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Rapport | Doc. 11914 | 13 mai 2009

L’énergie nucléaire et le développement durable

(Ancienne) Commission de l'environnement, de l'agriculture et des questions territoriales

Rapporteur : M. Bill ETHERINGTON, Royaume-Uni

Origine - Renvois en commission: Doc. 11198 et Renvoi 3333 du 16 avril 2007. 2009 - Troisième partie de session

Résumé

La production d’électricité à partir de l’énergie nucléaire fait depuis longtemps l’objet de grandes controverses et les politiques adoptées en la matière varient beaucoup selon les pays. De nos jours, plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe envisagent de développer ou de poursuivre des activités nucléaires civiles, et ce notamment à la suite de la crise énergétique qui s’est déclenchée en janvier 2009.

L’énergie nucléaire peut aider de manière significative à réduire les émissions de gaz à effet de serre par rapport à l’emploi de combustibles fossiles et pourrait être bénéfique à l’environnement, parce qu’elle a un rôle important à jouer dans l’atténuation des effets du changement climatique. On ne peut toujours pas la considérer comme «durable», puisque les ressources en uranium sont limitées et dans le meilleur des cas uniquement disponibles à moyen terme. En outre, l’industrie nucléaire doit encore résoudre le problème du stockage à long terme des déchets radioactifs en toute sécurité.

Les pays ayant une industrie nucléaire développée devraient par conséquent unir leurs efforts afin d’aider les Etats intéressés par le nucléaire. Toute initiative dans ce sens devrait être soutenue par la communauté internationale. C’est pourquoi l’Assemblée appelle à la mise en place d’une infrastructure mondiale de l’énergie nucléaire, fondée sur une coopération internationale plus large et la participation active de tous les Etats concernés, en créant par exemple des centres internationaux de traitement du combustible nucléaire. Elle invite également les Etats à revoir les règles régissant le marché de l’énergie nucléaire. Elle propose d’organiser des débats parlementaires sur l’avenir de l’énergie nucléaire afin de confronter tous les points de vue, qui peuvent varier considérablement d’un pays à l’autre.

A. Projet de résolution

(open)
1. La production d’électricité à partir de l’énergie nucléaire fait depuis longtemps l’objet de grandes controverses et les politiques adoptées en la matière varient beaucoup selon les pays. Dans ce contexte, l’Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution 1435 (2005) sur les systèmes énergétiques et l’environnement et sa Résolution 1588 (2007) sur les déchets radioactifs et la protection de l’environnement.
2. L’énergie nucléaire représente actuellement 17 % de l’électricité produite dans le monde. Des pays comme la Finlande, la France, la Russie, la Chine, l’Inde, la République de Corée, les Etats-Unis d’Amérique et le Japon ont annoncé leur intention de construire ou construisent actuellement de nouvelles centrales nucléaires. C’est ainsi que d’ici à 2030, l’énergie nucléaire pourrait devenir la principale source d’énergie au Japon, en couvrant plus de 40 % des besoins du pays.
3. L’Assemblée constate que plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe (la Pologne, en collaboration avec les Etats baltes, la Turquie, la Grande-Bretagne, l’Italie, les Pays-Bas et l’Allemagne), ainsi que des pays de la région Asie-Pacifique, envisagent de développer ou de poursuivre, en prolongeant éventuellement la durée de vie des centrales déjà existantes, sans en construire de nouvelles, des activités nucléaires civiles.
4. Certains pays européens, victimes de la crise énergétique déclenchée en janvier 2009 à l’arrêt de la fourniture de gaz de la Russie au reste de l’Europe, ont décidé de revoir leur politique énergétique, en donnant une nouvelle chance à l’industrie nucléaire.
5. L’Assemblée estime que l’énergie nucléaire peut aider à atteindre les objectifs de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC), et particulièrement du Protocole de Kyoto, car son utilisation permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre par rapport à l’emploi de combustibles fossiles.
6. L’Assemblée souligne toutefois qu’on ne peut considérer l’énergie nucléaire comme «durable» puisque les ressources en uranium sont limitées et dans le meilleur des cas uniquement disponibles à moyen terme. Des efforts considérables sont nécessaires pour développer au maximum toutes les formes d’énergies renouvelables qui seront nécessaires lorsque les réserves de combustibles nucléaires et fossiles auront été épuisées.
7. L’Assemblée est persuadée qu’à court ou moyen terme l’énergie nucléaire pourrait être bénéfique à l’environnement, parce qu’elle a un rôle important à jouer dans l’atténuation des effets du changement climatique. Toutefois, l’industrie nucléaire doit encore résoudre le problème du stockage à long terme des déchets radioactifs en toute sécurité.
8. L’Assemblée estime par conséquent que la communauté internationale doit trouver des solutions efficaces à trois problèmes interdépendants: la sécurité énergétique, la croissance économique et la protection de l’environnement.
9. Elle souligne toutefois que l’industrie nucléaire offre d’importantes possibilités en matière de recherche et de développement concernant les nouvelles technologies et peut par conséquent jouer un rôle important en matière de réduction des effets de la pauvreté et de garantie d’une viabilité énergétique à long terme dans les pays en développement. Elle souligne cependant qu’en même temps le développement et l’utilisation de l’industrie nucléaire dans ces pays devraient s’accompagner de la mise en place d’infrastructures énergétiques et de la formation des personnels.
10. L’Assemblée estime qu’il est indispensable que l’énergie nucléaire repose sur un système fiable assurant la sécurité et la sûreté des matières et des installations nucléaires.
11. L’Assemblée tient à souligner qu’aucun pays au monde ne peut agir de manière totalement indépendante et constate que le marché de l’énergie est devenu mondial et plus ouvert et que les règles en vigueur sont devenues obsolètes et périmées.
12. L’Assemblée estime que ces changements nécessitent l’élaboration de nouvelles règles régissant le marché de l’énergie nucléaire, pour assurer la sécurité et la sûreté de la population.
13. L’Assemblée souligne l’importance de créer des conditions ouvertes, transparentes et égales pour que les pays puissent accéder au marché des biens et services offerts par l’énergie nucléaire, tout en garantissant la sécurité et la sûreté de l’énergie nucléaire.
14. L’opinion publique joue un rôle essentiel dans la mise en œuvre des programmes nucléaires civils. Les citoyens doivent avoir accès à des informations transparentes pour comprendre pleinement le processus de production d’électricité nucléaire et notamment les mesures de sécurité associées à ce processus.
15. Le développement à grande échelle de l’énergie nucléaire dans le monde est étroitement lié à l’accès d’un nombre croissant de pays aux technologies, au matériel et aux équipements nucléaires. La communauté internationale est confrontée à des problèmes concernant la non-prolifération nucléaire et la sûreté nucléaire et environnementale. Les pays ayant une industrie nucléaire développée devraient, par conséquent, unir leurs efforts afin d’aider les Etats intéressés par le nucléaire, et toute initiative dans ce sens devrait être soutenue par la communauté internationale.
16. Un progrès majeur vers la réalisation de ces objectifs consisterait à mettre en place une infrastructure mondiale de l’énergie nucléaire, fondée sur une coopération internationale plus large et la participation active de tous les Etats concernés, en créant par exemple des centres internationaux de traitement du combustible nucléaire (enrichissement de l’uranium, gestion du combustible usé et formation des personnels) sous le contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
17. L’Assemblée invite par conséquent les Etats membres et non membres du Conseil de l’Europe:
17.1. à tenir compte de l’énergie nucléaire dans le cadre de leur politique de diversification des ressources énergétiques, comme solution permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement de la planète;
17.2. à développer la coopération internationale, en abandonnant les vieilles habitudes de secret, et à s’adapter aux nouvelles réalités du monde, notamment la mondialisation, et en encourageant l’ouverture dans le domaine de l’industrie nucléaire civile;
17.3. à soutenir fortement les activités de recherche et développement dans le domaine des technologies nucléaires, concernant tant l’efficacité de la production énergétique que la gestion des déchets nucléaires, et à exploiter efficacement les résultats de ces recherches;
17.4. à encourager une politique de transparence à toutes les étapes de la production d’électricité par l’industrie nucléaire;
17.5. à prendre des mesures pour informer largement la société civile sur tous les aspects de l’énergie nucléaire;
17.6. à prendre rapidement des mesures concrètes en vue de résoudre les problèmes posés par les déchets nucléaires;
17.7. à prendre toutes les mesures nécessaires pour jeter les bases d’une infrastructure mondiale de l’énergie nucléaire, y compris la création de centres internationaux sur le traitement du combustible nucléaire qui seraient placés sous le contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA);
17.8. à réviser les règles régissant le marché de l’énergie nucléaire.
18. L’Assemblée recommande également aux organisations internationales concernées, notamment à l’AIEA et à l’Agence pour l’énergie nucléaire de l’OCDE (AEN):
18.1. de définir clairement quelles sont les technologies pouvant être utilisées pour la construction de nouvelles centrales;
18.2. de veiller à ce que les pays sans expérience dans le domaine de l’industrie nucléaire respectent rigoureusement les règles de sécurité;
18.3. de contribuer à la formation du personnel et au contrôle de la production d’énergie nucléaire dans ces pays, notamment en ce qui concerne le respect des règles de sûreté.
19. Enfin, l’Assemblée décide également d’organiser des débats parlementaires sur l’avenir de l’énergie nucléaire afin de rassembler tous les différents points de vue, qui peuvent varier considérablement d’un pays à l’autre.

