Imprimer
Autres documents liés

Avis de commission | Doc. 13313 | 30 septembre 2013

Les activités de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) en 2012-2013

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteur : M. Valeriu GHILETCHI, République de Moldova, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Renvoi 3920 du 24 juin 2013. Commission saisie du rapport: Commission des questions politiques et de la démocratie. Voir Doc. 13301. Avis approuvé par la commission le 30 septembre 2013. 2013 - Quatrième partie de session

A. Conclusions de la commission

(open)
1. La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable soutient le rapport établi par M. Dirk Van der Maelen au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie. Elle prend acte de la continuité du travail de M. Van der Maelen dans l’analyse des enjeux économiques et fiscaux, qui se fonde sur son précédent rapport intitulé «Promouvoir une politique appropriée en matière de paradis fiscaux», sur des recherches indépendantes et sur les nouvelles initiatives développées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).
2. De toute évidence, la quête de solutions de la communauté internationale afin de remédier aux lacunes des systèmes économiques et démocratiques exige une modernisation complète des politiques macroéconomiques afin de placer le bien-être humain, le développement durable et la justice fiscale au cœur des stratégies d’avenir. L’OCDE, en tant qu’important groupe de réflexion et forum réunissant différents acteurs, peut aider à trouver un large consensus en faveur de politiques et d’actions novatrices. Dans ce contexte, notre commission est d’avis que l’OCDE pourrait renforcer sa définition du paradis fiscal, mettre davantage de pression sur les juridictions non coopératives par le biais des cadres juridiques multilatéraux et ouvrir la voie à une observance fiscale renforcée fondée sur davantage de transparence et un plus grand engagement du secteur des entreprises.
3. La commission des questions sociales, de la santé et du développement durable propose en conséquence quelques amendements au projet de résolution afin de renforcer le message politique de l’Assemblée à l’OCDE.

B. Amendements proposés

(open)

Amendement A (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 11, ajouter la phrase suivante:

«L’Assemblée élargie invite par ailleurs l’OCDE à utiliser cette initiative pour traiter les risques que posent les activités bancaires occultes et proposer des mesures permettant d’améliorer la surveillance et la réglementation, comme l’a recommandé le Sommet du G20 tenu à Saint-Pétersbourg les 5 et 6 septembre 2013.»

Amendement B (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, paragraphe 16, dans la première phrase, remplacer les mots «a endossé» par les mots «devrait endosser».

Amendement C (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, paragraphe 17, après les mots «Pour garantir une taxation équitable des profits mondiaux», insérer les mots «et une meilleure conformité avec la réglementation fiscale».

Amendement D (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 18, ajouter la phrase suivante:

«L’Assemblée élargie considère que l’OCDE devrait renforcer sa définition des paradis fiscaux et préciser quels types de régimes fiscaux peuvent être classés parmi les pratiques fiscales dommageables.»

