Imprimer
Autres documents liés

Avis de commission | Doc. 13354 | 08 novembre 2013

Projet de Convention du Conseil de l'Europe contre le trafic d’organes humains

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteur : M. Valeriu GHILETCHI, République de Moldova, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 13289, renvoi 3988 du 30 septembre 2013. Commission chargée du rapport: Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable. Voir le Doc. 13338. Avis approuvé par la commission le 6 novembre 2013. 2013 - Commission permanente de novembre

A. Conclusions de la commission

(open)
1. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme félicite la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable et sa rapporteure, Mme Liliane Maury Pasquier, pour son projet d’avis. La commission souscrit en grande partie aux conclusions et aux recommandations du projet d’avis.
2. Afin de renforcer encore le message politique de soutien général et de critique constructive que l’Assemblée doit adresser, la commission propose trois amendements:

B. Propositions d’amendements

(open)

Amendement A (au projet d'avis)

Au paragraphe 7.1 du projet d’avis, dans le texte proposé sous forme de sous-paragraphe d ajouté à l’article 21.1, après les mots «essayer de répondre au mieux», insérer les mots «, sans remettre en question les principes juridiques et éthiques sur lesquels reposent la présente convention et la Convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine et son Protocole additionnel,».

Amendement B (au projet d'avis)

Au paragraphe 7.6 du projet d’avis, après les mots «de supprimer les possibilités de réserves prévues aux articles», insérer «4.2,».

Amendement C (au projet d'avis)

Au paragraphe 8.1 du projet d’avis, après les mots «grâce à l’article 4.2», insérer les mots «, s’il n’est pas supprimé comme l’a recommandé l’Assemblée,».

