1. Introduction
1. De tout temps, les peuples ont utilisé la mer Baltique
comme ouverture pour explorer d’autres régions, exportant par là
même leur culture. La mer a servi de lien entre tous les pays riverains,
qu’elle a unis en une région distincte. Ultérieurement, le développement
régional de la Baltique a subi un coup d’arrêt pendant des décennies
du fait du clivage Est-Ouest qui a fait suite à la seconde guerre
mondiale. L’antagonisme politique et la différence de systèmes sociaux
ont entravé les échanges et autres contacts entre l’Est et l’Ouest,
et entraîné d’autres problèmes dans la relation entre ces deux parties
du continent. Or, les échanges sont toujours avantageux pour les
deux parties et créent une interdépendance. C’était précisément
là le nœud du problème dans les échanges Est-Ouest, où l’enjeu était
souvent de limiter l’avantage gagné par l’autre partie tout en réduisant
sa propre dépendance à l’égard du commerce.
2. Au début des années 1990, lorsque tous les pays riverains
de la Baltique ont pris fait et cause pour l’économie de marché
et la démocratie, ou du moins ont déclaré aspirer à y parvenir,
la région a tourné une nouvelle page de son histoire. Autre fait
majeur: l’adhésion de tous les Etats riverains de la Baltique à
l’Union européenne – à la seule exception de la Russie.
3. Même si elle a d’autres caractéristiques qui lui sont propres,
l’élément central autant qu’unificateur de la région de la Baltique
est précisément cette mer intérieure; mais c’est peut-être ce fait
de géographie naturelle qui explique pourquoi cette région, malgré
des frontières fluctuantes, s’est imposée comme une entité établie sur
la carte de l’Europe. La région de la Baltique n’a pas été définie
officiellement, sans ambiguïté, ni par des frontières précises.
Il en existe plusieurs définitions valables, dont aucune n’est totalement
satisfaisante. On peut considérer comme justifiée celle selon laquelle
la région comprend les six Etats riverains dans leur entièreté mais
englobe les seules zones côtières de la Russie, de l’Allemagne et
de la Pologne. En effet, ces trois pays sont souvent inclus dans
la région, car ils partagent des caractéristiques «baltiques» avec
tous les pays riverains. Dans certains cas, la Norvège et le Bélarus,
et parfois même l’Ukraine, voire l’Islande, peuvent être considérés
comme appartenant à la région.
4. La région de la Baltique (voir l’annexe), étant l’une des
sous-régions de l’Europe, représente une expression nécessaire et
bénéfique de l’internationalisme et un pôle de coopération. Tous
les problèmes ou phénomènes ne sauraient en aucun cas être confinés
à l’intérieur des frontières nationales. Ainsi, l’environnement
est une préoccupation d’actualité, aux niveaux tant national qu’international.
Il est donc logique de développer des liaisons de transports et
une gestion énergétique par le biais de la coopération internationale.
Par ailleurs, les échanges peuvent être plus dynamiques avec les
voisins transfrontaliers qu’avec ses propres compatriotes. Le fait
que tous les Etats riverains de la Baltique, à l’exception de l’Allemagne,
ont pour principal partenaire commercial un autre Etat riverain
est la preuve de l’existence réelle et des avantages que présente
cette région.
5. A mesure qu’augmentait le besoin de coopération transfrontalière
dans divers secteurs, les évolutions intervenues dans les domaines
de la technologie, des télécommunications et de la production ainsi
que l’avancement de l’intégration européenne ont créé de meilleures
conditions pour l’instauration d’une sous-région fonctionnelle.
La préservation et l’amélioration de la compétitivité des pays,
des économies, des secteurs et des entreprises de la région requièrent
un fonctionnement en réseau protéiforme. L’intégration régionale
peut être incitative pour des entreprises extérieures, mais, avant
toute chose, les différents territoires et entreprises de la région
ont besoin d’intégration pour être en mesure d’exploiter de nouvelles
opportunités et de résoudre les problèmes communs.
6. Dans la région de la Baltique, on l’a vu, il y a une conscience
aiguë d’interdépendance. Il reste cependant des possibilités d’articulations
insuffisamment exploitées, par exemple entre l’écologie et l’économie,
qui sont les deux faces d’une même médaille: toute activité économique
pollue l’environnement, et c’est pourquoi pour améliorer la situation,
il conviendra de modifier les comportements économiques des individus,
des entreprises et des communautés. Or, pour l’instant, il n’est
pas courant d’aborder les problèmes environnementaux sous l’angle
économique, alors même que l’objectif de développement durable appelle
ce type d’approche. Les objectifs recherchés en conjuguant écologie
et économie sont une plus grande efficience dans l’utilisation de
l’énergie, le plus bas niveau possible de pollution due aux diverses
activités économiques, ainsi que la prévention du gaspillage et
le recyclage dans l’utilisation des ressources.
