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Rapport | Doc. 12943 | 01 juin 2012

L’inacceptabilité des restrictions à la liberté de circulation à titre de sanction pour des prises de position politiques

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Haluk KOÇ, Turquie, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 11903, Renvoi 3620 du 20 novembre 2009. 2012 - Troisième partie de session

Résumé

La liberté de circulation entre les Etats membres du Conseil de l'Europe est une question tant juridique que politique. L’Assemblée parlementaire reconnaît qu’en principe, le droit international confère aux Etats le droit souverain de décider qui est autorisé ou non à accéder à leur territoire. Ceci étant, ce droit peut être limité par le droit des traités, dont les Accords de Schengen.

Dans le présent rapport, la commission des questions juridiques et des droits de l'homme souligne le lien qui existe entre liberté de circulation et liberté d’expression. Certains Etats membres sembleraient avoir abusé de leur droit d’interdire l’entrée sur leur territoire aux étrangers en incluant certaines personnes dans des «listes noires» en guise de «sanction» pour l’expression d’opinions politiques. De telles pratiques sont difficilement conciliables avec les règles en matière de libre circulation et avec des droits de l’homme telles la liberté d’expression et la liberté de réunion et d’association. En outre, refuser à une personne l’entrée sur le territoire pour ses seules opinions politiques pourrait constituer un abus du droit de décider de l’accès au territoire national ainsi qu’une forme de discrimination au sens de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme.

La commission condamne de telles pratiques et rappelle que les Etats qui sont également membres de l'Union européenne sont tenus par des règles strictes fixées dans le cadre de l'ordre juridique européen et notamment par les Accords de Schengen.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission à Paris le 12 mars 2012.

(open)
1. La liberté de circulation entre les Etats membres du Conseil de l'Europe est une question tant juridique que politique, comme l’illustre la Recommandation 1648 (2004) sur les conséquences de l’élargissement de l’Union européenne pour la liberté de circulation entre les Etats membres du Conseil de l'Europe. L’Assemblée parlementaire souhaite à présent souligner le lien qui existe entre liberté de circulation et liberté d’expression.
2. L’Assemblée reconnaît qu’en principe, le droit international confère aux Etats le droit souverain de décider qui est autorisé ou non à accéder sur leur territoire. Ceci étant, ce droit peut être limité par le droit des traités, dont les Accords de Schengen. En outre, refuser à une personne l’entrée sur un territoire au seul motif qu’elle défend certaines opinions politiques pourrait constituer un abus du droit de décider de l'accès au territoire et une forme de discrimination au sens de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5).
3. Certains Etats membres ont abusé de leur droit légal de décider de l'accès au territoire afin d'en refuser l'entrée à certaines personnes en guise de sanction pour des prises de position politiques ou idéologiques exprimées de manière pacifique.
4. L’Assemblée condamne de telles pratiques et rappelle que les Etats qui sont également membres de l'Union européenne sont tenus par des règles strictes fixées dans le cadre de l'ordre juridique européen et notamment par les Accords de Schengen.
5. Par conséquent, l’Assemblée:
5.1. rappelle que la liberté de circulation est indispensable à l’exercice de beaucoup d’autres droits et une condition essentielle au libre développement de la personne;
5.2. souligne que la liberté de circulation ne saurait faire l’objet de restrictions en guise de sanction pour l’expression d’opinions politiques exprimées de manière pacifique et engage les Etats membres du Conseil de l’Europe à garantir la pleine jouissance de la liberté d’expression, telle que visée à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, en s’abstenant d’interdire l’entrée sur leur territoire pour des motifs de ce type;
5.3. considère que l’ordre juridique de l’Union européenne n’autorise pas non plus, à l’intérieur de l’Union européenne, une restriction de la libre circulation des personnes à titre de sanction pour l’expression de certaines positions politiques et rappelle aux Etats membres de l’Union européenne que le recours à une telle pratique autoriserait les personnes lésées à réclamer des dommages-intérêts;
5.4. souligne que les signalements dans le système d’information Schengen ne doivent pas être utilisés de manière abusive pour refuser aux non-ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne l’accès à l’espace Schengen au motif qu’ils ont exprimé certaines positions politiques exprimées de manière pacifique;
5.5. rappelle que les Etats Schengen sont tenus de soumettre les signalements effectués dans le système d’information Schengen à une procédure de contrôle juridictionnel ou administratif rapide.

B. Exposé des motifs, par M. Koç, rapporteur

(open)

1. La procédure à ce jour

1. Le 20 novembre 2009, l’Assemblée parlementaire a décidé de renvoyer à la commission des questions juridiques et des droits de l'homme, pour rapport, la proposition de résolution sur l’inacceptabilité des restrictions à la liberté de circulation en guise de sanction pour des prises de position politiques (Doc. 11903). A sa réunion du 26 janvier 2010, la commission m’a désigné comme rapporteur.
2. Le 4 octobre 2011, la commission a tenu un échange de vues avec Mme Nuala Mole, fondatrice et directrice du Centre AIRE 
			(2) 
			AIRE:
Access on Individual Rights in Europe. (Londres), afin de recueillir des éléments d’information sur certains aspects juridiques de la question. Mme Mole a alors expliqué à la commission le cadre juridique de l’espace Schengen et les règles de l’Union européenne régissant la libre circulation des personnes. Le rapporteur a également reçu une contribution écrite du professeur Matthew Happold, de l’université du Luxembourg, concernant «Les signalements visés à l’article 96 aux fins de non-admission et le système d’information Schengen», qui lui a été très utile pour la préparation du présent rapport.

