1. Introduction
«La liberté consiste
à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui.» Article 4 de
la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, adoptée par
l'Assemblée nationale française le 26 août 1789
1. En décembre 2009, mon ancien collègue, le regretté Andrew
McIntosh, avait présenté une proposition de résolution relative
à la protection de la liberté d'expression et d'information dans
les médias électroniques (Doc. 12094).En
octobre 2010, la Commission de la culture, des sciences et de l'éducation
m'a désignée comme rapporteure sur ce sujet.
2. L'appellation «médias électroniques» a été communément adoptée
en tant que terme technique pour la radio et la télévision. Elle
peut également s'appliquer à l'internet et à d'autres médias en
ligne, supports qui posent aujourd'hui bien plus de problèmes que
la radio et la télévision. C'est pourquoi la commission a suivi ma
proposition et changé le titre de mon rapport, précédemment intitulé
«La protection de la liberté d'expression et d'information dans
les médias électroniques» pour «La protection de la liberté d'expression
et d'information sur l'internet et les médias en ligne».
3. En vue d'établir le présent rapport, la sous-commission des
médias a organisé, à Vilnius (Lituanie) le 15 septembre 2010, un
Forum ouvert sur «Internet ouvert à tous et le respect de la vie
privée» dans le cadre du Forum de l'Organisation des Nations Unies
sur la gouvernance de l'Internet (IGF). Un groupe de ce forum ouvert
a axé ses travaux sur la liberté sur l'internet – ouverture structurelle
et opérationnelle en ligne.
La transcription
de cet événement est disponible sur le site de l'IGF
.
2. Les questions
en jeu
4. L'évolution rapide des technologies de l'information
et de la communication (TIC), l'internet et les médias en ligne
tels que les appareils mobiles de communication se développent rapidement.
Un nombre croissant de fournisseurs d'accès et de services offrent
des services toujours plus variés.
5. Parallèlement, le monde des TIC devient de plus en plus complexe.
L'exploitation commerciale des services médiatiques basés sur les
TIC engendre des pratiques nouvelles, souvent peu transparentes,
qui nuisent à la diffusion de l'information et à son accès.
6. Sur l'internet, les moteurs de recherche déterminent leurs
propres contenus pouvant rendre les contenus rejetés non accessibles
aux usagers. Les moteurs de recherche peuvent céder aux pressions commerciales
ou politiques et censurer certains sites en les plaçant en fin de
liste des sites recherchés ou en ne les incluant pas dans les résultats
de la recherche. En raison de la position dominante de moteurs de recherche
tels que Google ou Yahoo!, la censure exercée par ces derniers risque
d'avoir de graves conséquences. C'est ainsi, par exemple, qu'en
2010 Microsoft et d'autres sociétés ont saisi la Commission européenne
pour qu'elle mène l'enquête sur les allégations de manipulation
de l'outil de recherche de Google au détriment de concurrents commerciaux.
Début 2010, Google a annoncé qu'il ne céderait plus à la pression des
autorités chinoises demandant que soit instaurée une censure pour
le site chinois de Google (www.google.cn).
7. Les médias sociaux et les sites d'information peuvent pratiquer
une politique d'entreprise favorisant certaines informations et
en défavorisant d'autres, par exemple pour des raisons politiques
ou commerciales. Les fournisseurs d'accès et de services peuvent
appliquer ce type de restrictions pour les mêmes raisons. Cela vaut
plus particulièrement lorsque de tels sites sont gérés par des sociétés
engagées dans d'autres activités commerciales. En coopération avec
les autorités nationales de régulation, le Commissaire de l'Union européenne
responsable des télécommunications mène actuellement une enquête
sur les allégations selon lesquelles l'internet et l'accès mobile
auraient été bloqués ou étouffés
.
8. Les intermédiaires des services médiatiques fondés sur les
TIC coopèrent avec d'autres intermédiaires établis dans divers pays
ou offrent des services à l'étranger ou difficiles à localiser,
comme «l'informatique virtuelle»
.
Pour les tribunaux nationaux il est, de ce fait, difficile de localiser
sur le plan géographique et juridique les restrictions à la liberté
d'expression et d'information imposées par ces intermédiaires.
