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Recommandation 1878 (2009)

Financement de la radiodiffusion de service public

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 25 juin 2009 (25e séance) (voir Doc. 11848, rapport de la commission de la culture, de la science et de l’éducation, rapporteur: M. Laukkanen; et Doc. 11915, avis de la commission des questions politiques, rapporteur: M. MacShane). Texte adopté par l’Assemblée le 25 juin 2009 (25e séance).

1. L’Assemblée parlementaire observe qu’aujourd’hui les radiodiffuseurs de service public agissent dans un environnement marqué par l’offre simultanée d’une multitude de chaînes privées gratuites, par des services de médias à la demande et par l’augmentation rapide de l’offre de contenus audiovisuels sur internet. Cette concurrence accrue au sein du secteur audiovisuel a donné lieu à des débats politiques sur le financement du service public de radiodiffusion en Europe.
2. La mise en place et l’entretien des services de radiodiffusion ont été une entreprise très coûteuse, limitée par la ressource finie du spectre des fréquences radio. Sous l’influence des avancées technologiques dans la transmission de contenus audiovisuels par câble, par satellite ou par réseau hertzien analogique ou numérique, y compris les réseaux de téléphonie fixe ou mobile, l’environnement des médias audiovisuels a profondément changé.
3. Les modèles économiques des radiodiffuseurs commerciaux, des fournisseurs de contenus audiovisuels et des agences de publicité du secteur audiovisuel évoluent également: les revenus tirés de la publicité se répartissent sur un plus grand nombre de médias; la radiodiffusion payante à la carte est concurrencée par une offre thématique croissante sur internet; et le téléchargement de musique sur internet pourrait aussi évoluer vers le téléchargement de contenus audiovisuels.
4. Le comportement du public et les attentes des usagers évoluent pareillement; ceux-ci tendent à s’éloigner des programmes de radiodiffusion linéaires et à se tourner vers des chaînes thématiques et des services interactifs ou à la demande, utilisant également internet comme autre plate-forme pour de tels services.
5. Les radiodiffuseurs de service public doivent être une importante source publique d’informations impartiales et d’opinions politiques diverses. Leur activité doit être soumise à d’exigeantes normes éditoriales d’objectivité, d’équité et d’indépendance vis-à-vis de toute ingérence politique ou économique. Ils devraient, davantage que les radiodiffuseurs commerciaux, faire preuve de transparence et rendre des comptes au public quant à leur programmation. Ils devraient apporter une contribution importante à la production d’œuvres audiovisuelles de grande qualité. Ils devraient offrir à un large public des programmes d’éducation informelle et culturels gratuits. Ils ont la possibilité et le devoir de répondre également aux besoins des groupes minoritaires et des personnes ayant des besoins spécifiques, dont il ne serait pas tenu compte dans un système purement commercial. Ils devraient, en conséquence, soutenir des objectifs non commerciaux tels que le progrès social, la sensibilisation du public aux processus démocratiques, la compréhension interculturelle et l’intégration sociale. Lorsqu’ils remplissent ces fonctions, les radiodiffuseurs de service public représentent une valeur publique importante qui ne devrait pas être revue à la baisse ni abandonnée.
6. Rappelant sa Recommandation 1641 (2004) sur le service public de radiodiffusion, l’Assemblée réaffirme que le service public de radiodiffusion demeure, pour les gouvernements des Etats membres, un outil essentiel pour répondre aux besoins d’information, d’éducation et de culture des citoyens et de la société dans son ensemble. Ces besoins peuvent varier selon les Etats européens en fonction de circonstances nationales ou régionales, y compris le paysage médiatique national ou régional, la diversité culturelle de la société et les caractéristiques géographiques ou de l’infrastructure du pays.
7. En conséquence, l’Assemblée soutient sans réserve les engagements pris il y a quinze ans, lors de la 4e Conférence ministérielle européenne sur la politique des communications de masse (Prague, 7-8 décembre 1994), dans la Résolution sur l’avenir du service public de la radiodiffusion, visant notamment:
7.1. à assurer au moins un service de base généraliste comprenant des informations et des programmes éducatifs, culturels et de divertissement qui soit accessible à tous les membres du public, tout en reconnaissant que les radiodiffuseurs de service public doivent également avoir la possibilité, le cas échéant, d’offrir des services de programmes supplémentaires tels que des services thématiques;
7.2. à définir clairement le rôle, les missions et les responsabilités des radiodiffuseurs de service public, ainsi qu’à assurer leur indépendance éditoriale à l’égard de toute ingérence politique et économique;
7.3. à garantir aux radiodiffuseurs de service public les moyens suffisants et durables nécessaires à l’accomplissement de leur mission.
