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Rapport | Doc. 12219 | 28 avril 2010

Les politiques de prévention en matière de santé dans les Etats membres du Conseil de l’Europe

(Ancienne) Commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Rapporteure : Mme Liliane MAURY PASQUIER, Suisse, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 11544, Renvoi 3436 du 18 avril 2008. 2011 - Première partie de session

Résumé

Ce rapport est fondé sur la nécessité d’expliquer les réticences des Etats membres du Conseil de l’Europe à développer des politiques destinées à faire de la prévention une haute priorité en matière de santé. Il subsiste des inégalités dans l’accès à l’éducation et à l’information sur la santé ainsi qu’aux soins, la partie de la population bien informée jouissant d’un accès facile aux ressources mises à disposition et les groupes défavorisés ayant davantage de difficultés. Le véritable enjeu consiste donc à garantir l’accès aux ressources disponibles à toutes les couches de la population, sans distinction d’origine ou de statut socio-économique.

Les données internationales indiquent qu’il est possible d’améliorer le rapport coût/efficacité des systèmes de soins. Il ne suffit pas, toutefois, de réduire les coûts; il faut également dépenser autrement et penser la politique de la santé de façon globale, en intégrant dans les réformes à entreprendre une dimension éthique, sociale et des droits humains.

A. Projet de recommandation 
			(1) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 29 mars 2010.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire constate qu’au cours du dernier siècle l’Europe a enregistré des progrès extraordinaires en matière de santé et de longévité. Les systèmes de santé européens sont appréciés dans le monde entier pour leur équité et leur capacité à proposer à la population des traitements gratuits ou à un coût raisonnable. En même temps, notre société de consommation à l’échelon mondial a produit de nouvelles maladies, comme l’obésité, les maladies cardiaques, le cancer, le diabète et les problèmes de santé mentale, tandis que de nouvelles inégalités sont apparues dans le domaine de la santé.
2. Le vieillissement de la population aura des conséquences importantes sur les individus, les collectivités et les Etats, modifiera les schémas pathologiques et pèsera sur la viabilité des systèmes de santé. D’après les prévisions, les maladies chroniques devraient devenir la cause principale du handicap dans le monde d’ici à 2020. Des voix s’élèvent pour prévenir que les enfants d’aujourd’hui pourraient bien être la première génération dont l’espérance de vie serait inférieure à celle de leurs parents. Des données inquiétantes montrent par exemple que les cas de diabète chez les enfants ont augmenté considérablement depuis dix ans. Si elles ne font pas l’objet de politiques de prévention et de gestion efficaces, ces maladies chroniques poseront un problème extrêmement épineux à nos systèmes de santé.
3. Les leçons des trente dernières années en matière de promotion de la santé ont souvent été oubliées, négligées ou écartées lors de la mise en œuvre des politiques publiques. Les actuels systèmes de santé européens récompensent et favorisent une approche curative qui vise principalement à réparer ce qui ne va pas. En conséquence, les autorités compétentes se trouvent confrontées à une demande forte et sans cesse croissante d’augmenter la capacité des systèmes de santé à répondre aux besoins d’une population vieillissante et d’améliorer la qualité des soins. L’état actuel des connaissances de ce qui constitue la santé, ce qu’on appelle les facteurs déterminants de la santé, l’évolution de la société ainsi que les taux de progression exponentielle des maladies chroniques indiquent que les systèmes nationaux de santé doivent changer d’orientation et appliquer une nouvelle approche concernant la santé.
4. L’Assemblée attire l’attention sur le fait qu’il subsiste des inégalités dans l’accès aux soins et dans l’accès à l’éducation et à l’information sur la santé, la partie de la population bien informée jouissant d’un accès facile aux ressources mises à disposition et les groupes défavorisés ayant davantage de difficultés. Certaines formes d’inégalité en matière de santé ont des conséquences négatives évidentes sur le reste de la société, par exemple la diffusion des maladies infectieuses, les conséquences de l’alcoolisme et de l’abus de drogues ou les actes de violence et les crimes. Le véritable enjeu consiste donc à garantir l’accès aux ressources disponibles à toutes les couches de la population, sans distinction d’origine socio-économique.
5. L’Assemblée considère que les disparités en matière de santé peuvent être partiellement évitées dans la mesure où elles résultent de choix politiques identifiables de la part des gouvernements concernant notamment l’éducation, la réglementation commerciale et industrielle, l’alimentation, l’agriculture, la production de produits chimiques, la protection de l’environnement, la circulation routière, les transports, la consommation d’alcool, de tabac ou de drogues. Du coup, les inégalités en matière de santé peuvent en principe être corrigées par des interventions des pouvoirs publics.
6. Les gouvernements qui sont soucieux d’améliorer la santé des populations doivent donc intégrer beaucoup plus, lors de l’élaboration de leurs politiques, une approche préventive en matière de santé. Les gouvernements européens ont ainsi une occasion unique de faire des choix importants pouvant affecter la vie de millions d’Européens en renforçant la prévention et la médecine participative.
7. Les connaissances courantes associées aux déterminants sociaux de la santé, ainsi que le principe selon lequel l’amélioration de l’état de santé général représente un atout de plus pour la croissance économique sont si bien établis qu’ils ne sont que rarement remis en question. L’Assemblée regrette toutefois que, malgré l’invocation des meilleures politiques de prévention et malgré toutes les recommandations et certaines avancées réglementaires ou législatives, il y ait encore un manque de réaction face aux risques sanitaires connus ou émergents, en particulier ceux qui relèvent des maladies non transmissibles. Les mesures de promotion de la santé doivent s’inscrire dans une vision à long terme servie par la mise en œuvre de stratégies et de mesures concrètes, ce qui figure rarement parmi les priorités des politiques nationales.
8. L’Assemblée invite instamment les Etats membres du Conseil de l’Europe à analyser et évaluer leurs stratégies de prévention en matière de santé en accordant une attention redoublée aux déterminants sociaux et aux inégalités en matière de santé, en mettant l’accent sur les avantages liés à l’amélioration de la santé, et à renouveler leur engagement concernant les objectifs sanitaires de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
9. En outre, l’Assemblée demande au Comité des Ministres d’inviter les Etats membres et les Etats observateurs du Conseil de l’Europe:
9.1. à définir des normes minimales en matière d’accès aux soins de santé, fondées sur les droits fondamentaux de l’être humain et sur des politiques et des pratiques de santé publique judicieuses, en tenant compte du fait que toute la population a droit à la santé, y compris l’ensemble des migrants, quel que soit leur statut migratoire;
9.2. à faire en sorte que la promotion de la santé et le comblement des retards en matière de santé constituent un objectif partagé par tous les secteurs d’action des pouvoirs publics et à incorporer dans le processus d’élaboration des politiques de tous les secteurs et agences une réflexion sur les impacts pour la santé en adoptant l’approche de la «perspective santé dans toutes les politiques»;
9.3. à renforcer les mécanismes de prévention et de réduction des risques sanitaires liés à l’environnement en raison de la pollution de l’air, de l’eau, des aliments et des sols ainsi que de la pollution sonore, et à promouvoir les effets positifs pour la santé de l’accès à un environnement de qualité, comme le souligne la Recommandation 1863 (2009) de l’Assemblée «Environnement et santé: pour une meilleure prévention des risques sanitaires liés à l’environnement»;
9.4. à améliorer les mécanismes de dépistage et de détection précoces des maladies et des troubles de la santé, notamment le VIH/sida et la tuberculose, pour permettre un traitement rapide de ces maladies ainsi qu’à fournir les moyens permettant d’orienter chaque patient vers des services et des aides complémentaires; à coopérer activement avec l’OMS et le système mondial de surveillance afin de stopper la propagation des maladies infectieuses;
9.5. à promouvoir une éducation sexuelle et à la santé intégrée, y compris l’abstinence, afin de prévenir la diffusion des maladies sexuellement transmissibles;
9.6. à promouvoir un dépistage universel des maladies non infectieuses et des facteurs de risque à des âges clés de la vie ou dans des situations spécifiques pour la prévention de certains risques génétiques ou environnementaux; 
9.7. à incorporer expressément les politiques de prévention dans les stratégies de réduction de la pauvreté et les politiques socio-économiques pertinentes afin de supprimer les inégalités en matière d’accès à l’information et à la protection sanitaire, d’exposition aux risques et d’accès aux soins, qui entraînent de grandes inégalités dans l’apparition et l’issue des maladies, en prêtant une attention particulière à la situation des personnes vulnérables en Europe;
9.8. à favoriser un bon départ dans la vie pour les familles et les jeunes enfants en renforçant les soins préventifs avant la grossesse ainsi que pour les mères et les nourrissons dans des centres de soins pré- et postnatals, pédiatriques et scolaires, et également à améliorer le niveau d’instruction des parents et des enfants;
9.9. à intensifier les efforts visant à faire de la culture sanitaire et de l’enseignement des compétences en matière de santé une priorité de la politique de santé publique et notamment à veiller à ce que cette discipline soit intégrée dans les programmes scolaires, en étudiant les possibilités offertes par les nouvelles technologies dans le contexte de l’apprentissage;
9.10. àdévelopper une recherche indépendante, basée sur des critères scientifiques à l’abri de pressions des lobbys économiques, notamment de l’industrie agroalimentaire, pharmaceutique et du tabac;
9.11. à assurer un processus transparent et responsable de prise de décisions pour l’ensemble des questions relatives à la réglementation de l’alimentation, à promouvoir les méthodes de production alimentaire et d’agriculture durables qui préservent les ressources naturelles, à développer une culture plus forte de la nutrition-santé, afin d’améliorer les connaissances de la population sur les aliments et la nutrition;
9.12. à prêter attention, lors de la planification des campagnes sur la nutrition et le poids de santé, aux risques de stigmatisation qui peuvent avoir des effets préjudiciables non recherchés pour les personnes en surpoids ou présentant un risque de développer des troubles de l’image du corps et de l’alimentation;
9.13. à encourager le secteur privé et les médias à s’engager davantage en faveur des questions de santé ainsi qu’à sensibiliser les industries à haut risque à leurs responsabilités par la négociation, en encourageant la transparence et en promouvant une culture de responsabilité sociale d’entreprise, notamment à l’égard des catégories défavorisées de la population;
9.14. à travailler avec les industries agroalimentaire et publicitaire pour encourager la prise en compte de données, faits et chiffres clés sur les maladies non transmissibles et pour interdire la publicité des produits nocifs pour la santé et à formuler des recommandations en faveur de la réduction des taux de graisses saturées et de sucre ajouté et de la commercialisation de versions à taux de graisse réduit/faible et à taux de sucre réduit/faible/sans sucre de certains produits alimentaires;
9.15. à promouvoir la construction d’installations couvertes et en plein air pour des loisirs à caractère sportif, en particulier des gymnases, des piscines, des terrains de jeux et des patinoires; à renforcer le soutien aux programmes de sports, en particulier ceux qui sont accessibles à tous les membres de la société, quels que soient leur âge, leur sexe, leur origine, et à encourager le secteur privé à mieux assumer sa responsabilité envers la société en permettant à des personnes moins favorisées d’utiliser ses installations;
9.16. à renforcer l’intégration des soins et de la prévention en s’assurant le soutien des professionnels de santé; à intégrer l’éducation à la santé en tant qu’élément fondamental de la formation médicale initiale et continue, notamment l’éducation à la nutrition, à la santé et aux droits humains, et à inclure les connaissances en matière de santé parmi les indicateurs clés d’une prise en charge hospitalière de qualité;
9.17. à s’intéresser au contexte social général qui influe sur la consommation problématique d’alcool, de tabac et de drogues (y compris les médicaments psychotropes dont la consommation régulière présente également un risque d’addiction) et à inscrire les politiques de lutte contre la dépendance dans le cadre général de la politique économique et sociale;
9.18. à soutenir activement les efforts de l’OMS pour la mise en place d’un cadre international destiné à s’attaquer à l’utilisation nocive de l’alcool, en suivant l’exemple de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac;
9.19. à promouvoir des campagnes d’éducation pour sensibiliser le public à la gravité et aux causes sous-jacentes des accidents, des décès et des blessures liés à la circulation;
10. à adopter des mesures appropriées pour permettre aux personnes âgées de mener une existence indépendante dans leur environnement habituel aussi longtemps qu’elles le souhaitent et que cela est possible, et à mettre en place des programmes de santé mentale pour tout problème psychologique rencontré par les personnes âgées, ainsi que des services de soins palliatifs adéquats;
10.1. à accorder une attention particulière à la santé mentale et psychique, englobant la prévention des troubles mentaux et du suicide; à promouvoir le bien-être et une culture de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, ainsi qu’à favoriser l’intégration sociale des groupes fortement marginalisés tels que les réfugiés, les victimes de catastrophes, les exclus sociaux, les handicapés mentaux, les personnes âgées et infirmes, les femmes et les enfants victimes de violence et également les personnes très pauvres;
10.2. à formuler, mettre en œuvre et assurer le suivi périodique d’une politique nationale cohérente sur l’hygiène et la sécurité au travail, en consultant les organisations patronales et syndicales;
10.3. à développer une mobilité «douce» et des politiques de transport soucieuses de la santé et de l’environnement, tels que les transports publics, le covoiturage et l’autopartage, afin de créer des villes favorables aux piétons et aux cyclistes, en coopération avec les pouvoirs locaux et régionaux;
10.4. à favoriser la participation des organisations de la société civile, telles que les associations de malades et de consommateurs, les associations de solidarité agréées et les organisations non gouvernementales et à les soutenir activement;
10.5. à mettre en place des systèmes d’évaluation, promouvoir la collecte de données et d’informations standardisées ainsi que d’indicateurs pertinents, en conformité avec les recommandations de l’OMS.
11. En conclusion, l’Assemblée invite le Comité des Ministres:
11.1. à examiner, mettre à jour et comparer les politiques nationales et internationales de prévention en matière de santé et les stratégies de promotion de la santé dans les Etats membres du Conseil de l’Europe en coopération avec l’Union européenne;
11.2. à examiner et comparer la mise en œuvre de ces politiques et à encourager les Etats membres à augmenter la part des ressources allouées aux politiques de prévention et de promotion de la santé et à leur conférer un caractère durable;
11.3. à étudier le rôle des organisations nationales, européennes et internationales engagées dans des activités de promotion de la santé et à analyser les possibilités d’une interaction plus stratégique fondée sur les domaines spécialisés de chaque organisation;
11.4. à établir un dialogue constructif avec la Commission européenne, afin de renforcer la solidarité en matière de santé et de réduire les inégalités de santé en Europe, en accordant une attention particulière aux pays non membres de l’Union européenne, en étroite collaboration avec l’OMS; 
11.5. à charger un comité d’experts de préparer un projet de recommandation s’inspirant des éléments ci-dessus avec un délai de deux ans.

