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Rapport | Doc. 12894 | 05 avril 2012

Promouvoir une politique appropriée en matière de paradis fiscaux

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteur : M. Dirk Van der MAELEN, Belgique, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc.12516, Renvoi 3756 du 11 avril 2011. 2012 - Deuxième partie de session

Résumé

Les Etats membres du Conseil de l’Europe perdent chaque année des milliards du fait de l’évitement fiscal, de l’évasion fiscale et de la fraude fiscale, qui sont facilités par le système financier offshore, notamment les paradis fiscaux et les juridictions adeptes du secret. Cette arnaque fiscale à grande échelle de la part de riches individus et d’entreprises non seulement pénalise les contribuables ordinaires, les finances publiques et les dépenses sociales, mais menace également la bonne gouvernance, la stabilité macroéconomique et la cohésion sociale. Grâce à une pression de plus en plus forte de l’opinion publique, la communauté internationale a été incitée à intensifier la coopération pour parvenir à plus de justice fiscale aux niveaux mondial, européen et national.

Le rapport met en lumière les problèmes de fond concernant les paradis fiscaux, tels que le secret bancaire (fiscal), le manque de transparence et de supervision effective du public, le dumping réglementaire, les modalités fiscales prédatrices et les techniques comptables abusives à l’intérieur des entreprises multinationales. Il invite ensuite à agir pour renforcer la supervision du système financier offshore, l’harmonisation des régimes fiscaux nationaux, la responsabilité sociale et l’éthique des entreprises, la responsabilisation fiscale et la transparence financière.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 22 mars 2012.

(open)
1. La solidité des systèmes fiscaux est le socle des finances publiques, qui sous-tend la gouvernance démocratique, l’autorité publique, la stabilité macroéconomique et la cohésion sociale. Ce délicat équilibre repose sur la conformité fiscale de tous les contribuables, qu’ils soient personnes physiques ou personnes morales. Il est extrêmement inquiétant que certaines activités menées par des juridictions adeptes du secret, les paradis fiscaux et des centres financiers offshore facilitent l’évitement fiscal et l’évasion et la fraude fiscales à grande échelle qui pénalisent gravement les intérêts publics des États membres du Conseil de l’Europe dans leur ensemble, ainsi que bon nombre d’autres pays, en particulier les pays en développement.
2. L’Assemblée parlementaire est préoccupée par l’envergure du système financier offshore, notamment les paradis fiscaux, et par son impact sur les finances publiques, la stabilité des marchés financiers et la société tout entière. Alors que tous les pays ont cédé une partie de leur souveraineté au profit de la mondialisation et de l’économie globale, s’attaquer aux distorsions mondiales entraînées par des pratiques fiscales dommageables ou prédatrices est à la fois une obligation morale et une cause commune.
3. Sous la pression d’une protestation publique de plus en plus forte, la coopération internationale s’est intensifiée, notamment au niveau du G-20, pour s’attaquer aux causes profondes des problèmes posés par les paradis fiscaux: le secret bancaire, le manque de transparence et de surveillance publique effective, le dumping réglementaire, les dispositions fiscales prédatrices et les techniques comptables abusives au sein d’entreprises multinationales (notamment les prix de transfert abusifs). Toutefois, la situation est loin d’être satisfaisante et il reste encore des progrès à faire pour mettre fin aux échappatoires légales et à des zones grises ainsi que pour veiller à une surveillance consolidée plus efficace du système financier offshore et des juridictions considérées comme des paradis fiscaux.
4. L’Assemblée invite donc la Banque des règlements internationaux (BRI), le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à intensifier leur action – en conjuguant leurs efforts si possible – pour mesurer et analyser les flux financiers entrant et sortant des centres financiers offshore et des juridictions réputées être des paradis fiscaux, ainsi que leur interaction avec l’activité économique générale d’autres États.
5. L’Assemblée invite également le FMI et l’OCDE:
5.1. à renforcer la surveillance des régimes fiscaux de leurs États membres et à stimuler les améliorations visant à éliminer les pratiques fiscales dommageables;
5.2. à étudier les moyens de renforcer la responsabilité sociale et l’éthique des entreprises et à faire des propositions pour définir plus clairement les responsabilités des entreprises multinationales envers la société dans tous les pays où elles opèrent;
5.3. à émettre des recommandations à l’intention de leurs États membres pour introduire une reddition de comptes pays par pays en vue d’une responsabilité fiscale accrue des entreprises et de la divulgation des informations financières (notamment sur les coûts, les bénéfices et les impôts payés) concernant les activités des compagnies multinationales dans tous les pays où elles opèrent et dans tous les secteurs commerciaux, à commencer par le secteur financier.
6. Dans ce contexte, l’Assemblée se réjouit de l’entrée en vigueur, en 2011, de la Convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale telle que modifiée par le Protocole additionnel (STCE no 208) après son lancement en 2010. Le Conseil de l’Europe et l’OCDE devraient promouvoir avec détermination cet instrument, non seulement auprès de leurs États membres et des territoires dépendants de ces derniers, mais également parmi leurs partenaires économiques du reste du monde. En outre, ils pourraient ensemble évaluer la mise en œuvre de cette convention dans un proche avenir.
7. L’Assemblée se félicite de la conclusion du Sommet de Cannes du G-20 (3-4 novembre 2011) où les dirigeants des pays du G-20 se sont engagés à signer la Convention amendée concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale, ont fortement encouragé d’autres juridictions à adhérer à cette dernière et ont décidé «d’envisager d’échanger des informations de manière automatique, sur la base du volontariat, en tant que de besoin, et comme le prévoit la Convention».
8. En outre, l’Assemblée soutient fermement les mesures prises par l’Union européenne pour parvenir à une harmonisation progressive des pratiques fiscales dans ses États membres et, en particulier, les efforts visant à introduire un échange automatique d’informations pour certaines catégories de revenus et de capitaux à compter de 2015. Elle estime que ce processus pourrait être accéléré et que des efforts similaires devraient être entrepris par les pays non membres de l’Union européenne.
9. Dans le même esprit, l’Assemblée invite instamment les États membres de l’Union européenne à soutenir les efforts pour mettre en place des obligations de reddition de comptes pays par pays (notamment sur les coûts, les bénéfices et les impôts versés) pour ce qui est des comptes des entreprises multinationales enregistrées ou opérant dans l’Union européenne. Cette pratique devrait progressivement être étendue à tous les États membres du Conseil de l’Europe et de l’OCDE, ainsi qu’aux États membres du G-20.
10. En vue de placer les gouvernements face à leurs responsabilités en matière fiscale, l’Assemblée invite instamment les parlements nationaux:
10.1. à examiner les normes, politiques et procédures de collecte nationales en matière fiscale afin de repérer les techniques artificielles de réduction fiscale qui, même légales, ne sont pas éthiques, et à proposer des mesures législatives pour remédier aux distorsions ainsi détectées;
10.2. à surveiller étroitement les travaux des gouvernements sur l’application des dispositifs légaux nationaux en matière fiscale, l’administration de la collecte des impôts et le respect des engagements internationaux à cet égard;
10.3. à assurer une supervision et une révision en profondeur, si nécessaire, de tous projets d’accord fiscaux bilatéraux, en particulier avec les juridictions adeptes du secret et des pays considérés comme constituant des paradis fiscaux, avant de les ratifier.
11. Convaincue que la conformité fiscale de la part de tous les contribuables et les obligations de vigilance de la part de tous les intermédiaires en matière fiscale sont essentiels pour promouvoir la bonne gouvernance, la justice et la prospérité, l’Assemblée invite les États membres du Conseil de l’Europe:
11.1. à exercer davantage de pression, notamment à l’égard des États qui ont une influence directe sur les juridictions adeptes du secret et les paradis fiscaux identifiés dans ce rapport en vue de renforcer leur coopération en matière fiscale et d’éliminer progressivement le secret bancaire fiscal;
11.2. à identifier et à éliminer les dispositions légales permettant la détention de comptes anonymes, la tenue de comptabilité en hors bilan et les actions au porteur;
11.3. à veiller à ce que toutes les entités (notamment les fiducies et les fonds) soient convenablement enregistrées et à ce que leur bénéficiaire final soit connu publiquement, en particulier pour ce qui est des flux de capitaux entrant ou sortant de pays européens et de leurs territoires dépendants;
11.4. à veiller à ce que tous les registres d’entreprise divulguent un ensemble d’informations standard concernant l’actionnariat des entreprises, leurs organes de direction, leurs équipes dirigeantes et un historique, et permettent l’accès en ligne à ces données;
11.5. à soutenir les efforts visant à harmoniser la politique européenne en matière de fiscalité d’entreprise, par exemple par l’adoption de la base fiscale consolidée commune en tant que première étape vers une taxation des bénéfices des entreprises multinationales sur la base d’une formule prenant en compte la véritable substance économique des activités (autrement dit le chiffre d’affaires des ventes, les actifs investis et l’emploi) dans les divers pays où elles opèrent;
11.6. à s’orienter vers l’échange automatique d’informations en matière fiscale et à garantir la bonne utilisation de mécanismes de sauvegarde pour la protection des données à caractère personnel, notamment la Convention de protection des individus à l’égard du traitement automatique des données à caractère personnel (STE no 108) et son Protocole additionnel (STE no 181), y compris avec leurs partenaires économiques internationaux;
11.7. à élargir le champ d’action des cellules de renseignements financiers au-delà des stratégies destinées à dépister les cas de blanchiment d’argent, afin qu’elles puissent également contribuer à lutter contre l’évasion fiscale;
11.8. à renforcer la capacité des autorités fiscales nationales – par des pouvoirs d’investigation étendus et davantage de formations et de ressources – pour permettre des contrôles plus efficaces, des poursuites et le rapatriement des fonds perdus par l’évasion fiscale pratiquée par l’intermédiaire des juridictions adeptes du secret, des paradis fiscaux et des centres financiers offshore;
11.9. à s’efforcer de renforcer la responsabilisation fiscale des entreprises et une reddition de comptes financière plus approfondie pour les grandes entreprises nationales et compagnies multinationales dans tous les pays où elles opèrent;
11.10. à passer en revue leurs politiques en matière de prix de transfert afin de réduire les occasions pour les sociétés multinationales de manipuler la déclaration des bénéfices et de l’impôt dû;
11.11. à modifier les dispositions juridiques utilisées pour contourner leurs dispositifs réglementaires nationaux, notamment en matière d’exonérations fiscales, et pour échapper à la supervision ou à la réglementation applicable en matière fiscale, tant au niveau national qu’international;
11.12. à adhérer au Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations à des fins fiscales, s’ils ne l’ont pas encore fait, et à renforcer le processus en passant d’un examen par les pairs à un examen par des experts;
11.13. à utiliser le Comité d’experts des Nations Unies sur la coopération internationale en matière fiscale comme le forum approprié à la fois pour des activités normatives et pour le soutien aux pays en développement dans leurs efforts pour contrer les pratiques fiscales abusives.
12. Enfin, l’Assemblée invite l’OCDE et la Commission européenne à travailler ensemble à optimiser les modèles fiscaux en place, à aider les pays en développement à contrer les prix de transfert abusifs et à maximiser les recettes fiscales dans les pays où les multinationales exercent une part substantielle de leurs activités.

