1. Introduction
1. Les flux migratoires à destination des pays européens,
y compris les migrations internes d’est en ouest, ont pris des proportions
considérables dans le monde contemporain. Toutefois, les politiques
nationales mises en place pour faire face aux nombreux défis – et
possibilités – qu’entraînent ces mouvements n’ont pas suivi ces
évolutions.
2. Cela fait quinze ans que l’Assemblée parlementaire, et notamment
sa commission des migrations, des réfugiés et de la population,
travaillent sur la question des Européens vivant à l’étranger et
leurs liens avec leur pays d’origine. Dans ce contexte, votre rapporteur
rappelle les Recommandations
1410
(1999) et
1650 (2004) de l’Assemblée sur les liens entre les Européens vivant
à l’étranger et leur pays d’origine, la
Résolution 1462 (2005) et la
Recommandation
1718 (2005) sur la politique de codéveloppement comme mesure positive de
régulation des flux migratoires, la
Recommandation 1500 (2001) sur la participation des immigrés et des résidents étrangers
à la vie politique dans les Etats membres du Conseil de l’Europe
ainsi que les récentes
Résolution
1618 (2008) et
Recommandation
1840 (2008) sur l’état de la démocratie en Europe: mesures visant à
améliorer la participation démocratique des migrants. Elle regrette
que les nombreuses recommandations qu’elle a formulées en vue de
la révision des politiques d’émigration, de l’établissement de liens
institutionnels avec les communautés d’expatriés et de la promotion
d’une participation accrue des expatriés à l’élaboration de politiques
soient, pour l’essentiel, restées lettre morte
.
3. Les liens entre les Etats membres du Conseil de l’Europe et
leurs diasporas respectives varient considérablement. Ainsi, peuvent-ils
être étroits et institutionnalisés, ou bien souples et informels
en raison du peu d’effet produit par les efforts visant à harmoniser
les relations institutionnalisées au niveau paneuropéen. Toutefois,
on commence, en Europe, à prendre conscience de manière accrue de
ce que la mobilité de la main-d’œuvre, si elle est bien gérée, peut
être profitable à la fois pour les pays de destination et pour les
pays d’origine. Identifier la meilleure façon de gérer la mobilité,
les identités multiples et la diversité de sorte à optimiser l’engagement
des diasporas dans les pays d’origine et dans les pays d’accueil
constitue un défi que les gouvernements doivent aujourd’hui relever.
4. Il importe particulièrement que les économies en transition
utilisent le potentiel des diasporas de manière efficiente. Parmi
les Etats membres du Conseil de l’Europe, bon nombre de pays d’Europe
centrale et orientale ont des diasporas relativement importantes,
bien organisées, dont les membres ont, pour la plupart, un niveau
d’éducation élevé et réussissent bien. Les exemples les plus évidents
à cet égard sont l’Arménie, la Lituanie et la Serbie; mais la Pologne,
l’Ukraine et d’autres pays baltes, ainsi que les anciennes républiques
yougoslaves ont également des diasporas assez nombreuses en Europe
et dans d’autres régions
. Si les diasporas ont apporté un
fort soutien au plus haut niveau politique après l’effondrement
des régimes communistes dans des pays tels que la Bulgarie, l’Estonie
ou la Lettonie, le potentiel offert par ces communautés en matière
de développement a, à quelques exceptions près, été largement sous-exploité.
Les flux financiers en provenance des diasporas ont été presqu’exclusivement
utilisés à des fins de subsistance, de consommation et de philanthropie,
au lieu d’être mis à profit pour effectuer des investissements productifs, développer
les exportations et les nouvelles technologies et pour favoriser
le progrès au sens large.
5. Toutefois, et ce tout particulièrement dans le contexte de
la crise économique mondiale actuelle, un nombre croissant de gouvernements
européens commencent à prendre conscience des divers avantages, notamment
en matière de développement, dont ils pourraient bénéficier en donnant
un caractère plus officiel à la participation des diasporas. Face
aux dures réalités économiques, ces pays cherchent – ou commencent à
chercher – les moyens de mieux mettre à profit les liens qu’ils
entretiennent avec les diasporas nationales; de multiplier l’impact
des transferts de fonds; de promouvoir les transferts de compétences
et de technologies et de contribuer au renforcement de la participation
des diasporas à la vie politique de leur pays d’origine. Toutefois,
pour l’instant, ces tendances ne sont encore reflétées ni dans l’élaboration
de politiques, ni dans la mise en œuvre de ces dernières.
6. Les pays d’accueil commencent à prendre davantage conscience
de que les diasporas peuvent faciliter l’intégration des nouveaux
migrants dans la société d’accueil tout en les encourageant à préserver
les liens avec leur pays d’origine. On commence à comprendre que
si elles sont soutenues, guidées et encouragées de manière appropriée,
les diasporas peuvent jouer un rôle important en vue de renforcer
la participation et la contribution des migrants à leur société
d’accueil. De même, les diasporas peuvent apporter une aide concrète en
vue du retour des migrants dans leur pays d’origine.
7. Votre rapporteur est également convaincue que, mieux intégrés,
les migrants et les membres des diasporas seront également mieux
armés pour investir dans le développement de leur pays d’origine. Inversement,
l’engagement des diasporas en faveur du développement des pays d’origine
peut contribuer à faciliter leur intégration dans le pays d’accueil,
à condition que ces activités soient menées en partenariat avec d’autres
acteurs de la société d’accueil.
8. Pour toutes ces raisons, votre rapporteur estime qu’il importe
de soulever une nouvelle fois la question des diasporas européennes
à l’Assemblée. Elle entend examiner la manière dont les diasporas
européennes interagissent avec le pays d’origine et le pays d’accueil
et analyser les avantages que ces pays peuvent tirer de ce double
rôle. Elle formule également un certain nombre de recommandations
politiques pertinentes à l’intention des gouvernements des pays
d’origine et des pays d’accueil et se penche sur le rôle que pourrait jouer
le Conseil de l’Europe en vue de promouvoir l’harmonisation des
politiques, la collaboration transnationale et la mise en œuvre
de mesures fondées sur les droits.
9. Votre rapporteur tient à souligner que si, dans de précédents
rapports portant sur ce thème, l’Assemblée parlait d’«expatriés
européens» ou d’«Européens de l’étranger», elle est, pour sa part,
favorable à l’emploi de l’expression «diasporas européennes», en
gardant à l’esprit l’évolution générale qu’a connue cette notion
ces dernières années ainsi que le fait qu’elle ne s’applique pas
aux populations de migrants temporaires.
2. Les diasporas:
une notion qui évolue
10. Il n’existe pas de définition communément admise
de la notion de diaspora
,
qui est à la fois complexe et évolutive. A l’origine, le terme désignait
essentiellement des communautés qui avaient été obligées de se déplacer
et qui étaient devenues apatrides, telles que les Juifs à la suite
de la démolition du Second Temple en 586 avant J.-C., les esclaves
africains, les Arméniens après la première guerre mondiale
ou encore différentes
communautés d’Europe centrale et orientale pendant et après la seconde
guerre mondiale.
11. Avec la mondialisation et l’accroissement de la mobilité des
travailleurs et des migrations au cours des dernières décennies,
la notion de diaspora a acquis de nouvelles dimensions. En 1986,
Gabriel Sheffer définissait les diasporas modernes comme des groupes
ethniques minoritaires issus de la migration qui résident et évoluent
dans des pays d’accueil tout en conservant de forts liens affectifs
et matériels avec leur pays d’origine – leur patrie
. Aujourd’hui, on s’accorde
généralement à dire que les diasporas modernes sont des communautés
complexes et hétérogènes liées par leur attachement commun à leur
pays d’origine, à ses valeurs et à son développement. En raison
de leurs identités hybrides, elles sont devenues des partenaires importants
dotés de la capacité d’influencer le développement socio-économique
tant dans les pays d’accueil que dans les pays d’origine.
