Imprimer
Autres documents liés

Rapport | Doc. 12443 | 01 décembre 2010

La protection des sources d'information des journalistes

Commission de la culture, de la science et de l'éducation

Rapporteur : M. Morgan JOHANSSON, Suède, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 11881, Renvoi 3554 du 29 mai 2009. 2011 - Première partie de session

Résumé

La protection des sources d’information des journalistes constitue une condition essentielle au libre exercice du journalisme et au respect du droit du public d’être informé des questions d’intérêt général. Dans un nombre élevé de cas, les pouvoirs publics européens ont contraint, ou tenté de contraindre, les journalistes à divulguer leur source, malgré les règles claires énoncées par la Cour européenne des droits de l’homme et le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe.

La divulgation d’informations identifiant une source devrait par conséquent être limitée à des situations exceptionnelles dans lesquelles des intérêts publics ou privés vitaux sont en jeu et peuvent être déterminés de manière convaincante. La confidentialité des sources journalistiques ne doit pas être mise en question du fait des possibilités technologiques croissantes des pouvoirs publics de contrôler l’utilisation par les journalistes des télécommunications mobiles et des médias internet. Les Etats membres qui ne disposent pas d’une législation stipulant le droit des journalistes de ne pas divulguer leurs sources d’information doivent adopter une législation conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et aux recommandations du Comité des Ministres.

