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Rapport | Doc. 12874 | 15 février 2012

La protection de la liberté d'expression et d'information sur l'internet et les médias en ligne

Commission de la culture, de la science, de l'éducation et des médias

Rapporteuse : Mme Zaruhi POSTANJYAN, Arménie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12094, Renvoi 3636 du 25 janvier 2010. 2012 - Deuxième partie de session

Résumé

L'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme interdit aux pouvoirs publics de restreindre la liberté d'expression et d'information, mais prévoit également l'obligation pour les Etats membres de veiller à ce que cette liberté fondamentale ne soit pas menacée par des participants du secteur privé ou non gouvernemental. L'accès des particuliers et du grand public à des services médiatiques fondés sur les TIC est principalement déterminé par des intermédiaires privés. En raison des structures techniques et entrepreneuriales complexes de ces intermédiaires, de leur localisation sociale souvent floue et de leur coopération avec des entreprises partenaires à l'étranger, les usagers peuvent avoir des difficultés à déterminer quel est le tribunal compétent.

Les Etats membres devraient par conséquent encourager tous les intermédiaires de médias fondés sur les TIC à mettre en place des codes de conduite autorégulés en vue de faire respecter le droit de leurs usagers à la liberté d'expression et d'information, en veillant à ce que les tribunaux nationaux soient compétents en cas de violations, conformément aux articles 10 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l'unanimité par la commission le 6 décembre
2011.

(open)
1. L'Assemblée parlementaire rappelle le droit universel à la liberté d'expression et d'information consacré par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5, ci-après «la Convention») et l'article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies. Ce droit s'exerce le plus souvent par le biais des médias et aujourd'hui en particulier par les médias fondés sur les nouvelles technologies d'information et de communication (ci-après «TIC») comme l'internet et les médias en ligne dont les moyens de communication mobiles.
2. S'alignant sur la Déclaration du Millénaire des Nations Unies du 8 septembre 2000, l'Assemblée se félicite de la rapide croissance de l'accès du grand public aux services médiatiques fondés sur les TIC. C'est pourquoi il paraît beaucoup plus difficile pour les régimes non démocratiques de priver la population de l'information et de l'échange de points de vue nécessaires à tout contrôle du gouvernement par le peuple. L'Assemblée condamne fermement les restrictions d'accès à l'internet et aux médias en ligne imposées par les gouvernements de la Chine, du Belarus et d'autres pays.
3. L'Assemblée se félicite aussi des nouvelles possibilités offertes aux particuliers de partager publiquement, grâce à l'internet et aux médias en ligne, des informations d'intérêt public, par exemple sur les dysfonctionnements du pouvoir, la corruption et la criminalité organisée, ainsi que sur les violations des droits de l'homme. A cet égard, l'Assemblée apprécie les efforts des journalistes et des médias pour recueillir, analyser et diffuser avec professionnalisme les informations brutes fournies par des sources provenant de l'internet.
4. Rappelant sa Résolution 1729 (2010) sur la protection des «donneurs d'alerte», l'Assemblée réaffirme le droit de tout un chacun de divulguer des informations d'intérêt public, correspondant au droit des citoyens d'être informés aux termes de l'article 10 de la Convention. Les Etats membres ne doivent pas limiter le droit à l'information du public en restreignant le droit des personnes de divulguer des informations d'intérêt public, par exemple en faisant jouer des lois sur la diffamation et l'insulte, ou des lois relatives à la sécurité nationale et à l'antiterrorisme, de manière disproportionnée et trop large.
5. Se référant aux articles 10, paragraphe 2, et 17 de la Convention, l'Assemblée rappelle cependant qu'aucun Etat, groupe ou personne ne peut exercer la liberté d'expression et d'information au détriment des droits et libertés reconnus par la Convention, notamment le droit à la vie, le droit à un procès équitable, le droit au respect de la vie privée et le droit à la protection de la propriété. L'Assemblée insiste fortement sur l'article 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations Unies, qui stipule que toute propagande en faveur de la guerre et que tout appel à la haine nationale, raciale ou religieuse constituant une incitation à la discrimination, à l'hostilité ou à la violence sont interdits par la loi.
6. Rappelant sa Recommandation 1543 (2001) sur le racisme et la xénophobie dans le cyberespace, l'Assemblée regrette que certains Etats membres n'aient pas encore signé et ratifié le Protocole additionnel à la Convention sur la cybercriminalité, relatif à l'incrimination d'actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques (STE no 189). Cet instrument pourrait s'appliquer, par exemple, à l'incitation par le biais d'internet à la violence et au terrorisme fondés sur l'extrémisme raciste ou religieux.
7. L'article 10 de la Convention interdit aux pouvoirs publics de restreindre la liberté d'expression et d'information, mais prévoit également l'obligation pour les Etats membres de veiller à ce que cette liberté fondamentale ne soit pas menacée par des participants du secteur privé ou non gouvernemental. Dans ce contexte, l'Assemblée se réfère également à la Recommandation CM/Rec(2007)16 du Comité des Ministres sur des mesures visant à promouvoir la valeur de service public d'Internet, ainsi qu'à la Déclaration du Comité des Ministres du 29 septembre 2010 sur la neutralité du réseau.
8. L'Assemblée note que ce sont principalement des intermédiaires privés qui déterminent l'accès des particuliers et du grand public à des services médiatiques fondés sur les TIC. Nombre de ces intermédiaires, comme les fournisseurs de services ou d'accès internet ainsi que les compagnies de télécommunications ou de téléphonie mobile, ont une position dominante vis-à-vis des utilisateurs parce qu'ils ont une importance significative pour le système ou qu'ils exercent une emprise considérable sur le marché. Dans ce contexte, l'Assemblée se félicite de la Résolution 17/4 sur les droits de l'homme et les sociétés transnationales et autres entreprises adoptée par le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies le 16 juin 2011.
9. L'Assemblée craint que les intermédiaires des services médiatiques fondés sur les TIC ne restreignent de manière abusive la diffusion d'informations, ainsi que l'accès à ces dernières, pour des raisons commerciales ou autres, sans en informer leurs usagers, et en violation de leurs droits. En raison des structures techniques et entrepreneuriales complexes de ces intermédiaires, de leur localisation sociale souvent floue et de leur coopération avec des entreprises partenaires à l'étranger, les usagers peuvent avoir des difficultés à déterminer quel est le tribunal compétent dans ce type d'affaires.
10. Afin de protéger la liberté d'expression et d'information sur l'internet et les médias en ligne, l'Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l'Europe:
10.1. à garantir, conformément à l'article 10 de la Convention et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, le respect de la liberté d'expression et d'information sur l'internet et les médias en ligne par les pouvoirs publics et les organes privés, tout en protégeant la vie privée et les données à caractère personnel;
10.2. à encourager les intermédiaires de médias fondés sur les TIC à mettre en place des codes de conduite autorégulés en vue de respecter le droit de leurs usagers à la liberté d'expression et d'information, et à créer des associations commerciales dotées de tels codes de conduite (ou à y adhérer) ainsi que du pouvoir d'intervenir contre les membres qui ne les respecteraient pas;
10.3. à veiller à ce que les intermédiaires des médias fondés sur les TIC fassent preuve de transparence vis-à-vis du public et informent leurs usagers de toute mesure pouvant avoir des répercussions sur leur droit à la liberté d'expression et d'information; cette transparence peut imposer la publication des politiques d'entreprise touchant à la diffusion d'informations et d'opinions, ou l'accès à ces contenus;
10.4. à mettre en œuvre la Recommandation CM/Rec(2007)16 du Comité des Ministres sur des mesures visant à promouvoir la valeur de service public d'Internet; une attention particulière devrait être accordée à l'obligation de ne pas refuser, ou fournir de manière discriminatoire leurs services aux usagers, ou de ne pas y mettre fin sans avoir le droit de le faire;
10.5. à tenir les intermédiaires de médias fondés sur les TIC pour responsables de tout contenu illicite, s'ils en sont les auteurs ou si, en vertu du droit national, ils sont obligés de retirer des contenus illicites de tiers; une attention particulière devrait être accordée à la pédopornographie et aux contenus incitant à la discrimination xénophobe et raciste, à la haine, à la violence ou au terrorisme;
10.6. à chercher à assurer que les intermédiaires de médias fondés sur les TIC pourront être tenus responsables des violations du droit à la liberté d'expression et d'information de leurs usagers, y compris en veillant à ce que les tribunaux nationaux soient compétents en cas de violations, conformément aux articles 10 et 13 de la Convention;
10.7. à réviser, si nécessaire, le mandat de leurs autorités nationales de régulation pour les médias audiovisuels et les télécommunications afin de renforcer la liberté d'expression et d'information sur l'internet et dans les médias en ligne, conformément à la présente résolution.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté à l'unanimité par la commission le 6 décembre
2011.

