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Rapport | Doc. 13461 | 24 mars 2014

La demande de statut de Partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée parlementaire présentée par le Parlement de la République kirghize

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Andreas GROSS, Suisse, SOC

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi 3823 du 25 novembre 2011. 2014 - Deuxième partie de session

Résumé

En octobre 2011, le Parlement de la République kirghize a fait une demande officielle de statut de partenaire pour la démocratie auprès de l'Assemblée parlementaire.

Le rapport offre une vue d'ensemble de la situation institutionnelle et politique du Kirghizstan. Il conclut que la demande du Parlement de la République kirghize est conforme, à la fois sur la forme et sur le fond, aux exigences définies à l'article 61 du Règlement de l'Assemblée. Par conséquent, il propose d'octroyer le statut de partenaire pour la démocratie au Parlement de la République kirghize.

En même temps, le rapport souligne la nécessité pour le Kirghizstan de poursuivre et d'approfondir les réformes en vue de consolider les transformations démocratiques, l'Etat de droit et le respect des droits de l'homme. Il spécifie les critères qui sont d'une importance clé dans ces domaines.

Il propose que l'Assemblée fasse, dans deux ans, le bilan des progrès réalisés dans la mise en œuvre des engagements politiques contractés par le Parlement de la République kirghize et des réformes institutionnelles et politiques.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 12 mars 2014.