B. Exposé des motifs, par M. Bill Etherington, rapporteur

(open)

1. Préambule

1. La production d’électricité à partir de l’énergie nucléaire est depuis longtemps une activité très controversée, et les politiques adoptées en la matière varient beaucoup selon les pays. Le présent rapport n’est pas un plaidoyer pour ou contre le nucléaire. Il vise simplement à replacer la question du nucléaire dans le cadre plus vaste du débat sur la production d’énergie et l’utilisation des combustibles en général.
2. L’Assemblée parlementaire a déjà souligné la nécessité d’augmenter la part des énergies durables (dans sa Résolution 1435 (2005) sur les systèmes énergétiques et l’environnement, par exemple) et, plus récemment, elle a examiné les problèmes de stockage des déchets nucléaires (dans sa Résolution 1588 (2007) sur les déchets radioactifs et la protection de l’environnement). Les deux rapports correspondants remettent en cause l’idée très répandue selon laquelle l’énergie nucléaire serait «durable». Or, elle ne l’est pas: les ressources connues d’uranium sont limitées et ne resteront disponibles, au mieux, que dans une perspective à moyen terme; elles pourraient s’épuiser moins vite que les réserves connues de pétrole et de gaz, mais avant les réserves de charbon.
3. Si nous voulons enrayer le réchauffement climatique, l’énergie nucléaire peut certainement nous être très utile à court et moyen termes, mais cela ne va pas sans poser quelques difficultés. En effet, un développement important de l’industrie nucléaire entraînerait évidemment un épuisement plus rapide des réserves d’uranium et une aggravation du problème du stockage des déchets nucléaires.
4. Il convient également de tenir compte des progrès accomplis en matière de séquestration du carbone issu de la combustion des hydrocarbures fossiles. Si ces progrès débouchent sur une réussite totale, il pourrait devenir au moins aussi intéressant de produire de l’énergie à partir de combustibles fossiles que par la filière nucléaire.
5. On oublie souvent que, dans l’industrie nucléaire, des ressources colossales ont été consacrées aux activités de recherche et développement. Or, si une partie seulement de ces ressources avaient été investies dans des études sur les moyens de rendre plus propre la combustion des hydrocarbures fossiles et sur les énergies véritablement durables et renouvelables, la donne serait aujourd’hui complètement différente.
6. Je tiens à rendre hommage à mon collègue russe M. Grachev, qui siégeait avec moi à la commission de l’environnement et qui avait pratiquement terminé son rapport lorsqu’il a malheureusement cessé d’être membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. C’est moi qui ai alors été chargé de finaliser et de présenter le rapport.
7. M. Grachev était un bien plus ardent défenseur de l’énergie nucléaire que moi, mais je n’ai rien changé aux idées qu’il avait développées dans son texte.
8. Certes, l’énergie nucléaire peut contribuer dans une large mesure à atténuer les effets du changement climatique, mais elle est loin de résoudre tous les problèmes. Ses avantages ne doivent pas nous faire perdre de vue qu’il est primordial de développer au maximum toutes les formes d’énergies renouvelables, car ce n’est plus que sur elles que l’humanité pourra compter lorsqu’elle aura épuisé toutes les réserves de combustibles nucléaires et fossiles, ce qui arrivera bien plus tôt que beaucoup ne le pensent.

2. Introduction

9. La communauté internationale doit résoudre efficacement trois problèmes interdépendants: la sécurité énergétique, la croissance économique, et la protection de l’environnement. Des réponses équitables et compétitives, fondées sur les principes de l’économie de marché, aux défis énergétiques mondiaux contribueront à prévenir un éventuel effet destructeur sur la production, les approvisionnements et le transport d’énergie, et à jeter les bases solides d’un développement dynamique et durable de notre civilisation à long terme.
10. Au cours des trente à cinquante prochaines années, l’énergie nucléaire devra contribuer dans une large mesure à résoudre le problème de la sécurité énergétique, base du développement durable.
11. L’énergie nucléaire est l’alternative la plus réaliste, technologiquement éprouvée, acceptable pour l’environnement et compétitive à l’énergie issue des hydrocarbures. Nous sommes convaincus que développer l’énergie nucléaire, c’est avancer dans la bonne direction.
12. L’énergie nucléaire est considérée comme une option attractive en raison de certains de ses avantages compétitifs tels que, par exemple, une dépendance plus faible à l’égard des prix des combustibles que toutes les autres sources d’énergie, un volume insignifiant de marchandises énergétiques à transporter, la prise en considération approfondie des questions liées à la sûreté nucléaire et à la sécurité de l’environnement, l’absence d’émissions de gaz à effet de serre et d’effets négatifs sur le climat.
13. La principale condition préalable au développement généralisé de l’énergie nucléaire est de faire respecter le régime de non-prolifération, d’assurer la sécurité et la sûreté des matières nucléaires, et de réduire encore les différents risques posés par son développement.
14. L’utilisation de l’énergie nucléaire peut devenir un cadre pour la mise en place d’un système énergétique propre à assurer un développement durable, sûr pour l’environnement, efficace par rapport à son coût et socialement acceptable pour l’amélioration dans tous les domaines de l’activité humaine au XXIe siècle.
15. Le développement de l’énergie nucléaire contribuera à assurer la sécurité énergétique mondiale, ce qui ne sera possible que s’il existe un cadre solide de coopération internationale.
16. Il faut toutefois reconnaître que les solutions individuelles ne sont plus satisfaisantes. Avec la mondialisation croissante, seul celui qui en a pris conscience peut agir efficacement.
17. Pour relever les nouveaux défis et saisir les nouvelles opportunités, l’industrie mondiale de l’énergie nucléaire devrait consolider ses efforts. Différents acteurs devraient participer de façon systématique au cycle international du combustible nucléaire, afin de réunir les avantages compétitifs et d’en tirer efficacement parti.
18. L’internationalisation plus poussée du cycle du combustible nucléaire, qui permettra un accès stable à ses produits et services par les pays concernés qui se conforment strictement au régime international de non-prolifération nucléaire et qui le renforcent, est une orientation stratégique pour l’énergie nucléaire.
19. Les tâches auxquelles se trouvent confrontées la Russie et la communauté internationale sont de nature véritablement mondiale. Cela signifie que l’on ne pourra parvenir à un développement durable, soumis aux garanties de l’AIEA et sûr de l’énergie nucléaire, que par un travail bilatéral et multilatéral.
20. La Russie, qui est l’un des principaux fournisseurs mondiaux de produits et de services liés à l’uranium, est tout à fait ouverte et prête à une telle coopération.

3. Enjeux énergétiques mondiaux et développement durable

21. Ces dernières années l’énergie est devenue un sujet très actuel dans le monde entier. Aujourd’hui le monde change rapidement, du fait des nouveaux pays émergents à forte croissance économique et de l’augmentation de la consommation énergétique dans les pays développés.
22. La tension croissante observée ces dernières années sur les marchés de l’énergie n’est pas un phénomène temporaire. Les pays développés et les pays en développement se rejoignent en termes de consommation d’énergie par habitant.
23. En même temps, on ne peut concevoir d’économie sans approvisionnement suffisant en énergie, et ce, indépendamment du système politique et du niveau de développement du pays. Cela est vrai pour les économies planifiées comme pour les économies de marché, pour les pays développés comme pour les pays en développement.
24. L’approvisionnement énergétique est devenu une préoccupation de premier plan. Les ressources énergétiques sont indispensables pour améliorer le niveau de vie et donner de nouvelles opportunités aux populations des pays développés et des pays en développement.
25. En supposant que l’équilibre sera atteint avec le niveau de consommation actuel des pays développés, il faudra au moins tripler la production totale d’énergie, compte non tenu de l’accroissement démographique mondial.
26. Garantir un approvisionnement énergétique efficace, solide et respectueux de l’environnement à des prix correspondant aux principes fondamentaux de l’économie de marché est un défi majeur pour l’humanité.