B. Exposé des motifs, par M. Van der Maelen, rapporteur

(open)

1. Introduction et contexte

1. Alors que les Etats membres du Conseil de l’Europe sont aux prises avec les crises financières, économiques et aussi budgétaires, la problématique de la mobilisation des recettes fiscales et de la nécessité de répartir équitablement la charge fiscale entre toutes les couches de la société est de plus en plus à l’ordre du jour. Pour cela, il convient non seulement de supprimer les possibilités d’échappatoires légales et de mettre fin à certaines niches fiscales, mais aussi de revoir certaines pratiques liées au fonctionnement du système financier mondial qui permettent la fraude fiscale à grande échelle et, de ce fait, une instabilité monétaire, une concurrence déloyale et des pratiques criminelles. Récemment, les médias se sont fait l’écho de fraudes fiscales généralisées par des Européens (à titre individuel ou par des entreprises) grâce aux paradis fiscaux et du rôle des centres financiers offshore dans la survenance de la crise, ce qui a galvanisé les pouvoirs publics, les incitant à agir pour s’attaquer plus efficacement aux pratiques fiscales dommageables et à la fraude fiscale elle-même. Le soutien politique de plus en plus affirmé a permis de marquer dans ce domaine plus de progrès depuis 2008 que les avancées enregistrées sur dix ans depuis 1996, année qui avait vu le G7 lancer le coup d’envoi de cette coopération.
2. En 2009, l’appel du G20 à protéger les finances publiques et à renforcer l’engagement envers les normes internationales de transparence fiscale 
			(2) 
			On
se réfère ici à la déclaration du G20 au Sommet de Londres du 2
avril 2009. a poussé le Conseil de l’Europe et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à réactualiser la Convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale (STE no 127) par un Protocole d’amendement (STCE no 208) lancé avec succès en mai 2010 
			(3) 
			Voir
également le rapport sur le sujet par M. Peter Omtzigt (Pays-Bas,
PPE/DC), Doc. 12161. et a ainsi ouvert la convention à l’adhésion d’Etats non membres. Cette initiative illustre bien le regain de vigueur avec lequel les grandes économies de la planète ont accéléré leur action contre la fraude fiscale, les juridictions opaques et non coopératives et le secret bancaire (fiscal) abusif. Toutefois, dans tous ces domaines, les progrès demeurent loin d’être satisfaisants.
3. Le présent rapport mettra en lumière le rôle que les paradis fiscaux jouent dans un monde où les flux de capitaux ne connaissent pas de frontières, ainsi que les difficultés auxquelles se heurtent les Etats-nations qui cherchent à faire appliquer leur législation fiscale à l’égard des paradis fiscaux. Du fait du manque inhérent de transparence, personne ne sait vraiment combien d’argent public est siphonné via les paradis fiscaux; selon diverses estimations, on parlerait de billions. Ainsi, une étude de 2010 du Fonds monétaire international (FMI) estimait que les seuls comptes des centres financiers des petites îles enregistraient des flux financiers d’au moins 18 billions de dollars, soit environ un tiers du produit intérieur brut (PIB) mondial cumulé. Le FMI estime aussi que jusqu’à 1,5 billion de dollars d’argent sale sont blanchis chaque année dans le système financier mondial par le biais des paradis fiscaux.
4. Selon les autorités américaines (Government Accountability Office) en 2009, 83 des 100 entreprises les plus importantes avaient des filiales dans des paradis fiscaux. De même, une recherche du Tax Justice Network a conclu que 99 des 100 premières sociétés européennes (essentiellement des banques) utilisaient des filiales offshore 
			(4) 
			Nicholas Shaxson, «Treasure
islands. Tax havens and the men who stole the world», publié en
2011.. Les quatre plus grosses banques britanniques (HSBC, Royal Bank of Scotland, Barclays et Lloyds) totalisent à elles seules 1 649 filiales offshore (sur les quelque 8 000 détenues par les 100 premières entreprises britanniques cotées en Bourse) 
			(5) 
			Données de ActionAid
rapportées par The Guardian le
11 octobre 2011. dans des paradis fiscaux. Pour la France, quatre grosses banques (BNP Paribas, Crédit agricole, Banque populaire et Société générale) comptaient au total 451 entités offshore sur les quelque 1 500 détenues par les sociétés du CAC 40 
			(6) 
			«L’état de l’économie
2009», Alternatives économiques.. Etant donné que la moitié des échanges mondiaux transite par les paradis fiscaux, les multinationales utilisent ces derniers de manière régulière et, de ce fait, ne paient que peu ou pas d’impôt sur bon nombre de leurs opérations.
5. L’une des difficultés qui se posent pour évaluer la situation au niveau mondial est qu’il n’y a pas de définition communément acceptée de ce qu’est un paradis fiscal. Certains parlent de «juridiction à faible niveau de taxation», ou de «juridiction du secret», d’autres de «centre financier offshore» (CFO) – ce sont là des notions globalement interchangeables. Pour le FMI, les CFO se spécialisent dans l’offre de services financiers à des sociétés ou personnes physiques non résidentes, l’offre se distinguant par plusieurs caractéristiques: niveau faible ou nul de taxation, réglementation financière modérée ou légère, fonds extérieurs pour l’essentiel, secret bancaire et anonymat. Les opposants aux CFO font valoir que le fonctionnement de ces derniers pose de graves problèmes – relevant, par exemple, le risque qu’il fait peser sur la stabilité financière mondiale, le risque de fraude fiscale et de blanchiment d’argent – du fait de l’absence de transparence ou de réglementation adéquate qui accompagne une mondialisation débridée. C’est pourquoi plusieurs instances internationales, notamment le Conseil de stabilité financière (Financial Stability Board), le Groupe d’action financière (GAFI) et l’OCDE ont cherché à renforcer les politiques réglementaires dans le cadre desquelles opèrent les CFO.
6. Pour l’OCDE, une juridiction est un paradis fiscal si elle répond aux quatre grands critères ci-après:
  • taxation très faible ou absence de taxation;
  • manque de transparence et supervision financière locale très légère;
  • dispositions législatives ou administratives qui empêchent l’échange effectif d’informations à des fins fiscales (tout en mettant en œuvre des sauvegardes appropriées pour protéger les données personnelles) avec les pouvoirs publics d’autres Etats;
  • pas d’obligation qu’une activité économique enregistrée sur le territoire en question soit substantielle.
7. Le Service américain pour la responsabilité des pouvoirs publics (Government Accountability Office) utilise un ensemble de critères similaire, ajoutant un critère de plus – lorsqu’une juridiction se présente elle-même comme un centre financier offshore. D’autres auteurs suggèrent qu’un paradis fiscal est une structure fiscale complexe établie délibérément pour mettre à profit, et exploiter, une demande mondiale d’occasions de se soustraire à l’impôt 
			(7) 
			Définition proposée
par Geoffrey Colin Powell, ancien conseiller économique de Jersey,
et adoptée à titre indicatif par The
Economist.. Une distinction s’impose entre l’évasion fiscale et l’évitement fiscal: alors que, dans le premier cas, les moyens retenus pour se soustraire à l’impôt sont illégaux, dans le second, on utilise légalement le régime fiscal à son avantage pour réduire l’impôt à payer dans le pays de résidence. Cependant, entre ces deux notions, une zone grise existe. Comme l’ancien chancelier britannique Denis Healey l’a expliqué une fois: «Entre l’évitement fiscal et l’évasion fiscale, il y a l’épaisseur du mur d’une prison.»
8. Le Réseau pour la justice fiscale (Tax Justice Network) a tendance à ne pas parler de paradis fiscaux ou de CFO, mais plutôt de «juridictions du secret», qu’il définit comme étant un territoire qui crée intentionnellement, à l’usage et dans l’intérêt primordiaux de ceux qui ne résident pas sur son territoire géographique, une réglementation conçue pour saper la législation ou la réglementation d’une autre juridiction et qui, en outre, crée un voile de secret délibéré, s’appuyant sur des textes légaux et garantissant que les utilisateurs hors de sa juridiction qui mettent à profit sa réglementation ne peuvent être identifiés lorsqu’ils agissent de la sorte.
9. Dans ce contexte, rappelons que ce même réseau déclare que «l’impôt est le fondement d’un bon gouvernement et la clé de la richesse ou de la pauvreté des nations» et signale que les pays en développement sont les grands perdants du fait de la perte de recettes fiscales (quelque 160 milliards de dollars par an, selon l’estimation de Christian Aid 
			(8) 
			Christian
Aid, «Death and taxes: the true toll of tax dodging», mai 2008., et de 641 milliards à 979 milliards de dollars selon une commission du Gouvernement norvégien 
			(9) 
			Rapport
de la commission du Gouvernement norvégien, «Tax havens and development»,
juin 2009.), qui dépasse largement l’aide publique au développement. Pour les pays développés, le respect de la fiscalité est également essentiel pour garantir les recettes nécessaires au maintien de leurs systèmes de gouvernance et de protection sociale. Comme le rappelle M. Viktor Pleskachevskiy dans son rapport intitulé «L’économie souterraine: une menace pour la démocratie, le développement et l’Etat de droit» (Doc. 12700), les dysfonctionnements dans l’administration fiscale sont le syndrome d’une faiblesse de l’autorité publique, ils risquent de saper la démocratie et de fragiliser l’économie nationale.
10. Au Royaume-Uni, selon le National Fraud Office, en janvier 2011, la fraude coûtait au pays 38 milliards de livres par an, alors que les pertes du secteur public étaient estimées à 21 milliards de livres, dont 15 milliards de livres de fraude fiscale. Une étude de Tax Research UK conclut que le Royaume-Uni perd au moins 18 milliards de livres par an de recettes fiscales du fait d’activités liées à des paradis fiscaux, ce qui représente quatre fois le montant que coûterait l’éradication de la pauvreté des enfants dans ce pays 
			(10) 
			Richard Murphy «Tax
havens report», 2011.. L’arnaque au fisc est également endémique dans d’autres pays. Ainsi, par exemple, les services du fisc italien sont parvenus à récupérer quelque 37 milliards d’euros au cours des cinq dernières années grâce à des mesures de lutte contre la fraude fiscale. Les dernières données montrent que des contrôles renforcés ont rapporté 11,5 milliards d’euros supplémentaires au budget national pour 2011. En France, la Cour des comptes a estimé que la fraude fiscale était d’au moins 29 milliards d’euros chaque année. Pour ce qui est de la Grèce, la fraude fiscale massive coûterait au pays 15 milliards d’euros par an, et contribuerait sans nul doute significativement à réduire le déficit budgétaire du pays si elle était récupérée 
			(11) 
			Sebastian
Moffett et Alkman Granitsas, «Greece grapples with tax evasion», The Wall Street Journal, 10 février 2010..
11. Certes, la fraude fiscale et les paradis fiscaux ne sont pas automatiquement liés, mais étant donné qu’une grosse part des flux commerciaux et de capitaux transite par des entités réputées être des paradis fiscaux, ces derniers sont très fortement suspects. Malheureusement, dans un marché libre, lorsqu’il y a une demande, une offre se présente – y compris pour des services qui aboutissent à gruger les systèmes fiscaux nationaux et à contourner les accords internationaux applicables. Le rapporteur estime que les dirigeants politiques doivent faire preuve d’une forte détermination pour clarifier et améliorer la situation dans ce domaine. Aux fins du présent rapport, il a consulté des experts de l’OCDE, de la Commission européenne et du Réseau Tax Justice Network. En outre, le 9 décembre 2011, l’ancienne commission des questions économiques et du développement de l’Assemblée parlementaire a tenu une audition 
			(12) 
			Voir le site extranet
de la commission pour le texte in extenso des
exposés des principaux intervenants; voir également le procès-verbal
de la réunion de la commission le 9 décembre 2011 (AS/Ec (2011)
PV 09). avec la participation de:
  • Donal Godfrey, chef adjoint du Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations à des fins fiscales, Centre pour la politique et l’administration fiscales, OCDE;
  • Philip Kermode, directeur pour la taxation directe, la coordination fiscale, l’analyse économique et l’évaluation, Direction générale Fiscalité et Union douanière de la Commission européenne;
  • John Christensen, directeur du Secrétariat international, Tax Justice Network;
  • Professeur Clemens Fuest, directeur de recherche du Centre pour la fiscalité des entreprises, Université d’Oxford, Royaume-Uni.