(open)
1. En adoptant sa Résolution 1680 (2009) sur la création d'un statut de «partenaire pour la démocratie» auprès de l'Assemblée parlementaire, l'Assemblée a décidé de créer un nouveau statut pour la coopération institutionnelle avec les parlements des Etats non membres des régions voisines qui souhaitent bénéficier de son expérience en matière de renforcement de la démocratie et participer au débat politique sur les enjeux communs dépassant les frontières européennes.
2. D'après le paragraphe 15 de la Résolution 1680 (2009), les parlements nationaux de l'ensemble des Etats du sud de la Méditerranée et du Proche-Orient participant au processus de Barcelone–Union pour la Méditerranée et des Etats d'Asie centrale participant à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) (Kazakhstan, Kirghizstan, Tadjikistan, Turkménistan et Ouzbékistan) devraient pouvoir demander le statut de partenaire pour la démocratie auprès de l'Assemblée. Le Parlement du Maroc et le Conseil national palestinien ont obtenu ce statut en juin et en octobre 2011 respectivement.
3. Le 27 octobre 2011, le Président du Parlement de la République kirghize a adressé la demande officielle du parlement en vue de l’obtention du statut de partenaire pour la démocratie à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. L'Assemblée se félicite de cette demande, qui est la première d'un pays d'Asie centrale.
4. L'Assemblée prend note que dans sa lettre, et conformément aux exigences énoncées à l'article 61.2 du Règlement, le Président du Parlement kirghize, a réaffirmé les points suivants:
«La situation actuelle de notre pays et les acquis de ces dernières années permettent de constater que nous partageons les valeurs du Conseil de l'Europe fondées sur le pluralisme des idées, l'égalité des sexes, la démocratie paritaire, la prééminence du droit et le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Actuellement, les preuves convaincantes en sont l'abolition de la peine de mort dans la République kirghize, la liberté des médias et l'égale représentation des femmes et des hommes dans la vie publique et politique.»
«La collaboration avec le Conseil de l'Europe, rendue possible par l'appartenance de la République kirghize à la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) s'est révélée fort utile pour nous et nous a offert des résultats positifs. Voilà pourquoi nous souhaiterions continuer de tirer profit de l'expérience de l'Assemblée pour nos activités institutionnelles et législatives.»
«Nous visons un objectif bien défini: organiser un scrutin libre et équitable, conforme aux normes internationales. C'est pourquoi nous souhaitons établir des liens durables avec toutes les organisations internationales qui possèdent une expérience suffisante dans ce domaine.»
«Nous sommes disposés sans nul doute à améliorer encore notre action dans ces directions et à encourager les autorités compétentes du Kirghizstan à adhérer aux conventions et accords partiels pertinents du Conseil de l'Europe, qui sont ouverts à la signature d'Etats non membres, en particulier les instruments qui consacrent les droits de la personne, la prééminence du droit et la démocratie.»
5. L'Assemblée considère ces déclarations comme l'engagement politique du Parlement kirghize de continuer de travailler pour se conformer aux valeurs et principes essentiels du Conseil de l'Europe et aux exigences énoncées dans le Règlement de l'Assemblée.
6. L'Assemblée salue en particulier le fait que le Kirghizstan ait aboli la peine de mort en 2007.
7. En même temps, l'Assemblée constate que la demande ne contient aucune référence expresse à l'obligation statutaire d'informer régulièrement l'Assemblée de l'état d'avancement de la mise en œuvre des principes du Conseil de l'Europe. Elle considère toutefois que ces informations font partie intégrante du partenariat, et que l'obligation de rendre des comptes est une conséquence directe de l'octroi du statut.
8. A partir de ces clarifications, l'Assemblée considère que, dans l'ensemble, la demande du Parlement kirghize satisfait aux conditions formelles énoncées dans son Règlement.
9. En outre, l'Assemblée constate que le Parlement, les principaux acteurs politiques, les agents d'Etat et publics, et la société civile du Kirghizstan partagent, dans l'ensemble, les objectifs du partenariat pour la démocratie et estiment que son obtention serait un important encouragement à poursuivre le développement de la démocratie, de l'Etat de droit et de la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans le pays.
10. L'Assemblée est convaincue qu'il est important pour le Kirghizstan, seul pays d'Asie centrale à avoir opté pour un système politique fondé sur la démocratie parlementaire, de réussir sur la voie de la transition démocratique. Elle estime que le Kirghizstan mérite un soutien sans réserves dans cette entreprise.