B. Exposé des motifs, par Mme Maury Pasquier, rapporteuse 
			(2) 
			La rapporteuse souhaite
remercier les OING du groupe «Prévention et santé» de la Conférence
des OING du Conseil de l’Europe pour leur contribution (en annexe),
les experts de l’OMS pour leur participation à la réunion de la sous-commission
de la santé tenue le 24 novembre 2008 à Genève, ainsi que le professeur
Dragan Gjorgjev et le Dr Peter Makara.

(open)

1. Introduction

1. Le droit à la protection de la santé est énoncé dans l’article 11 de la Charte sociale européenne révisée, qu’il convient de rappeler ici: «En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection de la santé, les parties s’engagent à prendre, soit directement, soit en coopération avec les organisations publiques et privées, des mesures appropriées tendant notamment: à éliminer, dans la mesure du possible, les causes d’une santé déficiente; à prévoir des services de consultation et d’éducation pour ce qui concerne l’amélioration de la santé et le développement du sens de la responsabilité individuelle en matière de santé; à prévenir, dans la mesure du possible, les maladies épidémiques, endémiques et autres, ainsi que les accidents» 
			(3) 
			La Charte contient
plusieurs dispositions qui garantissent explicitement ou non le
droit à la santé. L’article 11 s’applique à plusieurs questions
de santé publique, telles que la sécurité des aliments, la protection
de l’environnement, les programmes de vaccination et l’alcoolisme.
L’article 3 concerne l’hygiène et la sécurité au travail, tandis
que les articles 7 et 17 protègent la santé et le bien-être des
enfants et des adolescents. L'article 8 porte sur la santé des femmes enceintes
et l’article 23 sur la santé des personnes âgées..
2. A la suite de la Recommandation 1626 (2003) de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe intitulée «La réforme des systèmes de santé en Europe: concilier équité, qualité et efficacité», le Comité des Ministres a déclaré en 2004 que «le Conseil de l’Europe continuera de jouer un rôle important pour aider les Etats membres à intégrer la dimension éthique, sociale et des droits de l’homme dans leurs politiques de santé et dans les réformes de leurs systèmes de santé. L’accès des groupes vulnérables et l’établissement d’un nouvel équilibre entre les soins curatifs, les soins préventifs et la promotion de la santé continueront de bénéficier de toute l’attention» 
			(4) 
			Réponse
du Comité des Ministres à la Recommandation 1626 (2003) de l’Assemblée parlementaire sur la réforme des
systèmes de santé en Europe: concilier équité, qualité et efficacité,
adoptée le 3 juin 2004 à la 886e réunion des Délégués des Ministres
(rapporteur: M. Brînzan, Roumanie, Groupe socialiste). Voir également
la Recommandation Rec(2000)18 du Comité des Ministres aux Etats
membres sur les critères de développement des politiques de promotion de
la santé..
3. Dans la Déclaration d’Oslo sur la santé, la dignité et les droits de l’homme, les ministres européens de la Santé réunis à Oslo les 12 et 13 juin 2003 ont préconisé «un équilibre approprié entre soins prophylactiques et soins curatifs, en insistant nettement sur le développement d’un mode de vie sain, afin d’accroître le sens des responsabilités de chacun vis-à-vis de sa propre santé et d’assurer la participation des citoyens au processus de décision concernant les soins de santé» 
			(5) 
			7e Conférence des ministres
européens de la Santé, sur le thème «Santé, dignité et droits de
l’homme» (Oslo, 12‑13 juin 2003)..
4. Dans la majorité des pays membres du Conseil de l’Europe, les contraintes budgétaires pèsent fortement sur le financement public des systèmes de santé tels qu’ils sont organisés actuellement. Les divers contextes budgétaires engendrent donc des politiques de santé qui sont davantage axées sur le traitement des maladies et les systèmes de soins que les politiques de prévention.
5. La population européenne subit actuellement des changements démographiques, dont le vieillissement de la population, qui auront des conséquences importantes sur les individus, les collectivités et les Etats, modifieront les schémas pathologiques, en particulier en ce qui concerne les maladies chroniques et non transmissibles, et pèseront sur la viabilité des systèmes de santé. D’après les prévisions, les maladies chroniques devraient devenir la cause principale du handicap dans le monde d’ici à 2020. Si elles ne font pas l’objet de politiques de prévention et de gestion efficaces, elles deviendront le problème le plus coûteux pour nos systèmes de santé.
6. Vu la pression croissante sur les finances publiques résultant de l’évolution démographique, il devient prioritaire de définir une approche nouvelle permettant à chaque individu d’atteindre le plus haut niveau de santé possible, et ce de manière équitable tout en préservant les équilibres budgétaires.
7. Pour rendre efficaces les politiques de santé en Europe, il est nécessaire d’y intégrer une dimension préventive globale afin de pouvoir comprendre et considérer la santé comme un état de bien-être physique, mental et social total, et non simplement comme l’absence de maladie ou d’infirmité.
8. Selon la rapporteuse, investir dans la prévention présente des avantages économiques et financiers évidents. Les investissements dans la prévention des maladies et la promotion de la santé permettent non seulement de préserver et d’améliorer la santé et la qualité de vie de l’individu, mais également de renforcer la productivité de la société et de maintenir la capacité à travailler de la population. Cela permet de prévenir les décès précoces et les retraites anticipées dues à la maladie, de réduire les pertes de production des entreprises, de maintenir l’autonomie des personnes âgées et d’éviter ou de retarder l’apparition des besoins de prise en charge.
9. La prévention des maladies et la promotion de la santé renforcent également les compétences de la population en matière de santé et conduisent à une demande et à une utilisation plus différenciées des prestations de santé, ce qui peut, à long terme, contribuer à freiner l’augmentation du coût des systèmes de santé.
10. Cela étant, il subsiste des inégalités dans l’accès à l’éducation et à l’information sur la santé ainsi qu’aux soins, la partie de la population bien informée jouissant d’un accès facile aux ressources mises à disposition et les groupes défavorisés ayant davantage de difficultés. Le véritable enjeu consiste donc à garantir l’accès aux ressources disponibles pour ceux qui en ont le plus besoin.
11. Un pourcentage toujours croissant des coûts de santé dans l’ensemble des pays européens est attribuable aux maladies chroniques et évitables – que la médecine conventionnelle a beaucoup de mal à traiter. Notre système récompense et favorise une approche thérapeutique qui vise principalement à réparer ce qui ne va pas. Nous sommes dans une «culture de la maladie» et devons maintenant passer à une «culture de la santé», en veillant à ce que celle-ci reste accessible à l’ensemble de la population.
12. Le présent rapport fait la synthèse des approches préventives existant dans le domaine des soins de santé et de la promotion de la santé. Ces politiques nécessitent une vision à long terme, ce qui n’est pas encore tout à fait le cas dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, en dépit des recommandations formulées en ce sens par plusieurs organisations internationales. Seront également étudiés le coût de l’inaction, les avantages de la prévention et les freins à la mise en œuvre d’une véritable politique de santé globale axée sur la prévention. Seront enfin examinées plusieurs recommandations d’action qu’il conviendra de prendre en compte lors de l’élaboration des stratégies de promotion de la santé: celles-ci sont tirées des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), des conclusions du Comité européen des Droits sociaux du Conseil de l’Europe ainsi que de rapports de recherche récents sur la santé publique.

2. Qui fait quoi au niveau international

13. La prévention des maladies et la promotion de la santé ont gagné en importance dans les politiques de santé internationales. Les politiques et structures nationales de santé restent toutefois basées sur des normes et valeurs profondément ancrées, qui varient d’une société à l’autre. Vu les différences considérables entre les pays, les concepts précités ne peuvent être considérés comme étant communs à tous: les termes «prévention», «promotion de la santé» et «santé publique», par exemple, sont utilisés différemment, ce qui empêche toute comparaison directe.
14. Cela dit, de nettes tendances se dégagent des principaux documents d’orientation et des recommandations des organisations européennes et internationales – en particulier l’OMS, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la Commission européenne et le Conseil de l’Europe.
15. Les politiques visent de plus en plus à aller au-delà d’une simple modification des comportements et se préoccupent des inégalités en matière de santé et des déterminants de la santé, c’est-à-dire des causes profondes de la santé et de la maladie. Cela signifie qu’une politique de santé moderne doit également porter sur d’autres domaines politiques et sociaux.
16. Bien qu’une comparaison entre les systèmes de santé soit possible, il n’existe à ce jour aucun projet global de recensement et d’analyse systématiques des très nombreux projets de lois, de politiques et de programmes dans le domaine de la prévention et de la promotion de la santé 
			(6) 
			L’Observatoire
européen des systèmes et des politiques de santé de l’OMS ne joue
que partiellement ce rôle.. Les paragraphes suivantes donnent un bref aperçu des activités des principales organisations internationales qui s’occupent des politiques de prévention en matière de santé et des actions de promotion de la santé.

2.1. Organisation mondiale de la santé (OMS)

17. Cela fait de nombreuses années que l’OMS souligne la nécessité d’investissements dans le domaine de la santé; elle a publié des documents qui comptent parmi les plus influents dans le domaine de la prévention et de la promotion de la santé, tels que la Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé, la Convention-cadre pour la lutte antitabac, la Stratégie mondiale pour l’alimentation, l’exercice physique et la santé, et le Programme d’action 2008-2013 pour une stratégie globale de prévention et de contrôle des maladies non transmissibles. En ce qui concerne les maladies infectieuses, l’OMS a créé un système mondial de surveillance par la mise en place d’un «réseau des réseaux», qui regroupe les réseaux de laboratoires et de centres médicaux existant aux niveaux local, régional, national et international.

2.2. Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

18. Le thème central du travail de l’OCDE sur les politiques de santé est la mesure et l’amélioration des performances des systèmes de santé dans les pays membres. Bon nombre de pays disposent d’un cadre national de mesure des performances de leur système de santé et ont mis en œuvre des réformes. L’OCDE, dans son «Panorama de la santé 2007», montre une progression de la qualité des soins de santé dans les pays de l’OCDE, mesurée par la prestation de soins appropriés ou par l’amélioration effective de l’état de santé. Cependant, la prévention et la gestion des maladies chroniques représentent un défi de plus en plus grand pour les politiques de santé.

