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Avis | Doc. 12653 | 21 juin 2011

Vivre ensemble dans l’Europe du XXIe siècle: suites à donner au rapport du Groupe d'éminentes personnalités du Conseil de l'Europe

Commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Rapporteure : Mme Virág KAUFER, Hongrie, SOC

Origine - Renvoi en commission: Renvoi 3752 du 11 mars 2011. Commission saisie du rapport: commission des questions politiques. Voir Doc. 12631. Avis approuvé par la commission le 21 juin 2011. 2011 - Troisième partie de session

A. Conclusions de la commission

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La commission des questions sociales, de la santé et de la famille se félicite de l'occasion qui lui est offerte d'exprimer un avis sur le rapport du Groupe d'éminentes personnalités. Selon la commission, et comme cela a été souligné dans les plus récentes Résolution 1800 (2011) et Recommandation 1963 (2011) de l’Assemblée parlementaire «Combattre la pauvreté», ainsi que dans l'exposé des motifs qui les accompagne, la pauvreté et l'exclusion sociale ont atteint en Europe un niveau qui crée de l'instabilité sociale et les transforme en un enjeu politique majeur, qui doit être abordé d’urgence. La commission aimerait aussi mettre l'accent sur le rôle que les dirigeants politiques devraient jouer, et sur leurs responsabilités, afin de trouver les solutions aux tendances sociales négatives en Europe que le rapport des personnalités éminentes a mises en évidence.

La commission soutient pleinement le projet de recommandation proposé par la commission des questions politiques, et en particulier le paragraphe 16.6. La commission propose deux amendements visant à renforcer le projet de recommandation du point de vue de la cohésion sociale et de l'accès aux droits sociaux, conditions essentielles pour vivre ensemble dans la société.

B. Amendements proposés au projet de recommandation

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Amendement A (au projet de recommandation)

Dans le projet de recommandation, après le paragraphe 16, insérer les paragraphes suivants:

«17. L’Assemblée recommande que, lors de la mise en œuvre des recommandations du Groupe d'éminentes personnalités, le Comité des Ministres prenne des mesures spécifiques pour garantir la protection des personnes particulièrement vulnérables ou menacées d'exclusion et de marginalisation, et ainsi leur permettre de vivre dans la dignité. A cet égard, l’Assemblée insiste sur le fait que chacun a droit au respect des droits sociaux qui ne peuvent être refusés. Dans la Recommandation n° R (2000) 3 du Comité des Ministres sur le droit à la satisfaction des besoins matériels élémentaires des personnes en situation d'extrême précarité, le Conseil de l'Europe stipule que ce droit devrait à tout le moins couvrir la nourriture, l'habillement, l'hébergement et les soins médicaux de base. La recommandation souligne que l'exercice de ce droit devrait appartenir aux nationaux et aux étrangers, quel que soit le statut de ces derniers au regard du droit des étrangers.
18. L'Assemblée demande aux Etats membres de garantir l'accès pour tous aux droits énoncés dans la Charte sociale européenne révisée, la priorité étant donnée au droit à la santé, au logement et au travail, notamment pour les communautés de minorités et de migrants, tels que les Roms, créant ainsi des conditions favorables pour vivre ensemble sur la base de l'inclusion et de la non-discrimination.»