(open)
1. Se référant à sa Résolution (2011) .... sur la protection de la liberté d'expression et d'information sur l'internet et les médias en ligne, l'Assemblée parlementaire rappelle le Plan d'action du Sommet de Varsovie de 2005 qui a demandé au Conseil de l'Europe de développer des principes et lignes directrices destinés à assurer le respect des droits de l'homme et la primauté du droit dans la société de l'information ainsi que de s'attaquer aux défis posés par l'utilisation des technologies d'information et de communication en vue de garantir la protection des droits de l'homme contre les violations résultant d'un usage abusif de telles technologies.
2. En conséquence, l'Assemblée recommande au Comité des Ministres:
2.1. de tenir compte de la Résolution (2011) ... dans son propre travail et de la transmettre aux autorités nationales de régulation et aux ministères nationaux compétents qui sont responsables des services médiatiques fondés sur les nouvelles technologies d'information et de communication (ci-après «TIC»);
2.2. d'élaborer des lignes directrices sur les juridictions internes et la responsabilité juridique et d'entreprise des compagnies privées intermédiaires de services médiatiques fondés sur les TIC, en concentrant notamment leur travail sur la responsabilité des intermédiaires pour le fonctionnement de l'internet et des médias en ligne ainsi que pour le respect de la liberté d'expression et d'information;
2.3. de coopérer avec la Commission européenne et l'Organe des Régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) de l'Union européenne afin de garantir une application commune de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5) et de l'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en ce qui concerne la liberté d'expression et d'information dans les médias fondés sur les TIC;
2.4. de promouvoir la signature et la ratification de la Convention sur la cybercriminalité (STE no 185) ainsi que son Protocole additionnel relatif à l'incrimination d'actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques (STE no 189) par tous les Etats membres ainsi que par des Etats non membres et l'Union européenne.