12. Ce qui distingue les diasporas modernes des travailleurs migrants
temporaires, c’est leur statut de résidents «plus permanents»
ainsi
que le fait qu’elles ont une conscience «diasporique» commune: elles
se considèrent comme faisant partie d’un groupe identitaire dispersé
ayant des liens permanents communs avec le pays d’origine
.
13. De même, les travailleurs migrants constituent aujourd’hui
des éléments-clés des dimensions organisationnelles et de développement
des groupes diasporiques et de leurs organisations de soutien. Souvent,
poussés par la nécessité de créer des systèmes d’entraide visant
à surmonter les difficultés économiques et sociales quotidiennes,
ces travailleurs se rassemblent au sein de communautés compactes dans
les pays d’accueil. A cet égard, les diasporas sont en train d’acquérir
un rôle particulièrement important en tant qu’organisations collectives
de migrants.
14. L’appartenance à une diaspora n’est pas figée et peut évoluer
à mesure que l’intérêt des individus pour leur pays d’origine augmente
ou diminue. Elle peut aussi varier en fonction du degré d’intégration
effective des membres potentiels de diasporas dans la société du
pays d’accueil. De même, les deuxième et troisième générations de
personnes appartenant à des diasporas grandissent dans des environnements
linguistiques différents et leur vision du monde est inévitablement
influencée par le fait qu’elles vivent dans des sociétés et des
cultures différentes. Dans certains cas, elles se concentrent davantage
sur l’existence qu’elles mènent dans le pays d’accueil et ne s’intéressent
guère aux raisons qui ont poussé leurs ancêtres à émigrer ou à la situation
qui règne aujourd’hui dans leur pays d’origine.
15. Les diasporas originaires d’une ville, d’une région ou d’un
pays vivant dans le même pays d’accueil se regroupent souvent au
sein d’organisations officielles. Celles-ci revêtent différentes
formes: il peut s’agir d’associations professionnelles, rassemblant
par exemple des médecins, des avocats ou des enseignants (comme
l’Association médicale hongroise en Amérique), ou d’organisations
reposant sur des intérêts communs comme le sport, la religion, les
questions liées au sexe, les œuvres de bienfaisance ou le développement.
Il peut également s’agir de groupes d’investissement, de groupes
liés à des partis politiques, des organisations d’aide humanitaire,
des établissements scolaires ou des sociétés culturelles, des réseaux virtuels,
des fédérations ou des associations. Il existe un type spécifique
d’organisations – les Home Town Associations (HTA)
– qui réunissent des personnes originaires de la même commune et
dont les activités sont centrées sur le développement de leur ville
natale. Les intérêts et les capacités de ces organisations diasporiques
varient considérablement. Certaines d’entre elles constituent des
réseaux puissants et compétents; d’autres ont un impact considérable
dans telle ville ou dans tel village; d’autres encore fonctionnent
sporadiquement et ont une portée très limitée; d’autres enfin ne
semblent exister que sur le papier.
16. La mondialisation de l’économie a permis d’accroître considérablement
les moyens qui permettent aux membres de diasporas – en tant qu’individus
et qu’associations – de participer et de continuer de participer activement
à la vie économique, culturelle, sociale et politique de leur pays
d’origine et de leur pays d’accueil.
3. Le rôle positif
des diasporas
3.1. Engagement des
diasporas dans leur pays d’origine
17. Les modèles et les tendances migratoires changeants,
la mondialisation croissante, les avancées dans les domaines des
communications et de la technologie fournissent une assise à de
nouvelles formes d’engagement des diasporas. A côté de l’assistance
plus traditionnelle qu’elles apportent à leurs pays et régions d’origine
par le biais de transferts de fonds ou d’investissements étrangers
directs, les diasporas sont en train de développer de nouveaux domaines
d’activités qui vont de la mise en place de réseaux professionnels
pour l’échange de connaissances et de compétences à la démonstration
publique de l’attachement au pays d’origine, en passant par les
initiatives en faveur du développement local (par ex. soutien à
la création de micro-entreprises et à d’autres infrastructures collectives),
le lobying et les actions de sensibilisation en matière d’élaboration
et de mise en œuvre des politiques. Les diasporas servent souvent
de principale force motrice pour la modernisation des pays d’origine
et peuvent même influencer la stratégie de développement de régions
tout entières. Dans ce contexte plus large, il importe que les gouvernements considèrent
les diasporas non seulement comme des investisseurs financiers,
mais également comme des partenaires stratégiques pour le développement.
18. L’impact le plus direct et le plus immédiat sur le développement
des pays d’origine provient de la participation des diasporas aux
niveaux familial et communautaire, notamment par le biais des transferts
de fonds. Dans certains cas, les diasporas contribuent assez largement
au PIB de leur pays d’origine. Les transferts de fonds constituent
l’aspect le plus manifeste, bien que les envois en nature soient
également importants. Ainsi par exemple, en 2008, les fonds transférés
en Ukraine se montaient-ils à 19 milliards d’euros, ce qui représente
18 % du PIB du pays.
À
l’échelle mondiale, le montant des transferts est supérieur au volume
de l’aide publique au développement (de 167 milliards de dollars
en 2006, selon les estimations de la Banque mondiale). En 2009,
il devrait s’élever à plus de 300 milliards de dollars
.
19. Toutefois, alors que les transferts de fonds ont pour effet
d’accroître directement le revenu des ménages destinataires, ils
n’affectent en rien la nécessité d’une aide étrangère au développement
et d’investissements directs. Le climat actuel de récession économique
et l’augmentation du chômage ont conduit de nombreux migrants et
membres de diasporas à réduire le montant des sommes qu’ils envoient
à leurs familles, tout en accentuant le retour des travailleurs
migrants dans leur pays d’origine. Selon les estimations de la Banque mondiale,
les transferts de fonds devraient diminuer de 6 % à l’échelle mondiale
en 2009, ce qui constitue une grave menace pour les Etats et les
communautés qui dépendent de tels transferts.
20. Ce n’est que récemment que les gouvernements et organisations
multilatérales telles que la Banque mondiale, le Fonds monétaire
international (FMI) et la Banque Interaméricaine de Développement
(BID) ont commencé à tenir systématiquement compte des contributions
réelles et potentielles que les diasporas apportent au développement
et/ou à la réduction de la pauvreté dans leur pays d’origine
. Plusieurs Etats membres
du Conseil de l’Europe ou pays observateurs, au nombre desquels
le Royaume-Uni, les États-Unis, la France, la Suède et le Danemark,
travaillent désormais en étroite collaboration avec les organisations diasporiques
en vue de mobiliser ou d’optimiser les transferts de fonds pour
la mise en œuvre de projets de développement dans les pays d’origine
.
21. Toutefois, les transferts de fonds ne constituent qu’un des
aspects de l’influence que les diasporas exercent sur le développement
de leur pays d’origine. En effet, pour de nombreux États, ces populations représentent
une source majeure d’investissement direct étranger (IDE); elles
contribuent au développement des marchés et du tourisme, permettent
les transferts de technologies, apportent des contributions politiques ainsi
que des éléments plus abstraits tels que les connaissances, les
comportements progressistes et des influences culturelles.
22. Les investissements considérables effectués par des membres
de diasporas dans les pays d’origine peuvent constituer un moteur
pour des réformes du marché et/ou pour le renforcement des institutions
de ces pays. Dans bon nombre d’Etats membres, les diasporas jouent
un rôle croissant dans la création de possibilités commerciales
et de services collectifs. Il existe aujourd’hui de nombreux réseaux
en ligne qui leur permettent d’effectuer plus facilement des investissements
commerciaux et d’assurer des services collectifs au bénéfice de
leur pays d’origine. Ces échanges créatifs d’informations et d’idées
à l’échelon international ouvrent la voie à de nouvelles initiatives
prometteuses
.