C. Exposé des motifs, par Mme Kaufer, rapporteure pour avis

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1. Les membres des minorités ethniques et des communautés de migrants ou les personnes vivant dans une grande pauvreté se heurtent tous à de graves difficultés dans la vie quotidienne et luttent pour avoir accès à des droits aussi fondamentaux que la nourriture et un abri, sans parler de considérations plus élevées telles que leurs droits politiques, civils, économiques, sociaux et culturels.
2. Chacun, y compris les migrants en situation irrégulière, a droit à un ensemble minimum de droits sociaux qui ne peuvent être refusés, comme le souligne la Recommandation n° R (2000) 3 du Comité des Ministres sur le droit à la satisfaction des besoins matériels élémentaires des personnes en situation d'extrême précarité 
			(1) 
			Cholewinski
Ryszard, «Migrants irréguliers: l'accès aux droits sociaux minimaux»,
Editions du Conseil de l'Europe, 2005, p. 7.. Ce droit devrait à tout le moins couvrir la nourriture, l'habillement, l'hébergement et les soins médicaux de base.
3. Les Etats membres du Conseil de l'Europe peuvent, et devraient, prendre les mesures nécessaires pour garantir que la notion du «vivre ensemble dans l'Europe du XXIe siècle» couvre également l'accès aux droits économiques et sociaux. Le dénuement constant et la discrimination dans l'accès à l'emploi, à la santé et à l'éducation empêchent les membres des minorités et des communautés migrantes, ainsi que les personnes qui souffrent d'une grande pauvreté, de faire partie intégrante de nos sociétés.
4. Des actions concertées au niveau européen sont nécessaires pour garantir que les personnes victimes d'une extrême pauvreté et de graves problèmes aient une chance de s'en sortir et de s'intégrer dans la société; que la population rom 
			(2) 
			Voir «L'inclusion
sociale dans les services sociaux: le cas des Roms et des Gens du
voyage», ERRC/NÚMENA, 2007, p. 77-83. et d'autres minorités aient pleinement accès aux droits sociaux; et que les migrants en situation irrégulière 
			(3) 
			Cholewinski Ryszard, op. cit., p. 75-77. qui arrivent en Europe et qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent être renvoyés chez eux, se voient offrir une chance de s'intégrer et de s'engager sur la voie d'un avenir meilleur. C'est pourquoi j'invite nos Etats membres à prendre des mesures pour offrir à tous la possibilité de vivre dans la dignité.
5. Considérant la Recommandation 1196 (1992) de l'Assemblée «Extrême pauvreté et exclusion sociale: vers des ressources minimales garanties» ainsi que sa Recommandation 1963 (2011) «Combattre la pauvreté», les Etats membres devraient agir d'urgence en faveur des personnes victimes d'une extrême pauvreté et de graves problèmes:
0.1. en identifiant les groupes qui ont prioritairement besoin d'aide et en lançant des consultations au niveau local selon une démarche individualisée (en collaboration avec les organisations de la société civile), car les personnes en grande difficulté sont souvent incapables de saisir les services sociaux;
0.2. en aidant les personnes qui traversent des difficultés économiques à apprendre quelques-unes des compétences sociales élémentaires et à acquérir une expérience professionnelle, avant de leur proposer une formation professionnelle plus poussée;
0.3. en développant des mesures de réadaptation sociale visant à empêcher la perte du logement, et en assurant l'hébergement d'urgence des personnes confrontées à la grande pauvreté.
6. En matière de droits sociaux de la population rom, et conformément à la «Déclaration de Strasbourg sur les Roms» 
			(4) 
			Adoptée
à la réunion de haut niveau du Conseil de l'Europe sur les Roms
(Strasbourg, 20 octobre 2010). et à la Résolution 1740 (2010) de l'Assemblée sur la situation des Roms en Europe et les activités pertinentes du Conseil de l’Europe, les Etats membres devraient s'efforcer:
0.1. de prendre des mesures pour améliorer l'efficacité des dispositions visant à faciliter l'accès aux services sociaux, y compris les soins de santé, des communautés de Roms et de Gens du voyage: commencer par un réexamen de toutes les mesures pertinentes du domaine des services sociaux, évaluer l'impact des politiques et programmes existants en faveur des Roms et des Gens du voyage et y apporter des amendements nécessaires pour les rendre plus efficaces;