A. Projet de recommandation 
			(1) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 6 octobre
2010.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire rappelle que le libre exercice du journalisme est inscrit dans le droit à la liberté d’expression et d’information, garanti par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) («la Convention»). Ce droit constitue un fondement de la société démocratique et une condition indispensable à son progrès et à l’épanouissement de tout être humain. Des médias libres, indépendants et pluralistes sont une composante essentielle de toute société véritablement démocratique. La démocratie et la bonne gouvernance exigent responsabilisation et transparence. A cet égard, les médias jouent un rôle crucial en matière de contrôle public sur les secteurs public et privé dans la société.
2. Rappelant la Recommandation no R (2000) 7 du Comité des Ministres sur le droit des journalistes de ne pas révéler leurs sources d’information, l’Assemblée réaffirme que la protection des sources d’information des journalistes constitue une condition essentielle au libre exercice du journalisme et au respect du droit du public d’être informé des questions d’intérêt général, comme l’énonce la Cour européenne des droits de l’homme dans sa jurisprudence relative à l’article 10 de la Convention.
3. L’Assemblée exprime son inquiétude face au nombre élevé de cas, en Europe, où les pouvoirs publics ont contraint, ou tenté de contraindre, les journalistes à divulguer leurs sources, malgré les règles claires énoncées par la Cour européenne des droits de l’homme et le Comité des Ministres. Ces violations sont plus répandues dans les Etats membres dépourvus d’une législation claire. En ce qui concerne le journalisme d’investigation, la protection des sources est encore plus importante, comme l’énonce la Déclaration du Comité des Ministres du 26 septembre 2007 sur la protection et la promotion du journalisme d’investigation.
4. Les pouvoirs publics ne doivent pas exiger que soient divulguées des informations identifiant une source, sauf si les critères énoncés au paragraphe 2 de l’article 10 de la Convention sont remplis, et qu’il est fermement établi qu’il n’y a pas de voies alternatives raisonnables à la divulgation constitue et qu’elles ont été épuisées, que l’intérêt légitime de la divulgation l’emporte clairement sur l’intérêt public à la non-divulgation et qu’un impératif prépondérant quant à la nécessité de la divulgation est prouvé.
5. La divulgation d’informations identifiant une source devrait par conséquent être limitée à des situations exceptionnelles dans lesquelles des intérêts publics ou privés vitaux sont en jeu et peuvent être déterminés de manière convaincante. Les autorités compétentes qui demanderaient, à titre exceptionnel, la divulgation d’une source doivent indiquer pour quelles raisons l’intérêt vital à la divulgation l’emporte sur l’intérêt à la non-divulgation et dire si les voies alternatives ont été épuisées, comme les autres preuves. Lorsque le droit national protège les sources contre toute divulgation, celle-ci ne doit pas être demandée.
6. Rappelant la Recommandation Rec(2003)13 du Comité des Ministres sur la diffusion d’informations par les médias en relation avec les procédures pénales, l’Assemblée réaffirme que le public doit pouvoir recevoir à travers les médias des informations sur les activités des services de police et des autorités judiciaires, y compris sur les affaires pénales présentant un intérêt public, si cela ne porte pas atteinte à la présomption d’innocence du suspect ou de l’accusé garantie par l’article 6 de la Convention, au droit au respect de la vie privée garanti par l’article 8 de la Convention et au secret de l’instruction et aux enquêtes de police.
7. Le droit des journalistes de ne pas révéler leurs sources couvre également leurs sources au sein de la police ou des autorités judiciaires. Lorsque des informations ont été transmises illégalement aux journalistes, la police et la justice doivent mener des enquêtes internes au lieu de demander aux journalistes de divulguer leurs sources.
8. Dans la mesure où l’article 10 de la Convention protège le droit du public d’être informé des questions d’intérêt général, quiconque a connaissance de faits d’intérêt public ou dispose d’informations à leur sujet devrait pouvoir les publier sur des médias tiers, notamment des réseaux internet, ou les transmettre à des journalistes à titre confidentiel.
9. S’agissant du droit de chaque personne de divulguer à titre confidentiel aux médias, ou par d’autres moyens, des informations d’intérêt public sur des actes illicites ou autres méfaits, l’Assemblée rappelle ses Résolution 1729 (2010) et Recommandation 1916 (2010) sur la protection des «donneurs d’alerte» et réaffirme que les Etats membres devraient examiner leur législation dans ce domaine afin de veiller à la conformité des dispositions internes avec les normes européennes énoncées dans ces textes.
