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Rapport | Doc. 11962 | 22 juin 2009

Le fonctionnement des institutions démocratiques en Arménie

Commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)

Corapporteur : M. John PRESCOTT, Royaume-Uni, SOC

Corapporteur : M. Georges COLOMBIER, France, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Résolution n° 1115 (1997). 2009 - Troisième partie de session

Résumé

Le présent rapport note que, grâce aux efforts de l’Assemblée parlementaire et d’autres instances du Conseil de l’Europe, et également à l’excellente coopération avec la délégation arménienne auprès de l’Assemblée ces quinze derniers mois, les autorités arméniennes ont accompli certaines avancées vers le respect des exigences de l’Assemblée:

  • les modifications controversées de la loi relative à la tenue de réunions, d’assemblées, de rassemblements et de manifestations ont été abrogées;
  • une enquête sur les événements des 1er et 2 mars 2008 a été ouverte;
  • d’importants changements ont été apportés aux dispositions du Code pénal qui posaient problème;
  • et plusieurs réformes recommandées par l’Assemblée ont été engagées.

Ce processus a aujourd’hui pour point d’orgue une amnistie grâce à laquelle, sinon la totalité, la plupart du moins des personnes privées de liberté en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008 seront libérées. Parallèlement, la commission de suivi note que le groupe d’enquête chargé d’établir les faits en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008 et leurs circonstances a été dissous en raison de tensions insurmontables entre ses membres et considère que la dissolution du groupe d’enquête ne devrait pas venir entraver la conclusion d’une enquête indépendante et crédible demandée par l’Assemblée. Par conséquent, même si la déclaration d’amnistie signifie que les autorités ont accédé à une exigence essentielle de l’Assemblée et, surtout, que l’Arménie a franchi une étape décisive sur la voie de la normalisation politique et de la résolution de la crise, la commission de suivi note que ces succès ne doivent pas être considérés comme marquant la fin du processus. La commission de suivi devrait soutenir et accompagner pleinement ce processus dans le cadre de la procédure de suivi régulière de l’Assemblée concernant l’Arménie.

A. Projet de résolution

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1. Dans sa Résolution 1643 (2009), adoptée le 27 janvier 2009, sur la «mise en œuvre par l’Arménie des Résolutions 1609 (2008) et 1620 (2008)», l’Assemblée parlementaire a estimé que, si elle demeurait insatisfaite et profondément préoccupée par la situation des personnes privées de liberté en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008, de récentes initiatives des autorités et, en particulier, l’initiative prise par l’Assemblée nationale d’Arménie de réviser les articles 225 et 300 du Code pénal conformément aux normes du Conseil de l’Europe, devaient être considérées comme un signe de la volonté des autorités arméniennes de satisfaire aux demandes formulées par l’Assemblée dans ses résolutions antérieures. L’Assemblée a décidé de rester saisie de la question et a invité sa commission de suivi à examiner de près la mise en œuvre des résolutions pertinentes de l’Assemblée et à proposer à l’Assemblée toute mesure supplémentaire que la situation imposerait de prendre.
2. L’Assemblée estime que les demandes et les recommandations figurant dans ses Résolutions 1609 (2008), 1620 (2008) et 1643 (2009) constituent une feuille de route concrète et réaliste en vue du règlement de la crise politique qui a éclaté en Arménie après l’élection présidentielle de février 2008. Ces demandes et recommandations gardent donc toute leur validité.
3. L’Assemblée se félicite de l’adoption, le 18 mars 2009, des modifications des articles 225 (émeutes) et 300 (usurpation de pouvoir) du Code pénal arménien, lesquelles, de l’avis de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), représentent généralement un progrès par rapport aux dispositions précédentes, en ce qu’elles réduisent les possibilités d’en donner une interprétation abusive ou trop large. Elle prend note de l’impact important de ces modifications sur la situation des personnes qui sont privées de liberté en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008 et dont le procès n’est pas terminé. Elle relève cependant que ces modifications n’ont aucun effet sur d’autres cas considérés par l’Assemblée comme étant particulièrement préoccupants, tels que les cas des personnes qui ont été inculpées ou condamnées uniquement sur la base de témoignages de la police, en l’absence de preuves irréfutables.
4. De l’avis de l’Assemblée, la libération de toutes les personnes privées de liberté en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008 qui n’ont pas commis à titre personnel d’actes de violence graves formerait seule la base nécessaire à l’ouverture du dialogue et à la reconsolidation permettant de surmonter la crise politique consécutive à l’élection présidentielle de février 2008. De plus, leur libération répondrait aux préoccupations et aux demandes de l’Assemblée en ce domaine.
5. C’est pourquoi l’Assemblée se réjouit de la proposition d’amnistie générale soumise à l’Assemblée nationale par le Président arménien le 16 juin 2009 et de son adoption rapide par l’Assemblée nationale le 19 juin 2009. Concernant cette amnistie, l’Assemblée:
5.1. se réjouit qu’elle s’applique explicitement aux personnes privées de liberté en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008 qui n’ont pas été inculpées de crimes violents ou qui n’ont pas été condamnées à des peines de prison de plus de 5 ans. Pour les autres cas, les peines qui sont encore à exécuter seront réduites de moitié;
5.2. note que, en vertu de cette amnistie, sinon la totalité, la plupart du moins des personnes privées de liberté en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008 seront libérées;
5.3. note que l’amnistie s’appliquera uniquement aux personnes déjà jugées par les tribunaux. Dans les affaires actuellement en instance devant les tribunaux, l’amnistie ne prendra effet qu’une fois les procédures judiciaires terminées. Préoccupée par les retards qui pourraient intervenir dans les affaires encore en instance devant les tribunaux, l’Assemblée demande aux autorités de libérer maintenant ces personnes dans l’attente de la fin de leur procès;
5.4. note que l’amnistie s’appliquera aussi aux personnes inculpées en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008 qui sont actuellement en fuite, après l’achèvement de leurs procès, si elles se présentent elles-mêmes aux autorités avant le 31 juillet 2009. L’Assemblée demande instamment aux autorités, en vue d’une application possible de l’amnistie après l’achèvement de leurs procédures judiciaires, d’autoriser les personnes concernées à rester libres pendant la durée de leurs procès.
6. L’Assemblée note qu’il reste possible d’engager des actions civiles en responsabilité à l’encontre des personnes condamnées en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008, notamment de celles qui ont été reconnues coupables d’avoir organisé des émeutes. A cet égard, elle craint que l’engagement d’actions civiles par les pouvoirs publics ne compromette l’objet de l’amnistie, et appelle les autorités à faire en sorte qu’aucune action de ce type ne soit engagée par des autorités civiles.
7. Concernant l’enquête indépendante, impartiale et crédible sur les événements des 1er et 2 mars 2008, et les circonstances qui les ont déclenchés, l’Assemblée regrette l’interruption des travaux du groupe d’experts indépendant chargé d’établir les faits en relation avec ces événements (le groupe d’enquête), provoquée par les tensions insurmontables entre ses membres et la politisation de ses travaux par des membres des deux parties. A cet égard, l’Assemblée:
7.1. estime qu’une enquête indépendante, impartiale et crédible sur les événements des 1er et 2 mars, et leurs circonstances, reste nécessaire, et demande donc une nouvelle fois que cette enquête soit menée conformément aux critères définis par l’Assemblée, malgré la dissolution du groupe d’enquête;
7.2. appelle les membres du groupe d’enquête à présenter leurs constatations et conclusions, peut-être sous la forme de rapports individuels, à la Commission d’enquête parlementaire ad hoc, et préconise que cet ensemble de constatations et de conclusions soient publiées, comme le prévoit le décret présidentiel portant création du groupe d’enquête;
7.3. estime que le rapport final de la Commission d’enquête parlementaire ad hoc déterminera si les critères d’impartialité et de crédibilité ont été remplis et si d’autres investigations sont nécessaires.
8. L’Assemblée est vivement préoccupée par le fait que l’enquête du Procureur général sur les dix décès intervenus n’ait pas encore donné de résultats concrets, et juge essentiel que cette enquête soit menée à terme de manière satisfaisante et sans plus tarder. A cet égard, elle se réjouit de la décision du Président arménien de demander au Procureur général de soumettre un compte rendu complet de ses investigations à la Commission d’enquête parlementaire ad hoc, pour examen.
9. Malgré des changements positifs apportés à la loi relative à la tenue de réunions, d’assemblées, de rassemblements et de manifestations, l’Assemblée note que les demandes déposées en vue de l’organisation de rassemblements continuent à être souvent rejetées par les autorités pour des raisons techniques, ou que ces rassemblements sont soumis à des restrictions injustifiées. Elle appelle donc une nouvelle fois les autorités à respecter le principe de la liberté de réunion dans la pratique, et à mettre en œuvre toutes les recommandations résultant du projet qui est mené conjointement par le Conseil de l’Europe et l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) et consiste à suivre l’application de la loi modifiée relative aux rassemblements et manifestations.
10. Concernant la réforme des médias, l’Assemblée se félicite de l’adoption, le 28 avril 2009, de modifications de la loi sur la radio et la télévision, qui ont été élaborées en étroite consultation avec le Conseil de l’Europe et sont destinées à garantir l’indépendance des organismes de réglementation des médias en Arménie. S’agissant de ces modifications, l’Assemblée:
10.1. note que la procédure de nomination des membres désignés par le Président arménien pour siéger à la Commission nationale de la radio et de la télévision et au Conseil de la télévision et de la radiodiffusion publiques n’est pas définie par la loi, et recommande que le Président arménien prenne un décret visant à établir une procédure de nomination semblable à la procédure applicable aux membres désignés par l’Assemblée nationale. L’Assemblée estime que, malgré les changements positifs apportés à la loi, ces organismes ne pourront pas être considérés comme étant pleinement indépendants tant que tous leurs membres n’auront pas été nommés selon une procédure politiquement neutre;
10.2. rappelle la position qu’elle a adoptée dans la Résolution 1609 (2008), selon laquelle la composition de ces deux organismes de réglementation des médias devrait être représentative de la société arménienne. Elle invite donc l’Assemblée nationale à envisager d’autres modifications à cette fin;
10.3. recommande d’interdire aux hommes politiques en activité d’être membres de ces organismes.
11. Concernant la mise en place d’une procédure ouverte, équitable et transparente de délivrance des licences de radiodiffusion, l’Assemblée note que des discussions sont en cours entre les autorités arméniennes et le Conseil de l’Europe sur la base d’un rapport établi par un analyste indépendant. Elle réaffirme sa position selon laquelle il ne faudrait pas tirer prétexte des implications techniques de l’introduction de la radiodiffusion numérique en Arménie pour ajourner indûment la mise en place d’une telle procédure, et donc l’exécution de l’arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire portant sur le refus d’accorder une licence de radiodiffusion à la chaîne de télévision A1+.
12. Concernant les élections au Conseil municipal d’Erevan du 31 mai 2009, l’Assemblée prend note des conclusions de la mission d’observation du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe. Toutefois, les nombreuses allégations faisant état de fraudes et de violations de grande ampleur lors de ces élections démontrent que la confiance de l’opinion publique à l’égard du processus électoral reste très faible en Arménie. Cet état de choses, ainsi que les manquements et les violations observés, vient souligner le fait que la réforme électorale doit maintenant être une priorité pour les autorités.
13. L’Assemblée, réitérant ses demandes exprimées il y a plus d’un an dans sa Résolution 1609 (2008), demande instamment aux autorités arméniennes de mettre en œuvre sans tarder d’autres mesures de réforme de la police, dont l’instauration d’un mécanisme de contrôle public approprié, ainsi que de la justice, en vue d’assurer son indépendance.
14. En adoptant une amnistie générale pour les personnes privées de liberté en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008, les autorités arméniennes se sont conformées à une demande essentielle de l’Assemblée concernant la crise politique consécutive à l’élection présidentielle de février 2008. Cette initiative, ainsi que l’assurance donnée par les autorités qu’elles ont l’intention de conduire et de conclure une enquête impartiale et crédible sur ces événements et les circonstances qui les ont déclenchés, conformément aux demandes de l’Assemblée, est un signe clair de la volonté des autorités de surmonter la crise politique et ses conséquences, et d’ouvrir une nouvelle page du développement démocratique de l’Arménie.
15. L’Assemblée soutient fermement le processus de consolidation démocratique en Arménie et estime donc que l’évaluation de la mise en œuvre, par l’Arménie, des autres mesures demandées par l’Assemblée dans ses Résolutions 1609 (2008), 1620 (2008) et 1643 (2009) devrait s’inscrire dans le cadre de la procédure de suivi régulière menée par l’Assemblée à l’égard de l’Arménie. L’Assemblée invite sa commission de suivi à considérer comme une priorité, dans ce cadre, le respect par l’Arménie des résolutions susmentionnées, ainsi que de la présente résolution.