2. La problématique

3. Pour l'Assemblée et notre commission, les questions liées à la liberté de circulation ne sont pas nouvelles. A la veille de la dernière vague d’adhésions à l’Union européenne, en janvier 2004, l'Assemblée avait adopté la Recommandation 1648 (2004) sur les conséquences de l’élargissement de l’Union européenne pour la liberté de circulation entre les Etats membres du Conseil de l'Europe 
			(3) 
			Voir
également le rapport de la commission des questions juridiques et
des droits de l’homme, Doc. 9979 rév.. Le rapport correspondant de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme donne une vue d’ensemble des travaux de l’Assemblée dans le domaine de la liberté de circulation des personnes avant 2004 
			(4) 
			Ibid.,
paragraphes 49 et suivants.. Ceci étant, la question spécifique de l’application de restrictions à la liberté de circulation en guise de sanction pour l’expression d’opinions politiques ou idéologiques n’a jamais été examinée par l’Assemblée auparavant.
4. Aux termes de la proposition de résolution, certains Etats membres du Conseil de l'Europe abusent de leur droit d’interdire l’entrée de leur territoire aux ressortissants d'autres Etats en établissant des «listes noires» de ces personnes, en guise de «sanction» pour l’expression d’opinions politiques. Il y est soutenu que, dans certains cas, les ressortissants concernés ne se sont même pas rendus dans les Etats qui les ont «placés sur une liste noire» et n’ont donc pas pu enfreindre leurs lois. En revanche, dans leur propre pays, ils ont activement participé à des actions politiques pour critiquer les politiques des autorités d'autres Etats. Selon la proposition, leur liberté de circulation est donc restreinte en guise de sanction pour avoir exprimé des critiques politiques, ce qui va à l’encontre des valeurs défendues par le Conseil de l'Europe. Si l’Etat interdisant l’entrée sur son territoire à ces personnes est partie à l’Accord de Schengen, cette interdiction est étendue automatiquement à tous les autres Etats parties à l’accord. La proposition de résolution affirme que les Etats membres du Conseil de l'Europe doivent protéger le droit des citoyens à la liberté de circulation, conformément à l’Accord européen sur le régime de la circulation des personnes entre les pays membres du Conseil de l'Europe (STE no 25).
5. Les restrictions sont, en général, imposées pour des motifs plus graves que le fait de défendre ou d’exprimer certaines opinions politiques. Toutefois, comme le montrent les quelques exemples ci-après, il est déjà arrivé que la liberté de circulation soit soumise à des restrictions pour ce motif précis.
6. Au printemps 2007, l’Estonie a décidé de retirer du centre de Tallin la statue en bronze d’un soldat héroïque datant de l’ère soviétique, ce qui a donné lieu à des manifestations de personnes d’origine russe en Estonie, notamment des membres du groupe pro-Kremlin «Nashi». Ces manifestations ont été émaillées par de violents affrontements en Estonie, lors desquels plus de 40 personnes ont été blessées et 300 autres ont été arrêtées 
			(5) 
			<a href='http://news.bbc.co.uk/2/hi/europe/6598269.stm'>http://news.bbc.co.uk/2/hi/europe/6598269.stm</a>, 27 avril 2007.. Le pays a alors interdit l’entrée sur son territoire à certains membres russes du groupe Nashi pour des raisons de sécurité nationale 
			(6) 
			The Finnish Institute
of International Affairs (FIIA), Practise what you preach. The prospects
for visa freedom in Russia-EU relations, Rapport 18/2009, p. 19,
www.boell.ru/downloads/Visa_report_EU-Russia_EN.pdf.. Lorsque l’Estonie est devenue partie à l’Accord de Schengen en décembre 2007, ces interdictions ont été enregistrées dans les bases de données Schengen, ce qui a empêché les militants concernés de se rendre dans un quelconque Etat membre de l’espace Schengen. En décembre 2008, 488 ressortissants russes figuraient toujours sur cette «liste noire».
7. En octobre 2007, l’entrée en Russie a été refusée, prétendument pour des raisons de sécurité, à un expert allemand qui, pourtant, était en possession d’un visa 
			(7) 
			Voir <a href='http://www.themoscowtimes.com/news/article/german-analyst-deported-drawing-protest-from-berlin/444978.html'>www.themoscowtimes.com/news/article/german-analyst-deported-drawing-protest-from-berlin/444978.html</a>.. Le problème a ensuite été résolu, et l’analyste a pu entrer en Russie un mois plus tard 
			(8) 
			Voir <a href='http://de.rian.ru/politics/20111008/260869969.html'>http://de.rian.ru/politics/20111008/260869969.html</a>., mais il n’en reste pas moins que sa liberté de circulation a temporairement été soumise à restrictions.
8. Dans un autre cas, une militante néozélandaise de Greenpeace a fait l’objet d’un signalement par la France dans le système d'information Schengen au motif qu'elle représentait une menace pour la sécurité nationale parce qu’elle avait participé à des manifestations contre les essais nucléaires français dans le Pacifique Sud 
			(9) 
			La militante s’est
vu refuser son entrée aux Pays-Bas: voir Présentation de H. Staples,
«Judicial Control on the EU Border», conférence du comité ILPA/Meijers,
11 et 12 mai 2011, Londres, citée dans Joanna Parkin, «The Difficult
Road to the Schengen Information System II: The legacy of “laboratories”
and the cost for fundamental rights and the rule of law», Centre
for European Policy Studies, avril 2011, p. 6, www.ceps.eu/ceps/download/4373.. Par ailleurs, M. et Mme Moon, dirigeants de «l’Eglise de l'unification», ont été signalés par les autorités allemandes, qui ont considéré que leur visite en Allemagne représenterait une menace pour la jeunesse allemande et, par conséquent, pour l’ordre public et la sécurité 
			(10) 
			Pour
plus d'informations à ce sujet, voir Evelien Brouwer, The Other
Side of Moon: The Schengen Information System and Human Rights:
A Task for National Courts, Centre for European Policy Studies,
document de travail no 288, avril 2008,
www.ceps.be/ceps/download/1471..

3. Principaux aspects juridiques et de droits de l'homme

9. L’évaluation juridique de telles actions dépend du contexte géographique dans lequel elles interviennent. Les ensembles de règles qui s’appliquent diffèrent en fonction des situations. Selon le cas, les règles communautaires ou les conventions du Conseil de l’Europe peuvent s’appliquer et interagir avec les normes classiques du droit international public.
10. En application des règles générales du droit international public, par dérogation aux normes relatives à l’asile, les Etats peuvent définir les conditions dans lesquelles les non-ressortissants («étrangers») sont admis sur leur territoire. En conséquence, le droit international public général ne confère pas à une personne le droit d’entrer sur le territoire d’un pays dont elle n’est pas un ressortissant, ni d’y séjourner 
			(11) 
			Klein, «Movement, Freedom
of, International Protection», Max Planck
Encyclopedia of Public International Law, 2011, p. 1, <a href='http://www.mpepil.com/ViewPdf/epil/entries/law-9780199231690-e851.pdf?stylesheet=EPIL-display-full.xsl'>www.mpepil.com/ViewPdf/epil/entries/law-9780199231690-e851.pdf?stylesheet=EPIL-display-full.xsl</a>..
11. Dans le droit international public, la «liberté de circulation» désigne la circulation des personnes à l’intérieur d’un Etat et entre deux Etats différents. C’est précisément ce deuxième aspect qui est examiné dans le présent rapport.
12. Ce rapport ne vise pas à faire une distinction entre les Etats qui ne délivrent pas de visas et ceux qui refusent l'entrée sur leur territoire par d'autres moyens 
			(12) 
			J’attire toutefois
votre attention sur l’édition du 31 décembre 2011 de The Economist, «Keep out: Europe’s
restrictive visa policies irk some big neighbours», <a href='http://www.economist.com/node/21542224'>www.economist.com/node/21542224</a>.. Il ne traite pas non plus de la question spécifique des listes noires anti-terroristes dressées par le Conseil de sécurité des Nations Unies et l’Union européenne. Les problèmes de droits de l'homme soulevés par certaines «sanctions ciblées» ont fait l'objet d'un rapport à part, préparé par notre ancien collègue, M. Dick Marty 
			(13) 
			Voir le rapport sur
les listes noires du Conseil de sécurité des Nations Unies et de
l’Union européenne (Doc. 11454), la Résolution
1597 (2008) et la Recommandation 1824
(2008)..