11. L'Assemblée salue l'engagement du Kirghizstan en faveur de profondes réformes constitutionnelles, institutionnelles, politiques et législatives visant à renforcer la démocratie, et encourage les autorités nationales à tirer pleinement parti des compétences et des normes du Conseil de l'Europe. Elle envisage le statut de partenaire pour la démocratie comme un cadre adapté à un renforcement de la participation du Parlement kirghize dans la réalisation de ces réformes.
12. En même temps, Assemblée est pleinement consciente que le Kirghizstan, qui est un jeune Etat indépendant caractérisé par une histoire politique agitée et une masse de problèmes hérités du passé, a encore beaucoup de chemin à parcourir vers la démocratie, l'Etat de droit et le plein respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
13. L'Assemblée s'engage à aider le Kirghizstan à surmonter ces obstacles. Elle reste à la disposition de ce pays pour proposer son assistance afin d'y remédier et de partager son expérience. Elle rappelle que le statut de partenaire pour la démocratie n'est pas une attestation de démocratie parfaite mais plutôt un outil permettant de l'améliorer. Elle a le sentiment que par cette demande du statut de partenaire pour la démocratie, le Parlement kirghize a montré qu'il était désireux de s'engager dans cette voie et prêt à tirer les enseignements des meilleures pratiques européennes, et qu'il a opté pour les normes du Conseil de l'Europe pour servir de référence à sa marche vers l'avenir.
14. Dans ce contexte, plusieurs éléments sont particulièrement préoccupants et doivent être examinés en priorité, notamment dans le cadre de la future coopération du Conseil de l'Europe avec le Kirghizstan: la corruption généralisée; le parti pris ethnique et le manque d'impartialité et d'indépendance de la justice, le recours continu à la torture; et les conséquences non encore résolues des tensions interethniques.
15. Considérant ce qui précède et à la lumière de son expérience de la coopération avec d'autres pays en transition, l'Assemblée considère que les questions spécifiques ci-après sont essentielles pour le renforcement de la démocratie, de l'Etat de droit et du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales au Kirghizstan:
15.1. organiser des élections libres et équitables conformément aux normes internationales pertinentes, et améliorer le cadre électoral en coopération avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit («Commission de Venise»);
15.2. accroître l'intérêt du public envers le processus démocratique, et le sensibiliser à celui-ci, tout en assurant un niveau plus élevé de participation aux élections et un engagement des citoyens dans la vie politique;
15.3. renforcer le contrôle public des élections par des observateurs indépendants, notamment en renforçant les capacités des réseaux d'observateurs nationaux;
15.4. consolider le cadre institutionnel résultant de la réforme constitutionnelle de 2010, notamment en accentuant la séparation des pouvoirs et en renforçant le rôle du parlement;
15.5. faire participer davantage les organisations de la société civile aux processus décisionnels, notamment dans le domaine législatif;
15.6. promouvoir l'éducation en matière de citoyenneté démocratique et de respect des droits de l'homme;
15.7. améliorer davantage l'égalité des chances pour les femmes et les hommes dans la vie politique et publique;
15.8. renforcer la démocratie locale et régionale;
15.9. intensifier la lutte contre la corruption, en particulier au sein des forces de l'ordre; renforcer la transparence et l'obligation de rendre des comptes dans la conduite des affaires publiques;
15.10. consolider la réforme de la justice afin de garantir l'indépendance et l'impartialité du pouvoir judiciaire, en s'attachant particulièrement à exclure le parti pris ethnique;
15.11. adhérer aux instruments internationaux pertinents dans le domaine des droits de l'homme et les mettre en œuvre effectivement, notamment en coopérant pleinement avec les mécanismes spéciaux des Nations Unies et en suivant les recommandations découlant de l'Examen périodique universel des Nations Unies;
15.12. améliorer la formation des juges, du personnel pénitentiaire et des membres des forces de l'ordre en ce qui concerne le respect des normes internationales relatives aux droits de l'homme;
15.13. mettre efficacement en œuvre la législation sur la prévention de la torture et les traitements inhumains ou dégradants des personnes privées de liberté; combattre l'impunité concernant les crimes de torture et de maltraitance;
