Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 12357 | 20 septembre 2010

Le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine

Commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)

Corapporteur : Mme Renate WOHLWEND, Liechtenstein, PPE/DC

Corapporteur : Mme Mailis REPS, Estonie, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Résolution 1115 (1997). 2010 - Quatrième partie de session

Résumé

La commission de suivi se félicite de l’accroissement de l’activité législative en Ukraine à la suite de l’élection présidentielle de 2010, et notamment de la priorité donnée par les nouvelles autorités au respect des engagements souscrits par l’Ukraine lors de son adhésion et non encore honorés. La commission demeure cependant préoccupée par l’actuelle fragilité relative, car les causes systémiques sous-jacentes de l’instabilité qui a caractérisé le pays ces dernières années restent présentes. En outre, elle craint que la manière précipitée avec laquelle les autorités mènent ces réformes ne porte atteinte au respect des bons principes démocratiques et, en dernier ressort, à la qualité des réformes elles-mêmes.

Pour soutenir les efforts des autorités pour respecter les engagements de l’Ukraine pris lors de son adhésion et non encore honorés, la commission a mis en lumière une série de recommandations aux réformes qui sont, selon elle, indispensables pour garantir que les réformes satisfassent les normes et principes européens. A cet égard, la commission souligne qu’il n’est pas possible pour l’Ukraine de mettre en œuvre les réformes indispensables pour le pays pour honorer les engagements pris lors de son adhésion sans avoir préalablement révisé sa Constitution. Elle appelle donc les autorités et l’opposition à engager conjointement un train de réformes constitutionnelles pour remédier aux déficiences actuelles.

Enfin, la commission se dit préoccupée par la multiplication des allégations selon lesquelles des atteintes auraient été portées ces derniers mois à des libertés démocratiques telles que la liberté de réunion, la liberté d’expression et la liberté des médias. Elle appelle donc les autorités à enquêter sur toutes les allégations de violation des droits et des libertés et à sanctionner les actes constatés, et souligne le fait que tout recul dans le respect et la protection de ces droits serait inacceptable.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			.
Projet de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 9
septembre 2010.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se félicite de l’accroissement de l’activité législative en Ukraine à la suite de l’élection présidentielle de 2010 et de la mise en place d’une nouvelle coalition au pouvoir, ce qui pourrait conduire à la stabilité politique. L’Assemblée considère que la stabilité politique est une condition essentielle à la consolidation de la démocratie en Ukraine. Elle demeure cependant préoccupée par sa fragilité relative, car les causes systémiques sous-jacentes de l’instabilité qui a frappé le pays ces dernières années restent présentes.
2. L’Assemblée réaffirme que la stabilité politique ne peut être maintenue dans la durée qu’en révisant la Constitution de façon à instaurer une claire séparation des pouvoirs et un régime équilibrant dans de justes proportions l’exécutif, le législatif et le judiciaire, entre eux et en leur sein.
3. S’agissant des inquiétudes exprimées face à la concentration du pouvoir par les nouvelles autorités ukrainiennes, l’Assemblée estime que la consolidation du pouvoir par une administration nouvellement établie est compréhensible, voire souvent souhaitable, mais rappelle qu’une telle consolidation ne doit pas se muer en monopolisation du pouvoir par une seule force politique, sous peine de compromettre l’avancée démocratique du pays.
4. L’Assemblée note avec satisfaction la volonté politique affichée par les autorités, et la priorité donnée au respect des engagements souscrits par l’Ukraine lors de son adhésion au Conseil de l’Europe et non encore honorés. L’Assemblée les soutient pleinement dans leurs efforts de mettre en œuvre le programme de réformes profondes et ambitieuses qui est nécessaire pour respecter ces engagements et les obligations du pays en tant que membre du Conseil de l’Europe.
5. L’Assemblée craint que la manière précipitée avec laquelle les autorités mènent ces réformes ne porte atteinte au respect des bons principes démocratiques et, en dernier ressort, à la qualité des réformes elles-mêmes. La réalisation des engagements pris lors de l’adhésion et non encore honorés exige de mettre en œuvre un programme de réformes complexes et profondes, qui auront un grand impact sur la société ukrainienne. Pour que la mise en œuvre de ces réformes soit un succès, elles doivent donc s’appuyer sur un large consensus politique et sur le soutien de la population. Or cela ne peut se faire que dans le strict respect des procédures parlementaires et des principes démocratiques.
6. Une étroite coopération avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) s’avère indispensable pour garantir que les programmes de réformes législatives en cours d’élaboration satisfassent pleinement aux normes et valeurs européennes. L’Assemblée invite donc les autorités et les dirigeants de la Verkhovna Rada ukrainienne à veiller à ce que l’avis de la Commission de Venise soit sollicité sur la version finale des projets de loi, avant leur adoption en dernière lecture.
7. Les différents domaines que couvre l’initiative récente pour les réformes ont déjà été largement traités par l’Assemblée dans des résolutions précédentes concernant l’Ukraine. Réaffirmant sa position sur ces réformes, l’Assemblée, eu égard en particulier à:
7.1. La réforme électorale:
7.1.1. réitère sa recommandation en faveur de l’adoption d’un code électoral unifié en Ukraine et constate avec satisfaction qu’un projet de code unifié est aujourd’hui présenté pour adoption à la Verkhovna Rada;
7.1.2. estime que la réforme électorale ne doit pas se borner à l’adoption d’un nouveau code électoral mais également établir un nouveau système électoral, et réitère sa recommandation en faveur d’un scrutin proportionnel basé sur des listes ouvertes et sur un découpage régional;
7.1.3. réitère que le mandat impératif que les amendements constitutionnels de 2004 ont mis en place va à l’encontre des normes démocratiques européennes;
7.1.4. invite toutes les forces politiques à tenir leur promesse de réforme du cadre juridique des élections, et à afficher dans cette perspective la volonté politique d’adopter un code électoral unifié et un nouveau système électoral, conformément aux recommandations de la Commission de Venise et de l’Assemblée, bien avant la tenue des prochaines élections législatives;
7.1.5. invite instamment les autorités à adopter une loi sur le financement des partis politiques qui soit conforme aux normes européennes, et à envisager la possibilité de mettre en place un financement public des partis politiques pour diminuer leur dépendance par rapport à des intérêts économiques.
7.2. La réforme de la Prokuratura:
7.2.1. rappelle que l’Ukraine, lors de son adhésion au Conseil de l’Europe, s’est engagée comme suit: «Le rôle et les fonctions du parquet seront modifiés (notamment en ce qui concerne l’exercice d’un contrôle général de légalité), de telle sorte que cette institution deviendra un organe conforme aux normes du Conseil de l’Europe» et déplore que cet engagement ne soit pas encore rempli;
7.2.2. réitère que la fonction générale de supervision du parquet en Ukraine va à l’encontre des normes européennes et lui confère ainsi des pouvoirs qui excèdent les pouvoirs nécessaires dans un Etat démocratique;
7.2.3. appelle les autorités et la Verkhovna Rada à adopter, dans les plus brefs délais et en consultation étroite avec la Commission de Venise, une loi sur le parquet qui satisfasse pleinement aux normes et valeurs européennes;
7.2.4. considère que des amendements constitutionnels s’imposent pour supprimer la fonction générale de supervision du parquet et réformer cette institution, conformément aux engagements souscrits par l’Ukraine lors de son adhésion;
7.2.5. recommande que, comme alternative à la fonction de supervision, le rôle du médiateur soit renforcé et qu’un système d’aide juridictionnelle gratuite soit mis en place.
7.3. La réforme du système judiciaire:
7.3.1. considère que la consolidation d’un Etat de droit en Ukraine passe nécessairement par la réforme du système et du pouvoir judiciaires, et se félicite de la priorité que les autorités accordent à cette réforme;
7.3.2. considère que la loi sur le système judiciaire et le statut des juges en Ukraine est la pierre angulaire de la réforme du système judiciaire et la garantie de l’indépendance du judiciaire. Elle déplore donc vivement qu’elle ait été adoptée et promulguée à la hâte en juillet 2010, sans attendre l’avis de la Commission de Venise qui avait été demandé par le ministre ukrainien de la Justice;
7.3.3. invite les autorités à s’assurer que la loi relative au système judiciaire et au statut des juges et la loi portant modification de certains actes législatifs relatifs à la prévention des abus du droit de recours tiendront compte de toutes les recommandations et des questions soulevées dans les prochains avis de la Commission de Venise en la matière, par la voie de modifications si nécessaire;
7.3.4. considère qu’en l’absence d’amendements constitutionnels, il ne sera pas possible de réformer le pouvoir judiciaire conformément aux normes et valeurs européennes;
7.3.5. invite instamment les autorités à réformer le barreau et à créer un ordre des avocats, conformément aux engagements souscrits lors de l’adhésion de l’Ukraine au Conseil de l’Europe;
7.3.6. demande aux autorités d’instaurer sans tarder le nouveau Code de procédure pénale et de solliciter l’avis de la Commission de Venise sur le projet de ce code, ainsi que de résoudre tous les problèmes éventuels avant de l’adopter en dernière lecture;
7.3.7. appelle les autorités à s’assurer que le système judiciaire est suffisamment financé par le budget de l’Etat, car le manque chronique de fonds renforce actuellement les possibilités de corruption et porte atteinte à l’Etat de droit.
7.4. La lutte contre la corruption:
7.4.1. regrette la décision de la Verkhovna Rada reportant à 2011 l’entrée en vigueur de l’ensemble des lois anticorruption élaborées avec l’appui du Conseil de l’Europe, et le veto opposé par l’ancien Président à la loi contre le blanchiment de capitaux;
7.4.2. se félicite de la priorité que le nouveau Président accorde à la lutte contre la corruption et l’invite instamment à veiller à ce que l’ensemble des lois anticorruption soit promulgué sans autre délai et à ce que toutes les recommandations formulées par le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) dans son rapport d’évaluation des premier et deuxième cycles conjoints soient rapidement mises en œuvre.
7.5. La société civile:
7.5.1. souligne l’importance de la société civile pour faire progresser la démocratie en Ukraine et demande donc aux autorités d’accélérer l’adoption d’une nouvelle loi sur les organisations civiques, afin de remédier aux lacunes observées dans le cadre juridique actuel des organisations non gouvernementales;
7.5.2. demande à la Verkhovna Rada d’adopter la loi sur l’organisation et le déroulement d’événements pacifiques, en tenant compte des observations et des recommandations de la Commission de Venise.
8. L’Assemblée constate que les dispositions constitutionnelles actuelles freinent les réformes dans de nombreux domaines. Par conséquent, l’Ukraine ne pourra pas mettre en œuvre les réformes indispensables pour honorer ses engagements à l’égard du Conseil de l’Europe sans avoir préalablement révisé sa Constitution. L’Assemblée invite donc les autorités et l’opposition à engager conjointement un train de réformes constitutionnelles pour remédier aux déficiences actuelles, ainsi qu’aux causes sous-jacentes de l’instabilité politique systémique, conformément à ses recommandations précédentes. A cet égard, l’Assemblée continue de prôner une révision de l’actuelle Constitution plutôt que l’adoption d’un texte entièrement neuf.
9. Le respect accru des droits et libertés démocratiques a été l’un des traits marquants de l’évolution démocratique de l’Ukraine ces dernières années. Tout recul dans le respect et la protection de ces droits serait inacceptable aux yeux de l’Assemblée.
10. L’Assemblée se dit préoccupée par la multiplication des allégations selon lesquelles des atteintes auraient été portées ces derniers mois à des libertés démocratiques telles que la liberté de réunion, la liberté d’expression et la liberté des médias. Elle appelle donc les autorités à enquêter sur toutes les allégations de violation des droits et des libertés et à y remédier. Elle leur recommande également de réexaminer toute décision ou nomination pouvant engendrer un conflit d’intérêts, notamment dans les domaines de l’application de la loi et du pouvoir judiciaire.
11. La liberté et le pluralisme des médias sont des pierres angulaires de la démocratie. L’Assemblée se préoccupe donc d’événements récents qui pourraient mettre à mal ces principes. Elle appelle les autorités à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la liberté et le pluralisme des médias en Ukraine et à s’abstenir de toute tentative d’exercer un contrôle – directement ou indirectement – sur le contenu des informations véhiculées par les médias nationaux.
12. L’Assemblée se déclare une nouvelle fois disposée à aider l’Ukraine à renforcer ses institutions démocratiques et à établir une société fondée sur les principes de la démocratie, du respect des droits de l’homme et de la prééminence du droit.