0.2. de garantir l'accès aux informations sur les régimes d'aide sociale et sur les procédures d'accès aux prestations sociales, et de lutter contre les préjugés des travailleurs sociaux et la discrimination dans l'accès des communautés de Roms et de Gens du voyage à de telles prestations;
0.3. de mettre en œuvre des mesures spéciales pour recruter des Roms et des Gens du voyage dans les services sociaux, afin de leur permettre de servir de médiateurs dans le régime d'aide sociale;
0.4. d'assurer régulièrement des formations de lutte contre la discrimination et le racisme et des activités de communication interculturelle à l'intention de tous les agents de la fonction publique, y compris les représentants élus, les membres du gouvernement et les travailleurs sociaux.
7. Concernant les droits sociaux des migrants en situation irrégulière, et conformément à la Résolution 1509 (2006) de l'Assemblée sur les droits fondamentaux des migrants irréguliers 
			(5) 
			Voir notamment le paragraphe
13 de la Résolution 1509
(2006), spécifiquement consacré aux droits économiques
et sociaux des migrants en situation irrégulière.:
0.1. étant donné l'importance du droit à un logement adéquat pour la jouissance des autres droits civils, politiques, économiques et sociaux, l'hébergement ne devrait pas être refusé aux migrants en situation irrégulière au motif de leur clandestinité. Il peut être justifié qu'un Etat refuse un hébergement de longue durée à des migrants en situation irrégulière en attente d'une reconduite à la frontière ou aux demandeurs d'asile déboutés qui ont perdu le droit de faire appel; il faut cependant accorder à ces personnes un minimum d'aide afin qu'elles puissent se loger dans le respect de la dignité humaine;
0.2. personne (qu'il s'agisse de citoyens ou de migrants, indépendamment de leur statut légal) ne devrait être privé de l'accès à un niveau minimum de protection sociale, qui correspond généralement aux traitements médicaux de base ou d'urgence et à une assistance sociale suffisante pour lui permettre de vivre dans la dignité;
0.3. les Etats devraient s'efforcer de proposer aux migrants en situation irrégulière des soins de santé globaux, y compris des traitements préventifs, conformément au sens généralement admis du droit à la santé inscrit dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels;
0.4. les migrants en situation irrégulière qui occupent un emploi et cotisent au régime de l'assurance sociale devraient avoir le droit de bénéficier des prestations pour lesquelles ils versent leurs cotisations;
0.5. les Etats devraient envisager la possibilité de régulariser les migrants en situation irrégulière, et notamment ceux qui occupent un emploi stable, non seulement pour garantir leurs droits, mais aussi pour dissuader les employeurs et les pourvoyeurs de main-d’œuvre de profiter injustement de ce travail illicite, et pour lutter plus généralement contre l’économie souterraine;
0.6. les Etats membres du Conseil de l'Europe ne doivent pas priver les enfants des migrants en situation irrégulière de l'accès à l'éducation, ni par la loi, ni par la pratique administrative 
			(6) 
			Voir
note 4 supra..
8. Les Etats membres du Conseil de l'Europe devraient, d'une manière générale, s'efforcer d'améliorer l'accès aux droits sociaux et, plus spécifiquement, prendre des mesures:
  • pour renforcer l'admission au bénéfice des droits sociaux et en améliorer les prestations;
  • pour consolider la surveillance et la mise en œuvre des droits sociaux;
  • pour garantir des ressources et des moyens suffisants aux prestataires et aux usagers des services sociaux;
  • pour faciliter l'accès aux services sociaux par une amélioration de la gestion et des procédures;
  • pour optimiser les flux, l'utilisation et les échanges d'informations;
  • pour éliminer les barrières psychologiques et socioculturelles qui affectent tant les prestataires de services que les utilisateurs;
  • pour éliminer la vulnérabilité qui fait obstacle aux droits sociaux (pour ces derniers, il est essentiel que les usagers connaissent l'existence des droits, prennent conscience qu'ils sont concernés et soient capables de réaliser les démarches nécessaires) 
			(7) 
			Voir
«L'accès aux droits sociaux en Europe», rapport de Mary Daly, Editions
du Conseil de l'Europe, 2002, p. 73-85..