1. Lors de leur 1176e réunion
du 10 juillet 2013, les Délégués des Ministres ont décidé de saisir l’Assemblée
parlementaire d’une demande d’avis sur le projet de convention du
Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains
. Le 30 septembre
2013, l’Assemblée a renvoyé la demande du Comité des Ministres à
la commission des questions sociales, de la santé et du développement
durable, pour rapport, et à la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme, pour avis. Le 1er octobre
2013, la commission des questions juridiques m’a nommé rapporteur
pour avis. La commission des questions sociales a adopté son avis,
établi par Mme Liliane Maury Pasquier (Suisse, SOC), le 2 octobre
2013.
2. Dans la
Résolution
1782 (2011) «Enquêtes sur les allégations de traitement inhumain
de personnes et de trafic illicite d’organes humains au Kosovo»,
fondée sur un rapport de la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme, l’Assemblée a convenu qu’il «convient
d’élaborer un instrument juridique international établissant une
définition du trafic d’organes, de tissus et de cellules d’origine
humaine énonçant des mesures à prendre pour prévenir ce trafic et
protéger les victimes, ainsi que des mesures de droit pénal destinées
à le réprimer»
.
Ce rapport d’enquête, qui portait sur un exemple particulièrement
extrême, a attiré l’attention de l’opinion publique et des décideurs
politiques sur le fait que le trafic d’organes humains était devenu
une activité rentable pour les groupes de la criminalité organisée
et que des mesures devaient être prises d’urgence par la communauté
internationale.
3. Des progrès considérables ont ensuite été réalisés dans la
négociation d’une convention du Conseil de l’Europe contre le trafic
d’organes humains et, le 23 janvier 2013, l’Assemblée a adopté la
Recommandation 2009 (2013), «Vers une convention du Conseil de l'Europe pour lutter
contre le trafic d'organes, de tissus et de cellules d’origine humaine»,
sur la base d’un rapport de la commission des questions sociales,
de la santé et du développement durable
.
4. Dans cette recommandation, établie à un stade antérieur du
processus de négociations intergouvernementales qui a conduit au
présent projet de convention, l’Assemblée a attiré l’attention du
Comité des Ministres sur un certain nombre de questions qu’elle
souhaitait voir traiter dans la version définitive du projet. Les
principaux points ont de fait été pris en compte dans le projet
de convention soumis à l’Assemblée. Le ton généralement positif
du projet d’avis se justifie par conséquent parfaitement.
5. Cependant, le projet d’avis souligne les points du projet
de convention qui ne correspondent pas aux souhaits de l’Assemblée.
6. Les amendements que je propose pour le projet d’avis sont
tous motivés par la nécessité d’éviter toute contradiction entre
la nouvelle convention et la Convention pour la protection des droits
de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications
de la biologie et de la médecine (STE n° 164, «Convention d’Oviedo»)
et son Protocole additionnel (STE n° 186), déjà en vigueur.
7. L’article 20.1 de la Convention d’Oviedo est sans équivoque:
«Aucun prélèvement d'organe ou de tissu ne peut être effectué sur
une personne n'ayant pas la capacité de consentir conformément à
l'article 5.» Les exceptions très limitées de l’article 20.2 concernent
uniquement le prélèvement de tissus régénérables, pas le prélèvement
d’organes (par exemple celui d’un rein). La teneur de l’article
14 du protocole additionnel est la même.
9. La Convention d’Oviedo et l’article 3 de la Charte des droits
fondamentaux sont en vérité l’expression du même principe fondamental,
qui veut que l’utilisation d’un être humain, envisagé comme un simple
moyen pour parvenir à une fin, porte atteinte à sa dignité
.
10. Dans sa
Recommandation
2027 (2013), adoptée le 3 octobre 2013 à la suite du débat d’urgence consacré
aux «Agendas de l’Union européenne et du Conseil de l'Europe en
matière de droits de l'homme: des synergies, pas des doubles emplois!»,
l’Assemblée souligne que «les normes communes à l’ensemble de l’Europe
et le niveau de protection établi par les instruments juridiques
du Conseil de l'Europe ne doivent pas être compromis ou sapés par
les Etats membres du Conseil de l'Europe ou par l’Union européenne».
Il serait indéniablement regrettable que le Conseil de l’Europe
lui-même, au travers d’une nouvelle convention, compromette les
normes communes consacrées par la précédente convention et son protocole
additionnel et reconnues par la directive pertinente de l’Union
européenne, en vertu desquelles le principe du consentement libre,
éclairé et spécifique aux transplantations d’organes doit s’appliquer
sans exception.
11. Il convient par conséquent de supprimer la «clause de réserve»
prévue à l’article 4.2 du projet de convention, tout comme celles
des articles 9.3, 10.3, 10.5 et 30.2 du projet de convention; le
projet d’avis, dans son article 7.6, en recommande à juste titre
la suppression au Comité des Ministres. C’est là le sens de l’amendement
B.
12. Au cas où le Comité des Ministres ne suivrait pas l’invitation
de l’Assemblée à supprimer l’article 4.2, la recommandation faite
au Comité des Ministres au paragraphe 8.1. du projet d’avis, qui
exhorte les Etats membres à ne pas faire usage de la clause de réserve,
mais de choisir au contraire de modifier leur législation en vue
de la conformer à la Convention d’Oviedo, reste valable. Afin d’éviter
l’apparente contradiction des paragraphes 7.6 et 8.1, l’Assemblée
devrait préciser au paragraphe 8.1 que cette recommandation est uniquement
applicable si la recommandation précédente de l’Assemblée, c’est-à-dire
la suppression de l’article 4.2, n’est pas mise en œuvre. Tel est
le sens de l’amendement C.
13. L’amendement A s’explique de lui-même: il vise uniquement
à préciser expressément que la nécessité «de répondre au mieux à
la pénurie d’organes» ne saurait remettre en question les principes
juridiques et éthiques qui fondent la Convention d’Oviedo et son
Protocole additionnel, ainsi que le projet de nouvelle convention.