C. Exposé des motifs, par Mme Postanjyan, rapporteure

(open)

1. Introduction

«La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui.» Article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, adoptée par l'Assemblée nationale française le 26 août 1789

1. En décembre 2009, mon ancien collègue, le regretté Andrew McIntosh, avait présenté une proposition de résolution relative à la protection de la liberté d'expression et d'information dans les médias électroniques (Doc. 12094).En octobre 2010, la Commission de la culture, des sciences et de l'éducation m'a désignée comme rapporteure sur ce sujet.
2. L'appellation «médias électroniques» a été communément adoptée en tant que terme technique pour la radio et la télévision. Elle peut également s'appliquer à l'internet et à d'autres médias en ligne, supports qui posent aujourd'hui bien plus de problèmes que la radio et la télévision. C'est pourquoi la commission a suivi ma proposition et changé le titre de mon rapport, précédemment intitulé «La protection de la liberté d'expression et d'information dans les médias électroniques» pour «La protection de la liberté d'expression et d'information sur l'internet et les médias en ligne».
3. En vue d'établir le présent rapport, la sous-commission des médias a organisé, à Vilnius (Lituanie) le 15 septembre 2010, un Forum ouvert sur «Internet ouvert à tous et le respect de la vie privée» dans le cadre du Forum de l'Organisation des Nations Unies sur la gouvernance de l'Internet (IGF). Un groupe de ce forum ouvert a axé ses travaux sur la liberté sur l'internet – ouverture structurelle et opérationnelle en ligne.La transcription de cet événement est disponible sur le site de l'IGF 
			(3) 
			<a href='www.intgovforum.org/cms/2010-igf-vilnius/transcripts/646-1'>www.intgovforum.org/cms/2010-igf-vilnius/transcripts/646-1</a>..

2. Les questions en jeu

4. L'évolution rapide des technologies de l'information et de la communication (TIC), l'internet et les médias en ligne tels que les appareils mobiles de communication se développent rapidement. Un nombre croissant de fournisseurs d'accès et de services offrent des services toujours plus variés.
5. Parallèlement, le monde des TIC devient de plus en plus complexe. L'exploitation commerciale des services médiatiques basés sur les TIC engendre des pratiques nouvelles, souvent peu transparentes, qui nuisent à la diffusion de l'information et à son accès.
6. Sur l'internet, les moteurs de recherche déterminent leurs propres contenus pouvant rendre les contenus rejetés non accessibles aux usagers. Les moteurs de recherche peuvent céder aux pressions commerciales ou politiques et censurer certains sites en les plaçant en fin de liste des sites recherchés ou en ne les incluant pas dans les résultats de la recherche. En raison de la position dominante de moteurs de recherche tels que Google ou Yahoo!, la censure exercée par ces derniers risque d'avoir de graves conséquences. C'est ainsi, par exemple, qu'en 2010 Microsoft et d'autres sociétés ont saisi la Commission européenne pour qu'elle mène l'enquête sur les allégations de manipulation de l'outil de recherche de Google au détriment de concurrents commerciaux. Début 2010, Google a annoncé qu'il ne céderait plus à la pression des autorités chinoises demandant que soit instaurée une censure pour le site chinois de Google (www.google.cn).
7. Les médias sociaux et les sites d'information peuvent pratiquer une politique d'entreprise favorisant certaines informations et en défavorisant d'autres, par exemple pour des raisons politiques ou commerciales. Les fournisseurs d'accès et de services peuvent appliquer ce type de restrictions pour les mêmes raisons. Cela vaut plus particulièrement lorsque de tels sites sont gérés par des sociétés engagées dans d'autres activités commerciales. En coopération avec les autorités nationales de régulation, le Commissaire de l'Union européenne responsable des télécommunications mène actuellement une enquête sur les allégations selon lesquelles l'internet et l'accès mobile auraient été bloqués ou étouffés 
			(4) 
			Voir le communiqué
de presse de la Commissaire européenne Neelie Kroes du 19 avril
2011: <a href='http://europa.eu/rapid/ pressReleasesAction.do?reference=IP/11/486&format=PDF&aged=1&language=FR&guiLanguage=en'>http://europa.eu/rapid/ pressReleasesAction.do?reference=IP/11/486&format=PDF&aged=1&language=FR&guiLanguage=en</a>..
8. Les intermédiaires des services médiatiques fondés sur les TIC coopèrent avec d'autres intermédiaires établis dans divers pays ou offrent des services à l'étranger ou difficiles à localiser, comme «l'informatique virtuelle» 
			(5) 
			Voir, par exemple,
le rapport élaboré par Cristos Velasco San Martin pour la conférence
du Conseil de l'Europe, en 2009, sur l'interface Octopus: <a href='http://www.coe.int/t/dghl/cooperation/economiccrime/cybercrime/Documents/Reports-Presentations/2079%20if09%20pres%20cristos%20cloud.pdf'>www.coe.int/t/dghl/cooperation/economiccrime/cybercrime/Documents/Reports-Presentations/2079%20if09%20pres%20cristos%20cloud.pdf</a>.. Pour les tribunaux nationaux il est, de ce fait, difficile de localiser sur le plan géographique et juridique les restrictions à la liberté d'expression et d'information imposées par ces intermédiaires.
9. Les autorités nationales ont, par ailleurs, de plus en plus de mal à localiser les contenus illicites, c'est-à-dire l'abus de la liberté d'expression et d'information. La Convention sur la cybercriminalité (STE no 185) et son protocole additionnel relatif à l'incrimination des actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques (STE no 189) sont des instruments-clés de la lutte contre les agissements et les contenus illicites sur l'internet.
10. Les parlements nationaux ont le devoir démocratique de fixer des normes juridiques par le biais de la législation. C'est pourquoi il importe de sensibiliser les parlementaires aux questions en jeu lorsqu'ils réglementent la liberté d'expression et d'information par des médias fondés sur les TIC, et l'internet, comme les services audiovisuels basés sur le web et les services de télécommunication en ligne.
11. Ces dix dernières années, le progrès rapide des TIC et la croissance exponentielle des services médiatiques fondés sur les TIC ont remis en question la réglementation et les politiques traditionnelles des médias. Ce défi n'est pas dû à un changement d'avis pour ce qui concerne la valeur des normes existantes, mais plutôt à des difficultés techniques dans l'application de ces règlements aux nouveaux services de médias. De plus, la mondialisation croissante des nouveaux services de médias a entraîné une insécurité juridique pour ce qui concerne la juridiction nationale et l'application des lois nationales. Au fil des ans, plusieurs principes généraux ont été confirmés ou ont fait leur apparition.