2. Les grands problèmes autour des paradis fiscaux

12. Pour le Fonds monétaire international, la croissance des centres financiers offshore remonte aux années 1960-1970, lorsque de nombreuses économies développées ont mis en place des régimes réglementaires restrictifs en matière de mouvements de capitaux et que des grandes multinationales et institutions financières ont progressivement transféré certaines de leurs activités vers d’autres juridictions à leurs yeux plus attractives. A mesure que les transactions financières s’accéléraient et que leur volume augmentait grâce à la libéralisation financière des années 1980-1990, les centres financiers se sont adaptés à une concurrence internationale croissante en adoptant des caractéristiques telles qu’une fiscalité des entreprises nulle ou très basse, des frais de transaction faibles et des normes de supervision souples, l’anonymat des détenteurs de comptes, des produits financiers de plus en plus complexes proposés aux clients et de nombreux autres services de niche, notamment le secret ou «la discrétion la plus absolue» comme règle du jeu. Très tôt, cette course à l’environnement le plus laxiste a fait naître au sein des grandes institutions internationales des préoccupations concernant les risques pour la stabilité financière mondiale 
			(13) 
			Voir par exemple le
document de réflexion du FMI sur les centres financiers offshore
du 23 juin 2000 et l’article de Salim M. Darbar, R. Barry Johnston
et Mary G. Zephirin, «Assessing offshore financial centres, filling
a gap in global surveillance», publié dans Finance
and Development, septembre 2003..
13. L’ingénierie financière par le biais de «véhicules d’investissement structurés» était si complexe, l’effet de levier des opérations financières si important et la perception des prises de risques si inadéquate qu’on estime aujourd’hui que les CFO ont joué un rôle majeur dans la survenance de la crise financière de 2008-2009. En fait, les CFO étaient utilisés pour circonvenir les règles afin de réduire les niveaux de réserve de capital exigés pour l’entreprise cliente. Or, les règles en place avaient été établies pour une bonne raison – protéger toute la société. Et pourtant elles se sont révélées insuffisantes: une partie des dettes d’entreprise d’institutions importantes sur le plan systémique a été transférée aux Etats, dont les déficits et la dette souveraine ont, en conséquence, explosé – les rendant plus vulnérables à l’égard des marchés financiers internationaux, et déplaçant la charge supplémentaire qui est désormais portée par les contribuables ordinaires.
14. A ce stade, il convient de préciser que la notion de «offshore» dans l’expression «centres financiers offshore» signifie «ailleurs», puisque le système offshore propose pour l’essentiel des services à des non-résidents – qu’ils soient personnes physiques ou personnes morales (pour l’essentiel des multinationales, des fonds et des banques). Ces services incluent de la gestion d’actifs, des services bancaires, d’assurance, du trading financier et divers services d’enregistrement. Avec l’intégration des marchés financiers, les problèmes rencontrés par des institutions qui utilisent énormément les CFO peuvent rapidement se propager ailleurs, ce qui explique pourquoi les autres pays cherchent à consolider la supervision de toutes les opérations des institutions enregistrées dans leurs juridictions – et à tenir leurs engagements internationaux visant à dépister l’argent sale. Toutefois, une supervision consolidée de ce type n’est pas efficace lorsque la coopération et l’échange d’informations avec les CFO sont faibles.

2.1. Secrets et prise de pouvoir

15. Un des problèmes majeurs provient du secret, alors même que la transparence est essentielle: en théorie, un marché libre fonctionne de manière rationnelle et la supervision démocratique donne de bons résultats lorsque tous les participants ont un accès identique aux informations pertinentes. Le système offshore permet de filtrer les informations dont disposent les décideurs dans le pays de résidence. Il contrôle l’information, et le pouvoir qu’elle comporte, au bénéfice d’initiés, tout en transférant la charge des coûts sur le reste de la société. Des fonds significatifs sont gérés en offshore au risque du client, l’activité hors bilan n’étant généralement pas enregistrée dans les statistiques – ce qui entraîne des distorsions dans les flux d’informations, dont la précision est à la base de la prise de décision ainsi que de la coordination et de la réglementation au niveau international.
16. Cela aboutit à la formation de réseaux d’influence puissants reposant sur des réseaux d’avocats, de comptables et de gestionnaires, qui contribuent à transformer des pratiques abusives en pratiques sous une certaine forme acceptables – techniquement légitimes, mais perverties dans l’esprit. En permettant aux élites riches de ne pas payer d’impôt dans leur pays de résidence, les paradis fiscaux sapent le contrat social dans les Etats-nations, et au sein de la société tout entière. Ils portent également atteinte à la responsabilité démocratique et à la bonne gouvernance en limitant la portée de la supervision publique. En fait, les dispositions liées au secret dans les centres financiers offshore sont le principal motif d’incitation à les choisir pour ceux qui cherchent des cachettes sûres pour leurs actifs taxables ou leurs biens d’origine douteuse. Elles permettent d’éviter la taxation, les réglementations financières, les dispositions du droit pénal et autres règles de la société (par exemple les règles sur la gouvernance d’entreprise et la responsabilité sociale, sur les procès et le droit des successions, etc.). De la même manière, les intermédiaires privés se taillent un puissant pouvoir d’influence politique 
			(14) 
			L’analyse
du Bureau pour le journalisme d’investigation montre qu’au cours
des douze derniers mois, 51 % des ressources du Parti conservateur
au pouvoir provenaient de dons du secteur financier et que près
de 7,5 % avaient été donnés par le secteur industriel – voir l’article
de Nic Mathiason du 30 septembre 2011 sur <a href='http://www.thebureauinvestigates.com/'>www.thebureauinvestigates.com</a>..
17. Le secret des centres financiers offshore est en général assuré par des comptes bancaires anonymes et des sociétés écrans derrière lesquelles se cachent les vrais clients. La plupart de ces juridictions utilisent des lois sur le secret bancaire, des structures de holding complexes et des fiducies ou fonds en pratique impénétrables (qui, en théorie, dissocient la propriété des actifs des revenus servis, à la faveur de mandataires; il n’y a pas d’enregistrement obligatoire). Si l’on ajoute à cette structure simplifiée la technique du découpage – en français, le saucissonnage – qui permet d’allouer différentes parties du montage financier à plusieurs juridictions et de l’assortir de clauses de fuite (qui permettent de déplacer les actifs automatiquement au premier signe d’investigation le long de la chaîne), on obtient une véritable forteresse. A l’autre extrémité, on trouve les juridictions et administrations fiscales nationales, dont les enquêtes transfrontalières se fraient péniblement un chemin à travers un maquis de procédures juridiques complexes, et peuvent prendre des années avant de reconstituer des fragments de la piste de l’argent. En somme, c’est comme jouer au chat et à la souris dans le noir, la souris étant libre de ses mouvements et le chat ayant les yeux bandés.
18. Une étude menée par l’Initiative Stolen Asset Recovery de la Banque mondiale et l’UNDOC (Office des Nations-Unies sur les drogues et le crime) 
			(15) 
			«The
puppet masters: how the corrupt use legal structures to hide stolen
assets and what to do about it», 24 octobre 2011, <a href='http://www.worldbank.org/star'>www.worldbank.org/star</a>., fondée sur l’étude de 150 grosses affaires de corruption, a mis au jour des liens directs entre la corruption à grande échelle par des agents publics de haut rang et la dissimulation d’actifs volés grâce à des sociétés écran, fondations et trusts opaques; cela explique les obstacles auxquels se heurtent les enquêtes, et la difficulté de retracer les actifs volés du fait de l’incapacité à accéder aux informations sur le bénéficiaire effectif et de l’utilisation de structures d’entreprises complexes relevant de plusieurs juridictions.