15.14. améliorer les conditions de détention, conformément aux normes et principes des Nations Unies relatifs aux établissements pénitentiaires;
15.15. lutter contre la xénophobie et toutes les formes de discrimination;
15.16. garantir et promouvoir les droits des minorités ethniques, réaffirmer le statut du Kirghizstan en tant qu'Etat multiethnique où tous les groupes ethniques jouissent de l'égalité des droits, promouvoir la réconciliation, la diversité culturelle et le dialogue interculturel et lutter activement contre la rhétorique nationaliste;
15.17. assurer le respect absolu de la liberté de conscience, de religion et de croyance, y compris le droit de changer de religion;
15.18. garantir et promouvoir la liberté d'expression ainsi que l'indépendance et le pluralisme des médias; mettre en œuvre des dispositions légales qui garantissent effectivement la liberté de la presse et qui protègent les médias contre les pressions politiques;
15.19. garantir et promouvoir, en droit et en pratique, la liberté d'association et de réunion pacifique; assurer le strict respect de la loi relative aux associations;
15.20. lutter contre toutes les formes de discrimination fondées sur le genre, tant dans le droit que dans la pratique; assurer et promouvoir activement l'égalité effective entre les femmes et les hommes; lutter contre toutes les formes de violence fondée sur le genre;
15.21. élaborer et mettre en œuvre une politique d'ensemble cohérente afin d'améliorer la condition des enfants, notamment redoubler d'efforts pour réduire le travail des enfants et leur offrir à tous la possibilité de bénéficier d'une éducation de qualité.
16. L'Assemblée encourage le Conseil de l'Europe et le Kirghizstan à prendre en compte ces éléments dans leurs discussions actuelles sur les Priorités de la coopération avec le voisinage 2014-2016.
17. L'Assemblée attend du Kirghizstan qu’il adhère, en temps voulu, aux conventions et accords partiels pertinents du Conseil de l'Europe ouverts aux Etats non membres, et en particulier à ceux traitant des droits de l’homme, de l’Etat de droit et de la démocratie, conformément à l'engagement exprimé par le Président du Parlement dans sa lettre du 27 octobre 2011.
18. Prenant note que le Parlement kirghize a réaffirmé sa volonté d'œuvrer à la pleine mise en œuvre des engagements politiques énoncés à l'article 61.2 du Règlement de l’Assemblée et souscrits par lettre de son Président le 27 octobre 2011, l'Assemblée décide:
18.1. d'octroyer le statut de partenaire pour la démocratie au Parlement de la République kirghize avec effet au moment de l'adoption de la présente résolution;
18.2. d'inviter le Parlement de la République kirghize à nommer une délégation partenaire pour la démocratie constituée de 3 représentants et de 3 suppléants, avec une composition conforme à l'article 61.4 du Règlement de l'Assemblée.
19. L'Assemblée estime que l'avancement des réformes est le but principal du partenariat pour la démocratie et doit constituer le critère d'évaluation de son efficacité.
20. C'est pourquoi elle décide d'examiner, au plus tard dans les deux ans à compter de l'adoption de la présente résolution, les progrès accomplis dans la mise en œuvre des engagements politiques pris par le Parlement de la République kirghize, ainsi qu'à l'égard des questions spécifiques mentionnées plus haut au paragraphe 15.
21. L'Assemblée souligne l'importance d'élections libres et équitables en tant que pierre angulaire d'une démocratie véritable. Elle s’attend, par conséquent, à être invitée à observer les élections au Kirghizstan dès les prochaines élections générales.
22. L'Assemblée est convaincue que l'octroi du statut de partenaire pour la démocratie au Parliament de la République kirghize contribuera à renforcer la coopération entre ce pays et le Conseil de l'Europe et à favoriser, en temps voulu, l'adhésion du Kirghizstan aux conventions du Conseil de l'Europe. C'est pourquoi elle invite le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe, en coordination, le cas échéant, avec l'Union européenne et d'autres partenaires internationaux, à mobiliser les compétences de l'Organisation, y compris celles de la Commission de Venise, pour contribuer à la pleine mise en œuvre des réformes démocratiques au Kirghizstan.
23. L'Assemblée appelle les Etats membres et observateurs du Conseil de l'Europe ainsi que les organisations internationales, notamment l'Union européenne:
23.1. à renforcer leur assistance au Kirghizstan dans le domaine des réformes démocratiques;
23.2. à trouver les moyens appropriés pour aider la délégation du Kirghizstan, partenaire pour la démocratie, à prendre part aux travaux de l'Assemblée et de ses commissions.

