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Rapport | Doc. 12097 | 22 décembre 2009

Augmenter la représentation des femmes en politique par les systèmes électoraux

(Ancienne) Commission sur l'égalité des chances pour les femmes et les hommes

Rapporteure : Mme Lydie ERR, Luxembourg, SOC

Résumé

La participation égale des femmes et des hommes à la vie politique est l’un des fondements de la démocratie et l’un des objectifs du Conseil de l’Europe. Malheureusement, près de trente-cinq ans après la première Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes tenue à Mexico, et quelque quinze ans après la quatrième, à Pékin, les femmes restent encore gravement sous-représentées en politique. Elles détiennent moins de 20 % des sièges de parlementaires et des portefeuilles ministériels dans le monde, et moins de 5 % des chefs d’Etat sont des femmes.

L’absence de représentation égale des femmes et des hommes dans le processus de prise de décision politique et publique est une menace à la légitimité des démocraties et une violation du droit fondamental à l’égalité hommes-femmes. Les Etats membres peuvent et devraient remédier à cette situation en priorité en prenant une série de mesures, y compris:

  • en veillant à assortir les dispositions de leur Constitution et de leurs lois électorales relatives à l’égalité des sexes et à la lutte contre la discrimination des dérogations nécessaires pour autoriser des mesures de discrimination positive en faveur du sexe sous-représenté;
  • en réformant le système électoral pour le rendre plus favorable à la représentation des femmes au parlement;
  • en encourageant les partis politiques à adopter volontairement des quotas hommes/femmes et autres mesures positives, y compris dans leurs propres structures décisionnelles, et tout particulièrement dans leur structure responsable de la désignation des candidats aux élections.

L’Assemblée devrait inviter le Comité des Ministres à poursuivre ses travaux dans ce domaine, et devrait recommander qu’il charge le comité compétent d’envisager l’élaboration d’un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme afin d’y inscrire le droit à l’égalité pour les femmes et les hommes, assorti des dérogations nécessaires pour permettre des mesures de discrimination positive en faveur du sexe sous-représenté.

A. Projet de résolution

(open)
1. La participation égale des femmes et des hommes à la vie politique est l’un des fondements de la démocratie et l’un des objectifs du Conseil de l’Europe, que le Comité des Ministres de l’Organisation a encore réaffirmé en mai 2009.
2. Malheureusement, près de trente-cinq ans après la première Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes tenue à Mexico, et quelque quinze ans après la quatrième, à Pékin, les femmes restent encore gravement sous-représentées en politique. A ce jour encore, les femmes détiennent moins de 20 % des sièges de parlementaires et des portefeuilles ministériels dans le monde, et moins de 5 % des chefs d’Etat sont des femmes. Cette sous-représentation constitue un gaspillage de talents et fragilise aussi la démocratie et les droits de l’homme.
3. Les facteurs entraînant une sous-représentation des femmes en politique sont nombreux, le principal facteur étant sans doute les attaques portées depuis une dizaine d’années à l’encontre des droits des femmes. En Europe, les sociétés restent caractérisées par des attitudes, des usages et des comportements qui déresponsabilisent les femmes dans la vie publique, les discriminent et les emprisonnent dans des rôles-modèles prescrits et dans des clichés selon lesquels elles «ne sont pas faites» pour la prise de décision et la politique. Des heures indues de réunion et un manque de structures pour la garde des enfants pour les politiciens peuvent en outre dissuader les femmes de poser leur candidature – la politique est faite sur mesure pour les hommes qui n’assument pas une part minimale de leur responsabilité familiale et qui comptent sur leur femme pour assurer l’intendance du ménage.
4. Les attitudes, usages et comportements décrits ci-dessus influencent un paysage national institutionnel, politique et électoral; mais inversement, un changement dans ce paysage peut aussi influer sur les attitudes sociétales. Changer le système électoral pour le rendre plus favorable à la représentation des femmes en politique, notamment en adoptant des quotas par sexe, peut conduire à un processus de décision politique et publique plus équilibré entre les sexes et, par là même, plus légitime. Ce fait était déjà reconnu par le Comité des Ministres dans sa Recommandation Rec(2003)3 sur la participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision politique et publique, et a été réaffirmé par l’Assemblée parlementaire à diverses reprises, comme tout récemment lors de l’attribution de son premier «prix de l’égalité entre les femmes et les hommes» en septembre 2009.
5. Toutefois, une réforme du système électoral ne saurait suffire: pour être réellement efficace, ce changement doit s’accompagner de mesures telles qu’une éducation civique égalitaire et par l’élimination des clichés sexistes et des préjugés à l’égard des femmes candidates qui sont ancrés dans les mentalités, notamment au sein des partis politiques, mais aussi dans les médias. Dans certains Etats membres du Conseil de l’Europe il faudrait également modifier la Constitution afin que les mesures en faveur de l’égalité ou antidiscriminatoires soient rendues possibles par des dérogations autorisant une discrimination positive en faveur du sexe sous-représenté sans être pour autant considérées comme une violation au principe de l’égalité.
6. L’Assemblée considère que l’absence de représentation égale des femmes et des hommes dans le processus de prise de décision politique et publique est une menace à la légitimité des démocraties et une violation du droit fondamental à l’égalité hommes-femmes, et demande en conséquence aux Etats membres de remédier à cette situation en priorité:
6.1. en veillant à assortir les dispositions de leurs Constitutions et de leurs lois électorales relatives à l’égalité des sexes et à la lutte contre la discrimination des dérogations nécessaires pour autoriser des mesures de discrimination positive en faveur du sexe sous-représenté, si ce n’est pas encore le cas, car cette mesure constitue une précondition selon la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) du Conseil de l’Europe;
6.2. en appliquant pleinement les recommandations formulées dans la Recommandation Rec(2003)3 du Comité des Ministres sur la participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision politique et publique, dans la Recommandation 1674 (2004) de l’Assemblée parlementaire sur la participation des femmes aux élections et sa Résolution 1489 (2006) sur les mécanismes visant à garantir la participation des femmes à la prise de décision, ainsi que dans la Recommandation 273 (2009) du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, en particulier les points concernant la réforme des systèmes électoraux et l’instauration de quotas par le sexe;
6.3. en réformant le système électoral pour le rendre plus favorable à la représentation des femmes au parlement:
6.3.1. pour les pays avec un système électoral de listes proportionnelles, prévoir l’introduction d’un quota légal prévoyant non seulement une forte proportion de candidates (idéalement au moins 40 %), mais également des règles strictes de placement de ces candidates sur les listes (dans le cadre, par exemple, d’un système d’alternance hommes/femmes) et des sanctions efficaces en cas de non-respect (de préférence non financières, mais plutôt la non-acceptation de candidats/listes de candidats), idéalement dans une grande circonscription et/ou une circonscription recouvrant l’ensemble du territoire national en le combinant avec des listes bloquées;
6.3.2. pour les pays avec un système à scrutin majoritaire, prévoir l’introduction du principe que chaque parti choisisse pour la candidature dans une circonscription uninominale parmi au moins une candidature féminine et masculine, ou bien trouver d’autres manières de garantir une meilleure représentation des femmes en politique, comme, par exemple, l’instauration de quotas obligatoires novateurs pour les femmes dans les partis politiques, ou des listes composées uniquement de femmes ou du jumelage de circonscriptions, en assortissant une fois de plus ces dispositifs de sanctions effectives;
6.4. en limitant par voie législative le cumul de mandats politiques (aux niveaux local, régional, national ou européen);
6.5. en encourageant les partis politiques à adopter volontairement des quotas par sexe et autres mesures positives, y compris dans leurs propres structures décisionnelles, tout particulièrement dans leur structure responsable de la désignation des candidats aux élections;
6.6. en accompagnant ces réformes de mesures telles qu’une éducation civique égalitaire et l’élimination des clichés sexistes et des préjugés à l’égard des femmes candidates qui sont ancrés dans les mentalités, non seulement dans les partis politiques mais aussi dans les médias et les syndicats.