3. Liberté d'expression et d'information dans les médias fondés sur les TIC

12. La liberté d'expression et d'information est un droit de l'homme fondamental pour chaque individu et un élément nécessaire à la démocratie. Ce droit s'applique sans conteste à l'internet et aux médias en ligne. Il faut donc rappeler les normes existantes dans ce domaine et clarifier les droits et responsabilités des intermédiaires TIC en veillant à ne pas porter atteinte à la liberté d'autrui.

3.1. Normes des Nations Unies et travaux au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE)

13. L'article 19 du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques (PIDCP) des Nations Unies garantit le droit à la liberté d'opinion et à la liberté d'expression. Ce droit de l'homme est également reconnu à l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. L'article 19 est pleinement applicable à l'internet et aux autres médias fondés sur les TIC.
14. Les limitations à ce droit peuvent, en particulier, être trouvées à l'article 20 du PIDCP 
			(6) 
			Article
20 du PIDCP: (1) Toute propagande en faveur de la guerre devrait
être interdite par la loi. (2) Tout appel à la haine nationale,
raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination,
à l'hostilité ou à la violence est interdit par la loi. et à l'article 4 de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale 
			(7) 
			L'article 4 dispose
que «Les Etats parties condamnent toute propagande et toutes organisations
qui s'inspirent d'idées ou de théories fondées sur la supériorité
d'une race (...) et, à cette fin, tenant dûment compte des principes formulés
dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et des droits
expressément énoncés à l'article 5 de la présente Convention, ils
s'engagent notamment à déclarer délits punissables par la loi toute
diffusion d'idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale,
toute incitation à la discrimination raciale, ainsi que tous actes
de violence, ou provocation à de tels actes, dirigés contre toute
race ou tout groupe de personnes d'une autre couleur ou d'une autre origine
ethnique, de même que toute assistance apportée à des activités
racistes, y compris leur financement (...).. Les Nations Unies ont clarifié dès 1997 que ledit article 4 est également applicable à l'internet et ont examiné les éventuelles mesures à prendre contre le cyber-racisme 
			(8) 
			Voir le rapport du
séminaire d'experts des Nations Unies sur le rôle d'internet à la
lumière des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination
de toutes les formes de discrimination raciales (Genève, 10-14 novembre 1997), <a href='http://www.unhchr.ch/Huridocda/Huridoca.nsf/TestFrame/5069557b561c0fd4c1256619003267d2?Opendocument'>www.unhchr.ch/Huridocda/Huridoca.nsf/TestFrame/5069557b561c0fd4c1256619003267d2?Opendocument</a>.. Les deux dispositions exigent des Etats qu'ils veillent à ce que des lois appropriées soient adoptées et appliquées.
15. Au niveau de l'UNESCO, la Fédération internationale des associations et institutions de bibliothèques (IFLA) a poursuivi ses travaux qui ont abouti aux directives IFLA/UNESCO de septembre 2006 
			(9) 
			<a href='http://archive.ifla.org/faife/policy/iflastat/Internet-ManifestoGuidelines.pdf'>http://archive.ifla.org/faife/policy/iflastat/Internet-ManifestoGuidelines.pdf</a>. en vue d'un Manifeste sur l'internet. Ces derniers ont produit un certain nombre de principes concernant l'accès public et l'usage d'internet, en particulier par le biais des bibliothèques publiques.
16. Le 19 août 2010, les chercheurs de l'Institut d'Internet d'Oxford ont présenté pour l'UNESCO le rapport sur «La liberté des connexions-liberté d'expression: mutation de l'écologie juridique et réglementaire qui façonne l'Internet» 
			(10) 
			<a href='http://portal.unesco.org/ci/en/files/30748/12837652519UNESCO-19AUG10.pdf/UNESCO-19AUG10.pdf'>http://portal.unesco.org/ci/en/files/30748/12837652519UNESCO-19AUG10.pdf/UNESCO-19AUG10.pdf</a>.. Parmi les nombreuses recommandations figurant dans ce rapport, je tiens à souligner la poursuite des efforts visant à soutenir la diffusion mondiale d'internet, à renforcer et clarifier les mécanismes internationaux de gouvernance de l'internet, à suivre et documenter la diffusion d'initiatives juridiques et réglementaires, et à promouvoir la responsabilité sociale des entreprises.
17. L'OCDE travaille aussi sur le rôle des «intermédiaires Internet» dans la promotion des objectifs des politiques publiques. Un atelier de l'OCDE, tenu à Paris le 16 juin 2010, a estimé que Ies intermédiaires internet influencent et déterminent l'accès aux informations, aux services et aux biens en ligne ainsi que le choix en la matière 
			(11) 
			Voir le résumé de l'atelier: <a href='http://www.oecd.org/dataoecd/8/59/45997042.pdf'>www.oecd.org/dataoecd/8/59/45997042.pdf</a>. . Alors que des limitations à la responsabilité pour les intermédiaires internet ont permis à ces entités ainsi que, d'une manière plus large, à l'économie sur l'internet de fleurir par le passé, l'atelier a noté l'existence de pressions nationales et internationales croissantes de la part des gouvernements, du secteur commercial et des groupes de consommateurs en vue de tenir les intermédiaires internet pour responsables des activités illégales commises par le biais de leurs services; d'autre part, les tribunaux européens reconnaissent de plus en plus volontiers que les intermédiaires internet ont un devoir de diligence.
18. Bien que les travaux de l'OCDE précités portent sur la responsabilité pénale, quelques conclusions peuvent également être tirées pour ce qui concerne les responsabilités générales des intermédiaires internet eu égard au bon fonctionnement d'internet et des médias fondés sur les TIC.

