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Recommandation 1884 (2009)
L’éducation culturelle: promotion de la culture, de la créativité et de la compréhension interculturelle par l’éducation
1. L’Assemblée
parlementaire réaffirme l’importance fondamentale de l’éducation
pour tous les individus et pour la société dans son ensemble, et
rappelle que, en vertu de l’article 26, paragraphe 2, de la Déclaration universelle
des droits de l’homme du 10 décembre 1948, l’éducation doit viser
au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement
du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
ainsi que favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre
les nations et les groupes ethniques ou religieux. Le Livre blanc
du Conseil de l’Europe sur le dialogue interculturel du 7 mai 2008
reconnaît toutes les formes d’expression artistique comme des outils
d’éducation interculturelle.
2. Le droit à l’éducation est un droit fondamental garanti par
l’article 2 du Protocole additionnel à la Convention européenne
des droits de l’homme (STE no 9). L’éducation
doit être le moteur des nouvelles structures sociales et économiques
du monde d’aujourd’hui, caractérisé par la rapidité des changements, l’accélération
de la mondialisation et la complexité des relations économiques,
sociétales et culturelles.
3. L’éducation culturelle, qui concerne l’apprentissage et la
pratique des arts – ainsi que l’apprentissage par les arts –, à
l’aide d’outils pédagogiques transversaux, doit aussi se servir
de l’art pour favoriser le développement d’objectifs culturels et
sociaux, notamment le respect mutuel, la compréhension et la tolérance envers
autrui, la mise en valeur de la diversité, le travail en équipe
et d’autres compétences sociales, ainsi que la créativité, l’épanouissement
de la personne et la capacité à innover. L’éducation culturelle
peut aider à créer des synergies au-delà de la diversité culturelle
par le biais d’un dialogue positif et constructif. La promotion
de la créativité et la capacité à innover sont indispensables au
développement de la personnalité et pour relever les défis de la
vie quotidienne. L’expression et l’expérience artistiques favorisent
les capacités de coordination et les compétences fondamentales,
renforçant ainsi les facultés d’apprentissage de l’enfant dès le
plus jeune âge.
4. L’Assemblée rappelle la feuille de route de l’UNESCO pour
l’éducation artistique, adoptée par la Conférence mondiale sur l’éducation
artistique «Développer les capacités créatrices pour le XXIe siècle» (Lisbonne,
6-9 mars 2006), et salue l’initiative de l’Union européenne «Année
européenne de la créativité et de l’innovation» en 2009. Elle regrette
l’absence, à l’échelle européenne, d’un programme permettant d’évaluer
de manière adéquate l’éducation culturelle et les compétences sociales
acquises à l’école.
5. L’Assemblée a beaucoup soutenu les politiques éducatives liées
à la culture, notamment par le biais de la Recommandation 1833 (2008) «Promouvoir l’enseignement des littératures européennes»,
la Recommandation 1717
(2005) relative à l’éducation aux activités de loisirs, la Recommandation 1621 (2003) relative à la promotion de l’histoire de l’art en Europe,
la Recommandation 1437
(2000) relative à l’éducation non formelle, la Recommandation 1104 (1989) relative à la danse et la Recommandation 929 (1981) relative à l’éducation musicale pour tous.
6. Généralement, l’éducation est dispensée dans les écoles et
les établissements d’enseignement supérieur ainsi que de manière
informelle par les médias, les établissements culturels et l’art.
L’art peut renforcer utilement l’éducation formelle. Il est essentiel
que les méthodes d’éducation culturelle et artistique soient intégrées
à l’éducation formelle, notamment à l’école. Les nouvelles technologies
de l’information et de la communication ont considérablement accru
les possibilités d’éducation culturelle, dans un contexte formel ou
informel, et son impact.
7. Une éducation réussie implique des capacités de raisonnement
logique et d’abstraction, d’imagination et de sensibilité, ainsi
que de la créativité et de la mémoire culturelle, mais avant tout
des aptitudes à communiquer. La communication demande des capacités
à apprendre et à vivre en société ainsi que des connaissances de
base au sens large, qui couvrent non seulement l’expression orale,
la lecture et l’écriture, mais aussi un bagage informatique, culturel
et artistique.
8. Communiquer par le biais de l’art pourrait notamment venir
en aide aux personnes ayant des difficultés en matière d’expression
orale, de lecture ou d’écriture, que ces difficultés résultent de
problèmes physiques, psychologiques ou éducatifs. Pour exercer pleinement
leur droit à l’éducation, les personnes ayant des besoins spécifiques
doivent avoir accès à une éducation renforcée et plus globale, couvrant
notamment l’éducation culturelle.
9. L’alphabétisation est une condition fondamentale à la participation
et à la contribution active dans une société démocratique. Malgré
un taux d’analphabétisme en Europe qui se situe au-dessous du taux
mondial estimé qui serait de 10 à 20 %, un certain pourcentage d’Européens
d’origine immigrée ont une méconnaissance fonctionnelle de la langue
de leur pays ou région de résidence. Cet analphabétisme culturel fait
obstacle à la participation à la vie sociale et à la compréhension
mutuelle entre les différents groupes sociétaux.