2.3. Union européenne

19. La stratégie de l’Union européenne en matière de santé est axée sur la santé en tant que condition préalable au progrès économique, les inégalités de santé au sein des 27 Etats membres de l’Union et entre eux, la promotion de la santé dans tous les secteurs d’action ainsi que la mobilisation de tous les acteurs concernés. Le programme d’action communautaire dans le domaine de la santé publique pour 2008-2013 entend promouvoir la santé dans une Europe vieillissante, protéger le public des menaces pour la santé et favoriser les systèmes de santé dynamiques et les nouvelles technologies. Des actions dans le domaine de la santé et de la protection des consommateurs sont également menées, et un pacte européen pour la santé mentale et le bien-être contribue à informer le public sur les troubles mentaux.

2.4. Conseil de l’Europe

20. Les représentants nationaux des 47 Etats membres travaillent de concert avec des experts pour définir des garanties minimales permettant de protéger les droits humains, le droit à la protection de la santé et les droits des patients au niveau européen. La protection et la promotion de la santé sont les deux lignes d’action suivies pour l’élaboration d’une politique de santé européenne conforme à l’éthique. Il s’agit de rapprocher les domaines des droits humains, de la cohésion sociale et de la santé, d’harmoniser les différentes politiques de santé des Etats membres en termes de sécurité et de qualité, de développer la médecine préventive et l’éducation à la santé, et de promouvoir les droits des patients, l’accès aux soins, la participation du citoyen et la protection des groupes vulnérables. Les activités de coopération menées avec l’OMS et la Commission européenne, telles que le Réseau d’écoles pour la santé en Europe et le Réseau-santé de l’Europe du Sud-Est,visent à établir un lien entre les principes et normes et des situations concrètes.
21. Les politiques de prévention en matière de santé et de promotion de la santé tireront certainement profit d’un partage d’informations entre les pays et d’une coopération globale. Cela étant, si un certain chevauchement d’activités entre des organisations différentes est inévitable et si des perspectives différentes sont souhaitables, il conviendrait de prévoir une interaction plus stratégique, reposant sur les domaines de spécialisation de chaque organisation. L’existence de nombreux mandats voisins peut être source de confusion et s’avérer inutile, notamment lorsque les ressources disponibles pour la réalisation de ceux-ci sont limitées et ne suivent pas.
22. Les efforts déployés par les organisations internationales et supranationales ainsi que les actions de sensibilisation menées de concert par les ONG ont abouti à une plus grande reconnaissance de l’importance des politiques de promotion de la santé. Si les politiques présentées officiellement montrent une tendance à la convergence, il semble toutefois y avoir de grandes disparités dans la volonté de les mettre en œuvre 
			(7) 
			Saltman
Richard B., «Convergence versus social embeddedness – debating the
future direction of health care systems», European Journal of Public
Health, 1997..
23. Il importe de souligner que le domaine de la santé relève essentiellement de la compétence de l’Etat et que l’accès aux soins reste une préoccupation majeure, qui passe bien avant le développement d’une culture de la prévention. Si les systèmes de santé européens sont appréciés pour leur capacité à offrir des traitements à un coût raisonnable, les politiques de prévention, qui nécessitent un sens de l’anticipation et la mise en œuvre de stratégies à plus long terme, ne constituent visiblement pas une priorité des pouvoirs publics.

3. Le coût de l’inaction et les avantages de la prévention

24. Les contraintes budgétaires ayant un impact toujours plus grand sur l’organisation de nos systèmes de santé, il pourrait être utile d’encourager les politiques de prévention en vue de faire des économies. Il suffit d’examiner les données épidémiologiques pour s’en convaincre.
25. Le vieillissement de la population pose des difficultés supplémentaires. D’ici à 2050, plus d’un quart de la population de la région européenne de l’OMS aura plus de 65 ans. Au moins 35 % des hommes de plus de 60 ans sont atteints de plusieurs affections chroniques; la comorbidité augmente progressivement avec l’âge et est plus importante chez les femmes. La prise en charge des patients atteints de maladies chroniques exige des services de santé efficaces qui mènent une action de promotion de la santé et sont en mesure de gérer des maladies complexes, de longue durée et nécessitant une démarche axée sur le patient 
			(8) 
			OMS,
«La lutte contre les principales maladies en Europe: problèmes et
solutions – EURO/03/06», Copenhague, 11 septembre 2006..
26. Les indicateurs sanitaires montrent une progression des maladies chroniques et des modes de vie défavorables à la santé, qui sont le symbole de la société de consommation globale. Aujourd’hui, les maladies non transmissibles causent 86 % des décès et 77 % de la charge de morbidité. Ce groupe d’affections comprend les maladies cardio-vasculaires, le cancer, les problèmes de santé mentale, le diabète sucré, les maladies respiratoires chroniques et les troubles musculo-squelettiques. Les maladies cardio-vasculaires sont la principale cause de décès, puisqu’elles sont à l’origine de plus de la moitié des décès dans l’ensemble de la région, les maladies cardiaques ou les accidents vasculaires cérébraux constituant la première cause de décès dans tous les pays.
27. Selon l’OMS, sept facteurs de risque expliquent près de 60 % de la charge de morbidité en Europe: l’hypertension (12,8 %), le tabagisme (12,3 %), l’abus d’alcool (10,1 %), l’hypercholestérolémie (8,7 %), le surpoids (7,8 %), la faible consommation de fruits et de légumes (4,4 %) et le manque d’activité physique (3,5 %).
28. Ces facteurs de risque communs ont des déterminants économiques, sociaux, liés au sexe, politiques, comportementaux et environnementaux 
			(9) 
			Voir Wilkinson R. et
Marmot M. (sous la direction de), Les déterminants sociaux de la
santé. Les faits, Bureau régional de l’OMS pour l’Europe, Copenhague,
2003.. Par exemple, des différences entre groupes socio-économiques s’agissant de la mortalité par maladies cardio-vasculaires et des facteurs de risque de maladie cardio-vasculaire ont été signalées dans de nombreux pays. L’élimination de l’écart entre groupes socio-économiques inférieurs et supérieurs offre un potentiel considérable de réduction de la mortalité due aux maladies cardio-vasculaires et aux autres affections non transmissibles.
29. A titre d’exemple, outre les problèmes de santé liés à la consommation de tabac, on recense chaque année environ 650 000 décès dus au tabagisme dans l’Union européenne. Près de la moitié des victimes ont entre 35 et 69 ans, ce qui est un âge bien inférieur à l’espérance de vie moyenne. Les coûts directs et indirects en Europe ont été estimés par l’OMS entre 97,7 et 130,3 milliards d’euros en 2000, ce qui représente entre 1,04 % et 1,39 % du produit intérieur brut (PIB) de l’Union européenne 
			(10) 
			OMS, Bureau régional
pour l’Europe, Rapport sur la lutte antitabac en Europe 2007..
30. Dans les pays d’Europe centrale et orientale, on meurt de toutes les maladies chroniques à des âges beaucoup plus jeunes qu’en Europe occidentale. En Hongrie, le coût du tabagisme s’élevait à 3,2 % du PIB en 1998, tandis qu’en Finlande et en France il était estimé entre 1,1 % et 1,3 % du PIB. En Suède, le coût global des soins de santé et de la perte de productivité due au tabagisme s’élevait à 26 milliards de couronnes suédoises en 2001, un chiffre comparable à la contribution nationale à l’aide internationale (21 milliards) ou au fonctionnement du système judiciaire (23 milliards) 
			(11) 
			Ibid..
31. En outre, les conséquences économiques des maladies non transmissibles sont supérieures au coût direct des services de santé. En Suède, il a été estimé que plus de 90 % des dépenses liées aux affections musculo-squelettiques étaient de nature indirecte (congés de maladie: 31,5 %; retraite anticipée: 59 %). Les décès prématurés de chefs de famille et de travailleurs qualifiés ont des effets non seulement sur les revenus des ménages, mais également sur l’économie nationale. Selon les estimations, les maladies non transmissibles ont réduit de 1 % le PIB de la Fédération de Russie en 2005 
			(12) 
			OMS-Europe,
Améliorer la santé. Stratégie européenne contre les maladies non
transmissibles: prévention et lutte, 2006; OMS-Europe, «Les maladies
non transmissibles dans la région européenne de l’OMS: un défi à
relever», 2004..
32. L’OMS demande aux Etats de prendre des mesures et de mettre en œuvre des programmes d’action collective destinés au grand public, pour la diminution du sel dans les aliments transformés, la réduction de la quantité de matières grasses dans l’alimentation, la promotion de l’exercice physique et la consommation de fruits et légumes, ou encore la lutte contre le tabagisme. Il s’agit là des interventions reconnues comme étant les plus efficaces pour lutter contre les maladies cardio-vasculaires.
33. Le premier effet de la prévention est d’assurer à l’ensemble de la population une meilleure qualité de vie en réduisant l’occurrence ou la gravité des maladies, et en permettant aux individus de prendre en main leur santé et leur bien-être. Outre ces avantages intangibles, la prévention a également d’importants effets financiers, car elle permet à la sécurité sociale de réaliser des économies en réduisant la durée d’indisponibilité des travailleurs. Enfin, une politique de prévention ciblée peut contribuer à des économies directes pour l’assurance-maladie en évitant ou en réduisant le coût des traitements futurs.
34. Les autorités compétentes se trouvent confrontées à une demande forte et sans cesse croissante d’augmenter la capacité des systèmes de santé à répondre aux besoins des consommateurs et des patients, à améliorer la qualité des soins et à corriger les disparités s’agissant de l’état de santé et de l’accès aux soins. Le principe selon lequel l’amélioration de l’état de santé général représente un atout de plus pour la croissance économique et donc une source de revenus supplémentaire est si bien établi qu’il n’est que rarement remis en question. Toutefois, de l’avis de la rapporteuse, l’analyse de la part du pouvoir dans ce que les politiques font gagner ou perdre semble actuellement négligée.

