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Recommandation 1897 (2010) Version finale
Respect de la liberté des médias
1. Rappelant sa Résolution 1535 (2007) relative aux menaces contre la vie et la liberté d’expression
des journalistes, l’Assemblée parlementaire note avec une vive préoccupation
que le nombre d’agressions contre les médias et les journalistes,
ainsi que d’autres violations sérieuses de la liberté des médias,
ont augmenté et que 20 journalistes au moins ont été tués en Europe
depuis 2007. Ces faits alarmants nécessitent de réaffirmer avec
vigueur que la liberté des médias est une condition essentielle
de la démocratie et, ainsi, de l’adhésion au Conseil de l’Europe.
Les Etats membres et le Conseil de l’Europe doivent faire davantage
pour garantir le respect de la liberté des médias et la sécurité
des journalistes.
2. Dans sa Résolution
1535 (2007), l’Assemblée a pris la décision de mettre en place un
mécanisme particulier de suivi pour identifier et analyser les attaques
contre la vie et la liberté d’expression des journalistes en Europe
ainsi que les avancées des enquêtes des autorités judiciaires et
des parlements nationaux sur ces attaques. En appui à cette résolution,
l’Assemblée accueille favorablement et soutient la désignation d’un rapporteur
de sa commission de la culture, de la science et de l’éducation
sur la liberté des médias.
3. L’Assemblée accorde une grande valeur au travail du représentant
pour la liberté des médias de l’Organisation pour la sécurité et
la coopération en Europe (OSCE), et souhaite une collaboration prolongée
et renforcée. Elle apprécie aussi la contribution active dans l’identification
des atteintes à la liberté des médias, d’organisations telles que
la Fédération internationale des journalistes, l’Association des
journalistes européens, European Newspaper Publishers Association,
Article 19, International Press Institute et Reporters sans frontières.
4. L’Assemblée déplore que, depuis l’adoption de la Résolution 1535 (2007), la Fédération de Russie ne soit pas arrivée à mener
une enquête appropriée et à rendre un jugement définitif sur le
meurtre d’Anna Politkovskaïa perpétré à Moscou le 7 octobre 2006,
et à faire en sorte que les journalistes puissent travailler librement
et dans la sécurité. Depuis 2007, 13 autres journalistes ont perdu
la vie en Russie: Ivan Safronov, Viatcheslav Ifanov, Ilias Chourpaïev,
Gadji Abachilov, Sergueï Protazanov, Magomed Evloïev, Telman Alichaïev,
Shafig Amrakhov, Anastasia Babourova, Viatcheslav Iarochenko, Natalia
Estemirova, Abdoulmalik Akhmedilov et Olga Kotovskaïa.
5. L’Assemblée déplore aussi que, dans plusieurs Etats membres,
la sécurité des journalistes soit menacée par la criminalité organisée
et que les autorités de police demeurent incapables de mettre un
terme à cette situation. L’Assemblée est attristée par les meurtres
de Georgi Stoev en Bulgarie le 7 avril 2008, d’Ivo Pukanic et de
Niko Franjic en Croatie le 23 octobre 2008, ainsi que de Cihan Hayirsevener
en Turquie le 18 décembre 2009. Les médias critiques jouent un rôle
majeur en décelant et en dénonçant la corruption et le crime organisé.
Le public a le droit d’en être informé par les médias, que les Etats
membres doivent soutenir.
6. Rappelant sa Résolution
1438 (2005) sur la liberté de la presse et les conditions de travail
des journalistes dans les zones de conflit, l’Assemblée déplore
que la guerre de 2008 entre la Russie et la Géorgie ait coûté la
vie à Alexander Klimchuk, Grigol Chikhladze, Stan Storimans et Giorgi
Ramishvili.