B. Exposé des motifs par M. Colombier et M. Prescott, corapporteurs

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1. Introduction

1. La crise politique qui a éclaté en Arménie après l’élection présidentielle du 19 février 2008 et dont le point culminant ont été les tragiques événements des 1er et 2 mars 2008 a été suivie de près par l’Assemblée parlementaire et a été au centre de la procédure de suivi engagée au titre de l’Arménie ces 15 derniers mois. Dans la Résolution 1609 (2008) qu’elle a adoptée le 17 avril 2008, l’Assemblée a énoncé quatre exigences concrètes en vue de résoudre la crise politique. C’est ainsi qu’elle a invité les autorités arméniennes:
  • à abroger, conformément aux recommandations de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), les amendements apportés le 17 mars 2008 à la loi relative à la tenue de réunions, assemblées, rassemblements et manifestations;
  • à engager immédiatement une enquête indépendante, transparente et crédible sur les événements du 1er mars 2008 et les circonstances qui les ont déclenchés;
  • à libérer toutes les personnes détenues sur la base d’accusations apparemment artificielles et politiquement motivées et qui, à titre personnel, n’ont commis ni actes de violence ni infractions graves;
  • à engager, avec toutes les forces politiques du pays, un dialogue ouvert et sérieux sur les réformes du système politique, du processus électoral, de la liberté et du pluralisme des médias, de la liberté de réunion, de l’indépendance du judiciaire et du comportement de la police, que l’Assemblée avait demandées au paragraphe 8 de la Résolution 1609 (2008).
2. Le 25 juin 2008, l’Assemblée a adopté la Résolution 1620 (2008) sur la mise en œuvre par l’Arménie, de la Résolution 1609 (2008). Dans cette Résolution, l’Assemblée considérait que, malgré la volonté politique manifestée par les autorités pour répondre aux demandes formulées dans la Résolution 1609 (2008), les progrès étaient insuffisants pour satisfaire aux exigences énoncées dans cette résolution. Par conséquent, l’Assemblée a décidé d’envisager la possibilité de suspendre le droit de vote de la délégation arménienne lors de sa partie de session de janvier 2009 si les conditions de la Résolution 1609 (2008), ainsi que celles énoncées dans la Résolution 1620 (2008), ne sont pas remplies d’ici là.
3. Sans préjudice des autres conditions énoncées par l’Assemblée, nos travaux se sont concentrés sur deux exigences qui doivent, à nos yeux, être résolues en priorité en vue de surmonter la crise politique, à savoir: engager une enquête indépendante, transparente et crédible sur les événements des 1er et 2 mars 2008 et les circonstances qui les ont déclenchés; ainsi que libérer toutes les personnes détenues sur la base d’accusations apparemment artificielles et politiquement motivées liées à ces événements.
4. Compte tenu de la controverse politique qui s’est fait jour autour des événements des 1er et 2 mars, ainsi que des versions divergentes auxquels ils ont donné lieu, il est crucial d’engager une enquête indépendante, transparente et crédible en vue d’établir la vérité sur ce qui s’est réellement passé les 1er et 2 mars 2008 ainsi que sur les circonstances qui ont déclenché les événements en question. Cette vérité est essentielle au processus de réconciliation entre les différentes forces politiques du pays. De plus, ce n’est qu’une fois que la vérité aura été établie que toutes les autorités et toutes les forces politiques concernées seront en mesure de s’attaquer aux causes profondes de la crise en vue de garantir que de tels événements ne se reproduiront pas à l’avenir.
5. D’autre part, comme nous l’indiquions dans de précédents rapports 
			(1) 
			Doc. 11656 (2008) et Doc.
11786 (2008), et comme l’indiquait également l’Assemblée dans sa Résolution 1620 (2008), la détention continue de partisans de l’opposition en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008 est un sujet de dispute qui continue de nuire aux relations entre les autorités et l’opposition, ce qui sape la possibilité d’instaurer un dialogue constructif sur les réformes demandées par l’Assemblée et, en fin de compte, sur la normalisation de la vie politique en Arménie. Par ailleurs, comme l’indiquait l’Assemblée dans sa Résolution 1643 (2009), la nature des accusations portées à l’encontre des partisans de l’opposition ainsi que les questions relatives aux procédures juridiques engagées contre eux, peuvent donner à penser qu’un nombre non négligeable de ces personnes ont été inculpées et emprisonnées pour des motifs politiques, ce qui risque d’avoir de graves conséquences si on ne s’attaque pas à ce problème.
6. Le 27 janvier 2009, l’Assemblée a adopté la Résolution 1643 (2009) sur la «mise en œuvre par l’Arménie, des Résolutions 1609 (2008) et 1620 (2008)». Dans cette Résolution, l’Assemblée indiquait qu’elle demeurait insatisfaite et profondément préoccupée par la situation des personnes privées de leur liberté à la suite des événements des 1er et 2 mars 2008. Elle considérait néanmoins que les mesures prises par les autorités en vue de l’ouverture d’une enquête indépendante, transparente et crédible, les grâces accordées par le Président de l’Arménie ainsi que l’initiative prise par le Président de l’Assemblée nationale de réviser les articles 225 et 300 du Code pénal constituent une indication de la volonté des autorités arméniennes de satisfaire aux demandes formulées par l’Assemblée dans ses Résolutions 1609 (2008) et 1620 (2008). C’est la raison pour laquelle l’Assemblée avait décidé, à ce stade, de ne pas suspendre les droits de vote des membres de la délégation arménienne auprès de l’Assemblée parlementaire et avait invité la commission de suivi de l’Assemblée à examiner, sur une base permanente, les progrès réalisés par les autorités arméniennes dans la mise en œuvre des résolutions pertinentes de l’Assemblée et de proposer toute mesure supplémentaire que la situation lui imposerait de prendre.
7. Lors de la réunion qu’elle a tenue à Valence les 30 et 31 mars 2009 et lors de celle qu’elle a tenue à Strasbourg du 27 au 29 avril 2009, la commission de suivi a examiné les progrès effectués par l’Arménie pour ce qui concerne la mise en œuvre des résolutions pertinentes de l’Assemblée. A ces deux occasions, nous nous sommes félicités des modifications apportées aux problématiques articles 225 et 300 du Code pénal arménien, lesquelles, de l’avis de la Commission de Venise, constituent une nette amélioration de la loi en ce qu’elles réduisent les possibilités d’en donner une interprétation abusive ou trop large. Toutefois, lors de ces réunions, nous avons également souligné que ce qui comptera en définitive, lorsque l’Assemblée évaluera le respect par les autorités arméniennes des demandes qu’elle a exprimées dans ses Résolutions 1609 (2008), 1620 (2008) et 1643 (2009), ce sera l’impact de ces changements sur la libération des personnes détenues en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008. Suite aux discussions qu’elle a eues sur les développements intervenus récemment en Arménie, la commission de suivi a, lors de la réunion qu’elle a tenue à Strasbourg du 27 au 29 avril 2009, décidé de demander au Bureau de l’Assemblée d’inscrire au calendrier de sa partie de session de juin la question du fonctionnement des institutions démocratiques en Arménie.
8. Le présent rapport a pour objet de faire le bilan des développements intervenus récemment eu égard à la mise en œuvre par les autorités arméniennes des demandes formulées par l’Assemblée à propos de la résolution de la crise politique qui a éclaté après l’élection présidentielle de 2008. Pour les travaux que nous avons accomplis au cours de ces quinze derniers mois, nous nous sommes fondés sur la conviction selon laquelle la meilleure façon de garantir la mise en œuvre des changements et des réformes demandés par l’Assemblée, dans l’intérêt de l’Arménie, est d’entretenir un dialogue ouvert et constructif avec les autorités arméniennes, notamment avec son parlement. Parallèlement, nous avons toujours précisé que nous n’hésiterons pas à demander des sanctions si ce dialogue n’est pas couronné de succès et s’il apparaît que les autorités manquent de la volonté politique nécessaire pour satisfaire aux demandes de l’Assemblée.
9. Dans notre évaluation, cette approche s’est révélée globalement positive. Résultat de cette volonté de dialogue ainsi que des efforts déployés par d’autres institutions du Conseil de l’Europe et notamment par le Commissaire aux droits de l’homme et la Commission de Venise – avec lesquels nous avons travaillé en étroite coopération au cours de ce processus – des progrès ont été accomplis et des initiatives ont été et sont prises par les autorités en vue de satisfaire aux demandes de l’Assemblée. Les progrès sur les questions qui nous occupent ont par moments été bien lents et nous regrettons que, de temps à autre, les autorités semblaient être disposées à agir uniquement sous la pression de l’Assemblée et sous la menace de sanctions.
10. Des progrès ont toutefois été accomplis ces quinze derniers mois, avec pour point d’orgue l’adoption par l’Assemblée nationale, le 19 juin 2009, d’une déclaration d’amnistie générale soumise par le Président de l’Arménie à l’Assemblée nationale le 16 juin 2009. En conséquence, sinon la totalité, la plupart du moins des personnes privées de liberté en liaison avec les événements des 1er et 2 mars 2008 ont été libérées. Si la libération de ces personnes ne marque pas l’aboutissement du processus de résolution de la crise politique consécutive à l’élection présidentielle de février 2008, et si d’autres actions demeurent nécessaires à cet égard, les autorités, par l’adoption de cette déclaration d’amnistie, ont non seulement répondu à une exigence cruciale de l’Assemblée mais, surtout, elle a ouvert un nouveau chapitre dans la normalisation de la vie politique arménienne.
11. D’autres développements importants sont intervenus à l’échelon interne pendant les trois derniers mois, qui ont modifié le paysage politique de l’Arménie.
12. Le 15 mars 2009, le Congrès national arménien (HAK), la coalition des partis d’opposition soutenant M. Levon Ter-Petrossian, a annoncé qu’il participera aux élections municipales d’Erevan qui se tiendront le 31 mai 2009, et a nommé son président, M. Levon Ter-Petrossian, candidat à la fonction de maire d’Erevan. De plus, les membres de la coalition au pouvoir ont décidé de participer aux élections municipales en tant que partis distincts.
13. Conformément à la loi sur l’administration locale d’Erevan, qui est entrée en vigueur en janvier 2009 à la suite des changements constitutionnels de 2005, le maire d’Erevan est élu au scrutin indirect. Le conseil municipal est élu au scrutin proportionnel et les têtes de liste de chaque parti sont également les candidats de ces partis au poste de maire d’Erevan. Le maire est alors élu par le conseil municipal nouvellement élu. Il convient de noter que la capitale héberge plus de 40 % de la population totale du pays et qu’elle est à l’origine de plus de la moitié de la production économique du pays. C’est la raison pour laquelle les élections municipales d’Erevan revêtent une dimension nationale.
14. Dans notre déclaration du 5 mai, nous nous sommes félicités de la candidature de M. Ter-Petrossian qui constitue un signal clair de la part du Congrès national arménien, lequel indique par là qu’il souhaite surmonter la crise politique et jouer son rôle de force politique au sein des institutions démocratiques du pays. Parallèlement, nous en avons appelé aux autorités et à tous les acteurs politiques pour qu’ils veillent à ce que ces élections soient entièrement conformes aux normes démocratiques du Conseil de l’Europe. Ces élections ont été observées, au nom du Conseil de l’Europe, par le Congrès des Pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe. Les partis de l’opposition ont allégué que les élections au Conseil municipal d’Erevan du 31 mai 2009 avaient été entachées de fraudes et de violations. Dans la déclaration qu’elle a publiée le lendemain du scrutin, la mission d’observation du Congrès a déclaré que «[sa] satisfaction de voir les citoyens élire leur conseil municipal a été tempérée par les manquements dans la conduite du scrutin». Les autorités ont reconnu que des irrégularités s’étaient produites, indiquant cependant qu’elles étaient localisées et n’avaient pas pesé sur le résultat global des élections. Le Procureur général a engagé des poursuites contre un certain nombre de personnes pour des fraudes électorales commises lors de ces élections.
15. Autre développement, la Fédération révolutionnaire arménienne (Dashnaktsutyun) a annoncé qu’elle quittait la coalition gouvernementale parce qu’elle désapprouve la signature, par l’Arménie et la Turquie, d’une feuille de route en vue de normaliser leurs relations. Cette décision a augmenté le nombre des partis composant l’opposition au sein de l’Assemblée nationale, qui s’en est trouvée globalement renforcée.
16. Du 15 au 18 juin 2009, dans la semaine qui a précédé la partie de session de juin de l’Assemblée, nous avons effectué une visite supplémentaire en Arménie afin d’évaluer les progrès réalisés par les autorités arméniennes concernant le respect des exigences de l’Assemblée. Lors de notre visite, nous avons rencontré notamment le Président de l’Arménie, le Président de l’Assemblée nationale, le ministre des Affaires étrangères, le Procureur général, le Défenseur des droits de l’homme de l’Arménie, le Président de la Commission d’enquête parlementaire ad hoc, le Président de la Commission permanente de l’Assemblée nationale sur la science, l’éducation, la culture, la jeunesse et le sport (responsable de la réforme des médias), les membres du groupe d’enquête dissous, le Président et les membres de la délégation nationale arménienne auprès de notre Assemblée, des représentants de l’opposition, parmi lesquels le dirigeant du Congrès national arménien, les avocats des dirigeants de l’opposition dont les affaires sont en cours d’examen devant les tribunaux, les familles des victimes des événements des 1er et 2 mars 2008, ainsi que des représentants de la société civile et des membres de la communauté diplomatique d’Erevan. Nous tenons à remercier l’Assemblée nationale d’Arménie, ainsi que le Représentant spécial du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe à Erevan, pour ce programme d’excellente qualité ainsi que l’hospitalité et l’assistance dont notre délégation a bénéficié. Nos constatations et conclusions sur cette visite sont contenues dans le présent exposé des motifs, qui modifie et actualise le texte examiné lors de la réunion de la commission de suivi tenue le 5 juin 2009 à Paris. Nous avons également préparé un avant-projet de résolution pour examen et adoption par la commission.