B. Exposé des motifs, par M. Gross, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. En octobre 2011, le Parlement de la République kirghize a officiellement demandé le statut de partenaire pour la démocratie auprès de l'Assemblée parlementaire. Sa demande a été renvoyée à la commission des questions politiques et de la démocratie. M. Mevlüt Çavuşoğlu a été désigné rapporteur. Il a effectué deux visites d'information dans le pays (en janvier et en juin 2013) et a présenté un avant-projet de rapport en juin 2013.
2. En outre, suite à un échange de vues avec une délégation du Parlement kirghize, en avril 2013, la commission a formé une sous-commission ad hoc chargée de se rendre dans le pays. Cette mission s'est déroulée en octobre 2013. J'ai fait rapport à la commission en décembre 2013 en qualité de président de la sous-commission ad hoc.
3. Le 26 décembre 2013, M. Mevlüt Çavuşoğlu a été nommé ministre des Affaires de l'Union européenne et Négociateur en chef du gouvernement turc, et a donc quitté l'Assemblée. J'ai été nommé rapporteur le 28 janvier 2014, avec la mission spécifique de finaliser ce rapport en respectant le calendrier précédemment défini. J'ai réalisé une brève mission dans ce pays les 24 et 25 février 2014.
4. Quand j'ai accepté cette mission, j'ai salué la qualité du travail du rapporteur précédent et expliqué que je partage dans les grandes lignes ses analyses, conclusions et propositions en rapport avec la demande de statut de partenaire pour la démocratie auprès de l'Assemblée présentée par le Parlement kirghize.
5. Je remercie mon prédécesseur pour le fondement solide préparé en vue de l'évaluation de la demande du Parlement kirghize, qui figure dans son avant-projet de rapport 
			(2) 
			Avant-projet de rapport
révisé sur la demande de statut de partenaire pour la démocratie
auprès de l'Assemblée parlementaire présentée par le Parlement de
la République Kirghize (rapporteur: M. Mevlüt Çavuşoğlu) (<a href='http://www.assembly.coe.int/CommitteeDocs/2013/Fpdoc12_2013.pdf'>AS/Pol
(2013) 12 rev</a>)..
6. Par conséquent, au lieu de réécrire le rapport détaillé préparé par M. Çavuşoğlu à l'issue de ses deux missions au Kirghizstan ainsi que des discussions en commission, je me limiterai à résumer les principales conclusions sur la demande de statut du Parlement kirghize et à apporter, le cas échéant, des informations actualisées sur certaines questions spécifiques soulevées par mon prédécesseur et par les membres de la commission.
7. Par souci de continuité dans nos travaux, je renvoie également à la note que j'ai présentée au nom de la sous-commission ad hoc sur le Kirghizstan suite à notre mission effectuée dans le pays en octobre 2013 
			(3) 
			Note
sur la visite d'information au Kirghizstan de la sous-commission
ad hoc sur le Kirghizstan (<a href='http://www.assembly.coe.int/CommitteeDocs/2013/Fpdoc22_13.pdf'>AS/Pol
(2013) 22</a>)..