B. Exposé des motifs, par Mmes Reps et Wohlwend, corapporteurs

(open)

1. Introduction

1. Depuis la révolution orange, le paysage politique ukrainien est marqué par une crise politique systémique qui compromet l’évolution démocratique du pays et freine la mise en œuvre des réformes qu’exige le respect des engagements souscrits par l’Ukraine lors de son adhésion au Conseil de l’Europe, engagements non encore remplis. Cette crise politique systémique, que l’Assemblée parlementaire a traitée dans plusieurs résolutions 
			(2) 
			. Résolution 1466 (2005), Résolution 1549 (2007)., trouve son origine dans les amendements constitutionnels incomplets et controversés, adoptés pour apaiser les tensions observées lors des élections présidentielles de 2004, ainsi que dans les rivalités et les luttes intestines opposant constamment les principales forces politiques et leurs dirigeants.
2. Les élections présidentielles de 2010 ont marqué un tournant, l’ancien leader de la révolution orange Victor Iouchtchenko cédant la place à Victor Yanukovich. Le nouveau Président a lancé un train de réformes ambitieux, dans le but affirmé de respecter les engagements pris lors de l’adhésion au Conseil de l’Europe et non encore honorés – et de passer ainsi au dialogue postsuivi avec l’Assemblée – avant que l’Ukraine ne prenne la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe en mai 2011.
3. Nous avons visité l’Ukraine au lendemain des élections présidentielles, du 1er au 4 juin 2010, dans le cadre de la procédure de suivi de l’Assemblée, afin de prendre connaissance du calendrier des réformes et du climat politique du pays. A l’issue de notre visite, nous avons salué et soutenu la priorité que le nouveau gouvernement accorde au respect des engagements pris par l’Ukraine lors de son adhésion, de même que le programme de réformes profondes et ambitieuses qui est lancé pour atteindre cet objectif. Toutefois, nous avons également observé que, dans leur désir de tenir des délais parfois trop optimistes, les autorités exécutaient ces réformes sans respecter suffisamment les procédures démocratiques et délibératives; elles négligeaient ainsi d’instaurer le dialogue et le consensus politique indispensables à la bonne conduite de telles réformes. Il en est malheureusement résulté qu’un certain nombre de réformes suscitent aujourd’hui des controverses politiques.
4. De plus, au cours de notre visite, nous avons relevé des allégations nombreuses et persistantes selon lesquelles, en Ukraine, depuis les élections présidentielles de 2010, on aurait porté atteinte à des libertés démocratiques, comme la liberté d’expression et la liberté de réunion.
5. Pour ces motifs, et pour soutenir le processus actuel de réforme, la commission de suivi, lors de sa réunion du 22 juin 2010 à Strasbourg, a décidé de demander que la partie de session d’octobre 2010 de l’Assemblée intègre un débat sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine. L’objectif est de permettre à l’Assemblée de formuler ses avis et ses recommandations à un stade précoce du processus de réforme engagé par le Président, et de résoudre les problèmes soulevés ces derniers mois à ce propos.

2. Evénements politiques récents

6. Le dernier rapport sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine 
			(3) 
			. Doc. 11255. a été examiné par l’Assemblée le 19 avril 2007. Malheureusement, depuis cette date, la crise constitutionnelle systémique persiste dans le pays, ancrée dans une séparation peu claire des pouvoirs, qui met constamment en opposition le Président, le Premier ministre et la Verkhovna Rada (Parlement ukrainien).
7. Le 30 septembre 2007, des élections législatives anticipées se sont tenues en Ukraine, en raison d’une crise politique déclenchée par la décision du Président Iouchtchenko de dissoudre le parlement le 2 avril 2007. L’opposition 
			(4) 
			. Le décret a été
mis en cause devant la Cour constitutionnelle. Néanmoins, celle-ci
n’a pas rendu d’arrêt, car un accord politique sur des élections
anticipées a reçu l’approbation générale. a contesté la constitutionnalité de cette décision, prise après que plusieurs membres de l’opposition proprésidentielle ont rejoint les rangs de la coalition au pouvoir (Parti des régions, Parti communiste et Parti socialiste). Le Président aurait craint que de nouvelles défections ne confèrent la majorité des deux tiers à la coalition au pouvoir, lui permettant de passer outre le veto présidentiel et d’apporter des modifications à la Constitution sans le soutien des partis de l’opposition. La crise politique s’est apaisée lorsque les principales forces politiques sont convenues de tenir des élections législatives anticipées.
8. Ces élections anticipées ont conduit une nouvelle coalition au pouvoir, menée par Ioulia Timochenko, qui a bénéficié d’une courte majorité (deux voix) à la Verkhovna Rada. Si elles ont alors mis un terme à cette crise politique, elles n’ont pas remédié aux défauts systémiques sous-jacents de la Constitution ni au bras de fer permanent entre les différentes branches du pouvoir.
9. En septembre 2008, une nouvelle crise politique a éclaté, après que le bloc Notre Ukraine-Autodéfense du peuple (OU-PSD) du Président Iouchtchenko s’est retiré de la coalition gouvernementale à la suite de l’adoption, soutenue par le bloc de Ioulia Timochenko (BYuT), d’une loi visant à limiter les pouvoirs présidentiels. Pendant un certain temps, le pays s’est retrouvé sans coalition au pouvoir ni président du parlement, si bien que le Président Iouchtchenko a de nouveau convoqué des élections anticipées. Après une période marquée par des tensions politiques, ces élections ont cependant été reportées à une date non définie, afin de surmonter les effets de la crise financière mondiale qui frappait l’Ukraine plus durement que la plupart des autres pays européens.
10. Finalement, après l’échec des tentatives visant à former une coalition dirigeante entre le Parti des régions et le BYuT, les blocs Notre Ukraine, BYuT et celui de Volodymyr Lytvyn se sont associés, mettant ainsi fin au spectre des élections législatives anticipées. M. Lytvyn a été élu président du parlement, poste qu’il occupe encore à ce jour.
11. Toutefois, la période de stabilité politique relative et de reprise de l’activité législative n’a été que de courte durée et s’est achevée le 1er avril 2009, avec l’adoption par la Verkhovna Rada d’une résolution qui demandait l’organisation d’élections présidentielles régulières le 25 octobre 2009. Le Président Iouchtchenko a fait appel de cette décision devant la Cour constitutionnelle, qui l’a invalidée le 13 mai 2009, au motif que la résolution était inconstitutionnelle. La date des élections a donc été fixée au 17 janvier 2010, conformément aux dispositions de la Constitution.
12. En résumé, la crise systémique et l’instabilité politique ont gravement entravé la gouvernance du pays; elles ont ainsi empêché l’adoption de nombreuses politiques et réformes nécessaires, les différentes branches de pouvoir proposant à plusieurs reprises des projets de réformes juridiques et constitutionnelles concurrents, voire incompatibles.
13. Le premier tour du scrutin présidentiel s’est tenu le 17 janvier 2010 et le second tour le 7 février 2010. Les observateurs internationaux, dont ceux déployés par l’Assemblée parlementaire, ont conclu que les deux tours avaient globalement été conduits de façon démocratique et conformément aux normes internationales. Malgré ce bilan, ils ont souligné que le cadre juridique était souvent inadéquat, et que tous les partis impliqués dans ces élections avaient procédé – ou tenté de procéder – à des changements de dernière minute 
			(5) 
			.
Voir également les rapports de la commission ad hoc du Bureau de
l’Assemblée qui a observé le premier tour (Doc. 12132) et le second tour (Doc. 12178) de ces
élections.. Nous avons déjà eu l’occasion d’exprimer notre inquiétude devant l’habitude qu’ont les forces politiques ukrainiennes de jouer avec les règles plutôt que dans les règles. Nous sommes au regret de constater que ces pratiques n’ont pas disparu à l’occasion de ces élections.
14. Dans plusieurs rapports précédents soumis à l’Assemblée, nous avons exprimé nos préoccupations concernant le cadre juridique inadéquat dans lequel les élections se tiennent en Ukraine. Nous déplorons vivement que la Verkhovna Rada n’ait pris aucune mesure pour aligner le cadre électoral sur les normes européennes, malgré les avertissements lancés en temps et en heure. Cela étant dit, il convient de rappeler que, pour la quatrième fois depuis 2004, des observateurs internationaux assistaient à des élections en Ukraine et concluaient qu’elles étaient globalement conduites de façon démocratique et conformément aux normes européennes. Cela prouve que le principe d’une passation de pouvoir fondée sur des élections démocratiques s’instaure de plus en plus fermement dans le pays. Selon nous, il s’agit d’un héritage précieux de la révolution orange.
15. Le paysage politique ukrainien a radicalement changé à la suite de ces élections. Le Président sortant Iouchtchenko a été remplacé par son ancien rival de 2004, Victor Yanukovich, qui a remporté le second tour de scrutin avec 48,95 % des voix contre 45,47 % pour l’ex-Premier ministre, Ioulia Timochenko.
16. Au lendemain des élections, le nouveau Président et son administration se sont empressés de consolider leur pouvoir. Après la défection de plusieurs députés de l’ancienne coalition au pouvoir et leur ralliement au Parti des régions, une nouvelle coalition a été formée autour du Parti des régions de M. Yanukovich, qui a remplacé la coalition gouvernementale de Mme Timochenko. Cet événement a suscité des controverses et soulevé des questions quant à l’engagement de la nouvelle administration en faveur des procédures et des principes démocratiques. A l’origine, aux termes de la loi relative au Règlement de la Verkhovna Rada 
			(6) 
			.
Le Règlement de la Verkhovna Rada prend la forme d’une loi, semble-t-il
pour qu’il soit plus difficile de le modifier pour satisfaire des
intérêts politiques à court terme., la majorité parlementaire est établie sur la base de la force numérique des partis, et non en fonction du nombre de députés qui la soutiennent individuellement. Cependant, lorsqu’à la suite des élections, le soutien à l’ancienne coalition gouvernementale a commencé à s’effriter au sein du parlement, la loi relative au Règlement de la Verkhovna Rada, et plus spécifiquement les dispositions traitant de la formation d’une coalition au pouvoir, ont été modifiées. Les nouvelles dispositions stipulent à présent que la majorité parlementaire est établie en fonction du nombre de députés qui soutiennent une coalition. Sur cette base, une nouvelle coalition dirigeante centrée sur le Parti des régions a été constituée. Ces modifications apportées au Règlement ont été critiquées par l’opposition – et par certains observateurs indépendants – comme étant en contradiction avec la Constitution du pays. Néanmoins, dans un arrêt rendu en la matière, la Cour constitutionnelle a estimé que les nouvelles dispositions étaient conformes à la Constitution. Cette décision semble marquer une évolution vers une nouvelle jurisprudence par rapport aux arrêts précédents rendus par la cour sur des questions similaires. Dans le même temps, l’idée selon laquelle une majorité parlementaire ne peut être formée que par les partis (et par extension, par leurs dirigeants), indépendamment des souhaits de la majorité des membres du parlement, semble très proche de la notion de mandat impératif des députés, qui va à l’encontre des normes démocratiques européennes communément admises. Nous espérons que cela indique que la Verkhovna Rada a l’intention d’abolir le mandat impératif très prochainement.
17. Les interrogations de l’opposition sur les pouvoirs démocratiques de la nouvelle administration et du nouveau gouvernement ont été avivées par la manière dont l’accord de la mer Noire entre la Russie et l’Ukraine a été signé et ratifié. Le 21 avril 2010, le Président Yanukovich a signé un accord avec le Président russe, M. Medvedev, permettant à la Russie de maintenir sa flotte à Sébastopol pour vingt-cinq ans supplémentaires, avec un prolongement possible de cinq ans, en échange d’un approvisionnement de gaz à prix réduit pour l’Ukraine. Cet accord, qui suscite des controverses en Ukraine, a été ratifié en quelques jours presque sans débats ou consultations, et de façon chaotique, comme on a pu le voir en direct à la télévision. Des représentants de l’opposition ont contesté le vote de la ratification, arguant que certains votants n’étaient pas présents physiquement à Kiev le jour où il a eu lieu. Il est clair qu’une question si importante, et dans le même temps si sensible, aurait dû faire l’objet de consultations et de débats appropriés.
18. Ces deux questions, et plusieurs décisions controversées de la nouvelle administration, comme la nomination du chef des services de sécurité de l’Etat (FSU) – qui est un proche allié de M. Yanukovich – comme membre du Conseil supérieur de la justice 
			(7) 
			. Une
des principales préoccupations concerne un éventuel conflit d’intérêts,
car les services de sécurité sont chargés d’enquêter sur des affaires
de corruption pouvant impliquer des juges, tandis que le Conseil
supérieur de la justice a le droit de statuer dans des affaires
disciplinaires et de recommander la révocation des juges., ont soulevé des interrogations quant aux pouvoirs démocratiques de la nouvelle administration, et malheureusement ont contribué à maintenir le climat de division politique dans le pays. Cette situation est encore accentuée par certaines allégations selon lesquelles la nouvelle administration serait tentée de restreindre les libertés démocratiques. Bien que ces allégations doivent être examinées à la lumière des clivages politiques ambiants, leur nombre et leur nature persistante posent question. A notre avis, il serait essentiel pour les autorités, ainsi que pour toutes les autres forces politiques du pays, de mettre fin aux divisions qui perturbent le paysage politique ukrainien.
19. Il est certes compréhensible, voire souhaitable, que la majorité dirigeante cherche à consolider son pouvoir, si l’on considère les luttes politiques intestines entre les différentes branches du pouvoir qui ont déchiré le pays ces dernières années. Toutefois, cela pourrait poser un problème si cette consolidation tendait à se muer en concentration, voire en une monopolisation du pouvoir entre les mains d’un seul groupe politique, au risque de compromettre là aussi l’évolution démocratique du pays.

