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Recommandation 1927 (2010) Version finale

Islam, islamisme et islamophobie en Europe

Auteur(s) : Assemblée parlementaire

Origine - Discussion par l’Assemblée le 23 juin 2010 (23e séance) (voir Doc. 12266, rapport de la commission de la culture, de la science et de l’éducation, rapporteur: M. Mogens Jensen; Doc. 12303, avis de la commission des questions politiques, rapporteur: M. Hancock; Doc. 12305, avis de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, rapporteur: M. Rafael Huseynov; et Doc. 12304, avis de la commission sur l’égalité des chances pour les femmes et les hommes, rapporteuse: Mme Memecan). Texte adopté à l’unanimité par l’Assemblée le 23 juin 2010 (23e séance).

1. Se référant à sa Résolution 1743 (2010) sur l’islam, l’islamisme et l’islamophobie en Europe, l’Assemblée parlementaire souligne l’importance particulière que revêt, pour le Conseil de l’Europe et ses Etats membres, le renforcement de l’action qu’ils mènent dans ce domaine. Le Statut du Conseil de l’Europe lui donne pour mission prioritaire d’œuvrer en faveur de la liberté de pensée, de conscience et de religion, tout en luttant contre l’intolérance religieuse et la discrimination, ainsi que contre les attaques déguisées au nom de la religion des valeurs qu’il défend. Il convient que les Etats membres s’inspirent de la présente recommandation et de la Résolution 1743 (2010).
2. Pour pouvoir édifier jour après jour une société démocratique régie par l’Etat de droit et les droits de l’homme universels, le Conseil de l’Europe doit redoubler d’efforts de manière à inscrire ces valeurs dans la culture européenne. L’action culturelle et éducative menée par le Conseil de l’Europe est une condition indispensable, d’une part, à l’intégration européenne fondée sur des valeurs communes et, d’autre part, à la parfaite compréhension et au respect scrupuleux des droits de l’homme, notamment les droits et libertés politiques, sociaux et culturels. Le Conseil de l’Europe devrait également s’employer à encourager d’autres parties du monde à adopter et à promouvoir les valeurs qu’il défend.
3. Du fait de son Statut, de sa compétence territoriale et de son expérience, le Conseil de l’Europe devrait tenir lieu de tribune paneuropéenne pour l’examen des stratégies communes de renforcement de la stabilité démocratique, confrontée à l’islamisme, à l’islamophobie et aux autres extrémismes politiques en Europe. Aussi l’Assemblée demande-t-elle au Comité des Ministres:
3.1. de veiller, à l’aide du budget général et des contributions volontaires, à assurer le financement adéquat des activités normatives, d’assistance et de coopération exercées au profit des Etats membres et des régions voisines dans les domaines de la culture et de l’éducation, ainsi que des migrations et des réfugiés;
3.2. de renforcer ses activités afin de veiller à ce que la connaissance de l’islam et d’autres croyances soit enseignée à l’école et au moyen d’une éducation dispensée tout au long de la vie, et que les établissements d’enseignement supérieur et de recherche en Europe fassent de l’islam une matière d’enseignement afin de former les universitaires, les enseignants et les responsables religieux;
3.3. d’œuvrer pour étendre géographiquement les traités du Conseil de l’Europe portant sur la culture et l’éducation, en les ouvrant à la signature d’Etats non membres, notamment d’Eurasie, d’Afrique du Nord et du Proche-Orient; cela vaut tout particulièrement pour la Convention sur la reconnaissance des qualifications relatives à l’enseignement supérieur dans la région européenne (STE no 165), la Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société (STCE no 199), la Convention européenne sur la télévision transfrontière (STE no 132) et le protocole portant amendement à celle-ci (STE no 171);
3.4. d’étudier les possibilités d’ouverture du champ d’application géographique de la Convention culturelle européenne (STE no 18) aux Etats non européens, par exemple en rédigeant un protocole sur l’éducation aux droits de l’homme et à la démocratie à cette convention;