10. Tout comme le paysage médiatique a changé avec la convergence technologique, le profil professionnel des journalistes a évolué au cours de la dernière décennie. Les médias modernes s’appuient de plus en plus sur des services de communication mobiles et basés sur internet. Ils utilisent dans une plus large mesure des informations et des images fournies par des personnes qui ne sont pas journalistes. Ces personnes diffusent également leurs propres informations et images ou d’autres provenant de tiers, sur des supports internet gérés par leurs soins ou par des tiers, accessibles à un large public souvent indéfini. Dans ces conditions, il s’avère nécessaire de clarifier l’application du droit des journalistes de ne pas divulguer leurs sources d’information.
11. L’Assemblée réaffirme que la confidentialité des sources journalistiques ne doit pas être mise en question du fait des possibilités technologiques croissantes des pouvoirs publics de contrôler l’utilisation par les journalistes des télécommunications mobiles et des médias internet. L’interception de la correspondance, la surveillance de journalistes ou la recherche et la saisie d’informations ne doivent pas porter atteinte à la protection des sources des journalistes. Les fournisseurs d’accès internet et les entreprises de télécommunications ne devraient pas être tenus de divulguer des informations pouvant permettre d’identifier les sources des journalistes au mépris de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
12. Se référant à la Directive 2006/24/CE de l’Union européenne du 15 mars 2006 sur la conservation de données générées ou traitées dans le cadre de la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public ou de réseaux publics de communications, l’Assemblée insiste sur la nécessité de veiller à ce que les dispositions juridiques adoptées par les Etats membres afin de transposer cette directive soient compatibles avec le droit des journalistes de ne pas divulguer leurs sources, en application de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, et avec le droit au respect de la vie privée, garanti par l’article 8 de la Convention. L’Assemblée souligne également l’importance d’assurer une cohérence entre le droit interne et les articles 16 et 17 de la Convention sur la cybercriminalité (Convention de Budapest, STE no 185).
13. L’Assemblée salue le fait que les journalistes aient énoncé dans des codes de conduite professionnels leur obligation de ne pas révéler leurs sources d’information dans le cas d’informations reçues à titre confidentiel. En vertu de cette règle déontologique, les sources peuvent être assurées du respect de la confidentialité et de pouvoir transmettre aux journalistes des informations d’intérêt général. L’Assemblée invite les journalistes et leurs organisations à veiller, au moyen d’une autoréglementation, à ne pas divulguer leurs sources.
14. Le droit des journalistes de ne pas divulguer leurs sources d’information est un privilège professionnel, destiné à encourager des sources à leur transmettre des informations importantes qu’elles ne fourniraient pas sans un engagement de confidentialité. La même relation de confiance n’existe pas par rapport aux non-journalistes, par exemple les personnes qui disposent d’un site internet ou d’un blog. Par conséquent, les non-journalistes ne peuvent pas bénéficier du droit des journalistes de ne pas révéler leurs sources.
15. L’Assemblée salue le travail accompli par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe sur la liberté des médias et lui demande de porter une attention particulière, lorsqu’il se rend dans des Etats membres et rencontre des médiateurs des médias, à la protection de la confidentialité des sources journalistiques.
16. L’Assemblée recommande que le Comité des Ministres:
16.1. appelle les Etats membres qui ne disposent pas d’une législation stipulant le droit des journalistes de ne pas divulguer leurs sources d’information à adopter une loi conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et à la Recommandation no R (2000) 7 du Comité des Ministres;
16.2. aide les Etats membres à analyser et à améliorer leur législation sur la protection de la confidentialité des sources journalistiques, en particulier en soutenant le réexamen de leur législation nationale sur la surveillance, la lutte contre le terrorisme, la conservation des données et l’accès aux archives des télécommunications;
16.3. invite son comité directeur compétent à rédiger, en coopération avec les organisations de journalistes et les organisations défendant la liberté des médias, des lignes directrices à l’intention des procureurs et de la police, ainsi que des outils de formation pour les juges, sur le droit des journalistes de ne pas révéler leurs sources d’information, conformément aux Recommandations nos R (2000) 7 et R (2003) 13 du Comité des Ministres et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme;
16.4. invite son comité directeur compétent à rédiger pour les pouvoirs publics et les fournisseurs de services privés des lignes directrices sur la protection de la confidentialité des sources journalistiques en cas d’interception ou de divulgation de données informatiques et de données relatives au trafic des réseaux informatiques, conformément aux articles 16 et 17 de la Convention sur la cybercriminalité et aux articles 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