B. Projet de recommandation

(open)
1. L’Assemblée parlementaire, se référant à sa Résolution no … (2010) «Augmenter la représentation des femmes en politique par les systèmes électoraux» salue l’engagement du Comité des Ministres pour que l’égalité des femmes et des hommes dans la participation à la vie politique et à la prise de décision devienne une réalité dans tous les domaines, comme cela ressort de sa Recommandation Rec(2003)3 sur la participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision politique et publique, et de sa déclaration du 12 mai 2009 intitulée «Faire de l’égalité entre les femmes et les hommes une réalité dans les faits».
2. L’Assemblée invite le Comité des Ministres à poursuivre ses travaux dans ce domaine, et à encourager les Etats membres du Conseil de l’Europe à prendre les mesures nécessaires pour augmenter la représentation des femmes en politique:
2.1. en reformant le système électoral pour le rendre plus favorable à la représentation des femmes:
2.1.1. pour les pays avec un système électoral de listes proportionnelles, prévoir l’introduction d’un quota légal prévoyant non seulement une forte proportion de candidates (idéalement au moins 40 %), mais également des règles strictes de placement de ces candidates sur les listes (dans le cadre, par exemple, d’un système d’alternance hommes/femmes et des sanctions efficaces en cas de non-respect (de préférence non financières, mais plutôt la non-acceptation de candidats/listes de candidats), idéalement dans une grande circonscription et/ou une circonscription recouvrant l’ensemble du territoire national en le combinant avec des listes bloquées;
2.1.2. pour les pays avec un système à scrutin majoritaire, prévoir l’introduction du principe que chaque parti choisisse pour la candidature dans une circonscription uninominale parmi au moins une candidature féminine et masculine, ou bien de trouver d’autres manières de garantir une meilleure représentation des femmes en politique, comme, par exemple, l’instauration de quotas obligatoires novateurs pour les femmes dans les partis politiques, ou des listes composées uniquement de femmes ou du jumelage de circonscriptions, en assortissant une fois de plus ces dispositifs de sanctions effectives;
2.2. en veillant à assortir les dispositions de leurs Constitutions et de leurs lois électorales relatives à l’égalité des sexes et à la lutte contre la discrimination des dérogations nécessaires pour autoriser des mesures de discrimination positive en faveur du sexe sous-représenté, si ce n’est pas encore le cas;
2.3. en accompagnant ces réformes de mesures telles qu’une éducation civique égalitaire et l’élimination des clichés sexistes et des préjugés à l’égard des femmes candidates qui sont ancrés dans les mentalités, non seulement dans les partis politiques mais aussi dans les médias;
3. L’Assemblée recommande que le Comité des Ministres charge le comité compétent d’envisager l’élaboration d’un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme afin d’y inscrire le droit à l’égalité pour les femmes et les hommes, assorti des dérogations nécessaires pour permettre des mesures de discrimination positive en faveur du sexe sous-représenté.