2. Mise en œuvre des exigences de l’Assemblée

2.1. Liberté de réunion

17. Dans sa Résolution 1620 (2008), l’Assemblée accueillait favorablement l’adoption des amendements à la loi relative à la tenue de réunions, assemblées, rassemblements et manifestations, conformément aux recommandations de la Commission de Venise et aux demandes de l’Assemblée. Toutefois, elle avait également exhorté les autorités arméniennes à garantir la liberté de réunion dans la pratique et donc à faire en sorte qu’aucune restriction injustifiée ne soit imposée aux rassemblements organisés par l’opposition dans le respect de la loi relative à la tenue de réunions, assemblées, rassemblements et manifestations, notamment au regard des lieux demandés.
18. Toutefois, comme mentionné dans notre précédent rapport 
			(2) 
			Doc. 11786 (2008), un certain nombre de manifestations demandées par l’opposition ont eu lieu sur la base d’un accord de dernière minute entre la police et les organisateurs et non sur celle d’une autorisation explicite de tenir le rassemblement de la part de l’administration municipale d’Erevan. De plus, un certain nombre de manifestations spontanées ont été dissoutes par la police. C’est la raison pour laquelle dans notre rapport nous avions instamment prié les autorités de tenir leur promesse et de veiller à ce que le droit fondamental à la liberté de réunion soit pleinement respecté en Arménie.
19. Malheureusement, les pratiques évoquées ci-dessus se sont poursuivies au cours de ces derniers mois, malgré les critiques de l’Assemblée. Le 9 février 2009, le Congrès national arménien a demandé au Conseil municipal arménien l’autorisation de tenir un rassemblement le 1er mars 2009, devant le Matenadaran au centre d’Erevan, en vue de commémorer les événements des 1er et 2 mars. Cette demande a été rejetée par le Conseil municipal qui a proposé, à l’instar de ce qu’il avait fait pour certains des rassemblements précédents, un autre lieu de réunion, à savoir un stade de football à Erevan. Cette proposition avait été rejetée par les organisateurs qui ont jugé le lieu de remplacement inadéquat. Les organisateurs qui estimaient que le rejet de leur demande n’avait pas été notifié dans le délai prévu par la loi et donc que la manifestation avait été autorisée, ont maintenu leur intention d’organiser ladite manifestation au centre d’Erevan, ce que la police a finalement autorisé mais sans l’autorisation explicite des autorités municipales d’Erevan. De plus, un certain nombre de «manifestations spontanées» de groupes de personnes demandant que le public puisse participer au rassemblement de l’opposition du 1er mars 2009 auraient été dissoutes par la police.
20. Nous avons connaissance d’un certain nombre d’autres cas dans lesquels les demandes des partis d’opposition d’organiser des manifestations et des réunions publiques avaient été rejetées par les autorités municipales de différentes localités pour des raisons qu’on pourrait estimer douteuses. Toutefois, nous regrettons que, dans la plupart des cas, sinon dans tous, les organisateurs de ces manifestations n’aient pas fait appel des décisions des autorités municipales devant les tribunaux 
			(3) 
			y compris
la décision des autorités municipales de ne pas autoriser le HAK
à organiser son rassemblement au centre d’Erevan le 1er mars
2009. , ce qui constitue pourtant un droit explicitement énoncé dans la loi relative à la tenue de réunions, assemblées, rassemblements et manifestations. Cela signifie concrètement que les tribunaux n’ont pas eu la possibilité de s’exprimer à propos de l’interprétation à donner de la loi relative à la tenue de réunions, assemblées, rassemblements et manifestations, et, en fin de compte, prévient toute possibilité pour la Cour européenne des droits de l’homme de se prononcer sur ces cas. Nous sommes bien sûr conscients qu’une éventuelle requête auprès de la Cour de Strasbourg n’affecterait pas la décision de refuser d’autoriser un rassemblement particulier, mais un possible arrêt de la Cour constituerait une importante ligne directrice à la fois pour les autorités et pour les organisateurs à propos de l’interprétation de la loi relative à la tenue de réunions, assemblées, rassemblements et manifestations en pleine conformité avec le droit à la liberté de réunion énoncé dans la Convention européenne des droits de l’homme. Par conséquent, nous encourageons les organisateurs qui se voient refuser leurs demandes à utiliser tous les moyens nationaux légaux à leur disposition pour contester le refus.

2.2. Enquête indépendante, transparente et crédible sur les événements du 1er mars 2008 et les circonstances qui les ont déclenchés