2. Principales conclusions relatives à la demande du statut de partenaire pour la démocratie par le Parlement kirghize

8. Le rapport de l'ancien rapporteur fournit des informations de base sur le Kirghizstan (chapitre 2) ainsi qu'une analyse détaillée de la demande présentée par son parlement du point de vue de sa conformité, sur le fond et sur la forme, avec les conditions d'octroi du statut de partenaire pour la démocratie (chapitre 5).
9. Je partage son avis que la lettre officielle du Président du Parlement kirghize du 27 octobre 2011 (voir Annexe) remplit globalement les conditions formelles énoncées dans le Règlement de l’Assemblée (article 61.2, alinéas 1 à 6).
10. La demande du statut de partenaire pour la démocratie ne contient aucune référence expresse à l'obligation statutaire d'informer régulièrement l'Assemblée de l'état d'avancement de la mise en œuvre des principes du Conseil de l'Europe (article 61.2, alinéa 7). Toutefois, ces informations font partie intégrante du partenariat, et l'obligation de rendre des comptes doit être envisagée comme une conséquence directe de l'octroi du statut. C'est pourquoi le projet de résolution suggère, conformément à l'usage, que l'Assemblée examine, au plus tard dans deux ans, les progrès réalisés dans la mise en œuvre du partenariat.
11. Ceci étant entendu, j'estime que les conditions formelles requises pour l'octroi du statut sont réunies.
12. Je pense que même sur le fond, le Parlement kirghize remplit les conditions pour obtenir le statut de partenaire pour la démocratie. Nos contacts avec les parlementaires kirghizes ont révélé qu'ils ont un réel désir d'apprendre de l'expérience des démocraties parlementaires européennes pour consolider et rationaliser la mise en place de la démocratie au Kirghizstan.
13. Le Kirghizstan a besoin de soutien politique pour son système de pouvoir fondé sur la démocratie parlementaire, qu'il a adopté en vertu de la Constitution de 2010. Le parlement est l'acteur central du nouveau système institutionnel, qui est considéré comme le meilleur espoir pour éviter un régime clanique corrompu. C'est pourquoi la démocratie parlementaire au Kirghizstan mérite d'être aidée, soutenue et encouragée. L'octroi du statut de partenaire pour la démocratie y contribuerait certainement.
14. Je m'appuie également sur les propositions de M. Çavuşoğlu concernant les réformes que devrait consentir le Kirghizstan pour permettre au pays de progresser sur la voie de la démocratie (chapitre 6), et j'ai inclus ces éléments dans le projet de résolution.
15. Bien évidemment, le Kirghizstan n'a rien d'une démocratie accomplie et plusieurs aspects préoccupants subsistent en ce qui concerne l'Etat de droit et du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ces problèmes, dont certains sont évoqués dans le rapport de M. Çavuşoğlu (chapitre 7) et ont été abordés par des membres de la commission au cours d'entretiens avec les parlementaires kirghizes, doivent continuer de faire l'objet d'une attention particulière.
16. Il faut en particulier examiner en priorité plusieurs éléments particulièrement préoccupants: la corruption généralisée; le parti pris ethnique et le manque d'impartialité et d'indépendance de la justice; le recours continu à la torture; et les conséquences non encore résolues des tensions interethniques. Le Parlement devrait prendre l'initiative dans la promotion de réformes dans ces domaines.
17. Le statut de partenaire pour la démocratie ne garantit pas l'immunité contre les critiques à l'Assemblée. Il doit au contraire servir de point de départ, et créer les conditions nécessaires pour que l'Assemblée jette un regard plus attentif et spécifique sur des domaines où la situation doit être sensiblement améliorée.
18. Le rapport de M. Çavuşoğlu conclut en affirmant que la demande officielle de statut de partenaire pour la démocratie soumise par le Parlement kirghize est conforme aux exigences du Règlement (paragraphe 72); il suggère donc de l'accepter (paragraphe 114). Je suis d'accord avec ces conclusions et propositions. Plusieurs discussions au sein de la commission ont montré que si la demande du Parlement kirghize a suscité des réactions sceptiques au début de la procédure, la majorité des collègues est aujourd'hui favorable à l'octroi de ce statut.