C. Exposé des motifs par Mme Err, rapporteuse

(open)

1. Introduction

1. Comme l’a encore récemment réaffirmé, en mai dernier, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, la participation égale des femmes et des hommes à la vie politique est l’un des fondements de la démocratie et l’un des objectifs de l’Organisation 
			(1) 
			 Le 12 mai 2009, le
Comité des Ministres a adopté une déclaration intitulée «Faire de
l’égalité entre les femmes et les hommes une réalité dans les faits».. Malheureusement, en politique, l’égalité entre les sexes est restée un idéal plus qu’une réalité: de nombreuses mesures énoncées dans la Recommandation Rec(2003)3 du Comité des Ministres sur la participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision politique et publique ne sont pas encore mises en œuvre 
			(2) 
			 Malgré le suivi de
la mise en œuvre de cette recommandation, assuré par le Comité directeur
du Conseil de l’Europe sur l’égalité entre les femmes et les hommes
(CDEG)., et une bonne part des dispositions présentées par l’Assemblée parlementaire dans sa Recommandation 1674 (2004) sur la participation des femmes aux élections et dans sa Résolution 1489 (2006) sur les mécanismes visant à garantir la participation des femmes à la prise de décision ont connu le même sort. Malgré tout l’intérêt que porte l’ensemble de la communauté internationale – pas seulement le Conseil de l’Europe – à la représentation des femmes dans les instances de décision politique et à leur impact sur le processus de prise de décision (en particulier depuis la Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes tenue à Mexico en 1975), les progrès sont lents et décevants. Comme l’a rappelé en 2008 Anders B. Johnsson, Secrétaire général de l’Union interparlementaire (UIP): «En 1975, les femmes occupaient 10,9 % des sièges parlementaires dans le monde. Après plus de trente ans de promesses, d’exhortations et d’incitations, les femmes occupent, en 2008, moins de 18 % des sièges parlementaires.» 
			(3) 
			 Avant-propos de l’étude
menée en 2008 par l’Union interparlementaire (UIP) et intitulée
«Egalité en politique: enquête auprès de femmes et d’hommes dans
les parlements», Rapports et documents no 54, p. iii.
2. Au niveau de l’exécutif, la situation n’est pas meilleure. En 2008, seuls 16 % des portefeuilles ministériels étaient détenus par des femmes, lesquelles sont aussi en minorité aux postes les plus élevés de l’Etat: sur les 150 chefs d’Etat en fonction au début 2008, sept seulement (4,7 %) étaient des femmes. Huit seulement des 192 gouvernements du monde (soit 4,2 %) sont dirigés par des femmes 
			(4) 
			 Tous les
chiffres proviennent de l’étude UIP (p. 15). 
			(4) 
			* Déclassifié
par la commission le 8 septembre 2009..
3. Les facteurs entraînant une sous-représentation des femmes en politique sont nombreux – ce qui non seulement constitue un gaspillage de talents, mais aussi fragilise la démocratie et les droits de l’homme (l’égalité entre les sexes étant un droit fondamental et l’un des fondements de la démocratie). Le facteur le plus important aboutissant à la sous-représentation des femmes en politique est, à mon avis, le fait que la plupart d’entre nous – même en Europe – vivons encore dans des sociétés où les attitudes, les usages et les comportements déresponsabilisent les femmes dans la vie publique, les discriminent et les emprisonnent dans des rôles-modèles prescrits et dans des stéréotypes selon lesquels elles «ne sont pas faites» pour la prise de décision et la politique. Aussi ne devrait-on pas s’étonner que les conclusions d’une très vaste enquête sur les parlementaires, réalisée par l’UIP en 2008, confirment l’idée que «pour les hommes, la politique constitue généralement une profession tout à fait accessible, tandis que tel n’est pas le cas pour les femmes» 
			(5) 
			 Ibid.,
p. 17.. Selon un sondage réalisé en mars 2009, 77 % des femmes et 71 % des hommes de l’Union européenne estiment que la politique est un domaine dominé par les hommes 
			(6) 
			 Réseau EurActiv :
«Citizens, politicians at odds over gender quotas», 6 mars 2009..
4. Cependant, le paysage et le cadre institutionnels d’un pays peuvent aussi considérablement influer sur la représentation des femmes en politique. A première vue, des facteurs apparemment neutres – les systèmes électoraux, par exemple – peuvent avoir des effets les plus divers. Un système électoral n’étant pas chose immuable, avec quelques-uns de mes collègues, j’ai décidé de présenter à l’Assemblée, en janvier 2008, une proposition de résolution concernant l’impact des systèmes électoraux sur la représentation des femmes en politique. Cette proposition a été renvoyée à notre commission en vue d’un rapport, et j’ai été désignée rapporteuse.
5. La commission a décidé de recourir à l’expertise de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) du Conseil de l’Europe. Celle-ci a soumis à la commission un rapport sur la question en juin 2009, basé sur une communication de l’expert allemand Michael Krennerich. Ce rapport (publié sous la référence CDL-AD(2009)029), mis à disposition du public, me paraît un excellent point de départ pour élaborer mon propre rapport. J’approuve l’avis de la Commission de Venise: l’impact des systèmes électoraux sur la représentation des femmes en politique est lié à des quotas par sexe; autrement dit, un même système électoral peut conduire à des résultats totalement différents selon que, oui ou non, des quotas par sexe (quels qu’ils soient) ont été mis en place et en application. Aussi consacrerai-je une part importante de cet exposé des motifs à la question de l’effet des quotas par sexe associés au système électoral.