3. Processus de réforme

20. Dans son allocution prononcée devant l’Assemblée parlementaire le 27 avril 2010, le Président Yanukovich a annoncé que son administration s’emploierait en priorité à honorer les engagements non encore accomplis pris par l’Ukraine lors de son adhésion au Conseil de l’Europe, aux fins d’engager un dialogue postsuivi avant que son pays ne prenne la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe en mai 2011.
21. A son retour à Kiev, le Président Yanukovich a fait distribuer une série d’instructions 
			(8) 
			. Référence no 1-1/806
daté du 30 avril 2010. aux membres de son gouvernement, en vue d’élaborer les réformes et les programmes législatifs nécessaires pour honorer les engagements restants de son pays. Ces instructions présidentielles fixent des délais d’achèvement de ces réformes plus qu’ambitieux, allant de juin à décembre 2010. La traduction non officielle de ces instructions est jointe au présent rapport.
22. La priorité que la nouvelle administration accorde au respect des engagements non encore accomplis, pris lors de l’adhésion de l’Ukraine, et la volonté politique affichée dans ce sens, sont à la fois opportunes et pertinentes, et doivent être saluées. Cet objectif suppose de mettre en œuvre une série de réformes complexes et profondes, qui auront un grand impact sur la société ukrainienne. Pour que la mise en œuvre de ces réformes soit un succès, elles doivent donc s’appuyer sur un large consensus politique et sur un processus démocratique intégrant de réels débats et consultations. Or, étant donné la précipitation apparente avec laquelle ces réformes sont menées avant que le pays ne prenne la présidence du Comité des Ministres, il semble que les autorités s’écartent parfois des voies démocratiques et consultatives. Cette précipitation restreint également la consultation d’acteurs extérieurs comme le Conseil de l’Europe. Certes, les autorités affirment, en public comme en privé, que toutes les réformes seront réalisées conformément aux normes européennes, en étroite consultation avec les organes du Conseil de l’Europe concernés et surtout, avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise); or de nombreuses lois ont été adoptées sans que celle-ci ait été invitée à donner son avis sur la version finale des projets avant leur adoption en dernière lecture. De ce fait, certains programmes de réformes législatives déjà adoptés, ne s’alignant pas sur les normes européennes, doivent être modifiés pour garantir le respect des engagements pris lors de l’adhésion.
23. Si l’accélération des réformes est bienvenue, et même nécessaire, après des années d’inactivité dues à la crise politique et aux luttes intestines, elle ne doit pas se faire au détriment des principes démocratiques et de la qualité des réformes. Cela contreviendrait aux objectifs que l’administration s’est fixés, notamment la réalisation des engagements pris par l’Ukraine lors de son adhésion. Nous appelons donc les autorités à respecter pleinement les principes et les procédures démocratiques, et à tenter de dégager le consensus le plus large possible pour son programme de réformes. En outre, les recommandations et les préoccupations exprimées par le Conseil de l’Europe devraient être activement prises en compte avant que les programmes de réformes législatives ne soient adoptés en dernière lecture par la Verkhovna Rada. Dans cette perspective, nous souhaitons présenter la synthèse de nos avis concernant les principales réformes qui sont actuellement en cours d’examen.