2. La diversité de la
région de la Baltique: un défi et une ressource
7. Une particularité de la région de la Baltique est
sa diversité unique parmi les sous-régions européennes. Bien qu’elle
ne soit pas particulièrement étendue, on y trouve des exemples de
désagrégation étatique après l’effondrement du socialisme (Union
soviétique), d’unification (Allemagne) et de continuité territoriale (Pologne).
A cela s’ajoute le fait que les neuf Etats riverains ont construit
leurs relations avec les organisations internationales de manière
différente.
8. Huit des pays qui bordent la Baltique sont membres de l’Union
européenne. Au début des années 1990, seuls deux d’entre eux appartenaient
à la Communauté européenne, à savoir l’Allemagne réunifiée et le Danemark.
La Suède et la Finlande ont adhéré à l’Union en 1995, suivies par
la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et l’Estonie en 2004. De tous
les Etats riverains, seule la Russie demeure en dehors de l’Union
européenne. L’ensemble des pays de l’Union européenne, hormis la
Finlande et la Suède, sont membres de l’OTAN.
9. Tous les voisins de la Russie qui sont membres de l’Union
européenne appartiennent à la région de la Baltique. Ce contact
physique offre des opportunités à la région mais lui confère aussi
des responsabilités particulières à l’égard de ces deux grands acteurs
européens, la Russie et l’Union européenne. Ce défi est rendu plus
délicat encore par le fait que les relations entre la Russie et
les huit Etats riverains membres de l’Union européenne sont extrêmement
contrastées. Les relations qu’entretient la Russie avec les Etats
baltes et avec la Pologne sont marquées par le douloureux héritage
de l’ère socialiste, que les développements survenus ultérieurement
n’ont pas apaisé. L’Allemagne n’est pas voisine de la Russie, mais
– étant son principal partenaire commercial – elle a voulu tirer
un trait sur les jours les plus sombres de l’histoire. On peut dire
que les relations de voisinage entre la Finlande et la Russie sont
normales, voire bonnes. L’histoire récente de la Suède et du Danemark
ne pèse pas autant sur leurs relations avec la Russie que dans le
cas d’autres Etats de la région et la Russie ne revêt pas, pour
ces deux pays, la même importance sur le plan commercial que pour
d’autres.
10. Le débat suscité par le gazoduc Nord Stream est un excellent
exemple des divergences de point de vue et d’objectifs des Etats
de la région à l’égard de la Russie. Le projet a pour but d’acheminer
du gaz de Vyborg en Russie à Greifswald en Allemagne, grâce à un
gazoduc sous-marin. Le gaz ainsi acheminé répondra pour l’essentiel
aux besoins de l’Allemagne. A l’évidence, l’évaluation du projet
devait avant tout s’appuyer sur des calculs relatifs à la politique
énergétique, aux données économiques et aux caractéristiques techniques. Toutefois,
les problèmes connexes touchant l’environnement, les considérations
politiques et la sécurité, qui intéressent à des degrés divers les
Etats riverains de la Baltique, ont également revêtu une grande
importance. Le point positif est que les deux poids lourds de la
région – la Russie et l’Allemagne – sont capables d’engager une
coopération à long terme car, sans les bonnes relations que ces
deux pays entretiennent, la région de la Baltique, en tant qu’entité
fonctionnelle, n’existerait pas du tout. Bien entendu, un partenariat
entre eux ne doit pas laisser à l’écart les autres pays de la région
ni léser leurs intérêts, ce que certains semblent craindre.
11. Les relations entre l’Union européenne et la Russie sont régies
de façon très détaillée par l’accord de partenariat et de coopération
conclu en 1994. Son remplacement par un partenariat stratégique
plus étroit ne s’est pas concrétisé à ce jour (pas plus que l’adhésion,
envisagée de longue date, de la Russie à l’OMC), malgré les progrès
réalisés lors du dernier Sommet Union européenne-Russie à Stockholm.
Lorsqu’on veut évaluer les conditions préalables à un partenariat
stratégique entre l’Union européenne et la Russie, une question
fondamentale se pose: dans quelle mesure l’Union européenne et la
Russie présentent-elles des points communs et en quoi sont-elles
différentes? Le point essentiel est de savoir si les systèmes socio-économiques
des partenaires peuvent être considérés comme suffisamment semblables
pour qu’une coopération puisse prendre une dimension stratégique.
Est-ce que l’Union européenne et la Russie se voient comme représentant
les mêmes valeurs? Même lorsque les socles de valeurs des partenaires
ne se recoupent pas suffisamment, la coopération peut malgré tout
bien fonctionner sans partenariat stratégique, pour autant que les
parties reconnaissent leurs différences. Le retard pris à monter
un partenariat stratégique révèle peut-être que les conditions requises
pour une relation de cette nature entre l’Union européenne et la
Russie ne sont pas encore réunies.