21. Le 16 juin 2008, l’Assemblée nationale arménienne a adopté une résolution dans laquelle elle constituait une Commission parlementaire ad hoc «chargée d’enquêter sur les événements des 1er et 2 mars 2008 ainsi que les circonstances qui les ont déclenchés». Toutefois, en raison de la composition de cette commission, dont la plupart des membres appartenaient à la coalition gouvernementale, et en raison du boycottage dont elle a fait l’objet de la part des forces loyales à M. Ter-Petrossian, le Commissaire aux droits de l’homme, ainsi que l’Assemblée, ont conclu qu’elle n’aurait pas, aux yeux de l’opinion arménienne, la crédibilité et l’impartialité requises. C’est la raison pour laquelle le Commissaire a proposé la création d’un petit groupe d’experts indépendants pour établir les faits en ce qui concerne les événements des 1er et 2 mars 2008 et les circonstances qui les ont déclenchés. Ce groupe devrait être composé sur la base de la parité entre l’opposition et la coalition gouvernementale et d’un consensus mutuel à propos de ses membres. La commission d’enquête parlementaire devrait alors être chargée de tirer les conclusions politiques en se fondant sur les résultats du groupe d’experts. Cette proposition a été acceptée par les autorités et l’opposition. Le groupe d’enquête, composé de deux membres nommés par la coalition gouvernementale, un membre nommé par le parti Héritage, un membre nommé par le Congrès national arménien et un membre nommé par le défenseur des droits de l’homme d’Arménie a été officiellement créé par décret présidentiel le 23 octobre 2008.
22. Au cours de la visite que nous avons effectuée en Arménie, nous avons rencontré, le 15 janvier 2009, les membres du groupe d’enquête. A cette date, nous craignions déjà qu’en raison de la controverse politique à propos de la situation des personnes privées de liberté à la suite des événements des 1er et 2 mars 2009 ainsi que de l’assertion émise à cette époque par les autorités, selon laquelle les événements des 1er et 2 mars 2008 avaient pour objet d’usurper le pouvoir et de renverser, dans la violence, l’ordre constitutionnel d’Arménie, les membres du groupe d’enquête, et plus particulièrement ceux nommés par l’opposition et le gouvernement, auraient du mal à mener leurs travaux avec la neutralité requise. De plus, malgré le fait que les travaux dudit groupe d’enquête devaient être menés de manière totalement confidentielle, on a observé des fuites vers la presse, qui trouvent leur origine chez les deux parties, à propos des enquêtes en cours au sein du groupe ont mis à rude épreuve les relations de travail entre les membres du groupe. Toutefois, nous espérons que ces derniers seront en mesure de surmonter ces difficultés et d’accomplir leurs tâches conformément au mandat énoncé dans le décret présidentiel.
23. Malheureusement, les travaux du groupe d’enquête se sont heurtés à de graves problèmes. Le 5 mai 2009, après que le contenu de son rapport à la Commission d’enquête parlementaire ad hoc eut été révélé à la presse d’opposition, M. Vahe Stepanian 
			(4) 
			Le Défenseur des droits
de l’homme a nommé M. Vahe Stepanian pour participer, au nom de
son Bureau, aux travaux du groupe d’enquête. Les membres du groupe
l’ont élu président lors de leur première réunion officielle. , président du groupe, a annoncé que lui-même ainsi que les membres nommés par la coalition gouvernementale allaient suspendre leur participation au groupe jusqu’au 18 mai 2009, afin de «prendre un peu de repos après des travaux difficiles». Le groupe d’enquête s’est à nouveau réuni le 17 mai 2009 mais a suspendu ses travaux quelques jours plus tard, M. Vahe Stepanian ayant annoncé, le 20 mai 2009, sa démission en raison des tensions insurmontables qui paralysent les travaux du groupe et du fait qu’il n’était plus en mesure de concilier les différentes parties. Bien que le Défenseur des droits de l’homme se soit déclaré prêt à nommer un nouveau membre du groupe, celui-ci a véritablement cessé de travailler à partir de ce moment et il a été dissous par décret présidentiel le 9 juin 2009. Les documents collectés par le groupe d’enquête ont par la suite été soumis à la Commission d’enquête parlementaire ad hoc.
24. Les véritables raisons de la dissolution du groupe d’enquête sont controversées. Les autorités en font porter la seule responsabilité aux membres du groupe représentant l’opposition qui, selon eux, ont politisé ses travaux et essayé, plutôt que d’établir des faits, d’endosser le rôle de la police et du ministère public. De leur côté, les membres de l’opposition affirment que les autorités ont décidé de dissoudre le groupe d’enquête lorsqu’il est devenu clair qu’il mettait au jour des éléments qui remettaient gravement en cause la version officielle des événements des 1er et 2 mars 2008. En outre, les membres du groupe représentant l’opposition affirment que les autorités ont toujours été réticentes à coopérer pleinement avec le groupe et à lui fournir toutes les informations qu’il demandait. Selon eux, cette attitude est une autre preuve que les autorités n’ont jamais sincèrement souhaité que l’enquête aboutisse.
25. Lors de notre rencontre avec le Défenseur des droits de l’homme et le Président du groupe d’enquête dissous, l’un et l’autre ont déclaré que les représentants nommés par les autorités et par l’opposition avaient la même part de responsabilité dans la politisation des travaux du groupe. Ils nous ont indiqué, en conclusion, que ces membres avaient continué de travailler en tant que représentants des forces politiques qui les avaient désignés, plutôt qu’en tant qu’experts indépendants, comme le prévoyait le décret instituant le groupe d’enquête. Ils ont regretté, à cet égard, le faible niveau de professionnalisme des membres désignés par les deux camps.
26. Lors de notre rencontre avec les anciens membres du groupe d’enquête, les tensions insurmontables qui les opposaient et la volonté permanente de part et d’autre de politiser les débats étaient clairement visibles. De notre point de vue, il est par conséquent difficile d’imaginer que le groupe d’enquête, sous cette forme, aurait pu accomplir sa mission avec le professionnalisme et l’impartialité qui leur étaient demandés. Cela étant, nous ne pouvons que regretter la rapidité et la manière avec lesquelles les autorités ont dissous le groupe d’enquête, sans qu’il y ait eu de véritable concertation avec l’opposition lorsque des problèmes sont apparus au sein du groupe. Cette attitude risque de renforcer les soupçons, au sein de l’opinion publique arménienne, selon lesquels les autorités auraient dissous le groupe d’enquête lorsque ses conclusions commençaient à devenir embarrassantes pour le pouvoir.
27. L’enquête indépendante, transparente et crédible sur les événements du 1er et 2 mars 2008, et les circonstances qui les ont déclenchés, est l’une des exigences-clés formulées par l’Assemblée. Nous soulignons, à cet égard, qu’une enquête indépendante, transparente et crédible sur les événements des 1er et 2 mars 2008, et les circonstances qui les ont déclenchés, demeure cruciale pour surmonter la crise politique et pour garantir qu’un tel effondrement du système démocratique ne puisse se répéter à l’avenir. C’est la raison pour laquelle il ne faut pas que la dissolution du groupe d’enquête vienne entraver la conclusion d’une enquête indépendante et crédible demandée par l’Assemblée.
28. Depuis la dissolution du groupe d’enquête, la Commission d’enquête parlementaire ad hoc est à présent le seul organe à mener une enquête générale sur les événements des 1er et 2 mars 2008 et sur leurs circonstances, de sorte que ses travaux ont maintenant une importance accrue. Cette commission a continué de travailler parallèlement au groupe d’enquête et elle a semble-t-il fait preuve dans ses travaux d’une indépendance plus grande qu’on ne l’avait pensé initialement. Elle aurait ainsi produit un certain nombre de constatations et de conclusions importantes, qui pour certaines remettraient en question la version des autorités concernant les événements des 1er et 2 mars 2008. Par ailleurs, le Front révolutionnaire arménien ayant quitté la coalition gouvernementale, la prédominance de cette dernière sur la commission s’en est trouvée relativement réduite. Nous suggérons que l’Assemblée nationale examine les possibilités de renforcer le rôle de l’opposition dans les travaux de la commission, en vue d’accroître sa crédibilité auprès de l’opinion publique arménienne. Cependant, nous tenons à souligner qu’en définitive ce seront les résultats de l’enquête parlementaire qui permettront de savoir si les exigences d’impartialité et de crédibilité ont été respectées et si d’autres investigations sont nécessaires.
29. Nous nous inquiétons vivement de témoignages de membres du groupe d’enquête, y compris de son président, selon lesquels les autorités auraient souvent été réticentes à coopérer pleinement avec le groupe et à lui fournir les informations qu’il demandait. Ce problème a aussi été mentionné par le Président de la Commission d’enquête parlementaire ad hoc, qui nous a indiqué que sa commission avait également rencontré des difficultés pour obtenir les informations complètes qu’elle avait demandées et que la coopération de certains organes de l’Etat, notamment les forces de l’ordre et les services de sécurité et d’enquête, laissait fortement à désirer. A cet égard, nous rappelons que, dans sa Résolution 1643 (2009), l’Assemblée invitait les autorités arméniennes à s’assurer que les investigations demandées par l’Assemblée reçoivent la coopération la plus entière possible et un accès illimité aux informations de la part de tous les organismes et fonctionnaires de l’Etat sans exception.
30. En dépit de ses conditions de travail tendues, tous les anciens membres du groupe d’enquête ont convenu que ce dernier avait trouvé des preuves et établi des faits qui pourraient être utiles pour l’enquête, un rapport préliminaire ayant même été adressé à la Commission d’enquête parlementaire ad hoc. Il est important que les constatations et les conclusions du groupe d’enquête soient prises en compte dans l’investigation. Nous demandons donc instamment à la Commission d’enquête parlementaire ad hoc de demander à tous les anciens membres du groupe d’enquête de lui soumettre leur témoignage individuel, et de publier ces constatations et conclusions combinées, ainsi que tous les éléments pertinents que le groupe pourrait avoir recueillis, comme le prévoit le décret présidentiel instituant le groupe d’enquête. La publication de ces témoignages contribuerait aussi, dans une certaine mesure, à démentir les allégations selon lesquelles le groupe aurait été dissous parce que ces constatations embarrassaient les autorités.
31. Nous nous inquiétons tout particulièrement du fait que l’enquête du Procureur général sur les dix décès survenus en liaison avec les événements des 1er et 2 mars 2008 n’a, à ce jour, abouti à aucun résultat concret. Nous avons pris clairement conscience des conséquences humaines de cet échec à l’occasion d’une rencontre très émouvante avec les proches des victimes, qui se sont plaints du manque d’informations de la part des autorités compétentes et ont indiqué avoir le sentiment d’être mis à l’écart par les organes chargés d’enquêter sur les décès de leurs proches disparus. Nous appelons donc instamment les autorités à garantir que ces enquêtes soient menées de façon satisfaisante et dans les meilleurs délais. A ce sujet, nous nous félicitons de la décision du Président arménien de demander au Procureur général d’adresser à la Commission d’enquête parlementaire ad hoc un rapport approfondi sur ses investigations concernant les dix décès, afin que cette commission puisse évaluer les investigations menées à ce jour et progresser dans ses conclusions.