23. Les investissements effectués par les diasporas dans leur
pays d’origine revêtent une importance cruciale pour les Etats membres
moins développés sur le plan économique où la faiblesse relative
des institutions, les risques politiques accrus, les niveaux élevés
de corruption et/ou les revenus plus faibles ont tendance à décourager
les investisseurs étrangers traditionnels n’appartenant pas à une
diaspora. Mais les membres de diasporas peuvent être plus enclins
à investir dans des économies que d’autres investisseurs considéreraient
comme très risquées, tout simplement parce qu’ils possèdent des
connaissances et des relations que ces derniers n’ont pas. Ils peuvent
également conjuguer ces connaissances avec les compétences et les
réseaux qu’ils ont mis en place à l’étranger, ce qui leur permet
de dégager d’importants avantages synergiques
.
24. Les activités sociales et politiques menées par les diasporas
peuvent ouvrir des perspectives bien plus larges pour le développement
de leurs sociétés d’origine. Bien que ces aspects soient plus difficiles
à évaluer que les contributions économiques, ils peuvent influencer
les comportements à l’égard des droits de l’homme, des droits économiques
des femmes et au renforcement de leur participation politique, de
l’utilité de l’éducation des filles, de la prévention du recours
à la violence pour résoudre les conflits politiques, etc. Ainsi,
au cours des vingt dernières années, les diasporas ont-elles joué
un rôle considérable dans la promotion des droits de l’homme et
de la démocratie dans les pays d’Europe centrale et orientale. La
démocratie offrant, d’une part, un environnement plus propice à
la participation politique des diasporas et leur permettant, de
l’autre, d’accroître leur influence dans le pays d’origine, il est
probable que ces activités sociales et politiques continueront de
se développer.
25. Par ailleurs, les diasporas peuvent exercer une certaine influence
sur les processus électoraux dans leur pays d’origine. Ainsi par
exemple, le soutien qu’elles apportent aux campagnes peut-il avoir
une influence sur les résultats de l’élection. Dans certains pays,
cet état de choses a poussé les candidats à faire campagne dans
les pays de résidence des membres de diasporas, même si ceux-ci
ne peuvent pas participer au scrutin ou ont tendance à s’en abstenir.
26. Les diasporas s’impliquent de manière accrue dans le lobbying
et les actions de sensibilisation. Certains pays d’accueil prennent
progressivement conscience des avantages potentiels qu’il y a à
travailler en partenariat avec les diasporas dans des domaines tels
que l’élaboration et la mise en oeuvre de politiques de développement
en faveur du pays d’origine. D’autres initiatives en matière de
lobbying et de sensibilisation ont, par exemple, eu une influence
sur certains accords commerciaux passés entre les pays d’accueil
et les pays d’origine (entre des Etats d’Europe du sud et d’Afrique
du nord, par exemple)
.
27. Il est de plus en plus fréquent que, passant outre à la fois
le gouvernement de leur pays d’origine et celui de leur pays d’accueil,
les groupes de pression des diasporas nouent directement contact
avec les Etats tiers et les organisations internationales. C’est
la raison pour laquelle on commence à considérer les diasporas comme
des entités politiques transnationales agissant «au nom de leur
peuple tout entier», et capables de fonctionner indépendamment des
Etats, d’origine ou d’accueil
.
28. Les diasporas ont le potentiel nécessaire pour apporter d’importantes
contributions à la paix et à la réconciliation.
Elles peuvent participer à la reconstruction et au développement
à l’issue des conflits en apportant un soutien économique et financier,
en assurant des fonctions de direction dans le domaine politique et
de la technocratie et en envoyant temporairement dans leur pays
d’origine des professionnels expatriés en vue d’y travailler au
renforcement des capacités institutionnelles. Elles peuvent également
contribuer aux processus de paix et de réconciliation et soutenir
les réseaux de la société civile et les projets éducatifs qui défendent
leurs causes
. En participant
aux changements politiques, les diasporas peuvent aussi contribuer à
éviter les conflits violents en promouvant et en finançant des formes
non violentes d’opposition. Une telle influence peut procéder d’organisations
populaires, mais également de dirigeants religieux et ethniques,
de chefs d’entreprises, de journalistes, d’intellectuels et d’artistes
susceptibles de toucher une grande partie de la population.
29. Mais l’inverse est également vrai. Les diasporas ont contribué
aux conflits dans presque toutes les régions du monde, y compris
le Kosovo, la Turquie et l’Irlande du Nord
. Ne subissant pas les conséquences quotidiennes
de la violence, les membres de diasporas sont souvent plus intransigeants
que leurs compatriotes restés dans le pays d’origine. Ils peuvent
apporter un soutien direct aux groupes impliqués dans des conflits
violents dans le pays d’origine en leur fournissant des fonds, de
la main-d’œuvre, des armes, ou encore en assurant des transports.
Ce soutien peut également être indirect et prendre la forme de transferts de
fonds qui seront employés à l’échelon local en vue d’exacerber les
conflits et de ruiner les efforts déployés en faveur du développement
et de la paix. Les membres de diasporas peuvent également contribuer
aux conflits en cours en apportant aux groupes d’insurgés des compétences
en matière de programmation informatique, de destruction, de collecte
de fonds ou de gestion financière.
30. Certains membres et organisations de diasporas n’ont pas pour
objectif d’obtenir des retours sur investissement; ils mènent plutôt
des actions de bienfaisance, qui peuvent avoir une portée très limitée
et consister en des efforts ponctuels à très petite échelle de la
part de groupes communautaires, ou en des efforts plus organisés
et plus durables et bénéficier de dons émanant de particuliers ou
de puissants réseaux de donateurs partageant les mêmes valeurs
.
3.2. Engagement des
diasporas européennes dans les pays d’accueil
31. Les relations des diasporas avec les pays d’accueil
sont déterminées par un grand nombre de variables. Celles-ci peuvent
être démographiques, influencées par l’importance de tel groupe
diasporique du pays d’accueil, sa concentration géographique ou
son statut socio-économique; elles peuvent être liées à la proximité
du pays d’origine et du pays d’accueil ou avoir trait à leurs liens
politiques, ethniques ou autres; elles peuvent être liées aux relations
politiques existant entre le pays d’accueil et le groupe diasporique,
c’est-à-dire qu’elles peuvent être influencées par la mesure dans
laquelle les groupes diasporiques participent à la société, par
la mesure dans laquelle les politiques de réfugiés et de migrations
désavantagent les membres des diasporas, par la mesure dans laquelle
les activités politiques qu’ils mènent à l’égard de leur pays d’origine sont
soutenues et par bien d’autres facteurs encore.
32. La portée et la nature de la contribution que les diasporas
apportent à leur pays natal dépendent souvent du degré de leur intégration
dans le pays d’accueil. Un migrant qui s’est adapté à la vie dans
la communauté d’accueil et qui se sent accepté doit déployer moins
d’efforts pour assurer son bien-être et peut donc consacrer plus
de temps, d’énergie et de ressources à sa communauté d’origine
.
Les droits dont bénéficient les citoyens dans les pays d’accueil
jouent un rôle important à cet égard: ainsi, par exemple, les groupes
de la diaspora ukrainienne du Canada, qui jouissent de droits dont
ne bénéficient pas leurs homologues de France, d’Allemagne ou du
Royaume-Uni
, ont-ils
tendance à être plus actifs et à faire davantage entendre leur voix dans
leurs relations avec leurs pays d’origine.