3.1. Réforme constitutionnelle

24. Les ambiguïtés et les lacunes présentes dans les dispositions constitutionnelles qui régissent la séparation des pouvoirs et le système d’équilibre des pouvoirs sont à l’origine de la crise politique systémique qui sévit en Ukraine. Pour enrayer les troubles qui ont suivi le second tour des élections présidentielles de 2004 qui était entaché d’irrégularités, une série d’amendements constitutionnels ont été adoptés qui introduisaient – entre autres – en Ukraine un système mixte, présidentiel et parlementaire. Dans son avis sur ces amendements, la Commission de Venise soulignait déjà le risque de conflit et d’impasse politique que pouvaient engendrer les dispositions ambiguës et incohérentes qui régissent les rapports entre le Président, le gouvernement et la Verkhovna Rada, comme le droit mutuel d’initiative législative du gouvernement et du Président, la double obligation pour le gouvernement de rendre compte au Président et à la Verkhovna Rada, et le chevauchement des compétences entre le Président et le gouvernement.
25. Dans sa dernière Résolution sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine 
			(9) 
			. Résolution 1549 (2007)., adoptée le 19 avril 2007, l’Assemblée appelait l’Ukraine à relancer son projet de réforme constitutionnelle en étroite coopération avec la Commission de Venise, afin d’améliorer sa Constitution et de l’aligner sur les normes européennes. Cet appel n’était pas seulement lancé pour éradiquer les causes sous-jacentes de la crise politique systémique qui ravage le pays; il visait aussi à remédier à d’autres défaillances qui persistent et préoccupent l’Assemblée – comme le mandat impératif et plusieurs dispositions constitutionnelles régissant le pouvoir judiciaire et la Prokuratura –, et qui doivent être corrigées pour permettre à l’Ukraine de respecter les engagements souscrits lors de son adhésion.
26. Toutes les forces politiques se sont prononcées en faveur du projet de réforme constitutionnelle, mais malheureusement les progrès accomplis dans ce sens depuis 2007 sont très limités. En février 2009, le Président de l’époque, Victor Iouchtchenko, a publié un décret établissant un Conseil constitutionnel national. Ce Conseil, qui se composait de membres de l’administration présidentielle et du gouvernement, des différents groupes représentés à la Verkhovna Rada, de juges, de membres de la société civile et d’universitaires, était chargé de rédiger une nouvelle Constitution, conforme aux normes européennes. Mais l’opposition de l’époque a boycotté de fait les travaux de ce conseil. Le 31 mars 2009, le Président Iouchtchenko a présenté à la Verkhovna Rada un projet de constitution, élaboré sur la base des critères définis par le Conseil constitutionnel national. Dans son avis sur ce projet de constitution 
			(10) 
			. CDL(2009)098., la Commission de Venise a salué les nombreuses améliorations proposées par rapport à la Constitution en vigueur, mais aussi fait observer que le projet ne résolvait pas les problèmes qui sous-tendaient la crise constitutionnelle et maintenait le système mixte, présidentiel et parlementaire, instaurant un double pouvoir exécutif, et donc le risque de conflit entre les différentes branches du pouvoir.
27. De son côté, le Parti des régions a préparé, conjointement avec le bloc de Ioulia Timochenko, un projet de constitution concurrent qui a été présenté au parlement. La Commission de Venise, dont l’avis a également été sollicité, a jugé que ce projet de constitution posait un problème et ne satisfaisait pas aux normes européennes. Etant donné qu’aucun consensus ne pouvait être atteint concernant les modifications de la Constitution, la Verkhovna Rada a décidé, le 22 octobre 2009, de retirer toutes les propositions y afférents de son ordre du jour.
28. A notre grand regret, lors de notre visite à Kiev en juin 2010, le chef de l’administration présidentielle nous a fait savoir que la réforme constitutionnelle n’était plus une priorité, alors qu’elle figurait dans les instructions du Président. Nous sommes fermement convaincues qu’elle devrait être au cœur des processus globaux de réforme en Ukraine. Le système politique prévu par la Constitution en vigueur ne peut être stable que si le Président et le parlement partagent la même vision politique, comme c’est le cas actuellement. Mais une telle stabilité n’étant pas fondée sur l’équilibre des pouvoirs régi par la Constitution, elle reste précaire. Des conflits et des impasses politiques pourraient aisément resurgir si les priorités politiques du Président et du parlement venaient à diverger, et cela nuirait à l’évolution du pays. Les autorités devraient donc tirer profit de leur force et de la stabilité actuelle pour modifier la Constitution dans ce sens. En outre, comme nous l’expliquerons plus en détail dans les sections suivantes, plusieurs réformes législatives requièrent des modifications de la Constitution pour être conformes aux normes européennes. De notre point de vue, il ne sera pas possible pour l’Ukraine de remplir ses engagements auprès du Conseil de l’Europe, et donc d’engager un dialogue postsuivi, tant qu’elle n’aura pas mis en œuvre correctement les réformes constitutionnelles recommandées par l’Assemblée.
29. S’agissant du projet de réforme constitutionnelle, la principale question est de savoir si la Constitution actuelle doit être modifiée ou s’il convient d’élaborer une Constitution entièrement nouvelle. Nous réaffirmons notre scepticisme quant à l’adoption d’une nouvelle Constitution, notamment eu égard au manque de clarté de la procédure d’adoption d’une nouvelle Constitution (voir ci-dessous) et au fait que, de l’avis de la Commission de Venise, le texte actuel protège de manière très complète les droits et libertés fondamentaux et «traduit une volonté de protéger l’ensemble des droits garantis par la Convention européenne des droits de l’homme» 
			(11) 
			.
CDL(2008)072.. Un simple amendement de la Constitution en vigueur permettrait également de donner la priorité aux questions les plus urgentes et d’adopter plus facilement les réponses proposées.
30. S’agissant de l’adoption d’une nouvelle Constitution, deux questions majeures peuvent susciter des préoccupations: d’une part, les modalités qui seraient employées pour le faire, et d’autre part, la possibilité d’un contournement du rôle légitime du parlement en matière d’amendement de la Constitution par une tentative d’adoption d’un nouveau texte sur initiative populaire. Si le processus d’adoption d’amendements à la Constitution est clair – et notamment la règle de la majorité des deux tiers des membres de la Verkhovna Rada – la marche à suivre pour l’adoption d’un texte entièrement nouveau ne l’est pas.De l’avis de la Commission de Venise, l’adoption d’une nouvelle Constitution devra se faire dans le respect intégral des dispositions constitutionnelles en vigueur 
			(12) 
			. Chapitre XIII de la Constitution actuelle. relatives à la modification de la Constitution, et notamment recueillir l’approbation des deux tiers des membres de la Verkhovna Rada. Tout en réaffirmant le droit de la population ukrainienne de modifier sa Constitution par un référendum national, la Cour constitutionnelle d’Ukraine a conclu, le 18 avril 2008, que l’adoption d’une nouvelle Constitution devrait respecter pleinement la procédure d’amendement prévue par le texte en vigueur.

3.2. Réforme électorale

31. Les élections tenues récemment en Ukraine se sont globalement déroulées dans le respect des normes internationales et témoignent des progrès réalisés par le pays dans ce domaine. Les élections successives ont toutefois mis en lumière le caractère inadapté de l’actuelle législation électorale ainsi que l’habitude prise par les forces politiques en Ukraine de vouloir modifier le cadre juridique juste avant les élections pour servir les intérêts propres à leur parti. La réforme électorale s’impose donc comme une priorité pour le pays.
32. L’Ukraine ne possède pas de code électoral unifié. Un ensemble de lois différentes s’applique à chaque type d’élection comme la loi sur l’élection du Président de l’Ukraine, la loi sur l’élection des députés du peuple, la loi sur l’élection des conseils locaux, la loi sur les référendums nationaux et locaux ainsi que la loi sur le registre national des électeurs et les dispositions concernées dans la Constitution et les autres actes législatifs. Par ailleurs, ces lois étant fréquemment modifiées, elles sont d’une extrême complexité, manquent de cohérence et de clarté, et entrent parfois en contradiction les unes avec les autres. L’Assemblée a, à maintes reprises, appelé à l’adoption d’un code électoral unifié – et simplifié – s’appliquant à l’ensemble des processus électoraux du pays.
33. La Verkhovna Rada a mis en place un groupe de travail composé de membres de différents groupements politiques et d’experts externes; ce groupe est chargé de l’élaboration du code électoral unifié en question, lequel devra être conforme aux normes internationales les plus élevées. Malgré le large éventail des forces politiques en présence dans ce groupe de travail, son potentiel a été quelque peu affaibli par le refus du Parti des régions de participer à ses travaux, ce que nous déplorons. Outre le groupe de travail chargé d’élaborer un nouveau code électoral unifié, plusieurs groupes de parlementaires issus de différents partis ont préparé leurs propres amendements à la loi sur l’élection des députés du peuple. En janvier 2009, huit projets de loi différents avaient été présentés par divers groupements politiques. En février 2009, la Commission de Venise a participé à une table ronde avec les auteurs des différentes propositions afin de parvenir à un accord sur les propositions à inclure ensuite dans les travaux du groupe de travail préparant le code électoral unifié.
34. Le groupe de travail a présenté le projet de code électoral unifié le 28 avril 2010. La Verkhovna Rada n’a toutefois pris aucune initiative supplémentaire pour examiner et adopter cette loi. Il s’agit là d’un motif de préoccupation, compte tenu notamment des contestations indiquant que les dirigeants des principaux groupes politiques au sein de la Verkhovna Rada ne manifestent pas la volonté politique nécessaire pour envisager sérieusement de modifier le cadre juridique régissant les élections et d’adopter le code électoral unifié.
35. Il importe de souligner que la réforme électorale devrait non seulement viser à corriger les insuffisances de la législation électorale mais aussi à modifier le système électoral lui-même, qui n’est pas adapté à l’Ukraine. Actuellement, la répartition des sièges au sein de la Verkhovna Rada repose sur un système de représentation proportionnelle de liste fermée, traitant l’ensemble de l’Ukraine comme une circonscription unique. Dans le contexte politique ukrainien, ce système entrave la consolidation de la démocratie dans la mesure où il concentre de facto le pouvoir politique du pays dans les mains de quelques individus. Cela compromet à son tour la nature démocratique des partis et la transparence démocratique. Ces manquements à la démocratie sont aggravés par les dispositions constitutionnelles de 2004 qui introduisent des mandats impératifs dans le pays et par le fait que la transparence du financement des partis politiques et de la campagne n’est pas obligatoire.
36. Etant donné les défaillances du système politique actuel en Ukraine, nous tenons à réitérer la recommandation de l’Assemblée demandant que le système électoral adopté repose sur un système de représentation proportionnelle à plusieurs circonscriptions régionales basé sur des listes ouvertes. L’introduction de listes ouvertes et de circonscriptions régionales multiples permettrait, notamment, de renforcer la démocratie des partis et la transparence de l’électorat tout en assurant une représentation régionale. Ce modèle reçoit également l’aval d’autres organisations et instances internationales et nous sommes satisfaites de constater que la plupart des projets précités visant à modifier la loi sur l’élection des députés du peuple proposaient l’instauration d’une dimension régionale et de listes ouvertes.
37. Les amendements constitutionnels de 2004 introduisent de fait le principe d’un mandat impératif en Ukraine en autorisant le fait que les pouvoirs d’un député élu pour le compte d’un parti politique prennent fin avant terme 
			(13) 
			. Article 81, paragraphe
2.6, et article 81, paragraphe 6. s’il n’adhère pas au groupe parlementaire de ce parti politique ou s’il quitte ce groupe. Comme indiqué dans l’avis de la Commission de Venise sur les amendements constitutionnels de 2004, cette pratique est contraire au principe de mandat libre et indépendant d’un député et, par conséquent, aux normes démocratiques européennes.
38. L’absence de législation appropriée régissant le financement des partis et assurant par là même leur transparence est source de préoccupation en Ukraine, où les intérêts politiques et financiers sont étroitement imbriqués et parfois difficile à distinguer. Nous souhaitons par conséquent réitérer la recommandation de l’Assemblée invitant les autorités à adopter une loi appropriée sur le financement des partis politiques qui soit conforme aux normes européennes et à envisager la possibilité d’un financement public des partis politiques afin qu’ils soient moins influencés par des intérêts financiers.
39. Nous exhortons les autorités, et également l’ensemble des forces politiques, à faire preuve de la volonté politique nécessaire à l’adoption du code électoral unifié et du système électoral, conformément aux recommandations de l’Assemblée, bien avant la tenue des prochaines élections législatives. Etant donné les promesses renouvelées par toutes les forces politiques de soutenir la réforme électorale et un système électoral plus démocratique, il serait inacceptable que les prochaines élections législatives soient organisées sur la base du système et du cadre juridique actuels.
40. Le 1er juillet 2010, la Verkhovna Rada a recommandé que les élections locales se tiennent le 31 octobre 2010. Le 10 juillet, elle a adopté une série de modifications de la loi ukrainienne relative à l’élection des membres du conseil suprême de la République autonome de Crimée, des chefs des conseils locaux, des villes et des villages, qui introduit notamment un nouveau système électoral pour les conseils municipaux. Cette loi n’a pas été transmise à la Commission de Venise pour avis, mais il semblerait qu’elle réduise la possibilité pour de nouveaux candidats de se présenter en limitant notamment l’enregistrement électoral aux branches locales et régionales des partis qui existent depuis plus d’un an, restreignant par là même le choix des électeurs et par conséquent la nature démocratique des élections. Nous nous demandons en outre s’il est judicieux de modifier le système électoral à si brève échéance des prochaines élections, cette initiative étant contraire aux normes démocratiques reconnues.