4. Principes à appliquer pour assurer la sécurité énergétique mondiale

27. Les objectifs et les principes de la sécurité énergétique mondiale sont les suivants:
  • ouverture, transparence, stabilité, efficacité, compétitivité des marchés pour la production et les approvisionnements, éléments clés de la sécurité énergétique mondiale;
  • mise en place de cadres et de systèmes législatifs et réglementaires transparents, équitables, stables et efficaces;
  • encouragement des investissements dans le secteur de l’énergie;
  • amélioration de l’efficacité énergétique et des économies d’énergie par des initiatives nationales et internationales;
  • diversification des marchés énergétiques, géographiques et sectoriels;
  • garantie de la sécurité de l’infrastructure énergétique;
  • mise au point et introduction de technologies innovantes à haut rendement énergétique;
  • responsabilité à l’égard de l’environnement dans la mise en valeur et l’utilisation des ressources énergétiques, introduction et échange de technologies sans danger pour l’environnement contribuant à résoudre les problèmes du changement climatique et du développement durable;
  • actions communes pour atténuer les conséquences des urgences énergétiques;
  • résolution des problèmes énergétiques des groupes les plus pauvres de la population dans les pays en développement.
28. Nombre de ces objectifs, dont la réalisation sera une condition essentielle à l’instauration et au renforcement de la sécurité énergétique mondiale, ont été évoqués par les dirigeants du G8 dans leur déclaration de 2006 au sommet de Saint-Pétersbourg.

4.1. Améliorer la transparence, la prévisibilité et la stabilité des marchés de l’énergie mondiaux

29. Des marchés libres, concurrentiels et ouverts sont essentiels si l’on veut un système de l’énergie mondial efficace, condition préalable du développement durable.
30. La transparence et la prévisibilité de la politique énergétique et des régimes réglementaires dans chaque Etat contribuent grandement à la formation de marchés de l’énergie efficaces.
31. Une législation nationale et des systèmes de réglementation transparents, stables et prévisibles assurant la composante sécurité de l’environnement contribue grandement à la sécurité énergétique mondiale.
32. Le bon fonctionnement des marchés mondiaux de l’énergie exige également un échange régulier en temps voulu d’informations précises et crédibles.

4.2. Améliorer le climat de l’investissement dans le secteur de l’énergie

33. Pour assurer des approvisionnements énergétiques adéquats à l’échelle mondiale, il faudrait investir plusieurs billions de dollars des Etats-Unis dans le secteur de l’énergie avant 2030, une partie importante de cette somme devant satisfaire les besoins des pays en développement.
34. Il faudrait créer et maintenir des conditions propres à attirer des investissements dans le secteur de l’énergie en mettant en place des marchés concurrentiels, ouverts, équitables et transparents.
35. Dans la prise de décisions relatives aux investissements, beaucoup dépend de la politique énergétique et environnementale des Etats, aussi faudrait-il promouvoir la mise en place de régimes réglementaires prévisibles dans les pays producteurs, les pays consommateurs et les pays de transit, notamment des cadres juridiques stables fondés sur les principes de l’économie de marché, de la gouvernance des investissements, et de la prévision de la demande à moyen et à long terme de ressources énergétiques, établir des régimes fiscaux clairs et cohérents, et éliminer les obstacles administratifs excessifs.
36. Attirer les investissements à tous les stades du secteur énergétique peut faciliter:
  • l’introduction de technologies innovantes à haut rendement énergétique;
  • la promotion d’une utilisation plus large des sources d’énergies renouvelables et alternatives, principalement l’énergie nucléaire;
  • l’introduction et le développement de technologies et de méthodes respectant mieux l’environnement et plus efficaces, y compris dans le domaine de l’énergie nucléaire;
  • le développement de capacités efficaces dans le domaine de la production d’électricité, y compris le développement prioritaire de l’énergie nucléaire;
  • le développement et l’amélioration de l’efficacité, de la sécurité et de la sûreté des réseaux électriques, et leur raccordement si possible avec les systèmes énergétiques d’autres Etats, y compris les pays en développement.
37. Il faudrait faciliter les flux de capitaux vers la production d’énergie, notamment pour construire de nouvelles centrales électriques et nucléaires plus efficaces et moderniser les centrales existantes, et assurer une utilisation plus large des sources d’énergies renouvelables.
38. Fournir des ressources humaines dûment qualifiées pour le secteur de l’énergie à long terme est indispensable pour assurer la sécurité énergétique.
39. Il faut donc des mesures adéquates pour assurer la formation appropriée des employés du secteur de l’énergie, y compris dans le domaine des sources et technologies nouvelles et innovantes nécessaires pour assurer la sécurité énergétique à long terme. Une importance particulière est accordée à la formation de personnel hautement qualifié pour l’énergie nucléaire.

4.3. Augmenter l’efficacité énergétique et les économies d’énergie

40. Il est important d’économiser les ressources énergétiques pour renforcer la sécurité énergétique. C’est souvent là un moyen plus économique et plus responsable du point de vue de l’environnement de faire face à la demande croissante d’énergie.
41. L’efficacité énergétique et les économies d’énergie font partie des meilleures solutions au problème de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
42. Dans tous les scénarios de développement, les économies d’énergie – c’est-à-dire l’amélioration de l’efficacité de la consommation d’énergie – constituent un domaine prioritaire, dans lequel on peut agir rapidement et qui produira un effet maximal sur le changement climatique. Le recours accru à l’énergie nucléaire peut contribuer de façon décisive à résoudre ce problème.

4.4. Diversifier les sources d’énergie

43. La diversification énergétique est l’un des instruments les plus efficaces pour réduire les risques dans le domaine de la sécurité énergétique mondiale.
44. Le développement de sources d’énergie à faible teneur en carbone et de sources alternatives, avec le recours accru aux ressources renouvelables, et l’introduction de technologies innovantes dans toutes les industries du secteur énergétique peuvent contribuer à réduire les risques pour la sécurité énergétique mondiale.
45. L’énergie nucléaire joue un rôle particulier dans la diversification des sources d’énergie, car c’est l’alternative la plus réaliste aux sources émettrices de carbone; elle est techniquement éprouvée, acceptable pour l’environnement et compétitive.
46. L’énergie nucléaire est considérée comme une option attractive en raison de ses avantages compétitifs: elle est beaucoup moins tributaire des prix des combustibles que les autres sources d’énergie, elle implique un volume insignifiant de transport de matières énergétiques, et elle a donné lieu à une analyse approfondie des questions de sécurité nucléaire ainsi que de sûreté et de protection de l’environnement.

4.5. Technologies énergétiques innovantes

47. Au sommet qu’ils ont tenu en 2007 à Heiligendamm, les dirigeants du G8 ont déclaré que l’innovation était l’un des moteurs fondamentaux de la croissance économique de leurs pays, et ont décidé en conséquence de prendre des mesures pour promouvoir l’innovation ainsi que la recherche et le développement.
48. L’arrivée de technologies novatrices sur le marché contribueront à améliorer l’efficacité du secteur de l’énergie et à renforcer la sécurité énergétique mondiale. Ces nouvelles initiatives comprennent le développement de technologies potentiellement très intéressantes, y compris celles qui sont liées à la construction de réseaux électriques améliorés, la supraconductivité, les nanotechnologies (y compris les nanotechnologies biologiques), la recherche et le développement dans le domaine de l’énergie de fusion dans le cadre du projet International Thermonuclear Experimental Reactor (ITER), la mise en œuvre du projet international de l’AIEA sur les réacteurs nucléaires et les cycles du combustible innovants (INPRO).
49. De toutes les technologies énergétiques innovantes, l’énergie nucléaire est l’option la plus réaliste, celle qui, en raison des progrès scientifiques et techniques dans ce domaine et de son infrastructure développée, peut devenir dominante dans la production d’énergie au XXIe siècle et assurer le développement humain durable.

4.6. Résoudre les problèmes du changement climatique et du développement durable

50. Le développement durable implique une approche de la mise en valeur et de l’utilisation des ressources énergétiques qui soit responsable à l’égard de l’environnement.
51. L’ensemble de la communauté internationale a reconnu qu’il fallait résoudre le problème du changement climatique.
52. Le Protocole de Kyoto, premier instrument international appliquant les principes du marché à la protection de l’environnement, est un mécanisme efficace qui vise à encourager la réduction des émissions de gaz à effet de serre et permettre de répondre de manière efficiente à la question du changement climatique.
53. L’énergie nucléaire peut réellement aider de manière significative à atteindre les objectifs du Protocole de Kyoto et de la Convention-cadre des Nations Unies sur le changement climatique (CCNUCC). Elle a l’avantage d’être la forme d’énergie qui produit le moins de gaz à effet de serre: on estime qu’une centrale nucléaire donne lieu à un volume de gaz à effet de serre par unité d’énergie produite plus faible que n’importe quel autre type d’énergie en usage aujourd’hui ou dans l’avenir. L’énergie d’origine nucléaire peut permettre à l’humanité de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de réduire sensiblement leur impact sur l’atmosphère, et le déploiement du nucléaire à grande échelle – ou, ce qui serait encore plus efficace, l’utilisation de l’énergie de la structure profonde de la matière – permettra à l’humanité de résoudre le problème du changement climatique dû aux activités humaines.