12. Un accord prévoyant un partenariat stratégique, voire une
relation plus modeste, entre l’Union européenne et la Russie revêtirait
une importance particulière pour la région de la Baltique, dont
le rôle dans la promotion de la coopération serait alors comparable
à celui que joue l’approfondissement constant de l’intégration de
l’Union européenne.
13. La région de Kaliningrad, physiquement séparée du reste de
la Russie, est un lien potentiel intéressant entre cette dernière
et l’Union européenne, même si le rôle qu’elle pourrait jouer à
ce titre n’est toujours pas défini. Moscou évalue depuis longtemps
les chances et les problèmes associés au statut spécial de la région de
Kaliningrad. On ne sait toujours pas très bien, cependant, si la
Russie veut avant tout que cette région accueille des centres commerciaux
ou des garnisons. Si la région de Kaliningrad est appelée à jouer
un rôle militaire important pour la Russie, il sera difficile de
mettre en place un grand corridor de contact entre cette dernière
et l’Union européenne, prévu sur le même site qu’une base militaire.
Du point de vue des relations économiques, bien entendu, il serait
préférable que la région de Kaliningrad soit un canal de communication entre
la Russie et l’Union européenne plutôt qu’une épine dans le flanc
des pays voisins, membres de l’OTAN.
14. Le clivage hérité de la guerre froide qui perdure dans la
région de la Baltique est particulièrement visible dans les revenus
par habitant des différents pays mais aussi, par exemple, dans les
comparaisons internationales de leur compétitivité. En moyenne,
les Etats de la mer Baltique sont très compétitifs: quatre des anciennes
économies de marché de la région (Suède, Danemark, Finlande et Allemagne)
se classent en général parmi les 10 meilleurs sur une échelle mondiale.
C’est là un succès régional remarquable, si l’on considère que les
autres pays les plus compétitifs se situent dans d’autres régions
du monde. Le relatif affaiblissement de la compétitivité de la Russie
et de la Pologne au cours des années 2000 est toutefois une évolution
préoccupante.
15. Le même clivage en deux groupes se retrouve dans les comparaisons
concernant les niveaux de corruption. Il en va de même pour ce qui
est de la recherche-développement. Dans ce secteur, la région de
la Baltique, prise dans son ensemble, se situe au-dessus de la moyenne
de l’Union européenne.
3. Conditions préalables à une
intégration régionale
16. La compétitivité de la région, des pays qui la composent
et de leurs entreprises bénéficie grandement du fait que les marchés
de la région économique de la mer Baltique sont encore en phase
d’intégration. En effet, au moins jusqu’à l’actuelle récession,
il était possible d’opérer dans la région dans un contexte marqué par
une disparition des obstacles au commerce, une intégration croissante
et une mondialisation en marche. Les marchés intérieurs nationaux
ont laissé la place à de nouveaux marchés s’étendant à la région
tout entière, qui ont été soumis à des pressions concurrentielles
croissantes de l’extérieur.
17. En définitive, ce sont les entreprises et les individus –
entrepreneurs, employés, touristes, étudiants, etc. – qui réalisent
ou non l’intégration. Dans l’optique des échanges, l’élément essentiel
est que les Etats ont éliminé les obstacles et les frais inutiles
grevant les opérations commerciales internationales. Une étude menée
en Suède en 2007 a révélé que, si les obstacles qui subsistent et
les autres facteurs empêchant l’établissement de liens économiques
internationaux étaient totalement éliminés, le PIB de la région
pourrait augmenter de 1 %. Cette estimation indique que, par rapport
à la plupart des autres régions, la région de la Baltique est déjà
très proche de l’idéal du libre-échange.
18. Ainsi, les frontières nationales n’empêchent plus l’internationalisation
des activités dans la région de la Baltique et, de manière générale,
n’entraînent pas de frais excessifs. En conséquence, l’offre et
la demande dans ces économies de marché proches les unes des autres
se combinent, alors que les entreprises recherchent des produits
qui sont chers à la vente, peu chers à l’achat ou avantageux du
fait de l’emplacement des opérations. De plus en plus d’entreprises
ont annoncé des stratégies dans lesquelles la région de la Baltique
constitue leur marché intérieur. A l’heure actuelle, seuls deux
pays de la région, l’Allemagne et la Finlande, sont membres de l’Union
économique et monétaire (UEM) de l’Union européenne. Le caractère
de la région en tant que marché intérieur pour les entreprises locales
va se renforcer considérablement dès lors que d’autres membres locaux
de l’Union européenne adhéreront à l’UEM.