B. Exposé des motifs, par M. Johansson, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Faisant suite à une proposition de recommandation présentée par ma collègue finlandaise, Mme Tuulikki Ukkola, et plusieurs de ses collègues, la commission de la culture, de la science et de l’éducation m’a nommé rapporteur sur la protection des sources d’information des journalistes le 25 juin 2009.
2. Les 25 et 26 octobre 2009, la sous-commission des médias a tenu une audition sur le respect de la liberté des médias et la protection des sources d’information des journalistes, qui a été accueillie par la Chambre des députés du Luxembourg. J’apprécie les précieuses contributions de la Fédération européenne des journalistes, de l’Association des journalistes européens, de l’Association européenne des éditeurs de journaux, de l’Organisation des médias du sud-est de l’Europe, affiliée à l’Institut international de la presse, de Reporters sans frontières, sans oublier l’organisation Article 19, qui ont tous participé à l’audition.
3. M. Hans-Martin Tillack, correspondant du magazine Stern à Bruxelles qui s’était vu enjoindre par les autorités belges de dévoiler ses sources et qui a ultérieurement porté l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme 
			(2) 
			Tillack c.
Belgique, Requête no 20477/05, arrêt du 27 novembre 2007. («la Cour»), était également présent à cette audition et a remis un exemplaire original de la «Charte européenne pour la liberté de la presse» au président de la sous-commission, M. Andrew McIntosh, et au Président du Comité des Ministres, M. Samuel Žbogar, ministre des Affaires étrangères de la Slovénie. Cette charte a été rédigée par de nombreux journalistes et rédacteurs en chef pour rappeler aux Etats leur obligation de respecter la liberté des médias et la confidentialité des sources journalistiques.
4. Après une première lecture du projet de rapport par la commission de la culture, de la science et de l’éducation le 24 juin 2010, j’ai contacté la Fédération européenne des journalistes (Bruxelles) et Article 19 (Londres) pour leur demander leur avis sur la question. J’apprécie les commentaires favorables que j’ai reçus. Le 21 septembre 2010, j’ai participé au séminaire sur la protection des sources des journalistes organisé à Londres par la Fédération européenne des journalistes.

2. Règles juridiques énoncées dans la Convention européenne des droits de l’homme

5. Le Conseil de l’Europe a joué un rôle prépondérant en reconnaissant que le droit des journalistes de ne pas divulguer leurs sources d’information constituait un élément essentiel de la liberté d’expression définie à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme («la Convention»); en effet, l’aptitude des journalistes à fournir des informations précises et fiables sur des questions d’intérêt public est remise en question dès lors qu’ils sont contraints de divulguer des sources d’information confidentielles.
6. Dans son arrêt Goodwin c. Royaume-Uni, la Cour européenne des droits de l’homme a reconnu que l’article 10 de la Convention inclut le droit des journalistes de ne pas divulguer leurs sources d’information. La Cour a également souligné que «la protection des sources journalistiques est l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse, comme cela ressort des lois et codes déontologiques en vigueur dans nombre d’Etats contractants (...)» 
			(3) 
			Goodwin c. Royaume-Uni, Requête
no 17488/90, arrêt du 27 mars 1996, paragraphe 39..
7. La Cour a poursuivi en indiquant que «l’absence d’une telle protection pourrait dissuader les sources journalistiques d’aider la presse à informer le public sur des questions d’intérêt général. En conséquence, la presse pourrait être moins à même de jouer son rôle indispensable de “chien de garde” et son aptitude à fournir des informations précises et fiables pourrait s’en trouver amoindrie. Eu égard à l’importance que revêt la protection des sources journalistiques pour la liberté de la presse dans une société démocratique et à l’effet négatif sur l’exercice de cette liberté que risque de produire une ordonnance de divulgation, pareille mesure ne saurait se concilier avec l’article 10 de la Convention que si elle se justifie par un impératif prépondérant d’intérêt général» 
			(4) 
			Ibid..
8. Quatre ans plus tard, la Recommandation no R (2000) 7 du Comité des Ministres sur le droit des journalistes de ne pas révéler leurs sources d’information établissait plusieurs principes qui découlent de ce droit tel que défini à l’article 10 de la Convention. En outre, la Résolution 1438 (2005) de l’Assemblée sur la liberté de la presse et les conditions de travail des journalistes dans les zones de conflit, et la Résolution 1636 (2008) sur les indicateurs pour les médias dans une démocratie demandent aux Etats membres de respecter la confidentialité des sources d’information des journalistes.
9. Tout récemment, dans l’affaire Sanoma Uitgevers BV c. Pays-Bas 
			(5) 
			Sanoma Uitgevers BV c. Pays-Bas,
Requête no 38224/03, arrêt du 14 septembre 2010., la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la qualité de la loi nationale en question était déficiente dans la mesure où il n’existait aucune procédure entourée de garanties légales adéquates qui eût permis à la société de médias d’obtenir une appréciation indépendante du point de savoir si l’intérêt de l’enquête pénale qui était en cours devait l’emporter sur l’intérêt public à la protection des sources des journalistes. La Cour a ainsi souligné que les Etats devaient se doter de garanties légales appropriées pour protéger les sources des journalistes.
10. L’article 8 de la Convention garantit le droit de toute personne au respect de sa vie privée (…), de son domicile et de sa correspondance. Dans son arrêt S. et Marper c. Royaume-Uni 
			(6) 
			S. et Marper c. Royaume-Uni, Requête
nos 30562/04 et 30566/04, arrêt du 4 décembre 2008., la Cour a jugé que, dans le contexte des écoutes téléphoniques, de la surveillance secrète et de la collecte secrète de renseignements, il était essentiel de fixer «des règles claires et détaillées régissant la portée et l’application des mesures et imposant un minimum d’exigences concernant, notamment, la durée, le stockage, l’utilisation, l’accès des tiers, les procédures destinées à préserver l’intégrité et la confidentialité des données et les procédures de destruction de celles-ci, de manière que les justiciables disposent de garanties suffisantes contre les risques d’abus et d’arbitraire».
11. La Directive 2006/24/CE de l’Union européenne sur la conservation de données oblige les sociétés de télécommunications à conserver les données concernant toutes les communications de leurs clients. Les organisations de journalistes craignent que ce texte ne porte atteinte au secret de leurs sources. C’est pourquoi 106 représentants d’organisations non gouvernementales (ONG) ont signé le 22 juin 2010 une lettre adressée aux commissaires européennes Cecilia Malmstrom, Viviane Reding et Neelie Krœs, appelant ces dernières à «proposer la suppression des prescriptions de l’Union européenne en matière de conservation des données, en faveur d’un système de conservation rapide et de collecte ciblée des données relatives au trafic, comme le prévoit la Convention sur la cybercriminalité du Conseil de l’Europe». Le 2 mars 2010, la Cour fédérale constitutionnelle allemande a estimé que la loi allemande transposant la Directive 2006/24/CE violerait le droit au respect de la vie privée et de la correspondance garanti par la Constitution allemande. Par ailleurs, la Cour constitutionnelle de Roumanie a jugé, le 8 octobre 2009, que la loi roumaine transposant cette même directive vidait de facto de sa substance le principe constitutionnel de protection de la vie privée et des données privées.