3.3. Réforme de la Prokuratura

41. Lors de son adhésion au Conseil de l’Europe, l’Ukraine s’est engagée comme suit: «Le rôle et les fonctions du parquet seront modifiés (notamment en ce qui concerne l’exercice d’un contrôle général de légalité), de telle sorte que cette institution deviendra un organe conforme aux normes du Conseil de l’Europe.» 
			(14) 
			.
Avis 190 (1995), paragraphe 11.vi. Cet engagement n’est toujours pas respecté.
42. La fonction générale de supervision exercée par le procureur général dans le système actuel de la Prokuratura pose gravement problème; héritée du concept soviétique de la Prokuratura, elle est contraire aux normes et valeurs européennes 
			(15) 
			.
Voir l’avis de la Commission de Venise sur le projet de loi de l’Ukraine
sur le ministère public, CDL-AD(2009)048, pour un examen approfondi
de la question.. Selon les termes de la Commission de Venise, la loi actuelle fait du ministère public «une institution très puissante dont les fonctions dépassent largement le cadre des fonctions exercées par un procureur dans un Etat démocratique respectueux des lois» 
			(16) 
			. CDL-AD(2009)048.. Par ailleurs, les vastes pouvoirs conférés au parquet, et notamment au procureur général, suscitent des inquiétudes; ils ne font en effet l’objet d’aucun contrôle ni d’aucune supervision par le système judiciaire et vont bien au-delà des normes européennes. En outre, certains de ces pouvoirs risquent d’entrer en contradiction avec le principe de la séparation des pouvoirs 
			(17) 
			. CDL(2001)128..
43. En dépit de ces graves préoccupations suscitées par la fonction générale de supervision de la Prokuratura, cette fonction a été ajoutée à l’article 121 de la Constitution – qui définit les prérogatives de la Prokuratura – lors des amendements constitutionnels de 2004. Nous souhaiterions souligner qu’une véritable réforme de la Prokuratura ne sera opérée qu’en respectant les normes européennes et par conséquent que l’engagement pris lors de l’adhésion ne sera considéré comme honoré que si les amendements constitutionnels qui retirent à la Prokuratura la fonction de supervision générale sont adoptés.
44. Le procureur général a soutenu que la fonction de supervision de son bureau est nécessaire pour s’assurer que tous les Ukrainiens, indépendamment de leur situation financière, aient un accès total au système judiciaire. Cependant, à notre avis, cela peut être mieux assuré en renforçant le rôle du médiateur et en adoptant un système d’aide juridictionnelle gratuite pour ceux qui sont dans le besoin, ce que nous recommandons aux autorités de mettre en œuvre.
45. Après que cette question est restée longtemps en suspens, le 14 mars 2009, la Verkhovna Rada a adopté, en première lecture, un projet de loi (projet no 2491) sur le ministère public. Le 18 mai 2009, le ministre de la Justice alors en exercice a soumis ce projet de loi à la Commission de Venise pour avis. Dans son avis 
			(18) 
			.
CDL-AD(2009)048., La Commission de Venise a conclu que ce projet ne répondait pas aux principales critiques et insuffisances mises en lumière dans les précédents avis sur la loi sur le ministère public et ne prévoyait en fait pas d’opérer une réforme de la Prokuratura telle qu’elle se présente aujourd’hui, mais plutôt de consolider, voire de renforcer, ses pouvoirs déjà considérables. La Commission de Venise a par conséquent recommandé que ce projet soit retiré.
46. Dans ses instructions, le Président Yanukovich a fait une priorité de la réforme de la Prokuratura, conformément aux recommandations de la Commission de Venise et de l’Assemblée. Cette intention louable a été confirmée lors de notre récente visite à Kiev, du 1er au 4 juin 2010, au cours de laquelle le ministre de la Justice ainsi que le chef de l’administration présidentielle ont indiqué qu’ils approuvaient le retrait total de cette fonction de «supervision générale» des fonctions du parquet et la réduction des pouvoirs de la Prokuratura pour satisfaire aux normes et valeurs européennes. Par conséquent, nous recommandons vivement que le projet de loi no 2491 soit retiré de l’ordre du jour de la Verkhovna Rada et qu’un nouveau projet sur la Prokuratura ainsi que les amendements constitutionnels qui s’y rapportent soient présentés très prochainement.