19. Les entreprises ont dû rechercher de nouveaux concepts opérationnels
sur des marchés intérieurs étendus à la région de la Baltique, ce
qui veut dire qu’elles affrontent déjà la mondialisation. La région
est devenue, dans sa quasi-totalité, un marché ouvert et unique
pour les concurrents et partenaires de l’extérieur. Dans la nouvelle
géographie économique, cette situation et les possibilités qu’elle
offre aux entreprises sont le point de départ pour examiner le «potentiel
de marché» de la région, qui est déterminé par le nombre et la proximité
des clients, partenaires commerciaux et concurrents. En effet, la
présence de clients et de partenaires rend attrayante l’éventualité
de se positionner dans la région. En revanche, si les concurrents
sont nombreux, ils laminent les marges, ce qui provoque l’effet
inverse.
20. La conjonction d’un grand nombre de clients et de partenaires
commerciaux attire davantage d’entreprises, de même que les effets
externes positifs d’une masse importante de clients et d’entreprises.
En revanche, les prix et les coûts élevés dus à la concentration
des clients et de la production, la forte concurrence ainsi que
les problèmes liés aux transports, à l’environnement et à la criminalité
produisent l’effet inverse. Les avantages et les inconvénients de
la concentration semblent différents selon les secteurs de production. Ordinairement,
les facteurs qui favorisent la concentration sont les suivants:
exploitation des économies d’échelle, de manière générale position
forte sur le marché, liens solides entre les moyens de production
et les biens produits, rôle essentiel des facteurs mobiles de production
(y compris des ressources humaines qualifiées), introduction à un
rythme rapide de nouveaux produits.
21. Dans l’ensemble, les appréciations faites jusqu’ici des perspectives
d’intégration de la région de la Baltique sont contradictoires.
Le potentiel d’intégration régionale est considéré comme étant à
son maximum lorsque les pays ont des niveaux de développement, des
contextes politiques et des cultures similaires. Il s’ensuit donc
que l’hétérogénéité de la région de la Baltique pourrait être pénalisante
pour le commerce. Le fait que les économies des plus grands pays
de la région, à savoir la Russie, l’Allemagne et la Pologne, ont leur
centre de gravité à l’extérieur de celle-ci n’est pas un élément
constructif du point de vue de l’intégration. En revanche, les nombreuses
initiatives visant au bien commun de la région et les organisations
créées à cette fin, ainsi que les statistiques relatives au commerce
et à l’investissement, laissent apparaître une intégration qui s’approfondit
et qui a apporté la preuve qu’il est possible de transformer la
diversité en un catalyseur des possibilités de la région. Ce constat
est une des conclusions auxquelles est parvenu le Séminaire de haut niveau
«Contribution à une stratégie économique paneuropéenne pour la région
de la mer Baltique», organisé par le Parlement finlandais à Helsinki,
en mai 2009, à l’occasion de la réunion de la commission des questions économiques
et du développement de l’Assemblée parlementaire.
4. Commerce et circulation des
facteurs de production
22. L’élargissement du marché intérieur à l’ensemble
des pays de la Baltique revêt plus ou moins d’importance en fonction,
principalement, de la taille du pays considéré. Dans le cas de l’Allemagne,
l’un des premiers pays pour ce qui est du commerce mondial, les
autres pays de la Baltique représentent environ un dixième de ses
échanges, alors que, pour la Russie, cette part est d’un cinquième.
Pour la Pologne, la Suède, la Finlande et le Danemark, elle est
d’environ 40 %, alors que, pour les trois Etats baltes, elle représente environ
les deux tiers de l’ensemble de leur commerce extérieur. Même si
les échanges avec les autres Etats riverains de la Baltique ne sont
pas particulièrement importants pour l’Allemagne, ce pays reste
sans conteste le numéro un en ce qui concerne le commerce entre
les pays de la région.
23. Les échanges entre les Etats de la région de la Baltique correspondent-ils
au niveau que l’on pourrait en attendre au vu de leur PIB, de leur
population et de leur proximité? Cette question est souvent examinée
à l’aide du modèle «gravitaire», qui s’appuie sur les trois facteurs
mentionnés pour prévoir les flux commerciaux. Un résultat étonnant
est que le total des exportations de tous les pays en direction
de la Russie et de la Pologne est demeuré nettement en dessous du
«niveau normal» indiqué par le modèle. Il apparaît donc que ces
deux pays offrent aux autres pays de la région des possibilités
d’exportation pour l’instant inexploitées. Bien entendu, la réalité
est plus complexe que les hypothèses utilisées dans un modèle simplificateur,
mais il semble néanmoins probable que le centre de gravité des échanges
dans la région va se déplacer vers l’est de l’axe traditionnel Stockholm-Hambourg.