4.7. Réduire la pauvreté énergétique

54. Il est impossible de réduire radicalement la pauvreté en général, de soutenir les services de santé, de fournir aux individus une eau de boisson saine, d’améliorer l’assainissement, d’accroître l’efficacité de l’agriculture et d’augmenter la production alimentaire, de créer des emplois en attirant des investissements dans les entreprises des pays en développement sans s’attaquer au problème de la pauvreté énergétique.
55. Apparemment, il est nécessaire d’étendre l’accès des groupes les plus pauvres aux ressources énergétiques et d’améliorer l’efficacité énergétique dans les pays en développement.
56. Les programmes d’assistance aux pays en développement devraient viser à améliorer leurs politiques et leurs systèmes de réglementation afin d’attirer des capitaux privés. Les institutions financières internationales devraient faciliter la résolution de ces problèmes.
57. L’énergie nucléaire peut largement contribuer à réduire la pauvreté et à assurer la viabilité énergétique à long terme des pays en développement. En même temps, son développement et son utilisation devraient s’accompagner de la mise en place d’une infrastructure énergétique et de la formation du personnel.

5. Facteurs contribuant à réduire le rôle des sources d’énergie classiques

58. Un certain nombre de pays (Allemagne, Etats-Unis d’Amérique, France, Japon, etc.) ont choisi d’assurer leur sécurité énergétique, de réduire leur dépendance à l’égard des sources d’énergie non renouvelables, à savoir le pétrole et le gaz naturel importés, en développant des sources d’énergie électrique alternatives, en premier lieu l’énergie nucléaire.
59. Ce choix n’est pas arbitraire. Il y a quelques années, la plupart des experts croyaient que le pétrole resterait la principale source d’énergie pendant un temps indéfini, mais aujourd’hui ils ont changé d’avis. Selon certaines estimations, le pétrole restera la source dominante d’énergie pendant trente ans au maximum. Il y a à cela plusieurs raisons.
60. D’abord, les prix du pétrole sont élevés et fluctuants. De fait, en 2005 les prix pétroliers mondiaux ont augmenté de 42 % par rapport à 2004, et le prix moyen du gaz naturel de 48 %. En même temps, la part des combustibles dans la structure des biens est devenue très importante.
61. Toutefois, d’un point de vue stratégique, les prix ne sont pas la cause principale. Le plus important est qu’avec l’augmentation du nombre de consommateurs d’énergie, en particulier de pays comme l’Inde et la Chine, le manque de pétrole deviendra inévitable.
62. Il est impossible aussi de toujours accroître l’extraction. Les réserves de pétrole disponibles sont limitées, non seulement parce que le volume du sous-sol est limité, mais aussi pour un certain nombre d’autres raisons. Il y a également une limite énergétique, à savoir que l’extraction de pétrole difficile d’accès peut demander plus d’énergie qu’il ne permettra d’en produire. Dans ce cas, le coût devient un paramètre secondaire.
63. L’autre source d’énergie classique est le gaz naturel, qui est aussi une matière première précieuse pour beaucoup d’autres industries. Dimitri Mendeleïev disait que brûler du gaz naturel revenait à peu près à utiliser des billets de banque comme combustible. Et pourtant c’est ce que nous continuons à faire.
64. La troisième source importante d’énergie est le charbon. En Russie, par exemple, ce dernier représente environ 18 % de toute l’énergie produite. Il y a suffisamment de charbon pour trois cents années encore, mais son utilisation est limitée par la réglementation de protection de l’environnement.
65. On se préoccupe de plus en plus de la pollution atmosphérique, qui demande des solutions urgentes.
66. Il y a aussi des problèmes liés à l’infrastructure de transport, qui peut se révéler insuffisante pour acheminer les quantités croissantes d’énergie traditionnelle à mesure que la consommation d’énergie augmente.
67. C’est pourquoi garantir une énergie efficace, solide et sûre pour l’environnement à des prix reflétant les principes fondamentaux de l’économie de marché est un défi pour nos pays et pour l’humanité en général. Pour y parvenir il faudrait résoudre un certain nombre de questions graves interdépendantes, telles que:
  • la demande croissante de ressources énergétiques (on estime que d’ici à 2030 elle augmentera de plus de moitié, et que 80 % de cette demande sera satisfaite par des combustibles fossiles, dont les réserves sont limitées);
  • la dépendance croissante de nombreux pays à l’égard des combustibles importés;
  • le besoin d’investissements considérables à toutes les étapes du cycle de production de l’énergie;
  • la nécessité de protéger l’environnement et de résoudre le problème du changement climatique;
  • l’instabilité politique, les catastrophes naturelles, et d’autres menaces.
68. Comme toutes ces questions sont de caractère mondial, il faudrait créer des partenariats entre toutes les parties concernées afin de renforcer la sécurité énergétique mondiale.

6. Le rôle de l’énergie nucléaire dans le développement durable

69. L’énergie nucléaire apporte une contribution déterminante à la résolution des problèmes liés aux ressources énergétiques, à l’instauration du développement durable et de la sécurité énergétique. Cela a déjà été reconnu par la Russie et par beaucoup d’autres pays du monde.
70. Nous reconnaissons que l’énergie nucléaire devrait être sûre pour l’environnement, économique, stable en termes de non-prolifération, et qu’elle devrait reposer sur un système fiable assurant la sécurité et la sûreté des matières et des installations nucléaires.
71. Toutefois, il s’avère impossible de parvenir à un équilibre durable entre les combustibles et l’énergie au cours des trente à cinquante prochaines années sans le développement à grande échelle de l’énergie nucléaire.
72. Aujourd’hui, l’énergie nucléaire est la seule source réaliste et disponible d’énergie présentant de l’intérêt pour le maintien de l’équilibre entre la production énergétique mondiale et la demande croissante d’électricité. Elle est également attractive dans l’optique de la réduction de la pollution atmosphérique et, par conséquent, de la résolution du problème du changement climatique.
73. Une caractéristique fondamentale méritant de retenir l’attention est qu’il y a trente à quarante ans, lorsqu’elle en était aux tout premiers stades de son développement, l’énergie nucléaire n’était qu’un aspect des programmes nucléaires militaires. Il y avait des programmes nucléaires civils de grande ampleur essentiellement dans les pays où existaient d’importants programmes nucléaires militaires.
74. Aujourd’hui, compte tenu de la hausse des prix des hydrocarbures et de l’explosion de la consommation énergétique, le nucléaire a trouvé sa place.

6.1. Conditions préalables au développement de l’énergie nucléaire

75. La situation dans le monde est très différente aujourd’hui. Elle a deux caractéristiques importantes:
  • le développement de l’énergie nucléaire est devenu mondial. Alors que dans le passé seuls quelques pays développaient des technologies nucléaires, le processus est aujourd’hui devenu véritablement mondial. Des pays de plus en plus nombreux trouvent juste et raisonnable d’avoir accès à une énergie nucléaire bon marché et efficace;
  • compte tenu du fait que dans le domaine de l’énergie nucléaire pratiquement aucun pays du monde ne peut agir de façon absolument indépendante, le marché de l’énergie nucléaire est un marché où chacun dépend des autres.
76. Cette interdépendance et le caractère mondial du marché demandent un examen commun sérieux des règles qui le régissent. Etant donné ses liens étroits avec les programmes militaires, il est resté pendant très longtemps fermé et isolé. Aujourd’hui il est devenu mondial et plus ouvert, mais un certain nombre de règles désormais obsolètes ont été maintenues.
77. Pour assurer la sûreté et la sécurité de l’énergie nucléaire, le plus important est de créer des conditions ouvertes, transparentes et égales à l’accès des pays au marché des biens et services offerts par la sphère mondiale de l’énergie nucléaire.
78. En même temps, il faudrait comprendre que l’amélioration de l’attitude du public à l’égard des programmes nucléaires civils et des décisions des dirigeants des Etats est une condition nécessaire mais pas suffisante.
79. Faute d’installations et d’arrangements appropriés concernant le cycle du combustible nucléaire, il n’y aura pas de renaissance de nucléaire. Or, il y a encore des problèmes à résoudre dans le domaine du cycle du combustible nucléaire.
80. Si de nouvelles centrales nucléaires sont mises en service à travers le monde, il y aura une pression énorme sur la première étape du cycle du combustible nucléaire, qui comprend principalement l’extraction de l’uranium naturel, son enrichissement et la production de combustible. Il sera nécessaire de développer la production de combustible. C’est seulement lorsque ce développement ira de pair avec celui des installations de production que l’on pourra s’attendre à voir les programmes nucléaires pacifiques jouer un rôle de premier plan dans l’approvisionnement de l’humanité en énergie.
81. Il faudra résoudre une tâche plus importante encore: la gestion du combustible nucléaire usé et des déchets radioactifs.