3.5. d’œuvrer activement en faveur de l’adhésion des Etats d’Afrique du Nord et du Proche-Orient au Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales (Centre Nord-Sud) du Conseil de l’Europe, et de renforcer notamment les programmes portant sur l’égalité entre les femmes et les hommes, en particulier la lutte contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes et la promotion de la participation des femmes dans la prise de décision publique. Dans ce contexte, l’Assemblée se félicite de l’adhésion du Maroc et du Cap-Vert au Centre Nord-Sud;
3.6. d’envisager d’ouvrir la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) à la participation d’Etats non membres, notamment d’Afrique du Nord, du Proche-Orient et d’Eurasie;
3.7. d’envisager d’ouvrir la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (STE no 106) à la signature des Etats non membres, notamment d’Afrique du Nord, du Proche-Orient et d’Eurasie;
3.8. de mettre en place des programmes d’action communs au Conseil de l’Europe et à l’Alliance des civilisations des Nations Unies;
3.9. de poursuivre l’action importante qu’il mène en faveur du dialogue interculturel et de sa dimension religieuse, notamment les «Rencontres du Conseil de l’Europe sur la dimension religieuse du dialogue interculturel» qu’il organise régulièrement, et d’accroître la participation de l’Assemblée afin d’intensifier le rôle de la coopération interparlementaire dans ce processus;
3.10. d’inviter les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait à signer et à ratifier la Convention européenne relative au statut juridique du travailleur migrant (STE no 93) et la Convention sur la participation des étrangers à la vie publique au niveau local (STE no 144); l’intégration sociale et politique des migrants et des ressortissants étrangers, qui sont bien souvent musulmans, est une condition essentielle de la cohésion et de la stabilité démocratiques;
3.11. d’œuvrer à l’élaboration, par tous les Etats membres, d’approches politiques communes à l’égard des Etats non européens qui soutiennent l’islamisme en Europe et d’inviter, à cet égard, les Etats membres qui ne l’ont pas encore fait à signer et à ratifier la Convention européenne pour la répression du terrorisme (STE no 90) et le Protocole portant amendement à celle-ci (STE no 190), ainsi que la Convention du Conseil de l’Europe pour la prévention du terrorisme (STCE no 196), en vue de renforcer la coopération politique et juridique dans ce domaine;
3.12. d’inviter la Suisse à adopter un moratoire sur son interdiction générale concernant la construction des minarets de mosquées et à abroger dès que possible cette interdiction, qui constitue une discrimination à l’égard des communautés musulmanes au regard des articles 9 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5); la construction des minarets doit être possible, au même titre que celle des clochers, et soumise au respect des conditions de sécurité publique et des plans d’urbanisme;
3.13. d’inviter les Etats membres à ne pas adopter une interdiction générale du port du voile intégral ou d’autres tenues religieuses ou particulières, mais à protéger les femmes contre toute violence physique et psychologique ainsi que leur libre choix de porter ou non une tenue religieuse ou particulière, et de veiller à ce que les femmes musulmanes aient les mêmes possibilités de prendre part à la vie publique et d’exercer des activités éducatives et professionnelles; les restrictions légales imposées à cette liberté peuvent être justifiées lorsqu’elles s’avèrent nécessaires dans une société démocratique, notamment pour des raisons de sécurité ou lorsque les fonctions publiques ou professionnelles d’une personne lui imposent de faire preuve de neutralité religieuse ou de montrer son visage;
3.14. de redoubler d’efforts afin qu’une convention sur la lutte contre la violence faite aux femmes, y compris la violence domestique, voie le jour le plus rapidement possible;
3.15. d’inviter les Etats à garantir la liberté d’expression des femmes en sanctionnant, d’une part, toute forme de contrainte, d’oppression ou de violence obligeant les femmes à porter le voile ou le voile intégral, et en créant, d’autre part, les conditions sociales et économiques permettant aux femmes d’opérer des choix éclairés par la promotion de politiques effectives d’égalité des chances entre les femmes et les hommes, qui incluent notamment l’accès à l’éducation, la formation, l’emploi et le logement.