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Recommandation 1897 (2010) Version finale

Respect de la liberté des médias

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 27 janvier 2010 (6e séance) (voir Doc. 12102, rapport de la commission de la culture, de la science et de l’éducation, rapporteur: M. McIntosh). Texte adopté par l’Assemblée le 27 janvier 2010 (6e séance).

1. Rappelant sa Résolution 1535 (2007) relative aux menaces contre la vie et la liberté d’expression des journalistes, l’Assemblée parlementaire note avec une vive préoccupation que le nombre d’agressions contre les médias et les journalistes, ainsi que d’autres violations sérieuses de la liberté des médias, ont augmenté et que 20 journalistes au moins ont été tués en Europe depuis 2007. Ces faits alarmants nécessitent de réaffirmer avec vigueur que la liberté des médias est une condition essentielle de la démocratie et, ainsi, de l’adhésion au Conseil de l’Europe. Les Etats membres et le Conseil de l’Europe doivent faire davantage pour garantir le respect de la liberté des médias et la sécurité des journalistes.
2. Dans sa Résolution 1535 (2007), l’Assemblée a pris la décision de mettre en place un mécanisme particulier de suivi pour identifier et analyser les attaques contre la vie et la liberté d’expression des journalistes en Europe ainsi que les avancées des enquêtes des autorités judiciaires et des parlements nationaux sur ces attaques. En appui à cette résolution, l’Assemblée accueille favorablement et soutient la désignation d’un rapporteur de sa commission de la culture, de la science et de l’éducation sur la liberté des médias.
3. L’Assemblée accorde une grande valeur au travail du représentant pour la liberté des médias de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), et souhaite une collaboration prolongée et renforcée. Elle apprécie aussi la contribution active dans l’identification des atteintes à la liberté des médias, d’organisations telles que la Fédération internationale des journalistes, l’Association des journalistes européens, European Newspaper Publishers Association, Article 19, International Press Institute et Reporters sans frontières.
4. L’Assemblée déplore que, depuis l’adoption de la Résolution 1535 (2007), la Fédération de Russie ne soit pas arrivée à mener une enquête appropriée et à rendre un jugement définitif sur le meurtre d’Anna Politkovskaïa perpétré à Moscou le 7 octobre 2006, et à faire en sorte que les journalistes puissent travailler librement et dans la sécurité. Depuis 2007, 13 autres journalistes ont perdu la vie en Russie: Ivan Safronov, Viatcheslav Ifanov, Ilias Chourpaïev, Gadji Abachilov, Sergueï Protazanov, Magomed Evloïev, Telman Alichaïev, Shafig Amrakhov, Anastasia Babourova, Viatcheslav Iarochenko, Natalia Estemirova, Abdoulmalik Akhmedilov et Olga Kotovskaïa.
5. L’Assemblée déplore aussi que, dans plusieurs Etats membres, la sécurité des journalistes soit menacée par la criminalité organisée et que les autorités de police demeurent incapables de mettre un terme à cette situation. L’Assemblée est attristée par les meurtres de Georgi Stoev en Bulgarie le 7 avril 2008, d’Ivo Pukanic et de Niko Franjic en Croatie le 23 octobre 2008, ainsi que de Cihan Hayirsevener en Turquie le 18 décembre 2009. Les médias critiques jouent un rôle majeur en décelant et en dénonçant la corruption et le crime organisé. Le public a le droit d’en être informé par les médias, que les Etats membres doivent soutenir.
6. Rappelant sa Résolution 1438 (2005) sur la liberté de la presse et les conditions de travail des journalistes dans les zones de conflit, l’Assemblée déplore que la guerre de 2008 entre la Russie et la Géorgie ait coûté la vie à Alexander Klimchuk, Grigol Chikhladze, Stan Storimans et Giorgi Ramishvili.
7. L’Assemblée se félicite des amendements à l’article 301 du Code pénal turc mais déplore que la Turquie n’ait ni aboli l’article 301, ni achevé l’enquête sur le meurtre de Hrant Dink commis à Istanbul le 19 janvier 2007, en particulier parce que les forces de police et de sécurité auraient failli à leur devoir. Des charges pénales ont été retenues contre un grand nombre de journalistes en vertu de l’article 301, qui, à peine modifié, reste contraire à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
8. Se référant à sa Résolution 1577 (2007) «Vers une dépénalisation de la diffamation», l’Assemblée réaffirme que la législation contre la diffamation et l’insulte ne doit pas être utilisée pour réduire au silence les discours critiques et la satire dans les médias. La réputation d’une nation, de militaires, de personnalités historiques ou d’une religion ne peut pas et ne doit pas être protégée par des législations sur la diffamation ou sur l’insulte. Les gouvernements et les parlements doivent clairement et ouvertement rejeter les notions erronées d’intérêt national invoquées pour empêcher les journalistes de faire leur travail. Le nationalisme ne doit plus jamais être invoqué comme prétexte pour assassiner des journalistes ou les priver de leurs droits ou liberté.
9. L’Assemblée note avec préoccupation que des sanctions excessives ont été imposées à des organes de presse. Les membres du gouvernement et les députés ne devraient pas user de leur influence politique pour réduire au silence les médias critiques, mais devraient plutôt engager un débat constructif à travers l’ensemble des médias.
10. L’Assemblée réaffirme que l’introduction de la radiodiffusion numérique ne doit pas être utilisée comme moyen de discrimination contre tel ou tel radiodiffuseur dans l’intérêt des partis politiques.
11. L’Assemblée recommande donc au Comité des Ministres:
11.1. d’examiner les législations et pratiques nationales pour s’assurer que les mesures de lutte contre le terrorisme respectent pleinement la liberté des médias, conformément à la Recommandation 1706 (2005) sur les médias et le terrorisme;
11.2. d’aider les Etats membres à former leurs juges, leurs autorités judiciaires et leurs forces de police au respect de la liberté des médias, en particulier en ce qui concerne la protection des journalistes et des médias contre les menaces violentes;