6.2. La renaissance du nucléaire

82. Aujourd’hui le nucléaire fournit de façon efficace et stable environ 17 % de l’énergie électrique produite dans le monde entier. En même temps, la croissance économique rapide de certaines régions et de certains pays exige déjà que l’on prévoie de nouvelles capacités énergétiques et qu’on mette en place l’infrastructure productive et énergétique nécessaire. Selon les estimations de l’AIEA, on pourrait assurer entre 30 et 80 % de l’augmentation de la capacité énergétique en Asie grâce à la construction de centrales nucléaires.
83. Dans ces conditions, le fait que le développement de l’énergie nucléaire ait donné lieu à des discussions actives dans le monde entier, ce qui est une véritable renaissance du nucléaire, semble raisonnable et logique. D’ailleurs, la renaissance de nucléaire devient de plus en plus réaliste.
84. Ces dernières années, l’expérience de l’exploitation des centrales nucléaires ayant montré que ce type d’énergie était efficace et sûr, il est naturel que de nombreux pays aient déjà adopté des programmes de construction de centrales nucléaires.
85. Des pays comme la Russie, la Chine, l’Inde, la République de Corée, les Etats-Unis d’Amérique et le Japon ont annoncé clairement leurs plans de construction de centrales nucléaires. Par exemple, d’ici à 2030, l’énergie nucléaire pourrait devenir la principale source d’énergie du Japon, couvrant plus de 40 % de ses besoins.
86. La décision de lancer des programmes nucléaires civils a été adoptée dans des pays qui n’ont jamais développé et n’ont pas l’intention de développer la composante militaire de programmes nucléaires. La Turquie a décidé de construire une centrale nucléaire sur les bords de la mer Noire. Les travaux doivent commencer en 2007, et d’ici à 2015, trois centrales devraient être achevées. Le Premier ministre australien a soutenu le développement du nucléaire dans son pays, et les experts pensent que, dans dix ans, l’Australie sera déjà en mesure de produire de l’électricité d’origine nucléaire. La construction d’une centrale nucléaire en Pologne est à l’étude. Des pays de la région Asie-Pacifique envisagent eux aussi de développer l’énergie nucléaire.
87. Dans un certain nombre d’autres pays, par exemple en Grande-Bretagne, en Italie et même en Allemagne, bien connue pour sa politique antinucléaire, on discute de plus en plus activement du rôle futur de l’énergie nucléaire civile comme composante essentielle de l’équilibre énergétique.
88. Evaluant les indices quantitatifs de la renaissance du nucléaire, des experts américains ont conclu que la capacité mondiale totale des centrales nucléaires passera de 371 GWt en 2005 à 438 GWt en 2030, ce qui constitue une augmentation très importante, en particulier si l’on considère qu’au cours des vingt dernières années très peu de nouvelles installations nucléaires ont été mises en service.

6.3. Le développement de l’énergie nucléaire en Russie

89. La Russie est l’un des nombreux pays partageant ce point de vue.
90. Dans ce pays, la décision en faveur de l’énergie nucléaire nationale n’est pas seulement une décision politique imposée par les circonstances, mais un programme d’action spécifique visant à créer toute une série de conditions nécessaires. L’énergie nucléaire est développée dans le cadre juridique, financier et administratif nécessaire.
91. Le programme fédéral cible intitulé «Développement du complexe de production d’énergie nucléaire de la Russie en 2007-2010 et jusqu’en 2015» est un partenariat public-privé pour la construction de nouvelles installations nucléaires. Le soutien du gouvernement à ce stade ne signifie pas que les centrales nucléaires russes ne sont pas compétitives par rapport aux autres types d’énergie, mais qu’elles nécessitent un mécanisme de compensation jusqu’à ce que les relations marchandes se développent. Le Gouvernement russe s’est prononcé en faveur de l’introduction des règles du marché dans le secteur de l’électricité après 2011.
92. En juillet 2007 le Gouvernement de la Fédération de Russie a approuvé le programme cible fédéral intitulé «Assurer la sûreté nucléaire et radiologique pour 2008 et jusqu’en 2015», qui prévoit le financement par l’Etat de la gestion du combustible nucléaire usé et des déchets radioactifs, ainsi que du déclassement, problèmes restés sans solution lors des phases antérieures du développement de l’énergie nucléaire.
93. Une loi fédérale a été adoptée qui prévoit la restructuration de l’industrie et le passage aux règles du marché dans sa composante civile. Pour la première fois, des personnes morales se sont vu accorder le droit de posséder des matières et des installations nucléaires, et les entreprises publiques dans ce domaine doivent être transformées en sociétés par actions.
94. Cet été-là a été créée AtomEnergoProm, holding comprenant de grandes entreprises civiles de l’énergie nucléaire. La société par actions ouverte Nuclear Energy Production Complex doit concentrer des ressources adéquates pour les tâches qui s’annoncent.
95. Aujourd’hui, notre tâche minimale est de faire en sorte qu’au moins 16 % de l’énergie soit d’origine nucléaire, la stratégie énergétique fixant une moyenne pondérée de 22 %, alors que la réalité exigerait une part de 25 à 30 %, moyenne des pays développés.
96. La politique technologique à long terme envisage la mise au point d’un modèle de «centrale nucléaire 2006» inspiré d’un réacteur de puissance eau/eau (WWER) et l’introduction graduelle d’ici à 2030 de la technologie nucléaire de nouveaux réacteurs à neutrons rapides de quatrième génération, du cycle complet du combustible nucléaire et du combustible uranium-plutonium, qui doit éliminer les limites concernant les matières premières nécessaires à la fabrication de combustible dans l’avenir prévisible.

6.4. Le respect du régime de non-prolifération nucléaire

97. Le développement à grande échelle de l’énergie nucléaire dans le monde est étroitement lié à l’accès d’un nombre de plus en plus nombreux d’Etat aux technologies, matériels et équipements nucléaires. C’est pourquoi la communauté internationale est confrontée à des problèmes relatifs à la non-prolifération nucléaire, à la sûreté nucléaire et environnementale, et doit assurer la sécurité et la sûreté des matières nucléaires, la compétitivité économique de l’énergie nucléaire et la réduction des risques qui lui sont liés.
98. Dans ces conditions, les Etats ayant une industrie nucléaire développée devraient unir leurs efforts afin d’aider les Etats intéressés par le nucléaire.
99. Dans la situation actuelle, compte tenu des nouveaux défis et menaces auxquels est confrontée la communauté internationale, il faudrait assurer l’équilibre entre le développement de l’énergie nucléaire mondiale et le respect du régime de non-prolifération nucléaire.
100. Maintenir cet équilibre n’est pas facile. Comme il a déjà été noté, des pays de plus en plus nombreux optent pour le développement du nucléaire, ce qui entraîne inévitablement des activités d’enrichissement de l’uranium et la nécessité de traiter le combustible nucléaire usé. La construction des installations correspondantes du cycle du combustible nucléaire est coûteuse. Une autre tâche importante est le contrôle exercé par l’AIEA. En outre, il y a toujours un risque que les technologies civiles soient utilisées à des fins militaires.
101. Dans ce contexte se posent deux problèmes: savoir comment garantir aux pays concernés l’accès au combustible et aux services liés à la gestion du combustible nucléaire usé; savoir comment limiter la diffusion des nouvelles technologies dans le monde, la construction de nouvelles installations nucléaires dans différentes parties du monde et éviter de nouveaux risques pour le régime de non-prolifération nucléaire.
102. Pour des raisons techniques, politiques et éthiques, il est impossible d’interdire à ces pays d’accéder à une énergie nucléaire bon marché et efficace.
103. Cette interdiction est impossible dans une situation où l’accès à des ressources énergétiques bon marché et efficaces est une condition essentielle du développement.
104. La tâche à laquelle est confrontée la communauté mondiale est de mettre en place de nouveaux systèmes qui garantiraient le droit de tout pays à l’utilisation civile de l’énergie nucléaire, tout en assurant le strict respect du régime de non-prolifération nucléaire.