3.2. Article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme

19. Le droit à la liberté d'expression et d'information consacré par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5, «la Convention») s'applique sans conteste à l'internet et aux médias en ligne. L'article 10 s'applique de toute évidence aux services médiatiques fondés sur les TIC dans le sens où les individus ont le droit de s'exprimer librement par des médias fondés sur les TIC et de recevoir des informations par ces moyens. L'article 10 est technologiquement neutre, c'est à dire qu'il s'applique quelle que soit la technologie utilisée pour exprimer des opinions ou recevoir des informations.
20. Alors que l'article 10 de la Convention est considéré avant tout comme un droit des individus contre l'ingérence des autorités de l'Etat, il peut être opportun de prendre en considération le fait que la liberté d'expression et d'information par des médias fondés sur les TIC est – de fait – également susceptible d'être limitée par des entités privées comme les intermédiaires TIC (producteurs de logiciels, fournisseurs de réseau, fournisseurs d'accès, fournisseurs de services, hébergeurs de contenus, producteurs de moteurs de recherche de contenus, etc.). L'article 10 de la Convention peut exiger des Etats membres qu'ils prennent les mesures appropriées pour prévenir toute atteinte illégale à la protection effective de la liberté d'expression et d'information par d'autres particuliers.
21. La Cour européenne des droits de l'homme («la Cour») dispose d'une importante jurisprudence relative à l'article 10 de la Convention. La Cour a reconnu que les Etats avaient l'obligation positive de se doter d'un cadre juridique pour la protection effective de cette liberté eu égard aux journalistes d'internet 
			(12) 
			Editorial Board of
Pravoye Delo and Shtekel c. Ukraine, arrêt du 5 mai 2011, requête
no 33014/05.. De plus, la Cour a conclu que la diffusion et la collecte d'informations par le biais d'internet est protégé par l'article 10 
			(13) 
			Times
Newspaper Ltd c. Royaume-Uni, arrêt du 10 mars 2009, requêtes nos
3002/03 et 23676/03, paragraphes 27, 40 et 41..
22. La jurisprudence de la Cour ne cesse d'affirmer que les discours de haine ne sont pas protégés par l'article 10 conformément à l'article 17 de la Convention 
			(14) 
			Gündüz
c. Turquie, arrêt du 12 avril 2003, requête no 35071/97, paragraphe
41. . En outre, la Cour a estimé que les usagers d'internet étaient en droit de réclamer des dommages et intérêts auprès d'un tribunal national lorsqu'un fournisseur d'accès internet agit sous le contrôle des pouvoirs publics et n'est pas en mesure de contrôler ou de protéger efficacement contre les messages électroniques non souhaités ou les «spams» 
			(15) 
			Muscio
c. Italie, décision du 13 novembre 2007, requête no 31358/03. .
23. Le droit de l'homme universel à la liberté d'expression et d'information ne doit toutefois pas être confondu avec une liberté générale – reconnue dans la plupart des lois nationales – d'exercer des activités commerciales ou autres services par des médias fondés sur les TIC.