3.4. Réforme du système judiciaire

47. La réforme de la magistrature et du système judiciaire est essentielle pour la consolidation d’un Etat de droit en Ukraine. Le système judiciaire est globalement paralysé par le volume considérable d’affaires, ce qui entraîne des délais inacceptables dans l’examen des affaires et la publication des arrêts. Par ailleurs, les arrêts ne sont bien souvent pas exécutés. La population n’a que peu confiance dans le système judiciaire et le corps judiciaire est généralement considéré comme corrompu et ne disposant pas de ressources suffisantes 
			(19) 
			.
Freedom House, Nations in Transit 2010, p. 566-567.. L’indépendance du pouvoir judiciaire reste un sujet de préoccupation et le système judiciaire est hautement politisé. En octobre 2008, le Président de la Cour suprême d’Ukraine, M. Onopenko, a déclaré qu’il y avait une «une ingérence illégale dans les travaux des magistrats et un mépris des bases juridiques du fonctionnement du système judiciaire, entraînant les tribunaux dans la bataille politique».
48. Malheureusement, seuls des progrès limités ont été accomplis dans la réforme du système judiciaire depuis le dernier rapport de l’Assemblée d’avril 2007. Si de nombreux documents d’orientation ont été publiés et des réformes politiques engagées, ils sont peu nombreux à avoir été mis en œuvre et un certain nombre de mesures judiciaires sont toujours en suspens à la Verkhovna Rada. Cette absence générale de progrès suscite de graves préoccupations.
49. L’administration actuelle, comme la précédente, a déclaré qu’elle considérait la réforme de la magistrature et du système judiciaire comme une priorité. Le projet de loi sur le système judiciaire et le statut des juges en Ukraine se trouve au cœur de la réforme de la magistrature et est notamment nécessaire pour assurer l’indépendance du pouvoir judiciaire. Ce projet de loi, adopté initialement par la Commission sur la justice de la Verkhovna Rada en juin 2008, vient consolider les deux projets de loi précédents qui avaient été fusionnés en un projet unique conformément à la recommandation de la Commission de Venise, notamment par souci de clarté et de cohérence interne. A l’issue d’une série de consultations, ce projet de loi a été transmis à la Commission de Venise pour avis en juin 2009 par le ministre de la Justice ukrainien de l’époque.
50. Dans leur avis conjoint adopté en mars 2010, la Commission de Venise et la Direction de la coopération de la Direction générale des droits de l’homme et des affaires juridiques du Conseil de l’Europe 
			(20) 
			.
CDL-AD(2010)003. se félicitaient des nombreux éléments positifs et améliorations observés par rapport aux précédents projets de loi; elles faisaient cependant observer qu’un certain nombre de graves insuffisances et lacunes subsistaient et étaient susceptibles de porter atteinte à l’indépendance du système judiciaire et au principe de séparation des pouvoirs et qu’en l’état actuel des choses, les normes et valeurs européennes n’étaient pas respectées.
51. S’agissant de l’organisation du système judiciaire, l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose que les tribunaux doivent être établis par la loi. Cependant, selon le projet de loi, «les tribunaux de droit commun sont créés et abolis par le Président de l’Ukraine sur proposition du responsable de l’administration judiciaire publique». Cette grande latitude dont jouit le Président pour établir des tribunaux n’est donc pas compatible avec les dispositions de la Convention. Par ailleurs, le système judiciaire se compose de quatre niveaux de juridiction et se caractérise par une extrême complexité et lourdeur. Cette complexité pourrait porter atteinte à l’obligation faite par l’article 6 de la Convention à ce que la cause d’une personne soit entendue dans un délai raisonnable. Ces dispositions ne peuvent toutefois être modifiées qu’au moyen d’amendements constitutionnels, la création et l’organisation des tribunaux étant fixées par la Constitution.
52. S’agissant de l’indépendance du système judiciaire, dans son avis, la Commission de Venise se dit préoccupée par le rôle joué par la Verkhovna Rada dans la nomination des juges et les procédures disciplinaires et de révocation de ces derniers. Cela porte atteinte à l’indépendance des juges et politise les procédures de nomination et de révocation. En outre, la présence de membres représentant le Président, la Verkhovna Rada, ainsi que le ministre de la Justice, dans la Haute Commission des qualifications fait peser des doutes sur le fait que cette dernière ne subisse aucune influence politique. A nouveau, le rôle de la Verkhovna Rada dans la nomination et la révocation des juges est consacré par la Constitution; il conviendrait donc de la modifier pour que ces procédures soient conformes aux normes européennes.
53. S’agissant de l’autonomie judiciaire – élément essentiel pour garantir l’indépendance de l’appareil judiciaire – l’avis fait observer que le système proposé est trop complexe et confus pour être réellement efficace. Cela pourrait nuire à une véritable autonomie judiciaire. Il conviendrait de mettre en place une structure plus simple, qui pourrait être basée sur un Conseil supérieur de la justice réformé, composé en majorité de juges élus par leurs pairs. Une fois encore, des amendements constitutionnels seraient nécessaires dans la mesure où la composition du Conseil supérieur de la justice est consacrée par la Constitution.
54. Il est évident que la portée de ce projet de loi est limitée par les dispositions constitutionnelles existantes; aussi, sa capacité à opérer une véritable réforme du système judiciaire, conformément aux engagements pris par l’Ukraine au moment de son adhésion, est extrêmement réduite en l’absence d’amendements à la Constitution. Par conséquent, la Commission de Venise «recommande de ne pas limiter la réforme judiciaire à la sphère législative mais d’engager une profonde réforme de la Constitution, de manière à poser solidement les bases d’un système judiciaire moderne, efficace et totalement conforme aux normes européennes» 
			(21) 
			. CDL-AD(2010)003, paragraphe
119.. Nous soutenons pleinement cette recommandation.
55. La Commission sur la justice a présenté, plutôt soudainement, le 14 mai 2010, une version révisée du projet de loi qui a été adoptée en première lecture, et semble-t-il sans beaucoup de délibérations, par la Verkhovna Rada le 2 juin 2010. La rapidité avec laquelle ce projet de loi a été présenté et traité soulève des interrogations et des doutes, sachant notamment que l’avis de la Commission de Venise sur la version révisée n’a pas été sollicité avant son adoption en première lecture et que le texte contient plusieurs dispositions politiquement sensibles. Il s’agit là d’un exemple de la hâte avec laquelle sont élaborées et adoptées des dispositions légales majeures, passant outre les délibérations et les procédures démocratiques, et soulevant des interrogations concernant les intentions politiques de la nouvelle administration, notamment compte tenu du fait que le système judiciaire s’est retrouvé sur le champ de bataille politique ces dernières années.
56. La commission de suivi, lors de sa réunion du 22 juin 2010, a demandé l’avis de la Commission de Venise sur le projet de loi sur le système judiciaire et le statut des juges tel qu’adopté en première lecture le 2 juin 2010. Parallèlement, le ministre ukrainien de la Justice soumettait une demande d’avis similaire. Au moment de la rédaction du présent rapport, la Commission de Venise n’avait pas encore achevé son avis. Toutefois, d’après les premières observations des membres de la Commission de Venise chargés de l’élaboration du projet d’avis 
			(22) 
			. Observations préliminaires de
M. James Hamilton (Irlande) et de Mme Hanna Suchocka (Pologne)., on peut conclure que le projet révisé tel qu’adopté en première lecture n’est pas parvenu à répondre aux principales préoccupations soulevées dans l’avis initial de la Commission de Venise et doit être réexaminé de manière approfondie afin d’être conforme aux normes européennes. A nouveau, les observations préliminaires indiquent que, sans amendements constitutionnels, il ne sera pas possible d’opérer une réforme totale de l’appareil judiciaire dans le respect des normes et valeurs européennes.
57. La version révisée du projet de loi contient de nouvelles dispositions qui réduisent considérablement les effectifs et le mandat de la Cour suprême. Celle-ci perd sa compétence en matière civile et pénale au profit de nouvelles cours supérieures spécialisées. Comme indiqué plus haut, ces nouvelles dispositions sont sujettes à controverse et ont donné lieu à des allégations selon lesquelles elles répondraient à des enjeux politiques et nourriraient un esprit de revanche dans la mesure où le président de la Cour suprême est considéré par beaucoup comme étant proche de l’ancienne Premier ministre, Ioulia Timochenko. La confiance du public dans ces réformes cruciales pourrait s’en trouver sapée. Il importe de noter que les observations préliminaires des membres de la Commission de Venise sur le projet de loi révisé considèrent la modification de juridiction, conjuguée au transfert de juges de la Cour suprême vers les cours supérieures spécialisées, comme un point préoccupant.
58. Lors de nos entretiens avec le président de la Commission de la justice de la Verkhovna Rada, celui-ci a affirmé que les problèmes liés au Conseil supérieur de la justice pouvaient être résolus sans amendements constitutionnels. A cet égard, il nous a fait savoir que le projet révisé demandait désormais que les représentants du Président et de la Verkhovna Rada auprès de cette instance soient des juges, garantissant par là même que les membres du Conseil sont en majorité des juges. Nous tenons toutefois à souligner que, en vue de permettre une véritable autonomie et indépendance, les membres ne devront pas seulement être en majorité des juges, mais aussi être élus par leurs pairs. Des amendements constitutionnels seront alors nécessaires.
59. Le 13 mai 2010, la Verkhovna Rada a adopté la loi no 2181-VI portant modification des actes législatifs relatifs à la prévention des abus du droit de recours. Cette loi a été promulguée par le Président Yanukovich le jour suivant. Une fois encore, le contenu de cette loi, ainsi que la hâte avec laquelle elle a été adoptée et signée, prêtent à controverse.
60. La loi en question modifie le Code ukrainien sur les infractions administratives, le Code administratif additionnel et la loi sur le Conseil supérieur de la justice ukrainien. Au titre de ces modifications, le Conseil supérieur de la justice peut exiger de n’importe quel tribunal qu’il lui remette les copies de dossiers de justice, à l’exception des audiences qui se déroulent à huis clos. Elles prévoient par ailleurs une responsabilité administrative si ces demandes d’information ne sont pas satisfaites. Etant donné que le Conseil supérieur de la justice est également compétent pour les affaires disciplinaires, cela pourrait avoir pour effet d’intimider les juges. En outre, les modifications font que la Haute Cour de justice est seule compétente pour traiter les plaintes déposées à l’encontre de l’action ou l’absence d’action de la Verkhovna Rada, du Président ou du Conseil supérieur de la justice, sans qu’un droit de recours ne soit prévu, ce qui est contestable. Notons un point positif: à la suite de ces modifications, la Verkhovna Rada ne peut plus être à l’initiative de la révocation des juges. Cet élément positif est toutefois nuancé par le fait que la Verkhovna Rada, ainsi que le Président, restent représentés auprès du Conseil supérieur de la justice et de la Haute Commission des qualifications, et que les juges élus/nommés par leurs pairs restent minoritaires au Conseil supérieur de la justice, en dépit de pouvoirs élargis.
61. Le 7 juillet 2010, la loi relative au système judiciaire et au statut des juges d’Ukraine a été adoptée en dernière lecture. Elle a été signée par le président du parlement le 23 juillet 2010 et transmise au Président Yanukovich, qui l’a promulguée le 27 juillet 2010. Nous déplorons vivement, et trouvons incompréhensible, que cette loi ait été adoptée et promulguée sans attendre ni prendre en compte l’avis de la Commission de Venise la concernant, malgré la demande de la commission de suivi dans ce sens. Nous sommes dès lors en droit d’émettre de sérieux doutes quant à la volonté de la Verkhovna Rada et de l’administration de coopérer avec le Conseil de l’Europe dans la mise en place d’un système judiciaire véritablement indépendant et pleinement conforme aux normes européennes les plus élevées.
62. Nous exhortons les autorités à répondre rapidement à toute préoccupation et à mettre en œuvre toute recommandation qui serait contenue dans les avis de la Commission de Venise sur la loi sur le système judiciaire et le statut des juges et la loi portant modification des actes législatifs relatifs à la prévention des abus du droit de recours. Nous devons toutefois souligner que seuls des amendements constitutionnels adaptés permettront au pays de respecter les engagements et obligations pris à cet égard lors de son adhésion.
63. La réforme du barreau et la création d’un ordre professionnel des avocats sont l’un des engagements pris initialement par l’Ukraine au moment de son adhésion au Conseil de l’Europe qui n’a pas encore été honoré. Plusieurs projets de loi ont été introduits mais aucun d’entre eux n’a été adopté. Nous déplorons que la coopération du Conseil de l’Europe n’ait pas été sollicitée pour l’élaboration de ces projets de loi. Nous espérons donc que le ministre de la Justice et la Verkhovna Rada prépareront et adopteront à présent un nouveau projet de loi sur le barreau, en étroite concertation avec les services compétents du Conseil de l’Europe, afin de respecter cet engagement de longue date. Nous souhaiterions en outre souligner l’importance d’un système efficace d’aide juridictionnelle gratuite pour garantir à tous les citoyens le droit à un procès équitable. Bien que l’ancien Président Iouchtchenko ait adopté le document d’orientation sur un système d’aide juridictionnelle gratuite en Ukraine, aucun progrès concret n’a jusqu’à présent été accompli vers le respect de cet engagement.
64. Dans le domaine de la réforme du système de justice pénale, des progrès limités sont à noter depuis le dernier rapport en 2007. Le 8 avril 2008, le Président Iouchtchenko a adopté le document d’orientation sur la réforme du système ukrainien de justice pénale et, en août 2008, le gouvernement a approuvé le plan d’action pour mettre en œuvre ce document d’orientation. Le 15 avril 2008, le parlement a adopté une loi portant modification du Code pénal et du Code de procédure pénale. Toutefois, l’adoption d’un nouveau Code de procédure pénale, ainsi que des modifications supplémentaires du Code pénal, sont encore nécessaires.
65. L’adoption d’un nouveau Code de procédure pénale est l’un des engagements qui n’a pas encore été honoré. Un projet de code avait été préparé par l’ancien gouvernement et avait fait l’objet d’une évaluation positive de la part des experts du Conseil de l’Europe. Il n’a toutefois pas été transmis à la Verkhovna Rada et son état d’avancement actuel n’est pas connu. En outre, un autre projet pour un nouveau Code de procédure pénale, qui avait reçu une évaluation négative de la part de la Commission de Venise en 2004, figure toujours formellement à l’ordre du jour de la Verkhovna Rada. Compte tenu de cette évaluation négative, nous ne doutons pas que ce projet sera désormais formellement retiré. Nous nous félicitons du fait que l’adoption d’un nouveau Code de procédure pénale soit l’une des priorités exprimées par le Président Yanukovich dans ses instructions; nous demandons instamment que ce projet de code soit transmis à la Commission de Venise pour avis, et que toutes les éventuelles préoccupations et les recommandations soient prises en compte, avant que la loi ne soit adoptée en dernière lecture, contrairement à ce qui s’est produit avec la loi sur le système judiciaire et le statut des juges.
66. Le rattachement du ministère d’Etat pour l’exécution des sanctions pénales au ministère de la Justice est l’un des engagements pris par l’Ukraine envers le Conseil de l’Europe. Si ce ministère a bel et bien été intégré au ministère de la Justice en 2006, son statut doit encore être modifié en conséquence dans la loi sur les services pénitentiaires, qui doit donc être amendée.
67. Lors de nos visites effectuées ces deux dernières années, le manque de financement du système judiciaire est apparu comme un thème récurrent. Bien souvent, les tribunaux et les juges dépendent des locaux et des ressources mis à disposition par le secteur privé pour pouvoir fonctionner; cette situation est susceptible de favoriser la corruption. La dotation du système judiciaire en ressources suffisantes devrait être l’une des priorités premières des autorités ukrainiennes.

3.5. Lutte contre la corruption

68. La corruption reste préoccupante en Ukraine et le public n’a que peu confiance dans les efforts de lutte déployés par les autorités contre ce phénomène. Dans son rapport de conformité de 2009, le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) conclut que l’Ukraine n’a mis en œuvre de façon satisfaisante qu’un tiers des recommandations contenues dans le rapport d’évaluation des premier et deuxième cycle conjoints. Il fait également observer que pour être mises en œuvre avec succès, ces recommandations nécessitent des changements fondamentaux à la loi ainsi qu’à la Constitution. Le GRECO considère notamment qu’il est essentiel de mettre en place un organe chargé de coordonner l’élaboration des stratégies et plans d’action anticorruption nationaux et d’assurer le suivi de leur mise en œuvre. A cet égard, le rapport de conformité du GRECO souligne qu’une lutte efficace contre la corruption en Ukraine nécessite «un fort engagement politique qui aille bien au-delà de l’élaboration de projets de dispositions législatives» 
			(23) 
			. GRECO,
Premier et deuxième cycle d’évaluation conjoints, Rapport de conformité
sur l’Ukraine, paragraphe 107, adopté en mai 2009..
69. Un programme législatif prévoyant trois lois anticorruption élaborées avec le concours du Conseil de l’Europe a été adopté par la Verkhovna Rada en 2009. Toutefois, la mise en œuvre de ce programme, prévue le 1er janvier 2010, a été reportée en décembre 2009 par la Verkhovna Rada. Le report initialement fixé à quatre mois a été prolongé par la Verkhovna Rada début 2010 jusqu’en janvier 2011. Par ailleurs, le Président alors en exercice, Viktor Iouchtchenko s’est, en décembre 2009, opposé à la loi contre le blanchiment des capitaux qui avait été élaborée avec l’aide du Conseil de l’Europe. Selon les informations disponibles, la Verkhovna Rada prévoit d’adopter une série de nouvelles modifications du programme législatif de lois anticorruption afin de réunir la majorité des votes nécessaire à l’entrée en vigueur de ces lois.
70. Le report du programme anticorruption et le veto mis à la loi contre le blanchiment d’argent sapent les efforts de lutte du pays contre la corruption et posent la question de savoir si la volonté politique nécessaire à une lutte efficace contre la corruption existe réellement. Nous exhortons par conséquent les autorités à veiller à ce que ces lois soient promulguées sans plus attendre.
71. Le Président Yanukovich a fait de la lutte contre la corruption l’une des priorités de son administration. A cet effet, il a créé dans son administration une commission anticorruption qu’il préside. Toutefois, dans une initiative qui semble contredire les objectifs que s’est fixés la nouvelle administration, l’une des premières décisions de cette commission fut d’ajourner la nomination de l’agent du gouvernement chargé de la coordination des politiques anticorruption.