7. Initiatives relatives au cycle du combustible nucléaire

105. Nous reconnaissons que la question est extrêmement complexe, et qu’il est donc particulièrement important de coopérer au niveau international pour chercher des moyens de résoudre les problèmes ci-dessus.
106. Un certain nombre d’initiatives relatives au cycle du combustible nucléaire ont été lancées ces dernières années, parmi lesquelles:
  • l’initiative de Vladimir Poutine, Président de la Fédération de Russie, concernant l’appui énergétique au développement humain durable, la résolution des problèmes de prolifération des armes nucléaires et l’amélioration de l’environnement sur la Terre, annoncée lors du sommet du millénaire en 2000, et des Etats-Unis d’Amérique (projet international de l’AIEA sur les réacteurs nucléaires et les cycles du combustible innovants);
  • le Forum international Génération IV;
  • les activités de l’AIEA visant à trouver un mécanisme garantissant l’approvisionnement en combustible des centrales nucléaires dans les pays développant l’énergie nucléaire;
  • la coopération bilatérale entre la Russie et les Etats-Unis dans le domaine de l’énergie nucléaire civile;
  • l’initiative prise par le Président de la Fédération de Russie le 25 janvier 2006 sur le développement d’une infrastructure mondiale de l’énergie nucléaire (Centre international d’enrichissement de l’uranium (ci-après «le Centre»));
  • l’initiative des Etats-Unis relative à un partenariat mondial pour l’énergie nucléaire (GNEP);
  • une déclaration conjointe des présidents des Etats-Unis d’Amérique et de la Russie, le 3 juillet 2007, sur les actions communes en matière d’énergie nucléaire et de non-prolifération.
107. Ces initiatives, ainsi que d’autres, sont toutes importantes, chacune ayant ses avantages et ses limites.
108. L’initiative du Président de la Fédération de Russie du 25 juillet 2006 sur le développement d’une infrastructure mondiale de l’énergie nucléaire est un des mécanismes devant permettre l’égalité d’accès à l’énergie nucléaire de tous les pays concernés tout en assurant le respect des exigences du régime de non-prolifération nucléaire.
109. Cette initiative vise à poursuivre le développement de l’énergie nucléaire en tant qu’élément essentiel pour assurer la sécurité énergétique mondiale. Nous sommes convaincus que l’initiative russe est une occasion réaliste de développer rapidement et dans des conditions de sécurité l’énergie nucléaire dans le monde tout en tenant compte de la nécessité d’assurer la non-prolifération des technologies nucléaires les plus sensibles pour l’enrichissement de l’uranium et le traitement du combustible nucléaire usé.
110. Comme dans le cas de son programme national de développement de l’énergie nucléaire, l’approche de ces questions par la Russie suppose une offre progressive et échelonnée des ressources, et des progrès spécifiques. Nous sommes bien conscients que le monde n’attend pas de nous des promesses et des modèles attrayants mais inopérants, mais des actions spécifiques, même mineures, qui ont fait leurs preuves dans la pratique.
111. La technologie d’enrichissement de l’uranium est la partie la plus sensible de la première étape du cycle du combustible nucléaire du point de vue de la prolifération. C’est pourquoi il faut trouver une solution qui réduirait l’incitation à développer de façon indépendante des technologies d’enrichissement pour les pays souhaitant développer le nucléaire. Cette solution devrait satisfaire à trois exigences: garantir un approvisionnement fiable en combustible nucléaire, être commercialement attractif et assurer le respect du régime de non-prolifération nucléaire.
112. Etant donné que l’enrichissement de l’uranium est un procédé technologique nécessaire dans la production de combustible nucléaire pour les centrales, et que c’est en même temps la partie la plus sensible du cycle du combustible nucléaire du point de vue de la prolifération, la Fédération de Russie a créé à Angarsk le premier Centre international d’enrichissement de l’uranium.
113. Dans la pratique, le Centre garantit aux Etats l’accès aux capacités d’enrichissement de l’uranium pour qu’ils puissent satisfaire leurs besoins en combustible nucléaire sans créer leur propre cycle du combustible nucléaire, ce qui demande beaucoup de temps et de ressources.
114. Conformément à l’accord intergouvernemental du 10 mai 2007, le centre est parrainé par la Fédération de Russie et la République du Kazakhstan. Sa principale tâche est d’assurer un accès garanti aux capacités d’enrichissement de l’uranium de l’entreprise unitaire d’Etat «Usine électrochimique d’Angarsk» en vue de fournir des services d’enrichissement de l’uranium pour produire du combustible pour l’énergie nucléaire.
115. Pour qu’il puisse fonctionner sur la base des principes du marché, le Centre est créé conformément aux lois de la Fédération de Russie en tant que société par actions ouverte, ce qui rend l’initiative plus attrayante du point de vue financier, car les organisations participantes non seulement auront accès aux services d’enrichissement de l’uranium pour satisfaire leurs besoins, mais elles bénéficieront également des dividendes résultant des activités du Centre.
116. Les autres Etats peuvent adhérer au Centre à tout moment sans conditions politiques.
117. La Russie a travaillé de manière constructive avec l’AIEA pour déterminer les paramètres spécifiques de la participation de l’agence aux activités du Centre.
118. Du fait que les matières du Centre devraient être couvertes par les garanties de l’AIEA, nous avons pris une mesure sans précédent: pour que l’agence puisse exercer son contrôle sur les activités de l’usine électrochimique d’Angarsk, sur la base desquelles le Centre a été créé, l’usine en question a été exclue de la liste des installations particulièrement sensibles de la Fédération de Russie et inscrite sur la liste des installations du cycle du combustible nucléaire usé couvertes par les garanties de l’AIEA. Les procédures nécessaires à cette fin sont en cours.
119. A notre avis, le Centre peut fort bien participer au projet de l’AIEA sur les approvisionnements garantis. Il peut garantir des services d’enrichissement de l’uranium au moyen d’une méthode d’enrichissement des isotopes de haute technologie, compétitive et ayant fait ses preuves, et contribuer à la mise en place du système d’approvisionnement en combustible nucléaire pour répondre aux besoins de l’énergie nucléaire.
120. En réponse à l’initiative du directeur général de l’AIEA, Mohamed ElBaradeï, relative à la banque de matières nucléaires sous les auspices de l’AIEA, la Fédération de Russie a l’intention de créer une réserve d’uranium enrichi dont le stockage sera confié au Centre. Les matières de cette réserve seront fournies à la demande de l’AIEA en cas de force majeure (lorsque l’enrichisseur et le marché refuseront l’un et l’autre de fournir de l’uranium pour des raisons politiques) à un Etat développant un programme civil d’énergie nucléaire, à condition qu’il respecte ses engagements en matière de non-prolifération.
121. Nous sommes convaincus que la proposition russe concernant la création au Centre d’une réserve d’uranium enrichi comme filiale de la banque du combustible nucléaire de l’AIEA nous permettra de mettre en œuvre dans la pratique le nouveau mécanisme prévu par le concept d’approvisionnements garantis, et constituera un pas vers la création de la future infrastructure mondiale de l’énergie nucléaire.
122. L’initiative du Président Vladimir Poutine repose sur l’idée qu’il devrait y avoir de nombreux centres internationaux dans le monde; la Russie ne cherche pas à avoir un monopole. Nous essayons seulement de donner un exemple en créant le Centre sur notre territoire.
123. Le 3 juillet 2007, les présidents de la Russie et des Etats-Unis d’Amérique ont adopté une déclaration sur les actions communes en matière d’énergie nucléaire et de non-prolifération.
124. Cette déclaration reflète notre approche commune d’une nouvelle forme d’action conjointe pour soutenir le recours accru à l’énergie nucléaire et la mise en œuvre des initiatives antérieures dans le domaine des approches multilatérales du cycle du combustible nucléaire.
125. Pour atteindre les objectifs énoncés dans la déclaration, nous proposons des activités visant notamment à soutenir les approvisionnements des réacteurs nucléaires modernes, promouvoir le développement de l’infrastructure nécessaire à l’énergie nucléaire, et soutenir l’accès aux ressources financières pour la construction de centrales nucléaires – y compris aux prêts des organismes internationaux de crédit –, soutenir les approvisionnements garantis en combustible nucléaire, et fournir une assistance pour la gestion du combustible nucléaire usé.
126. Il faut souligner une fois encore que notre but est de donner à tous les Etats qui ont l’intention d’utiliser et de développer le nucléaire une occasion de choisir librement la stratégie du cycle du combustible nucléaire, y compris de tirer profit de l’énergie nucléaire sans créer leurs propres éléments du cycle du combustible nucléaire, qui est coûteux et comporte des risques pour la sûreté et la non-prolifération nucléaires.
127. En outre, la Russie appuie d’autres initiatives relatives au cycle du combustible nucléaire, dont l’initiative du Président des Etats-Unis sur le partenariat mondial pour l’énergie nucléaire et les propositions faites par le groupe des principaux fournisseurs d’uranium enrichi dans le cadre du mécanisme des approvisionnements garantis.

