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Recommandation 1740 (2006)

La place de la langue maternelle dans l’enseignement scolaire

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 10 avril 2006 (9e séance) (voir Doc. 10837Doc. 10837, rapport de la commission de la culture, de la science et de l’éducation, rapporteur: M. Legendre). Texte adopté par l’Assemblée le 10 avril 2006 (9e séance).

1. L’Assemblée parlementaire estime que des considérations d’ordre différent influencent la place de la langue maternelle dans l’enseignement scolaire. Il y a le droit, aussi bien le droit à l’éducation que le droit à une identité culturelle. Il y a la sauvegarde du patrimoine linguistique, européen et mondial, il y a la promotion du dialogue et des échanges par la diversité linguistique et il y a les considérations pédagogiques, sans compter l’utilisation politique qui est souvent faite de cette question.
2. De par le passé, l’Assemblée s’est souvent occupée de questions linguistiques. Les Recommandations 814 (1977) relative aux langues vivantes en Europe, 928 (1981) relative aux problèmes d’éducation et de culture posés par les langues minoritaires et les dialectes en Europe, 1203 (1993) relative aux Tsiganes en Europe, 1291 (1996) relative à la culture yiddish, 1333 (1997) relative à la langue et à la culture aroumaines, 1353 (1998) relative à l’accès des minorités à l’enseignement supérieur, 1383 (1998) relative à la diversification linguistique, 1521 (2001) relative à la culture de la minorité csango en Roumanie, 1539 (2001) relative à l’Année européenne des langues et 1688 (2004) relative aux cultures de diaspora, ainsi que la Résolution 1171 (1998) (1998) sur les cultures minoritaires ouraliennes en danger sont pertinentes.
3. Dans ce contexte, l’Assemblée rappelle l’importance des instruments adoptés par le Conseil de l’Europe tels que la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires (STE no 148), ainsi que ceux adoptés par d’autres instances, tels que la Convention de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.
4. Il serait souhaitable de favoriser, dans la mesure du possible, l’apprentissage par les jeunes Européens de leur langue maternelle (ou langue principale), quand celle-ci n’est pas une langue officielle de l’Etat dont ils sont ressortissants.
5. Parallèlement, tout jeune Européen a le devoir d’apprendre une langue officielle de l’Etat dont il est citoyen.
6. La langue dans laquelle l’enseignement est prodigué joue un rôle essentiel dans la mesure où la maîtrise de cette langue est la clé pour les processus de communication en classe et, par conséquent, pour l’acquisition des connaissances par les élèves. De nombreuses recherches ont confirmé que des formes d’enseignement fondées sur la langue maternelle augmentent significativement les chances de réussite scolaire, voire donnent de meilleurs résultats.
7. Dans les sociétés européennes, la pratique courante de la langue officielle est la principale condition préalable à l’intégration des enfants dont la langue principale diffère de la langue officielle du pays ou de la région. De nombreuses recherches aboutissent pourtant au même résultat: la scolarisation immédiate de ces enfants dans une langue qu’ils maîtrisent insuffisamment, ou pas du tout, compromet sérieusement leur réussite scolaire. Un enseignement bilingue, axé sur la langue maternelle, constitue au contraire la base d’un succès à long terme.
8. Des études récentes ont démontré que les idées selon lesquelles chaque langue est liée à une culture particulière et que le bilinguisme finit par exclure la personne des deux cultures à la fois sont fausses. L’idée selon laquelle le bilinguisme ou le plurilinguisme est une charge pour les élèves est, elle aussi, fausse, il s’agit plutôt d’un atout.
9. Il existe différentes formes de soutien du bilinguisme enfantin par les systèmes éducatifs. Elles se distinguent par leurs objectifs politiques: maintenir une langue minoritaire, revitaliser une langue de moindre diffusion ou intégrer des enfants alloglottes dans la société dominante. Dans tous ces cas, des modèles d’enseignement bilingue appropriés existent. Leur choix dépendra d’une réflexion préalable et d’une décision transparente, négociée avec les personnes concernées, sur les objectifs visés.
10. Les modèles forts d’enseignement bilingue, qui visent à faire bénéficier le futur adulte d’une véritable compétence bi/plurilingue, présentent de nombreux avantages par rapport aux modèles faibles, qui considèrent le bilinguisme non pas tant comme un but en soi que comme un stade intermédiaire entre le monolinguisme en langue maternelle et le monolinguisme en langue officielle. Ces avantages concernent aussi bien les personnes qui bénéficient de ces modèles que les sociétés qui les offrent. Mais, dans tous les cas, la condition de réussite est que les programmes d’enseignement bilingue durent plusieurs années.
11. Il convient d’être particulièrement attentif au cas de langues régionales parlées exclusivement dans un pays à langue officielle différente, ou parlées dans plus d’un pays, mais sans être langue officielle dans aucun d’eux, ainsi que dans le cas de langues déterritorialisées ou de la diaspora. Un soutien important par les systèmes éducatifs peut être la condition même de la survie de ces langues.
12. Par conséquent, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
12.1. de répertorier les différents modèles et formes d’enseignement bilingue en Europe;
12.2. de promouvoir les échanges et les rencontres des professionnels impliqués dans l’enseignement bilingue;
12.3. de rédiger une recommandation à l’intention des gouvernements des Etats membres les invitant:
12.3.1. à développer l’enseignement bilingue et plurilingue en se basant sur les principes exposés ci-dessus;
12.3.2. à favoriser le développement de répertoires enfantins plurilingues et à soutenir de façon cohérente toutes les langues du répertoire enfantin;
12.3.3. à proposer, chaque fois que cela est approprié et utile, un soutien fort dans la langue maternelle aux enfants dont celle-ci n’est pas la langue officielle de l’Etat;
12.3.4. à valoriser les langues menacées auprès des parents et des communautés afin de soutenir et de renforcer leur volonté de soutenir la langue;
12.3.5. à élaborer et à mettre en œuvre des politiques relatives à l’usage des langues dans l’éducation, dans un dialogue ouvert et une concertation permanente avec les groupes linguistiques concernés;
12.4. d’inviter les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait à signer ou à ratifier les instruments pertinents adoptés par le Conseil de l’Europe et par l’UNESCO.