3. Visite au Kirghizstan (février 2014)

19. Les 24 et 25 février 2014, j'ai effectué une courte visite au Kirghizstan dans le but de recueillir des informations actualisées sur la situation politique actuelle du pays et les perspectives d'avenir. Je souhaitais aussi discuter de certaines questions soulevées par mes collègues lors des réunions précédentes de la commission, notamment la situation des enfants et les nombreux travailleurs émigrés.
20. Au cours de ma visite, j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec le premier Vice-Premier Ministre M. Djoomart Otorbaev, le vice-premier Ministre M. Toktokuchuk Mamytov, le ministre de la Culture M. Sultan Raev et la vice-ministre du Développement social, Mme Narynkul Eshenkulova. Au parlement, j'ai rencontré la vice-Présidente Mme Asiya Sasykbaeva, ainsi que les présidents, les membres et le secrétariat des commissions des affaires étrangères, de la défense et de la sécurité, des affaires sociales et de l'éducation, et de la culture et du sport. J'ai par ailleurs participé à des réunions d'information avec des représentants de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de l'Union européenne, ainsi qu'avec un certain nombre de représentants étrangers à Bichkek.
21. Ma conclusion générale, suite à cette visite, est qu'en dépit des nombreux défis internes et externes auxquels le pays est confronté, les autorités kirghizes sont bien décidées à renforcer la démocratie parlementaire, à améliorer l'Etat de droit et à lutter contre la corruption. Selon plusieurs interlocuteurs, les principales forces politiques et la majorité de la population continuent de soutenir les choix politiques faits après la «révolution» de 2010, y compris le modèle parlementaire démocratique.
22. Dans le même temps, beaucoup des problèmes systémiques qui ont mené à la révolution restent irrésolus pour l'heure et sont susceptibles de provoquer une nouvelle vague de tensions. Le niveau de soutien au gouvernement actuel, mais aussi au modèle politique, dépend grandement de la capacité des autorités à produire des résultats concrets et tangibles se traduisant par une amélioration de la vie de la population.
23. En dépit des bons chiffres économiques en 2013, notamment une croissance de 10,5 % du produit intérieur brut (PIB) et un taux d'inflation limité à 4 %, le niveau de vie reste extrêmement bas. L'augmentation de 70 % des investissements étrangers enregistrée en 2013 n'a pas encore produit ses effets positifs sur l'économie et les perspectives d'avenir de la population. Dans certaines régions, le taux de chômage s'élèverait à 50 %-60 %. On estime désormais que plus d'un million de travailleurs kirghizes ont émigré à l'étranger. Les autorités ont redoublé d'efforts pour lutter contre la corruption mais celle-ci reste omniprésente, d'où le peu de confiance de la population dans les institutions politiques et publiques, y compris les partis politiques.
24. La consolidation de la démocratie au Kirghizstan, notamment sa démocratie parlementaire, nécessite la transformation de ses partis politiques en organes véritablement démocratiques, représentant et impliquant les citoyens. Actuellement, le pays compte une trentaine de partis, mais rares sont ceux qui dépassent le stade de simple «one-man show», disposent d'un programme concret, sont capables de représenter et mobiliser les citoyens et fonctionnent selon les principes démocratiques. Trop de partis reposent encore sur des allégeances personnelles et fonctionnent selon des principes claniques et clientélistes. L'expérience politique de l'Europe dans ce domaine serait bien utile au Kirghizstan. Une proposition concrète serait d'organiser, dans le cadre de notre futur partenariat avec le Parlement kirghize, un séminaire consacré au rôle et au fonctionnement des partis politiques en tant que pierres angulaires de la démocratie et de développer, avec nos collègues kirghizes, des mesures concrètes pour assurer la transformation démocratique de leurs partis.
25. L'apparente stabilité du Sud reste fragile et il n'a toujours pas été remédié de manière adéquate aux causes profondes des heurts interethniques de 2010. Les Ouzbeks de souche sont fortement sous-représentés au sein de l'administration, notamment dans les rangs des forces de l'ordre et du système judiciaire. Il semblerait qu'il n'y ait pas d'Ouzbek de souche dans la police dans les régions où les Ouzbeks sont majoritaires, d'où un surcroît de défiance à l'égard de la police.
26. En plus des tensions entre citoyens ouzbeks et kirghizes, un incident a récemment éclaté entre les gardes-frontières du Kirghizstan et ceux du Tadjikistan, compliquant encore la situation dans les régions du Sud. Les frontières entre le Kirghizstan et l'Ouzbékistan et le Tadjikistan ne font l'objet que d'une démarcation partielle et plusieurs centaines de kilomètres restent contestés, une situation liée à des problèmes de gestion et d'approvisionnement en eau et à la construction de routes servant également au trafic de stupéfiants.
27. Un des problèmes spécifiques évoqués par les membres de la commission est celui du travail des enfants. Dans son rapport, M. Çavuşoğlu évoque une étude de l'Organisation internationale du travail (OIT) et de l'Office national de statistiques du Kirghizstan «Working Children in Kirghizstan: Results of the 2007 Child Labour Survey». D'après cette étude, «672 000 des 1 467 000 enfants de 5 à 17 ans au Kirghizstan exercent une activité économique. Ce chiffre représente 45,8 % de tous les enfants de 5 à 17 ans, et 21,9 % de la population active du Kirghizstan».
28. Au cours de ma visite au Kirghizstan, j'ai soulevé cette question avec plusieurs de mes interlocuteurs du parlement et du gouvernement. Mes interlocuteurs contestent les chiffres du rapport de l'OIT de 2008 et avancent des chiffres bien inférieurs 
			(4) 
			Le Ministère du développement
social du Kirghizstan a fait état de 9 208 enfants au travail en
2012. Au cours de la visite, d'autres chiffres ont été cités, allant
de 3 000 à 120 000., mais ils reconnaissent la difficulté de recueillir des données précises et n'ont pas nié la gravité du problème. Une étude au niveau national sur la situation des enfants, y compris leur scolarisation, est en cours de préparation par le gouvernement.
29. Que les chiffres de l'OIT soient corrects ou non, il existe manifestement un problème de travail des enfants au Kirghizstan, et il convient d'y remédier. Je suis toutefois persuadé que cela ne doit pas empêcher l'Assemblée d'octroyer le statut au Parlement kirghize et de collaborer avec lui. Bien au contraire, comme nous l'avons mentionné plus haut, ce statut fournira un cadre dans lequel aborder ce problème et diverses autres préoccupations dans le dialogue avec nos collègues kirghizes et trouver des solutions pour assurer à tous les enfants une scolarité appropriée – une condition indéniable pour une meilleure économie dans le futur.
30. Un autre problème sérieux lié aux enfants, qui est par ailleurs une conséquence du travail des enfants, est le taux élevé d'abandon scolaire. Selon de nombreux interlocuteurs, le système scolaire est en piteux état, les classes sont surpeuplées, les enseignants mal payés et les manuels scolaires font défaut. Dans le même temps, l'éducation ne semble pas être une priorité des programmes d'aide extérieure. Cette situation doit être modifiée et nous devrions en faire également une priorité pour l'aide bilatérale. Le Kirghizstan a besoin du soutien international pour moderniser sérieusement son système éducatif. La démocratie ne peut pas survivre sans citoyens instruits et socialement actifs. Investir dans l'éducation permettra de former les citoyens de demain et par là même de consolider la démocratie.
31. Dans le contexte régional, le Kirghizstan reste le seul pays à faire preuve d'un véritable engagement en faveur de la démocratie parlementaire, à disposer d'un système politique cherchant à instaurer un équilibre entre les divers acteurs politiques et ne reposant pas sur un dirigeant unique. Les «voisins» les plus proches qui tentent d'entreprendre les mêmes changements sont la Corée du Sud et la Mongolie, géographiquement plus proches que la Turquie, qui partage des racines historiques avec le Kirghizstan. Au vu des modifications qui ne manqueront pas d'intervenir dans la région au cours des prochaines années, le succès de la transition démocratique au Kirghizstan pourrait avoir un effet stabilisateur pour l'ensemble de la région et devenir un exemple à suivre pour les pays voisins.