2. Les systèmes électoraux et leur impact sur la représentation des femmes en politique

6. Selon la Commission de Venise, un système électoral «désigne les moyens par lesquels les électeurs expriment leur préférence politique et la manière dont les suffrages sont traduits en mandats/sièges politiques» 
			(7) 
			 Commission européenne
pour la démocratie par le droit (Commission de Venise): rapport
sur l’impact des systèmes électoraux sur la représentation des femmes
en politique, Strasbourg, 16 juin 2009, CDL-AD(2009)029, p. 4.. Je souscris à cette définition. L’étude de la commission porte uniquement sur les systèmes électoraux servant à élire les chambres basses ou uniques des parlements – tout comme, d’ailleurs, l’étude UIP précédemment mentionnée et une étude de 2008 commandée par le Parlement européen sur les systèmes de quotas électoraux par sexe et leur mise en œuvre en Europe 
			(8) 
			 Centre
d’études sur les femmes en politique, université de Stockholm, en
coopération avec l’Institut international pour la démocratie et
l’assistance électorale: « Les systèmes de quotas électoraux par
sexe et leur mise en œuvre en Europe », Bruxelles, septembre 2008,
PE 408.309.. Dans ces conditions, je n’ai guère d’autre choix que de suivre cet exemple.
7. D’après le rapport de la Commission de Venise, l’une des conclusions les plus nettes est que les pays appliquant un système de représentation proportionnelle comptent une proportion plus élevée de femmes dans leurs parlements que ceux appliquant un système de scrutin majoritaire 
			(9) 
			 Rapport de la Commission
de Venise, p. 8. Parmi les Etats membres du Conseil de l’Europe,
seuls le Royaume-Uni, la France et l’Azerbaïdjan ont des systèmes
de scrutin majoritaire, bien que ce type de système électoral soit
très répandu dans le monde.. Les systèmes électoraux mixtes (par exemple, les systèmes mixtes avec compensation proportionnelle) semblent plus favorables à la représentation parlementaire des femmes que les systèmes majoritaires, mais moins propices à l’élection de femmes que les systèmes de représentation proportionnelle traditionnels 
			(10) 
			 Ibid.,
p. 8. Dans la sphère du Conseil de l’Europe, ce type de système
mixte est utilisé en Arménie, en Géorgie, dans «l’ex-République
yougoslave de Macédoine», en Lituanie, en Andorre, à Monaco, en
Allemagne et en Hongrie. Voir ibid., annexe C.. J’ajouterai que les systèmes majoritaires sont en réalité moins favorables à toutes les candidatures «atypiques» – en d’autres termes, à toutes les candidatures autres que celles d’hommes blancs d’âge mûr et de classe moyenne ayant une bonne éducation. Choisir un système électoral plus propice à la représentation des femmes devrait donc automatiquement servir également les candidatures de jeunes ou de personnes âgées, immigrées, etc.
8. Dans la majorité des Etats membres du Conseil de l’Europe, les parlementaires sont élus à la représentation proportionnelle dans des circonscriptions plurinominales (plutôt qu’uninominales). En général, les circonscriptions plurinominales sont jugées plus favorables à la désignation et à la représentation des femmes que les circonscriptions uninominales 
			(11) 
			 Ibid.,
p. 9-10. En Slovénie et en Suisse, quelques circonscriptions uninominales
coexistent avec la représentation proportionnelle.. La raison avancée est que les circonscriptions plurinominales permettent d’équilibrer les listes des partis et, de ce fait, représentent divers intérêts internes aux partis, renforcent la cohérence des partis et attirent les votes des électrices 
			(12) 
			 Ibid.,
p. 10..
9. La taille des circonscriptions plurinominales semble aussi jouer un rôle. D’aucuns estiment que plus elles sont grandes, plus les femmes ont de chances d’être désignées comme candidates et élues 
			(13) 
			 Ibid.,
p. 11.. Reste que la taille d’un parti – c’est-à-dire le nombre de sièges que le parti gagne ou compte gagner dans telle ou telle circonscription – joue parfois un rôle encore plus grand. Il semble, en effet, que seuls les partis prévoyant de remporter plusieurs sièges dans une circonscription pratiquent vraiment l’équilibrage des candidatures (ce qui est favorable aux candidates) 
			(14) 
			 Ibid.,
p. 11. .
10. Les seuils légaux – qui fixent la proportion minimale des suffrages que doit recueillir un parti pour se voir attribuer des sièges – ne doivent pas normalement favoriser la représentation féminine, car les petits partis pouvant représenter les intérêts des femmes sont exclus de la représentation parlementaire. Toutefois, dans la pratique, grâce au seuil légal, seuls les partis de taille relativement importante accèdent au parlement – ils profitent même de l’exclusion des petits partis. Or, comme ils ont davantage de place sur leur liste de candidats, ils peuvent plus facilement désigner des femmes et leur permettre d’obtenir un mandat 
			(15) 
			 Ibid.,
p. 12.. Cependant, l’Assemblée est critique envers des seuils légaux de plus de 3 % pour d’autres raisons, liées à une représentation juste et démocratique. Je laisserai la question des seuils à mon collègue rapporteur de la commission des questions politiques, M. Daems, car je présenterai mon rapport conjointement à son rapport plus général, qui traite notamment des seuils, au cours d’un débat commun lors de la partie de session de janvier 2010 de l’Assemblée.
11. Alors que, dans les systèmes à scrutin majoritaire des circonscriptions uninominales, seules les candidatures individuelles sont possibles, dans les scrutins à la représentation proportionnelle, les électeurs se voient proposer différents types de listes: bloquées, ouvertes ou libres. Avec les listes bloquées, les partis politiques déterminent l’ordre dans lequel leurs candidats se verront attribuer des sièges éventuels, et l’électeur approuve l’intégralité de la liste sans pouvoir modifier cet ordre. En revanche, avec les listes ouvertes, l’électeur peut exprimer sa préférence pour des candidats particuliers, modifiant ainsi l’ordre de placement sur la liste. Avec les listes libres, l’électeur peut même choisir entre des candidats de différentes listes. Quel est le type de liste le plus avantageux pour la représentation des femmes? Tout dépend s’il existe des quotas par sexe concernant l’ordre de placement et s’ils sont effectivement mis en œuvre – auquel cas les listes bloquées semblent plus avantageuses –, mais aussi dans quelle mesure les femmes s’organisent et mènent une campagne active en faveur du vote pour les candidates – auquel cas le vote de préférence ne sera pas forcément contraire à l’intérêt des femmes 
			(16) 
			 Ibid.,
p. 12-13..
12. Le Conseil de l’Europe vient de publier un document d’information intitulé «Démocratie paritaire – Bien loin de la réalité», une étude comparée des résultats du premier et du deuxième cycle de suivi de la Recommandation Rec(2003)3 du Comité des Ministres sur la participation équilibrée des femmes et des hommes à la prise de décision politique et publique 
			(17) 
			 Document
approuvé par le Comité directeur pour l’égalité entre les femmes
et les hommes (CDEG) à l’occasion de sa réunion du 25 au 27 novembre 2009
à Strasbourg (disponible uniquement en anglais).. Cette étude comprend également une brève analyse du rôle éventuel joué tant par le système électoral que par les lois ou les dispositions réglementaires concernant les quotas dans la représentation des femmes au parlement. Pour l’essentiel, il parvient aux mêmes conclusions que la Commission de Venise en ce qui concerne l’impact des systèmes électoraux («d’après les données communiquées, les systèmes qui semblent favoriser une plus grande participation des femmes dans les deux études sont les systèmes de représentation proportionnelle» 
			(18) 
			 Ibid.,
p. 12.), mais il manque de données pour procéder à une évaluation effective de l’incidence de la réglementation concernant les quotas 
			(19) 
			 Ibid., p. 17..