2.3. Libération des personnes privées de liberté à la suite des événements des 1er et 2 mars 2008

32. A la suite de notre visite de janvier 2009, le Président de l’Assemblée nationale a signé, le 22 janvier 2009, un décret instituant, au sein de l’Assemblée, un groupe de travail spécial chargé de rédiger, dans un délai d’un mois et en coopération avec les organes compétents du Conseil de l’Europe, des amendements aux articles 225 et 300 du Code pénal de l’Arménie afin de remédier aux lacunes juridiques que présentent lesdits articles et de les aligner sur les normes du Conseil de l’Europe.
33. Conformément au décret du Président de l’Assemblée nationale, le groupe de travail a, dès le début de ses travaux, cherché à coopérer avec la Commission de Venise du Conseil de l’Europe. Le 2 février, le Président de ce groupe de travail, M. Davit Harutyunyan a rencontré, à Tbilissi, des représentants de la Commission de Venise. Le 19 février 2009, le groupe de travail a demandé à la Commission de Venise d’émettre un avis sur les projets d’amendements au Code pénal soumis au parlement. Le 26 février 2009, le Parlement a adopté ces amendements en première lecture. La Commission de Venise a adopté son avis sur ces amendements les 13 et 14 mars 2009, à la suite de quoi les recommandations de la Commission de Venise ont été prises en compte dans les amendements qui ont été adoptés en deuxième et dernière lecture le 18 mars 2009. Ces amendements ont ensuite été ratifiés par le Président de l’Arménie le 20 mars 2009.
34. Alors que l’ancien article 300 définissait l’usurpation de pouvoir comme des actions visant à s’emparer du pouvoir par la violence ou à renverser par la violence l’ordre constitutionnel, le nouvel article définit aujourd’hui l’usurpation de pouvoir comme la prise de pouvoirs du Président de la République, de l’Assemblée nationale, du Gouvernement ou de la Cour constitutionnelle par la violence, la menace de la violence ou tout autre moyen non prévu dans la Constitution de l’Arménie, en limitant ainsi considérablement le champ d’interprétation.
35. S’agissant de l’article 225 (émeutes) du Code pénal, l’article amendé contient à présent une définition claire des émeutes et pénalise l’organisation (en tant qu’acte volontaire) d’émeutes et non la simple participation violente à de tels événements. En outre, l’ancien article 225-3 qui était problématique (émeutes accompagnées de meurtres) a été supprimé. Les émeutes ont maintenant été ajoutées en tant que circonstances aggravantes aux articles du Code pénal traitant du crime, qui dans ces articles est clairement défini comme la privation illégale et volontaire de la vie d’une personne.
36. Dans son avis 
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			CDL-AD(2009)009, la Commission de Venise a considéré que les amendements proposés au Code pénal représentent globalement une amélioration par rapport aux dispositions actuelles en ce qu’ils réduisent les possibilités de leur donner une interprétation abusive ou trop large. Dans nos déclarations, nous nous sommes félicités de ces amendements dans lesquels nous voyions une amélioration globale du Code pénal ainsi qu’un pas important vers la résolution de la situation des personnes privées de liberté en liaison avec les événements des 1er et 2 mars 2009, suite à des accusations apparemment artificielles et politiquement motivées. Nous n’avons toutefois pas manqué de souligner que ce qui permettra, en définitive, d’établir si les exigences de l’Assemblée à cet égard ont été respectées, c’est l’impact de ces amendements sur la situation de ces personnes. De plus, nous avons également souligné qu’il existe d’autres catégories de personnes privées de liberté en liaison avec les événements de mars qui sont considérées comme problématiques par l’Assemblée et qui ne sont pas couvertes par les modifications apportées au Code pénal.
37. Suite aux modifications apportées au Code pénal, le Procureur général a révisé les chefs d’inculpation contre les sept membres de l’opposition qui sont considérés comme les meneurs des événements des 1er et 2 mars 2008. Les charges portées contre tous les sept au titre de l’article 300 (usurpation de pouvoir) ont été abandonnées et celles portées au titre de l’article 225-3 (émeutes accompagnées de meurtres) ont été modifiées et relèvent maintenant de l’article 225-1 (organisation d’émeutes). L’abandon des charges au titre de l’article 300 revêt une importance particulière car il confirme que les autorités ont accepté la conviction que nous nous étions forgée de longue date et selon laquelle les événements des 1er et 2 mars 2008 ne peuvent être considérés comme une tentative de coup d’Etat.
38. Suite aux modifications intervenues, les sept membres de l’opposition ont été poursuivis uniquement au titre de l’article 225-1, sauf pour ce qui concerne M. Sasun Mikaelyan qui est également poursuivi au titre de l’article 235 (possession illégale d’armes à feu) et M. Miasnik Malkhasyan qui est également poursuivi au titre des articles 38 (complicité) et 316 (violence contre un représentant des autorités) du Code pénal. De plus, étant donné que les événements des 1er et 2 mars ne sont plus considérés comme une tentative organisée de renverser le pouvoir de l’Etat, la procédure engagée contre les sept a été divisée en cinq procédures distinctes.
39. Des interrogations se sont fait jour à propos de la décision du Procureur général d’engager des poursuites contre les sept personnes au titre de l’article 225-1 en vertu duquel il doit être établi que la personne inculpée ait personnellement organisé les émeutes. Toutefois, nous estimons qu’il appartient à présent aux tribunaux de se prononcer sur la question de savoir si les inculpations prononcées au titre de l’article 225-1 récemment amendé peuvent être étayées. Les instances judiciaires se seraient effectivement montrées critiques pour ce qui concerne les poursuites engagées au titre de l’article 225-1.
40. Il est troublant de constater qu’un nombre assez important de témoins à charge ont prétendu avoir fait l’objet de pressions de la part de la police pour effectuer des faux témoignages contre les sept membres de l’opposition faisant actuellement l’objet de poursuites judiciaires. C’est ce qui a amené le Défenseur des droits de l’homme de l’Arménie à publier, le 7 mai 2009, une déclaration dans laquelle il exprime ses vives préoccupations à propos des nombreuses plaintes qui parviennent à son Bureau à propos de la manière dont la police obtient des «preuves» en exerçant des pressions sur les témoins potentiels. Cette question constitue pour nous une source de vives préoccupations.
41. Le 13 mai 2009, la cour a estimé, à la suite d’une expertise psychiatrique, que M. Shant Harutiunian –un des sept membres de l’opposition faisant l’objet d’une procédure judiciaire – ne jouissait pas de toutes ses facultés mentales lors des actions qu’il avait entreprises les 1er et 2 mars 2008 et a donc décidé d’abandonner les poursuites et de le libérer. De plus, depuis notre dernier rapport, trois autres personnes ont introduit, en liaison avec les événements de mars 2008, un recours en grâce auquel il a été donné suite.
42. Comme mentionné ci-dessus, toutes les catégories de personnes privées de liberté en liaison avec les événements des 1er et 2 mars ainsi que celles dont le maintien en détention est jugé problématique par l’Assemblée ne sont pas couvertes par les modifications apportées au Code pénal en mars 2009. Cela est notamment le cas pour les personnes accusées et inculpées uniquement sur la base de témoignages de la police, en l’absence de preuves irréfutables. Dans la Résolution 1620 (2008), l’Assemblée estimait que les jugements fondés sur le seul témoignage de la police sans preuve corroborante ne sont pas acceptables. Malheureusement, les autorités n’ont à ce jour pris aucune mesure pour remédier à cette question. Cela est particulièrement préoccupant à la lumière du nombre croissant d’allégations selon lesquelles la police avait fait pression sur des témoins pour les inciter à effectuer de faux témoignages à l’encontre d’un certain nombre de membres de l’opposition.