2.2. Le maquis des prix de transfert

19. L’un des aspects très préoccupants est la fraude à grande échelle en matière d’impôt sur les bénéfices des sociétés par l’utilisation des paradis fiscaux accompagnée de techniques comptables «créatives». Certains problèmes se posent lorsque les entreprises s’efforcent d’éviter la double imposition. Selon l’OCDE, environ 60 % du commerce mondial est réalisé en interne au sein des multinationales. Lorsque des entreprises en aussi grand nombre ont étendu leurs opérations dans plusieurs pays, il n’est pas facile de savoir quelle est la part d’impôt sur le bénéfice attribuée à quel pays. La tâche est d’autant plus compliquée que les multinationales utilisent des techniques de fixation des prix de transfert – en général avec la participation de centres offshore – pour ajuster leurs comptes de telle manière que les bénéfices seront engrangés dans des juridictions faiblement taxées et le maximum du coût déduit dans des pays fortement taxés. Cette technique de fixation (ou plutôt, devrait-on dire, de manipulation) des prix de transfert permet non seulement une optimisation fiscale, mais en réalité la quasi-annulation de l’impôt. Dans les cas les plus extrêmes, comme aux Etats-Unis, certaines grandes entreprises sont même parvenues à obtenir de l’argent public grâce à des exonérations d’impôt, qui ressemblent à des subventions fiscales.
20. Si les pouvoirs publics des pays riches sont en permanence à la recherche de moyens d’améliorer leur système réglementaire afin de récupérer une certaine partie des impôts sur les bénéfices des sociétés qui sont perdus par l’utilisation de techniques de fixation (manipulation) des prix de transfert, bon nombre de pays moins aisés sont, pour la plupart, peu au courant, mal équipés et donc sans défense face aux ruses sophistiquées des entreprises pour éviter de payer des impôts. En fait, bon nombre de pays en développement ne parviennent à collecter qu’environ 40 % des recettes fiscales potentielles 
			(16) 
			International Tax Compact
(2011), «Benefits of a computerised integrated system of taxation»,
étude de cas iTax de février 2011, Bonn.. Il n’est donc pas surprenant que leur ratio recettes fiscales/PIB se situe entre 10 et 20 % contre 25 à 40 % pour les pays développés 
			(17) 
			«Fiscalité et développement:
Coopérer avec les pays en développement pour promouvoir la bonne
gouvernance en matière fiscale», Communication de la Commission
européenne au Parlement européen, au Conseil européen et au Comité
économique et sociale européen, 21 avril 2010.. De plus, comme le suggère l’étude de l’Union européenne sur la fixation des prix de transfert et les pays en développement, ces derniers manquent, en général, de la législation, de la capacité administrative et de l’expertise minimales en matière de fixation des prix de transfert, ainsi que de règles comptables complètes et de réseaux liés aux traités fiscaux.
21. Dans le même temps, les pays développés aussi perdent gros. Il suffit de lire une étude du National Audit Office britannique, qui a conclu qu’environ un tiers des 700 plus grandes entreprises du pays n’avait pas payé d’impôt au Royaume-Uni en 2006. La fixation du prix des transferts a, c’est indéniable, des effets budgétaires délétères pour la société, lorsque les «plus malins» deviennent également les moins responsables du bien commun et qu’une part disproportionnée de la charge fiscale est réorientée pour être assumée par les acteurs de marché les plus petits, et que la main-d’œuvre et la consommation ou l’investissement public doivent être réduits. En outre, il est prouvé que l’évitement fiscal sur les bénéfices des sociétés aboutit à creuser les disparités de revenus au sein des Etats-nations et entre eux 
			(18) 
			Notamment
les recherches de John Christensen pour le Réseau Tax Justice Network..
22. La manipulation du prix des transferts n’est, hélas, pas la seule technique comptable qui permet de frauder le fisc. Dans ce même ordre d’idées, on citera la refacturation, le recours aux entités/véhicules d’investissement spécifiques (SPV), à ce que l’on appelle les «inversions d’entreprises», aux diverses formes de trusts, etc. Et, dans tous ces cas, les paradis fiscaux jouent un rôle. De plus, les règles comptables internationales permettent aux multinationales de présenter leurs bénéfices après agrégation des données de différents pays de telle manière qu’il devient impossible de voir quels sont les véritables résultats et bénéfices d’une société et combien elle a payé d’impôt par pays. A l’arrivée, une part considérable des bénéfices qui échappent à l’imposition des entreprises se retrouve dans des flux financiers spéculatifs au lieu de servir à investir de manière productive dans l’économie réelle, ce qui entraîne des distorsions sur les marchés locaux du fait de la montée en puissance de monopoles secrets opérant sous couverture du secret offshore, et accroît l’instabilité du système financier mondial en créant des bulles, qui finissent par éclater.

2.3. Les mouvements brutaux de capitaux, facteurs de déstabilisation

23. Les finances offshore sont tout sauf une part dormante de l’économie mondiale: des flux de capitaux circulent constamment entre les zones offshore et onshore, au détriment des activités bancaires traditionnelles, et les zones offshore sont des intermédiaires financiers très actifs. Les problèmes commencent lorsque des flux d’argent considérables quittent certains pays pour en alimenter d’autres: les fuites de capitaux en un endroit se traduisent par un afflux de capitaux ailleurs. Ce mouvement se produit classiquement par le biais du système offshore et les grands bénéficiaires de ces flux financiers sont en définitive les principaux centres financiers des pays développés. Le système bancaire occulte du monde – impliquant les centres financiers offshore et des structures d’investissement non réglementées – était plus grand que l’ensemble du système bancaire américain (qui pesait environ 10 billions de dollars en 2007) selon Timothy Geithner, aujourd’hui Secrétaire du Trésor américain. Au niveau mondial, environ 69 % des fonds spéculatifs étaient domiciliés dans des centres financiers offshore en 2007, les îles Caïmans et les îles Vierges britanniques en hébergeant à elles seules la moitié – contre 30 % au total pour les Etats-Unis et l’Europe ensemble.
24. En 2005, la Banque mondiale a reconnu la validité des travaux du GFI (Global Financial Integrity), basé à Washington, qui estime que les flux financiers illicites transfrontaliers représentent entre 1 et 1,6 billion de dollars par an. L’analyse de 2009 du GFI montre également que les sorties financières illicites des seuls pays en développement sont de l’ordre de 850 milliards de dollars à 1 billion de dollars. Si l’on compare avec les flux annuels d’aide mondiale au développement, qui représentent quelque 100 milliards de dollars, cela signifie que, pour chaque dollar d’aide publique occidentale, le système financier mondial a récupéré jusqu’à 10 dollars sous forme de capitaux en fuite, y compris les fonds pillés par des dirigeants corrompus. Dans cette jungle financière, le pire est que les actifs de bon nombre de pays en développement ont tendance à appartenir à une petite élite riche, alors que la dette publique extérieure est supportée par l’ensemble de la population – grâce à des initiés du monde politique et des affaires. Les juridictions pratiquant le secret financier sont au cœur de la problématique. Elles ont, en outre, été au centre des grands scandales d’entreprises des dernières années, telles que les affaires Enron, Parmalat, Lehman Brothers, AIG et Northern Rock, pour ne citer qu’elles.
25. Avec la libéralisation financière, les flux de capitaux internationaux sont extrêmement mobiles et volatils. Selon des analystes 
			(19) 
			Voir, par exemple,
le document de travail no 320 de la Banque
des règlements internationaux sur «Offshore markets for the domestic
currency: monetary and financial stability issues», Dong He et Robert
N. McCauley, septembre 2010., le développement de systèmes offshore remet sérieusement en question la stabilité monétaire nationale (les banques centrales ayant des difficultés à contrôler l’offre et la demande monétaires) et peut aboutir à une surchauffe, ou une stagnation, de l’économie intérieure d’un pays. En outre, comme l’a montré l’épisode 2007-2009 de la crise financière mondiale, les répercussions des mouvements de capitaux se transmettent rapidement entre pays et régions, et les risques persistent à l’égard de la stabilité financière mondiale.