9. Les autorités nationales ont, par ailleurs, de plus en plus
de mal à localiser les contenus illicites, c'est-à-dire l'abus de
la liberté d'expression et d'information. La Convention sur la cybercriminalité
(STE no 185) et son protocole additionnel relatif à l'incrimination
des actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de
systèmes informatiques (STE no 189) sont des instruments-clés de
la lutte contre les agissements et les contenus illicites sur l'internet.
10. Les parlements nationaux ont le devoir démocratique de fixer
des normes juridiques par le biais de la législation. C'est pourquoi
il importe de sensibiliser les parlementaires aux questions en jeu
lorsqu'ils réglementent la liberté d'expression et d'information
par des médias fondés sur les TIC, et l'internet, comme les services
audiovisuels basés sur le web et les services de télécommunication
en ligne.
11. Ces dix dernières années, le progrès rapide des TIC et la
croissance exponentielle des services médiatiques fondés sur les
TIC ont remis en question la réglementation et les politiques traditionnelles
des médias. Ce défi n'est pas dû à un changement d'avis pour ce
qui concerne la valeur des normes existantes, mais plutôt à des
difficultés techniques dans l'application de ces règlements aux
nouveaux services de médias. De plus, la mondialisation croissante
des nouveaux services de médias a entraîné une insécurité juridique
pour ce qui concerne la juridiction nationale et l'application des
lois nationales. Au fil des ans, plusieurs principes généraux ont
été confirmés ou ont fait leur apparition.
3. Liberté d'expression
et d'information dans les médias fondés sur les TIC
12. La liberté d'expression et d'information est un droit
de l'homme fondamental pour chaque individu et un élément nécessaire
à la démocratie. Ce droit s'applique sans conteste à l'internet
et aux médias en ligne. Il faut donc rappeler les normes existantes
dans ce domaine et clarifier les droits et responsabilités des intermédiaires
TIC en veillant à ne pas porter atteinte à la liberté d'autrui.
3.1. Normes des Nations
Unies et travaux au sein de l'Organisation de coopération et de développement
économiques (OCDE)
13. L'article 19 du Pacte international relatifs aux
droits civils et politiques (PIDCP) des Nations Unies garantit le
droit à la liberté d'opinion et à la liberté d'expression. Ce droit
de l'homme est également reconnu à l'article 19 de la Déclaration
universelle des droits de l'homme de 1948. L'article 19 est pleinement
applicable à l'internet et aux autres médias fondés sur les TIC.
14. Les limitations à ce droit peuvent, en particulier, être trouvées
à l'article 20 du PIDCP
et
à l'article 4 de la Convention internationale sur l'élimination
de toutes les formes de discrimination raciale
.
Les Nations Unies ont clarifié dès 1997 que ledit article 4 est
également applicable à l'internet et ont examiné les éventuelles mesures
à prendre contre le cyber-racisme
.
Les deux dispositions exigent des Etats qu'ils veillent à ce que des
lois appropriées soient adoptées et appliquées.
15. Au niveau de l'UNESCO, la Fédération internationale des associations
et institutions de bibliothèques (IFLA) a poursuivi ses travaux
qui ont abouti aux directives IFLA/UNESCO de septembre 2006
en
vue d'un Manifeste sur l'internet. Ces derniers ont produit un certain
nombre de principes concernant l'accès public et l'usage d'internet,
en particulier par le biais des bibliothèques publiques.
16. Le 19 août 2010, les chercheurs de l'Institut d'Internet d'Oxford
ont présenté pour l'UNESCO le rapport sur «La liberté des connexions-liberté
d'expression: mutation de l'écologie juridique et réglementaire
qui façonne l'Internet»
.
Parmi les nombreuses recommandations figurant dans ce rapport, je
tiens à souligner la poursuite des efforts visant à soutenir la
diffusion mondiale d'internet, à renforcer et clarifier les mécanismes internationaux
de gouvernance de l'internet, à suivre et documenter la diffusion
d'initiatives juridiques et réglementaires, et à promouvoir la responsabilité
sociale des entreprises.