7. L’Assemblée se félicite des amendements à l’article 301 du
Code pénal turc mais déplore que la Turquie n’ait ni aboli l’article
301, ni achevé l’enquête sur le meurtre de Hrant Dink commis à Istanbul
le 19 janvier 2007, en particulier parce que les forces de police
et de sécurité auraient failli à leur devoir. Des charges pénales
ont été retenues contre un grand nombre de journalistes en vertu
de l’article 301, qui, à peine modifié, reste contraire à l’article
10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
8. Se référant à sa Résolution
1577 (2007) «Vers une dépénalisation de la diffamation», l’Assemblée réaffirme
que la législation contre la diffamation et l’insulte ne doit pas
être utilisée pour réduire au silence les discours critiques et
la satire dans les médias. La réputation d’une nation, de militaires,
de personnalités historiques ou d’une religion ne peut pas et ne
doit pas être protégée par des législations sur la diffamation ou sur
l’insulte. Les gouvernements et les parlements doivent clairement
et ouvertement rejeter les notions erronées d’intérêt national invoquées
pour empêcher les journalistes de faire leur travail. Le nationalisme
ne doit plus jamais être invoqué comme prétexte pour assassiner
des journalistes ou les priver de leurs droits ou liberté.
9. L’Assemblée note avec préoccupation que des sanctions excessives
ont été imposées à des organes de presse. Les membres du gouvernement
et les députés ne devraient pas user de leur influence politique
pour réduire au silence les médias critiques, mais devraient plutôt
engager un débat constructif à travers l’ensemble des médias.
10. L’Assemblée réaffirme que l’introduction de la radiodiffusion
numérique ne doit pas être utilisée comme moyen de discrimination
contre tel ou tel radiodiffuseur dans l’intérêt des partis politiques.
11. L’Assemblée recommande donc au Comité des Ministres:
11.1. d’examiner les législations
et pratiques nationales pour s’assurer que les mesures de lutte
contre le terrorisme respectent pleinement la liberté des médias,
conformément à la Recommandation
1706 (2005) sur les médias et le terrorisme;
11.2. d’aider les Etats membres à former leurs juges, leurs
autorités judiciaires et leurs forces de police au respect de la
liberté des médias, en particulier en ce qui concerne la protection
des journalistes et des médias contre les menaces violentes;
11.3. d’apporter son plein soutien au mécanisme proposé par
le Comité directeur sur les médias et les nouveaux services de communication
pour promouvoir l’application de l’article 10 de la Convention européenne
des droits de l’homme et d’autres normes du Conseil de l’Europe
sur la liberté des médias;
11.4. d’exhorter les gouvernements de tous les Etats membres,
en particulier ceux de l’Azerbaïdjan, de la Fédération de Russie
et de la Turquie, à réviser leur législation sur la diffamation
et l’insulte et leur application pratique, conformément à la Résolution 1577 (2007) de l’Assemblée;
11.5. d’exhorter les gouvernements de tous les Etats membres,
en particulier ceux de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan, de la Moldova,
de la Fédération de Russie et de l’Ukraine ainsi que du Bélarus,
à garantir un accès juste et équitable aux médias de tous les partis
politiques et des candidats avant les élections, et d’accorder une
attention particulière à cette question lors de l’évaluation des
élections futures;
11.6. d’exhorter le Gouvernement de la Fédération de Russie
à veiller à ce que les enquêtes sur le grand nombre de meurtres
de journalistes critiques soient menées et que ces affaires soient
jugées;
11.7. d’exhorter le Gouvernement d’Arménie à réviser sa législation
sur l’attribution des licences de radiodiffusion qui a été adoptée
pour passer outre au jugement de la Cour européenne des droits de l’homme
dans l’affaire Meltex Ltd et Mesrop Movsesyanc. Arménie du 17 juin 2008.