4. Les freins à la mise en œuvre d’une véritable politique de prévention

35. Les données disponibles montrent que l’allocation de ressources va essentiellement et à grands frais aux services curatifs et aux soins médicaux traditionnels, tandis que la prévention primaire et la promotion de la santé sont négligées. En moyenne, les pays de l’OCDE ont affecté à peine plus de 3 % de leurs dépenses publiques de santé à un large éventail d’activités telles que des programmes de vaccination et des campagnes de santé publique sur l’abus d’alcool et de tabac. La grande disparité s’explique dans une large mesure par la manière dont les campagnes de prévention sont organisées au niveau national 
			(13) 
			D’après les analyses
de l’OCDE, lorsque ces initiatives sont menées au niveau des soins
primaires, comme c’est le cas en Espagne, la fonction de prévention
n’est pas définie séparément et elle est généralement incluse dans
les dépenses au titre des soins curatifs. D’autres pays adoptant
une approche plus centralisée des campagnes de santé publique et
de prévention peuvent mieux identifier les dépenses au titre de
ces programmes..

Part des dépenses publiques allouées à la santé publique et la prévention dans les pays de l’OCDE (2005)

Graphic

Source: Panorama de la santé 2007, OCDE.

36. Il semble en outre que, par rapport au budget consacré à la médecine curative, les efforts des pouvoirs publics en matière de prévention des maladies et de promotion de la santé soient minimaux. En effet, les dépenses publiques affectées à la prévention des maladies dans la zone européenne représentaient entre 0,1 % et 0,5 % du PIB. A titre comparatif, la République tchèque, l’Islande, le Luxembourg et la Pologne y ont consacré 0,1 % de leur PIB, contre 0,2 % pour la France, l’Autriche, le Danemark, la Norvège, le Portugal, la République slovaque, l’Espagne, la Suède et la Suisse, 0,3 % pour l’Allemagne, 0,4 % pour la Finlande, la Belgique et les Pays-Bas et 0,5 % pour la Hongrie 
			(14) 
			OCDE Santé 2008 (décembre
2008).. Quelles sont les raisons d’un tel déséquilibre entre les moyens financiers alloués à la prévention et ceux attribués au traitement des maladies?
37. Il existe un certain nombre d’obstacles à la mise en œuvre d’une vision globale et coordonnée de la prévention, véritable continuum reposant sur la participation de tous les acteurs concernés dans le domaine de la santé, de l’éducation et de l’aide sociale et sur la nécessaire prise de conscience par chacun de l’importance de son capital santé:
37.1. Une vision à court terme: les dépenses consacrées à la prévention présentent un inconvénient pour les autorités compétentes, résultant du fait que les effets des actions de prévention ne se voient souvent qu’à long terme. Les autorités qui se lancent dans un vaste programme de prévention risquent donc ne jamais voir les bénéfices de leur politique (qui sont souvent récoltés par celles qui leur succèdent).
37.2. Des moyens financiers et humains limités: la plupart des systèmes de santé actuels visent à répondre à des problèmes graves, aux besoins urgents des patients et à des questions pressantes. Les soins de santé préventifs sont fondamentalement différents des soins de santé pour des problèmes graves, et font très nettement défaut dans le monde entier. Les budgets consacrés à la prévention sont toujours difficiles à évaluer, mais sont, en tout état de cause, modestes, de même que les moyens en personnel dédiés à la prévention, qu’il s’agisse de ceux de la médecine scolaire, de la médecine du travail ou de la médecine de santé publique. La formation des acteurs non dédiés exclusivement à la prévention est par ailleurs souvent inadéquate.
37.3. La difficulté de l’adoption et du contrôle de l’application de règles contraignantes: elle tient parfois à l’influence de puissants lobbys et d’intérêts économiques qui ont pu empêcher l’adoption de lois dans des secteurs tels que l’hygiène alimentaire, l’agriculture, le transport, l’industrie, le tabac et l’alcool. Même lorsque ces lois existent, elles sont souvent contournées et leur application est quelquefois laissée au bon vouloir des parties concernées.
37.4. L’absence d’une réelle continuité dans les politiques et de participation des pouvoirs locaux: la prévention consiste trop souvent en de grandes campagnes médiatiques nationales sans impact réel sur l’action au niveau local ou sur le terrain. L’insuffisance de l’évaluation des actions menées empêche de poursuivre et de généraliser certaines démarches innovantes.
37.5. La question du rôle des médias: l’information qu’ils délivrent au grand public perturbe quelquefois la perception de certains risques ou des véritables enjeux de la prévention. La forte interdépendance entre les questions sur lesquelles se focalise l’opinion publique, les décisions politiques et les allocations budgétaires entraîne souvent une disproportion entre la gravité de certains risques et les sommes consacrées à leur réduction 
			(15) 
			David
Crainich, Itinera Institute, «Vers une politique de prévention des
maladies plus conséquente», 2007..
38. En dépit de ces obstacles, des tendances positives peuvent être observées, et notamment l’attention accrue accordée aux stratégies qui se concentrent sur les déterminants et les inégalités en matière de santé et visent l’amélioration de la santé. De même, la santé mentale gagne en importance, l’apparition de nouveaux partenaires favorise l’intersectorialité, et de nouvelles formes d’organisation et de financement, par exemple les fondations, sont expérimentées dans plusieurs pays.
39. De manière générale, les actions de prévention sont encore trop souvent basées sur une vision biomédicale de la santé. Or, la prévention en matière de santé ne peut être réellement efficace que si les conditions de vie offertes à la population lui évitent d’être exposée à un certain nombre de risques et lui permettent de recevoir les messages de prévention.