17. L'OCDE travaille aussi sur le rôle des «intermédiaires Internet»
dans la promotion des objectifs des politiques publiques. Un atelier
de l'OCDE, tenu à Paris le 16 juin 2010, a estimé que Ies intermédiaires
internet influencent et déterminent l'accès aux informations, aux
services et aux biens en ligne ainsi que le choix en la matière
.
Alors que des limitations à la responsabilité pour les intermédiaires
internet ont permis à ces entités ainsi que, d'une manière plus
large, à l'économie sur l'internet de fleurir par le passé, l'atelier
a noté l'existence de pressions nationales et internationales croissantes
de la part des gouvernements, du secteur commercial et des groupes
de consommateurs en vue de tenir les intermédiaires internet pour
responsables des activités illégales commises par le biais de leurs
services; d'autre part, les tribunaux européens reconnaissent de
plus en plus volontiers que les intermédiaires internet ont un devoir
de diligence.
18. Bien que les travaux de l'OCDE précités portent sur la responsabilité
pénale, quelques conclusions peuvent également être tirées pour
ce qui concerne les responsabilités générales des intermédiaires
internet eu égard au bon fonctionnement d'internet et des médias
fondés sur les TIC.
3.2. Article 10 de la
Convention européenne des droits de l'homme
19. Le droit à la liberté d'expression et d'information
consacré par l'article 10 de la Convention européenne des droits
de l'homme (STE no 5, «la Convention») s'applique sans conteste
à l'internet et aux médias en ligne. L'article 10 s'applique de
toute évidence aux services médiatiques fondés sur les TIC dans
le sens où les individus ont le droit de s'exprimer librement par
des médias fondés sur les TIC et de recevoir des informations par
ces moyens. L'article 10 est technologiquement neutre, c'est à dire
qu'il s'applique quelle que soit la technologie utilisée pour exprimer
des opinions ou recevoir des informations.
20. Alors que l'article 10 de la Convention est considéré avant
tout comme un droit des individus contre l'ingérence des autorités
de l'Etat, il peut être opportun de prendre en considération le
fait que la liberté d'expression et d'information par des médias
fondés sur les TIC est – de fait – également susceptible d'être limitée
par des entités privées comme les intermédiaires TIC (producteurs
de logiciels, fournisseurs de réseau, fournisseurs d'accès, fournisseurs
de services, hébergeurs de contenus, producteurs de moteurs de recherche de
contenus, etc.). L'article 10 de la Convention peut exiger des Etats
membres qu'ils prennent les mesures appropriées pour prévenir toute
atteinte illégale à la protection effective de la liberté d'expression
et d'information par d'autres particuliers.
21. La Cour européenne des droits de l'homme («la Cour») dispose
d'une importante jurisprudence relative à l'article 10 de la Convention.
La Cour a reconnu que les Etats avaient l'obligation positive de
se doter d'un cadre juridique pour la protection effective de cette
liberté eu égard aux journalistes d'internet
. De plus, la Cour a conclu que la
diffusion et la collecte d'informations par le biais d'internet
est protégé par l'article 10
.
22. La jurisprudence de la Cour ne cesse d'affirmer que les discours
de haine ne sont pas protégés par l'article 10 conformément à l'article
17 de la Convention
. En outre, la Cour a estimé que les usagers
d'internet étaient en droit de réclamer des dommages et intérêts
auprès d'un tribunal national lorsqu'un fournisseur d'accès internet
agit sous le contrôle des pouvoirs publics et n'est pas en mesure
de contrôler ou de protéger efficacement contre les messages électroniques
non souhaités ou les «spams»
.
23. Le droit de l'homme universel à la liberté d'expression et
d'information ne doit toutefois pas être confondu avec une liberté
générale – reconnue dans la plupart des lois nationales – d'exercer
des activités commerciales ou autres services par des médias fondés
sur les TIC.
3.3. Autres normes du
Conseil de l'Europe.
24. Le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a
élaboré plusieurs recommandations générales définissant le droit
à la liberté d'expression et d'information par des médias fondés
sur les TIC, à la lumière de l'article 10 de la Convention.
25. La Recommandation No R (99) 14 du Comité des Ministres sur
le service universel communautaire relatif aux nouveaux services
de communication et d'information
a
indiqué, pour la première fois, que quelques principes universels
de service public devraient également s'appliquer à l'internet,
notamment le soutien public à un accès à l'internet ainsi que la
fourniture de services et de contenus.