C. Exposé des motifs, par M. Ghiletchi, rapporteur pour avis

(open)
1. Le rapport de cette année sur les activités de l’OCDE en 2012-2013 porte essentiellement sur l’initiative de cette organisation intitulée «Nouvelles Approches face aux défis économiques» et les problèmes relatifs à la fiscalité, tels qu’ils sont notamment reflétés dans le nouveau projet «Erosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices» (BEPS, Base Erosion and Profit Shifting). Le rapporteur de la commission des questions politiques et de la démocratie, M. Dirk Van der Maelen, rassemble les deux volets dans son analyse des échecs gouvernementaux et institutionnels visant à redresser la situation économique et de l’emploi, ainsi que l’érosion des finances publiques et des services publics. Cela fait écho à une détresse largement répandue dans la population quant au fonctionnement des systèmes non seulement économiques, mais aussi démocratiques, que les gens perçoivent comme sclérosés et incapables d’être au service de tous les citoyens de manière satisfaisante.
2. En effet, le fossé entre les élites dirigeantes et du milieu des affaires et la population dans son ensemble s’est dangereusement creusé, tout comme les inégalités. L’arrivée de l’économie numérique qui a entraîné la mondialisation, la libéralisation et les interdépendances entre les pays dans tous les domaines a été plus rapide que la capacité de la plupart des institutions à s’adapter aux changements. Le pouvoir des Etats s’est également affaibli, ces derniers se désengageant peu à peu au profit du secteur des entreprises et des marchés soi-disant parfaits. Cependant, l’épreuve du temps au cours de la dernière décennie a montré que certains choix politiques n’étaient pas adaptés à la réalité sur le terrain ou étaient tout simplement de mauvais paris, notamment lorsque le secteur de la finance, échappant à tout contrôle, a implosé. Les retombées sont l’instabilité, la déliquescence sociale, le désordre économique et la souffrance humaine, avec en fin de compte une question: L’économie est-elle au service des citoyens, ou ceux-ci sont-ils dépassés par l’économie?
3. M. Van der Maelen fait donc des commentaires sur les améliorations macroéconomiques absolument indispensables pour sortir de la crise. Il le fait sous l’angle de la croissance et met à juste titre l’accent sur la croissance utile mue par des politiques visant à promouvoir le bien-être sociétal. L’importance de ce dernier est désormais clairement affirmée par l’OCDE dans ses documents stratégiques, comme ceux sur une croissance verte, l’initiative «Vivre mieux» et plus particulièrement les Nouvelles Approches face aux défis économiques.
4. Le temps n’est plus aujourd’hui aux petits arrangements, mais aux réformes en profondeur dans la pensée économique et la façon de reconstruire notre économie. Cela fera en effet réfléchir les responsables politiques d’entendre de la part de ce forum économique hautement respecté un avis soulignant les «hypothèses erronées à propos du caractère auto-équilibrant de l’économie», et donc, «la nécessité d’accroître les capacités réglementaires des gouvernements». Les périodes de crise permettent souvent de tester la solidité des systèmes politiques et économiques, tout en créant un environnement propice pour que les gouvernements fassent passer de nombreuses réformes et réglementations. Il est dans l’intérêt de l’ensemble des parties prenantes que les avantages supplémentaires des réformes et des nouvelles réglementations l’emportent sur les pertes que les entreprises pourraient accuser en conséquence. Dès lors, les bonnes résolutions – protéger les citoyens ainsi que promouvoir la croissance des entreprises – doivent maintenant être suivies d’effet et bénéficier d’un soutien politique fort, également de la part de parlementaires, notamment de la présente Assemblée.
5. Un tel saut en avant est des plus urgents compte tenu de l’accent mis par le rapporteur sur les conséquences à long terme des mesures politiques à court terme – et des erreurs. Les décisions passées, notamment au niveau européen, se sont souvent révélées être «trop peu nombreuses et trop tardives». Parallèlement, les dégâts fort alarmants de l’austérité dogmatique sont maintenant visibles non seulement chez les jeunes, mais dans toute la société. Les sous-investissements actuels – dans la capacité productive, les services publics et le capital humain – ne feront que rallonger le chemin vers la reprise en diminuant le potentiel économique et social de nos pays.
6. Un autre message que nous pouvons tirer de cette analyse est que les politiques du «prêt à porter» («one size fits all») fonctionnent rarement dans la vraie vie. Même les idées économiques conventionnelles peuvent s’appliquer de manière très différente selon les contextes nationaux spécifiques: ce qui est faisable en Estonie ne fonctionne pas forcément en Pologne et peut être totalement irréaliste en Grèce. Il incombe donc aux responsables politiques nationaux de discerner comment adapter au mieux les avis de la communauté internationale au niveau interne et emporter l’adhésion de la population locale, si ce n’est le cœur des citoyens. La responsabilité des organisations internationales, comme l’OCDE, le Fonds monétaire international (FMI) ou la Banque mondiale, est de prodiguer des conseils politiques plus minutieusement nuancés.
7. M. Van der Maelen met ensuite le doigt sur la question complexe et sensible de l’optimisation des politiques fiscales. En théorie, la cause de la justice fiscale transcende les idées reçues et les différences politiques, tout comme un système judiciaire indépendant est universellement perçu comme une pierre angulaire de l’Etat moderne. Dans la pratique, cela n’est pas vrai, et nos Etats continuent de lutter contre la fraude fiscale, ainsi que contre des pratiques abusives d’évasion fiscale, malgré quelques progrès modestes mais bienvenus en vue d’accroître la pression sur les paradis fiscaux.