24. Lorsqu’on analyse le commerce extérieur, on fait souvent la
distinction entre le commerce intrasectoriel (les exportations et
les importations se composent de produits appartenant à une même
catégorie) et le commerce intersectoriel (les importations et les
exportations entre les partenaires ont des structures différentes
en termes de produits). On a constaté que le fait que les pays soient
très proches et qu’ils aient un niveau de revenu similaire (élevé)
augmente la part du commerce intrasectoriel, ce dernier étant également
dû à la division internationale du travail, dont l’incidence sur
les processus de production est aujourd’hui très importante.
25. Ces constats s’appliquent également à la région de la Baltique.
Le commerce intrasectoriel est particulièrement actif entre les
pays qui ont un niveau de revenu élevé. Le pays qui pratique le
moins ce type de commerce est la Russie, dont les exportations se
composent pour l’essentiel d’énergie et de matières premières, et
les importations, de biens manufacturés. Dans le pays ayant la plus
petite économie de la région, à savoir l’Estonie, les usines ne
produisent généralement pas de produits finis estoniens; leurs activités
sont plutôt de l’ordre du commerce intrasectoriel, puisqu’elles
contribuent à la fabrication des produits de Nokia, Siemens ou d’autres
groupes internationaux. Les normes que la production en Estonie
doit respecter sur les plans environnemental, logistique, qualitatif
et autres sont alors les mêmes et tout aussi rigoureuses que pour les
marques internationales. C’est là une exigence difficile à respecter
pour les nouvelles économies de marché, même si, bien entendu, cela
permet de développer l’ensemble de leurs économies et de leurs sociétés.
26. Le commerce de l’énergie est important pour les pays de la
région; il s’agit d’exportations pour la Russie et principalement
d’importations pour les autres. La part totale des importations
énergétiques en provenance de la Russie va d’à peine plus de 10 %
pour le Danemark à plus de 90 % pour la Lituanie. Pour ce qui est
des importations de gaz naturel en provenance de la Russie, ces
pourcentages sont encore plus élevés, puisqu’ils sont compris, selon
les pays, entre près de 50 % et 100 %.
27. L’investissement direct étranger a considérablement aidé à
adapter la production dans les anciens pays socialistes aux conditions
actuelles de la division internationale du travail et du commerce.
Il a apporté non seulement des capitaux, mais aussi des nouvelles
technologies, des compétences managériales, un savoir-faire en matière
de gestion des risques et de marketing, tout en ouvrant des voies
d’accès vers d’autres marchés. Même du point de vue de l’approfondissement
de l’intégration, l’investissement est un moyen beaucoup plus efficace
que le commerce de produits. Dans l’ensemble, l’investissement direct
étranger dans les pays riverains de la Baltique s’est élevé à plus
de 1 000 milliards d’euros. Selon les statistiques, la Suède a été
le plus gros investisseur étranger dans la région, avant l’Allemagne.
28. Outre les capitaux, la main-d’œuvre circule également beaucoup
plus librement et en plus grand nombre qu’auparavant dans la région
de la Baltique. Les investissements étrangers réalisés par des entreprises entraînent
déjà une mobilité de la main-d’œuvre, les travailleurs changeant
de pays sans changer d’employeur. Toutefois, cela ne représente
qu’une toute petite partie de la circulation des travailleurs, certains
étant incités à améliorer leur sort ailleurs que dans leur pays
d’origine, où leur revenu est bas et où ils risquent le chômage.
29. La mobilité de la main-d’œuvre et l’immigration, sous tous
leurs aspects, concernent tous les pays de la région de la Baltique.
Si l’on en croit les statistiques de la démographie et de la natalité,
ceux-ci vont devoir faire face dans les années qui viennent à un
déclin de leur main-d’œuvre, que les migrations ne contribueront qu’en
partie à pallier. La région est dotée d’une population bien formée
et compétente. La demande en matière de main-d’œuvre étrangère est
de nature diverse. Plus le pays d’origine des nouveaux arrivants
est proche et plus les cultures du pays d’origine et du pays de
destination sont semblables, mieux la main-d’œuvre étrangère et
les immigrants en général sont accueillis. C’est pourquoi il serait
souhaitable que les pays de la région de la Baltique reçoivent des
migrants d’autres pays de la région. Cependant, cela risque d’entraîner,
ce qui serait regrettable, une politique du chacun pour soi qu’il
serait difficile de poursuivre longtemps à grande échelle. Il est
probable qu’à l’avenir la région accueillera davantage de main-d’œuvre
venue de bien plus loin, en particulier d’Asie.
30. Il convient de garder à l’esprit, notamment lorsque les migrants
viennent de très loin, que l’on a affaire non pas à de simples travailleurs,
mais à des personnes qui vivent vingt-quatre heures sur vingt-quatre
dans un nouveau pays et qui sont peut-être venues avec leur famille
et d’autres proches. C’est pourquoi, lorsqu’on analyse la question,
il convient d’étudier d’autres aspects que la mobilité internationale
de la main-d’œuvre, en prenant en compte un ensemble bien plus large
de facteurs socio-économiques. A moins d’être prêt à traiter la
question comme il convient et à veiller à l’intégration des nouveaux
arrivants, l’immigration de travailleurs que l’on souhaitait va
devenir, plutôt qu’une solution, une source de problèmes pour le
pays de destination et les immigrés eux-mêmes.
