pour plus de précisions,
voir la note de bas de page no 2 ci-dessus,
ainsi que, pour ce qui est de la Fédération de Russie, le document
AS/Jur (2007) 31, «Protocole no 14 à
la Convention européenne des droits de l’homme: un aperçu», paragraphe
7, et le document AS/Jur (2008) 45, «Non-ratification par la Fédération
de Russie du Protocole no 14 à la Convention
européenne des droits de l’homme», paragraphe 3 et paragraphes 6
à 8. .
9. La difficulté tient à ce que le Protocole no 14 à la CEDH, qui porte modification de cette dernière et a été ouvert à la signature le 13 mai 2004, a été ratifié depuis octobre 2006 par tous les Etats Parties contractantes à la CEDH, à l’exception de la Fédération de Russie, et ne peut entrer en vigueur sans avoir été ratifié par l’ensemble des Etats parties 
			(3) 
			Voir les documents
mentionnés ci-dessus dans la note 3, ainsi que le document AS/Jur
(2007) 09, «Non-ratification par la Fédération de Russie du Protocole
no 14 à la CEDH: informations générales».. Lors de l’ouverture du protocole à la signature, le Comité des Ministres a adopté une déclaration engageant les Etats Parties à garantir son entrée en vigueur dans un délai de deux ans. Cet engagement a été renouvelé lors du Sommet de Varsovie des chefs d’Etat et de gouvernement de mai 2005. La non-ratification du Protocole no 14 par la Russie est la raison de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui.
10. L’attitude de la Douma d’Etat russe sur le sujet est difficile à comprendre, d’autant que sa position est en totale contradiction avec celle des 46 autres Etats parties à la Convention, notamment leurs organes législatifs, et même son propre exécutif 
			(4) 
			Voir
document de l’Assemblée AS/Mon (2009) 09 rev, «Note d’information
des corapporteurs sur l’état d’avancement de la procédure de suivi
relative à la Russie», en particulier paragraphes 78 à 82. . Cette question est suivie de près par la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, sur la base de la décision du Bureau de l’Assemblée du 26 janvier 2007, à la suite du débat d’actualité sur «La Cour européenne des droits de l’homme en péril: urgence pour la Russie de ratifier le Protocole no 14». Depuis, la commission suit cette question lors de chacune de ses réunions 
			(5) 
			Avec
un échange de vues avec les représentants de la Douma d’Etat lorsque
le Comité s’est réuni à Moscou les 10 et 11 novembre 2008 (procès-verbaux
déclassifiés ultérieurement par le Comité).. Sans l’intransigeance de la Douma d’Etat russe, nous ne connaîtrions pas les problèmes auxquels nous devons faire face aujourd’hui! Je ne peux donc que déplorer le refus de la Douma d’Etat de donner son assentiment, depuis décembre 2006, à la ratification du Protocole no 14 par la Russie. Ce faisant, la Douma d’Etat a, en effet, considérablement aggravé la situation dans laquelle se trouvait la Cour, et a également privé les personnes relevant de la juridiction de la Fédération de Russie de bénéficier d’une procédure de traitement rationalisé des requêtes par la Cour. La Douma d’Etat doit être instamment priée d’adopter une attitude responsable sur cette question et d’admettre que les changements au mécanisme de contrôle prévus au Protocole no 14 (et au protocole no 14 bis) permettront à la Cour de traiter les requêtes dans un délai acceptable afin qu’elle puisse se concentrer sur les affaires vraiment importantes, qui exigent un examen approfondi.