2.4. Dumping fiscal et réglementaire

26. Les paradis fiscaux reposent, par définition, sur une caractéristique essentielle: pas 
			(20) 
			Ainsi, Jersey et les
Caïmans ont un taux effectif de 0 % en ce qui concerne l’impôt sur
les sociétés. ou peu d’impôts. Ces pratiques encouragent les ressources à aller non là où elles peuvent être le plus productives, mais là où elles sont le moins imposées. Cette imposition minimale agit comme une force qui introduit des distorsions dans la concurrence mondiale, en particulier lorsque la réglementation et la supervision sont faibles. Dans le contexte mondial de la libéralisation financière et de l’intermédiation offshore, la concurrence fiscale aboutit au dumping dans ce domaine. L’OCDE a produit, en 1998, un rapport pertinent sur la concurrence fiscale dommageable, qui a contribué à sensibiliser le monde politique et à faire pression pour traiter le problème, comme cela a été le cas dans le processus de l’intégration européenne.
27. En mettant à la disposition des non-résidents un cadre réglementaire très peu contraignant, les juridictions adeptes du secret créent des facilités pour les personnes physiques et morales qui leur permettront de contourner les règles en vigueur ailleurs et, d’une certaine manière, interfèrent avec la capacité d’autres Etats souverains à garantir que la primauté du droit s’applique à tous leurs citoyens et aux entreprises enregistrées selon leurs lois nationales. En conséquence, la course tirant la réglementation vers le bas, due à l’existence même des paradis fiscaux, fait peser une forte pression sur d’autres Etats et, dans les cas extrêmes, permet à des multinationales puissantes de confisquer l’Etat lui-même 
			(21) 
			Par
cela, il convient d’entendre les efforts déployés par un certain
nombre d’entreprises pour influer sur les lois, politiques et réglementations
de l’Etat à leur avantage en exerçant une pression massive sur les
pouvoirs publics et/ou en donnant à des agents publics des avantages
privés illicites.. Pourtant, comme le fait justement remarquer M. Tuur Elzinga dans son avis sur les droits de l’homme et entreprises (au nom de l’ancienne commission des questions économiques et du développement – voir Doc. 12384), «[l]es entreprises devenant des acteurs influents sur la scène nationale, européenne et mondiale, se posent un certain nombre de questions ouvertes sur leurs droits et responsabilités envers la société» qui peuvent être éclaircies – notamment dans le contexte d’un débat parlementaire sur les politiques concernant les paradis fiscaux.
28. Selon certains experts, il convient également de garder à l’esprit que certains services proposés par des centres financiers offshore peuvent avoir des effets positifs dans le contexte mondial, en particulier lorsqu’ils exploitent des opportunités de développement de niches reposant sur un avantage comparatif, facilitent l’activité économique transfrontalière en réduisant les coûts de mise en conformité fiscale ou la double imposition et assurent la protection des résidents d’Etats dysfonctionnels. En outre, comme l’a fait remarquer le professeur Fuest lors de l’audition de la commission en décembre 2011, certains experts voient dans les paradis fiscaux un contrepoids à certains excès dans les régimes fiscaux nationaux et un facteur de stimulation de la concurrence dans le secteur financier. Ces considérations devraient pousser les pays à évaluer régulièrement leurs régimes fiscaux et réglementaires en vue d’éliminer les dysfonctionnements et de renforcer la transparence.