3. Exemples d’affaires survenues dans des Etats membres du Conseil de l’Europe concernant le droit des journalistes de ne pas divulguer leurs sources d’information

12. La Fédération européenne des journalistes (FEJ) a indiqué l’an dernier qu’une centaine de pays dans le monde avaient adopté une protection juridique spécifique des sources journalistiques, par la voie de lois ou de Constitutions 
			(7) 
			Document
d’orientation de la FEJ sur la protection des sources: <a href='http://europe.ifj.org/en/articles/efj-policy-document-on-protection-of-sources'>http://europe.ifj.org/en/articles/efj-policy-document-on-protection-of-sources</a>.. L’organisation Privacy International a publié en 2007 le rapport Silencing sources: An international Survey of Protections and Threats to Journalists’ Sources, qui est l’aboutissement de vastes recherches sur les lois et pratiques nationales 
			(8) 
			<a href='http://www.privacyinternational.org/foi/silencingsources.pdf'>www.privacyinternational.org/foi/silencingsources.pdf</a>. . Dans leurs observations soumises à la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Sanoma Uitgevers BV c. Pays-Bas, Article 19 et d’autres grandes ONG de médias passent en revue les législations nationales reconnaissant le droit des journalistes de ne pas divulguer leurs sources 
			(9) 
			<a href='http://www.article19.org/pdfs/letters/sanoma-uitgevers-b.v.-v-the-netherlands.pdf'>www.article19.org/pdfs/letters/sanoma-uitgevers-b.v.-v-the-netherlands.pdf</a>.. Cependant, des tentatives ont été faites dans toute l’Europe pour saper le principe de la confidentialité des sources. Des journalistes ont été arrêtés et interrogés, leur bureau et leur domicile fouillés et leur matériel saisi, en vue d’obtenir des informations sur leurs sources. La liste qui suit, non exhaustive, donne des exemples typiques de cas dans lesquels le secret des sources des journalistes est en jeu.
13. Belgique: le 19 mars 2004, la police a perquisitionné le domicile et le lieu de travail de Hans-Martin Tillack, un reporter de l’hebdomadaire allemand Stern, et saisi ses documents et ses outils de travail, après qu’il eut rédigé un article en s’appuyant sur des documents internes de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF). Tillack était accusé d’avoir versé des pots-de-vin à un responsable de l’Union européenne en échange de fichiers confidentiels. Aucune preuve n’a permis de motiver la plainte. Le 27 novembre 2007, la Cour européenne des droits de l’homme a conclu à une violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme du fait des perquisitions effectuées au domicile et au bureau de Tillack à Bruxelles.
14. Le téléphone portable de la journaliste Anne de Graaf travaillant pour le journal De Morgen a été surveillé durant deux mois en 2004, afin d’identifier les sources de son article consacré à un rapport qui indiquait que la police craignait une attaque terroriste à Anvers. Le tribunal de première instance a jugé en 2007 que cette interception était illégale dans la mesure où les motifs invoqués pour justifier cette surveillance étaient insuffisants. Elle a reçu 500 euros de dommages-intérêts.
15. Danemark: en 2002, la police a mis sur écoute le journaliste Stig Mathiessen, du Jyllands-Posten, après qu’il eut rédigé un article sur une liste de Juifs danois à abattre qui circulerait parmi les fondamentalistes musulmans. La police a obtenu une décision de justice autorisant la mise sur écoute de son téléphone et il a été sommé par la police de divulguer la source de cette rumeur. Il a refusé de le faire, arguant qu’il aurait lui-même contacté la police s’il avait disposé de preuves tangibles lui permettant de penser qu’il devait prévenir un crime grave. En septembre 2002, une haute cour du Danemark a estimé que Stig Mathiessen n’était pas tenu de dévoiler sa source.
16. Deux journalistes au Berlingske Tidende, Michael Bjerre et Jesper Larsen, et le rédacteur en chef, Niels Lunde, ont été poursuivis en vertu du Code pénal en novembre 2006 pour avoir publié des documents émanant du ministère de la Défense, à la suite de fuites, qui révélaient que le gouvernement avait pris la décision de soutenir l’invasion en Irak sans disposer de preuves crédibles. Un tribunal danois a estimé que les journalistes avaient agi dans l’intérêt public en publiant cette information et les a acquittés.
17. France: le 13 janvier 2005, la police a perquisitionné les bureaux de l’hebdomadaire Le Point et du quotidien sportif L’Equipe et a saisi leurs ordinateurs, après qu’ils eurent publié des articles consacrés à des enquêtes sur le dopage dans les courses cyclistes. La police a conduit les perquisitions dans le cadre d’une enquête portant sur une violation supposée du secret de l’instruction.