8. J’apprécie la persévérance de M. Van der Maelen pour défendre des mesures plus audacieuses dans ce domaine au niveau international, et en particulier via l’OCDE. Les recommandations – votées par cette Assemblée il y a un an sur la base du rapport de M. Van der Maelen sur le thème «Promouvoir une politique appropriée en matière de paradis fiscaux 
			(1) 
			Voir Résolution 1881 (2012).» – ont fixé une voie à suivre. Je rappelle le débat animé qui avait précédé l’adoption de ce texte à l’Assemblée, notamment sur la faiblesse de la définition actuelle du paradis fiscal de l’OCDE fondée sur quatre critères. S’il n’y a rien à dire quant à ces critères en tant que tels, nous savons que même un ou deux d’entre eux suffisent à qualifier un centre financier de paradis fiscal ou de juridiction non coopérative. En outre, certains régimes fiscaux de pays dont le comportement est par ailleurs correct peuvent être considérés comme des pratiques fiscales préjudiciables portant atteinte aux intérêts d’autres Etats. L’OCDE devrait donc utiliser son processus BEPS pour renforcer sa définition du paradis fiscal.
9. En outre, j’ai des doutes quant à l’efficacité de l’approche actuelle du Forum mondial de l’OCDE 
			(2) 
			Le titre complet est
le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements
à des fins fiscales. concernant les accords bilatéraux d’échange de renseignements en matière fiscale. 850 accords de ce type conclus à ce jour à l’échelle mondiale semblent être un bilan impressionnant, mais ce n’est pas une manière rationnelle de procéder si on le compare à une approche multilatérale, par exemple à travers un protocole à la Convention commune OCDE–Conseil de l’Europe concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale (STE n° 127). Lorsqu’un paradis fiscal signe un minimum de 12 accords bilatéraux (souvent avec des juridictions similaires adeptes du secret), quelque 180 accords avec les autres pays doivent encore être conclus. En fait, pour avoir une véritable couverture mondiale, près de 37 000 accords de ce type sont nécessaires.
10. Par ailleurs, pour arriver à une véritable avancée, les Etats doivent généraliser l’obligation d’un échange automatique de renseignements (plutôt que de le faire «à la demande») via les différents instruments de coopération fiscale internationale. Sinon, les fraudeurs fiscaux exploitent les failles du système d’échange de renseignements et, le cas échéant, se contentent de déplacer leurs fonds d’un endroit secret à un autre. Le rapporteur plaide donc à juste titre pour une plus grande transparence dans ce domaine, également en ce qui concerne la divulgation du bénéficiaire ultime dans des structures complexes de type fiducies et fondations, qu’il s’agisse d’entreprises ou de contribuables privés. En outre, je pense que l’OCDE pourrait, par le biais de son initiative «Nouvelles Approches face aux défis économiques», traiter les risques que posent les activités bancaires occultes et proposer des mesures permettant d’améliorer la surveillance et la réglementation, comme l’a recommandé le Sommet du G20 tenu à Saint-Pétersbourg les 5 et 6 septembre 2013.
11. Dans ce contexte, je rends hommage à la volonté de l’OCDE d’aider les Etats à lutter contre l’évasion fiscale de manière plus efficace en se familiarisant avec les techniques comptables abusives utilisées par les multinationales et les déficiences structurelles du système international de fiscalité. Je pense que cette Assemblée peut contribuer au processus BEPS en exhortant l’OCDE à défendre l’obligation pour les entreprises multinationales de rendre compte de manière exhaustive de leurs coûts réels, bénéfices et impôts versés dans chaque pays où elles opèrent. Cela pourrait favoriser la transition vers un système mondial plus juste qui répartisse l’impôt sur les sociétés en fonction des bénéfices générés dans chaque pays. Cet effort collectif est capital si l’on veut parvenir à davantage de transparence et de justice sociale, ainsi qu’à une prospérité partagée et à de moins grandes inégalités. Un autre moyen important de lutter contre l’évasion fiscale est de simplifier la législation fiscale de chaque pays. Dans de nombreux cas, des politiques fiscales complexes laissent des vides juridiques qui peuvent être exploités, essentiellement par les classes les plus riches de la société, conduisant ainsi à davantage d’inégalités.
12. Alors que nous approchons le délai de réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) fixé à 2015, il est important de noter que, bien que les inégalités – entre les élites dirigeantes et entrepreneuriales et la population dans son ensemble – semblent s’être accrues récemment, les avancées technologiques, l’aide au développement et les réformes structurelles ont également permis à des millions de personnes de sortir de la pauvreté. Des discussions ont déjà commencé à propos du cadre post-2015 pour les OMD. Considérant qu’ils ont été la campagne la plus efficace de réduction de la pauvreté de l’histoire de l’humanité, il est crucial de poursuivre intensément nos efforts dans ce sens pour donner au plus grand nombre de gens la chance d’un avenir meilleur. De plus, nous devons faire un effort particulier pour ne pas négliger les plus pauvres d’entre les pauvres pour la seule raison qu’il est plus facile d’aider ceux qui se trouvent juste en-dessous du seuil de pauvreté.
13. En conclusion, je propose que la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable apporte son soutien au rapport sur les activités de l’OCDE en 2012-2013 et soumette des amendements au projet de résolution. Les deux récentes initiatives de l’OCDE (Nouvelles Approches face aux défis économiques et BEPS) méritent d’être soutenues par cette Assemblée et devraient également être suivies à l’avenir. En vue d’élargir l’impact de son travail dans ces domaines et d’étendre son action à un plus grand nombre de pays, l’OCDE devrait accroître les synergies avec d’autres partenaires institutionnels tels que le FMI et la Banque des règlements internationaux.