5. Une approche globale et coordonnée de la prévention et de la promotion de la santé: quelques recommandations d’action

40. Les spécificités d’un pays doivent être prises en compte dans le choix de la politique appropriée. Les études et les plans d’action nationaux, européens et internationaux sur la prévention des maladies permettent de dégager un certain nombre de pistes à explorer ou d’approches pouvant s’avérer utiles pour l’amélioration des performances des systèmes de santé nationaux.
41. Un nombre croissant d’Etats élaborent actuellement des politiques et des programmes qui s’attaquent aux causes profondes des problèmes de santé et des inégalités en matière de santé, et répondent aux besoins des populations touchées par la pauvreté et défavorisées au plan social.Cela a permis de mieux comprendre que la santé est très influencée par le milieu social et ce que l’on appelle les «déterminants sociaux de la santé» 
			(16) 
			OMS, Les déterminants
sociaux de la santé. Les faits, 2e édition, 2003; OMS – Commission
des déterminants sociaux de la santé, Combler le fossé en une génération.
Instaurer l’équité en santé en agissant sur les déterminants sociaux
de la santé, 2008..Les paragraphes suivants présentent un ensemble d’actions prioritaires, de recommandations stratégiques et de difficultés auxquelles sont confrontés les responsables politiques:
41.1. Promouvoir une meilleure coordination entre les différentes politiques et une approche dite de «la santé dans toutes les politiques»: une politique de prévention efficace et novatrice doit assurer un continuum stratégique pour tous les âges de la vie, qui englobe les aspects préventif et curatif et tient compte en particulier des différentes politiques. Les politiques publiques peuvent favoriser un environnement social propice à la santé. Les politiques dans des domaines aussi divers que l’intégration sociale, l’éducation, la nutrition, l’agriculture, la production chimique, l’industrie, la circulation routière, les transports, la consommation d’alcool ou de tabac, ou autres qui ne relèvent pas à proprement parler de la compétence des autorités de santé, doivent être adaptées en conséquence. La réalisation d’études d’impact sur la santé lors de la mise en place d’une politique publique, par exemple, pourrait faciliter cette coordination sans compromettre l’équilibre budgétaire.
41.2. Coopérer activement avec l’OMS et le système mondial de surveillance afin de stopper la propagation de maladies infectieuses: la mondialisation entraîne une propagation rapide des nouvelles maladies infectieuses, telles que le SRAS et le VIH/sida, ainsi que la réapparition d’autres maladies, comme la tuberculose et la malaria. Le degré de priorité accordé à la prévention du VIH est systématiquement bien inférieur à ce qu’il devrait être dans bon nombre de ripostes nationales 
			(17) 
			ONUsida,
Rapport sur l’épidémie mondiale du sida.. L’on craint de plus en plus une pandémie mondiale de grippe et l’état de préparation est critique à tous les niveaux de l’administration de la santé, notamment au niveau international.
41.3. Agir sur la prévention et la réduction des risques au niveau environnemental (pollution, usage intensif d’antibiotiques dans l’élevage, de pesticides dans l’agriculture, etc.): bon nombre de mesures en faveur de l’hygiène environnementale sont économiques par rapport aux interventions curatives plus conventionnelles du secteur de la santé. Prenons l’exemple de la suppression progressive de l’essence plombée. On estime que le retard mental dû à l’exposition au plomb est en général près de 30 fois plus élevé dans les régions où l’on utilise encore de l’essence plombée que dans celles où elle n’est plus utilisée. L’Assemblée s’est récemment penchée sur cette question dans sa Recommandation 1863 (2009) «Environnement et santé: mieux prévenir les risques sanitaires liés à l’environnement», que l’on consultera pour plus d’informations 
			(18) 
			Voir la Déclaration
de Parme sur l’environnement et la santé, OMS Europe – 5e Conférence
ministérielle sur l’environnement et la santé, Parme (Italie), 10-12
mars 2010. .
41.4. Incorporer expressément les politiques de prévention dans les stratégies de réduction de la pauvreté et les politiques socio-économiques pertinentes: les inégalités en matière d’accès à la protection, d’exposition aux risques et d’accès aux soins sont source d’inégalités majeures en ce qui concerne la survenue et l’issue des maladies. Ces problèmes touchent en général les mêmes personnes et leurs effets sur la santé s’accumulent avec le temps. Ils incluent la modicité du patrimoine familial, le manque d’instruction au cours de l’adolescence, la précarité de l’emploi, l’impossibilité de renoncer à un emploi dangereux ou sans avenir, les mauvaises conditions de logement, les circonstances rendant difficile l’éducation des enfants et la perception d’une pension de retraite insuffisante. Plus les gens vivent longtemps dans des conditions économiques et sociales stressantes, plus l’usure physiologique est grande et moins ils ont de chances de vieillir en bonne santé. Pour rééquilibrer la situation, il faut réduire les taux d’échec scolaire, l’insécurité et le chômage, améliorer l’habitat, mettre en place des garanties de salaire minimum ainsi qu’une législation en la matière, et assurer l’accès aux services.
41.5. Favoriser un bon départ dans la vie pour les familles et les jeunes enfants: la recherche montre que les fondements de la santé de l’adulte s’établissent dans la période prénatale et la petite enfance. Une croissance insuffisante ou une carence affective pendant cette période augmentent le risque d’une santé physique déficiente et réduisent les capacités physiques, intellectuelles et affectives au cours de la vie adulte. Un attachement affectif déficient et le manque de stimulation peuvent limiter les capacités scolaires et le niveau d’instruction, provoquer des problèmes de comportement et entraîner un risque de marginalisation sociale à l’âge adulte. L’adoption d’un mode de vie sain (alimentation équilibrée, exercice physique, abstinence tabagique, etc.) est associée à l’exemple que l’on a reçu de ses parents ou de ses pairs et à une bonne éducation. Une croissance physique lente ou retardée lors de la petite enfance entrave le développement et les fonctions cardio-vasculaire, respiratoire, pancréatique et rénale, ce qui accroît le risque de maladie à l’âge adulte. Il apparaît donc essentiel de renforcer les soins préventifs avant la première grossesse et pour les mères et les nourrissons dans des centres de soins pré- et postnatals, pédiatriques et scolaires, et d’améliorer le niveau d’instruction des parents et des enfants.
41.6. L’éducation à la santé et l’acquisition des connaissances de base en matière de santé doivent être une priorité des politiques de santé publique: tous les individus, et en particulier les enfants, ont le droit d’acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour pouvoir adopter un mode de vie sain et éviter les pièges de la société de consommation. Cet apprentissage devrait être intégré aux programmes scolaires et exploiter toutes les possibilités qu’offrent les nouvelles technologies, en mettant l’accent en particulier sur le tabagisme, la toxicomanie, l’abus d’alcool, la nutrition, la mobilité et la sécurité, le sport et l’éducation sexuelle. Il est indispensable d’associer les jeunes à l’élaboration des mesures visant à répondre à leurs besoins particuliers en matière d’éducation. Le cadre de vie scolaire devrait également favoriser l’adoption de comportements sains, par les conditions de travail, d’hygiène ou d’alimentation offertes aux élèves. Des examens médicaux périodiques devraient être effectués tout au long de la scolarité. Les programmes d’immunisation devraient être largement accessibles, avec des pourcentages élevés de couverture vaccinale. Les soins de santé doivent être disponibles sans discrimination pour tous les enfants, y compris les enfants de migrants irréguliers ou sans papiers.
41.7. Assurer un processus transparent et responsable de prise de décisions pour l’ensemble des questions relatives à la réglementation de l’alimentation, pour que tous puissent se procurer des aliments nutritifs et frais à un prix abordable: les pénuries alimentaires et une alimentation peu variée sont source de malnutrition et de maladies carentielles. L’excès de nourriture, qui est aussi une forme de malnutrition, contribue à l’apparition de maladies cardio-vasculaires, du diabète, du cancer, de maladies dégénératives de l’œil, de l’obésité et de caries dentaires. En matière d’alimentation, l’insuffisance côtoie l’abondance. Le lien entre obésité infantile et pauvreté est confirmé. La disponibilité et le coût des aliments nutritifs et sains sont un enjeu majeur de santé publique. Il convient de promouvoir les méthodes de production alimentaire et d’agriculture durables qui préservent les ressources naturelles et l’environnement; il reste également indispensable de développer une culture plus forte de la nutrition-santé, afin d’améliorer les connaissances de la population, et notamment des enfants, sur les aliments et la nutrition.