26. La Recommandation No R (2001) 8 du Comité des Ministres sur
l'autorégulation des cyber-contenus
expose
un certain nombre de principes en vue de protéger les utilisateurs
contre les contenus illicites ou préjudiciables de l'internet par
l'autorégulation, en particulier par des descripteurs de contenus
et des outils de sélection des contenus ainsi que par des systèmes
de plaintes.
27. Dans sa Déclaration sur la liberté de la communication sur
l'Internet du 28 mai 2003
,
le Comité des Ministres a défini sept principes généraux (voir également
en annexe):
- Règles sur les
contenus diffusés sur internet
- Autorégulation ou corégulation
- Absence de contrôle étatique préalable
- Suppression des entraves à la participation des individus
à la société de l'information
- Liberté de fournir des services via Internet
- Responsabilité limitée des fournisseurs de services pour
les contenus diffusés sur l'Internet
- Anonymat
28. Dans sa Déclaration sur les droits de l'homme et l'état de
droit dans la société de l'information du 13 mai 2005
,
le Comité des Ministres a réaffirmé un certain nombre de droits
de l'homme comprenant le droit à la liberté d'expression, la liberté
d'information et la liberté de communication, le droit au respect
de la vie privée et de la correspondance, le droit à l'éducation
et l'importance de favoriser l'accès aux nouvelles technologies de
l'information et leur utilisation par tous sans discrimination.
La Déclaration a également ajouté l'idée d'une «démarche de gouvernance
participative pour développer la société de l'information».
29. La Recommandation CM/Rec(2007)11 du Comité des Ministres sur
la promotion de la liberté d'expression et d'information dans le
nouvel environnement de l'information et de la communication
portait sur
la responsabilisation de chaque utilisateur, les normes et stratégies
communes pour une information fiable, la création de contenus souples
et la transparence dans le traitement de l'information, l'accès
à l'infrastructure des TIC à un prix abordable, l'accès à l'information
en tant que service public et la coopération entre les parties prenantes.
30. La question des filtres internet a été abordée dans la Recommandation
CM/Rec(2008)6 du Comité des Ministres sur les mesures visant à promouvoir
le respect de la liberté d'expression et d'information au regard des
filtres internet
.
Les lignes directrices annexées à cette recommandation contiennent
des principes pour l'usage et le contrôle des filtres internet en
vue de jouir pleinement du droit à la liberté d'expression et d'information,
des filtrages appropriés pour les enfants et les jeunes et l'usage
et l'application des filtres internet par les secteurs public et
privé.
31. Le 29 septembre 2010, le Comité des Ministres a adopté la
Déclaration sur la neutralité du réseau
.
Il y est stipulé que «dans ce contexte, les opérateurs des réseaux
de communication électronique peuvent être amenés à gérer le trafic
internet. Cette gestion peut être liée à la qualité du service,
au développement de nouveaux services, à la stabilité et à la fiabilité
du réseau ou à la lutte contre la cybercriminalité. Pour autant que
cela s'avère nécessaire (...), la gestion du trafic ne doit pas
être perçue comme allant à l'encontre du principe de neutralité
des réseaux. Cependant, toute exception à ce principe devrait être
appréhendée avec une grande circonspection et être justifiée par
des raisons impératives d'intérêt public majeur».
32. Le 21 septembre 2011, le Comité des Ministres a adopté deux
instruments qui établissent aussi des lignes directrices politiques
relatives à la liberté d'expression et d'information dans les médias
fondés sur les TIC: sa Recommandation CM/Rec(2011)8 sur la protection
et la promotion de l'universalité, de l'intégrité et de l'ouverture
de l'internet
et
sa Déclaration du 21 septembre 2011 sur des principes de la gouvernance
de l'internet
.
3.4. La Charte des droits
fondamentaux et la législation de l'Union européenne
33. L'article 11 de la Charte des droits fondamentaux
de l'Union européenne garantit le droit à la liberté d'expression
et d'information au sein de l'Union européenne
.
Etant donné que, par le passé, la Cour de justice de l'Union européenne
à Luxembourg a appliqué la législation européenne à la lumière de
la Convention, on peut supposer que l'article 11 sera également
interprété et appliqué conformément à la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l'homme en vertu de l'article 10 de la
Convention.