43. Suite aux préoccupations exprimées à propos de la nature des accusations et des procédures judiciaires engagées à l’encontre des personnes détenues après les événements de mars 2008, nous avons la profonde conviction que seule la libération de toutes les personnes arrêtées dans le cadre des événements des 1er et 2 mars 2008 qui n’avaient pas commis à titre personnel de crime violent débouchera sur le dialogue et la réconciliation dont l’Arménie a si cruellement besoin. Nous avons ainsi, à de nombreuses reprises, proposé que le Président envisage de recourir à son droit constitutionnel de gracier les personnes privées de liberté à la suite des événements des 1er et 2 mars 2008. Toutefois, lors des entretiens que nous avons eus avec lui, le Président a indiqué qu’il serait réticent à effectuer une telle démarche tant que ces affaires seraient encore à l’examen devant les instances judiciaires.
44. Maintenant que les affaires contre des dirigeants de l’opposition – désormais au nombre de six – arrivent à une conclusion devant les instances judiciaires, on observe dans la presse de nombreux signaux et rapports selon lesquels les autorités arméniennes envisagent sérieusement la possibilité de gracier les personnes arrêtées en liaison avec les événements de mars 2008. En effet, le 28 mai 2009, répondant aux questions de la presse à l’occasion de la fête nationale de l’Arménie, le Président a déclaré que: «Une amnistie a été annoncée pour la dernière fois en 2006. Si au cours de ces trois années l’idée d’annoncer une nouvelle amnistie a mûri au sein de la société, alors je suis prêt à user de mon droit constitutionnel. J’en appelle donc aux forces politiques et au conseil public pour qu’ils présentent, au Cabinet du président, leur recommandation sur la nécessité et les conditions d’une amnistie; et s’il apparaît que la majorité de la société estime, après mûre réflexion, que l’amnistie est nécessaire, j’userai de mon droit constitutionnel et demanderai à l’Assemblée nationale d’adopter une loi[d’amnistie]” Cette réponse a immédiatement été suivie de déclarations de nombreux dirigeants et personnalités politiques, y compris le Défenseur des droits de l’homme de l’Arménie, qui, tous, ont indiqué que le moment était venu pour une amnistie générale en liaison avec les événements des 1er et 2 mars 2008.
45. Le 16 juin 2009, le Président arménien a finalement adressé à l’Assemblée nationale une proposition d’amnistie générale. Cette proposition a été examinée dès le lendemain par la Commission permanente de l’Assemblée nationale sur les questions politiques et juridiques, sous la présidence de M. Davit Harutyunyan, qui préside aussi la délégation arménienne auprès de notre Assemblée. Le Président arménien ayant accepté les changements proposés par la Commission permanente sur les questions politiques et juridiques, l’amnistie générale a été adoptée par l’Assemblée nationale réunie en session extraordinaire le 19 juin 2009.
46. Du fait de la décision de ne faire bénéficier de l’amnistie que les personnes privées de liberté en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008 dont l’affaire a été jugée par un tribunal, la forme de cette amnistie est relativement complexe 
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			Nos commentaires
se basent sur une traduction non officielle de la déclaration d’amnistie.. Elle consiste en une amnistie générale pour les personnes condamnées à des peines de prison allant jusqu’à 3 ans et pour les personnes accusées d’infractions passibles d’une peine de prison n’excédant pas 3 ans. De plus, le décret prévoit une amnistie pour certaines catégories de personnes condamnées à des peines de prison de 3 à 5 ans. Ces catégories incluent notamment les personnes âgées, les personnes ayant des problèmes de santé, les anciens combattants et les personnes condamnées en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008. Les personnes de ces catégories dont la peine dépasse 5 ans d’emprisonnement ne seront pas libérées, mais verront leur peine réduite de moitié. L’amnistie exclut expressément les personnes condamnées en vertu de certains articles du Code pénal portant globalement sur les infractions violentes aggravées ou la détention illégale d’armes.
47. Actuellement, six affaires sont encore en instance devant les tribunaux, concernant six membres de l’opposition considérés par les autorités comme des «meneurs». Leurs affaires, au moment de la rédaction, sont proches de leur dénouement, les verdicts étant attendus dans les prochains jours. Des peines de prison de 6 ans ont été requises contre cinq de ces six personnes, qui devraient donc très probablement être couvertes par l’amnistie, puisque les tribunaux arméniens prononcent généralement des peines moins sévères que celles qui ont été requises par le ministère public. Une seule de ces personnes, accusée de détention illégale d’armes, ne devrait pas être libérée, mais verra sa peine réduite de moitié. Les autorités nous ont assuré à plusieurs reprises que ces affaires seraient jugées dans les prochains jours. Toutefois, en cas de retard, nous demanderons aux autorités que les personnes concernées soient libérées en attendant la conclusion de leur procès.
48. Du fait de l’amnistie, sinon la totalité, la plupart du moins des personnes privées de liberté en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008 seront libérées. Nous projetons d’examiner chacune des quelques affaires restantes afin de veiller à qu’elles ne concernent pas des personnes relevant des catégories de condamnation que l’Assemblée juge problématiques.
49. Un petit nombre de personnes poursuivies en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008, y compris au titre de l’article 225 du Code pénal, sont actuellement en fuite. Cependant, l’amnistie leur sera aussi applicable, au terme de leur procès, si elles se présentent d’elles-mêmes aux autorités avant le 31 juillet 2009. Compte tenu de la longueur des procédures judiciaires contre les autres membres de l’opposition, nous demandons aux autorités de permettre à ces personnes de rester en liberté en attendant la conclusion de leur procès.
50. Par principe, les actions civiles ne sont pas couvertes par l’amnistie. Certains, dans l’opposition, craignent par conséquent que les autorités engagent des actions civiles contre les personnes poursuivies pour organisation d’émeutes (article 225-1 du Code pénal), au motif des dommages contre des biens publics occasionnés par ces émeutes. Il est évident que toute action civile engagée par une autorité publique sous ce motif irait à l’encontre – et sera considérée par nous comme allant délibérément à l’encontre – de l’intention et de la finalité de l’amnistie. Nous demandons donc instamment aux autorités de veiller à ce qu’aucune autorité publique n’engage une telle action en responsabilité civile.
51. L’amnistie ne présuppose pas que les personnes condamnées aient reconnu leur culpabilité. Ces personnes conservent donc pleinement leurs droits de faire appel de leur condamnation, même après avoir été libérées au titre de l’amnistie.
52. En conclusion, nous nous félicitons vivement de la proposition d’une déclaration d’amnistie de la part du Président de l’Arménie, et de son adoption rapide par l’Assemblée nationale d’Arménie. Par cette mesure, les autorités arméniennes ont répondu à une exigence cruciale de l’Assemblée. Bien que les autorités aient ouvert avec cette amnistie un nouveau chapitre important dans le processus de normalisation de la vie politique arménienne, le processus n’est toutefois pas achevé et d’autres mesures importantes restent encore à prendre, en particulier pour ce qui concerne l’enquête transparente, crédible et impartiale exigée par l’Assemblée. Nous soutiendrons et accompagnerons pleinement ce processus dans le cadre de la procédure de suivi régulière de l’Assemblée concernant l’Arménie.