31. L’immigration depuis des pays extérieurs à la région peut
pallier la pénurie de main-d’œuvre, mais elle s’accompagne des problèmes
de politique démographique que nous venons d’évoquer. En outre,
le vieillissement de la population locale est un défi auquel il
faut trouver d’autres solutions que l’immigration. Dans tous les
pays concernés, la croissance de la part relative du segment de
personnes âgées dans la population nécessitera des mesures permettant
d’augmenter la productivité et la participation des personnes âgées
à la vie professionnelle. Nous devons également être à même d’améliorer
les services publics et privés aux personnes âgées.
32. A bien des égards, la région de la Baltique représente, avant
même l’afflux attendu de main-d’œuvre immigrée, un microcosme hétérogène
où l’histoire récente, la vision de l’intégration européenne et
la vitalité de l’économie varient considérablement d’un pays à l’autre.
Cette situation a offert de bonnes possibilités de mettre en œuvre
une division internationale du travail dans le cadre de processus
de production modernes et de développer le commerce intrasectoriel.
La grande diversité des caractéristiques offertes par la région
est propice à la circulation des capitaux et de la main-d’œuvre,
à la fois dans la région et au-delà. Il n’est pas toujours nécessaire
d’aller à l’autre bout de la planète pour trouver des conditions
de production mieux adaptées à telle ou telle partie d’un processus.
Dans l’ensemble, la nouvelle géographie économique est favorable
à la région de la Baltique.
5. Conclusions et recommandations
33. La notion de région de la Baltique est établie, tant
dans la région elle-même qu’au-delà. De nombreuses organisations
réunissent des acteurs appartenant à divers secteurs de la région.
Celle-ci est bien placée dans les comparaisons internationales portant
sur la compétitivité et la croissance économique, ce qui a attiré
les investissements et les migrants. Sur le long terme, la région
devrait être confrontée à une pénurie de main-d’œuvre, avec les
énormes difficultés que cela pose pour l’intégration de migrants
arrivant d’autres régions du monde. Les entreprises doivent saisir
les nouvelles opportunités qui s’offrent dans la région. Celles
qui n’en tiendraient pas compte dans leurs opérations prendraient
du retard par rapport à leurs concurrents plus réactifs à leur environnement.
Dans un marché ouvert, la stratégie de l’autruche n’est pas très
porteuse.
34. Les pays de la région de la Baltique ont leur identité propre,
dont le caractère baltique n’est qu’un élément, et ils ont également
des intérêts dans d’autres sous-régions. De fait, du point de vue
de l’identité, il est quelque peu problématique que les plus grands
Etats riverains, à savoir la Russie, l’Allemagne et la Pologne,
ne se ressentent pas avant tout comme des pays de la Baltique. La
Russie est aujourd’hui dotée de zones côtières qui, au fil de l’histoire,
se sont réduites comme peau de chagrin, mais qui n’en représentent
pas moins beaucoup plus pour le pays que ne le laisseraient supposer
leur population ou leur superficie. Les centres de gravité des économies
polonaise et allemande ne se situent pas non plus dans les zones
côtières, ce qui contribue également à marginaliser ces régions
sous l’angle de la géographie économique.
35. Comme nous l’indiquions au début de ce rapport, la région
de la Baltique ne peut pas être définie de manière univoque, et
cela entraîne bien entendu des difficultés à la fois pour faire
émerger une identité et pour consolider son image. Mais il est un
élément encore plus important que le fait de donner une définition régionale
univoque, qui ne fonctionnerait pas dans tous les contextes: c’est
de mettre l’accent sur la fonctionnalité en tant qu’élément central
de l’identité régionale. Les intérêts associés aux relations économiques,
aux transports, à la protection de l’environnement, aux questions
sociales, etc. sont à prendre en compte dans une définition de la
région de la Baltique. Celle-ci est une entité fonctionnelle, non
une entité administrative. Elle n’aura jamais de roi, de président,
de parlement ou de frontières «sacrées» pour consolider son identité
ou imprimer son image.
36. L’Union européenne n’a plus ni la nécessité ni la perspective
de s’étendre sur les côtes de la Baltique. En revanche, tout progrès
dans les relations de voisinage et autres entre l’Union européenne
et la Russie fait avancer la coopération dans la région et contribue
à son unité. Pour compléter la politique russe commune de l’Union
européenne, chaque pays de la région a le droit, mais aussi le devoir,
de soigner ses relations bilatérales avec la Russie. L’Union européenne
et ses Etats membres peuvent, par leurs propres politiques, influer
sur la volonté de la Russie de prendre part à l’intégration de la
région de la Baltique et aux autres formes de coopération qui s’y
déroulent. Pour sa part, la Russie a une responsabilité particulière
en tant que principal producteur et fournisseur d’énergie dans la
région: faire en sorte que soient assurés la lumière, la chaleur
et les transports.