12. Se référant à sa Résolution
1636 (2008) sur les indicateurs pour les médias dans une démocratie
et aux principes fondamentaux pour l’évaluation de la liberté des
médias, l’Assemblée demande au Secrétaire Général du Conseil de
l’Europe d’allouer les ressources nécessaires:
12.1. pour recueillir régulièrement
des informations auprès des organisations pour la liberté des médias,
y compris la Fédération internationale des journalistes, l’Association
des journalistes européens, European Newspaper Publishers Association,
Article 19, International Press Institute et Reporters sans frontières,
qui identifient les violations de la liberté des médias;
12.2. pour analyser systématiquement ces informations, pays
par pays, en utilisant les indicateurs pour la liberté des médias
énoncés dans la Résolution
1636 (2008);
12.3. pour publier ces informations sous forme électronique
sur le site web du Conseil de l’Europe ainsi que sous forme de documents
imprimés;
12.4. pour publier des rapports sur ces informations et analyses,
sous forme électronique ou imprimée, à l’intention des gouvernements
et des parlements des Etats membres ainsi que des médias, sur une base
trimestrielle au moins, en mettant l’accent sur les événements majeurs
les plus récents survenus dans chaque pays et nécessitant, le cas
échéant, des mesures correctrices.
13. Se référant à sa Résolution
1387 (2004) sur la monopolisation des médias électroniques et la
possibilité d’abus de pouvoir en Italie, en tenant compte de l’évolution
très rapide du marché audiovisuel italien de 2004 à aujourd’hui,
l’Assemblée demande à la Commission européenne pour la démocratie
par le droit (Commission de Venise) de préparer un avis sur la question
de savoir si et dans quelle mesure la législation en Italie a été adaptée
pour prendre en compte son avis sur la compatibilité des lois «Gasparri»
et «Frattini» de l’Italie avec les normes du Conseil de l’Europe
dans le domaine de la liberté d’expression et du pluralisme des
médias, adopté par la Commission de Venise lors de sa 63e session
plénière (Venise, 10-11 juin 2005).
14. L’Assemblée prend note avec préoccupation de l’avertissement
officiel lancé le 13 janvier 2010 par le ministère de la Justice
du Bélarus à l’Association des journalistes du Bélarus, remettant
en cause son propre travail, reconnu à l’échelle internationale
en faveur des journalistes, des médias et de la liberté des médias. Rappelant
sa Résolution 1372 (2004) sur la persécution de la presse dans la République du
Bélarus, l’Assemblée réaffirme que la liberté des médias est une
condition essentielle pour la démocratie et une exigence impérative
pour adhérer au Conseil de l’Europe. L’Assemblée appelle les autorités
du Bélarus à ne pas instrumentaliser les règlements arbitraux administratifs
afin de restreindre abusivement les droits à la liberté d’expression
et à la liberté d’association, protégés par les articles 19 et 22
du Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
ainsi que par les articles 10 et 11 de la Convention européenne
des droits de l’homme. Le Bélarus étant membre associé de la Commission
de Venise, l’Assemblée demande par ailleurs à cette dernière d’analyser
la compatibilité d’un tel avertissement lancé par le ministère de
la Justice du Bélarus avec les normes universelles relatives aux
droits de l’homme.
15. L’Assemblée invite les parties à l’accord partiel du Groupe
d’Etats contre la corruption (GRECO) à mettre l’accent dans leurs
travaux sur l’importance de la liberté des médias et le rôle du
journalisme d’investigation dans la lutte contre la corruption,
et à demander à l’Union européenne d’adhérer au GRECO.
16. L’Assemblée invite l’Agence des droits fondamentaux de l’Union
européenne ainsi que les institutions nationales des droits de l’homme
dans les Etats membres à collaborer avec le Conseil de l’Europe
pour aider les gouvernements, les tribunaux et les associations
de médias dans leur recherche de solutions contre les violations
graves de la liberté des médias.
17. Aux fins de la publication proposée au paragraphe 12 ci-dessus,
l’Assemblée invite la Fédération internationale des journalistes,
l’Association des journalistes européens, European Newspaper Publishers Association,
Article 19, International Press Institute, Reporters sans frontières
et les autres organisations pour la liberté des médias à continuer
de fournir régulièrement à l’Assemblée et au rapporteur sur la liberté
des médias de sa commission de la culture, de la science et de l’éducation
des informations sur les violations graves de la liberté des médias
en Europe qui peuvent nécessiter l’attention et le suivi interparlementaires.