18. En décembre 2007, Guillaume Dasquié, journaliste au Monde, a été placé en garde à vue pendant deux jours et les services de renseignements ont perquisitionné son domicile et l’ont interrogé; il avait publié le 17 avril 2007 un article citant des rapports classés secrets qui établissaient que les services français étaient au courant de plans d’Al-Qaida visant à détourner un avion et en avaient alerté les autorités américaines dès janvier 2001. Guillaume Dasquié a été accusé d’avoir compromis le secret de la défense nationale. Les autorités ont exigé qu’il révèle l’identité de ses sources, sous peine d’être d’inculpé de violation de la loi sur le secret d’Etat. Il a été relaxé quelques jours plus tard. Selon lui, il a pu obtenir sa mise en sa liberté après avoir dévoilé le nom de sa source, qui faisait peut-être partie des services de renseignements français.
19. En septembre 2010, Le Monde a porté plainte contre le Gouvernement français pour violation du secret des sources des journalistes à la suite de recherches secrètes dans ses dossiers concernant ses récents articles consacrés aux agissements du gouvernement liés à l’évasion fiscale de la femme d’affaires française Liliane Bettencourt.
20. Allemagne: un rapport parlementaire rendu public en 2006 a révélé que l’agence fédérale de renseignements (BND) avait illégalement espionné des journalistes pendant plus d’une décennie, allant jusqu’à placer des espions dans les salles de rédaction dans le but d’identifier des sources et de surveiller le travail des journaux. En 2007, l’agence était de nouveau accusée d’espionner des journalistes qui avaient écrit des articles sur l’Afghanistan.
21. Hongrie: Rita Csik, journaliste au journal Nepszava, a été inculpée le 6 novembre 2004 en vertu du Code pénal hongrois, pour avoir écrit un article en 2004 citant une note de service de la police qui avait rassemblé des preuves criminelles à l’encontre d’un membre du parlement. Elle a été acquittée en novembre 2005 par le tribunal municipal de Budapest qui a déclaré que le document n’était pas classé secret par la loi.
22. Irlande: en février 2006, le reporter indépendant Mick McCaffrey a été arrêté en vertu de la loi intitulée Criminal Justice Act (loi sur la justice pénale) à propos d’un article dénonçant l’arrestation et l’incarcération par la police d’un innocent qui était accusé de meurtre. L’article citait un rapport de police confidentiel. La police a demandé à McCaffrey de dévoiler sa source et a saisi le relevé de ses appels téléphoniques. McCaffrey a refusé de dévoiler sa source et a été relâché le jour suivant.
23. Le 23 octobre 2007, Colm Keena, journaliste à Irish Times et auteur d’un article sur la corruption de l’ancien Premier ministre irlandais, s’est vu ordonner par la Haute Cour de remettre sa documentation. Au lieu de s’exécuter, il l’a détruite. En août 2010, la police irlandaise a saisi le téléphone portable et la carte SIM du journaliste freelance irlandais Eamonn MacDermott afin d’avoir accès aux données de son téléphone.
24. Italie: le 4 février 2004, la police a perquisitionné les bureaux et les domiciles de Massimo Martinelli, journaliste au quotidien Il Messaggero, et de Fiorenza Sarzanini, reporter au Corriere della Sera. Les deux journalistes étaient accusés d’avoir enfreint les règles juridiques de confidentialité dans un article consacré à une enquête sur la mort d’un médecin soupçonné d’avoir commandité des meurtres en série entre 1968 et 1985.
25. Le 11 août 2006, la police a perquisitionné les locaux des quotidiens La Repubblica et Il Piccolo et le domicile de deux journalistes, et saisi des fichiers à la suite d’articles sur le rôle de l’Italie dans l’enlèvement en 2003 de l’imam égyptien Osama Moustafa Hassan Nas. Le bureau et le domicile des journalistes Cristina Zagaria et Claudio Ernè ont fait l’objet de fouilles particulièrement poussées et la police a emporté des notes et copié une partie des documents enregistrés sur leur ordinateur. Cristina Zagaria et Claudio Ernè étaient accusés d’avoir violé le secret de l’instruction et de recel de documents secrets au mépris du Code pénal.
26. Lettonie: la police financière a placé le reporter de télévision Ilze Jaunalksne sur écoute téléphonique en décembre 2005 et transmis les cassettes à un journal proche des partis du gouvernement, affirmant qu’elles prouvaient que Jaunalksne conspirait activement avec les partis d’opposition. Jaunalksne avait dénoncé un scandale à propos d’achat de votes dans lequel les dirigeants de plusieurs partis politiques au pouvoir semblaient être impliqués. En février 2007, la justice lettonne a alloué 42 000 euros de dommages-intérêts à Jaunalksne et ordonné la suspension du juge qui avait autorisé les mises sur écoute.
27. Lituanie: la police a perquisitionné les locaux de l’hebdomadaire Laisvas Laikrastis en septembre 2006, détenu le rédacteur en chef, saisi 15 000 exemplaires du journal et confisqué des ordinateurs du bureau et du domicile du rédacteur en chef. Le journal a publié un article traitant d’une enquête sur la corruption politique et a donc été accusé de divulgation de secrets d’Etat.