2.4. Réforme des médias

53. Dans la Résolution 1609 (2008), l’Assemblée a considéré qu’il faut garantir l’indépendance vis-à-vis de tout intérêt politique ou économique aussi bien de la Commission nationale de radio et de télévision (l’organe de régulation des médias en Arménie) que du Conseil de télévision et de radiodiffusion. Elle a en outre considéré que la composition de ces organes devrait être révisée afin d’assurer qu’ils soient véritablement représentatifs de la société arménienne. Par ailleurs, dans la Résolution 1620 (2008), l’Assemblée a rappelé que l’Arménie a besoin d’un environnement de médias pluralistes et, faisant référence à l’arrêt de la cour de Strasbourg à propos du refus d’accorder une licence de radiodiffusion à la chaîne A1+, a appelé les autorités à garantir une procédure ouverte, équitable et transparente d’octroi des licences conformément aux principes directeurs adoptés le 26 mars 2008 par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe et à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg.
54. Comme nous l’avons mentionné dans notre précédent rapport, l’Assemblée nationale d’Arménie a établi, en étroite consultation avec les services compétents du Conseil de l’Europe, une série de mesures législatives en vue de la réforme des médias. Certaines mesures-clés portent sur la procédure de nomination des membres de la Commission nationale de radio et de télévision et du Conseil de télévision et de radiodiffusion, en vue de garantir l’indépendance de ces deux organes et, partant, celle de leurs travaux. Dans son avis sur les amendements à la loi relative à la radiotélédiffusion, l’experte engagée par le Conseil de l’Europe note que pratiquement toutes les importantes recommandations formulées par les experts du Conseil de l’Europe ont été adoptées. Toutefois, elle note également qu’un certain nombre de questions restent en suspens. Les membres des organes de régulation mentionnés ci-dessus sont, pour moitié, nommés par le Président de l’Arménie et pour moitié, par l’Assemblée nationale. Alors que les amendements instaurent, pour les membres nommés par l’Assemblée nationale, une procédure de nomination qui est largement conforme aux normes internationales, la procédure de nomination par le Président n’est pas fixée dans la loi sur la radio et la télévision. C’est pourquoi l’avis recommande que le Président publie une ordonnance établissant une procédure pour les nominations présidentielles à ces deux organes qui refléterait celle énoncée dans la loi relative aux nominations par l’Assemblée nationale. L’avis note que, tant qu’une telle procédure n’aura pas été instaurée, les nominations ne seront pas conformes aux normes du Conseil de l’Europe et que ces organes ne pourront être considérés comme étant indépendants tant que tous leurs membres n’auront pas été nommés par le biais d’une procédure politiquement neutre. Par ailleurs, l’avis recommande que la liste d’incompatibilité avec l’appartenance à ces organes devrait être étendue en vue d’en exclure les hommes politiques en activité.
55. Nous soutenons fermement ces recommandations ainsi que toutes les autres qui figurent dans l’avis et invitons les autorités à y donner suite. Par ailleurs, nous notons que les amendements ne stipulaient pas explicitement que la composition des deux organes de régulation devraient refléter un vaste échantillon de la société arménienne. Nous recommandons au parlement d’envisager d’adopter de nouveaux amendements en vue de garantir que, dans le cadre de la procédure de nomination énoncée dans la législation actuelle, les deux organes reflètent la société arménienne.
56. Le 9 septembre 2008, l’Assemblée nationale d’Arménie a adopté un amendement à la loi sur la radio et la télévision annulant l’adjudication des fréquences de radiodiffusion jusqu’en 2010, lorsque l’introduction de la radiodiffusion numérique en Arménie aura été achevée. Cet amendement a été vivement critiqué par l’opposition arménienne. Dans la Résolution 1643 (2009), l’Assemblée a déclaré que, sans vouloir porter de jugement sur les raisons qui sous-tendent cet amendement, les autorités ne devraient pas invoquer les exigences techniques de l’introduction de la radiodiffusion numérique comme raison pour ajourner indûment la mise en place d’une procédure ouverte, équitable et transparente de délivrance des licences de radiodiffusion comme l’a demandé l’Assemblée. Le Conseil de l’Europe a chargé un analyste d’évaluer les implications techniques de l’introduction de la radiodiffusion numérique en Arménie. Ses conclusions préliminaires sont actuellement en cours d’examen auprès des autorités arméniennes.