3. L’impact des quotas par sexe associés aux systèmes électoraux

13. La Commission de Venise considère que les quotas électoraux par sexe peuvent être une mesure adéquate et légitime pour améliorer la représentation parlementaire des femmes. J’ajouterais que les arguments contre les quotas par sexe manquent même de fondement légitime de base si l’on considère que, dans de nombreux Etats membres, des quotas par région/langue/nationalité et/ou des quotas socioprofessionnels sont acceptés et appliqués. Ces dernières années, un nombre impressionnant de pays à travers le monde ont adopté des quotas électoraux par sexe, et encore plus nombreux sont les pays où les partis politiques appliquent, en plus ou à la place des quotas légaux, des quotas volontaires 
			(20) 
			 Rapport
de la Commission de Venise, p. 13. A l’occasion de sa présentation
à la conférence interparlementaire de Stockholm sur l’égalité des
sexes dans le cadre du CCEC (les 12 et 13 novembre 2009), le professeur
Drude Dahlerup de l’université de Stockholm a exposé qu’environ
50 pays avaient à ce jour introduit des quotas électoraux obligatoires
en fonction du sexe et que dans 50 autres pays, les partis ont introduit
des quotas volontaires, cela principalement dans les 15 dernières
années.. Il convient cependant de faire ici un avertissement: tous les quotas ne sont pas les mêmes. La véritable différence entre les différents types de quotas n’est pas vraiment de savoir s’ils sont obligatoires ou non, mais plutôt de se demander s’ils sont axés sur les moyens ou sur les résultats 
			(21) 
			 Un quota de moyens
ne garantit pas que les femmes seront effectivement élues, contrairement
aux quotas de résultats. , s’ils sont ou non précis dans le détail (ordre de placement sur les listes et sanctions) en fonction de la situation d’un pays.
14. A ce jour, dix Etats membres du Conseil de l’Europe ont adopté des quotas légaux obligatoires pour les parlements nationaux 
			(22) 
			 Par ordre chronologique:
Belgique, Bosnie-Herzégovine, France, Arménie, «l’ex-République
yougoslave de Macédoine», Serbie, Portugal, Slovénie, Espagne et
Albanie. Ibid., p. 14., mais ces quotas varient considérablement quant au pourcentage minimal fixé pour chaque sexe (de 15 à 40 %). Quelques pays prévoient aussi l’ordre des candidats sur les listes 
			(23) 
			 La Serbie (une position
sur quatre doit être attribuée au sexe sous-représenté), l’Espagne
(une position sur cinq), l’Arménie (une position sur dix), la Bosnie-Herzégovine
(un candidat du sexe sous-représenté doit figurer dans les deux premières
positions de la liste, deux autres candidats du sexe concerné parmi
les cinq premières positions et, enfin, trois parmi les huit premières)
et la Belgique (les deux premières positions ne doivent pas être
attribuées à des candidats du même sexe). Ibid.,
p. 14-15., mais aucun de ces quotas légaux n’impose un «système d’alternance hommes/femmes», qui veut qu’un candidat sur deux soit une femme. Les sanctions légales en cas de non-respect peuvent consister en un refus de la liste – sanction la plus efficace (Arménie, «l’ex-République yougoslave de Macédoine», Serbie, Slovénie et Espagne) –, en une limitation du nombre de candidats (Belgique), ou en une réduction du financement public (Albanie, France et Portugal) 
			(24) 
			 Ibid.,
p. 15.. L’impact de facto des quotas légaux sur la représentation féminine au parlement a varié selon leur rigueur (pourcentage minimal fixé) et la sanction appliquée. En France, par exemple, des partis politiques préféraient accepter la perte massive du financement public que de respecter les quotas légaux par sexe 
			(25) 
			 Ibid.,
p. 15. .
15. Dans une trentaine d’Etats membres du Conseil de l’Europe, un ou plusieurs partis politiques ont adopté des quotas volontaires afin de garantir la désignation d’une certaine proportion de candidates –presque toujours des partis verts, socialistes ou de gauche. Comme pour les quotas légaux, la rigueur des quotas varie – généralement, le minimum requis pour le sexe sous-représenté se situe entre 20 et 40 %. Néanmoins, un certain nombre de partis imposent sur leur liste un quota de 50 % de femmes 
			(26) 
			 Ibid.,
p. 16.. En matière de quotas, les partis opérant en dehors de systèmes électoraux à représentation proportionnelle ont innové, notamment avec les listes restreintes composées uniquement de femmes (Parti travailliste britannique) ou le jumelage de circonscriptions (Parti travailliste écossais). Le parti socialiste du Portugal a même été jusqu’à rendre obligatoire un quota hommes/femmes de 33 % pour tous les partis et à toutes les élections, exportant ainsi le quota volontairement consenti en son sein à tous les autres partis alors qu’il était au pouvoir, une prouesse qui lui a valu le premier prix de l’égalité de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe en 2009 
			(27) 
			 Voir
le site internet du «prix de l’égalité pour les femmes et les hommes»
de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe: <a href='http://assembly.coe.int/Communication/Campaign/EqualityPrize/default_FR.asp'>http://assembly.coe.int/Communication/Campaign/EqualityPrize/default_FR.asp</a>..
16. Il est intéressant de noter que, dans certains pays appliquant uniquement des quotas volontaires au niveau des partis, la représentation parlementaire des femmes est relativement élevée. En règle générale, plus les partis appliquant volontairement des quotas par sexe sont importants, plus l’impact de ces mesures est fort. Toutefois, les quotas volontaires appliqués au niveau des petits partis peuvent aussi avoir un impact sur la représentation des femmes, étant donné l’effet de «contagion» sur les partis concurrents de même idéologie politique, qui peuvent alors se sentir obligés de suivre l’exemple pour rester compétitifs dans la course électorale 
			(28) 
			 Rapport de la Commission
de Venise, p. 16-17..