3.1. Le cadre du Conseil de l'Europe

13. Dès les premières années de son existence, le Conseil de l'Europe a œuvré dans le domaine de la libre circulation des personnes. A cet égard, je rappelle en particulier la Convention européenne d’établissement 
			(14) 
			Les textes des conventions
du Conseil de l'Europe sont disponibles sur le site web du Bureau
des Traités: <a href='http://conventions.coe.int/?pg=/treaty/default_en.asp&nd=&lg=fr'>http://conventions.coe.int/?pg=/treaty/default_en.asp&nd=&lg=fr</a>. de 1955 (STE no 19) et l’Accord européen de 1957 sur le régime de la circulation des personnes entre les pays membres du Conseil de l'Europe (STE no 25), ainsi que la Convention européenne relative au statut juridique du travailleur migrant (STE no 93) et la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (STE no 106).
14. En particulier, l’Accord européen sur le régime de la circulation des personnes entre les pays membres du Conseil de l'Europe, auquel fait référence la proposition de résolution, et qui a pour objet de faciliter les déplacements des personnes entre les pays signataires a été signé à Paris le 13 décembre 1957; il est entré en vigueur le 1er janvier 1958. A ce jour, 16 Etats membres du Conseil de l'Europe l’ont ratifié 
			(15) 
			Les Etats membres du
Conseil de l'Europe ayant ratifié l’accord sont les suivants: Allemagne,
Autriche, Belgique, Espagne, France, Grèce, Italie, Liechtenstein,
Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Slovénie, Suisse, Turquie
et Ukraine. Par ailleurs, Chypre et la République de Moldova ont
signé l’accord, mais ne l’ont pas ratifié.. Le but de l’accord est de permettre aux ressortissants des Etats parties d’entrer sur le territoire des autres Etats parties ou d’en sortir par une quelconque frontière sur présentation de l’un des documents énumérés dans l’annexe à l’accord. Les facilités accordées ne le sont que pour des séjours d’une durée inférieure ou égale à trois mois. Le suivi de la mise en œuvre de l’accord a été assuré par trois comités d’experts successifs, puis abandonné en 1991, en raison de difficultés de fonctionnement de l’accord 
			(16) 
			Voir la Décision du
Comité des Ministres sur la liberté de circulation entre les Etats
membres du Conseil de l'Europe – suites données à la 112e session
ministérielle. Les comités chargés du suivi de cet accord avaient
déjà attiré l’attention sur plusieurs difficultés concernant le
fonctionnement de l’accord.. On peut donc considérer, sans risque d’erreur, que l’accord n’est plus applicable de fait.
15. Aux termes de l’article 2 du Protocole no 4 à la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 46), intitulé «Liberté de circulation», quiconque se trouve régulièrement sur le territoire d’un pays a le droit d’y circuler librement et de quitter ce pays, quel qu’il soit. Ceci étant, l’article considéré ne traite pas du droit d’entrée dans un pays, dont il est question dans le présent rapport. En outre, certains Etats membres du Conseil de l'Europe n’ont pas adhéré à ce protocole 
			(17) 
			Le protocole a été
ratifié par 43 des 47 Etats membres, voir: <a href='http://conventions.coe.int/Treaty/Commun/ChercheSig.asp?CL=FRE&CM=&NT=046&DF=09/01/2012&VL='>http://conventions.coe.int/Treaty/Commun/ChercheSig.asp?CL=FRE&CM=&NT=046&DF=09/01/2012&VL=</a>..
16. Du reste, les droits inscrits dans la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5, «la Convention») ne confèrent pas en eux-mêmes un droit général d’entrer sur le territoire d’un Etat membre du Conseil de l'Europe. En fait, la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour») considère que les décisions relatives à l’entrée, au séjour et à l’éloignement des étrangers ne relèvent pas du champ d’application de la garantie d’un «procès équitable» visée à l’article 6.1, dans la mesure où elles n’emportent pas contestation sur des droits ou obligations de caractère civil ni n'ont trait au bien-fondé d’une accusation en matière pénale 
			(18) 
			Voir Dalea c. France, requête no 964/07, <a href='http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?action=html&documentId=863599&portal=hbkm&source=externalbydocnumber&table=F69A27FD8FB86142BF01C1166DEA398649'>http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?action=html&documentId=863599&portal=hbkm&source=externalbydocnumber&table=F69A27FD8FB86142BF01C1166DEA398649</a>..
17. De même, la Cour estime qu'en général, le respect de la vie privée et familiale, prévu à l'article 8 de la Convention, ne garantit pas à un étranger le droit d’entrer ou de résider dans un pays donné 
			(19) 
			Ibid.. Elle considère toutefois que dans des situations particulières, les personnes pourraient invoquer l’article 8 de la Convention pour entrer et résider dans un Etat membre en vue d’y rejoindre leur famille 
			(20) 
			Voir Sen c. Pays-Bas, requête no 31465/96,
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=31465/96&sessionid=92235107&skin=hudoc-fr., ce qui montre clairement que le droit des Etats à interdire l’entrée de leur territoire aux étrangers peut être limité dans certaines circonstances.
18. A ce jour, il ne semble pas exister de cas où le droit d’entrée aurait été établi sur la base de la liberté d’expression, visée à l’article 10 de la Convention.
19. Ceci étant, refuser à une personne l’entrée sur un territoire au seul motif qu’elle défend certaines opinions politiques pourrait constituer un abus du droit de déterminer l’entrée sur un territoire et une forme de discrimination au sens de l’article 14 de la Convention.