3. Nécessité d’améliorer la transparence des flux financiers internationaux et l’efficacité des cadres réglementaires

29. Les diverses préoccupations concernant le fonctionnement des CFO ont naturellement été soulevées dans les grandes tribunes internationales telles que le Forum pour la stabilité financière (aujourd’hui le Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations à des fins fiscales), le GAFI (Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux), l’OCDE, l’Union européenne, le FMI et les diverses réunions au niveau des G7/G8/G20. Après le premier examen par le GAFI de la conformité avec la norme internationale (40+8 recommandations) en 2000, de graves déficiences ont été identifiées dans 15 territoires en matière de dispositions de lutte contre le blanchiment de capitaux. L’OCDE, pour sa part, a poursuivi ses efforts de lutte contre les pratiques fiscales dommageables, identifiant 47 pays dotés de régimes fiscaux potentiellement dommageables et dressant la liste de 35 juridictions constituant des paradis fiscaux. En 2002, une liste noire de 7 paradis fiscaux non coopératifs a été publiée et une trentaine de CFO se sont engagés à accroître la transparence et la coopération en matière d’échange d’informations.
30. Dans le cadre de leurs travaux pour consolider l’architecture et la stabilité financières mondiales après la crise asiatique de la fin des années 1990, le FMI et la Banque mondiale ont mené une Initiative conjointe sur les normes et codes 
			(22) 
			FMI 2011, Bilan de
l’Initiative des normes et codes, 16 février 2011, et Notice d’information
publique no 11/38 du 22 mars 2011. pour une surveillance plus étroite de leurs Etats membres, y compris les CFO. Elles ont sélectionné 12 domaines politiques jugés essentiels pour des systèmes financiers sains, couvrant les normes de transparence en matière de données et de politiques; la politique monétaire et financière et la transparence fiscale; la supervision des banques et des assurances; la réglementation des titres; le secteur financier, les normes comptables et d’audit; l’intégrité des marchés, et enfin la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (fondée sur les recommandations du GAFI). Malheureusement, les examens des pays se font sur la base du volontariat. Un programme d’évaluation consacré aux CFO, entamé en 2000, a été intégré au programme d’évaluation du secteur financier en 2008.
31. Dans le cadre de cette initiative, la majorité des pays, y compris un certain nombre de CFO, ont été évalués au moins une fois, mais la couverture n’est pas complète, et a été en fait réduite de moitié à partir de 2004 du fait des restrictions au sein du FMI et de certains changements de priorités. De nouvelles révisions des normes et procédures d’évaluation se profilent, à la lumière de la dernière crise financière, des travaux du FSB (Financial Stability Board) et des décisions pertinentes qui seront prises par la communauté internationale. La difficulté reste cependant de renforcer la «remise en ordre» de la finance offshore, notamment du fait que la récente crise a révélé des lacunes dans les règles, la supervision, l’application de mesures répressives, la coordination entre les organismes normatifs, les évaluateurs et les planificateurs politiques, l’assistance par pays et la coopération internationale. Il faut également veiller à ce que les évaluations couvrent les juridictions non membres (qui étaient incluses dans l’ancien programme d’évaluation sur les CFO).
32. La communauté mondiale déployant des efforts renouvelés pour réduire l’évitement fiscal et l’évasion fiscale, le Forum mondial (sur la transparence et l’échange d’informations à des fins fiscales) – sous l’égide de l’OCDE – a été restructuré en 2009. Il est à la tête de la coopération multilatérale de plus d’une centaine de membres (dont tous les pays du G20 et de l’OCDE ainsi que de grands centres financiers) grâce à un examen par les pairs du cadre légal et réglementaire de chaque juridiction et la mise en œuvre concrète des normes sur la transparence et l’échange d’informations à des fins fiscales. Parmi les Etats membres du Conseil de l’Europe, plusieurs pays d’Europe centrale et orientale ne sont pas encore membres du Forum mondial (Albanie, Arménie, Azerbaïdjan, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, République de Moldova, Monténégro, Roumanie, Serbie et Ukraine).
33. En préparation du sommet d’avril 2009 du G20, l’OCDE avait annoncé un système de listes noire/grise/blanche permettant d’épingler les centres financiers qui ne coopèrent pas avec d’autres juridictions sur des questions fiscales et de transparence. Malheureusement, à la suite d’intenses pressions de la part de certaines grandes puissances économiques et d’activités de lobbying de la part des entreprises opposées à ce projet, l’action sur cette piste a été limitée et aucune liste noire n’a été publiée.
34. En 2010, l’OCDE a publié une version actualisée de ses Lignes directrices sur la fixation des prix de transfert destinées aux entreprises multinationales et administrations fiscales (la première version remontait à 1995). Entre autres choses, ces lignes directrices précisent qu’il ne faut pas confondre la vérification d’un prix de transfert avec les vérifications portant sur des cas de fraude fiscale ou d’évitement fiscal, même s’il arrive que les politiques suivies en matière de prix de transfert poursuivent de tels objectifs. Cependant, «lorsque les prix de transfert ne reflètent pas les mécanismes du marché et le principe de pleine concurrence, cela peut avoir pour effet de fausser aussi bien le montant de l’impôt dû par des entreprises associées que les recettes fiscales du pays d’accueil». Le rapporteur est d’avis que l’utilisation de techniques de fixation des prix de transfert à des fins d’évitement fiscal ou de l’évasion fiscale doit être réévaluée, étant donné que les paradis fiscaux sont à l’origine de distorsions considérables sur les marchés financiers mondiaux et sont utilisés de plus en plus par les multinationales pour manipuler leurs bénéfices. De récentes propositions, faites par la Chancelière Merkel et le Président Sarkozy, en vue d’une fiscalité d’entreprise commune au niveau européen, méritent d’être explorées car elles permettraient d’avancer pour contribuer à résoudre au moins partiellement ce problème.
35. Le Réseau Tax Justice Network a élaboré l’indice de secret financier qui permet de classer les pays en fonction de leur importance comme fournisseurs de services de secret financier dans la finance mondiale. Fondés sur des scores d’opacité (évalués selon 12 indicateurs de secret financier) et sur la pondération de 60 territoires, les résultats pour 2009 et 2011, tels qu’ils figurent en annexe au présent rapport, montrent que les progrès réels ont été maigres et qu’une bonne partie des pays européens ont encore de gros problèmes avec la transparence de leur secteur financier.
36. Des donneurs d’alerte mondiaux épinglent un certain nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe qui accueillent ou tolèrent des modalités financières et juridiques plus ou moins douteuses du système offshore. Reposant sur les dynamiques des indicateurs de secret financier pour 2009 et 2011 du Réseau Tax Justice Network, parmi eux, on citera la City de Londres au Royaume-Uni, les territoires dépendant de la Couronne britannique (Jersey, Guernesey et l’île de Man) et les territoires d’outre-mer (notamment Anguilla, les îles Caïmans, les Bermudes, les îles Vierges britanniques, les îles Turks –et Caicos, Montserrat et Gibraltar), la Suisse, le Luxembourg, le Liechtenstein, Monaco, Andorre et les Antilles néerlandaises. Des préoccupations distinctes entourent le rôle de l’Autriche, de la Belgique, de l’Irlande, des Pays-Bas, de Chypre, de Malte et de Madère (Portugal) en tant qu’intermédiaires financiers qui facilitent les montages d’optimisation fiscale dommageables pour des firmes transnationales qui aboutissent à l’évitement fiscal. En ce que concerne le Royaume-Uni, un nombre impressionnant d’anciennes possessions coloniales gravite encore sous l’influence de l’administration britannique 
			(23) 
			Dans les dépendances
de la Couronne, la législation est adoptée par des assemblées locales
avec l’assentiment de la Couronne; dans les territoires d’outre-mer,
les niveaux d’autonomie varient et les systèmes légaux, bien qu’indépendants,
sont généralement fondés sur la Common law britannique..
37. En Suisse, la loi sur le secret bancaire, adoptée en 1934, fait de toute violation du secret bancaire un délit pénal passible d’amendes et de peines de prison. Selon la Banque nationale suisse, en 2009, le pays détenait environ 2,1 billions de dollars sur des comptes de non-résidents. Des analystes financiers suisses estiment qu’environ 80 % des quelque 836 milliards de francs suisses en actifs européens ne sont pas déclarés à l’administration fiscale du pays de rattachement de leurs propriétaires (le taux de non-déclaration atteint 99 % pour les Italiens). Sous la pression des autorités américaines, la banque UBS (première en Europe en matière de gestion de patrimoine privé) a été sanctionnée par une amende de 780 millions de dollars pour avoir dissimulé des avoirs imposables de citoyens américains et s’est engagée à communiquer des données sur 285 titulaires de comptes. A cette occasion, les autorités suisses ont reconnu que le but du secret bancaire était la protection de la vie privée, et non pas de la fraude fiscale. Elles participent très activement aux travaux du Forum mondial (voir le paragraphe 32 ci-dessus) et plaident pour l’implication totale de tous les Etats afin d’éviter des distorsions dans la concurrence au niveau mondial. En 2009, la Suisse a également adopté la norme de l’OCDE sur l’entraide administrative internationale en matière fiscale, permettant ainsi de contrôler des comptes suisses – sur requête d’autorités étrangères – pour évasion fiscale, en plus du motif de fraude fiscale.
38. En août 2011, la Suisse et l’Allemagne ont signé un accord fiscal 
			(24) 
			Cet accord
n’a pas encore été ratifié par le Parlement allemand. aux termes duquel les clients allemands paieront rétroactivement aux banques suisses une somme forfaitaire sur leurs avoirs, plus une taxe annuelle sur les intérêts des placements financiers: cela permet en quelque sorte de taxer de manière anonyme les actifs allemands en Suisse, sans lever le secret bancaire helvétique. Un autre accord de ce type a été signé entre la Suisse et le Royaume-Uni début octobre 2011 et des arrangements similaires sont en cours de préparation avec d’autres pays.
39. Comme l’a signalé Bloomberg le 6 octobre 2011, l’accord helvético-britannique – qui doit entrer en vigueur en mai 2013 et est soumis à l’approbation parlementaire – prévoit que les banques suisses verseront 500 millions de francs suisses au Gouvernement britannique en compensation du fait que leurs clients n’ont pas déclaré des montants occultes dans le passé. Les banques se rembourseront ensuite en prélevant à la source des taxes sur les avoirs de leurs clients (qui devraient représenter 48 % des revenus de placement et 27 % des gains en capital réalisés par les détenteurs de comptes offshore britanniques). Les montants ainsi générés seront versés au fisc britannique, mais les identités des clients demeureront secrètes.
40. Les experts du Tax Justice Network ont décelé 10 grosses failles dans cet accord. Il est alarmant ainsi de constater que les bénéficiaires de trusts et fondations discrétionnaires, ainsi que les succursales des banques suisses dans d’autres pays, sont explicitement non couverts par cet accord, qui laisse encore beaucoup d’échappatoires aux fraudeurs du fisc et ruine les efforts de l’Union européenne pour introduire davantage de transparence dans ce domaine, notamment par le biais de sa Directive sur la taxation de l’épargne. M. Šemeta, le Commissaire de l’Union européenne chargé des affaires fiscales, s’exprimant devant le Parlement européen le 25 octobre 2011, a souligné que les accords fiscaux bilatéraux de la Suisse avec l’Allemagne et le Royaume-Uni sont incompatibles avec l’accord existant entre l’Union européenne et la Suisse sur la taxation des revenus de l’épargne et doivent être retirés.
41. De plus en plus d’experts critiquent la norme de l’OCDE dominante en matière d’échange d’informations, jugeant qu’elle ne va pas assez loin. De fait, cette norme, activée sur demande, ne peut jouer que s’il existe des traités bilatéraux en vigueur et que les autorités fiscales d’un pays qui demande l’information ont déjà un soupçon et quelques éléments de base pouvant motiver une requête pour un complément d’informations à des fins fiscales. La solution consistant à automatiser l’échange d’informations sur une base multilatérale se justifie dès lors, sous réserve de sauvegardes appropriées pour une protection adéquate des données personnelles et d’un renforcement de la capacité administrative pour traiter des flux d’information transfrontaliers.
42. Le traité de l’Union européenne sur le Marché unique prévoit la libre circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes. Comme cela est indiqué dans une communication du 23 mai 2001 intitulée «Politique fiscale dans l’Union européenne – les priorités pour les années à venir» (COM(2001)260), la stratégie de la Commission européenne en matière de politique fiscale ne vise pas l’harmonisation des systèmes fiscaux des Etats membres, qui sont libres de choisir ce qui leur agrée. Toutefois, elle a reconnu ultérieurement que bon nombre de problèmes fiscaux – en particulier les régimes ou pratiques de «prédation» fiscale – exigent une meilleure coordination des politiques nationales (voir COM/2006/823 du 19 décembre 2006). En outre, comme l’a fait ressortir l’audition sur les paradis fiscaux organisée par l’ancienne commission des questions économiques et du développement le 9 décembre 2011, le partage de souveraineté au titre des Traités de l’Union européenne entraîne naturellement une harmonisation progressive des pratiques fiscales entre les Etats membres. Les grandes priorités de la politique de l’Union européenne dans ce domaine visent à éliminer les obstacles fiscaux à toute forme d’activités économiques transfrontalières, à poursuivre la lutte contre la concurrence fiscale dommageable et à promouvoir une plus forte coopération entre les administrations fiscales pour assurer le contrôle et la lutte contre la fraude.
43. Le Code de conduite de l’Union européenne en matière d’imposition des entreprises, repris dans les conclusions du Conseil des ministres de l’économie et des finances (ECOFIN) du 1er décembre 1997, s’il n’est pas un instrument juridiquement contraignant, n’en a pas moins une certaine force politique par le biais des examens critiques exercés par les pairs. En adoptant ce code, les Etats membres se sont engagés à mettre de l’ordre dans les mesures fiscales existantes qui constituent une concurrence fiscale dommageable et à éviter à l’avenir de prendre des mesures de ce type. Le Groupe du code de conduite, placé sous la présidence de Dawn Primarolo, a identifié (en novembre 1999) 66 mesures fiscales présentant des caractéristiques dommageables (40 dans des Etats membres de l’Union européenne, 3 à Gibraltar et 23 dans des territoires dépendants ou associés). Les Etats membres de l’Union européenne et leurs territoires dépendants et associés ont depuis introduit des mesures visant à remplacer ces 66 pratiques ou sont sur le point de le faire.
44. La Commission européenne cherche en outre à promouvoir une bonne gouvernance en matière fiscale fondée sur la transparence, l’échange d’informations et une concurrence équitable en matière de fiscalité, dans l’esprit de sa communication sur la bonne gouvernance du 28 avril 2009 (COM(2009)201). Dans le cadre de sa politique sur les services financiers, elle a adopté (le 19 octobre 2009) une recommandation demandant aux pays de l’Union de faciliter les formalités d’exonération pour les investisseurs résidant et investissant dans les Etats membres de l’Union européenne, tout en protégeant les recettes fiscales de toute erreur ou fraude, sans entraver le fonctionnement du Marché unique. On citera également dans ce contexte la Directive sur la taxation de l’épargne, qui vise à traiter le problème de fraude fiscale concernant les revenus de dépôt. En ce qui concerne la concurrence fiscale dommageable, la stratégie de l’Union européenne repose sur une communication, «Prévenir et combattre les malversations financières et pratiques irrégulières des sociétés» (COM(2004)611). Pour ce qui est des accords visant à éliminer la double imposition entre pays de l’Union européenne, une plus grande coordination est nécessaire, notamment dans des situations triangulaires et à l’égard des pays tiers. La Commission européenne organise actuellement une procédure de consultation sur des exemples factuels et les moyens possibles de s’attaquer à la «double-non-imposition» 
			(25) 
			Voir également <a href='http://ec.europa.eu/taxation_customs/common/consultations/tax/2012_double_non_taxation_en.htm'>http://ec.europa.eu/taxation_customs/common/consultations/tax/2012_double_non_taxation_en.htm</a>..
45. L’entraide entre Etats membres de l’Union européenne en matière d’impôts directs a été établie en 1977 et améliorée en 2011 grâce à la Directive du Conseil 2011/16/UE, qui garantit que les normes européennes en matière de transparence et d’échange d’informations sur demande s’alignent sur les standards internationaux: les Etats membres de l’Union européenne ne peuvent plus refuser de fournir des informations uniquement du fait que celles-ci sont détenues par une banque ou tout autre type d’institution financière. La directive introduit également l’échange automatique d’informations à partir du 1er janvier 2015 concernant cinq catégories de revenus et de capitaux, sur la base des informations disponibles (revenus du travail, jetons de présence, produits d’assurance si non couverts par d’autres directives, pensions, propriété de biens immobiliers et revenus tirés de ceux-ci; sur la base d’une nouvelle proposition de la Commission européenne et d’un rapport qui devra être soumis avant juillet 2017; cette liste pourrait être en outre étendue aux dividendes, revenus de placements financiers et redevances). De plus, le Conseil de l’Union peut également décider d’introduire l’échange d’informations automatique et inconditionnel concernant au moins trois des cinq catégories susmentionnées. Enfin, la directive améliore également les mécanismes existants pour l’échange d’informations en prévoyant un délai maximal pour accélérer les procédures à la fois concernant l’échange d’informations sur demande (réponse dans les six mois suivant la réception de la demande) et l’échange d’informations spontané (transmission d’informations au plus tard un mois après que celles-ci sont disponibles).