37. L’Union européenne et la Russie ont besoin d’un partenariat
sur les côtes d’une autre mer, fermée elle aussi. En effet, avec
l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie en 2007, l’Union européenne
s’étend désormais jusqu’aux côtes de la mer Noire. L’importance
de cette mer pour l’Union européenne pourrait croître encore à l’avenir,
car l’Ukraine et la Géorgie au moins, outre la Turquie, ont fait
part de leur souhait de se rapprocher de l’Union. Il ne restera
dès lors plus à l’Union européenne et aux autres parties prenantes
qu’à développer cette sous-région. L’expérience acquise dans la
région de la Baltique pourrait être très précieuse dans ce projet,
car cette région a été pionnière dans le développement coopératif
de sous-régions européennes dans la période de l’après-guerre froide.
Elle englobe des pays qui sont devenus membres de l’Union européenne
à différents stades, mais aussi la Russie, Etat riverain de la Baltique,
ainsi que la Norvège et le Bélarus, qui partagent une frontière
avec des Etats riverains. L’expérience acquise lors du développement de
la région de la Baltique devrait être mise à profit ailleurs en
Europe, en particulier dans la région de la mer Noire et dans d’autres
sous-régions qui comptent des pays membres et des pays non membres
de l’Union européenne. Le bassin du Danube et les Balkans occidentaux,
notamment, sont aussi des sous-régions qui tireraient avantage d’une
coopération plus étroite.
38. Pour ce qui est de l’importance de la région de la Baltique
et de sa réputation, il est primordial que les parties concernées
ainsi que le reste de l’Europe prennent conscience du fait que son
développement et une coopération avec elle leur procureront également
des avantages. Il reste encore beaucoup à faire à cet égard, même
si les discours sur les bénéfices généraux de la coopération ne
manquent pas. Contribuer à la protection de l’environnement, aux
réseaux de transport et d’énergie, au bon fonctionnement des relations
économiques ainsi qu’à la lutte contre la criminalité sera indubitablement
positif pour chacun des pays à titre individuel, pour la région
de la Baltique et pour l’ensemble de l’Europe. De bons contacts
internationaux en matière de formation et de recherche contribueront
au bien-être des populations et à la compétitivité, tout en favorisant
la démocratie et le développement d’institutions liées à l’économie
de marché. En effet, il est dans les intérêts bien compris de chacun
que ses voisins connaissent la prospérité.
39. Bien entendu, la région de la Baltique ne peut pas être exploitée
de la même manière qu’une colonie ou qu’un Etat inféodé dont on
peut rapatrier les richesses. Il en va de la région comme d’un jardin:
si l’on veut récolter, chacun doit prendre soin de son lopin; en
d’autres termes, chaque pays doit s’occuper de son propre environnement
physique et institutionnel et, en outre, prendre part à une coopération
à tous les niveaux avec ses voisins.
40. Que pourrait-on bien proposer de neuf pour développer l’identité,
l’intégration et d’autres formes de coopération? Etant donné que
tous les Etats riverains, hormis la Russie, sont désormais membres
de l’Union européenne, il semble naturel que cette dernière devienne
un acteur dynamique du développement d’une sous-région présentant
de tels atouts. Du reste, l’Union européenne a lancé sa Stratégie
pour la mer Baltique le 10 juin 2009, sous la présidence suédoise.
Celle-ci a annoncé qu’elle ferait de la promotion de la stratégie une
priorité durant son mandat. La Stratégie pour la mer Baltique vise
à coordonner l’action menée par l’Union européenne et ses Etats
membres, les régions, les organisations panbaltiques, les institutions
financières et les organisations non gouvernementales en vue de
promouvoir un développement plus équilibré de la région. Les quatre
piliers de la stratégie visent à rendre la région plus durable d’un
point de vue environnemental (par exemple, réduire la pollution
de la mer), plus prospère (par exemple, promouvoir l’innovation
dans les petites et moyennes entreprises), plus accessible et plus
attractive (par exemple, améliorer les transports), et plus sûre
(par exemple, renforcer les secours en cas d’accident).