3.2. Le cadre juridique de l’Union européenne

3.2.1. Situations intra-Union européenne

20. Dans la mesure où les actions mentionnées dans la proposition de résolution ont lieu au sein de l’Union européenne, c'est-à-dire lorsqu’un Etat membre refuse l’entrée sur son territoire au ressortissant d’un autre Etat membre ou d’un pays tiers soumis au droit de l’Union européenne, ce sont les règles sur la liberté de circulation de l’Union européenne qui s’appliquent. Dans ce cas, aux termes de l’article 3.2 du Traité sur l’Union européenne (TUE), l’Union offre à ses ressortissants «un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, au sein duquel est assurée la libre circulation des personnes, en liaison avec des mesures appropriées en matière de contrôle des frontières extérieures, d’asile, d’immigration, ainsi que de prévention de la criminalité et de lutte contre ce phénomène». En outre, l’article 26.2 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) dispose que le marché intérieur comprend un espace sans frontières intérieures, dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée.
21. Plus spécifiquement, le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit à ses articles 18 (non-discrimination), 20 (citoyenneté de l’Union), 45 (libre circulation des travailleurs), 49 (liberté d’établissement) et 56 (libre prestation des services) un ensemble de règles juridiquement contraignantes qui permet aux ressortissants de l’Union européenne de circuler et de séjourner librement sur le territoire de l'Union. Ces droits ont été progressivement dissociés du contexte de l’activité économique, essentiellement du fait de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne 
			(21) 
			Voir CJUE, arrêt du
17 septembre 2002, C-413/99, Baumbast
et R c. Secretary of State for the Home Department, Rec.
p. I-7091, <a href='http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=47668&pageIndex=0&doclang=FR&mode=doc&dir=&occ=first&part=1&cid=1020980'>http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=47668&pageIndex=0&doclang=FR&mode=doc&dir=&occ=first&part=1&cid=1020980</a>.. La Directive 2004/38/CE 
			(22) 
			Directive 2004/38/CE
du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au
droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de
circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres,
modifiant le Règlement (CEE) no 1612/68
et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE,
73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE,
JO L 158, 30 avril 2004, <a href='http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2004:158:0077:0123:FR:PDF'>http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2004:158:0077:0123:FR:PDF</a>. donne des précisions à cet égard 
			(23) 
			L’ensemble de ces dispositions
s’applique au sein de l’Espace économique européen qui, en plus
des Etats membres de l’Union européenne, comprend l’Islande, la
Norvège et le Liechtenstein..
22. Bien évidemment, il peut exister des exceptions à cette règle de libre circulation. Les Etats membres peuvent invoquer des motifs d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique. Ces restrictions doivent toutefois être interprétées d’une manière restrictive et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l’individu concerné. Elles doivent en outre être conformes aux droits fondamentaux. Même des condamnations pénales antérieures ne constituent pas en elles-mêmes des motifs suffisants pour prendre de telles mesures. La Cour de justice a ainsi considéré que la réserve relevant de l’ordre public constitue une dérogation – devant faire l’objet d’une interprétation restrictive – au principe de libre circulation et que son champ ne peut être déterminé unilatéralement par chaque Etat membre de l’Union européenne 
			(24) 
			La jurisprudence relative
à cette question est riche et constante. Voir, par exemple, arrêt
du 29 avril 2004 dans les affaires jointes C-482/01 et C-493/01, Orfanopoulos et autres c. Land Baden-Württemberg,
Rec. p. I-5257, <a href='http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=48717&pageIndex=0&doclang=en&mode=doc&dir=&occ=first&part=1&cid=780369'>http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=48717&pageIndex=0&doclang=en&mode=doc&dir=&occ=first&part=1&cid=780369</a>.. Par conséquent, seule l’existence d’une menace réelle et suffisamment grave pesant sur l’un des intérêts fondamentaux de la société justifie la prise de mesures – pour des motifs d’ordre public et de sécurité publique – entraînant une restriction de la liberté de circulation. Les Etats membres de l’Union européenne ne peuvent refuser l’entrée sur leur territoire qu’aux ressortissants d’autres pays de l’Union européenne (et à des ressortissants de pays tiers séjournant légalement sur le territoire d’autres pays de l’Union européenne) dont la présence constituerait en elle-même un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la santé publique 
			(25) 
			Voir article 27 de
la Directive 2004/38/CE..
23. S’agissant des restrictions à la liberté de circulation qui pourraient être considérées comme une sanction pour des prises de position politiques, une affaire est actuellement pendante devant la Cour de justice de l’Union européenne: le 8 juillet 2010, la Hongrie a intenté une action contre la République slovaque. La Hongrie demande à la Cour de justice de déclarer que la République slovaque n’a pas rempli ses obligations au titre de la législation de l’Union européenne en n’autorisant pas le Président hongrois à entrer sur le territoire de la République slovaque 
			(26) 
			Voir République de Hongrie c. République slovaque,
affaire C-364/10, recours introduit le 8 juillet 2010: <a href='http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=83057&pageIndex=0&doclang=fr&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=783002'>http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=83057&pageIndex=0&doclang=fr&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=783002</a>.. Le respect de la procédure en cours devant la Cour m’interdit de faire tout commentaire à ce sujet. Je tiens cependant à souligner que la Commission européenne, en tant que gardienne impartiale des traités, est intervenue dans cette affaire en faveur de la République slovaque 
			(27) 
			Voir ordonnance du
Président de la Cour du 28 janvier 2011, <a href='http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=82962&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=780745'>http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=82962&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=780745</a>.. J’aimerais aussi faire remarquer que des affaires comme celle-ci, dans lesquelles au lieu de la Commission européenne ce sont des Etats qui intentent un recours en manquement contre d’autres Etats, sont extrêmement rares devant la Cour de justice. Ce n’est en effet que la quatrième affaire de ce type dans l’histoire de l’Union européenne.
24. Il apparaît donc que dans les situations intra-Union européenne, les Etats membres ne peuvent pas imposer de restrictions à la liberté de circulation d’une personne au seul motif que cette dernière défend certaines opinions politiques. Comme nous avons pu le voir, le droit de l’Union européenne fixe des règles très strictes en ce qui concerne l’application de restrictions à la liberté de circulation. Une telle pratique irait directement à l’encontre du droit primaire et dérivé de l’Union européenne et pourrait donner lieu à des actions devant la Cour de justice de l’Union européenne ainsi qu’à des procédures de demande de dommages-intérêts à l’Etat en cause pour les préjudices subis par la personne concernée. Selon la jurisprudence établie de la Cour de justice de l’Union européenne, des personnes lésées ont droit à réparation dès lors que la règle de droit de l’Union européenne violée a pour objet de leur conférer des droits, que la violation est suffisamment caractérisée et qu'il existe un lien de causalité direct entre cette violation et le préjudice subi par la personne concernée, que la violation en question se rapporte aux traités eux-mêmes ou à des actes de droit dérivé 
			(28) 
			Voir,
par exemple, arrêt du 5 mars 1996 dans les affaires jointes C-46/93
et C-48/93, Brasserie du Pêcheur c. Allemagne et The Queen c. Secretary of State for Transport,
ex parte: Factortame e.a., Rec. p. I-1029, <a href='http://curia.europa.eu/juris/showPdf.jsf?text=&docid=81389&pageIndex=0&doclang=FR&mode=doc&dir=&occ=first&part=1&cid=780790'>http://curia.europa.eu/juris/showPdf.jsf?text=&docid=81389&pageIndex=0&doclang=FR&mode=doc&dir=&occ=first&part=1&cid=780790</a>..

3.2.2. L’espace Schengen

25. La circulation des personnes entre un Etat membre de l’Union européenne et un pays tiers n’étant pas soumis à la juridiction de l’Union européenne est régie par le régime de Schengen. Ce régime n’établit pas le droit d’un ressortissant d’un pays tiers à entrer sur le territoire de l'Union européenne, mais fixe le cadre technique dans lequel les Etats membres contrôlent leurs frontières extérieures (c’est-à-dire leurs frontières avec les pays se trouvant hors de l’espace Schengen) et s’envoient mutuellement des signalements pour prévenir l’entrée de personnes indésirables dans l’espace Schengen.