2.3. Application provisoire de deux dispositions du Protocole n° 14 à la Convention européenne des droits de l’homme

11. Comme indiqué dans le projet de rapport explicatif du protocole no 14 bis, il semblerait que l’idée d’une entrée en vigueur des deux dispositions d’ordre procédural, notamment la procédure avec un juge unique et le comité de trois juges pour les affaires répétitives, anticipant l’entrée en vigueur du Protocole no 14, a été évoquée durant une réunion entre le Président de la Cour et les Délégués des Ministres en octobre 2008, lorsque le président Costa a attiré l’attention sur la situation extrêmement grave dans laquelle se trouvait la Cour 
			(6) 
			Doc. 11864, p. 5, paragraphe 3. Il a relevé que cette amélioration,
bien que n’apportant pas de solution définitive au problème de la
Cour, serait une contribution extrêmement utile.. Une idée similaire a été exprimée par la présidente de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, dans une lettre qu’elle a envoyée au chef de la délégation russe de l’Assemblée le 9 avril 2008, lorsqu’elle a mentionné la possible mise en œuvre provisoire des traités, telle qu’envisagée à l’article 25 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 
			(7) 
			L’article 25 de la
Convention de Vienne sur le droit des traités, intitulé «Application
à titre provisoire» dispose: «1.
Un traité ou une partie d’un traité s’applique à titre provisoire
en attendant son entrée en vigueur: a. Si le traité lui-même en dispose ainsi; ou b. Si les Etats ayant participé à la négociation en étaient
ainsi convenus d’une autre manière. 2. A moins que le traité n’en dispose autrement ou que
les Etats ayant participé à la négociation n’en soient convenus
autrement, l’application à titre provisoire d’un traité ou d’une
partie d’un traité à l’égard d’un Etat prend fin si cet Etat notifie
aux autres Etats entre lesquels le traité est appliqué provisoirement
son intention de ne pas devenir partie au traité.» .
12. Cette idée a été rapidement suivie par le Comité des Ministres. Le 19 novembre 2008, les Délégués des Ministres ont pris note «avec une grave préoccupation de l’augmentation continue du volume de requêtes individuelles déposées devant la Cour et de l’impact de cette augmentation sur le traitement des requêtes par la Cour, créant ainsi une situation exceptionnelle et menaçant l’opération effective du système de la Convention» et «sont convenus qu’il est urgent d’adopter des mesures visant à permettre à la Cour d’augmenter sa capacité de traitement des requêtes». Les Délégués des Ministres ont par conséquent demandé au Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH) et au Comité des conseillers juridiques sur le droit international public (CAHDI) de voir quelles mesures pourraient être prises pour augmenter la capacité de traitement des requêtes de la Cour, en particulier en instituant le juge unique et les procédures déjà envisagées dans le Protocole no 14.
13. Le CDDH et le CAHDI ont publié, en mars 2009 
			(8) 
			Documents (à diffusion
restreinte) CDDH(2009)007 Addendum I (Extrait) et CAHDI (2009) 2
– disponibles pour les membres de la commission sur le site extranet
de la commission., leurs rapports respectifs. Les Délégués des Ministres et le Groupe de rapporteurs des Délégués des Ministres sur les droits de l’homme les ont examinés en avril.
14. Il semble, au vu des discussions au sein du Comité des Ministres et de son Groupe de rapporteurs, ainsi que de la décision prise par les Délégués des Ministres le 16 avril 2009 de demander à l’Assemblée un avis sur le projet de protocole no 14 bis, que les options suivantes aient été présentées pour faciliter la mise en pratique des deux procédures de traitement simplifié des affaires, préalablement à l’entrée en vigueur du Protocole no 14:
  • option 1: accord sur l’application provisoire des deux dispositions – par une conférence des Hautes Parties à la CEDH – en marge de la 119e session ministérielle en mai 2009. Cet accord requerrait un consensus au sein des 47 Etats parties à la Convention à la suite duquel chaque Etat pourrait faire une déclaration d’acceptation de l’application provisoire des deux dispositions du Protocole no 14 à son égard;
  • option 2: adoption d’un nouvel instrument juridique (un protocole additionnel, soit le protocole no 14 bis). Ce protocole serait adopté par le Comité des Ministres à la majorité habituelle des deux tiers et entrerait en vigueur après sa ratification par un nombre limité d’Etats 
			(9) 
			Contrairement
au Protocole no 14, qui est un protocole
d’amendement que tous les Etats parties doivent obligatoirement
ratifier pour qu’il puisse entrer en vigueur, il est proposé que
le protocole no 14 bis soit
un protocole additionnel qui pourrait entrer en vigueur après ratification
par un certain nombre d’Etats parties, mais non par la totalité d’entre
eux..
15. Les options 1 et 2 peuvent être engagées en parallèle, chaque Etat étant libre de décider laquelle des deux convient le mieux à son ordre constitutionnel et juridique interne. De fait, chaque Etat partie à la CEDH serait libre de choisir l’option qu’il estime être la plus appropriée et/ou celle qui serait plus rapidement opérationnelle dans le cadre de son propre système constitutionnel.
16. Si elles sont mises en vigueur, les mesures proposées allégeraient la charge de travail de la Cour et conduiraient à un arrangement, par lequel les requêtes au titre de certains Etats pourraient être traitées selon la procédure accélérée, parallèlement à la procédure actuellement applicable conformément au Protocole no 11 à la CEDH. Enfin, si le Protocole no 14 venait à entrer en vigueur, les dispositions décrites ci-dessus cesseraient d’exister et les procédures accélérées de traitement des affaires s’appliqueraient à tous les Etats parties à la CEDH (voir le paragraphe 7 ci-dessus).