41.8. Prêter attention aux risques de stigmatisation: les campagnes sur la nutrition et le poids de santé peuvent avoir des effets préjudiciables non recherchés et ne devraient pas stigmatiser les personnes en surpoids, au risque de les voir nier leur problème; elles doivent également prêter attention aux personnes présentant un risque de développer des troubles de l’image du corps et de l’alimentation, tels que la boulimie et l’anorexie. Les efforts doivent porter sur l’identification de possibilités de partenariat entre les secteurs des médias et de la mode qui véhiculent une image positive du corps.
41.9. Encourager le secteur privé à s’engager davantage en faveur des questions de santé: sensibiliser les industries impliquant des risques potentiels à leurs responsabilités par la négociation; promouvoir la responsabilité sociale d’entreprise; travailler avec les industries agroalimentaire et publicitaire pour encourager la prise en compte de données, faits et chiffres clés sur les maladies non transmissibles et améliorer l’environnement nutritionnel, en particulier la production, la fourniture et la commercialisation de denrées alimentaires; formuler des recommandations en faveur de la réduction des taux de graisses saturées et de sucre ajouté et de la commercialisation de versions à taux de graisse réduit/faible et à taux de sucre réduit/faible/sans sucre de certains produits alimentaires; il conviendrait également d’étudier les règles de marketing et de publicité, ainsi que celles concernant l’image du corps, et d’interdire la publicité pour des produits nocifs pour la santé.
41.10. Renforcer la coordination entre soins et prévention en s’assurant le soutien des professionnels de santé: intégrer l’éducation à la santé en tant qu’élément fondamental de la formation médicale initiale et continue, et notamment l’éducation à la nutrition, à la santé et aux droits humains; inclure la connaissance de la santé en tant qu’indicateur clé d’une prise en charge hospitalière de qualité. Cela englobe un intérêt soutenu pour les déterminants de la santé et une diminution du recours systématique et abusif aux médicaments, qui peut être coûteux, inutile et/ou nuisible, voire dangereux.
41.11. Promouvoir un dépistage universel des facteurs de risque à des âges clés de la vie ou dans des situations spécifiques: faciliter les consultations familiales pour la prévention de certains risques génétiques ou environnementaux; appliquer des approches rentables pour la prévention des maladies bucco-dentaires et le dépistage précoce des cancers du sein et du col de l’utérus, du diabète, de l’hypertension et d’autres facteurs de risque cardio-vasculaire. Les examens et tests de dépistage sont malheureusement toujours réalisés de façon inégale et tendent à être limités aux régions les plus riches: un programme universel d’évaluation et de gestion des risques permettrait d’augmenter le recours à des interventions préventives et offrirait une chance réelle de réduire les inégalités en matière de santé.
41.12. S’intéresser au contexte social au sens large, qui influe sur la consommation d’alcool, de drogues et de tabac: la dépendance est étroitement associée à des indicateurs de situation défavorisée sur les plans économique et social; la disponibilité des produits doit être réglementée par une politique des prix et d’octroi de licences; il convient également d’informer le public des modes de consommation moins néfastes, de recourir à l’éducation sanitaire pour réduire le nombre de nouveaux jeunes consommateurs et d’offrir des traitements efficaces aux personnes dépendantes. La réponse qui consisterait à montrer du doigt le seul consommateur est clairement inadéquate. Cela reviendrait à rejeter la responsabilité sur la victime au lieu de s’attaquer aux circonstances sociales complexes qui entraînent la consommation de drogues légales ou illégales. Pour être efficace, une politique de lutte contre la dépendance doit donc s’inscrire dans le cadre général de la politique économique et sociale.
41.13. Adopter des mesures appropriées en faveur de l’autonomie des personnes âgées: les politiques devraient permettre aux personnes âgées de choisir librement leur mode de vie et de mener une existence indépendante dans leur environnement habituel aussi longtemps qu’elles le souhaitent et que cela est possible, moyennant les soins de santé et les services que nécessiterait leur état. S’agissant du droit des personnes âgées à des soins de santé adéquats, l’article 23 de la Charte sociale européenne demande la mise en place de programmes et de services de santé (en particulier les soins infirmiers et à domicile) spécifiquement axés sur les personnes âgées. Il devrait également y avoir des programmes de santé mentale pour tout problème psychologique rencontré par les personnes âgées, ainsi que des services de soins palliatifs adéquats.
41.14. Accorder une attention particulière à la santé mentale et psychique: cela englobe la promotion du bien-être, la prévention des troubles mentaux, le traitement et la réadaptation des personnes atteintes de ces troubles, et la promotion d’une culture de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale; il conviendrait également d’élargir le champ des actions de prévention du suicide, notamment chez les jeunes, en privilégiant une approche plus globale de la santé mentale dans ses diverses composantes (biologique, psychologique et sociale). Une politique nationale de santé mentale doit également viser l’intégration sociale de groupes fortement marginalisés tels que les réfugiés, les victimes de catastrophes, les exclus sociaux, les handicapés mentaux, les personnes très âgées et infirmes, les femmes et les enfants victimes de violence, ainsi que les très pauvres.
41.15. Formuler, mettre en œuvre et assurer le suivi périodique d’une politique nationale cohérente sur l’hygiène et la sécurité au travail, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs: mettre en place une infrastructure efficace de protection de la santé sur le lieu de travail, soumise à une réglementation prévoyant des inspections; promouvoir le droit à la santé au travail et agir sur la prévention et la réduction des risques sur le lieu de travail, qui est aussi, à bien des égards, un lieu propice à la prévention et au dépistage précoce des maladies non transmissibles; encourager l’accès au sport et à un mode de vie actif sur le lieu de travail; prévoir des postes de travail sécurisés, sains et ergonomiques pour réduire le poids des troubles musculo-squelettiques.
41.16. Développer des politiques des transports soucieuses de la santé et des villes favorables aux piétons et aux cyclistes, en coopération avec les pouvoirs locaux et régionaux: l’environnement immédiat joue un rôle crucial dans la santé et le bien-être des individus; l’amélioration des transports en commun passe par la diminution des déplacements en voiture au profit du vélo ou de la marche; il conviendrait également d’augmenter le soutien financier aux transports en commun plutôt qu’à la construction de routes, d’introduire le principe du «pollueur-payeur» en taxant la pollution causée par l’utilisation des véhicules, de modifier l’aménagement du territoire, par exemple par la conversion des routes en espaces verts, la multiplication des couloirs d’autobus et des pistes cyclables, et la promotion du commerce en centre-ville plutôt que des supermarchés en dehors des villes.
41.17. 41.17. Favoriser la participation des organisations de la société civile: les associations de malades et de consommateurs, associations de solidarité agréées, et les organisations non gouvernementales et intergouvernementales peuvent contribuer à diffuser l’information et sensibiliser l’opinion. En outre, la participation des patients, consommateurs et citoyens aux décisions concernant leur santé est l’un des principes fondamentaux d’une politique de santé publique moderne, qui encourage la coopération, la négociation et la résolution des problèmes.
41.18. Mettre en place des systèmes d’évaluation des politiques de prévention: il est indispensable de mesurer l’évolution de la situation et les résultats obtenus pour assurer une surveillance fiable des mesures prises et de leurs effets, sur la base d’indicateurs développés par chaque pays; il conviendrait de promouvoir la collecte de données et d’informations standardisées et d’encourager l’uniformisation des indicateurs utilisés pour l’évaluation de ces politiques 
			(19) 
			Par exemple, l’OMS
dispose de valeurs de référence pour un grand nombre d’indicateurs
et a mis en place un système d’information statistique, l’approche
«STEPwise» pour la surveillance des facteurs de risque, ainsi que
des enquêtes sur la capacité nationale de lutte contre les maladies
non transmissibles. .