33. Un des principaux rôles positifs joués par les diasporas dans
les pays d’accueil est d’aider les nouveaux migrants à s’intégrer
dans le nouvel environnement tout en les encourageant à garder le
contact avec leur pays d’origine. Les
travailleurs migrants peuvent voir leurs droits bafoués tant à leur
départ du pays d’origine qu’à leur arrivée dans le pays d’accueil. D’une
manière générale, la dégradation des conditions de vie des migrants
dans les pays européens est due à l’incertitude juridique et à l’inégalité
croissante en matière d’accès à la protection sociale. Ils doivent
aussi faire face à des facteurs psychologiques tenant à la barrière linguistique
et à la perte de leurs réseaux sociaux habituels, de même qu’à d’autres
types de problèmes juridiques et sociaux. Les migrants ukrainiens,
par exemple, ont souvent besoin d’un soutien social et psychologique
en vue de s’adapter aux nouvelles conditions de vie dans le pays
d’accueil. Leurs besoins en matière d’éducation – qui vont de l’apprentissage
de la langue du pays d’accueil à l’établissement d’écoles ukrainiennes
– ne sont pas toujours bien satisfaits. On constate les mêmes insuffisances
pour ce qui concerne la nécessité de diffuser des informations objectives
à propos de la situation sociale et économique actuelle en Ukraine.
En outre, des questions d’ordre social et juridique aussi importantes
que les conditions de travail, les prestations de santé, les conditions
de logement et le versement des retraites à l’étranger n’ont toujours
pas été résolues. Il en va de même pour ce qui concerne la protection
juridique et la régularisation du statut des migrants en situation
irrégulière.
34. Toutefois, lorsque les diasporas sont correctement guidées
et encouragées, elles peuvent constituer un important outil en vue
d’aider leurs compatriotes à s’adapter aux sociétés d’accueil. Des
organismes à but non lucratif tels que l’association «Ukraine‑Monde»,
le Conseil mondial de coordination ukrainien et «Entraide ukrainienne»
jouent un rôle important dans ce processus. Ainsi, par exemple,
«Entraide ukrainienne» travaille-elle principalement avec la dernière
vague de la diaspora ukrainienne – essentiellement des travailleurs migrants.
En coordonnant les activités d’associations en Ukraine et au sein
de la diaspora ukrainienne et en coopérant avec les gouvernements
nationaux et étrangers, le monde des affaires et les organismes
à but non lucratif, ces organisations défendent les intérêts de
l’Ukraine et des Ukrainiens à l’étranger dans les domaines économique,
politique, juridique, ethnique et culturel, sportif et autres. Ces
organisations, en partie financées par l’Etat ou reposant entièrement
sur le bénévolat, sont aujourd’hui une force unificatrice sur laquelle
fonder le développement de poches (unités? communautés?) ethniques
fortes.
35. Il n’en reste pas moins que, quelle que soit l’importance
du rôle positif que peuvent jouer les diasporas, c’est au niveau
de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique de développement
que seront vraiment garantis le respect des droits des travailleurs
migrants, leur intégration ou leur retour. Les pays d’origine et
les pays de destination devraient mettre en place des politiques
mutuellement bénéfiques et cohérentes dans lesquelles la diaspora
pourrait jouer un rôle constructif.
4. Réponses des gouvernements
à l’échelon national
36. Pour les gouvernements, le défi est aujourd’hui de
gérer au mieux les questions complexes de la mobilité, des identités
multiples et de la diversité, de sorte à maximiser l’engagement
des diasporas dans les pays d’origine et dans les sociétés d’accueil.
37. La plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe sont à
la fois des pays d’origine et des pays de destination. C’est la
raison pour laquelle leurs politiques nationales de migrations doivent
comprendre une vision holistique de la gestion des flux (partants
et entrants) de migrants. C’est précisément pour cette raison que
votre rapporteur juge nécessaire de proposer aux gouvernements d’apporter
des réponses qui incluent les deux aspects des migrations en insistant
sur leurs interrelations.
38. Dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, les politiques
et les pratiques des gouvernements reflètent ces diverses vues et
méthodes d’engagement, de la plus symbolique à la plus concrète.
Le cadre dans lequel s’établissent les relations entre les Etats
membres et leurs diasporas revêt un caractère unique en raison du
contexte socio-historique des pays d’origine et des pays de destination.
Alors que la majorité des «anciens» Etats membres entretiennent
depuis longtemps des relations institutionnalisées avec leurs expatriés,
bon nombre de «nouveaux» Etats membres d’Europe centrale et orientale
commencent seulement à reconnaître le potentiel de développement
et les autres avantages qu’il y a à donner un caractère plus officiel à
la participation de leurs diasporas.
39. Votre rapporteur regrette, que malgré les appels que l’Assemblée
lance depuis des années, les relations entre les Etats membres et
leurs diasporas vivant à l’étranger sont loin d’être harmonisées
à l’échelon européen. On constate cependant une nette tendance des
Etats d’origine à solliciter leurs ressortissants installés à l’étranger
et leurs descendants. Dans un certain nombre de «nouveaux» Etats
membres, tels que la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie,
les communautés de la diaspora ont fourni des dirigeants politiques
au plus haut niveau après l’effondrement des régimes communistes.
Plusieurs autres Etats ont instauré des liens à l’échelon ministériel
en vue de cultiver les relations avec leurs diasporas.
40. Toutefois, comme on l’a déjà mentionné dans l’introduction,
le potentiel de développement des diasporas a, d’une manière générale,
été sous-exploité et les transferts de fonds opérés par les diasporas
vont essentiellement aux biens de consommation, à l’éducation et
à la santé. D’autres types de flux financiers tels que l’investissement
direct dans les entreprises, l’investissement dans les marchés de
capitaux et les œuvres de bienfaisance sont particulièrement dépendants
de l’existence, dans le pays d’origine, d’un environnement économique
propice. Dans bon nombre de régions d’Europe, la corruption et la
manipulation politique continuent d’entraver non seulement les contributions
potentiellement lucratives et durables à l’aide au développement,
mais également tous les autres types d’investissements étrangers.
Pour remédier à ces problèmes, il serait souhaitable que les gouvernements
travaillent à mettre en place un soutien actif aux entreprises ainsi
que des programmes d’investissements productifs. A cet égard, on
pourrait citer l’exemple de l’Albanie qui a récemment adopté un
Plan d’action national sur les transferts de fonds en vue d’encourager
la mise en place de voies officielles pour ces transferts et d’orienter
ces derniers vers un usage productif et vers des investissements
en Albanie.
41. Pour pouvoir bénéficier pleinement des contributions des diasporas
et être à même d’élaborer de meilleures politiques, les gouvernements
de tous les Etats membres doivent avant et surtout connaître la
taille de leurs communautés à l’étranger et avoir recueilli des
informations sur leurs profils. Cela n’est pas toujours tâche facile
en raison du grand nombre de travailleurs migrants originaires des
pays d’Europe centrale et orientale vivant illégalement à l’étranger.
Par ailleurs, il est également difficile d’établir un profil de
ces populations. Car, si les migrants de la première génération
souhaitaient contribuer au développement de leur pays d’origine
par le biais d’investissements financiers et/ou de transferts de
fonds, ceux des générations suivantes préféreront peut-être contribuer
par le biais de transfert de savoir et de compétences. Une meilleure connaissance
des différents profils peut contribuer à l’élaboration d’activités
et de politiques mieux ciblées.
42. Plus important encore toutefois, les gouvernements doivent
se pencher sur les changements de perspectives des politiques de
migration intervenus depuis les années 90 en raison du processus
de mondialisation. Alors que les générations précédentes de migrants
en Europe quittaient leur pays en vue de s’installer définitivement
dans un pays donné, la révolution des communications et des transports,
la mobilité transfrontalière florissante et le transnationalisme
(qui a redéfini les identités individuelles et familiales) ont rendu
obsolète la classification traditionnelle en pays d’origine, de
transit et de destination.
43. Contrairement aux flux traditionnels de main-d’œuvre relativement
peu qualifiée, on compte aujourd’hui au nombre des migrants des
professionnels hautement qualifiés, des chefs d’entreprise, des
universitaires et des jeunes souhaitant acquérir une expérience
professionnelle à l’étranger. C’est la raison pour laquelle les pays
d’origine ont tout intérêt à maintenir des relations avec ces personnes
et à les encourager à revenir. Dans un même temps, les disparités
économiques et les déséquilibres démographiques entre les pays développés et
les pays en développement sont en train de se creuser et les réseaux
de passeurs se développent en vue de servir l’industrie des migrations
irrégulières en rapide croissance
. Dans ce contexte, les Etats seront
de plus en plus appelés à relever un double défi: empêcher la fuite
des cerveaux et contrôler les activités des diasporas sans affecter
leurs contributions économiques potentielles.