C. Exposé des motifs, par M. Valeriu Ghiletchi, rapporteur pour avis

(open)
1. Lors de leur 1176e réunion du 10 juillet 2013, les Délégués des Ministres ont décidé de saisir l’Assemblée parlementaire d’une demande d’avis sur le projet de convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains 
			(1) 
			Voir le document <a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=CM%282013%2979&Language=lanFrench&Ver=original&Site=COE&BackColorInternet=C3C3C3&BackColorIntranet=EDB021&BackColorLogged=F5D383'>CM(2013)79</a> du 12 juin 2013.. Le 30 septembre 2013, l’Assemblée a renvoyé la demande du Comité des Ministres à la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, pour rapport, et à la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, pour avis. Le 1er octobre 2013, la commission des questions juridiques m’a nommé rapporteur pour avis. La commission des questions sociales a adopté son avis, établi par Mme Liliane Maury Pasquier (Suisse, SOC), le 2 octobre 2013.
2. Dans la Résolution 1782 (2011) «Enquêtes sur les allégations de traitement inhumain de personnes et de trafic illicite d’organes humains au Kosovo», fondée sur un rapport de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme, l’Assemblée a convenu qu’il «convient d’élaborer un instrument juridique international établissant une définition du trafic d’organes, de tissus et de cellules d’origine humaine énonçant des mesures à prendre pour prévenir ce trafic et protéger les victimes, ainsi que des mesures de droit pénal destinées à le réprimer» 
			(2) 
			Résolution 1782 (2011), paragraphe 20; voir également le Doc. 12462 (rapporteur: M. Dick Marty, Suisse, ADLE). . Ce rapport d’enquête, qui portait sur un exemple particulièrement extrême, a attiré l’attention de l’opinion publique et des décideurs politiques sur le fait que le trafic d’organes humains était devenu une activité rentable pour les groupes de la criminalité organisée et que des mesures devaient être prises d’urgence par la communauté internationale.
3. Des progrès considérables ont ensuite été réalisés dans la négociation d’une convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains et, le 23 janvier 2013, l’Assemblée a adopté la Recommandation 2009 (2013), «Vers une convention du Conseil de l'Europe pour lutter contre le trafic d'organes, de tissus et de cellules d’origine humaine», sur la base d’un rapport de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable 
			(3) 
			Voir Doc. 13082 et Addendum (rapporteur: M. Bernard Marquet, Monaco, ADLE)..
4. Dans cette recommandation, établie à un stade antérieur du processus de négociations intergouvernementales qui a conduit au présent projet de convention, l’Assemblée a attiré l’attention du Comité des Ministres sur un certain nombre de questions qu’elle souhaitait voir traiter dans la version définitive du projet. Les principaux points ont de fait été pris en compte dans le projet de convention soumis à l’Assemblée. Le ton généralement positif du projet d’avis se justifie par conséquent parfaitement.
5. Cependant, le projet d’avis souligne les points du projet de convention qui ne correspondent pas aux souhaits de l’Assemblée.
6. Les amendements que je propose pour le projet d’avis sont tous motivés par la nécessité d’éviter toute contradiction entre la nouvelle convention et la Convention pour la protection des droits de l'homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine (STE n° 164, «Convention d’Oviedo») et son Protocole additionnel (STE n° 186), déjà en vigueur.
7. L’article 20.1 de la Convention d’Oviedo est sans équivoque: «Aucun prélèvement d'organe ou de tissu ne peut être effectué sur une personne n'ayant pas la capacité de consentir conformément à l'article 5.» Les exceptions très limitées de l’article 20.2 concernent uniquement le prélèvement de tissus régénérables, pas le prélèvement d’organes (par exemple celui d’un rein). La teneur de l’article 14 du protocole additionnel est la même.
8. Le fait de retenir cette approche de principe également dans le projet de nouvelle convention conférerait une plus grande cohérence, d’une part, aux instruments du Conseil de l’Europe et, d’autre part, entre les normes du Conseil de l’Europe et les normes consacrées par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, notamment son article 3 
			(4) 
			Extrait
de la Charte des droits fondamentaux: 
			(4) 
			«Article 3 
			(4) 
			Droit
à l'intégrité de la personne 
			(4) 
			1. Toute personne a droit
à son intégrité physique et mentale. 
			(4) 
			2  Dans le cadre
de la médecine et de la biologie, doivent notamment être respectés: 
			(4) 
			(a)
le consentement libre et éclairé de la personne concernée, selon
les modalités définies par la loi; (…)». . Il convient, pour que leur incidence soit la plus forte possible, que toutes les conventions du Conseil de l’Europe dans un domaine d’activité donné constituent un ensemble cohérent, sans contradiction. La Convention d’Oviedo et son Protocole additionnel sont également mentionnés dans la directive de 2010 de l’Union européenne sur la transplantation d’organes 
			(5) 
			Directive
2010/45/UE du Parlement européen et du Conseil du 7 juillet 2010
relative aux normes de qualité et de sécurité des organes humains
destinés à la transplantation (Journal officiel de l'Union européenne,
L 207/14 du 6 août 2010)., notamment à propos de l’obligation de consentement éclairé du donneur vivant 
			(6) 
			Voir le considérant
(23) (in fine) «Il convient également de noter que certains Etats
membres sont parties à la Convention sur les droits de l’homme et
la biomédecine du Conseil de l’Europe, ainsi qu’au protocole additionnel
relatif à la transplantation d’organes et de tissus d’origine humaine». .
9. La Convention d’Oviedo et l’article 3 de la Charte des droits fondamentaux sont en vérité l’expression du même principe fondamental, qui veut que l’utilisation d’un être humain, envisagé comme un simple moyen pour parvenir à une fin, porte atteinte à sa dignité 
			(7) 
			Voir Immanuel Kant:
Die Metaphysik der Sitten. Zweiter Teil: Metaphysische Anfangsgründe
der Tugendlehre, 1797, paragraphe 38: «Die Menschheit selbst ist
eine Würde; denn der Mensch kann von keinem Menschen (…) bloß als
Mittel, sondern muss jederzeit zugleich als Zweck gebraucht werden
und darin besteht seine Würde.» La Cour constitutionnelle fédérale
allemande a adopté cette célèbre formule de «l'objet», établie à
partir de la philosophie de Kant, dans de nombreux arrêts, qui fixent
des limites fondées sur la dignité humaine (consacrée à l'article
1er de la loi fondamentale) aux buts
utilitaires poursuivis par l'Etat (par exemple BVerfGE 27, 1 page
6, sur une loi relative au recensement; 28, 386 page 391 sur le
prononcé des peines; et 45, 187 page 228 sur la peine d'emprisonnement
à perpétuité). La notion de dignité humaine de Kant est très largement
considérée comme l'un des fondements de la pensée occidentale en
la matière; voir, par exemple, <a href='http://bioethics.georgetown.edu/pcbe/reports/human_dignity/chapter13.html'>Human
Dignity and Bioethics: Essays Commissioned by the President's Council
on Bioethics, Washington, D.C., March 2008, Part 4: The Source and
Meaning of Dignity, Chapter 13: Kant's Concept of Human Dignity
as a Resource for Bioethics</a> (par Susan M. Shell)..
10. Dans sa Recommandation 2027 (2013), adoptée le 3 octobre 2013 à la suite du débat d’urgence consacré aux «Agendas de l’Union européenne et du Conseil de l'Europe en matière de droits de l'homme: des synergies, pas des doubles emplois!», l’Assemblée souligne que «les normes communes à l’ensemble de l’Europe et le niveau de protection établi par les instruments juridiques du Conseil de l'Europe ne doivent pas être compromis ou sapés par les Etats membres du Conseil de l'Europe ou par l’Union européenne». Il serait indéniablement regrettable que le Conseil de l’Europe lui-même, au travers d’une nouvelle convention, compromette les normes communes consacrées par la précédente convention et son protocole additionnel et reconnues par la directive pertinente de l’Union européenne, en vertu desquelles le principe du consentement libre, éclairé et spécifique aux transplantations d’organes doit s’appliquer sans exception.
11. Il convient par conséquent de supprimer la «clause de réserve» prévue à l’article 4.2 du projet de convention, tout comme celles des articles 9.3, 10.3, 10.5 et 30.2 du projet de convention; le projet d’avis, dans son article 7.6, en recommande à juste titre la suppression au Comité des Ministres. C’est là le sens de l’amendement B.
12. Au cas où le Comité des Ministres ne suivrait pas l’invitation de l’Assemblée à supprimer l’article 4.2, la recommandation faite au Comité des Ministres au paragraphe 8.1. du projet d’avis, qui exhorte les Etats membres à ne pas faire usage de la clause de réserve, mais de choisir au contraire de modifier leur législation en vue de la conformer à la Convention d’Oviedo, reste valable. Afin d’éviter l’apparente contradiction des paragraphes 7.6 et 8.1, l’Assemblée devrait préciser au paragraphe 8.1 que cette recommandation est uniquement applicable si la recommandation précédente de l’Assemblée, c’est-à-dire la suppression de l’article 4.2, n’est pas mise en œuvre. Tel est le sens de l’amendement C.
13. L’amendement A s’explique de lui-même: il vise uniquement à préciser expressément que la nécessité «de répondre au mieux à la pénurie d’organes» ne saurait remettre en question les principes juridiques et éthiques qui fondent la Convention d’Oviedo et son Protocole additionnel, ainsi que le projet de nouvelle convention.