3.2.2.1. Le système Schengen

26. Le premier Accord de Schengen 
			(29) 
			Accord entre les Gouvernements
des Etats de l'Union économique Benelux, de la République fédérale
d'Allemagne et de la République française, relatif à la suppression
graduelle des contrôles aux frontières communes, signé à Schengen
le 14 juin 1985. a été conclu le 14 juin 1985 par la France, l’Allemagne et les trois Etats du Benelux dans le but d’abolir progressivement les contrôles aux frontières communes et de promouvoir ainsi la libre circulation des marchandises et des personnes. Cet accord initial prévoyait de remplacer les contrôles des passeports par la vérification visuelle des véhicules qui pourraient franchir la frontière sans s’arrêter, en ralentissant simplement au passage des postes frontières.
27. L’abolition des contrôles aux frontières communes des pays de l’espace Schengen supposait nécessairement la création et la protection d’une frontière extérieure commune, ce qui a amené les mêmes Etats à adopter, le 19 juin 1990, la Convention d’application de l’accord de Schengen («Convention de Schengen») 
			(30) 
			Convention d’application
de l’Accord de Schengen du 14 juin 1985, JO L 239, 22.09.2000, p.
19-62, <a href='http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:42000A0922%2802%29:FR:HTML'>http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:42000A0922%2802%29:FR:HTML</a>.. Compte tenu du déficit de sécurité qui pourrait résulter de l’abolition des contrôles aux frontières, cette convention, entrée en vigueur le 26 mars 1995 pour les pays signataires initiaux, plus l’Espagne et le Portugal, a institué des mesures compensatoires concernant l’asile et la coopération entre les autorités policières, judiciaires et douanières. Elle énonce donc essentiellement des mesures concernant les règles applicables aux contrôles aux frontières extérieures, l’harmonisation des règles pour les visas et la coopération policière. Elle prévoit également la création du système d’information Schengen (SIS), qui permet aux autorités nationales compétentes de tous les Etats parties d’avoir accès aux données concernant les individus non habilités à pénétrer dans l’espace Schengen. Ce système sera examiné plus en détail ci-après.
28. Même si sa vocation ultime était de concourir à la réalisation de l’objectif du Traité (CEE), à savoir la libre circulation des marchandises et des personnes, l’espace Schengen s’est d’abord développé dans un cadre purement intergouvernemental, en dehors du cadre juridique communautaire, jusqu’au moment où les accords de Schengen ont été intégrés à l'ordre juridique de l'Union européenne par le Traité d’Amsterdam 
			(31) 
			Ce
traité est entré en vigueur le 1er mai
1999., en tant que composante de «l’espace de liberté, de sécurité et de justice». Les dispositions ont dès lors été scindées entre le «premier pilier» de l'Union européenne, supranational, et le «troisième pilier», essentiellement intergouvernemental. Les aspects concernant la libre circulation des personnes, tels que la politique en matière de visa et d’immigration, ont été intégrés au premier pilier, dans le chapitre suivant les dispositions relatives au marché intérieur correspondantes, tandis que les mesures dans le domaine de la sécurité ont été regroupées dans le troisième pilier.
29. En outre, un protocole au Traité d’Amsterdam 
			(32) 
			Dans la hiérarchie
des normes de l’ordre juridique de l’Union européenne, les protocoles
ont la même valeur juridique que les traités fondateurs, voir article 51
du TEU. a établi la base juridique permettant l’intégration des traités de Schengen et des mesures d’application (acquis de Schengen) dans le droit de l’Union européenne 
			(33) 
			Voir
également Décision du Conseil 1999/435/CE, du 20 mai 1999, relative
à la définition de l’acquis de Schengen en vue de déterminer, conformément
aux dispositions pertinentes du traité instituant la Communauté
européenne et du Traité sur l’Union européenne, la base juridique
de chacune des dispositions ou décisions qui constituent l’acquis,
JO L 176/1 du 10 juillet 1999, <a href='http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31999D0435:FR:HTML'>http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31999D0435:FR:HTML</a>.. Ce protocole existe toujours aujourd’hui 
			(34) 
			Protocole (no 19)
sur l’acquis de Schengen intégré dans le cadre de l’Union européenne, <a href='http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:12008M/PRO/19:FR:HTML'>http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:12008M/PRO/19:FR:HTML</a>.. Par la suite, la structure à trois piliers a été abolie par le Traité de Lisbonne, ce qui a eu d’importantes répercussions sur les procédures décisionnelles et le contrôle juridictionnel 
			(35) 
			Des mesures transitoires
ont toutefois été prises. A titre d’exemple, la Cour de justice
ne sera pleinement compétente pour les aspects précédemment intégrés
au troisième pilier qu'en 2014..
30. L’espace Schengen regroupe actuellement 22 Etats membres de l’Union européenne 
			(36) 
			Allemagne,
Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France,
Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas,
Pologne, Portugal, République slovaque, République tchèque, Slovénie
et Suède.et quatre Etats non membres 
			(37) 
			Islande, Liechtenstein,
Norvège et Suisse.. Chypre, l’Irlande et le Royaume-Uni n’en font pas partie, comme c’est encore le cas actuellement pour la Bulgarie et la Roumanie, dont les demandes d’adhésion ont été repoussées en septembre 2011 
			(38) 
			Pour
les questions politiques actuelles concernant le système Schengen,
voir l’édition du 28 avril 2011 de The Economist,
«Another project in trouble», <a href='http://www.economist.com/node/18618525'>www.economist.com/node/18618525</a>..