44. A la lumière de ces évolutions, les migrations doivent être
comprises comme un trait inévitable du monde contemporain, ce qui
signifie que les Etats européens doivent mettre en place des politiques
cohérentes qui tiennent compte du potentiel de mobilité des êtres
humains tout en s’efforçant d’établir un équilibre entre un grand
nombre d’intérêts contradictoires tels que la facilitation et le
contrôle des migrations, la diversité et la cohésion, la souveraineté
des Etats et la sécurité.
45. Les communautés de migrants en général et les diasporas en
particulier sont des partenaires extrêmement intéressés, à condition
que les possibilités qu’on leur offre soient crédibles, que l’environnement soit
propice à leur participation et que les avantages de cette dernière
soient reconnus par les pays d’origine et par les pays d’accueil.
Pour être en mesure d’améliorer l’efficacité des politiques à l’égard
des diasporas, les gouvernements européens doivent impérativement
reconnaître:
- l’importance du
rôle que l’appartenance double ou multiple des diasporas peut jouer
en faveur de la construction de passerelles entre les cultures et
en faveur de la diversité culturelle et religieuse de l’Europe;
- les changements intervenant dans les modèles de migration
ainsi que le potentiel accru des diasporas en tant que partenaires
stratégiques pour le développement;
- l’hétérogénéité des attentes et des niveaux de compétence
des communautés des diasporas et de leurs membres et la nécessité
de s’abstenir d’apporter des réponses uniformes.
46. Particulièrement à l’heure de la récession économique mondiale,
les gouvernements devraient faire porter davantage leur attention
sur la nécessité d’élaborer des politiques en faveur des migrants
qui choisissent de soutenir différentes initiatives de développement
dans leurs pays d’origine. Ces politiques doivent s’appuyer sur
les compétences et les talents des communautés des diasporas et
de leurs membres en vue d’améliorer l’intégration dans les pays
de résidence et de favoriser le développement des pays d’origine.
47. Il est également essentiel que les gouvernements diffusent
une image positive de la contribution des diasporas au développement
de leur pays d’origine en vue de circonscrire la perception souvent
négative de l’immigration qui prévaut dans les pays d’accueil. La
politique de codéveloppement du Gouvernement français qui considère
les immigrés comme des acteurs du développement jetant des ponts
entre les pays d’origine et les pays d’accueil ou comme des ambassadeurs
qui favorisent le développement des relations bilatérales
, constitue un exemple positif.
48. Votre rapporteur identifie quatre grandes voies pour les politiques
relatives à l’engagement des diasporas sur lesquelles les gouvernements
pourraient édifier leurs stratégies. C’est ainsi qu’ils devraient, entre
autres:
- adopter une approche
globale et plurisectorielle en vue de gérer la migration et le développement
à l’échelon national;
- élaborer, pour les diasporas, des incitations aux échelons
politique, économique et des échanges, ainsi qu’en matière d’éducation
et de culture;
- encourager le dialogue et le partenariat avec les communautés
de la diaspora;
- renforcer les capacités à l’échelon national.
4.1. Gestion cohérente
des migrations
49. Les politiques relatives aux diasporas devraient
être envisagées dans le cadre d’un concept holistique de la gestion
des migrations et du développement, lequel devrait inclure la santé,
l’éducation, la réforme du secteur privé, le développement du secteur
public, les préoccupations relatives à la sécurité nationale et
le renforcement des cadres juridique et administratif.
50. Les migrations sont un phénomène aux multiples facettes
qui appelle une approche cohérente
associant tous les secteurs de la vie sociale et politique. Les
migrations internationales doivent, tant dans la pratique que dans
le contexte de l’élaboration des politiques, être vues dans leur
ensemble – c’est-à-dire comme un phénomène qui implique toutes les
organisations politiques et économiques des pays d’origine, de destination et
de transit ainsi que les migrants eux-mêmes. Cette approche doit
englober les aspects économiques, politiques, voire environnementaux,
des migrations, qu’elles soient régulières ou illégales. Toute mesure
prise par un pays ou groupe de pays à l’égard d’un migrant ou d’un
groupe de migrants doit être vue dans ce contexte d’ensemble et
en tenant compte de son impact sur les autres pays. Il convient
de soutenir les migrations circulaires en vue de prévenir les conséquences
néfastes des migrations irrégulières et de la fuite des cerveaux.
Il faut donner aux migrants les moyens et la possibilité de circuler
assez facilement entre leurs pays d’origine et de destination
.
51. Afin de maximiser l’impact des diasporas sur le développement,
il importe que les pays d’origine incluent les initiatives des diasporas
dans leurs programmes de développement et les stratégies nationales
de réduction de la pauvreté et ce tant à l’échelon national qu’à
l’échelon local. Les politiques de développement devraient être
cohérentes à la fois pour les pays d’origine et pour les pays d’accueil..
4.2. Incitations stratégiques
52. Les gouvernements peuvent jouer le rôle de catalyseurs
en créant un environnement propice à la participation des diasporas
en offrant diverses incitations stratégiques, lesquelles pourront
inclure différentes formes d’incitations sur le plan civil et politique,
sur le plan économique et social, sur le plan de l’éducation ou bien
prendre la forme d’avantages fiscaux.
4.2.1. Incitations civiles
et politiques
53. Les diasporas sont des groupes d’électeurs coupés
de leur pays d’origine. Afin d’aider les diasporas et leurs membres
à poursuivre leur engagement, il faut encourager l’adoption de mesures
telles que l’extension des droits politiques des citoyens, l’organisation
de sommets de diasporas et les visites à des organisations diasporiques
dans leurs pays d’origine. Plus que d’autres, ces ressources politiques
constituent un soutien moral pour les membres de la diaspora parce
qu’elles légitiment leur contribution au pays d’origine et leur influence.
54. Plusieurs approches visant à préserver un sentiment d’identité
avec le pays d’origine ont été testées, y compris la nationalité
(double ou multiple). Environ quatre-vingt pays dans le monde permettent
une nationalité double, néanmoins les politiques et les pratiques
varient selon les pays et il existe autant d’arguments en leur faveur
qu’en leur défaveur.
Parmi les Etats membres du Conseil de
l’Europe, la Finlande, la France, la Hongrie, l’Irlande, l’Italie,
le Portugal, la Suède, la Suisse et le Royaume-Uni autorisent les
nationalités multiples. Plusieurs autres Etats membres par ex. l’Autriche,
la Belgique, le Danemark, l’Estonie, l’Allemagne, la Lettonie, le
Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, la Pologne, la Slovénie, font une
exception pour les enfants nés à l’étranger, la plupart exigeant
toutefois des immigrés de la deuxième génération qu’ils déclarent
vouloir garder leur nationalité ou qu’ils demandent définitivement
la nationalité du pays lorsqu’ils atteignent la majorité. Des pays
tels que la Lettonie et la Pologne autorisent leurs citoyens à prendre
la nationalité d’un autre Etat, mais seule la nationalité d’origine
sera reconnue par les autorités de ces pays. L’Espagne fait des
exceptions pour les pays avec lesquels elle a conclu des traités
relatifs à la double nationalité.
55. Les diasporas sont souvent confrontées à des problèmes liés
aux restrictions apportées aux droits d’entrée et aux permis de
séjour et peuvent être obligées de demander un visa pour se rendre
dans leur pays d’origine. Elles risquent également de ne pas être
autorisées à investir, à exercer leurs droits en matière de succession
et de propriété. Ces facteurs constituent un obstacle à leur intégration
et à leur participation démocratique dans les sociétés d’accueil.