3.3. Autres normes du Conseil de l'Europe.

24. Le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a élaboré plusieurs recommandations générales définissant le droit à la liberté d'expression et d'information par des médias fondés sur les TIC, à la lumière de l'article 10 de la Convention.
25. La Recommandation No R (99) 14 du Comité des Ministres sur le service universel communautaire relatif aux nouveaux services de communication et d'information 
			(16) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/media/Doc/CM/Rec(1999)014&ExpMem_fr.asp'>www.coe.int/t/dghl/standardsetting/media/Doc/CM/Rec(1999)014&ExpMem_fr.asp</a>. a indiqué, pour la première fois, que quelques principes universels de service public devraient également s'appliquer à l'internet, notamment le soutien public à un accès à l'internet ainsi que la fourniture de services et de contenus.
26. La Recommandation No R (2001) 8 du Comité des Ministres sur l'autorégulation des cyber-contenus 
			(17) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/media/Doc/CM/Rec(2001)008&ExpMem_fr.asp'>www.coe.int/t/dghl/standardsetting/media/Doc/CM/Rec(2001)008&ExpMem_fr.asp</a>. expose un certain nombre de principes en vue de protéger les utilisateurs contre les contenus illicites ou préjudiciables de l'internet par l'autorégulation, en particulier par des descripteurs de contenus et des outils de sélection des contenus ainsi que par des systèmes de plaintes.
27. Dans sa Déclaration sur la liberté de la communication sur l'Internet du 28 mai 2003 
			(18) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/media/doc/H-Inf(2003)007_fr.pdf'>www.coe.int/t/dghl/standardsetting/media/doc/H-Inf(2003)007_fr.pdf</a>., le Comité des Ministres a défini sept principes généraux (voir également en annexe):
  • Règles sur les contenus diffusés sur internet
  • Autorégulation ou corégulation
  • Absence de contrôle étatique préalable
  • Suppression des entraves à la participation des individus à la société de l'information
  • Liberté de fournir des services via Internet
  • Responsabilité limitée des fournisseurs de services pour les contenus diffusés sur l'Internet
  • Anonymat
28. Dans sa Déclaration sur les droits de l'homme et l'état de droit dans la société de l'information du 13 mai 2005 
			(19) 
			<a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=CM(2005)56'>https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=CM(2005)56</a>. , le Comité des Ministres a réaffirmé un certain nombre de droits de l'homme comprenant le droit à la liberté d'expression, la liberté d'information et la liberté de communication, le droit au respect de la vie privée et de la correspondance, le droit à l'éducation et l'importance de favoriser l'accès aux nouvelles technologies de l'information et leur utilisation par tous sans discrimination. La Déclaration a également ajouté l'idée d'une «démarche de gouvernance participative pour développer la société de l'information».
29. La Recommandation CM/Rec(2007)11 du Comité des Ministres sur la promotion de la liberté d'expression et d'information dans le nouvel environnement de l'information et de la communication 
			(20) 
			<a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=CM/Rec(2007)11&Language=lanFrench'>https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=CM/Rec(2007)11&Language=lanFrench</a>. portait sur la responsabilisation de chaque utilisateur, les normes et stratégies communes pour une information fiable, la création de contenus souples et la transparence dans le traitement de l'information, l'accès à l'infrastructure des TIC à un prix abordable, l'accès à l'information en tant que service public et la coopération entre les parties prenantes.
30. La question des filtres internet a été abordée dans la Recommandation CM/Rec(2008)6 du Comité des Ministres sur les mesures visant à promouvoir le respect de la liberté d'expression et d'information au regard des filtres internet 
			(21) 
			<a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=CM/Rec(2008)6&Language=lanFrench'>https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=CM/Rec(2008)6&Language=lanFrench</a>. . Les lignes directrices annexées à cette recommandation contiennent des principes pour l'usage et le contrôle des filtres internet en vue de jouir pleinement du droit à la liberté d'expression et d'information, des filtrages appropriés pour les enfants et les jeunes et l'usage et l'application des filtres internet par les secteurs public et privé.
31. Le 29 septembre 2010, le Comité des Ministres a adopté la Déclaration sur la neutralité du réseau 
			(22) 
			<a href='https://wcd.coe.int/wcd/ViewDoc.jsp?Ref=Decl(29.09.2010_2)&Language=lanFrench'>https://wcd.coe.int/wcd/ViewDoc.jsp?Ref=Decl(29.09.2010_2)&Language=lanFrench</a>. . Il y est stipulé que «dans ce contexte, les opérateurs des réseaux de communication électronique peuvent être amenés à gérer le trafic internet. Cette gestion peut être liée à la qualité du service, au développement de nouveaux services, à la stabilité et à la fiabilité du réseau ou à la lutte contre la cybercriminalité. Pour autant que cela s'avère nécessaire (...), la gestion du trafic ne doit pas être perçue comme allant à l'encontre du principe de neutralité des réseaux. Cependant, toute exception à ce principe devrait être appréhendée avec une grande circonspection et être justifiée par des raisons impératives d'intérêt public majeur».
32. Le 21 septembre 2011, le Comité des Ministres a adopté deux instruments qui établissent aussi des lignes directrices politiques relatives à la liberté d'expression et d'information dans les médias fondés sur les TIC: sa Recommandation CM/Rec(2011)8 sur la protection et la promotion de l'universalité, de l'intégrité et de l'ouverture de l'internet 
			(23) 
			<a href='https://wcd.coe.int/wcd/ViewDoc.jsp?id=1835657'>https://wcd.coe.int/wcd/ViewDoc.jsp?id=1835657</a>. et sa Déclaration du 21 septembre 2011 sur des principes de la gouvernance de l'internet 
			(24) 
			<a href='https://wcd.coe.int/wcd/ViewDoc.jsp?Ref=Decl(21.09.2011_2)&Language=lanFrench'>https://wcd.coe.int/wcd/ViewDoc.jsp?Ref=Decl(21.09.2011_2)&Language=lanFrench</a>..