4. Considérations supplémentaires

17. La Commission de Venise conclut donc que, en théorie, la représentation parlementaire des femmes est particulièrement favorisée par le système électoral suivant: scrutin de liste proportionnel dans une grande circonscription et/ou une circonscription recouvrant l’ensemble du territoire national avec un seuil légal, des listes bloquées et un quota obligatoire prévoyant non seulement une forte proportion de candidates, mais également des règles strictes de placement de ces candidates sur les listes (dans le cadre, par exemple, d’un système d’alternance hommes/femmes), et des sanctions efficaces en cas de non-respect 
			(29) 
			 Ibid., p. 18..
18. Il serait tentant, bien sûr, d’adopter cette recette et de l’appliquer à tous les Etats membres du Conseil de l’Europe. Malheureusement, cela ne fonctionnerait sans doute pas… Non que la recette soit mauvaise, mais la volonté politique fait défaut. Pour bon nombre d’Etats membres – et même encore moins pour certains partis politiques –, la représentation des femmes en politique n’est pas précisément, tant s’en faut, une priorité. Tous les Etats membres du Conseil de l’Europe n’ont pas assorti leurs dispositions relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes ou la lutte contre la discrimination, dans leurs Constitutions et dans leurs autres textes législatifs pertinents, des exceptions nécessaires permettant des mesures de discrimination positive en faveur du sexe sous-représenté. Ainsi, le Labour Party britannique, qui a reçu le deuxième prix de l’Assemblée sur l’égalité entre les femmes et les hommes, a été contraint de changer la loi quand il était au gouvernement afin qu’il soit possible de continuer d’appliquer le système novateur des listes composées uniquement de femmes au sein de son parti.
19. Le vrai moteur est la volonté politique de féminiser le monde politique. Si cette volonté existait, il n’y aurait pas de besoin de quotas. Mais comme elle fait défaut, les quotas peuvent suppléer à la forte volonté politique nécessaire, et donneront des résultats à condition que la réglementation légale ou interne soit complète. Malheureusement, peu d’électeurs ont conscience que les quotas sont en réalité la réponse à l’absence de volonté politique. Dans un sondage réalisé en mars 2009, 70 % des femmes à travers l’Union européenne souhaitaient voir 50 % de femmes au parlement, mais seulement 10 % des femmes et 12 % des hommes voyaient les quotas comme la solution 
			(30) 
			 Réseau EurActiv: «Citizens,
politicians at odds over gender quotas», 6 mars 2009..
20. Comme l’a indiqué le professeur Drude Dahlerup de l’université de Stockholm 
			(31) 
			 A
la conférence interparlementaire du CCEC à Stockholm, mentionnée
ci-dessus., cela s’explique par le fait qu’en matière de sous-représentation, bon nombre de gens continuent de blâmer les femmes elles-mêmes plutôt qu’un système politique qui les exclut et où elles sont l’objet de discriminations. La croyance que les quotas hommes/femmes sont inutiles repose sur l’idée qu’il n’y a pas suffisamment de femmes compétentes souhaitant s’engager en politique et que les électrices ne votent pas pour des femmes candidates. Or, dans les faits, ce sont les électeurs masculins qui ne votent pas pour des femmes candidates, et la formation intellectuelle et les qualifications des femmes sont, surtout en Europe, depuis longtemps au niveau de celles des hommes, quand elles ne les dépassent pas. Le vrai problème reste la bonne vieille discrimination à l’égard des femmes, et contre cela, seule la discrimination positive peut changer les choses, y compris par le biais de quotas hommes/femmes au niveau des élections et des partis politiques, comme en témoignaient, il y a près de quinze ans déjà, les Accords de Beijing.
21. De surcroît, comme l’a souligné la Commission de Venise, les mesures visant à améliorer la représentation des femmes peuvent parfois entrer en conflit avec d’autres objectifs – par exemple, garantir une représentation parlementaire équitable des petits partis et améliorer la relation entre les électeurs et leurs représentants. Conclusion de la Commission de Venise: «Pour renforcer efficacement la représentation descriptive et substantielle des femmes en politique, la réforme de la législation électorale ne saurait suffire; une approche beaucoup plus large et plus complète s’impose. Néanmoins, une telle réforme – à condition d’être bien conçue et efficace – peut faciliter un tel processus.» 
			(32) 
			 Rapport de la Commission
de Venise, p. 19.
22. L’enquête UIP que j’ai citée plus haut contient peut-être quelques-unes des réponses concernant l’approche globale requise. L’UIP part du principe qu’il existe un lien fondamental entre la démocratie et un véritable partenariat femmes-hommes dans la gestion des affaires publiques et que, par conséquent, il faut mettre un terme à la traditionnelle mise à l’écart des femmes des structures étatiques qui déterminent les priorités politiques et législatives 
			(33) 
			 Etude UIP, p. iii
et 1.. Les femmes butent contre des obstacles à plusieurs niveaux.
a. Avant tout, elles doivent décider de s’engager dans l’arène politique, et être en mesure de le faire.
b. Pour prétendre siéger au parlement, elles doivent persuader leurs partis politiques (ou les responsables de ces partis) de les présenter comme candidates.
c. Elles doivent remporter l’élection.
23. Dans l’étude UIP, les parlementaires interrogés désignent les responsabilités familiales comme principal élément dissuasif à l’engagement des femmes dans l’arène politique – et, pour les hommes, le manque d’appui de l’électorat. Les attitudes culturelles dominantes constituent le deuxième facteur de poids pour dissuader les femmes d’entrer en politique – et, ce qui n’a rien d’étonnant, l’un des moins importants pour les hommes 
			(34) 
			 Ibid.,
p. 17. . Pour que ces attitudes changent, l’ensemble de la population doit être convaincue que les femmes font d’aussi bons législateurs que les hommes: des campagnes de sensibilisation et une éducation civique sensible au genre semblent donc s’imposer. Des heures indues au parlement et un manque de structures pour la garde des enfants pour les parlementaires peuvent en outre dissuader les femmes de poser leur candidature.
24. Selon toutes les personnes interrogées, femmes et hommes confondus, l’un des plus grands obstacles pour se présenter aux élections législatives est financier: le mode de financement des campagnes semble donc aussi mériter une attention particulière; par exemple, pour limiter ou plafonner les dépenses de campagne, ainsi que pour déployer des dispositifs de financement en faveur des candidatures féminines 
			(35) 
			 Ibid.,
p. 21. Toutefois, cela ne pose pas de problèmes dans tous les Etats
membres du Conseil de l’Europe, comme dans mon propre pays, le Luxembourg,
où le financement des campagnes n’est un obstacle pour aucun des
deux sexes. . Les partis politiques – et leurs décideurs – maintiennent un ferme contrôle sur la sélection des candidats se présentant aux élections, ainsi que sur la détermination de l’ordre des candidats sur les listes électorales. Ces «gardiens» – en général, des instances fermées – entretiennent souvent des réseaux d’anciens qui empêchent les femmes d’infiltrer la direction des partis. En l’absence de règles claires (quotas, par exemple), la sélection des candidats et la détermination de l’ordre de placement sur les listes électorales sont donc souvent dominées par des responsables masculins, ce qui entrave l’accès des femmes au corps législatif 
			(36) 
			 Ibid.,
p. 24.. Pour que cette situation change, les partis doivent plus s’ouvrir aux femmes et modifier leur perception de la gente féminine – ce qui, selon l’enquête UIP, a plus de chances de se produire lorsque les femmes sont bien organisées et font de leur représentation au sein du parlement et des partis un objectif explicite 
			(37) 
			 Ibid., p. 24..
25. Enfin, pour gagner les élections, les femmes doivent s’acquérir l’adhésion des électeurs – y compris des électrices. Selon le rapport de la Commission de Venise, les candidates aux élections législatives obtiennent généralement d’aussi bons résultats que les candidats dans les démocraties bien établies 
			(38) 
			 Rapport de la Commission
de Venise, p. 7.. En clair, les partis politiques qui refusent de présenter des femmes sont moins guidés par des raisons rationnelles que par des stéréotypes sexospécifiques, voire sexistes fallacieux.