41. La stratégie s’accompagne d’un plan d’action comprenant 15
domaines prioritaires (chacun de ces domaines sera sous la responsabilité
d’un Etat membre de la région de la Baltique, qui sera chargé de
le mettre en œuvre avec tous les acteurs concernés). La stratégie
et les actions proposées doivent être financées par chaque Etat
membre de la Baltique, des ONG, des sources privées, des institutions
financières comme la Banque européenne d’investissement (BEI), la
Banque nordique d’investissement (NIB) et la Banque européenne pour
la reconstruction et le développement (BERD), ainsi que par les
Fonds structurels de l’Union européenne (55 milliards d’euros pour
2007-2013). La stratégie inclura également de nombreuses actions horizontales
destinées à développer la cohésion territoriale, des mesures visant
à coordonner la mise en œuvre des directives de l’Union européenne
et à surmonter les obstacles bureaucratiques, des mesures visant à
encourager le recours à l’aménagement de l’espace maritime, le développement
de l’aménagement du territoire dans les Etats membres de la région
baltique, des initiatives pour améliorer et coordonner la collecte de
données maritimes et socio-économiques dans la région baltique et,
enfin, des efforts visant à construire une identité régionale.
42. Le Conseil européen a adopté la Stratégie de l’Union européenne
pour la mer Baltique en octobre 2009. Cette stratégie sera mise
en œuvre au cours de l’année 2010, avec un forum des parties prenantes
prévu du 13 au 15 octobre 2010 à Tallinn, en Estonie. Parallèlement,
plusieurs programmes de convergence, de compétitivité et de coopération
seront cofinancés par le Fonds européen de développement régional
(FEDER) dans la région de la mer Baltique pour la période 2007-2013
.
43. Certes, dans la conjoncture présente, des problèmes d’actualité
affectant de la même manière l’ensemble des pays de l’Union européenne,
avec lesquels la Stratégie pour la Baltique sera en concurrence, sont
mis actuellement à l’ordre du jour de l’Union européenne. Il n’est
pas utile que d’autres acteurs cherchent à élaborer des projets
alternatifs venant concurrencer la Stratégie de l’Union européenne
pour la Baltique; en revanche, il serait souhaitable de mettre en
place des projets en mesure de la compléter. Une meilleure connaissance
du contenu de la stratégie et des propositions associées donnera
des pistes en vue d’initiatives d’intervenants autres que l’Union
européenne en vue du développement de la région de la Baltique.
44. Il est souvent avancé que les capitaux et les infrastructures
accélèrent le développement. Il faut de l’argent, et l’on en trouvera
certainement pour améliorer l’environnement et pour construire des
réseaux de transport et d’énergie. Il faudra également, bien entendu,
trouver des financements pour d’autres programmes et projets. Alors
que la région de la Baltique est elle aussi touchée par la récession,
toutes les sources de financement vont devenir plus rares qu’auparavant
dans un proche avenir. Pour faire face à la récession, tous les
Etats et bon nombre des institutions de la région auront besoin
d’injections considérables de capitaux pour préserver leur existence
et leur fonctionnement. C’est pourquoi on ne peut pas s’attendre
à ce que des montants importants soient débloqués pour la mise en
œuvre de la Stratégie de l’Union européenne pour la mer Baltique
ni pour d’autres projets visant de manière générale à consolider
la cohésion de la région. Bien entendu, il est souhaitable que,
de manière générale, des fonds prévus pour stimuler l’économie servent
aussi à favoriser l’intégration et l’identité de la région de la
Baltique.
45. L’un des problèmes de la région de la Baltique, évoqué plus
fréquemment qu’un manque d’infrastructures, est la pléthore d’organisations
dont les champs d’activités se recoupent partiellement. Ce n’est
pas pour autant qu’il n’y a pas de bonnes raisons d’en établir de
nouvelles. Le Sommet pour une action en faveur de la mer Baltique
est un nouveau projet prometteur. Tenu à Helsinki le 10 février
2010, il a réuni des responsables politiques et des dirigeants d’entreprises
ainsi que des représentants de la société civile de tous les pays
de la Baltique. Derrière ce projet, on trouve le groupe d’action
pour la mer Baltique – créé par la Présidente de la République de
Finlande, Mme Tarja Halonen, et par le
Premier ministre de ce pays, M. Matti Vanhanen –, qui est une structure
où des organisations du secteur public, du secteur privé et de la
société civile mettent en commun leurs ressources et contribuent
conjointement à la sauvegarde de la Baltique.
46. Il pourrait également être utile d’instaurer une nouvelle
institution, qui aurait clairement pour mission d’être la gardienne
des intérêts de la région de la Baltique. Même si elle n’était pas
en mesure de donner à une région aux frontières aussi fluctuantes
un organe exécutif, une organisation qui défendrait activement les intérêts
de la région et serait dirigée par une personnalité de haut rang
pourrait avoir un effet bénéfique pour l’image, le sentiment d’unité
et la visibilité de la région. L’Assemblée parlementaire du Conseil
de l’Europe pourrait prendre l’initiative de proposer la création
d’une organisation de ce type – en quelque sorte une «Union de la
mer Baltique».