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Recommandation 1516 (2001)

Financement des partis politiques

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 22 mai 2001 (voir Doc. 9077, rapport de la commission des questions politiques, rapporteuse: Mme Štĕpová.).

1. Les citoyens se préoccupent de plus en plus de la corruption liée aux partis politiques, de l’affaiblissement de l’indépendance des partis et des influences inappropriées qui peuvent s’exercer sur des décisions politiques par le biais de moyens financiers. L’Assemblée, soulignant que les partis politiques sont une composante essentielle des démocraties pluralistes, est sérieusement préoccupée par cette situation.
2. Depuis quelques années, divers scandales liés au financement des partis politiques ont montré, dans plusieurs États membres du Conseil de l’Europe, partout en Europe, que cette question devait être affrontée de toute urgence pour éviter une désaffection des citoyens pour la vie politique de leurs pays respectifs.
3. Pour conserver et renforcer la confiance des citoyens dans leur système politique, les États membres du Conseil de l’Europe doivent adopter certaines règles régissant le financement des partis politiques et des campagnes électorales.
4. L’Assemblée est d’avis que les principes généraux sur lesquels reposeraient ces règles devraient être formulés au niveau européen.
5. A cet égard, elle prend note des activités des organes du Conseil de l’Europe dans ce domaine, en particulier des lignes directrices sur le financement des partis politiques adoptées par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) en mars 2001, et des activités du Groupe de travail du Conseil de l’Europe sur le financement des partis politiques (GMCF), visant à formuler des recommandations aux États membres sur «des règles communes contre la corruption dans le financement des partis politiques et des campagnes électorales».
6. Les conditions dans lesquelles les partis politiques exercent leurs activités ont changé au cours des dernières décennies; aujourd’hui, ils ont besoin de ressources financières substantielles pour développer leur visibilité et s’attirer un soutien politique à leurs idées. En conséquence, l’Assemblée estime que les mécanismes de réglementation doivent prendre en compte ces réalités et permettre aux partis politiques d’obtenir des ressources suffisantes pour accomplir leurs tâches et assumer leurs fonctions.
7. L’Assemblée estime que les règles de financement des partis politiques et des campagnes électorales doivent reposer sur les principes suivants: un équilibre raisonnable entre financements publics et privés, des critères équitables de répartition des contributions de l’État aux partis, des règles strictes régissant les dons privés, un seuil imposé aux dépenses des partis liées aux campagnes électorales, une transparence totale de la comptabilité, la mise en place d’un organisme indépendant de vérification des comptes et des sanctions significatives en cas de violation des règles.
8. En conséquence, l’Assemblée considère que:
a. Concernant les sources de financement
i. Les États devraient encourager la participation des citoyens aux activités des partis politiques, y compris sous la forme d’un soutien financier. Il convient d’accepter le fait que les cotisations des adhérents, qui sont des sources traditionnelles et non controversées de financement, ne suffisent pas pour faire face à des dépenses en augmentation constante dans un contexte de concurrence politique.
ii. Les partis politiques devraient recevoir des contributions financières de l’État pour empêcher la dépendance par rapport à des donateurs privés et pour garantir l’égalité des chances entre les partis politiques. Les contributions financières de l’État devraient, d’une part, être calculées au prorata du soutien politique dont jouissent les partis, évalué selon des critères objectifs tels que le nombre de voix ou de sièges parlementaires, et, d’autre part, permettre à de nouveaux partis d’entrer dans l’arène politique et d’affronter dans des conditions équitables les partis constitués de longue date.
iii. Le soutien de l’État ne doit pas dépasser le niveau strictement nécessaire pour remplir les objectifs ci-dessus, car une dépendance excessive vis-à-vis du financement public peut entraîner un affaiblissement des liens entre les partis et leur électorat.
iv. En dehors de leurs contributions financières, les États peuvent participer indirectement au financement des partis politiques basé sur la loi, par exemple en prenant en charge les frais d’affranchissement postal ou de location des salles de réunion, en aidant les organes de presse, les associations de jeunesse et les instituts de recherche du parti, et en leur accordant des facilités fiscales.
v. Parallèlement au financement public, les contributions privées sont une source essentielle de financement pour les partis politiques. Dans la mesure où le financement privé – en particulier les donations – peut ouvrir la voie à des jeux d’influence ou à des formes de corruption, les règles suivantes devraient s’appliquer:
a. interdiction des donations émanant d’entreprises publiques, d’entreprises sous contrôle public, ou d’entreprises fournissant des biens ou des services au secteur public;
b. interdiction des donations provenant de sociétés domiciliées dans des zones offshore;
c. limitation stricte des donations émanant d’entités juridiques;
d. fixation d’une limite légale sur le montant maximal des donations;
e. interdiction de donations provenant des institutions religieuses.
b. Concernant les dépenses pendant les campagnes électorales
  • Les États devraient plafonner les dépenses autorisées pendant les campagnes électorales; en effet, l’absence de tels seuils encourage l’escalade des dépenses et oblige les partis à intensifier leur recherche de fonds.
c. Concernant la transparence
  • Le financement des partis politiques doit être totalement transparent, ce qui exige en particulier que les partis politiques:
i. tiennent une comptabilité stricte de toutes leurs recettes et dépenses, qui doit être soumise, au moins une fois par an, à un organisme indépendant de vérification des comptes et être rendue publique;
ii. déclarent l’identité des donateurs dont l’aide financière dépasse une certaine limite.
d. Concernant les contrôles
  • Les États devraient créer des organismes indépendants de vérification des comptes, dotés de pouvoirs suffisants pour contrôler la comptabilité des partis politiques et les dépenses liées aux campagnes électorales.
e. Concernant les sanctions
  • En cas de violation de la législation, les partis politiques devraient faire l’objet de sanctions appropriées, par exemple perte totale ou partielle, ou remboursement obligatoire, des contributions publiques, et paiement d’amendes. Quand une responsabilité individuelle est établie, les sanctions devraient être assorties d’une annulation du mandat de l’élu ou d’une peine d’inéligibilité.
f. Concernant les «tiers partis»
  • La législation sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales devrait s’appliquer aussi aux entités liées aux partis politiques, telles que les fondations politiques.
9. L’Assemblée recommande donc au Comité des Ministres:
i. d’adopter des «règles communes contre la corruption dans le financement des partis politiques et des campagnes électorales», tenant compte des travaux du Groupe multidisciplinaire sur la corruption (GMC), sur la base d’une proposition de son Groupe de travail sur le financement des partis politiques (GMCF), des principes formulés ci-dessus, ainsi que des lignes directrices sur le financement des partis politiques adoptées par la Commission européenne pour la démocratie par le droit en mars 2001;
ii. d’inviter les États membres à adopter la législation sur le financement des partis politiques et des campagnes électorales en s’inspirant des principes ci-dessus contenus dans les lignes directrices du Conseil de l’Europe.