8. Innovations dans le domaine de l’énergie nucléaire

128. De toutes les technologies énergétiques innovantes, l’énergie nucléaire est l’option la plus réaliste, celle qui, en raison des progrès scientifiques et techniques dans ce domaine et de l’infrastructure développée, peut devenir dominante dans la production d’énergie au XXIe siècle et assurer le développement humain durable.
129. Actuellement, de nombreux pays dotés de l’énergie nucléaire mettent en œuvre des programmes visant à donner du nucléaire une image acceptable à la fois par les producteurs et les consommateurs, élaborent les principes, exigences et critères applicables à sa création et son fonctionnement dans l’avenir, et définissent et lancent les activités de recherche et développement nécessaires.
130. L’énergie nucléaire innovante sera fondée sur des principes différents des principes caractéristiques de l’énergie nucléaire moderne, qui repose sur des technologies d’approvisionnement en combustible, de production d’électricité et de gestion du combustible nucléaire usé distinctes et indépendantes les unes des autres.
131. L’énergie nucléaire innovante regroupera toutes les opérations du cycle du combustible en une boucle technologiquement fermée, ce qui permettra de résoudre deux problèmes majeurs: celui de la provenance du combustible et celui de la gestion des déchets nucléaires.
132. Quelle est l’option la plus réaliste aujourd’hui pour fournir de l’énergie au développement durable de la civilisation?
133. La matière première la plus riche en énergie que l’on connaisse aujourd’hui est l’uranium naturel. Les réserves mondiales d’uranium sont 10 fois supérieures aux réserves connues d’hydrocarbures – charbon, pétrole et gaz naturel réunis. Toutefois, les technologies de l’énergie nucléaire moderne fondées sur des réacteurs thermiques ne permettent d’utiliser qu’un seul isotope de l’uranium – U-235. L’uranium naturel, qui comprend divers isotopes, n’en contient pas plus de 0,7 %. Un autre composant, U-238, est 140 fois plus abondant, mais près de 90 % sont mis au rebut dans les installations d’enrichissement, et 10 % constituent du combustible nucléaire usé, ce que l’on appelle souvent de façon imprécise des déchets nucléaires. En général, le système fondé sur les réacteurs thermiques ne peut extraire de l’énergie que de 0,5 % environ de tous les noyaux d’uranium naturel, et le développement intensif de ce type d’énergie nucléaire signifie que très bientôt (dans cinquante ans) nous n’aurons plus d’uranium.
134. L’un des principaux avantages des matières premières de l’énergie nucléaire est leur caractère renouvelable. Cela signifie qu’il est possible de produire de l’énergie et de régénérer le combustible en utilisant des réacteurs à neutrons rapides.
135. Actuellement, cette technologie est prête à être déployée à grande échelle, et dans ce domaine la Russie est à l’avant-garde.
136. Cela est confirmé en particulier par le succès du fonctionnement de réacteurs à neutrons rapides au sodium BR-10, BOR-60, BN-350 et BN-600. Ce dernier, qui le seul réacteur rapide commercial du monde, est exploité depuis plus de vingt-cinq ans par la centrale nucléaire de Biéloïarsk, dans l’Oural, où un réacteur plus puissant, le réacteur BN 800, est actuellement en construction.
137. Dans les réacteurs rapides, la totalité de l’uranium naturel et tous les déchets ultimes accumulés des entreprises d’enrichissement ainsi que les déchets nucléaires des réacteurs thermiques deviendront du combustible.
138. Il y a différents modes de développement; on peut construire un réacteur rapide, dont le cœur produit la quantité de combustible qu’il brûlera ensuite.
139. On peut aussi prévoir de générer plus de combustible encore dans une couverture spéciale autour du cœur, qui produira plus de plutonium qu’il n’en brûle. Le plutonium excédentaire peut être utilisé pour lancer de nouveaux réacteurs rapides.
140. Il y a en outre le thorium naturel, dont les réserves mondiales sont plusieurs fois supérieures aux réserves mondiales d’uranium. Avec des réacteurs rapides, cette ressource peut aussi être facilement utilisée dans l’énergie nucléaire innovante.
141. La réalisation de ces objectifs ambitieux dépendra de nombreux facteurs liés entre eux. En plus de la création et du développement des éléments fondamentaux d’une nouvelle plate-forme technologique pour l’énergie nucléaire innovante, il faudrait construire de nombreuses nouvelles installations industrielles et former pour elles de nouveaux spécialistes. Il faudrait déployer un tout nouveau système d’énergie nucléaire, qui aura un cycle du combustible en boucle fermée, sera sûr, produira peu de déchets, ménagera l’environnement et sera durable en termes de prolifération des armes nucléaires.
142. Tout cela demande du temps et des investissements considérables. L’investissement des revenus du pétrole et du gaz pourrait stimuler le développement d’une telle énergie. Dans ce cas, le monde pourrait disposer dans trente à cinquante ans d’une source pratiquement inépuisable d’énergie pour une période historique de plusieurs milliers d’années.

8.1. Le Projet international de l’AIEA sur les réacteurs nucléaires et les cycles du combustible innovants (INPRO)

143. Pour élaborer les principes, les exigences et les critères applicables à la création future et au fonctionnement d’une énergie nucléaire innovante, des activités de coopération internationale ont été lancées et développées.
144. Au Sommet du millénaire (6 septembre 2000, Etats-Unis d’Amérique), le Président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine a proposé une initiative sur le développement durable de l’humanité et les moyens radicaux d’aborder les questions de non-prolifération des armes nucléaires et la protection de l’environnement de la planète Terre.
145. L’initiative russe a été mise en œuvre par l’intermédiaire du Projet international de l’AIEA sur les réacteurs nucléaires et les cycles du combustible innovants, qui regroupe actuellement 28 pays, y compris les principaux leaders dans le domaine de l’énergie nucléaire mondiale que sont les Etats-Unis d’Amérique, la France, le Japon et la Commission européenne. Des pays au développement dynamique comme la Chine et l’Inde ont pris une part active au projet presque dès son lancement.
146. INPRO vise à développer des systèmes d’énergie nucléaire et des cycles du combustible nucléaire innovants qui excluent l’utilisation de plutonium et d’uranium hautement enrichi, ainsi que les technologies d’enrichissement et de traitement sensibles en termes de prolifération des armes nucléaires.
147. Le projet a été largement soutenu dans le monde entier, comme en témoignent les résolutions pertinentes de la Conférence générale de l’AIEA et de l’Assemblée générale des Nations Unies, ainsi que les documents du Sommet du G8 de Saint-Pétersbourg.
148. INPRO devrait permettre à l’énergie nucléaire de contribuer de façon adéquate à la satisfaction de la demande croissante d’énergie au XXIe siècle.
149. INPRO permettra aussi de contribuer à la base scientifique et technique nécessaire pour atteindre les objectifs énoncés dans l’initiative du Président russe sur le développement d’une infrastructure mondiale de l’énergie nucléaire (2006), et les principes du partenariat mondial pour l’énergie nucléaire.
150. Le Projet international sera l’occasion d’unir tous les pays participants concernés, dont les pays dotés de la technologie nucléaire et les utilisateurs de cette technologie, pour qu’ils examinent ensemble les moyens de satisfaire la demande énergétique et de faciliter la mise en œuvre d’initiatives internationales visant à développer et étendre l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins civiles dans le strict respect du régime de non-prolifération nucléaire.
151. Nous voyons dans INPRO le point de départ de l’identification commune des mesures internationales et nationales nécessaires pour l’élaboration et le déploiement de systèmes d’énergie nucléaire et l’utilisation de technologies avancées et économiquement compétitives, caractérisées par une sûreté accrue et un risque minimal de prolifération et d’effets négatifs sur l’environnement dans le processus d’innovation.
152. Le recours accru à l’énergie nucléaire comme source fiable pour satisfaire la demande croissante d’énergie dans les pays en développement demande la résolution d’un certain nombre de tâches:
  • l’élaboration d’exigences communes pour les utilisateurs à l’égard de la technologie nucléaire et de l’infrastructure dans les pays consommateurs;
  • le soutien à la coopération internationale pour rechercher et mettre en œuvre des solutions innovantes satisfaisant aux nouvelles exigences à l’égard de la technologie nucléaire;
  • la promotion de la mise en place d’infrastructures et de la formation de personnel;
  • le soutien aux approches régionales;
  • la participation à la création de centres internationaux du cycle du combustible nucléaire et le contrôle de ces centres;
  • l’assurance d’approvisionnements garantis.
153. Les innovations dans le domaine de l’énergie nucléaire au stade de son développement et l’extension de son utilisation appellent une approche responsable et structurée.
154. Pour atteindre cet objectif, on peut mettre au point une méthode, une sorte de norme internationale pour l’évaluation systématique de solutions et de scénarios en matière d’énergie nucléaire aux niveaux national, régional et mondial, tenant compte de tous les aspects critiques du développement de l’énergie nucléaire (sûreté, respect de l’environnement, bon rapport coût/efficacité, résistance à la prolifération, etc.), ainsi que des réalisations actuelles et des solutions technologiques potentiellement intéressantes.
155. L’application de cette méthode pourra faciliter la prévision du développement national et régional de l’énergie nucléaire, l’identification des options optimales et des difficultés possibles, et fournir aux pays des recommandations actualisées sur l’évaluation et la prévention des risques, etc.