4. Rechercher des solutions véritablement mondiales par une action parlementaire et gouvernementale

46. Comme nous l’avons vu dans les parties précédentes du présent rapport, le système financier offshore impliquant des paradis fiscaux n’est pas un phénomène marginal de l’économie mondiale. Son impact sur les finances publiques et sur la société tout entière est énorme, même s’il passe largement inaperçu. Tous les pays ayant abdiqué une part de leur souveraineté au bénéfice de la mondialisation et de l’économie globale, s’attaquer aux distorsions mondiales induites par des pratiques fiscales dommageables ou prédatrices est une obligation morale autant qu’une cause commune. Les organisations internationales et les décideurs politiques nationaux doivent se pencher davantage sur les multiples problèmes issus du secret, des cadres réglementaires laxistes et des dispositions permettant un dumping fiscal, qui sont des caractéristiques inhérentes aux paradis fiscaux. L’OCDE estime que les efforts internationaux à l’encontre de la fraude fiscale et des paradis fiscaux non coopératifs ont jusqu’ici permis à 20 pays de récupérer au moins 14 milliards d’euros sur les deux dernières années, et qu’il reste encore beaucoup plus de recettes fiscales susceptibles d’être récupérées grâce à une action cohérente et coordonnée, au niveau national comme international.
47. L’une des difficultés majeures consiste à garantir une supervision consolidée et effective du système financier offshore et des territoires considérés comme des paradis fiscaux. La Banque des règlements internationaux (BRI), le FMI et l’OCDE devraient s’engager plus activement – en conjuguant leurs efforts – pour mesurer et analyser les flux financiers de et vers les CFO, ainsi que leur interaction avec l’activité économique dominante d’autres Etats. De plus, la surveillance du FMI et de l’OCDE concernant les régimes fiscaux des pays membres devrait aller plus loin et stimuler les améliorations. Cela permettrait aux décideurs politiques d’obtenir une image plus précise et réelle des problèmes qui restent à résoudre. Etant donné que les normes réglementaires minimales relatives aux paradis fiscaux ne sont plus suffisantes, et que, dans le contexte de la mondialisation, l’action individuelle d’un seul pays ne l’est pas non plus, il est crucial de mettre en place une action et une coordination multilatérales, par exemple via le G20.
48. Les privilèges accordés au niveau national aux grandes multinationales devraient être revus pour mieux équilibrer les droits et les obligations (à l’égard de la société des pays dans lesquels elles opèrent). La responsabilité sociale d’entreprise devrait être renforcée en obligeant les sociétés à publier des informations sur leur utilisation de filiales offshore, et tout lien avec des territoires considérés comme des paradis fiscaux. Pour cela, cependant, il faut que la communauté internationale s’entende sur la liste de ces derniers. Enfin, il conviendrait également de passer en revue les politiques en matière de fixation des prix de transfert, afin de limiter les occasions pour les multinationales de manipuler leurs déclarations de bénéfices.
49. Afin d’améliorer la responsabilisation en matière de fiscalité des entreprises et la divulgation des informations financières (notamment sur les coûts, les bénéfices et les impôts versés) concernant des activités commerciales dans des pays tiers, il conviendrait de procéder à la reddition des comptes pays par pays pour ce qui est des comptes d’entreprises multinationales dans tous les secteurs d’activités, en particulier le secteur financier. La Commission européenne évalue actuellement les options et les modalités à adopter pour mettre en œuvre ce type d’obligations à l’égard des entreprises cotées en Bourse dans l’Union européenne. Cette pratique devrait être généralisée et pourrait être mise en place progressivement dans tous les Etats membres du Conseil de l’Europe et pays membres de l’OCDE, ainsi que pour les membres du G20.
50. En outre, le rapporteur aimerait proposer que les gouvernements se livrent à un exercice de typologie pour déceler le type d’entreprises immatriculées dans leur juridiction et qui ont l’habitude de contourner leurs règles nationales, notamment en matière de fiscalité, et d’éviter de se soumettre à une supervision ou un contrôle dignes de ce nom, au niveau tant national qu’international. Certes, les pratiques de concurrence fiscale pénalisantes sont progressivement éliminées dans l’Union européenne, mais cette approche devrait aller plus loin – avec le soutien d’autres organisations internationales (l’OCDE ou encore le FMI, la Banque mondiale, etc.). Cela vaut également pour l’examen de pratiques consistant à proposer des abattements fiscaux pour certains types de revenus (intérêts, redevances, dividendes et gains en capital) provenant de filiales étrangères 
			(26) 
			Ainsi, les Pays-Bas
sont souvent critiqués pour ce type de pratique qui constituerait
un moyen d’attirer les flux financiers sur son territoire mais qui
a des conséquences négatives pour d’autres pays – voir la recherche
de Francis Weyzig, Michiel Van Dijk et Richard Murphy., ce qui pourrait contribuer à réduire la pratique de la recherche de la taxation optimale en fonction des pays («tax shopping»), le nombre des sociétés boîte à lettres et les occasions de blanchir de l’argent.
51. Comme des doutes sérieux pèsent sur l’efficacité de l’échange d’informations à des fins fiscales «sur demande», les Etats devraient commencer à passer à l’échange d’informations automatique, sous réserve des sauvegardes appropriées en matière de protection des données personnelles 
			(27) 
			Le
Conseil de l’Europe procède actuellement à la mise à jour de sa
Convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement
automatisé des données à caractère personnel (STE n° 108)
et de son Protocole additionnel concernant les autorités de contrôle
et les flux transfrontières de données (STE n° 181).
Ces instruments sont entrés en vigueur en 1985 et en 2004 respectivement.. L’OCDE pourrait éventuellement être un bon point de départ pour commencer à construire la «coalition des volontaires» au niveau mondial et accroître la pression sur les paradis fiscaux afin qu’ils deviennent davantage coopératifs à cet égard. Nous devrions ajouter que la simple conclusion de 12 accords sur l’échange d’informations à des fins fiscales – le minimum requis par l’OCDE – est loin d’être suffisante, étant donné que les paradis fiscaux signent souvent ce type d’accord entre eux mais non avec des pays qui sont leurs principaux partenaires commerciaux. Dans l’intervalle, les Etats membres du Conseil de l’Europe qui n’ont pas encore adhéré au Forum mondial (sur la transparence et l’échange informations à des fins fiscales) devraient être vivement incités à envisager de le faire. En outre, le processus du Forum mondial devrait être renforcé en passant d’un examen par les pairs à un examen par des experts.
52. Nous devrions, à cet égard, nous réjouir des conclusions du Sommet du G20 à Cannes (3-4 novembre 2011), à l’issue duquel les dirigeants des pays du G20 se sont engagés à signer la Convention multilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale, ont fortement encouragé d’autres juridictions à y adhérer et ont décidé d’envisager d’échanger des informations automatiquement sur une base volontaire le cas échéant et tel que prévu dans la convention.
53. Comme l’a relevé le représentant de la Commission européenne lors de l’audition de l’ancienne commission des questions économiques et du développement (voir ci-dessus le paragraphe 11), l’échange automatique d’informations fiscales exige des efforts supplémentaires en matière de coopération interétatique, mais, pour les pays qui ont tenté l’expérience sur la base du volontariat, c’est une solution qui fonctionne sans heurts. Quoi qu’il en soit, l’Union européenne a déjà prévu d’introduire l’échange automatique d’informations fiscales entre ses Etats membres à compter de 2015, en laissant une marge substantielle de souplesse aux Etats – qui pourront retenir les modalités pratiques qui répondent le mieux à leurs besoins. En outre, des négociations sont en cours avec des pays tiers européens (la Suisse, le Liechtenstein, Andorre, Monaco, Saint-Marin, etc.) et au-delà (notamment avec Singapour, Hong Kong et Macao) sur des questions de concurrence fiscale, d’échange automatique d’informations en matière fiscale et sur l’application extraterritoriale des outils juridiques communautaires pertinents par le biais d’accords bilatéraux.
54. Les dispositions légales permettant de détenir des comptes anonymes, la tenue d’une comptabilité hors bilan et les actions au porteur 
			(28) 
			Les
actions au porteur sont des documents indiquant que le détenteur
physique des actions (quelle que soit la personne) en est le propriétaire.
Contrairement aux actions ou obligations normales enregistrées,
aucun registre n’est conservé concernant le propriétaire du bien
sous-jacent ou de toute transaction impliquant un transfert de propriété.
Les actions au porteur sont utilisées par des investisseurs souhaitant
rester anonymes, mais, en cas de perte ou de vol, il est extrêmement
difficile de récupérer la propriété de ces titres. devraient être abolies. Il est aussi extrêmement important de veiller à ce que toutes les entités (y compris les fiducies et les fonds) soient enregistrées et que leurs propriétaires effectifs soient déclarés, en particulier pour ce qui est des flux de capitaux en provenance ou à destination d’Etats membres du Conseil de l’Europe. Le rapporteur partage pleinement la recommandation de la Banque mondiale/UNDOC selon laquelle tous les registres d’immatriculation des entreprises devraient fournir un ensemble d’informations standard sur les sociétés immatriculées (par exemple des données sur les actionnaires, les membres, les directeurs et sur l’historique) et permettre un accès en ligne à ces informations.
55. Il faudrait envisager d’élargir l’action des cellules de renseignement financier, afin qu’elles puissent aller au-delà des stratégies de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme et puissent aussi traiter de la fraude fiscale. De même, les compétences en matière d’investigation et la capacité des autorités fiscales nationales doivent être renforcées – par des pouvoirs et des mandats étendus, une formation adéquate, des ressources humaines et budgétaires – pour permettre des contrôles et des poursuites plus efficaces avec la bonne récupération des actifs mal acquis.
56. Les modèles actuels d’imposition concernant les multinationales semblent à l’évidence favorables aux intérêts des pays riches. Pour l’essentiel, ils drainent les recettes fiscales vers le pays de «résidence» des multinationales (des fonds substantiels aboutissant au passage dans des paradis fiscaux) plutôt que vers les pays source. A la lumière de la déclaration du Sommet du G20 de Cannes, qui se félicite que les pays en développement reçoivent de plus en plus de soutien pour contrer les fixations abusives de prix des transferts, le rapporteur suggère que l’OCDE et la Commission européenne explorent des moyens de travailler ensemble en synergie en vue d’optimiser les modèles de fiscalité existants et d’aider à maximiser les recettes fiscales dans les pays où les multinationales réalisent une part substantielle de leurs activités. Les Etats membres du Conseil de l’Europe pourraient également recourir davantage au Comité d’experts des Nations Unies sur la coopération internationale en matière fiscale comme le forum approprié à la fois pour des activités normatives et pour le soutien aux pays en développement dans leurs efforts pour contrer les pratiques fiscales abusives.
57. Le rapporteur est en outre persuadé qu’il est nécessaire d’harmoniser la politique fiscale des entreprises au niveau européen, par exemple en adoptant la base fiscale consolidée commune en tant que premier pas sur la voie de la taxation des bénéfices des compagnies multinationales en fonction d’une formule qui tienne compte de la véritable substance économique (chiffre d’affaires des ventes, actifs investis et emploi) dans les divers pays où elles opèrent.
58. Le rapporteur estime également qu’il serait utile d’évaluer la mise en œuvre de la Convention multilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale telle qu’amendée par le Protocole additionnel de 2010 et son entrée en vigueur en 2011. L’Assemblée et le secteur intergouvernemental du Conseil de l’Europe devraient également promouvoir avec détermination cet outil juridique, en particulier au sein des Etats membres et auprès des juridictions adeptes du secret.