5. Conclusions et recommandations

26. De ce qui précède, nous pouvons établir les points suivants:
a. les femmes restent encore gravement sous-représentées en politique dans la majorité des Etats membres du Conseil de l’Europe;
b. l’absence de représentation égale des femmes et des hommes dans le processus de prise de décision politique et publique constitue une menace pour la légitimité des démocraties et une violation du droit fondamental à l’égalité hommes-femmes; il faut y remédier en priorité;
c. le facteur le plus important entraînant la sous-représentation actuelle des femmes en politique est lié à des attitudes, à des usages et à des comportements qui déresponsabilisent les femmes, les discriminent et les emprisonnent dans des rôles-modèles prescrits et dans des stéréotypes selon lesquels elles «ne sont pas faites» pour la prise de décision et la politique;
d. ces attitudes, usages et comportements influencent également un paysage national institutionnel, politique et électoral. Mais, inversement, un changement dans ce paysage peut aussi influer sur les attitudes sociétales;
e. changer le système électoral pour le rendre plus favorable à la représentation des femmes en politique, notamment en adoptant des quotas par sexe, peut conduire à un processus de décision politique et publique plus équilibré entre les sexes et, par là même, plus légitime;
f. en théorie, la représentation parlementaire des femmes est particulièrement favorisée par le système électoral suivant: scrutin de liste proportionnel dans une grande circonscription et/ou une circonscription recouvrant l’ensemble du territoire national avec un seuil légal, des listes bloquées et un quota obligatoire prévoyant non seulement une forte proportion de candidates, mais également des règles strictes de placement de ces candidates sur les listes (dans le cadre, par exemple, d’un système d’alternance hommes/femmes) et des sanctions efficaces en cas de non-respect (de préférence non financières, mais plutôt la non-acceptation de candidats/listes de candidats).
27. Cette question était un des thèmes discutés par le Forum pour l’avenir de la démocratie dédié aux systèmes électoraux, organisé en octobre 2009 à Kiev (Ukraine). Les rapporteurs généraux du forum ont conclu que les femmes devraient être représentées de manière équitable à toutes les étapes du processus électoral: «Les préjugés doivent être éliminés. Les Etats membres et les partis politiques devraient prendre des mesures pour améliorer les conditions de participation et de représentation des femmes tout au long du processus électoral. Ces mesures devraient inclure une éducation civique prenant en compte les questions homme/femme et l’adaptation éventuelle des systèmes électoraux pour les rendre plus ouverts à la représentation des femmes en politique, y compris par l’introduction de quotas pour les candidatures.» 
			(39) 
			 Forum
du Conseil de l’Europe pour l’avenir de la démocratie, «Systèmes
électoraux: renforcer la démocratie au XXIe siècle», Conclusions
des rapporteurs généraux, FFD (2009) 13.F, paragraphe 11.
28. A sa dernière session plénière, le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe a également abordé cette question dans sa Recommandation 273 (2009) sur l’égalité d’accès aux élections locales et régionales. Au paragraphe 4.b, le Congrès recommande que le Comité des Ministres encourage les gouvernements des Etats membres, «pour obtenir une représentation égale des genres, à mettre en place un système électoral aux niveaux local et régional assurant une alternance hommes-femmes sur des listes (avec un minimum de 1 pour 3) et assorti, en cas de non-respect, de sanctions financières, et permettre au genre sous-représenté d’accéder à des postes à responsabilité au sein des exécutifs des municipalités et des régions». Cela signifie que le Congrès est parvenu à des conclusions très comparables aux miennes et à celles de la Commission de Venise, à l’exception des sanctions: l’expérience a démontré qu’au plan national, certains partis sont disposés à assumer de lourdes sanctions financières pour non-respect des quotas contraignants hommes/femmes ; je plaide pour des sanctions plus efficaces, c’est-à-dire le refus des listes de candidatures ou de candidats.