11.3. d’apporter son plein soutien au mécanisme proposé par le Comité directeur sur les médias et les nouveaux services de communication pour promouvoir l’application de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et d’autres normes du Conseil de l’Europe sur la liberté des médias;
11.4. d’exhorter les gouvernements de tous les Etats membres, en particulier ceux de l’Azerbaïdjan, de la Fédération de Russie et de la Turquie, à réviser leur législation sur la diffamation et l’insulte et leur application pratique, conformément à la Résolution 1577 (2007) de l’Assemblée;
11.5. d’exhorter les gouvernements de tous les Etats membres, en particulier ceux de l’Arménie, de l’Azerbaïdjan, de la Moldova, de la Fédération de Russie et de l’Ukraine ainsi que du Bélarus, à garantir un accès juste et équitable aux médias de tous les partis politiques et des candidats avant les élections, et d’accorder une attention particulière à cette question lors de l’évaluation des élections futures;
11.6. d’exhorter le Gouvernement de la Fédération de Russie à veiller à ce que les enquêtes sur le grand nombre de meurtres de journalistes critiques soient menées et que ces affaires soient jugées;
11.7. d’exhorter le Gouvernement d’Arménie à réviser sa législation sur l’attribution des licences de radiodiffusion qui a été adoptée pour passer outre au jugement de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Meltex Ltd et Mesrop Movsesyanc. Arménie du 17 juin 2008.
12. Se référant à sa Résolution 1636 (2008) sur les indicateurs pour les médias dans une démocratie et aux principes fondamentaux pour l’évaluation de la liberté des médias, l’Assemblée demande au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe d’allouer les ressources nécessaires:
12.1. pour recueillir régulièrement des informations auprès des organisations pour la liberté des médias, y compris la Fédération internationale des journalistes, l’Association des journalistes européens, European Newspaper Publishers Association, Article 19, International Press Institute et Reporters sans frontières, qui identifient les violations de la liberté des médias;
12.2. pour analyser systématiquement ces informations, pays par pays, en utilisant les indicateurs pour la liberté des médias énoncés dans la Résolution 1636 (2008);
12.3. pour publier ces informations sous forme électronique sur le site web du Conseil de l’Europe ainsi que sous forme de documents imprimés;
12.4. pour publier des rapports sur ces informations et analyses, sous forme électronique ou imprimée, à l’intention des gouvernements et des parlements des Etats membres ainsi que des médias, sur une base trimestrielle au moins, en mettant l’accent sur les événements majeurs les plus récents survenus dans chaque pays et nécessitant, le cas échéant, des mesures correctrices.
13. Se référant à sa Résolution 1387 (2004) sur la monopolisation des médias électroniques et la possibilité d’abus de pouvoir en Italie, en tenant compte de l’évolution très rapide du marché audiovisuel italien de 2004 à aujourd’hui, l’Assemblée demande à la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) de préparer un avis sur la question de savoir si et dans quelle mesure la législation en Italie a été adaptée pour prendre en compte son avis sur la compatibilité des lois «Gasparri» et «Frattini» de l’Italie avec les normes du Conseil de l’Europe dans le domaine de la liberté d’expression et du pluralisme des médias, adopté par la Commission de Venise lors de sa 63e session plénière (Venise, 10-11 juin 2005).
14. L’Assemblée prend note avec préoccupation de l’avertissement officiel lancé le 13 janvier 2010 par le ministère de la Justice du Bélarus à l’Association des journalistes du Bélarus, remettant en cause son propre travail, reconnu à l’échelle internationale en faveur des journalistes, des médias et de la liberté des médias. Rappelant sa Résolution 1372 (2004) sur la persécution de la presse dans la République du Bélarus, l’Assemblée réaffirme que la liberté des médias est une condition essentielle pour la démocratie et une exigence impérative pour adhérer au Conseil de l’Europe. L’Assemblée appelle les autorités du Bélarus à ne pas instrumentaliser les règlements arbitraux administratifs afin de restreindre abusivement les droits à la liberté d’expression et à la liberté d’association, protégés par les articles 19 et 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que par les articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme. Le Bélarus étant membre associé de la Commission de Venise, l’Assemblée demande par ailleurs à cette dernière d’analyser la compatibilité d’un tel avertissement lancé par le ministère de la Justice du Bélarus avec les normes universelles relatives aux droits de l’homme.
15. L’Assemblée invite les parties à l’accord partiel du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) à mettre l’accent dans leurs travaux sur l’importance de la liberté des médias et le rôle du journalisme d’investigation dans la lutte contre la corruption, et à demander à l’Union européenne d’adhérer au GRECO.
16. L’Assemblée invite l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que les institutions nationales des droits de l’homme dans les Etats membres à collaborer avec le Conseil de l’Europe pour aider les gouvernements, les tribunaux et les associations de médias dans leur recherche de solutions contre les violations graves de la liberté des médias.
17. Aux fins de la publication proposée au paragraphe 12 ci-dessus, l’Assemblée invite la Fédération internationale des journalistes, l’Association des journalistes européens, European Newspaper Publishers Association, Article 19, International Press Institute, Reporters sans frontières et les autres organisations pour la liberté des médias à continuer de fournir régulièrement à l’Assemblée et au rapporteur sur la liberté des médias de sa commission de la culture, de la science et de l’éducation des informations sur les violations graves de la liberté des médias en Europe qui peuvent nécessiter l’attention et le suivi interparlementaires.