6. Conclusions

42. La prévention est avant tout une manière d’agir, une question d’état d’esprit autant que de moyens. L’Etat peut, par certaines mesures, contribuer à faire évoluer les mentalités, à créer un contexte social, économique et environnemental favorable à la santé, et à poser les jalons d’une culture de prévention et de promotion de la santé.
43. La médecine de demain devrait permettre de regarder les choses sous un nouvel angle et de révéler les causes véritables de la maladie. Dans la plupart des cas, celle-ci trouve son origine dans la malnutrition, la pollution, le stress, le pessimisme, l’addiction et le manque d’exercice, la principale cause étant l’ignorance. A l’origine, le mot «docteur» signifiait «enseignant» ou «homme instruit»: c’est peut-être là le principal rôle d’un professionnel de santé.
44. Dans le Plan d’action de Varsovie de 2005, les Etats membres du Conseil de l’Europe sont convenus que la protection de la santé en tant que droit social est une condition essentielle de la cohésion sociale et de la stabilité économique. Ils se sont montrés favorables à la mise en œuvre d’une approche stratégique intégrée en matière de santé et d’activités liées à la santé. L’aide sociale est un déterminant de la santé fondamental. Le principal critère pour apprécier le succès de la réforme des systèmes de santé demeure l’accès effectif aux services de santé, y compris la prévention et la promotion de la santé, pour tous et sans discrimination, en tant que droit fondamental de l’individu.
45. De l’avis de la rapporteuse, le secteur de la santé, qui se caractérise notamment par de puissants lobbys pharmaceutiques et qui subit de ce fait les lois du marché, ne remet que rarement en question le rapport coût-bénéfice de techniques de pointe toujours plus coûteuses. Il souffre également de la faible place laissée aux organisations de patients, aux ONG et aux professionnels de la santé, qui pourraient apporter une contribution précieuse en matière de prévention en termes de ressources et de capital humain.
46. Les données internationales indiquent qu’il est possible d’améliorer le rapport coût/efficacité des systèmes de soins 
			(20) 
			A ce propos, le travail
accompli par l’OCDE, visant à mesurer et analyser les performances
des systèmes de santé dans ses Etats membres, demeure des plus appréciés.. Il ne suffit pas, toutefois, de réduire les coûts: il faut également dépenser autrement et penser la politique de la santé de façon globale, en intégrant dans les réformes à entreprendre une dimension éthique, sociale et des droits humains.
47. En conclusion, il semble justifié de préconiser une action concertée et concrète dans le domaine de la prévention dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, visant à consacrer au minimum 0,5 % du PIB aux politiques de prévention en matière de santé.
48. Il serait également souhaitable de renforcer la coopération entre l’OMS et le Conseil de l’Europe sur les questions de santé, ce dernier offrant une plate-forme parlementaire et de la société civile dans une Europe élargie.