10. L’Assemblée réaffirme que les Etats membres doivent garantir
la liberté et la diversité de l’expression artistique et culturelle
en vertu de l’article 10 de la Convention européenne des droits
de l’homme. Les établissements d’enseignement et les institutions
culturelles, qui représentent tout l’éventail des pratiques artistiques
et culturelles, doivent mettre sur pied des projets communs pour
garantir une approche active et vivante des diverses expressions
culturelles.
11. Les établissements d’enseignement doivent mettre sur pied
des projets internationaux de coopération dans le domaine de l’éducation
culturelle, notamment dans les régions connaissant des tensions
politiques. Les Etats membres doivent soutenir les établissements
d’enseignement dans ces projets par des actions de sensibilisation,
l’octroi de financements, en facilitant la délivrance de visas si
nécessaire, en garantissant la reconnaissance mutuelle des enseignements
culturels et en dotant ces établissements des pouvoirs administratifs
leur permettant de conclure des accords de coopération transfrontalière.
Ils doivent veiller à ce que chacun puisse satisfaire ses besoins
en matière d’éducation, en garantissant la disponibilité d’enseignants correctement
formés et l’accès à la culture et à l’art.
12. L’Assemblée accueille favorablement l’organisation d’une réunion
avec le Comité directeur du Programme international pour le suivi
des acquis des élèves (PISA) de l’Organisation de coopération et
de développement économiques (OCDE) et avec l’Association internationale
pour l’évaluation du rendement scolaire (IEA) afin d’étudier les
fondements pédagogiques et idéologiques de leurs travaux, et d’examiner
la possibilité d’étendre le champ de leurs évaluations pour y inclure
le sens civique, les compétences créatives et l’éducation culturelle.
13. L’Assemblée demande au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe
d’aider les Etats membres, les établissements d’enseignement, les
institutions culturelles et les enseignants à élaborer et à entretenir
des projets d’éducation culturelle, ainsi qu’à partager des informations
sur les bonnes pratiques, par le biais, par exemple, du Centre européen
pour l’interdépendance et la solidarité mondiales (Centre Nord-Sud)
à Lisbonne, du European Wergeland Centre (EWC) à Oslo et du Centre
européen pour les langues vivantes (CELV) à Graz.
14. L’Assemblée invite les ministres de l’Education, de la Culture
et des Médias des Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe:
14.1. à soutenir la recherche en vue
d’élaborer des stratégies nationales d’éducation culturelle axées sur
l’enseignement scolaire, l’éducation informelle et l’apprentissage
tout au long de la vie;
14.2. à rendre obligatoire, dans l’enseignement scolaire, une
éducation culturelle dispensée par des enseignants d’art qualifiés,
et à offrir une formation dans ce domaine à tous les enseignants;
14.3. à faciliter l’accès à l’éducation culturelle des jeunes
des milieux défavorisés, minoritaires ou immigrés, ou issus de régions
culturellement défavorisées, afin de prévenir les tendances à l’isolement ou
à la création de sociétés parallèles;
14.4. à offrir des lieux de dialogue et d’apprentissage aux
individus de tous âges et de toutes origines, ainsi qu’aux personnes
éloignées des arts, afin de promouvoir l’intégration et la cohésion
par l’éducation culturelle;
14.5. à promouvoir la diversité culturelle ainsi que le respect
et la tolérance vis-à-vis des autres cultures, par exemple en distinguant
une culture spécifique de l’identité nationale, tout en reconnaissant les
racines culturelles communes et les liens culturels historiques
en Europe et au-delà;
14.6. à reconnaître dans l’enseignement du patrimoine culturel
que la culture et l’art sont des expressions libres et vivantes
qui caractérisent l’humanité;
14.7. à mettre au point au niveau national une procédure d’évaluation
de l’éducation culturelle et des compétences sociales dans le cadre
de l’évaluation des connaissances, en complément des enquêtes PISA
de l’OCDE et des autres programmes de contrôle des résultats de
l’éducation;
14.8. à élaborer, en coopération avec le Conseil de l’Europe,
des projets concernant la mise en œuvre de la feuille de route de
l’UNESCO pour l’éducation artistique, et à les présenter à la prochaine conférence
mondiale sur l’éducation artistique, qui doit avoir lieu à Séoul
en 2010.
15. En conséquence, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
15.1. de transmettre la présente recommandation
aux autorités nationales compétentes et aux participants à la 23e session
de la Conférence permanente des ministres européens de l’Education,
qui se tiendra en juin 2010 en Slovénie;
15.2. d’élaborer un cadre politique pour l’évaluation de la
réussite éducative concernant les compétences sociales des étudiants,
notamment dans des domaines tels que la connaissance culturelle,
la créativité, le travail d’équipe et la compréhension interculturelle;
15.3. d’examiner les différences entre les sexes au niveau de
la réussite éducative, et de mettre au point des stratégies en faveur
d’un soutien à l’éducation différencié selon les sexes au niveau
national, notamment au moyen de mesures culturellement ciblées dans
l’éducation primaire;
15.4. de reconnaître le droit à l’éducation culturelle, d’élaborer
des programmes visant à aider les Etats membres à assurer la mise
en œuvre adéquate du droit à l’éducation en vertu de l’article 2
du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de
l’homme, et de veiller au suivi de cette mise en œuvre, notamment
en ce qui concerne les populations de milieux défavorisés, minoritaires
ou immigrés, afin de combattre l’analphabétisme culturel et d’éviter
l’élargissement du fossé éducatif et culturel au sein de la société.