3.2.2.2. Inscription sur les «listes noires» du système d’information Schengen

31. La proposition de résolution évoque l’inscription sur des «listes noires» dans le contexte de l’Accord de Schengen. Je tiens à donner des explications sur ce procédé.
32. L’abolition des contrôles aux frontières intérieures entre les Etats de l’espace Schengen est compensée par des contrôles plus stricts aux frontières extérieures et par l’instauration de diverses mesures préventives. En plus de la procédure classique de délivrance d’un visa, une base de données électroniques, appelée système d’information Schengen (SIS), a été mise en place en vertu de l’article 92 de la Convention de Schengen pour faciliter le contrôle des frontières. Cette base de données, qui constitue l’élément central du régime de Schengen, contient des renseignements sur les individus ayant commis des délits graves et sur ceux qui se sont déjà vu refuser l’entrée dans l’espace Schengen 
			(39) 
			Une seconde version
technique de ce système (SIS II), actuellement mise au point sous
la responsabilité de la Commission européenne, devrait être déployée
au cours du premier trimestre 2013. Pour de plus amples informations
à ce sujet, voir aussi: <a href='http://www.europarl.europa.eu/registre/docs_autres_institutions/commission_europeenne/sec/2010/1138/COM_SEC(2010)1138_EN.pdf'>www.europarl.europa.eu/registre/docs_autres_institutions/commission_europeenne/sec/2010/1138/COM_SEC(2010)1138_EN.pdf</a> (en anglais uniquement).. Elle est utilisée par les autorités nationales des Etats membres pour échanger des données sur diverses catégories de personnes et de biens. Elle vise à préserver l’ordre et la sécurité publics, y compris la sécurité nationale, sur les territoires des parties contractantes et à appliquer sur ces mêmes territoires les dispositions sur la circulation des personnes de la convention en utilisant les informations transmises via ce système 
			(40) 
			Article 93
de la Convention de Schengen..
33. «L’inscription sur les listes noires du système Schengen» désigne le fait de réaliser un signalement dans le système d’information Schengen aux fins de non-admission dans l’espace Schengen. Ces signalements sont désignés par «signalements visés à l’article 96», par référence à la numérotation de la Convention de Schengen. Les signalements dans le SIS aux fins de non-admission des étrangers non ressortissants de l’Union européenne relèvent des cours ou autorités administratives compétentes des Etats membres de l’espace Schengen, qui procèdent suivant les règles de procédure établies dans leur législation nationale 
			(41) 
			La Commission européenne
n’est donc pas un utilisateur du système. Qui plus est, il n’existe
pas de base juridique ni de moyens techniques permettant à la Commission
d’avoir accès aux signalements..
34. Tout Etat membre de l’espace Schengen peut faire un signalement et les autres Etats membres sont tenus de le respecter 
			(42) 
			Aux termes de l’article 106.1
de la Convention de Schengen: «Seule la partie contractante signalante
est autorisée à modifier, à compléter, à rectifier ou à effacer
les données qu’elle a introduites.» Voir aussi l’article 94.4.. Les motifs pour lesquels un Etat membre peut faire un signalement aux fins de non-admission sont énoncés à l’article 96 de la Convention de Schengen. En particulier, l’article 96.2 dispose que les décisions prises par les autorités nationales compétentes peuvent être fondées sur la menace pour l'ordre public ou la sécurité et la sûreté nationales que peut constituer la présence d'un étranger sur le territoire national. Le même article donne des exemples 
			(43) 
			En particulier, un
ressortissant d’un pays tiers condamné pour une infraction passible
d'une peine privative de liberté d'au moins un an, un ressortissant
d’un pays tiers à l'égard duquel il existe des raisons sérieuses
de croire qu'il a commis des faits punissables graves ou à l'égard
duquel il existe des indices réels laissant à penser qu'il envisage
de commettre de tels faits sur le territoire du pays concerné., à savoir des personnes déjà condamnées, des personnes à l'égard desquelles il existe des raisons sérieuses de croire qu'elles ont commis des faits punissables graves ou des personnes à l'égard desquelles il existe des indices réels laissant à penser qu'elles envisagent de commettre de tels faits. La formulation des dispositions («tel peut être notamment le cas…») indique que la liste d’exemples n’est qu’indicative et non pas exhaustive 
			(44) 
			Des signalements peuvent
aussi être réalisés sur la base de décisions, rendues en vertu de
la législation en matière d’immigration, imposant l’éloignement,
le renvoi ou l’expulsion d’une personne: voir article 96.3 de la
Convention de Schengen.. Les motifs pour lesquels un signalement peut être effectué sont donc très nombreux.
35. Des refus d’entrée peuvent aussi être saisis dans le SIS lorsque le ressortissant du pays tiers a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement, de renvoi ou d'expulsion non rapportée ou suspendue, assortie d'une interdiction d'entrée.
36. L’Etat membre à l’origine du signalement est tenu de vérifier en permanence que son signalement reste valable et bien fondé; il doit l’effacer dès lors qu’il ne tend plus à des fins légales.
37. Les Etats membres sont par ailleurs liés par le Code frontières Schengen 
			(45) 
			Règlement
(CE) no 562/2006 du 15 mars 2006 établissant
un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières
par les personnes, JO L 105, 13 avril 2006, p. 1-32, http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2006:105:0001:01:FR:HTML.. L’article 5 dudit règlement définit les conditions d’entrée pour les ressortissants de pays tiers. Ces derniers doivent notamment être en possession d’un visa en cours de validité et ne pas être signalés aux fins de non-admission dans le système d’information Schengen. Il s’ensuit en particulier que les Etats membres sont tenus d’exécuter tout refus d’entrée ayant été saisi dans le SIS par un autre Etat membre. L’article 13 du Code frontières Schengen énumère les conditions dans lesquelles l’entrée peut être refusée et précise que la décision motivée indiquant les raisons précises du refus doit être notifiée au moyen d'un formulaire standard, rempli par l'autorité compétente habilitée par la législation nationale à refuser l'entrée. Le formulaire ainsi complété est remis au ressortissant du pays tiers concerné, qui accuse réception de la décision de refus au moyen du même formulaire.
38. Au-delà de ces situations, un Etat membre ne peut autoriser un tel ressortissant à entrer sur son territoire qu’à titre exceptionnel, pour des motifs humanitaires ou d'intérêt national ou en raison d'obligations internationales 
			(46) 
			Article
5.4.c, ibid.. Ceci étant, il est évident que dans de nombreux cas, ces exceptions risquent d’être sans effet. Une personne n’ayant pas besoin de visa pour voyager dans l’espace Schengen ou ayant obtenu son visa avant qu’un signalement la concernant n’ait été fait ne découvrira qu’elle est inscrite sur une liste noire qu’au moment où son entrée sera refusée au poste frontière, et il est très peu probable qu’une exception lui sera alors accordée. Les conséquences peuvent même être encore plus graves si la personne concernée se trouve déjà dans l’espace Schengen, auquel cas elle sera placée en rétention et/ou soumise à une mesure d’éloignement.
39. Dans la pratique, le recours à des signalements au titre de l’article 96 varie considérablement d’un Etat membre à un autre. Selon les statistiques les plus récentes, au 1er janvier 2011, 716 767 de ces signalements avaient été faits dans la base de données du SIS aux fins de non-admission 
			(47) 
			Conseil de l’Union
européenne, note: Schengen information system database statistics,
1er janvier 2011, 6434/1/11 REV 1, Bruxelles,
4 mars 2011.. Une décomposition par Etat membre n’est pas fournie, mais il semblerait que la majorité de ces signalements émanent d’un petit nombre d’Etats seulement 
			(48) 
			Voir Mémorandum de
JUSTICE, paragraphe 27, House of Lords European Union Committee,
9th Report of Session 2006-7, «Schengen Information System II (SIS
II): Report with Evidence», HL Paper 49, p. 132: <a href='http://www.publications.parliament.uk/pa/ld200607/ldselect/ldeucom/49/49.pdf'>www.publications.parliament.uk/pa/ld200607/ldselect/ldeucom/49/49.pdf</a>.. Dans son rapport de 2005, l’autorité de contrôle commune de Schengen appelait à l’harmonisation des motifs justifiant le recours à un signalement au titre de l’article 96 dans les différents Etats membres 
			(49) 
			Report of the Schengen
Joint Supervisory Authority on an inspection of the use of Article
96 alerts in the Schengen Information System, Bruxelles, 20 juin
2005, p. 9, <a href='http://www.statewatch.org/news/2005/sep/jsa-sis-art96-rep.pdf'>www.statewatch.org/news/2005/sep/jsa-sis-art96-rep.pdf</a>.. Dans son rapport le plus récent, elle note toutefois que les progrès réalisés en la matière et à d’autres égards restent limités 
			(50) 
			Report
of the Schengen Joint Supervisory Authority on the follow-up of
the recommendations concerning the use of Article 96 alerts in the
Schengen Information System, Report 10-11 Rev.01, Bruxelles, 26
novembre 2010, p. 11: <a href='http://www.statewatch.org/news/2011/jan/eu-sis-article-96-alerts-report.pdf'>www.statewatch.org/news/2011/jan/eu-sis-article-96-alerts-report.pdf</a> (en anglais uniquement)..
40. Il apparaît aussi clairement qu'au moins certains Etats membres interprètent leurs pouvoirs au titre de l'article 96 de manière large. Par exemple, l’Allemagne et l’Italie ont adopté une pratique consistant à signaler au titre de l’article 96 tous les demandeurs d’asile déboutés 
			(51) 
			Voir
Memorandum de JUSTICE, op. cit.
Dans l’affaire M. et Mme Forabosco, 17
CE, 9 juin 1999, le Conseil d’Etat français a considéré que cette
pratique était contraire aux dispositions de l’article..
41. La situation est moins marquée dans le cas des ressortissants de pays tiers, conjoints de ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne. La Cour de justice de l'Union européenne considère en effet que l’entrée sur le territoire d’un Etat de l’espace Schengen et la délivrance d’un visa ne peuvent être refusées à ces personnes au seul motif qu’elles sont signalées dans le SIS. Dans un tel cas, les Etats membres de l’Union européenne sont tenus de vérifier «si la présence de ces personnes constituait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société» 
			(52) 
			Voir arrêt du 31 janvier
2006, C-503/03, Commission des Communautés
européenne c. Royaume d’Espagne, Rec. p. I-1097, paragraphe
59; <a href='http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=55480&pageIndex=0&doclang=FR&mode=doc&dir=&occ=first&part=1&cid=680717'>http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=55480&pageIndex=0&doclang=FR&mode=doc&dir=&occ=first&part=1&cid=680717</a>.. En d’autres termes, les droits d’une personne en tant que conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne en application des règles de la libre circulation ne sauraient être niés au motif que la personne en question est signalée dans le SIS.
42. Toujours est-il que, d’une manière générale, le fait de signaler une personne dans le SIS fait problème. C’est une chose qu’un Etat refuse un visa à une personne et l’empêche ainsi d’entrer sur son territoire. Cela en est une autre qu’il signale cette personne dans le SIS et, ce faisant, lui interdise l’accès à l’ensemble de l’Espace Schengen. Le fait d’enregistrer des données personnelles et de les utiliser pour empêcher une personne d’entrer dans d’autres pays est susceptible de porter atteinte aux droits de cette personne, par exemple à son droit au respect de la vie privée, visé à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme. Une telle atteinte doit systématiquement être justifiée par rapport à l’article 8.2 de la Convention, ce qui peut ne pas toujours être le cas compte tenu du libellé général des motifs admissibles pour effectuer un signalement dans le SIS. En particulier, les Etats membres de l’espace Schengen (qui sont tous Parties à la Convention européenne des droits de l'homme) ne devraient pas être autorisés à signaler une personne dans le SIS au seul motif que cette dernière défend des opinions politiques qui déplaisent aux autorités de l’Etat considéré. De mon point de vue, les Etats qui recourent à de telles pratiques enfreignent l’article 96 de la Convention de Schengen mais aussi l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.