8.2. Le projet International Thermonuclear Experimental Reactor (ITER)

156. De tous les systèmes nucléaires innovants, le projet International Thermonuclear Experimental Reactor (ITER) mérite une attention spéciale.
157. On ne saurait sous-estimer l’importance du projet ITER, considéré à juste titre comme un moyen réel de maîtriser une nouvelle source d’énergie dans l’intérêt de toute l’humanité.
  • L’énergie thermonucléaire est attractive en raison du caractère quasi inépuisable des ressources en combustible et de son respect de l’environnement. Le combustible des réacteurs thermonucléaires (isotopes de l’hydrogène) existe en quantité illimitée.
  • L’énergie thermonucléaire est plus sûre que l’énergie nucléaire. Elle ne comporte pas de risques du type de l’accident de Tchernobyl ou de fuites de substances radioactives, du fait qu’elle est fondée sur la synthèse, et non sur la fission, et ne peut donc donner lieu à des réactions en chaîne.
  • Les premiers modèles de système ayant recours au confinement magnétique du plasma, les tokamaks, qui ont servi de base au projet ITER, ont été mis au point par des scientifiques russes. Le tokamak (chambre toroïdale à confinement magnétique) est le seul modèle de réacteur thermonucléaire qui a survécu (sur les 114 proposés par des physiciens du monde entier).
  • Le concept de tokamak a été testé par les experts de l’institut Kourtchatov et a été qualifié de succès. Les réalisations des scientifiques russes dans le domaine des supraconducteurs et des méthodes originales de chauffage fin des électrons du plasma ont également joué un rôle important dans le projet ITER.
158. Les centrales thermonucléaires impliquent toutefois une conception et des technologies extrêmement complexes. ITER entrera dans l’histoire en tant que projet mondial ambitieux mis en œuvre par les efforts concertés de toute la civilisation. Par son ampleur intellectuelle et financière, il l’emporte même sur la Station spatiale internationale. A l’intérieur d’un réacteur thermonucléaire, il faut maintenir une température constante de 150 millions de degrés centigrades (la température à l’intérieur du Soleil n’est que de 20 millions de degrés). C’est à cette température du plasma que les isotopes de l’hydrogène brûlent sans laisser de déchets radioactifs ultimes. En même temps, la quantité d’énergie produite par unité de combustible thermonucléaire est 10 millions de fois supérieure à celle qui est produite par la fission des noyaux d’uranium dans les réacteurs des centrales nucléaires.
159. ITER est conçu pour surmonter le dernier obstacle sur la voie de la création de la première centrale thermonucléaire qui résoudra les problèmes énergétiques auxquels est confrontée l’humanité.
160. C’est la mise en œuvre de projets innovants tels qu’INPRO et ITER qui peut apporter une solution assurant la sécurité énergétique mondiale et le développement humain durable.

9. Conclusions

161. Il y a aujourd’hui un intérêt croissant pour l’énergie nucléaire en tant que moyen d’assurer l’approvisionnement énergétique pour le développement durable du monde. Le développement du nucléaire permettra à l’humanité de résoudre l’un des problèmes mondiaux les plus urgents, le problème du changement climatique. Le développement innovant de l’énergie nucléaire permettra de disposer d’une source d’énergie renouvelable qui pourra satisfaire les besoins croissants de l’humanité. En même temps, l’utilisation à grande échelle de l’énergie nucléaire au XXIe siècle se heurtera non seulement aux obstacles systémiques et technologiques qui caractérisent l’énergie nucléaire moderne, mais aussi à des restrictions politiques, infrastructurelles et économiques.
162. Pour surmonter ces obstacles et résoudre le problème du soutien énergétique d’ensemble au développement durable, il faudra construire l’infrastructure mondiale de l’énergie nucléaire sur la base d’une nouvelle plate-forme technologique innovante, et construire des centres internationaux fournissant des services du cycle du combustible nucléaire dans le cadre des garanties de l’AIEA (enrichissement de l’uranium, gestion du combustible nucléaire usé, et formation du personnel).
163. Il est impossible de jeter les bases de l’infrastructure de l’énergie nucléaire mondiale sans une plus large coopération internationale et la participation active de tous les pays concernés.

Commission chargée du rapport: commission de l’environnement, de l’agriculture et des questions territoriales

Renvois en commission: Doc. 11198 et Renvoi 3333 du 16 avril 2007

Projet de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 29 avril 2009

Membres de la commission: M. Alan Meale (Président), Mme Maria Manuela de Melo (1re Vice-Présidente), M. Juha Korkeaoja (2e Vice-Président), M. Cezar Florin Preda (3e Vice-Président), M. Remigijus Ačas, M. Ruhi Açikgöz, M. Artsruni Aghajanyan, M. Miloš Aligrudić, M. Alejandro Alonso Nùñez (remplaçant: M. Gabino Puche Rodriguez Acosta), M. Gerolf Annemans, M. Miguel Arias Cañete (remplaçant: M. Pedro María Azpiazu Uriarte), M. Alexander Babakov, Mme Guðginnz S. Bjarnadóttir, M. Ivan Brajović, Mme Elvira Cortajarena Iturrioz, M. Veleriu Cosarciuc, M. Vladimiro Crisafulli, M. Taulant Dedja, M. Hubert Deittert, M. Karl Donabauer (remplaçant: M. Alexander van der Bellen), M. Miljenko Dorić, M. Gianpaolo Dozzo, M. Tomasz Dudziński, M. József Ékes, M. Savo Erić, M. Bill Etherington, M. Nigel Evans, M. Joseph Falzon, M. Ivàn Farkas, M. Relu Fenechiu (remplaçant: M. Ionuţ-Marian Stroe), Mme Eva Garcia Pastor, M. Zahari Georgiev, M. Peter Götz, M. Rafael Huseynov, M. Jean Huss, M. Fazail Ibrahimli, M. Ivan Ivanov, M. Igor Ivanovski, M. Bjørn Jacobsen, Mme Danuta Jazłowiecka, M. Stanisław Kalemba, M. Guiorgui Kandelaki (remplaçant: M. Paata Davitaia), M. Haluk Koç, M. Dominique Le Mèner (remplaçant: M. Jean-François Le Grand), M. Anastasios Liaskos, M. François Loncle (remplaçante: Mme Maryvonne Blondin), M. Aleksei Lotman, Mme Kerstin Lundgren, M. Theo Maissen, M. Yevhen Marmazov, M. Bernard Marquet, M. José Mendes Bota, M. Peter Mitterer, M. Pier Marino Mularoni, M. Adrian Năstase, M. Pasquale Nessa, M. Tomislav Nikolić, Mme Carina Ohlsson (remplaçant: M. Kent Olsson), M. Joe O’Reilly, M. Germinal Peiro (remplaçant: M. Alain Cousin), M. Ivan Popescu, M. René Rouquet, Mme Anta Rugāte, M. Giacinto Russo, M. Fidias Sarikas, M. Leander Schädler, M. Hermann Scheer, M. Mykola Shershun, M. Hans Kristian Skibby, M. Ladislav Skopal, M. Rainder Steenblock, M. Valeriy Sudarenkov, M. Vilmos Szabo, M. Vyacheslav Timchenko, M. Bruno Tobback, M. Nikolay Tulaev, M. Tomas Úlehla, M. Mustafa Ünal, M. Henk van Gerven (remplaçant: M. Paul Lempens), M. Peter Verlič (remplaçant: M. Jakob Presečnik), M. Rudolf Vis, M. Harm Evert Waalkens, M. Hansjörg Walter (remplaçante: Mme Francine John-Calame), Mme Roudoula Zissi

N.B. Les noms des membres ayant participé à la réunion sont indiqués en gras

Secrétariat de la commission: Mme Nollinger, M. Torcătoriu et Mme Karanjac