3.4. La Charte des droits fondamentaux et la législation de l'Union européenne

33. L'article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne garantit le droit à la liberté d'expression et d'information au sein de l'Union européenne 
			(25) 
			En vertu de l'article
11(1), toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit
comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer
des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence
d'autorités publiques et sans considération de frontière. (2) La
liberté et le pluralisme des médias doivent être respectés. . Etant donné que, par le passé, la Cour de justice de l'Union européenne à Luxembourg a appliqué la législation européenne à la lumière de la Convention, on peut supposer que l'article 11 sera également interprété et appliqué conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme en vertu de l'article 10 de la Convention.
34. L'article 11 de la Charte des droits fondamentaux est contraignant pour les organes de l'Union européenne et exige que la législation européenne secondaire soit conforme avec le droit à la liberté d'expression et d'information. Cette législation secondaire inclut un certain nombre de Directives de l'Union européenne, notamment le «train de réformes des Télécoms» du 25 novembre 2009 
			(26) 
			La Directive de l'Union
européenne 2009/136/EC du 25 novembre 2009 modifiant la Directive
2002/22/EC concernant le service universel et les droits des utilisateurs
au regard des réseaux et services de communication électronique,
la Directive 2002/58/EC concernant le traitement des données à caractère
personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des
communications électroniques, et le Règlement (CE) no 2006/2004
relatif à la coopération entre les autorités nationales chargées
de veiller à l'application de la législation en matière de protection
des consommateurs. La Directive 2009/140/CE du 25 novembre 2009
modifiant les Directives 2002/21/CE relative à un cadre réglementaire
commun pour les réseaux et services de communications électroniques,
2002/19/CE relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques
et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion, et
2002/20/CE relative à l'autorisation des réseaux et services de
communications électroniques. 
			(26) 
			<a href='Voir http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:337:FULL:EN:PDF'>Voir
http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:337:FULL:EN:PDF</a>. .
35. Ces réformes visaient à réviser plusieurs Directives de l'Union européenne afin de permettre aux Etats membres de fixer des niveaux minima de qualité pour les services de transmission en réseau, y compris l'obligation de neutralité du réseau, et de déconnecter les usagers d'internet qui téléchargent illégalement des contenus protégés par les droits d'auteurs. Le droit des usagers à être notifiés de certaines atteintes à la protection des données a également été établi ainsi que le droit de demander la vérification des déconnexions par un organe judiciaire. Enfin, le train de réformes des télécoms de l'Union européenne a également créé l'Organe des Régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) qui regroupe les 27 autorités nationales de régulation des 27 Etats membres de l'Union européenne et qui a son siège à Riga, Lettonie.

4. Conclusions

36. L'internet et les médias en ligne sont devenus un pilier vital pour tout individu au sein de la société de l'information moderne. Le public dépend de manière croissante des médias fondés sur les TIC pour accéder à des informations et des opinions, et les diffuser. Le droit à la liberté d'expression et d'information dépend donc du bon fonctionnement du cyberespace. Chaque fois que les autorités de l'Etat limitent, filtrent ou bloquent l'accès à l'internet ou aux services de communication mobile, l'article 10 de la Convention est clairement en jeu. La Cour européenne des droits de l'homme a déjà reçu des requêtes à cet égard 
			(27) 
			Voir, par exemple,
Jankovskis c. Lituanie (requête no 21575/08) et Yildirim et Akdeniz
c. Turquie (requêtes nos 3111/10 et 20877/10).. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) 
			(28) 
			Voir le rapport du
représentant de l'OSCE sur la liberté des médias en Turquie et la
censure d'internet, <a href='http://osce.org/fom/41091'>http://osce.org/fom/41091</a>. et les Nations Unies 
			(29) 
			Voir
le rapport du Rapporteur spécial des Nations Unis sur la promotion
et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, <a href='http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/docs/17session/A.HRC.17.27_en.pdf'>http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/docs/17session/A.HRC.17.27_en.pdf</a>. se sont aussi récemment concentrées sur cette question.
37. Toutefois, il est nécessaire d'assurer la protection de la liberté d'expression et d'information des usagers sur l'internet et les médias en ligne contre le menace provenant non seulement des autorités publiques, mes également des intermédiaires privés. En effet, avec la privatisation des sociétés nationales de télécommunication intervenue en Europe ces vingt dernières années, l'internet et les médias en ligne sont, pour la plupart, fournis et gérés par des entreprises privées. Ces dernières bénéficient d'une ample marge de manœuvre pour gérer leurs services en vertu des législations existantes en matière de télécoms et d'internet. On l'a vu, par exemple, dans le contexte du débat sur la neutralité des réseaux, et notamment sur la question de savoir si les fournisseurs de services internet étaient en droit d'offrir des services plus lents à certains usagers et des services préférentiels à d'autres.
38. Les intermédiaires des média fondés sur les TIC pourraient restreindre la diffusion d'informations pour des raisons commerciales, politiques ou autres sans informer les usagers. En raison des structures techniques et entrepreneuriales complexes de ces intermédiaires, de leur localisation sociale souvent floue et de leur coopération avec des entreprises partenaires à l'étranger, les usagers peuvent avoir des difficultés à déterminer quel est le tribunal compétent dans ce type d'affaires. Nombre de ces intermédiaires, comme les fournisseurs de services ou d'accès internet ainsi que les compagnies de télécommunications ou de téléphonie mobile, ont une position dominante vis-à-vis des usagers parce qu'ils sont d'importance significative pour le système ou qu'ils exercent une emprise considérable sur le marché.
39. Dans ce contexte, il importe de veiller à ce que le droit à la liberté d'expression et d'information conformément à l'article 10 de la Convention ne soit limité ni par les Etats ni par des entreprises privées. Comme affirmé par le Comité des Ministres dans sa Déclaration du 21 septembre 2011 sur des principes de la gouvernance de l'internet: «Tous les acteurs publics et privés devraient reconnaître et respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales dans leur fonctionnement et leurs activités ainsi que dans la conception de nouveaux services, technologies et applications.»