3.2.2.3. Recours judiciaires contre une inscription sur les «listes noires» du système d’information Schengen

43. Mais les choses ne s’arrêtent pas là. Compte tenu du fait qu’être signalé dans la base de données du SIS en tant «qu’étranger indésirable» peut avoir de graves conséquences pour une personne, telles que le refus d’un visa, le refus d’une entrée, une mise en rétention et/ou un éloignement, la personne concernée a le moyen de contester son signalement. Aux termes de l’article 109 de la Convention de Schengen, toute personne a le droit d’accéder aux données la concernant saisies dans le SIS. Elle peut faire rectifier des données entachées d'erreur de fait la concernant ou faire effacer des données entachées d'erreur de droit la concernant 
			(53) 
			Article 110 de la Convention
de Schengen, op. cit.. A cette fin, elle peut saisir, sur le territoire de chaque partie contractante, la juridiction ou l'autorité compétente en vertu du droit national d'une action, notamment, en rectification, en effacement, en information ou en indemnisation en raison d'un signalement la concernant 
			(54) 
			Article 111.1, ibid.. Ce droit «s’exerce dans le respect du droit de la Partie contractante auprès de laquelle elle le fait valoir» et «la communication de l'information […] est refusée si elle peut nuire à l'exécution de la tâche légale consignée dans le signalement» 
			(55) 
			Article 109(1) et (2), ibid..
44. La formulation de ces dispositions tend à indiquer qu’une personne a le droit d’engager une telle action auprès des juridictions ou de l’autorité nationale chargée de la protection des données (si cette dernière est l’autorité compétente en vertu de la législation nationale) de n’importe quel Etat membre de l’espace Schengen et pas seulement de celui qui a effectué le signalement. Qui plus est, les Etats membres s’engagent «mutuellement» à exécuter les «décisions définitives» rendues dans de telles affaires, ce qui implique que l’autorité nationale compétente de l’Etat ayant fait le signalement est tenue de respecter toute décision concernant son signalement rendue par l’autorité nationale chargée de la protection des données ou les juridictions d’un autre Etat membre+ 
			(56) 
			Il
convient de rappeler que seul l’Etat ayant procédé au signalement
peut le modifier, le compléter, le rectifier ou l’effacer dans le
SIS.. C’est le raisonnement que la Cour de justice semble avoir suivi dans l’affaire Van Strateen c. Pays-Bas 
			(57) 
			Arrêt du 28 septembre 2006,
C-150/05, Rec. p. I-9327, <a href='http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=65194&pageIndex=0&doclang=FR&mode=doc&dir=&occ=first&part=1&cid=1024584'>http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=65194&pageIndex=0&doclang=FR&mode=doc&dir=&occ=first&part=1&cid=1024584</a> L’affaire portait sur un signalement visé à l’article 95..
45. Par ailleurs, des personnes introduisent régulièrement un recours administratif contre une décision de refus de visa ou de refus d’entrée dont elles sont victimes en invoquant qu’elles ont été signalées à tort dans le SIS, que les données saisies sont incorrectes ou qu’elles ne sont pas la personne signalée. Cette procédure équivaut donc à une contestation incidente de la décision initiale portant inscription dans le SIS.
46. Ceci étant, dans la pratique, les choses sont moins claires. Premièrement, les autorités d’un Etat membre sont souvent peu disposées à réexaminer les décisions rendues par les autorités d’un autre Etat membre. Deuxièmement, quand elles le font, les autorités de l’autre Etat sont susceptibles de ne pas vouloir exécuter leur décision. Il peut aussi être difficile de déterminer la mesure dans laquelle les décisions ont été exécutées. Même lorsque la procédure est engagée dans l’Etat membre ayant effectué le signalement, des difficultés peuvent se présenter; l’accès aux informations peut notamment être refusé, par exemple pour des motifs de sécurité nationale (visés à l’article 109(2) de la Convention de Schengen: «la communication de l'information […] est refusée si elle peut nuire à l'exécution de la tâche légale consignée dans le signalement») 
			(58) 
			Voir Dalea c. France, décision sur la
recevabilité de la requête n° 964/07, 2 février 2010, <a href='http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?action=html&documentId=863599&portal=hbkm&source=externalbydocnumber&table=F69A27FD8FB86142BF01C1166DEA398649'>http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?action=html&documentId=863599&portal=hbkm&source=externalbydocnumber&table=F69A27FD8FB86142BF01C1166DEA398649</a>.. Les procédures de recours contre un signalement (ou contre une décision administrative prise au titre du signalement d’une personne dans le SIS) peuvent donc se révéler longues et d’une efficacité incertaine.
47. J’aimerais illustrer ici mes propos par quelques exemples.
48. Dans l’affaire de M. et Mme Forabosco, le Conseil d’Etat français a annulé les décisions refusant à Mme Forabosco un visa parce qu’elle avait été signalée dans le SIS par les autorités allemandes au seul motif que sa demande d’asile en Allemagne avait été rejetée. Le Conseil d’Etat a en effet considéré que ce motif ne justifiait pas un refus d’entrée au titre de l’article 96 de la Convention de Schengen 
			(59) 
			Op. cit..
49. L’affaire des Moons (Sun Myung X (Moon)) s’est, elle, révélée plus compliquée. Dans ce cas précis, le Conseil d’Etat a estimé que, au vu des informations communiquées par les autorités allemandes concernant les motifs du signalement des Moons dans le SIS, les autorités françaises n’avaient pas «commis d’erreur d’appréciation manifeste» en concluant que les signalements au titre de l’article 96 n’étaient pas entachés d’erreur de fait ni de droit 
			(60) 
			CE, ass., 6 novembre
2002.. Les Moons n’ont pas non plus obtenu gain de cause auprès des tribunaux néerlandais, bien qu’étant parvenus à convaincre les tribunaux belges de les laisser entrer sur le territoire belge pour y assister à une conférence de l’Eglise de l’unification. Toutefois, pour régulariser leur situation en Belgique, il leur fallait convaincre les tribunaux allemands que leur signalement était illicite et obtenir des autorités allemandes qu’elles effacent leur signalement dans la base de données du SIS 
			(61) 
			Pour
plus d’informations à ce sujet, voir Brouwer, op.
cit..
50. Il semble que la Cour européenne des droits de l’homme adopte une approche plutôt prudente en ce qui concerne les recours contre un signalement dans le SIS et qu’elle ne considère pas que les droits visés dans la Convention soient enfreints. C’est ce qui ressort de l’affaire Dalea c.France, dans laquelle la Cour a conclu que la requête était irrecevable 
			(62) 
			Dalea
c. France, requête no 964/07, <a href='http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?action=html&documentId=863599&portal=hbkm&source=externalbydocnumber&table=F69A27FD8FB86142BF01C1166DEA398649'>http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?action=html&documentId=863599&portal=hbkm&source=externalbydocnumber&table=F69A27FD8FB86142BF01C1166DEA398649</a>..