34. L'article 11 de la Charte des droits fondamentaux est contraignant
pour les organes de l'Union européenne et exige que la législation
européenne secondaire soit conforme avec le droit à la liberté d'expression
et d'information. Cette législation secondaire inclut un certain
nombre de Directives de l'Union européenne, notamment le «train
de réformes des Télécoms» du 25 novembre 2009
.
35. Ces réformes visaient à réviser plusieurs Directives de l'Union
européenne afin de permettre aux Etats membres de fixer des niveaux
minima de qualité pour les services de transmission en réseau, y
compris l'obligation de neutralité du réseau, et de déconnecter
les usagers d'internet qui téléchargent illégalement des contenus
protégés par les droits d'auteurs. Le droit des usagers à être notifiés
de certaines atteintes à la protection des données a également été
établi ainsi que le droit de demander la vérification des déconnexions par
un organe judiciaire. Enfin, le train de réformes des télécoms de
l'Union européenne a également créé l'Organe des Régulateurs européens
des communications électroniques (ORECE) qui regroupe les 27 autorités
nationales de régulation des 27 Etats membres de l'Union européenne
et qui a son siège à Riga, Lettonie.
4. Conclusions
36. L'internet et les médias en ligne sont devenus un
pilier vital pour tout individu au sein de la société de l'information
moderne. Le public dépend de manière croissante des médias fondés
sur les TIC pour accéder à des informations et des opinions, et
les diffuser. Le droit à la liberté d'expression et d'information
dépend donc du bon fonctionnement du cyberespace. Chaque fois que
les autorités de l'Etat limitent, filtrent ou bloquent l'accès à
l'internet ou aux services de communication mobile, l'article 10
de la Convention est clairement en jeu. La Cour européenne des droits
de l'homme a déjà reçu des requêtes à cet égard
.
L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE)
et
les Nations Unies
se
sont aussi récemment concentrées sur cette question.
37. Toutefois, il est nécessaire d'assurer la protection de la
liberté d'expression et d'information des usagers sur l'internet
et les médias en ligne contre le menace provenant non seulement
des autorités publiques, mes également des intermédiaires privés.
En effet, avec la privatisation des sociétés nationales de télécommunication
intervenue en Europe ces vingt dernières années, l'internet et les
médias en ligne sont, pour la plupart, fournis et gérés par des
entreprises privées. Ces dernières bénéficient d'une ample marge
de manœuvre pour gérer leurs services en vertu des législations
existantes en matière de télécoms et d'internet. On l'a vu, par
exemple, dans le contexte du débat sur la neutralité des réseaux,
et notamment sur la question de savoir si les fournisseurs de services
internet étaient en droit d'offrir des services plus lents à certains usagers
et des services préférentiels à d'autres.
38. Les intermédiaires des média fondés sur les TIC pourraient
restreindre la diffusion d'informations pour des raisons commerciales,
politiques ou autres sans informer les usagers. En raison des structures
techniques et entrepreneuriales complexes de ces intermédiaires,
de leur localisation sociale souvent floue et de leur coopération
avec des entreprises partenaires à l'étranger, les usagers peuvent
avoir des difficultés à déterminer quel est le tribunal compétent
dans ce type d'affaires. Nombre de ces intermédiaires, comme les fournisseurs
de services ou d'accès internet ainsi que les compagnies de télécommunications
ou de téléphonie mobile, ont une position dominante vis-à-vis des
usagers parce qu'ils sont d'importance significative pour le système
ou qu'ils exercent une emprise considérable sur le marché.
39. Dans ce contexte, il importe de veiller à ce que le droit
à la liberté d'expression et d'information conformément à l'article
10 de la Convention ne soit limité ni par les Etats ni par des entreprises
privées. Comme affirmé par le Comité des Ministres dans sa Déclaration
du 21 septembre 2011 sur des principes de la gouvernance de l'internet:
«Tous les acteurs publics et privés devraient reconnaître et respecter
les droits de l'homme et les libertés fondamentales dans leur fonctionnement
et leurs activités ainsi que dans la conception de nouveaux services,
technologies et applications.»