. Certains pays
ont déjà commencé à mettre en œuvre de telles politiques. En Ukraine,
par exemple, les membres de diasporas et leur famille peuvent se
voir délivrer un certificat officiel attestant de leur statut d’ «Ukrainiens
de l’étranger» et leur permettant d’entrer et de sortir du territoire
sans visa.
56. C’est la raison pour laquelle il serait souhaitable d’offrir
aux diasporas la possibilité de garder leur nationalité d’origine
ainsi que d’exercer des droits économiques, des droits électoraux
et d’autres droits politiques plus étendus dans les pays d’accueil
en harmonisant autant que faire se peut le droits des diasporas avec
ceux des citoyens de souche. Une telle démarche permettrait aux
gouvernements de tirer pleinement profit des fruits de l’expérience
des diasporas (y compris de leurs avoirs financiers, leurs compétences
en matière d’organisation et leur patriotisme) et de se servir de
ces dernières comme d’un véritable levier pour influencer le développement
de leur pays d’origine. Il va sans dire que l’on ne saurait attendre
une aide des diasporas si on ne leur permet pas d’exercer une véritable
influence sur la situation de leur pays d’origine.
57. Cela dit, il importe également de veiller à ce que toute politique
visant à étendre à grande échelle les droits politiques des ressortissants
vivant à l’étranger soit conforme aux principes du droit international
et régie par des accords bilatéraux entre les Etats concernés. Votre
rapporteur tient à rappeler que l’Assemblée Parlementaire n’a cessé
de protester contre la pratique consistant à délivrer des passeports
et à octroyer la nationalité à des résidents étrangers en vue de
servir des politiques expansionnistes
. Elle rappelle également
les recommandations sur les minorités nationales dans les relations
interétatiques publiées en juin 2008 par le Haut Commissaire de
l’OSCE sur les minorités nationales, qui disposent que les Etats
devraient s’abstenir de prendre des mesures unilatérales, y compris
des mesures portant sur l’octroi d’avantages à des étrangers au
nom de liens ethniques, culturels, linguistiques, religieux ou historiques
ayant pour intention ou pour effet de porter atteinte aux principes
de l’intégrité territoriale.
58. A ce propos, votre rapporteur rappelle également la position
de l’Assemblée, qui encourage les pays d’accueil à favoriser l’intégration
des migrants «en abaissant à cinq ans, voire moins, les conditions
de la durée de résidence pour l’acquisition de la nationalité» tout
en «assurant que d’autres obligations, comme les tests de naturalisation,
les tests de langue, les conditions de revenus et de logement, les
frais et les serments, ne deviennent pas excessivement lourdes en
termes de nombre et de contraintes inhérentes»
. L’Assemblée a également demandé
que les Etats membres veillent à ce qu’aucun obstacle indû ne vienne
entraver l’acquisition de la nationalité par les migrants de la
deuxième génération ou des générations suivantes.
59. Le droit de vote constitue une autre mesure liée à l’identité,
qui peut indirectement inciter les diasporas à s’engager tant dans
leur pays d’origine que dans le pays d’accueil.
60. Bien qu’on observe dans le monde entier, une tendance à octroyer
des droits politiques aux migrants, de nombreux Etats – y compris
des Etats membres du Conseil de l’Europe – restent hostiles à l’affranchissement
des expatriés. Un exemple frappant est fourni par l’Irlande dont
les millions d’expatriés n’ont toujours pas le droit de vote. Il
convient toutefois de replacer cela dans le contexte de l’émigration
massive des Irlandais; l’énorme communauté de la diaspora pourrait
largement dépasser en nombre la population vivant sur le territoire
irlandais. D’autres pays n’ouvrent pas de bureaux de vote dans les
pays où le nombre d’électeurs inscrits est insuffisant. Des opposants
soulèvent d’importantes questions éthiques et constitutionnelles:
doit-on pouvoir exercer une influence sur des politiques auxquelles
on n’est pas soumis? Doit-on avoir le droit d’être représenté lorsqu’on
n’est pas assujetti aux impôts?
61. Pour ce qui concerne les droits de vote des diasporas dans
le pays d’accueil, l’Assemblée est favorable à l’octroi aux migrants
du droit de vote et du droit de se présenter aux élections locales
et régionales après avoir résidé dans le pays pendant cinq ans au
moins.
62. En Europe, quatre pays seulement – la Croatie, la France,
l’Italie et le Portugal – autorisent leurs ressortissants de l’étranger
non seulement à participer activement à certains processus électoraux,
mais également à élire leurs propres représentants aux parlements
nationaux. Cette pratique a manifestement pour objectif de renforcer
les liens des électeurs résidant à l’étranger avec la communauté
politique nationale, de leur permettre de promouvoir leur propre
programme législatif et d’intervenir directement en exposant le
point de vue des expatriés lors des débats et des processus de prise
de décision concernant des questions d’intérêt national. Bien entendu,
chacun de ces pays a ses propres caractéristiques. En 2007, les
diasporas croate, française, italienne et portugaise occupaient
respectivement 6 sièges (3.9%), 12 sièges (3.6%), 12 sièges (1.9%)
et 4 sièges (1.7%) au sein des parlements de leurs pays d’origine
.
63. Outre la participation politique par le biais de l’exercice
du droit de vote et du droit de se présenter aux élections, la participation
démocratique au sein des sociétés d’origine et des sociétés d’accueil
inclut également l’exercice de droits tels que le droit à la liberté
d’expression, le droit à la liberté de pensée, le droit à la liberté
de conscience et le droit à la liberté de religion. Elle peut comprendre
la liberté d’association, dont l’adhésion à un parti politique ou
à un syndicat, et la participation à des manifestations. Elle peut
aussi inclure la participation à la société civile, que ce soit
au sein d’associations s’occupant de migrants ou intervenant dans des
domaines plus larges, tels que le sport, les arts, les œuvres de
bienfaisance, la philosophie ou la religion. Votre rapporteur rappelle
que l’octroi de droits politiques aux migrants constitue une aspiration
universelle qui se situe dans le droit fil des principes de démocratie
et d’égalité des citoyens.
64. Il convient toutefois de souligner que, si les diasporas et
les migrants dans leur ensemble ont des droits, ils ont aussi des
devoirs vis-à-vis des pays d’accueil: ils doivent accepter leurs
lois, leurs coutumes et leurs valeurs. Ils ont également des devoirs
envers la communauté plus large dans laquelle ils vivent, notamment celui
de participer à son développement. Ils ont la possibilité de mener
campagne en faveur d’un changement pacifique en usant de moyens
démocratiques mais, s’ils sont incapables de respecter les lois
et la constitution du pays d’accueil, ils devraient le quitter
.
4.2.2. Encourager les
retours
65. Dans un certain nombre d’Etats membres du Conseil
de l’Europe, la fuite des cerveaux constitue un problème croissant,
encore aggravé par la crise économique. D’autre part, cette dernière
encourage les retours dans le pays d’origine. Il convient de mettre
en place des politiques pour gérer ces flux en vue de renverser
la tendance et d’encourager l’afflux de cerveaux. Il faut créer
les conditions législatives et institutionnelles de nature à faciliter
le retour volontaire et la réintégration des migrants et des diasporas
dans leur pays d’origine. Toutes les mesures essentielles devraient
être prises pour garantir aux migrants rentrant dans leur pays les
droits financiers et fiscaux et les droits en matière de pension
qui sont les leurs.
66. Même en période de crise économique, il est du devoir des
pays européens d’offrir à leurs ressortissants une croissance économique
durable, un climat favorable pour la création d’entreprises et des
conditions de travail décentes. En instaurant de telles conditions
et en devenant plus attrayants, les pays d’origine feront de la
migration un choix et non plus une nécessité; par ailleurs, ils
favoriseront également le retour et la migration circulaire, ils
maximiseront l’impact des transferts de fonds et encourageront les
diasporas à investir dans leur patrie
.