3. Commentaires sur les dispositions du protocole n° 14 bis à la Convention européenne des droits de l’homme

3.1. Commentaires généraux

17. J’estime que le texte du projet de protocole no 14 bis, tel qu’il a été soumis à l’Assemblée, constitue une bonne solution intermédiaire, qui permet, dans les meilleurs délais, l’application provisoire des deux dispositions extraites du Protocole no 14 à la CEDH, en attendant l’entrée en vigueur du Protocole no 14 
			(10) 
			Voir aussi l’Avis 251 (2004) de l’Assemblée sur le projet de protocole no 14
à la CEDH, fondé sur un rapport de la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme (rapporteur: M. McNamara, Doc. 10147).. Il ne fait aucun doute que cela aidera considérablement la Cour à faire face à l’accroissement effroyable du nombre d’affaires à traiter (voir les statistiques, paragraphe 5 ci-dessus). C’est une situation de force majeure, jusqu’à l’entrée en vigueur du Protocole no 14. Nous devrions attendre que les dispositions du Protocole no 14 soient appliquées avant de nous demander s’il est utile de remanier entièrement le système de contrôle de la CEDH.
18. De manière analogue, je propose que nous souscrivions à l’initiative parallèle, qui prévoit l’application provisoire de ces deux dispositions au moyen d’une déclaration qui serait faite par une conférence des Hautes Parties à la CEDH, en marge de la 119e session ministérielle qui se tiendra le 12 mai 2009 à Madrid. Mais il doit être bien entendu que cette initiative également constitue une procédure exceptionnelle, justifiée par des circonstances particulières, comme cela a été indiqué plus haut.
19. Cette situation exceptionnelle explique aussi pourquoi le protocole no 14 bis est un protocole additionnel, contrairement au Protocole no 14, qui est un protocole d’amendement ne pouvant entrer en vigueur qu’après avoir été ratifié par tous les Etats parties à la CEDH (voir le paragraphe 9 ci-dessus). En d’autres termes, le texte tel qu’il est présenté – texte que l’Assemblée devrait avaliser – ne nécessitera que trois ratifications pour pouvoir entrer en vigueur, conformément à l’article 6 du protocole no 14 bis. Si le nombre d’Etats a été fixé à seulement trois, c’est pour permettre au protocole d’entrer en vigueur aussi rapidement que possible 
			(11) 
			Voir le paragraphe
22 du projet de rapport explicatif.. Comme déjà indiqué, le protocole no 14 bis cessera donc d’exister dès l’entrée en vigueur du Protocole no 14.

3.2. Commentaires sur des dispositions précises

20. Je ne propose que très peu d’amendements au texte, dont la plupart sont d’ordre technique et suffisamment explicites. Après une lecture rapide du texte, je suggère de soumettre au Comité des Ministres les propositions suivantes:
  • dans le préambule, je propose d’ajouter un nouveau troisième paragraphe, qui se lirait ainsi: «3. Eu égard à l’Avis (...) (2009), adopté par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe le (...) avril 2009;», conformément à la pratique suivie par le passé pour les Protocoles nos 11 et 14 à la Convention;
  • à l’article 1, le mot «Parties» devrait être remplacé par l’expression «Hautes Parties contractantes»;
  • à l’article 6, au paragraphe 1, les mots «Etats membres» devraient être remplacés par les mots «Hautes Parties contractantes» et le mot «liés» devrait être remplacé par le mot «liées»;
  • à l’article 6, au paragraphe 2, les mots «Etat membre» devraient être remplacés par les mots «Haute Partie contractante à la Convention», le mot «lié» devrait être remplacé par le mot «liée», les mots «par le protocole» devraient être remplacés par les mots «par le présent protocole», et après les mots «en vigueur», il faudrait ajouter les mots «à l’égard de cette Haute Partie contractante»;
  • à l’article 7, les mots «du protocole» devraient être remplacés par les mots «du présent protocole» et les mots «qu’elle l’appliquera» devraient être remplacés par les mots «que les dispositions du présent protocole lui sont applicables».
21. Je proposerais aussi de supprimer tous les crochets dans les articles 7 à 10. Les raisons de cette suppression se trouvent dans le projet de rapport explicatif, plus précisément dans les explications relatives aux dispositions finales et transitoires, lues dans le contexte du paragraphe 1, qui fait référence au caractère «insoutenable» de la situation actuelle, qui «menace de manière grave l’efficacité de la Cour en tant qu’élément central du système européen de protection des droits de l’homme». En d’autres termes, le Comité des Ministres devrait être encouragé à envisager l’application provisoire des dispositions de ce protocole par la Cour non seulement lors de l’entrée en vigueur du protocole, mais aussi lors de la signature du protocole (dans les Etats où c’est possible), ainsi que sur la base d’une déclaration, acceptée par consensus, par une Conférence des Hautes Parties contractantes à la CEDH (ici encore, dans les Etats où cela est constitutionnellement possible).
22. Enfin, en ce qui concerne le rapport explicatif, je proposerais de rappeler au Comité des Ministres que, dans la version finale du paragraphe 6, il faudrait mentionner le présent avis de l’Assemblée parlementaire et la date de son adoption.