3.2.3. Perspectives

51. Nous avons vu que les Etats membres de l’espace de Schengen jouissent d’un pouvoir d’appréciation relativement large pour ce qui est des signalements aux fins de non-admission dans la base de données du SIS, et que les méthodes permettant d'exercer un contrôle sur ce pouvoir sont plutôt limitées dans la pratique. Cette situation n’est pas satisfaisante. La procédure pour obtenir l’effacement d’un signalement dans le SIS s’avère relativement lourde, et j’affirme que les actuelles voies de recours sont loin d'être satisfaisantes. En particulier, lorsqu’une personne est signalée dans le système exclusivement à cause de ses opinions politiques et, donc, pour des motifs n’étant pas visés à l’article 96 de la Convention de Schengen, il est du devoir des Etats de garantir une voie de recours effective et efficace, comme prévu à l’article 109 de la Convention de Schengen.
52. Ceci étant, deux développements pourraient contribuer à améliorer la situation dans le futur.
53. D’abord, le système SIS va être remplacé par une nouvelle base de données, SIS II. L’entrée en service de ce nouveau système, initialement prévue pour 2006, a été reportée du fait de retards, de dépassements de coût et d’une controverse politique 
			(63) 
			Voir House of Lords
European Union Committee, 9th Report of Session 2006-7, Schengen
Information System II (SIS II): Report with Evidence, HL Paper 49;
et Parkin, op. cit.. Actuellement, tout laisse à penser que SIS II ne pourra pas être opérationnel avant 2013 au plus tôt. Il n’en reste pas moins que le Règlement 1987/2006, qui servira à contrôler le fonctionnement de la nouvelle base de données, modifie quelque peu le système de signalement visé dans la Convention de Schengen. Les critères de signalement restent les mêmes pour la plupart 
			(64) 
			Article
24, Règlement (CE) no 1987/2006 sur l’établissement, le fonctionnement
et l’utilisation du système d’information Schengen de deuxième génération
(SIS II), 20 décembre 2006, JO L 381/4, 28 décembre 2006, http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2006:381:0004:01:FR:HTML.. Par contre, un signalement ne peut être effectué que «sur la base d’une évaluation individuelle» 
			(65) 
			Article 24(1), ibid. (ce qui implique que les autorités nationales ne peuvent pas signaler automatiquement une personne au motif qu’elle a fait l’objet d’une autre décision) et «avant d’introduire un signalement, l’Etat membre signalant doit vérifier si le cas est suffisamment approprié, pertinent et important pour justifier l'introduction du signalement dans le SIS II» 
			(66) 
			Article 21, ibid..
54. Ensuite, à compter de 2014, en application du Traité de Lisbonne, les activités précédemment regroupées dans le «troisième pilier» seront placées sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne. Les répercussions de ce changement sont difficilement prévisibles à ce stade. Comme évoqué précédemment, d’une manière générale, la Cour européenne des droits de l’homme ne considère pas que les refus de visas et les refus d’entrée portent atteinte à des droits individuels protégés par la Convention européenne des droits de l’homme, hormis dans la situation d’un regroupement familial visée à l’article 8 de ladite convention. Il reste donc à savoir si, dans la mise en application de la Charte des droits fondamentaux, la Cour de justice est prête à aller plus loin que la Cour européenne des droits de l'homme. En tout état de cause, le Traité de Lisbonne pourrait contribuer à une plus grande harmonisation des règles et procédures nationales relatives à l'accès aux données, sachant que la Charte des droits fondamentaux dispose que «toute personne a le droit d’accéder aux données collectées la concernant et d’en obtenir la rectification» 
			(67) 
			Article 8.2 de la Charte
des droits fondamentaux de l’Union européenne, JO C 303/1 du 14
décembre 2007..

4. Conclusion

55. La liberté de circulation ne devrait pas faire l’objet de restrictions en guise de sanction pour l’expression d’opinions politiques n’incitant pas à la violence. Les Etats membres du Conseil de l’Europe, qui ont signé la Convention européenne des droits de l'homme dont l’article 10 établit la liberté d’expression, devraient garantir pleinement ce droit et ne pas limiter indirectement la liberté d’expression en refusant l’entrée sur leur territoire. Par ailleurs, la liberté de circulation est indispensable à l’exercice de beaucoup d’autres droits et une condition essentielle au libre développement de la personne.
56. Dans l’ordre juridique de l’Union européenne, la liberté de circulation est une liberté fondamentale qui ne peut être soumise à restrictions que dans de rares cas, clairement définis. Une restriction de la liberté de circulation d’un Etat membre vers un autre en guise de sanction pour l’expression d’une opinion politique exprimée de manière pacifique ne constitue pas une menace grave pour un intérêt fondamental de la société et, donc, est illicite dans l’ordre juridique de l’Union européenne. Les Etats membres qui pratiquent de telles restrictions risquent d'être poursuivis devant la Cour par les personnes lésées et de devoir payer des dommages-intérêts.
57. S’agissant du régime de Schengen, je tiens à rappeler que les signalements dans le SIS ne doivent en aucun cas être utilisés de manière abusive pour refuser à des non-ressortissants d’un Etat membre de l’Union européenne l’accès à l’espace Schengen en faisant valoir des motifs qui portent atteinte aux droits protégés par la Convention européenne des droits de l’homme et aux principes défendus par le Conseil de l’Europe. Qui plus est, les Etats membres de l’espace Schengen sont tenus de soumettre les signalements effectués dans la base de données à une procédure de contrôle juridictionnel rapide.