4. Questions récentes relatives aux droits de l’homme

72. Pour l’Assemblée, la mise en place d’un système politique fondé sur le respect et la protection des libertés démocratiques est l’une des principales réussites de l’Ukraine au cours des dernières années et l’un des héritages positifs de la révolution orange. Notons que, selon de nombreux observateurs électoraux, c’est précisément l’enracinement du principe de respect des libertés fondamentales qui a garanti le caractère démocratique de la dernière élection présidentielle, en dépit des graves insuffisances du cadre juridique.
73. Par conséquent, les allégations toujours plus nombreuses selon lesquelles les autorités tendraient à restreindre ces libertés et que la démocratie reculerait dans le pays nous semblent extrêmement préoccupantes. Ces allégations portent essentiellement sur la liberté des médias, la liberté de réunion et les pressions accrues exercées par les forces de l’ordre dans un but politique.
74. Les médias sont généralement considérés comme libres au niveau national et l’Etat n’exerce aucune censure 
			(24) 
			. Freedom
House, Nations in Transit 2010, p. 562.. Toutefois, de plus en plus de journalistes et de représentants des médias se plaignent d’une ingérence croissante des propriétaires de chaînes sur la ligne éditoriale de leurs programmes d’actualité et donc d’une augmentation de l’autocensure chez les journalistes. L’étroite imbrication des intérêts financiers et politiques en Ukraine a des effets négatifs sur la liberté et le pluralisme des médias.
75. En mai 2010, plusieurs journalistes ont publié une déclaration alléguant que les sujets tabous et la censure avaient fait leur retour sur deux chaînes de télévision, STB et 1+1. De plus, le 23 avril 2010, l’association Reporters sans frontières a adressé une lettre ouverte au Président, lui faisant part de son inquiétude concernant l’érosion du droit à l’information en Ukraine. Le 21 mai 2010, des journalistes et des organisations civiques ont annoncé le lancement d’un nouveau mouvement «Stop à la censure», en réaction à la détérioration du milieu des médias en Ukraine.
76. Le rôle joué par les services de sécurité et en particulier par leur chef, M. Khoroshkovsky, proche allié de M. Yanukovich, est sujet à controverse en Ukraine où, compte tenu de son passé, toute influence des services de sécurité dans la vie politique est perçue comme hautement suspecte. M. Khoroshkovsky est également propriétaire de TV Inter et aurait ordonné une enquête des services secrets dans un litige concernant un octroi de licence, dans lequel sa chaîne de télévision est partie. Par ailleurs, des cadres de TV Inter auraient, selon certaines sources, été nommés à des postes clés au sein de la principale chaîne de télévision publique, ce que le public interprète avant tout comme une manœuvre de la nouvelle administration pour exercer un contrôle sur la ligne éditoriale de ce radiodiffuseur.
77. A la suite d’un recours formé par le groupe de médias appartenant au chef des services de sécurité, le tribunal d’arrondissement de Kiev a, le 8 juin 2010, annulé la décision prise en janvier 2010 par le Conseil national de la radiodiffusion d’octroyer des fréquences de radiodiffusion à deux chaînes de télévision indépendantes, TVi et 5 Kanal. Plusieurs organismes de surveillance des médias, notamment le représentant de l’OSCE pour la liberté des médias, ont fait part de leurs inquiétudes au sujet des répercussions de cette décision sur le pluralisme des médias en Ukraine.
78. Phénomène inquiétant, plusieurs attaques de journalistes ont été signalées ces derniers mois, couronnées par la disparition, le 11 août 2010, du journaliste ukrainien Vasyl Klymentyev, qui couvrait des affaires de corruption à Kharkiv. Le 19 août 2010, le ministre de l’Intérieur Anatoly Mogylyov a reconnu que la disparition de Klymentyev pourrait être liée à ses reportages.
79. Parallèlement, les autorités ont insisté, à plusieurs reprises, sur leur attachement à la liberté d’expression et à la liberté des médias. A la suite des lettres ouvertes envoyées par les journalistes, le Président Yanukovich s’est publiquement engagé à protéger la liberté et le pluralisme des médias en Ukraine et a fait savoir que tout manquement à ces principes par des membres de son gouvernement ou des fonctionnaires de l’Etat serait gravement sanctionné.
80. Le rôle joué par les services de sécurité ukrainiens et en particulier par leur chef, M. Khoroshkovsky, est non seulement sujet à caution en ce qui concerne les médias mais aussi préoccupant à d’autres égards. Récemment, le recteur de l’université catholique de Lviv s’est plaint de ce qu’un membre des services de sécurité ukrainiens lui ait demandé, d’une manière digne de l’époque soviétique, de lui fournir des informations concernant toute activité politique de ses étudiants. Le Président Yanukovich a exprimé sa consternation à la suite de cet incident et a annoncé l’ouverture d’une enquête approfondie. Cependant, le malaise au sein de la population vis-à-vis de ce qu’elle considère comme une ingérence de plus en plus nette des services de sécurité dans la vie publique s’est amplifié à la suite de la nomination par le Président Yanukovich de M. Khoroshkovsky au Conseil supérieur de la justice, malgré les conflits d’intérêts que cette nomination pourrait créer. Les services de sécurité ukrainiens sont en effet chargés d’enquêter sur toute allégation portée contre des juges en Ukraine. Il s’agit là d’un point préoccupant.
81. Plusieurs ONG ont signalé que des mouvements de protestation avaient été brisés et leurs militants harcelés par la police et d’autres services répressifs. Citons un exemple qui a suscité une certaine polémique: celui des événements autour de l’abattage d’arbres dans un parc municipal de Kharkiv en vue de la construction d’une autoroute et de locaux commerciaux qui a débuté le 19 mai 2010. La décision autorisant l’abattage des arbres a, semble-t-il, été prise sans respecter les procédures administratives nécessaires et sans qu’une étude d’impact n’ait été menée. Lorsque des organisations de défense de l’environnement et des citoyens ont organisé une manifestation pour protester contre cet abattage et éviter d’autres initiatives similaires, des agents de sécurité privée, avec l’aide de la police locale, ont dispersé cette manifestation, bien qu’elle se déroulât dans le calme. Les heurts entre les agents de sécurité privée et les manifestants se sont poursuivis les jours suivants sous le regard des forces de police qui auraient laissé faire et parfois prêté main-forte aux agents de sécurité. Par ailleurs, plusieurs manifestants ont été arrêtés et accusés de perturber l’ordre public en dépit du caractère pacifique de la manifestation, ce qui a suscité l’inquiétude des organisations de droits de l’homme, notamment Amnesty International en Ukraine. Une enquête sur les événements de Kharkiv doit être menée par les autorités compétentes et s’il ne s’agit certes pas là d’un modèle de comportement démocratique, nous aurions cependant tort de considérer cet incident comme symptomatique de l’état général de la démocratie ou de nous laisser aller à des généralisations.
82. Bien que l’Ukraine ait une société civile dynamique, elle agit dans un cadre juridique obsolète et inadapté, ce qui, aux yeux de la Cour européenne des droits de l’homme, n’est pas conforme aux normes européennes. Les ONG ne peuvent agir que dans les régions et les villes dans lesquelles elles sont enregistrées et doivent être enregistrées dans toutes les régions d’Ukraine pour être reconnues dans tout le pays. Une proposition de loi sur les organisations civiques a été soumise à la Verkhovna Rada en 2008, mais bloquée par le comité compétent en la matière 
			(25) 
			. Ibid., p.
560-561.. L’élaboration et l’adoption d’une nouvelle loi sur les organisations de la société civile ne sont pas prévues dans le programme de réformes engagé par le Président; nous espérons toutefois que cette loi sera adoptée, en concertation étroite avec la Commission de Venise, dans un futur très proche.
83. Selon les informations disponibles, les demandes de manifestations et de protestations devant la Verkhovna Rada et plusieurs autres bâtiments publics, habituellement nombreuses, ont dernièrement été refusées par les autorités et les manifestations spontanées devant ces lieux ont été dispersées. A cet égard, nous observons que la législation actuelle relative à l’organisation d’événements et manifestations pacifiques laisse une importante marge de manœuvre aux autorités, susceptible de donner lieu à des abus. En décembre 2009, la Commission de Venise et l’OSCE/BIDDH ont adopté un avis conjoint sur le nouveau «projet de loi sur l’organisation et le déroulement d’événements pacifiques», qui a été adopté en première lecture par la Verkhovna Rada le 3 juin 2009. Cet avis contient un certain nombre de recommandations pour prévenir les éventuels abus et renforcer la protection des principes démocratiques. Aucun suivi n’a toutefois été donné à cet avis et nous ignorons l’état d’avancement du projet de loi. Nous exhortons les autorités à relancer et adopter ce projet de loi, conformément aux recommandations de la Commission de Venise, dans les meilleurs délais.