__________

Commission chargée du rapport: commission des questions juridiques et des droits de l’homme

Renvoi en commission: débat d’urgence, Renvoi no 3528, décision de l’Assemblée du 27 avril 2009

Projet d’avis adopté à l’unanimité par la commission le 28 avril 2009

Membres de la commission: Mme Herta Däubler-Gmelin (présidente), M. Christos Pourgourides, M. Pietro Marcenaro, M. Rafael Huseynov (vice-présidents), M. José Luis Arnaut, Mme Meritxell Batet Lamaña, Mme Marie-Louise Bemelmans-Videc, Mme Anna Benaki (remplaçant: M. Emmanouil Kefaloyiannis), M. Petru Călian, M. Erol Aslan Cebeci, Mme Ingrida Circene, Mme Ann Clwyd, Mme Alma Čolo, M. Joe Costello (remplaçant: M. Terry Leyden), Mme Lydie Err, M. Renato Farina, M. Valeriy Fedorov, M.Joseph Fenech Adami, Mme Mirjana Ferić-Vac, M. György Frunda, M. Jean-Charles Gardetto, M. József Gedei, Mme Svetlana Goryacheva, Mme Carina Hägg, M. Holger Haibach, Mme Gultakin Hajibayli, M. Serhiy Holovaty (remplaçant: M. Ivan Popescu), M. Johannes Hübner, M. Michel Hunault, Mme Fatme Ilyaz, M. Kastriot Islami, M. Željko Ivanji, Mme Iglica Ivanova, Mme Kateřina Jacques, M. András Kelemen, Mme Kateřina Konečná, M. Franz Eduard Kühnel, M. Eduard Kukan (remplaçant: M. József Berényi), Mme Darja Lavtižar-Bebler, Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, M. Aleksei Lotman, M. Humfrey Malins, M. Andrija Mandić, M. Alberto Martins, M. Dick Marty, Mme Ermira Mehmeti, M. Morten Messerschmidt, M. Akaki Minashvili, M. Philippe Monfils, M. Alejandro Muñoz Alonso, M. Felix Müri, M. Philippe Nachbar (remplaçant: M. Jean-Claude Frécon), M. Adrian Năstase, M. Valery Parfenov (remplaçant: M. Sergey Markov), Mme Maria Postoico, Mme Marietta de Pourbaix-Lundin, M. Valeriy Pysarenko (remplaçant: M. Hryhoriy Omelchenko), M. Janusz Rachoń, Mme Marie-Line Reynaud (remplaçant: M. René Rouquet), M. François Rochebloine, M. Paul Rowen, M. Armen Rustamyan, M. Kimmo Sasi, M. Ellert Schram, M. Dimitrios Stamatis, M. Fiorenzo Stolfi, M. Christoph Strässer, Lord John Tomlinson (remplaçant: M. Christopher Chope), M. Tuğrul Türkeş, Mme Özlem Türköne, M. Viktor Tykhonov, M. Øyvind Vaksdal, M. Giuseppe Valentino, M. Hugo Vandenberghe, M. Egidijus Vareikis, M. Luigi Vitali, M. Klaas De Vries,Mme Nataša Vučković,M. Dmitry Vyatkin, Mme Renate Wohlwend, M. Jordi Xuclà i Costa (remplaçant: M. Agustín Conde Bajén)

N.B. Les noms des membres ayant participé à la réunion sont indiqués en gras

Secrétariat de la commission: M. Drzemczewski, M. Schirmer, Mme Maffucci-Hugel, Mme Heurtin