28. Pays-Bas: le gouvernement a surveillé les téléphones de Bart Mos et de Joost de Haas, journalistes au quotidien De Telegraaf, qui ont ensuite été placés en détention le 27 novembre 2006 sur ordre d’un tribunal de La Haye. Ils avaient publié des informations classées secrètes révélant qu’un criminel avait obtenu des informations confidentielles de la police et des services de renseignements pendant son séjour en prison. La mise sur écoute a été approuvée par la Cour suprême en septembre 2006. Mos et De Haas ont été appelés à témoigner devant un tribunal pour révéler leurs sources. Face à leur refus, le juge a ordonné leur mise en détention pendant quarante-huit heures et ils ont été relaxés le 30 novembre. Ultérieurement, la justice a déclaré que les journalistes avaient le droit d’être exemptés de l’obligation de témoigner, car la sécurité de l’Etat n’avait pas été menacée.
29. Russie: les bureaux de l’hebdomadaire Permsky Obozrevatel et le domicile de certains de ses journalistes de la région de Perm ont été perquisitionnés par la police le 2 août 2006, après qu’un tribunal eut accusé le journal de divulguer des secrets d’Etat et d’enfreindre de ce fait la loi sur les secrets d’Etat. La police a saisi la quasi-totalité des ordinateurs de bureau, des CD-Rom, d’autres équipements, et les carnets de notes des journalistes.
30. Suisse: deux reporters au Sonntags Blick, Christoph Grenacher et Sandro Brotz, ainsi que son rédacteur en chef, Beat Jost, ont été poursuivis en vertu du Code pénal militaire, pour avoir publié un document le 8 janvier 2006 portant sur des lieux de détention et des méthodes d’interrogation supposés de l’Agence centrale de renseignement des Etats-Unis (CIA). L’article du Sonntags Blick confirmait l’existence de centres secrets de détention gérés par le Gouvernement américain sur le territoire européen. Le document, une télécopie émanant du ministère égyptien des Affaires étrangères, avait été intercepté par le service de renseignements militaire suisse puis divulgué aux trois journalistes. Les journalistes et le rédacteur en chef ont été accusés de violation du secret défense. Le 17 avril 2007, les trois journalistes ont été acquittés par un tribunal militaire.
31. Turquie: en 2007, les bureaux d’Ahmet Alper Görmüs, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Nokta, ont été perquisitionnés, des équipements saisis et des journalistes interrogés, en raison de la publication de documents sur une liste noire de journalistes établie par l’armée, après divulgation d’un rapport du bureau du chef d’Etat major général. Les propriétaires du journal et son rédacteur en chef ont été poursuivis pour diffamation et deux autres personnes ont été inculpées d’incitation au manque de respect envers l’armée. Le magazine a cessé de paraître sous la pression de l’armée.
32. Royaume-Uni: le producteur d’ITV News, Neil Garrett, a été arrêté en octobre 2005 et son appartement perquisitionné, après qu’il eut révélé en août de la même année des informations internes de la police sur la manière dont Jean Charles de Menezes avait été abattu par erreur. Son travail avait dévoilé des informations cruciales sur l’affaire, qui prouvaient qu’une série de bavures policières avaient conduit à cette mort. Le journaliste révélait également que la police avait induit le public en erreur concernant les actions de Menezes avant sa mort. Garrett a été relaxé en mai 2006 après plusieurs incarcérations.
33. En 2006, la police du Suffolk a saisi le relevé d’appels téléphoniques confidentiels provenant du portable de Mark Bulstrode, journaliste à l’East Anglian Daily Times, afin de découvrir ses sources.Mark Bulstrode avait contacté la police pour s’enquérir de la réouverture d’une vieille affaire. Les forces de l’ordre lui avaient demandé de ne pas publier le récit de cette affaire car cela pouvait entraver l’enquête. Malgré l’accord conclu, la police a ensuite obtenu le relevé des appels privés de Bulstrode pour connaître ses sources.
34. Suzanne Breen, rédactrice en chef du Sunday Tribune pour l’Irlande du Nord, a écrit plusieurs articles sur l’IRA Véritable, dont un rapport sur la revendication par ce groupe du meurtre de deux soldats britanniques. En mai 2009, le Service de police d’Irlande du Nord faisait irruption à son domicile et lui ordonnait de lui remettre tous les supports d’information qu’elle avait utilisés pour écrire deux articles sur le sujet (téléphones, ordinateurs, disques, notes). La Haute Cour de Belfast a conclu en juin 2009 qu’une décision de justice la sommant de remettre ses notes portait atteinte au principe même de confidentialité des sources journalistiques reconnu en vertu du Terrorism Act de 2000 et de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, et que la divulgation de sa source aurait mis en péril sa vie et celle de ses proches.