4.2.3. Promouvoir les
investissements et les créations d’entreprises
67. La création d’entreprises est un domaine auquel les
diasporas veulent participer. Certes, tous les migrants n’ont pas
les prédispositions nécessaires à cette fin et la nature des activités
économiques menées par les diasporas dépend du statut qu’elles ont
dans le pays d’accueil (situation régulière ou irrégulière, résident
à long terme, migrant de la deuxième génération, etc.), des raisons
qui sous-tendent ces initiatives (investissement, préparation du
retour, soutien à la famille) et des possibilités existant dans
le pays d’origine. Cela dit, si les membres des diasporas ont acquis
les moyens, les connaissances et les réseaux qu’ils souhaitent exploiter
dans leur pays d’origine, les gouvernements de ces derniers et ceux
des pays d’accueil peuvent leur fournir une aide précieuse
.
68. Les pays d’origine qui souhaitent promouvoir la création d’entreprises
par les diasporas peuvent leur offrir des incitations douanières,
leur donner accès à des espaces économiques spéciaux et à des institutions fiscales
étrangères et, d’une manière plus générale, les informer des possibilités
d’investissement, par exemple par le biais de l’internet. De plus,
les diasporas obtenant souvent de leur famille la plupart des informations
de première main sur leur pays d’origine, les informations de qualité
sur les possibilités d’investissement peuvent être fournies par
les médias locaux.
69. L’accès aux biens fonciers et à la propriété constitue une
question sensible, notamment lorsque les diasporas demandent à récupérer
leurs biens à l’issue de conflits. Dans les autres cas, les réformes
relatives aux propriétés foncières peuvent constituer une mesure
importante en vue d’encourager les diasporas à investir dans l’agriculture
ou dans la reconstruction.
70. Somme toute, en vue de stimuler les investissements et de
créer un environnement propice aux entreprises, les gouvernements
des pays d’origine doivent garantir le respect de la prééminence
du droit et en particulier un accès équitable à la justice et à
un procès équitable, ce qui revêt une importance particulière pour les
diasporas qui sont souvent approchées pour leur argent et dont les
investissements pourraient être détournés de leur usage premier.
4.2.4. Encourager les
transferts de fonds
71. Dans le contexte actuel de la crise économique mondiale,
les gouvernements nationaux doivent élaborer des politiques susceptibles
d’améliorer la rentabilité des transferts financiers.
72. En particulier, les Etats qui sont traditionnellement des
pays d’origine devraient encourager les transferts de fonds en mettant
en place des politiques législatives et réglementaires proactives.
C’est ainsi, par exemple qu’ils devraient doter leurs migrants de
droits, d’une protection et d’une reconnaissance spécifiques en
vue d’augmenter autant que possible l’apport de revenus venant de
leurs transferts de fonds et de les faire participer au processus
de développement dans un sens plus large
.
73. Les pays d’origine et les pays de destination devraient coopérer
en vue de stimuler le transfert de fonds et d’en accroître l’impact.
Ils devraient envisager de mettre en place des mesures visant à:
- réduire les coûts de transaction,
signer des accords en vue d’éviter la double imposition et traiter
les migrants internationaux comme des investisseurs;
- créer un cadre juridique/réglementaire approprié permettant
l’utilisation efficace des fonds transférés dans divers domaines
d’investissement;
- simplifier et garantir les procédures relatives aux opérations
de transfert par le biais d’accords bancaires adaptés et transparents;
- encourager les banques à organiser les transferts d’épargne
et de prestations sociales dans un esprit de concurrence réelle
et à un coût raisonnable;
- encourager les transferts collectifs de fonds en vue de
soutenir le développement de la collectivité et la génération d’emplois;
- offrir des incitations financières (par ex. prêts et taux
d’intérêts à des conditions particulières) dans le cadre de programmes
de développement économique et social;
- rechercher des parrainages pour les modèles de transferts
de fonds et leur usage.
4.2.5. Promouvoir l’éducation
et la culture
74. Une autre politique souhaitable aux fins de l’intégration
des diasporas consiste à offrir à leurs membres et aux migrants
une aide directe par l’intermédiaire de centres culturels et de
centres d’information publics pour répondre aux besoins éducatifs
et culturels de ces populations ainsi qu’à leur besoin d’information
et préserver leurs identités ethniques distinctes. Il faut encourager
l’enseignement ou la sauvegarde de la langue, de la culture et de
l’identité par le biais de la création d’écoles ou de réseaux d’aide
linguistique. Cependant, cette démarche dépend encore, dans une
large mesure, de la coopération des pays d’accueil, dont certains considèrent
toujours que le fait de conserver la langue d’origine constitue
une entrave à l’intégration et s’opposent donc à de telles mesures.
75. Les diasporas, qui figurent parmi les principaux consommateurs
d’Internet, ont également besoin de sites où elles peuvent trouver
toutes les informations dont elles ont besoin. Pour un coût relativement
faible, les Etats pourraient utiliser des technologies web afin
de contribuer à renforcer la cohésion sociale, affective et culturelle
et d’encourager les migrants à envisager le retour dans leur pays
d’origine.
4.3. Dialogue et partenariat
avec les membres et les organisations des diasporas
76. Il est essentiel de mettre en place des partenariats
avec les membres et les organisations des diasporas, car ces derniers
jettent des ponts entre les pays d’origine et les pays de destination
et donnent sa légitimité au processus.
77. Une autre mesure particulièrement importante à prendre par
les gouvernements est la mise en place de structures et le lancement
d’initiatives en vue d’aider les diasporas à conserver des liens
forts et efficaces avec leurs pays d’origine. Beaucoup de pays européens
ont mis en place à l’échelon ministériel, des divisions spécialement
chargées des questions relatives aux expatriés, des bureaux spéciaux
au sein des ambassades, des cabinets présidentiels ou des organisations
spécialisées. Certains pays européens dont l’Arménie, la Bosnie-Herzégovine
et la Serbie ont mis en place un ministère de la Diaspora afin de
promouvoir les relations avec leurs citoyens installés à l’étranger.
En Serbie, par exemple, le ministère de la Diaspora est chargé de traduire
la nouvelle législation sur la diaspora en programmes concrets orientés
vers l’action; à l’heure actuelle, il est en train d’élaborer une
stratégie pour la diaspora ainsi qu’un Plan d’action qui devrait
être finalisé en décembre 2009. En Bosnie-Herzégovine, le ministère
des Droits de l’homme et des Réfugiés recueille les données nécessaires
sur les contributions de la diaspora et invite les parties prenantes
des secteurs public et privé à participer à un processus interinstitutionnel
afin d’élaborer une stratégie et un cadre législatif cohérents en
vue de maximiser l’impact de telles contributions
.
78. Il importe tant pour le pays d’origine que pour le pays d’accueil
d’identifier les organisations de diasporas existantes et il conviendrait
de s’efforcer de travailler avec elles. Les organisations diasporiques
diffèrent de par leurs objectifs, leur taille, leurs capacités et
leur expérience; c’est la raison pour laquelle il conviendra de mettre
en place des partenariats différenciés.
79. Les gouvernements doivent être encouragés à élaborer des programmes
visant à favoriser la coopération entre les villes des pays d’origine
et les associations actives dans des villes jumelées des pays d’accueil.
Les programmes des pouvoirs publics doivent également soutenir la
création et le renforcement de réseaux de diasporas ayant un fort
potentiel de développement, comme ceux consacrés à la coopération
entre les entreprises ou aux technologies de l’information. Les
groupes diasporiques plus petits et plus pauvres peuvent avoir des
difficultés pour organiser de manière indépendante des manifestations
telles que des salons commerciaux et d’investissement ou des conférences
commerciales, ainsi que de mettre en place des outils de travail
en réseau comme les sites Internet.