29. Rappelons également qu’il y a six ans, le Comité des Ministres a déjà recommandé aux Etats membres, «lorsque les systèmes électoraux ont un impact manifestement négatif sur la représentation politique des femmes dans les assemblées élues, [de] modifier ou réformer ces systèmes afin de promouvoir une représentation équilibrée des femmes et des hommes», une recommandation qui a été plusieurs fois reprise par l’Assemblée, comme le rappelle l’introduction du présent rapport. Par conséquent, il va sans dire que toutes ces recommandations devraient être mises en œuvre sans plus tarder.
30. Il conviendrait dès lors de recommander aux Etats membres du Conseil de l’Europe:
a. de changer le système électoral pour le rendre plus favorable à la représentation des femmes;
b. de veiller à assortir les dispositions de leur Constitution et de leurs lois électorales relatives à l’égalité hommes-femmes et à la lutte contre la discrimination des dérogations nécessaires pour autoriser des mesures de discrimination positive en faveur du sexe sous-représenté, si ce n’est pas encore le cas;
c. d’accompagner ces réformes de mesures telles qu’une éducation civique égalitaire et l’élimination des infâmes clichés sexistes et des préjugés contre les femmes candidates qui sont ancrés dans les mentalités, non seulement dans les partis politiques mais aussi dans les médias.
31. En dernier lieu, l’Assemblée devrait recommander au Comité des Ministres d’envisager l’élaboration d’un protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme afin d’y inscrire le droit à l’égalité pour les femmes et les hommes, assorti des dérogations nécessaires pour permettre des mesures de discrimination positive en faveur du sexe sous-représenté.

Commission chargée du rapport: commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes

Renvoi en commission:Doc. 11503, Renvoi 3417 du 14 avril 2008

Projet de résolution et projet de recommandation adoptés par la commission le 30 novembre 2009.

Membres de la commission: Mme Pernille Frahm (Vice-Présidente), M. José Mendes Bota (1er Vice-Président), Mme Ingrida Circene (2e Vice-Présidente), Mme Anna Čurdová (3e Vice-Présidente), Mme Sonja Ablinger, M. Francis Agius, M. Florin Serghei Anghel, Mme Magdalina Anikashvili, M. John Austin, M. Lokman Ayva, Mme Marieluise Beck, Mme Déborah Bergamini, Mme Oksana Bilozir (remplaçante: Mme Olha Herasym’yuk), Mme Rosa Delia Blanco Terán (remplaçante: Mme Luz Elena Sanín Naranjo), Mme Olena Bondarenko, M. Han Ten Broeke, Mme Anna Maria Carloni, M. James Clappison, Mme Diana Çuli, M. Kirtcho Dimitrov, Mme Lydie Err, Mme Catherine Fautrier, Mme Mirjana Ferić-Vac, Mme Sónia Fertuzinhos, Mme Doris Frommelt, Mme Alena Gajdůšková, M. Giuseppe Galati, Mme Gisèle Gautier, M. Neven Gosović, Mme Claude Greff, M. Attila Gruber, Mme Carina Hägg, M. Håkon Haugli, Mme Francine John-Calame, Mme Nataša Jovanović, Mme Charoula Kefalidou, Mme Birgen Keleş, Mme Krista Kiuru, Mme Elvira Kovács, M. Terry Leyden, Mme Mirjana Malić, Mme Assunta Meloni, Mme Nursuna Memecan, Mme Dangutė Mikutienė, M. Burkhardt Müller-Sönksen, Mme Hermine Naghdalyan, Mme Yuliya Novikova (remplaçant: M. Ivan Popescu), M. Mark Oaten, M. Kent Olsson, Mme Steinunn Valdis Óskarsdóttir, Mme Antigoni Papadopoulos, Mme Mª del Carmen Quintanilla Barba, M. Stanislaw Rakoczy, M. Frédéric Reiss, Mme Mailis Reps, Mme Maria Pilar Riba Font, Mme Andreja Rihter, M. Nicolae Robu, Mme Marlene Rupprecht, Mme Klára Sándor, Mme Albertina Soliani, Mme Tineke Strik, M. Michał Stuligrosz, Mme Doris Stump, Mme Elke Tindemans, M. Mihai Tudose, M. Miltiadis Varvitsiotis, Mme Tatiana Volozhinskaya, M. Paul Wille, Mme Betty Williams, M. Gert Winkelmeier, Mme Gisela Wurm, M. Andrej Zernovski, M. Vladimir Zhidkikh

N.B. Les noms des membres ayant participé à la réunion sont indiqués en gras

Secrétariat de la commission: Mme Kleinsorge, Mme Affholder, Mme Devaux