5. Conclusions

84. Les élections présidentielles en Ukraine laissent présager une stabilité de l’environnement politique qui a longtemps fait défaut au pays. Cette stabilité reste toutefois fragile et les autorités sont invitées à mettre en œuvre les réformes constitutionnelles qui permettront de créer un cadre politique solide et stable avec une séparation claire entre les différentes branches du pouvoir et un système efficace d’équilibre des pouvoirs. Cet objectif est essentiel, car le clivage entre les forces politiques, toujours très présent dans la société, pourrait facilement basculer vers une nouvelle instabilité et des luttes politiques intestines. Dans ce contexte, il est compréhensible, voire souhaitable, que la majorité dirigeante cherche à consolider son pouvoir compte tenu des années de querelles politiques qu’a connues l’Ukraine entre les différentes branches du pouvoir. Il convient toutefois de veiller à ce que cette consolidation du pouvoir ne dérive pas vers une concentration, ou pire, une monopolisation du pouvoir entre les mains d’un seul groupe politique, au risque de nuire au développement démocratique du pays.
85. L’ambitieux programme de réformes engagé en vue d’honorer les engagements pris lors de l’adhésion au Conseil de l’Europe et de respecter les obligations qui en découlent doit être vivement salué et encouragé. Dans cet esprit, nous avons énoncé nos recommandations et, lorsque cela était nécessaire, fait part de nos inquiétudes concernant les principaux volets de cette réforme. Toutefois, la hâte avec laquelle ces réformes sont mises en œuvre nuit aux procédures démocratiques et aux processus de discussion et de consultation en bonne et due forme. Il s’agit là d’un point particulièrement préoccupant auquel les autorités devraient remédier. Nous tenons à souligner que des réformes d’envergure s’imposent pour honorer les engagements pris lors de l’adhésion et non encore honorés; compte tenu de leur nature et en vue de garantir leur efficacité, elles devraient reposer sur un consensus politique le plus large possible et recevoir le soutien de la population, ce qui ne sera possible que si les procédures parlementaires et les principes démocratiques sont respectés. En outre, nous invitons instamment les autorités et les dirigeants de la Verkhovna Rada à veiller à ce que le Conseil de l’Europe soit consulté sur les différentes réformes et, en particulier, que l’avis de la Commission de Venise soit sollicité concernant les versions définitives des projets de lois avant leur adoption en dernière lecture.
86. Il est évident que les dispositions constitutionnelles actuelles limitent la portée des réformes dans beaucoup de domaines. La mise en œuvre des réformes nécessaires au respect des engagements de l’Ukraine envers le Conseil de l’Europe ne sera possible que si les réformes constitutionnelles recommandées par l’Assemblée sont appliquées. La priorité première des autorités devrait donc être la finalisation du projet de réforme constitutionnelle, qui permettra ensuite l’élaboration et l’adoption d’une législation plus spécifique conforme aux normes et aux valeurs européennes. A cet égard, il convient de souligner que l’Assemblée a, à plusieurs reprises, recommandé de modifier la Constitution actuelle plutôt que d’adopter une Constitution entièrement nouvelle.
87. L’Ukraine s’est caractérisée ces dernières années par un respect clair et inconditionnel des droits et des libertés démocratiques, ce qui constitue l’une des plus grandes réussites du pays. Toute régression dans le respect et la protection de ces droits serait inacceptable pour l’Assemblée. Nous sommes donc préoccupées par la multiplication des allégations selon lesquelles les libertés démocratiques, telles que la liberté de réunion, la liberté d’expression et la liberté des médias, auraient fait l’objet de pressions croissantes ces derniers mois. Toutefois, bien que certains incidents soient source de préoccupation et que toute violation des normes démocratiques et des droits de l’homme soit par principe inacceptable et devrait faire l’objet d’une enquête approfondie pour qu’il y soit remédié, nous estimons qu’il est impossible à ce jour d’y voir une tendance systématique qui laisserait penser que les autorités ne sont pas disposées à respecter pleinement les principes des droits de l’homme et les libertés démocratiques. Cependant, nous souhaitons appeler les autorités à réagir plus clairement, et plus proactivement, à ces allégations que par le passé.

Annexe

(open)

Instructions du Président de l’Ukraine

(version originale ukrainienne; traduction non officielle par le Conseil de l’Europe)

visant à mettre en œuvre les accords conclus lors de la visite de travail du Président en France à l’occasion de la deuxième partie de session de 2010 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, telles qu’elles résultent de réunions avec de hauts responsables du Conseil de l’Europe organisées le 27 avril 2010.

Adressées à:

M. Ya. Azarov

O. V. Lavrynovych

1. En tenant compte des conclusions de la Commission de Venise et des résolutions de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, préparer et soumettre au Parlement de l’Ukraine un projet de loi «portant modification de la Constitution ukrainienne».

Achèvement: janvier 2011

2. Afin d’harmoniser la législation électorale de l’Ukraine avec les normes européennes et en tenant compte des conclusions de la Commission de Venise, préparer et soumettre au Président de l’Ukraine des propositions relatives à l’introduction des modifications nécessaires des lois ukrainiennes concernées et à l’opportunité de leur codification.

Achèvement: septembre 2010

Adressées à:

O. V. Lavrynovych

3. Veiller à ce que les conclusions de la Commission de Venise soient prises en compte lors de l’élaboration des projets de loi relatifs à la réforme du système judiciaire. Présenter ces projets de loi au Président de l’Ukraine afin qu’il les soumette, conformément aux modalités en vigueur, au Parlement de l’Ukraine.

Achèvement: juin 2010

Adressées à:

M. Ya. Azarov

O. V. Lavrynovych

Yu. O. Plaksiuk

4. Finaliser et soumettre au Parlement de l’Ukraine les projets de loi relatifs «à la réforme de la presse d’Etat et des collectivités locales», «à la protection des activités professionnelles des journalistes» et «aux modifications de la loi sur l’information».

Achèvement: juin 2010

Adressées à:

M. Ya. Azarov

O. V. Lavrynovych

O. I. Medvedko

5. Elaborer, à la lumière des conclusions de la Commission de Venise et des recommandations de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, une nouvelle version de la loi «sur le procureur de la République» et la soumettre, conformément aux modalités en vigueur, au Parlement de l’Ukraine.

Achèvement: juin 2010

Adressées à:

M. Ya. Azarov

O. V. Lavrynovych

6. Finaliser et soumettre au Parlement de l’Ukraine le projet de code de procédure pénale de l’Ukraine.

7. Elaborer et soumettre au Parlement de l’Ukraine un projet de loi «portant modification de la législation sur l’exécution des peines», concernant le rattachement du service d’exécution des peines à la Justice, la création d’un système de probation et la garantie du respect des droits des détenus condamnés ou placés en détention provisoire, conformément aux Règles pénitentiaires européennes.

Achèvement: juin 2010

Adressées à:

M. Ya. Azarov

K. I. Hryshchenko

O. V. Lavrynovych

8. Finaliser et soumettre au Président de l’Ukraine, conformément aux modalités en vigueur, les projets de loi «sur la ratification de la Convention européenne de 1983 relative au dédommagement des victimes d’infractions violentes», «sur le dédommagement des victimes d’infractions violentes» et «sur la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains».

Achèvement: 1er août 2010

Adressées à:

M. Ya. Azarov

O. V. Lavrynovych

V. H. Yatsuba

T. V. Motrenko

9. Elaborer et adopter un plan d’action sur la réforme du système de l’administration d’Etat.

Achèvement: 1er août 2010

Adressées à:

M. Ya. Azarov

Yu. O. Plaksiuk

O. V. Lavrynovych

10. Préparer et soumettre au Parlement de l’Ukraine une nouvelle version de la loi «portant modification de la loi relative au système de radiodiffusion publique».

Achèvement: septembre 2010

Adressées à:

M. Ya. Azarov

O. V. Lavrynovych

11. Finaliser et soumettre au Parlement de l’Ukraine le projet de loi «relatif aux ministères et autres organes exécutifs centraux» et le projet de loi «portant modification du Code des infractions administratives et du Code des douanes (concernant les recours contre des décisions relatives à des infractions administratives)».

Achèvement: septembre 2010

Adressées à:

O. V. Lavrynovych

12. Dans le cadre du groupe de travail de la Commission de la politique juridique du Parlement de l’Ukraine, soutenir le développement du projet de loi «sur la fonction d’avocat» (nouvelle version) et veiller à ce qu’il passe devant le Parlement de l’Ukraine.

13. Veiller au passage devant le Parlement de l’Ukraine du projet de loi «portant modification de certaines lois visant à garantir la transparence des relations de propriété concernant les médias», du projet de loi «sur les services de sécurité de l’Ukraine» et du projet de loi «sur l’aide juridique gratuite».

Achèvement: date d’adoption des lois

Adressées à:

T. V. Motrenko

O. V. Lavrynovych

14. Finaliser et soumettre au Parlement de l’Ukraine une nouvelle version de la loi «sur le service civil».

Achèvement: 1er septembre 2010

Adressées à:

F. O. Yaroshenko

A. V. Mohyliov

O. V. Lavrynovych

K. I. Hryshchenko

5. Veiller au passage devant le Parlement de l’Ukraine du projet de loi «portant modification de la loi visant à prévenir et combattre la légalisation (blanchiment) des produits du crime» et du projet de loi «sur la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme».

Achèvement: date d’adoption des lois

Adressées à:

M. Ya. Azarov

O. V. Lavrynovych

T. V. Motrenko

16. Soumettre des propositions d’amélioration de la politique et de la législation nationales en vue d’adopter une approche basée sur le genre à l’égard du système de l’administration d’Etat et de l’administration sociale.

Achèvement: 1er juillet 2010

Adressées à:

O. V. Lavrynovych

Yu. Ye. Zaitsev

K. I. Hryshchenko

17. Prendre des mesures pour veiller à l’exécution rigoureuse et rapide des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme concluant à des violations de la part de l’Ukraine.

Tenir le chef de l’Etat constamment informé des résultats.

Adressées à:

O. V. Lavrynovyc

H A. V. Mohyliov

V. I. Khoroshkovskyi

V. P. Tsushko

F. O. Yaroshenko

O. V. Lisitskov

18. Finaliser et soumettre au Parlement de l’Ukraine le projet de loi «sur le Comité national ukrainien pour la prévention de la torture».

Achèvement: 1er septembre 2010

Adressées à:

V. I. Khoroshkovskyi

K. O. Yefymenko

19. Finaliser et soumettre au Parlement de l’Ukraine le projet de loi «sur l’interception de télécommunications».

Achèvement: 1er septembre 2010

Adressées à:

Yu. Ye. Reshetnikov

O. V. Lavrynovych

20. Finaliser et soumettre au Parlement de l’Ukraine une nouvelle version de la loi «sur la liberté de conscience et les organisations religieuses», ainsi que le projet de loi «sur la restitution aux organisations religieuses des biens destinés au culte».

Achèvement: 1er décembre 2010

Adressées à:

M. Ya. Azarov

O. V. Lavrynovych

Yu. Ye. Reshetnikov

Yu. O. Plaksiuk

K. I. Hryshchenko

V. P. Tsushko F.

O. Yaroshenko

V. I. Khoroshkovskyi

O. P. Hinzburh

21. Finaliser, en tenant compte des recommandations de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, et soumettre au Parlement de l’Ukraine un projet de loi «sur l’accès à l’information».

Achèvement: 1er octobre 2010

Adressées à:

M. Ya. Azarov

Yu. Ye. Reshetnikov

O. V. Lavrynovych

M. A. Kulyniak

D. V. Tabachnyk

V. I. Khoroshkovskyi

F. O. Yaroshenko

V. P. Tsushko

A. V. Mohyliov

K. I. Hryshchenko

22. En tenant compte des conclusions de la Commission de Venise et conformément à la Convention-cadre du Conseil de l’Europe pour la protection des minorités nationales, élaborer et soumettre au Parlement de l’Ukraine un projet de loi de programme «sur la politique ethnique nationale de l’Ukraine» et une nouvelle version de la loi «sur les minorités nationales en Ukraine».

Achèvement: 1er décembre 2010

V. Yanukovich

Réf. no 1-1/806, en date du 30 avril 2010