Annexe - Extrait de la Déclaration sur la liberté de la communication sur l'Internet, adoptée par le Comité des Ministres le 28 mai 2003

(open)

Principe 1: Règles sur les contenus diffusés sur internet

Les Etats membres ne devraient pas soumettre les contenus diffusés sur internet à des restrictions allant au-delà de celles qui s'appliquent à d'autres moyens de diffusion de contenus.

Principe 2: Autorégulation ou corégulation

Les Etats membres devraient encourager l'autorégulation ou la corégulation à l'égard des contenus diffusés sur internet.

Principe 3: Absence de contrôle étatique préalable

Les pouvoirs publics ne devraient pas, au moyen de mesures générales de blocage ou de filtrage, refuser l'accès du public à l'information et autres communications sur l'Internet, sans considération de frontières. Cela n'empêche pas l'installation de filtres pour la protection des mineurs, notamment dans des endroits accessibles aux mineurs tels que les écoles ou les bibliothèques.

A condition que les garanties de l'article 10, paragraphe 2, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales soient respectées, des mesures peuvent être prises pour supprimer un contenu Internet clairement identifiable ou, alternativement, faire en sorte de bloquer son accès si les autorités nationales compétentes ont pris une décision provisoire ou définitive sur son caractère illicite.

Principe 4: Suppression des entraves à la participation des individus à la société de l'information

Les Etats membres devraient favoriser et encourager l'accès de tous aux services de communication et d'information sur internet de manière non discriminatoire et à un prix raisonnable. En outre, une participation active du public, par exemple, par le biais de la création et de la gestion de sites web individuels, ne devrait pas être soumise à un système de licences ou à d'autres exigences ayant un effet équivalent.

Principe 5: Liberté de fournir des services via Internet

La fourniture de services via Internet ne devrait pas être soumise à des régimes d'autorisation spécifiques au seul motif des moyens de transmission utilisés.

Les Etats membres devraient rechercher des mesures propres à promouvoir une offre pluraliste de services via Internet répondant aux différents besoins des utilisateurs et des groupes sociaux. Les fournisseurs de services devraient être autorisés à opérer dans un cadre réglementaire leur garantissant un accès non discriminatoire aux réseaux de télécommunications nationaux et internationaux.

Principe 6: Responsabilité limitée des fournisseurs de services pour les contenus diffusés sur l'Internet

Les Etats membres ne devraient pas imposer aux fournisseurs de services l'obligation générale de surveiller les contenus diffusés sur internet auxquels ils donnent accès, qu'ils transmettent ou qu'ils stockent, ni celle de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites.

Les Etats membres devraient veiller à ce que les fournisseurs de services ne soient pas tenus responsables des contenus diffusés sur internet lorsque leur fonction se limite, selon la législation nationale, à transmettre des informations ou à donner accès à l'Internet.

Si les fonctions des fournisseurs de services sont plus larges et qu'ils stockent des contenus émanant d'autres parties, les Etats membres peuvent les tenir pour coresponsables s'ils ne prennent pas rapidement des mesures pour supprimer ou pour bloquer l'accès aux informations ou aux services dès qu'ils ont connaissance, comme cela est défini par le droit national, de leur caractère illicite ou, en cas de plainte pour préjudice, de faits ou de circonstances révélant la nature illicite de l'activité ou de l'information.

En définissant, dans le droit national, les obligations des fournisseurs de services telles qu'énoncées au paragraphe précédent, une attention particulière doit être portée au respect de la liberté d'expression de ceux qui sont à l'origine de la mise à disposition des informations, ainsi que du droit correspondant des usagers à l'information.

Dans tous les cas, les limitations de responsabilité susmentionnées ne devraient pas affecter la possibilité d'adresser des injonctions lorsqu'on demande aux fournisseurs de services sont requis de mettre fin à une violation de la loi ou de la prévenir, dans toute la mesure du possible.

Principe 7: Anonymat

Afin d'assurer une protection contre les surveillances en ligne et de favoriser la libre expression d'informations et d'idées, les Etats membres devraient respecter la volonté des usagers d'internet de ne pas révéler leur identité. Cela n'empêche pas les Etats membres de prendre des mesures et de coopérer pour retrouver la trace de ceux qui sont responsables d'actes délictueux, conformément à la législation nationale, à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux autres traités internationaux dans le domaine de la justice et de la police.