Annexe – Recommandations des organisations internationales non gouvernementales du Conseil de l’Europe pour une «Politique de prévention en matière de santé des Etats membres du Conseil de l’Europe» (Strasbourg, 4 décembre 2009)

(open)

Plusieurs OING 
			(21) 
			OING
participantes au groupe de travail «prévention en matière de santé»: Alzheimer
Europe: Diane Gove; Association européenne pour l’éducation aux
media audiovisuels (AEEMA): Christiaan Colpaert; Association internationale
pour la recherche en hygiène hospitalière (AIRHH): Franco Marziale,
Henri de Monclos; B’Nai B’Rith «Conseil international» (ICBB): Gilbert
Nerson; Comité européen pour l’éducation des enfants et des adolescents précoces,
surdoués, talentueux (EUROTALENT): Jean Brunault, Mohamed Derghal;
Conseil européen pour l’homéopathie classique (ECCH): Stephen Gordon;
Fédération abolitionniste internationale (FAI): Roger Beaufils; Fédération
internationale de thérapies et de relations d’aide par la médiation
(FITRAM): Marguerite Weith, Jean-Pierre Klein; Fédération internationale
pour l’économie familiale (FIEF): Chantal Hueber; Fédération internationale
pour le planning familial – Réseau européen (IPPF EN): Irène Donadio;
Forum pour l’Europe démocratique: Michèle Muhlmann-Weill; Fédération
internationale du diabète Région Europe: Frédérique Duval, Marjatta
Stenius-Kaukonen et André Hervouët; Mouvement international d’apostolat
en milieux sociaux indépendants (MIAMSI): Sylvie Colle; Prévention cardio-vasculaire:
Jean-Marie Mossard; Union européenne des praticiens en médecine
dentaire (UEPMD): Joachim Josch, Christiaan Colpaert et Bogdan Vladila;
Union internationale des guides et scouts d’Europe (UIGSE): Rémy Berthier;
Union internationale humaniste et laïque (UIHL): Michel Grosmann;
Union professionnelle internationale des gynécologues et obstétriciens
(UPIGO): Guy Schlaeder (coordinateur). d’horizons différents ont mis leur expérience en commun dans le domaine de la prévention en matière de santé. Voilà leurs constatations et leurs propositions:

  • Considérant que l’égalité d’accès à la santé et à des soins constitue un droit fondamental;
  • Considérant que la promotion de la santé et la prévention des maladies sont des éléments essentiels d’une politique de santé;
  • Considérant que le coût croissant des soins curatifs met nos systèmes d’assurance-maladie en difficulté et constitue une menace pour l’économie de nos pays;
  • Considérant avec l’OMS qu’un meilleur recours aux mesures préventives existantes permettrait de réduire la charge mondiale de morbidité de près de 70 % (OMS, Rapport sur la santé dans le monde 2008);
  • Considérant que la prévention permet d’éviter les souffrances de la maladie tout en diminuant les dépenses liées aux traitements curatifs;
  • Considérant l’insuffisance notoire de la part allouée à la prévention: dans les pays de l’OCDE, 97 % des dépenses vont aux soins curatifs et 3 % seulement à la prévention;
  • Considérant que l’inégalité dans l’accès aux soins comme dans l’accès aux mesures préventives et de promotion de la santé menace la cohésion sociale;
  • Considérant que l’état de santé d’une population est lié au niveau de ses revenus, même dans les pays développés;

Nous proposons une intensification des politiques de prévention et recommandons en particulier:

  • que les programmes de prévention se basent sur des critères scientifiques à l’abri de pressions de tout ordre aussi bien du pouvoir politique que des lobbys économiques. L’épidémiologie est un des moyens privilégiés pour isoler les facteurs de risque souvent comportementaux (tabac, alcool, drogue, obésité, diabète, conduite sexuelle à risque) et les évaluer avec précision;
  • une meilleure organisation des programmes préventifs, que ce soit au niveau local, régional, national ou international. La dispersion des efforts préventifs entre les divers acteurs de la santé est à notre avis source de gaspillage d’argent et de perte d’efficacité. Il est nécessaire d’harmoniser et de coordonner les politiques de santé. Une structure intégrée à l’échelon national ou régional permettrait d’aborder la prévention en matière de santé dans sa globalité et non de façon morcelée ou fragmentée. Une démarche participative est nécessaire pour obtenir une action efficace. Les programmes préventifs doivent tenir compte des particularités culturelles et des tranches d’âge des populations. Chez les jeunes ils doivent tenir compte de leur diversité, de leur différence sexuelle, de leur maturité et de leur aptitude à faire des choix pour leur santé, et être adaptés à leur personnalité. Un effort particulier est nécessaire pour atteindre les couches défavorisées de la population, souvent mal informées et peu motivées. Les personnes ayant des difficultés d’apprentissage sont aussi les plus menacées d’exclusion sociale;
  • que les interventions visent à responsabiliser les groupes cibles et se basent sur une approche participative;
  • une évaluation des programmes de prévention, en particulier sous l’angle coût/bénéfice. Ce point semble particulièrement important en période de récession;
  • une stratégie multidisciplinaire de la prévention, qui touche à de nombreux secteurs de l’activité humaine; la prévention ne peut pas être limitée au seul domaine de la médecine;
  • un effort en faveur de la promotion de la santé. Les citoyens comme les migrants des pays tiers résidant en Europe doivent être correctement informés pour pouvoir choisir eux-mêmes ce qu’ils jugent bénéfique à leur santé. En participant à la mise en œuvre des politiques de santé, le citoyen sera davantage motivé à prendre soin de sa santé comme celle des autres. Nous serons à la fois plus démocratiques et plus efficaces;
  • à tous les gouvernements européens, un réel effort en faveur de l’éducation à la santé, qui est pour nous le pilier de la prévention. Cela implique une collaboration entre les systèmes institutionnels éducatifs, associatifs et culturels. L’éducation doit commencer dès l’école maternelle et se poursuivre tout au long de la vie. La participation active des enfants et des adultes aux programmes éducatifs visera à changer les mentalités. Comme dit, chacun doit se sentir responsable de sa santé, de son «capital santé». En dehors de l’école, la famille et les mouvements de jeunesse peuvent œuvrer utilement pour encourager les jeunes à suivre les règles d’hygiène de base, les inciter au sport, au travail en équipe et à la vie associative. Il est souhaitable que les jeunes prennent en toute connaissance de cause les décisions concernant leur vie.
Sur la base de leur expérience concrète, les OING du groupe de travail «Prévention en matière de santé» souhaitent attirer l’attention sur certains problèmes de santé publique en Europe:

Les OING du Conseil de l’Europe sont prêtes à prendre leur part dans le développement de programmes de prévention, à collaborer avec tous les acteurs en matière de santé et en particulier avec le Conseil de l’Europe. Leur expérience leur permet d’appréhender les réalités du terrain et de suivre les progrès des programmes de prévention. Elles sont d’excellents intermédiaires entre les décideurs politiques et les citoyens et peuvent jouer un rôle clé pour la défense des droits de l’homme dans le secteur de la santé.