5. Conclusions

59. Le grand public est de plus en plus sensibilisé à la fraude, à l’évasion et à l’évitement fiscaux et les actions ciblées menées à l’encontre de ces phénomènes révèlent que les impôts non acquittés coûtent chaque année des milliards aux budgets des Etats membres du Conseil de l’Europe. La fraude massive des particuliers et des entreprises par l’intermédiaire de paradis fiscaux et de centres financiers offshore se traduit par une charge fiscale supplémentaire pour ceux qui paient, par des finances publiques pressurées ainsi que par une réduction des dépenses publiques dans des secteurs sociaux essentiels et dans les investissements en infrastructures. Ce phénomène aggrave aussi les distorsions macroéconomiques, l’instabilité financière et la concurrence déloyale au niveau mondial. En mettant à profit l’élan dû à la crise économique et financière planétaire, l’Europe devrait montrer l’exemple et être activement chef de file pour lutter contre le secret bancaire fiscal, les pratiques fiscales prédatrices, la concurrence fiscale dommageable et le dumping réglementaire, non seulement sur son territoire, mais également auprès de ses partenaires commerciaux dans le reste du monde.

Annexe – Indice 2011 de secret financier* (Financial Secrecy Index – FSI) (par le Tax Justice Network)

(open)

Rang

Juridiction

Valeur FSI

Score de secret

Poids

1

Suisse

1879,2

78

0,061

2

Iles Cayman

1646,7

77

0,046

3

Luxembourg

1621,2

68

0,131

4

Hong Kong

1370,7

73

0,042

5

Etats-Unis

1160,1

58

0,208

6

Singapour

1118,0

71

0,031

7

Jersey

750,1

78

0,004

8

Japon

693,6

64

0,018

9

Allemagne

669,8

57

0,046

10

Bahreïn

660,3

78

0,003

11

Iles Vierges britanniques

617,9

81

0,002

12

Bermudes

539,9

85

0,001

13

Royaume-Uni

516,5

45

0,200

14

Panama

471,5

77

0,001

15

Belgique

467,2

59

0,012

16

Iles Marshall

457,0

90

0,000

17

Autriche

453,5

66

0,004

18

Emirats arabes unis (Dubaï)

439,6

79

0,001

19

Bahamas

431,1

83

0,000

20

Chypre

406,5

58

0,010

21

Guernesey

402,3

65

0,003

22

Liban

397,3

82

0,000

23

Macao

389,8

83

0,000

24

Canada

366,2

56

0,009

25

Inde

344,0

53

0,013

26

Uruguay

331,0

78

0,000

27

Malaisie (Labuan)

319,3

77

0,000

28

Corée

317,2

54

0,009

29

Liberia

316,9

81

0,000

30

Barbade

266,6

79

0,000

31

Irlande

264,2

44

0,030

32

Ile Maurice

261,6

74

0,000

33

Philippines

253,9

73

0,000

34

Liechtenstein

239,2

81

0,000

35

Italie

231,2

49

0,008

36

Ile de Man

230,4

65

0,001

37

Israël

230,3

58

0,002

38

Iles Turks et Caicos

218,9

90

0,000

39

Pays-Bas

199,7

49

0,005

40

Belize

198,4

90

0,000

41

Costa Rica

177,2

77

0,000

42

Guatemala

174,8

81

0,000

43

Gibraltar

174,6

78

0,000

44

Ghana

146,8

79

0,000

45

Andorre

133,6

73

0,000

46

Antilles néerlandaises

129,4

83

0,000

47

Aruba

124,9

74

0,000

48

Danemark

121,7

40

0,008

49

Botswana

121,3

79

0,000

50

Portugal (Madère)

119,4

51

0,001

51

Iles Vierges américaines

104,2

68

0,000

52

St Vincent et Grenadines

100,9

78

0,000

53

Espagne

98,8

34

0,016

54

Malte

98,6

48

0,001

55

Seychelles

95,0

88

0,000

56

Hongrie

94,8

47

0,001

57

Lettonie

88,9

45

0,001

58

Antigua & Barbuda

88,5

82

0,000

59

Ste Lucie

78,7

89

0,000

60

Maldives

78,5

92

0,000

61

Grenade

57,6

83

0,000

62

Montserrat

50,1

86

0,000

63

Brunei Darussalam

45,8

84

0,000

64

Monaco

37,7

75

0,000

65

Anguilla

36,0

79

0,000

66

St Kitts et Nevis

31,2

81

0,000

67

Saint-Marin

30,9

79

0,000

68

Samoa

27,5

85

0,000

69

Vanuatu

14,3

88

0,000

70

Cook Islands

13,4

75

0,000

71

Dominique

12,5

80

0,000

Les Etats membres du Conseil de l’Europe sont en gras et les juridictions ayant des liens étroits avec eux en italique.

* Lindice du secret financier classe les juridictions en fonction de leur niveau de secret financier (score de secret ou d’opacité pour 2009) et de leur part du marché mondial des services financiers offshore (poids/pondération) à l’égard des clients non résidents. Plus le score est élevé, plus la juridiction est opaque en termes d’opérations financières qu’elle accueille.

Le score de secret/d’opacité, sur une échelle de 0 à 100, est fondé sur une évaluation qualitative des lois, des règlements, de la coopération dans le cadre du processus d’échange d’informations et d’autres données vérifiables, regroupées en 15 catégories (telles que le secret bancaire; l’enregistrement des fiducies; l’enregistrement et la publication d’informations sur la propriété de l’entreprise; la disponibilité des comptes d’entreprises; l’aptitude pour l’échange d’informations; l’efficacité de l’administration fiscale; les mesures contre l’évasion fiscale et le blanchiment d’argent; les dispositions légales dommageables; et la coopération judiciaire internationale).

Le coefficient de poids/pondération, sur une échelle de 0 à 1, utilise principalement des données quantitatives du FMI (sur le commerce international des services financiers et sur les portefeuilles des investissements internationaux) et détermine la part de chaque juridiction sur le marché mondial des services financiers offshore, qui couvre 216 juridictions sur 237.

Pour plus d’information, voir www.financialsecrecyindex.com/documents/FSI-Methodology.pdf.

Le réseau Tax Justice Network est une coalition internationale, non alignée, de chercheurs et de militants préoccupés par les conséquences néfastes de l’évitement fiscal, de la concurrence fiscale et des paradis fiscaux: voir www.taxjustice.net.

Indice 2009 de secret financier (FSI)

Territoire pratiquant le secret

Score d’opacité

Poids sur l’échelle mondiale

Valeur

de l’indice FSI

Rang du classement

pour FSI

Etats-Unis (Delaware)

92

0,17767

1503,80

1

Luxembourg

87

0,14890

1127,02

2

Suisse

100

0,05134

513,40

3

Iles Caïmans

92

0,04767

403,48

4

Royaume-Uni (City de Londres)

42

0,19716

347,79

5

Irlande 

62

0,03739

143,73

6

Bermudes

92

0,01445

122,30

7

Singapour

79

0,01752

109,34

8

Belgique

73

0,01475

78,60

9

Hong Kong

62

0,01986

76,34

10

Jersey

87

0,01007

76,22

11

Autriche

91

0,00511

42,32

12

Guernesey

79

0,00580

36,20

13

Bahreïn

92

0,00278

23,53

14

Pays-Bas

58

0,00689

23,18

15

Iles Vierges britanniques

92

0,00177

14,98

16

Portugal (Madère)

92

0,00146

12,36

17

Chypre

75

0,00206

11,59

18

Panama

92

0,00128

10,83

19

Israël

90

0,00128

10,37

20

Malte

83

0,00126

8,68

21

Hongrie

75

0,00136

7,65

22

Malaisie (Labuan)

100

0,00072

7,20

23

Ile de Man

83

0,00084

5,79

24

Philippines

83

0,00074

5,10

25

Lettonie

75

0,00073

4,11

26

Liban

91

0,00032

2,65

27

Barbade

100

0,00026

2,60

28

Macao

87

0,00025

1,89

29

Uruguay

87

0,00024

1,82

30

Emirats arabes unis (Dubaï)

92

0,00018

1,52

31

Ile Maurice

96

0,00013

1,20

32

Bahamas

100

0,00011

1,10

33

Costa Rica

92

0,00006

0,51

34

Vanuatu

100

0,00005

0,50

35

Aruba

83

0,00004

0,28

36

Belize

100

0,00002

0,20

37

Antilles néerlandaises

75

0,00002

0,11

38

Brunei*

100

0,00001

0,10

ex-æquo 39

Dominique*

100

0,00001

0,10

ex-æquo 39

Samoa*

100

0,00001

0,10

ex-æquo 39

Seychelles*

100

0,00001

0,10

ex-æquo 39

Ste Lucie*

100

0,00001

0,10

ex-æquo 39

St Vincent et Grenadines*

100

0,00001

0,10

ex-æquo 39

Iles Turk et Caicos *

100

0,00001

0,10

ex-æquo 39

Antigua et Barbuda*

92

0,00001

0,08

ex-æquo 46

Iles Cook *

92

0,00001

0,08

ex-æquo 46

Gibraltar*

92

0,00001

0,08

ex-æquo 46

Grenade*

92

0,00001

0,08

ex-æquo 46

Iles Marshall *

92

0,00001

0,08

ex-æquo 46

Nauru*

92

0,00001

0,08

ex-æquo 46

St Kitts et Nevis*

92

0,00001

0,08

ex-æquo 46

Iles Vierges américaines*

92

0,00001

0,08

ex-æquo 46

Liberia*

90

0,00001

0,08

54

Liechtenstein*

87

0,00001

0,08

ex-æquo 55

Anguilla*

87

0,00001

0,08

ex-æquo 55

Andorre*

83

0,00001

0,07

57

Maldives*

80

0,00001

0,06

58

Montserrat*

79

0,00001

0,06

59

Monaco*

67

0,00001

0,04

60

* Les territoires signalés par un astérisque sont classés selon leur score en matière d’opacité.

Les Etats membres du Conseil de l’Europe sont en gras et les juridictions qui leur sont étroitement liées en italique.