8. L’Assemblée rappelle les autres normes relatives aux médias de service public énoncées dans sa Résolution 1636 (2008) sur les indicateurs pour les médias dans une démocratie et dans sa Recommandation 1855 (2009) sur la régulation des services de médias audiovisuels, ainsi que dans les Recommandations du Comité des Ministres no R (96) 10 concernant la garantie de l’indépendance du service public de la radiodiffusion, CM/Rec(2007)3 sur la mission des médias de service public dans la société de l’information et CM/Rec(2007)16 sur des mesures visant à promouvoir la valeur de service public de l’internet, la Déclaration du Comité des Ministres du 27 septembre 2006 sur la garantie de l’indépendance du service public de radiodiffusion dans les Etats membres et sa Déclaration du 20 février 2008 sur l’affectation et la gestion du dividende numérique et l’intérêt général.
9. Face à la convergence des marchés des médias et à l’évolution des attentes des usagers, les radiodiffuseurs de service public devraient diversifier leurs services en y intégrant des chaînes thématiques, des médias à la demande, des médias enregistrés et des services médiatiques sur internet, afin d’offrir au grand public une palette complète et compétitive de services médiatiques, conformément à leur mission de service public. Face aux avancées technologiques dans le domaine des médias audiovisuels et des communications électroniques, ils devraient aussi mettre à profit les nouvelles technologies.
10. L’Assemblée, qui représente les parlements nationaux d’Europe, souligne que les législateurs nationaux ont le pouvoir et la responsabilité de définir les missions spécifiques, la structure et le financement de leurs radiodiffuseurs de service public, conformément aux circonstances et aux besoins nationaux et régionaux. L’Assemblée est préoccupée par certaines tendances, au sein de l’Union européenne, à restreindre ces pouvoirs nationaux en vertu de la réglementation du marché interne, ainsi que le nombre croissant de plaintes à l’encontre des Etats membres de l’Union déposées auprès de la Commission européenne par des opérateurs privés. L’application du droit de l’Union européenne ne devrait pas restreindre le pouvoir des Etats membres d’adapter la mission de la radiodiffusion de service public à leurs besoins nationaux spécifiques. A cet égard, l’Assemblée rappelle que le Protocole d’Amsterdam de 1997 au Traité instituant l’Union européenne préconise clairement dans ce domaine la subsidiarité et les compétences nationales pour les Etats membres de l’Union.
11. L’Assemblée rappelle la Convention de 2005 de l’UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Celle-ci prévoit que, dans le cadre de ses politiques et mesures culturelles, et compte tenu des circonstances et des besoins qui lui sont propres, chaque Partie à la convention peut adopter des mesures destinées à protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles sur son territoire, notamment des mesures visant à accorder des aides financières publiques ou visant à promouvoir la diversité des médias, y compris au moyen du service public de radiodiffusion (article 6, paragraphe 2.d et h, de la convention). La convention de l’UNESCO a également été signée par l’Union européenne.
12. Les Etats membres se sont dotés de systèmes de financement des radiodiffuseurs de service public qui varient en fonction des traditions et des circonstances nationales. Dans les petits pays, les pays plurilingues et les pays où le pluralisme des radiodiffuseurs commerciaux est moins développé, le service public de radiodiffusion peut avoir besoin d’un financement spécifique. Cependant, le public accepte de moins en moins le financement des radiodiffuseurs de service public, étant donné l’augmentation des contenus audiovisuels disponibles qui découle de la convergence des plates-formes médiatiques et du développement de l’internet.
13. Rappelant que les radiodiffuseurs de service public doivent être indépendants du gouvernement et pouvoir fonctionner sans ingérence politique de sa part, l’Assemblée souligne que leur modèle de financement doit refléter cette indépendance.
14. Le financement des médias de service public peut être assuré au moyen d’une redevance audiovisuelle uniforme, d’une taxe, de subventions publiques, d’un système d’abonnement, de recettes publicitaires ou de parrainage, de services spécialisés à la demande ou avec paiement à la carte, de recettes provenant de la vente de produits dérivés tels que des livres, des vidéos ou des films, et de l’exploitation d’archives audiovisuelles. A cet égard, le mode de financement des médias de service public peut combiner plusieurs de ces possibilités, à l’instar d’autres institutions culturelles publiques telles que les orchestres, les théâtres et les musées. Chacune de ces formes de financement doit permettre aux radiodiffuseurs de service public de répondre aux exigences, propres au service public, de disponibilité et d’accessibilité pour le grand public.