80. Toutefois, les gouvernements nationaux ne sont pas les seuls
partenaires importants pour les groupes diasporiques. Les collectivités
locales et régionales, les institutions à but non lucratif telles
que les universités, les laboratoires de recherche et les hôpitaux
des communautés d’origine sont également des partenaires ou des
partenaires potentiels pour les activités des diasporas
.
De plus, le secteur privé peut contribuer à créer de nouvelles possibilités
de création d’entreprises, de projets communs, d’échanges et de
flux accrus d’investissements.
4.4. Renforcement des
capacités nationales
81. Les politiques nationales doivent également s’accompagner
de mesures de renforcement des capacités, lesquelles devraient être
centrées sur la nécessité d’améliorer les connaissances, la recherche
et les compétences humaines. A cette fin, il convient en premier
lieu d’améliorer les données et les statistiques ayant trait à des
questions liées aux interrelations entre migration et développement
(communautés transnationales, retour et migration circulaire, transferts
de fonds); de renforcer les connaissances relatives à l’impact des
politiques de migration sur le développement et vice-versa; de promouvoir
le dialogue politique et l’intensification de la coopération entre
les parties prenantes dans les domaines de la migration et du développement
aux échelons bilatéral, régional, interrégional et mondial; et d’investir
dans l’élaboration de nouveaux projets et programmes pilotes en
vue de tester de manière très concrète la manière dont les migrations
peuvent contribuer au mieux au développement
.
82. Il importe également de développer les capacités administratives,
financières et techniques. Les gouvernements de bon nombre de pays
de destination ne possèdent que très peu – voire pas du tout – de structures
officielles en vue d’établir des relations avec les populations
des diasporas dans le contexte du développement. En vue de faire
participer les diasporas de manière plus systématique, on pourrait,
par exemple, créer un bureau spécial au sein de l’institution nationale
d’aide au développement. Si les gouvernements des pays d’origine
sont parfois dotés des structures nécessaires, il est toutefois
rare qu’ils disposent des ressources financières suffisantes pour
en assurer le fonctionnement et le financement. Les gouvernements
et les organismes donateurs pourraient aider les gouvernements des
pays d’origine, tant sur le plan technique que sur le plan financier,
à renforcer leurs institutions pour les diasporas
.
83. Enfin, les gouvernements des pays d’origine et des pays de
destination qui souhaitent coopérer avec les diasporas en matière
de développement ont tout intérêt à renforcer la capacité des organisations diasporiques
de participer à la planification et à la mise en œuvre des activités
de développement, à garantir que les questions de diasporas seront
prises en compte et à veiller à mettre en place un point de centralisation au
sein de leurs propres ministères
.
5. Réponses internationales
et intergouvernementales: les moyens de progresser
84. La communauté internationale, y compris les organisations
telles que l’Organisation internationale pour les migrations, l’Organisation
internationale du travail ou le Conseil de l’Europe ont un rôle
important et multiple à jouer en vue d’aider les gouvernements à
élaborer des politiques de migration et de développement cohérentes
aux échelons national et international.
85. Il faut, en premier lieu, clarifier les différentes notions,
classifications et définitions relatives aux diasporas en vue de
les harmoniser à l’échelon international en tenant compte de leur
nature évolutive et dynamique. Il faut également définir, dans les
pays d’origine et les pays d’accueil, le statut, les droits et les obligations
des diasporas européennes.
86. En deuxième lieu, il faut veiller à ce que toute coopération
internationale en matière de gestion des migrations soit pluridimensionnelle
et qu’elle canalise les migrations vers des voies régulières respectueuses de
la dignité humaine, y compris en augmentant les possibilités légales
pour les travailleurs migrants. Votre rapporteur estime qu’il est
de la plus haute importance de veiller à ce que la coopération en
matière de gestion des migrations se fonde sur une approche respectueuse
des droits de l’homme qui promeuve la dignité humaine et l’égalité
de traitement. Il faut faire en sorte que l’intégration des migrants
en Europe et les politiques de migration reposent sur les principes
des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de la démocratie et
de la prééminence du droit tout en veillant à la gestion des migrations,
à la coexistence pacifique des différentes nationalités au sein
de la société et au respect des particularités de chacun. D’une
manière générale, la coopération en matière de gestion des migrations
devrait s’inspirer des valeurs démocratiques et notamment du respect
de la diversité.
87. En troisième lieu, la communauté internationale a un rôle-clé
à jouer en vue de promouvoir la définition de normes. Il faudrait
tirer pleinement parti des instruments juridiques internationaux
existants en vue d’asseoir le statut juridique des migrants. Le
plus grand nombre possible de pays européens doivent ratifier les conventions
pertinentes et ceux qui l’ont déjà fait doivent incorporer ces instruments
dans leur législation nationale et les mettre en œuvre.
88. Malheureusement, les efforts déployés par la communauté internationale
en vue de renforcer les droits des migrants et des diasporas n’ont
pas été entièrement couronnés de succès; et il reste encore un long chemin
à parcourir avant l’adoption d’un cadre général pour les droits
des migrants tant réguliers que clandestins au niveau européen
. La Convention
internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs
migrants et des membres de leur famille n’a été ratifiée que par
un très petit nombre d’Etats. Seuls trois Etats membres du Conseil
de l’Europe (Azerbaïdjan, Bosnie-Herzégovine et Turquie) ont pleinement adhéré
à ce traité. La Convention européenne relative au statut juridique
du travailleur migrant (STE n° 93) n’a enregistré que 11 ratifications
à ce jour. D’autres conventions du Conseil de l’Europe ayant un
rapport aux migrants n’ont pas, elles non plus, les faveurs des
Etats membres. Ainsi, la Convention européenne sur la nationalité
(STE n° 166) a-t-elle été ratifiée par 16 pays seulement, et la
Convention sur la participation des étrangers à la vie publique
au niveau local (STE n° 144) par 8 pays seulement. Votre rapporteur
encourage donc les Etats membres à ratifier ces instruments sans
délai.
89. En quatrième lieu, fort de l’expérience qu’il a acquise en
matière de migrations et développement, le Conseil de l’Europe pourrait
contribuer aux débats politiques actuels en élaborant des lignes
directrices visant à encourager les diasporas à participer davantage
à des projets de développement dans les pays d’origine. Par ailleurs,
il devrait travailler à harmoniser plus avant la législation et
la pratique en matière de protection des droits de l’homme des travailleurs
migrants et des membres des diasporas et encourager, le cas échéant,
les membres des diasporas dans les efforts qu’ils déploient en vue
d’améliorer la démocratie et les droits de l’homme dans les pays
d’origine et dans les pays d’accueil. Plus important encore, il
devrait aider les Etats membres à adopter des politiques et à mettre
en œuvre des programmes spécifiques en vue d’encourager le retour
permanent ou temporaire d’expatriés qualifiés dans leurs pays d’origine
et donc de promouvoir l’afflux des cerveaux.
90. Enfin, la création de partenariats internationaux entre les
pays de destination, les pays d’origine, de transit et d’accueil
constitue un premier pas vers la reconnaissance de la contribution
que les migrants apportent au développement. Une telle démarche
vaut reconnaissance du partage des responsabilités entre les pays
impliqués dans tels ou tels mouvements migratoires ou affectés par
eux. C’est pourquoi la communauté internationale devrait faciliter
la coopération entre les organisations diasporiques, y compris les organisations
professionnelles et d’autres ONG travaillant dans le domaine du
développement par le biais d’incitations telles que les fonds de
partenariat, qui pourraient permettre aux principales organisations
de développement et aux diasporas de coopérer.
91. Votre rapporteur réitère l’idée que l’Assemblée avait déjà
exprimée dans sa
Recommandation
1650 (2004), selon laquelle le Conseil de l’Europe pourrait servir
de vecteur pour l’établissement, sous ses auspices, d’un conseil
des Européens à l’étranger, organe qui représenterait les diasporas
européennes à l’échelon paneuropéen et qui pourrait organiser à
intervalles réguliers un forum des européens de l’étranger.