4. Analyse de la situation

35. Pour évaluer si le droit des journalistes de ne pas divulguer leurs sources est correctement respecté en Europe, il est nécessaire d’identifier des problèmes que ce droit peut poser ou pourra poser demain. Les questions suivantes permettront d’orienter cette analyse.
  • Dans quelle mesure le droit des journalistes de garder leurs sources secrètes devrait-il être juridiquement reconnu dans les Etats membres du Conseil de l’Europe? Comment l’Assemblée peut-elle encourager les Etats membres à adopter des lois explicites et complètes sur la protection des sources journalistiques, et à veiller à leur bonne application?
36. Presque tous les pays européens reconnaissent juridiquement l’importance de protéger les sources confidentielles des journalistes. Ils sont néanmoins nombreux à faire preuve d’une faiblesse certaine pour ce qui est d’appliquer les lois y afférentes ainsi que les règles définies par le Conseil de l’Europe.Les lois nationales sont souvent de portée limitée, par exemple concernant ce qui définit un journaliste ou certains types de médias.
37. Il apparaît donc nécessaire d’élaborer une législation plus précise pour faciliter l’application de ces lois et de ces règles d’un point de vue pratique. De plus, des mesures de formation et d’assistance pourraient se révéler bénéfiques pour la police, les procureurs et les juges.
  • Qui est journaliste? La protection des sources journalistiques devrait-elle être étendue à toute personne qui collecte et diffuse des informations, qu’elle pratique ou non cette fonction à titre régulier ou professionnel?
38. S’il était auparavant aisé de répondre à la première question, la profession de journaliste connaît aujourd’hui des changements importants. Depuis l’avènement d’internet, il est difficile de définir ce qu’est un journaliste, et donc quelles sont les personnes qui doivent être protégées. A l’ère d’internet, quasiment tout le monde peut publier des informations sur le web, créer un blog, envoyer des courriers électroniques en masse et se présenter comme une personne qui collecte et diffuse des informations à l’attention du public.
39. Les lignes directrices du Conseil de l’Europe recommandent que la loi protège «toute personne physique ou morale pratiquant à titre régulier ou professionnel la collecte et la diffusion d’informations au public par l’intermédiaire de tout moyen de communication de masse» 
			(10) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/media/Doc/CM/Rec(2000)007&ExpMem_fr.asp'>Recommandation
no R (2000) 7</a> du Comité des Ministres sur le droit des
journalistes de ne pas révéler leurs sources d’information.. Etant donné l’importance croissante d’internet en tant que moyen de communication de masse, un débat devrait être mené pour déterminer si la protection des sources journalistiques devrait être étendue à toute personne impliquée dans la diffusion d’informations. Généralement, les blogueurs, les diffuseurs de podcasts ou les citoyens journalistes qui publient des informations sur internet ne le font pas à titre régulier ou professionnel, et ne sont donc pas protégés par le droit des journalistes de ne pas dévoiler leurs sources. Leur action peut pourtant soutenir le droit des citoyens de recevoir des informations d’intérêt public.
40. Toutefois, le droit des journalistes de ne pas divulguer leur source d’information est un privilège professionnel, qui se fonde sur le fait qu’une source pourrait ne pas fournir des informations importantes aux journalistes si ces derniers ne respectent pas la confidentialité de son identité. La même relation de confiance n’existe pas par rapport aux non-journalistes et ne devrait donc pas faire l’objet d’une demande de confidentialité.
  • Faudrait-il accorder le même droit de protection des sources à toutes les personnes qui, par leurs relations professionnelles avec des journalistes, acquièrent connaissance d’informations identifiant une source?
41. Les rédacteurs en chef, les distributeurs et les imprimeurs impliqués dans la collecte, le traitement et la diffusion des informations ainsi que les tierces parties, comme les sociétés de services assurant l’accès, la sécurité et l’équipement liés à internet, ont accès aux informations provenant d’une source. Dans le cadre de leur travail avec les journalistes, ils peuvent être amenés à connaître des détails sur les personnes avec lesquelles les journalistes communiquent ou leur localisation à un moment donné.
42. Seuls de rares pays européens reconnaissent spécifiquement la nécessité de protéger les personnes ayant des relations professionnelles avec les journalistes. Une législation claire faciliterait le travail des autorités de police et protégerait mieux la confidentialité des sources.
  • Pour protéger les sources des journalistes, la législation devrait-elle interdire aux autorités et aux entreprises d’identifier les «donneurs d’alerte»?
43. Les «donneurs d’alerte» dénoncent très souvent des méfaits, des actes de corruption et des irrégularités de gestion dans les secteurs public et privé. Pour les journalistes, ils représentent une source d’information précieuse. La plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe n’ont pas de lois complètes sur la protection des «donneurs d’alerte», et souvent des agences enquêtent et finissent par retrouver leur trace. Les «donneurs d’alerte» potentiels sont donc dissuadés par crainte de représailles.
44. L’Assemblée a récemment adopté la Résolution 1729 (2010) et la Recommandation 1916 (2010) sur la protection des «donneurs d’alerte», qui présentent aux Etats membres un certain nombre de lignes directrices importantes sur ce thème. Dans l’affaire Guja c. Moldova 
			(11) 
			Guja c. Moldova, Requête no 14277/04,
arrêt du 12 février 2008., la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a confirmé que l’article 10 de la Convention couvrait le fait, pour un employé, d’être un «donneur d’alerte» ou de divulguer des informations secrètes internes dans l’intérêt général.
45. Depuis de nombreuses décennies, la Suède gère remarquablement bien la protection juridique des sources d’information. En vertu de la législation suédoise, les sources qui communiquent au public des informations détenues par les pouvoirs publics par la voie des médias ou d’autres voies ne doivent pas être divulguées. Il s’agit d’un principe fondamental en Suède, que le législateur considère comme une «soupape de sécurité qui permet bien souvent de prononcer des mots qui doivent être prononcés et de porter sur la sphère publique des faits qui doivent l’être».
  • La loi devrait-elle restreindre le recours aux lois sur la surveillance électronique et aux lois antiterroristes pour éviter que les sources d’information des journalistes ne soient identifiées?
46. Ces dernières années, les lois et les technologies relatives à l’interception des communications et à la surveillance ont fait l’objet de changements importants. Les pays ont adopté de plus en plus de lois conférant un large pouvoir de surveillance. Les autorités s’appuient sur les technologies modernes pour contourner la protection des sources et pister les mouvements des journalistes. Dans le cadre d’une lutte contre le terrorisme fondée sur la sécurité, les pays européens portent atteinte à la protection des sources, en accordant de larges pouvoirs de recherche et de saisie d’informations, ainsi que de surveillance électronique des journalistes et des médias.
47. La confidentialité des sources journalistiques ne doit pas être mise en question du fait des possibilités technologiques croissantes des pouvoirs publics de contrôler l’utilisation par les journalistes des télécommunications mobiles et des médias internet. Les fournisseurs d’accès internet et les entreprises de télécommunications ne devraient pas être tenus de divulguer des informations pouvant permettre d’identifier les sources des journalistes au mépris de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
48. Le Comité des Ministres a adopté le 26 septembre 2007 des «Lignes directrices sur la protection de la liberté d’expression et d’information en temps de crise», qui peuvent servir de référence concernant les mesures antiterroristes. La Déclaration du Comité des Ministres sur la protection et la promotion du journalisme d’investigation, adoptée le même jour, souligne tout aussi fermement l’importance de respecter la confidentialité des sources des journalistes.

5. Conclusion

49. Les Etats membres et le Conseil de l’Europe doivent veiller davantage à ce que les règles énoncées par la Convention européenne des droits de l’homme soient pleinement respectées. Le respect de la liberté d’expression et d’information des médias revêt une importance particulière, car ce droit est une condition sine qua non de toute démocratie. Le droit des journalistes de ne pas dévoiler leurs sources reste relativement souvent bafoué en Europe. Le législateur se doit donc d’intervenir et il convient de former les autorités de police dans ce sens.
50. De plus, les bouleversements qu’ont connus les technologies et les services de communication pendant la dernière décennie ont changé le profil du journalisme et des médias. Cette évolution soulève certaines incertitudes quant à la confidentialité des sources journalistiques. La législation moderne doit en tenir compte.
51. En conclusion, il serait préférable de renforcer la protection de la confidentialité des sources journalistiques. Cela peut se faire en reconnaissant le droit de ne pas révéler ces sources, par exemple en légiférant sur les «donneurs d’alerte» conformément à la Résolution 1729 (2010) de l’Assemblée.