2.5. Autres réformes nécessaires pour remédier aux causes sous-jacentes de la crise

57. Dans la Résolution 1609 (2008), l’Assemblée appelait les autorités et l’opposition à engager un dialogue sur la réforme du système politique, du judiciaire et de la police, ainsi que sur une réforme électorale en vue de remédier aux causes sous-jacentes de la crise politique qui a éclaté après l’élection présidentielle de février 2008.
58. Les initiatives prises par les autorités dans ces domaines n’ont pas encore été finalisées. Depuis notre dernier rapport, nous avons placé l’accent sur l’enquête indépendante sur les événements des 1er et 2 mars 2008 ainsi que sur la libération des personnes privées de liberté en liaison avec ces événements. Cependant, les événements des 15 derniers mois ont montré clairement que les réformes demandées par l’Assemblée sont pertinentes et qu’il est plus que jamais nécessaire que les autorités les mettent en œuvre sans plus tarder.
59. La controverse générale concernant les élections d’Erevan montre que l’opinion publique doute encore fortement du caractère démocratique du processus électoral. Cette méfiance, ainsi que les carences et les violations observées, soulignent la nécessité d’une réforme électorale. Ce processus a été engagé après les élections présidentielles au sein d’un groupe de travail spécial créé par l’Assemblée nationale, mais celui-ci n’a eu dernièrement qu’une activité limitée. L’Assemblée nationale devrait maintenant donner la priorité aux travaux de ce groupe de travail afin de modifier le droit électoral. Toutes les forces politiques, représentées ou non au Parlement, devraient être associées étroitement à ce processus, et les modifications devraient réunir un large consensus parmi ces forces. En outre, la Commission de Venise devrait être invitée à donner un avis sur ces modifications, et ses recommandations devraient être prises en compte avant que les modifications soient adoptées en dernière lecture.
60. Les conclusions préliminaires de la Commission d’enquête parlementaire ad hoc, de même que celles du groupe d’enquête, ont soulevé de graves interrogations concernant le comportement de la police pendant et après les événements des 1er et 2 mars 2008. De plus, lors des procès des sept dirigeants de l’opposition, plusieurs témoins de l’accusation qui avaient témoigné contre les accusés se sont rétractés, indiquant que la police avait obtenu ces témoignages sous la contrainte. Ces faits soulignent la nécessité d’une réforme profonde de la police ainsi que de la mise en place d’un authentique contrôle public des forces de police, comme le demande l’Assemblée. Une coopération devrait être recherchée avec les organes compétents du Conseil de l’Europe, et ce processus devrait être engagé sans retard.
61. Dans les rapports précédents, le fait que les tribunaux acceptaient d’office les demandes de mise en détention du ministère public était déjà mentionné comme posant problème. De surcroît, les procédures judiciaires contre les sept membres de l’opposition ont renforcé le sentiment que l’indépendance de la justice est encore loin d’être satisfaisante en Arménie. Des réformes doivent être engagées sans retard pour changer cette situation, qui explique dans une large mesure la méfiance de la population vis-à-vis des autorités.

3. Conclusion

62. Grâce aux efforts de l’Assemblée et d’autres organes du Conseil de l’Europe, et également à l’excellente coopération avec la délégation arménienne auprès de l’Assemblée ces quinze derniers mois, les autorités ont accompli certaines avancées vers le respect des exigences de l’Assemblée. Les modifications controversées de la loi relative à la tenue de réunions, d’assemblées, de rassemblements et de manifestations ont été abrogées, une enquête sur les événements des 1er et 2 mars 2008 a été ouverte, d’importants changements ont été apportés aux dispositions du Code pénal qui posaient problème et plusieurs réformes recommandées par l’Assemblée ont été engagées. Ce processus a aujourd’hui pour point d’orgue une amnistie grâce à laquelle, sinon la totalité, la plupart du moins des personnes privées de liberté en relation avec les événements des 1er et 2 mars 2008 seront libérées. Même si la déclaration d’amnistie signifie que les autorités ont accédé à une exigence essentielle de l’Assemblée et, surtout, que l’Arménie a franchi une étape décisive sur la voie de la normalisation politique et de la résolution de la crise, ces succès ne doivent pas être considérés comme marquant la fin du processus. La commission de suivi devrait soutenir et accompagner pleinement ce processus dans le cadre de la procédure de suivi régulière de l’Assemblée concernant l’Arménie.

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Commission chargée du rapport: commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l’Europe (commission de suivi)

Renvoi en commission: Résolution n° 1115 (1997)

Projet de résolution approuvé à l’unanimité par la commission le 22 juin 2009

Membres de la commission: M. Serhiy Holovaty (Président), M. György Frunda (1er Vice-président), M. Konstantin Kosachev (2e Vice-président), M. Leonid Slutsky (3e Vice-président), M. Aydin Abbasov, M. Pedro Agramunt, M. Miloš Aligrudić, Mme Meritxell Batet Lamaña, M. Ryszard Bender, M. József Berényi, M. Luc van den Brande, M. Mevlüt Çavuşoğlu, M. Sergej Chelemendik, Mme Lise Christoffersen, M. Boriss Cilevičs, M. Georges Colombier, M. Telmo Correia, Mme Herta Däubler-Gmelin, M. Joseph Debono Grech, M. Juris Dobelis, Mme Josette Durrieu, M. Mátyás Eörsi, Mme Mirjana Ferić-Vac, M. Giuseppe Galati, M. Jean-Charles Gardetto, M. József Gedei, M. Marcel Glesener, M. Charles Goerens, M. Andreas Gross, M. Michael Hagberg, M. Holger Haibach, Mme Gultakin Hajibayli, M. Michael Hancock, M. Davit Harutyunyan, Mme Olha Herasym’yuk, M. Andres Herkel, M. Kastriot Islami, M. Mladen Ivanić, M. Miloš Jevtić, Mme Evguenia Jivkova, M. Emmanouil Kefaloyiannis, M. Hakki Keskin, M. Haluk Koç, Mme Katerina Konečná, M. Jaakko Laakso, Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, M. Göran Lindblad, M. René van der Linden, M. Eduard Lintner, M. Pietro Marcenaro, M. Bernard Marquet, M. Dick Marty, M. Miloš Melčák, M. Jean-Claude Mignon, M. João Bosco Mota Amaral, Mme Yuliya Novikova, M. Theodoros Pangalos, Mme Elsa Papadimitriou, M. Alexander Pochinok, M. Ivan Popescu, Mme Maria Postoico, Mme Marietta de Pourbaix-Lundin, M. Christos Pourgourides, M. John Prescott, Mme Mailis Reps, M. Andrea Rigoni, M. Ilir Rusmali, M. Armen Rustamyan, M. Indrek Saar, M. Oliver Sambevski, M. Kimmo Sasi, M. Samad Seyidov, M. Sergey Sobko, M. Christoph Strässer, Mme Chiora Taktakishvili, M. Mihai Tudose, Mme Öslem Türköne, M. Egidijus Vareikis, M. José Vera Jardim, M. Piotr Wach, M. Robert Walter, M. David Wilshire, Mme Renate Wohlwend, Mme Karin S. Woldseth, Mme Gisela Wurm, M. Andrej Zernovski.

N.B.: Les noms des membres qui ont participé à la réunion sont indiqués en gras

Secrétariat de la commission: Mme Chatzivassiliou, M. Klein, Mme Trévisan, M. Karpenko