15. En contrepartie du financement public, qui répond à l’intérêt général, les radiodiffuseurs de service public doivent respecter des normes de qualité concernant leurs services et leurs contenus audiovisuels. Cela implique que les législateurs et les autorités de réglementation définissent leur mission de service public et fixent un cadre de normes de qualité, tout en respectant au quotidien l’indépendance éditoriale et organisationnelle des radiodiffuseurs publics. A cet effet, des mécanismes de contrôle public de la qualité, y compris des procédures d’évaluation par les usagers, devraient être mis en place. Toutefois, l’audimat ne devrait pas être un facteur décisif.
16. L’Assemblée note avec intérêt que la mission et le financement des radiodiffuseurs de service public font actuellement l’objet de débats dans les parlements nationaux, et invite les parlements de tous les Etats membres:
16.1. à faire en sorte que les radiodiffuseurs de service public de leur pays disposent d’une mission claire et des possibilités de financement à long terme nécessaires à l’accomplissement de cette mission, conformément à la Résolution sur l’avenir du service public de la radiodiffusion de la 4e Conférence ministérielle européenne sur la politique des communications de masse;
16.2. à faire en sorte que les radiodiffuseurs de service public de leur pays disposent d’une structure viable, offrant des garanties suffisantes quant à leur indépendance éditoriale et organisationnelle, conformément à la Recommandation no R (96) 10 du Comité des Ministres concernant la garantie de l’indépendance du service public de la radiodiffusion;
16.3. à assurer la transparence des radiodiffuseurs de service public, y compris au moyen de l’examen, à intervalles réguliers, de leur mission de service public, de l’accomplissement de leurs objectifs de service public et de la satisfaction des demandes des usagers;
16.4. à assurer l’affectation aux radiodiffuseurs de service public d’un spectre suffisant de fréquences radio lors de la transition vers le numérique et après l’arrêt de la radiodiffusion analogique, conformément à la Déclaration du Comité des Ministres sur l’affectation et la gestion du dividende numérique et l’intérêt général;
16.5. à examiner la possibilité que des médias commerciaux remplissent des missions de service public, par exemple en diffusant des programmes, chaînes, œuvres ou services audiovisuels particuliers, et reçoivent en conséquence des subventions publiques;
16.6. à demander à leur gouvernement de signer et de ratifier la Convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel (STE no 183), s’ils ne l’ont pas encore fait, et à examiner les possibilités de conserver les archives audiovisuelles des radiodiffuseurs de service public, qui font partie du patrimoine culturel conformément à la convention.
17. L’Assemblée se félicite du Plan d’action concernant les médias de service public adopté par les ministres participant à la Conférence du Conseil de l’Europe des ministres responsables des médias et des nouveaux services de communication (Reykjavík, 28-29 mai 2009), et invite les ministres à réaffirmer au niveau national:
17.1. l’importance, pour les médias de service public, de répondre aux besoins nationaux ou régionaux sur la base d’une mission clairement définie, d’une structure viable et d’un financement à long terme suffisant, établi au niveau national;
17.2. que les radiodiffuseurs de service public devraient, conformément à l’évolution des demandes des usagers, avoir recours aux nouvelles technologies pour faciliter l’accès à leurs services et en offrir de nouveaux, y compris des services interactifs et des services de médias à la demande sur toutes les plates-formes disponibles pour toucher tous les publics, et en particulier les jeunes;
17.3. qu’il est important d’assurer une coordination paneuropéenne de leurs politiques nationales concernant le service public de radiodiffusion, au moyen de réunions ministérielles régulières au niveau du Conseil de l’Europe et de son Comité directeur sur les médias et les nouveaux services de communication.
18. L’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
18.1. de transmettre la présente recommandation aux ministères compétents, aux autorités de régulation de la radiodiffusion et aux radiodiffuseurs de service public de leur pays;
18.2. de demander à l’Observatoire européen de l’audiovisuel de collecter des informations sur le financement des médias de service public en Europe;
18.3. d’examiner, avec l’Union européenne de radiotélévision, les possibilités de coopération transfrontalière entre les radiodiffuseurs nationaux de service public, telles que la production conjointe d’œuvres et de programmes audiovisuels, l’utilisation conjointe d’archives, de matériel technique et de ressources humaines, ou encore l’acquisition conjointe de droits de retransmission;
18.4. d’appeler les gouvernements des Etats membres, ainsi que la Communauté européenne, à signer et à ratifier la Convention européenne relative à la protection du patrimoine audiovisuel, s’ils ne l’ont pas encore fait.