4. Conclusions

32. A mon sens, le Parlement kirghize satisfait aux critères énoncés à l'article 61 du Règlement de l'Assemblée et devrait se voir accorder le statut de partenaire pour la démocratie.
33. La lettre du 27 octobre 2011 contenant la demande formelle en vue de l'obtention du statut devrait être considérée comme la volonté politique, de la part du Parlement kirghize, de poursuivre ses efforts pour conformer le pays aux valeurs et principes fondamentaux du Conseil de l'Europe et aux exigences énoncées dans le Règlement de l'Assemblée.
34. Il est important que le Kirghizstan, le seul pays d'Asie centrale à avoir opté pour un système politique fondé sur la démocratie parlementaire, reste sur la voie de la transition démocratique. Le Kirghizstan mérite un soutien sans réserves dans cette entreprise.
35. En même temps, le Kirghizstan, qui est un jeune Etat indépendant avec une histoire politique agitée et une masse de problèmes hérités du passé, a encore beaucoup de chemin à parcourir vers la démocratie, l'Etat de droit et le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
36. Le statut de partenaire pour la démocratie n'est pas une attestation de démocratie parfaite mais un outil permettant de l'améliorer grâce à un débat ouvert sur les insuffisances et sur les solutions possibles pour y remédier. L'Assemblée doit rester attentive aux problèmes et lacunes du Kirghizstan qui entrent dans son domaine de compétence, et être prête à proposer son expérience et son assistance pour y remédier.
37. En demandant le statut de partenaire pour la démocratie, le Parlement kirghize a prouvé qu'il était désireux de s'engager dans cette voie et prêt à tirer les enseignements des meilleures pratiques européennes, et qu'il a opté pour les normes du Conseil de l'Europe pour orienter sa marche vers l'avenir.
38. Le projet de résolution contenant un avis favorable sur la demande de statut de partenaire pour la démocratie comporte une liste de domaines prioritaires dans lesquels davantage de progrès sont nécessaires pour consolider la transition démocratique. Nous croyons que l'octroi de ce statut encouragera le Parlement à jouer un plus grand rôle dans le processus de réforme.
39. L'obligation de rendre des comptes constitue un élément important du partenariat. Conformément à la pratique établie, je pense que l'Assemblée devrait examiner, au plus tard dans deux ans, les progrès réalisés par le Parlement kirghize dans la mise en œuvre des objectifs du partenariat, en accordant une attention particulière aux domaines prioritaires indiqués dans le projet de résolution.
40. Dans l'intervalle, la commission des questions politiques et de la démocratie devrait suivre les développements au Kirghizstan, à la fois par un dialogue régulier avec la délégation kirghize partenaire pour la démocratie auprès de l'Assemblée et par des visites d'information effectuées par un rapporteur.
41. Conformément à l'article 61.3, et compte tenu de l'importance de la population et de la diversité politique du Kirghizstan, son parlement devrait se voir allouer trois sièges de représentant et trois sièges de suppléant. Par ailleurs, en application de l'article 61.4, la délégation de partenaire pour la démocratie doit être composée de façon à assurer une représentation équitable des partis ou groupes politiques présents au parlement. Elle doit comprendre un pourcentage de membres du sexe sous-représenté au moins égal à celui que compte le parlement, et en tout état de cause un représentant de chaque sexe.
42. J'encourage vivement le Parlement kirghize à profiter de l'occasion offerte par le statut de partenaire pour la démocratie de participer activement aux travaux de l'Assemblée et de ses commissions. Comme l'attestent les exemples du Parlement marocain et du Conseil national palestinien, une telle participation contribue à renforcer la position et les capacités du parlement dans le système politique du pays, mais aussi sa responsabilité dans la mise en œuvre de réformes indispensables.
43. Nous devons être conscients du fait qu'une participation active des parlementaires kirghizes à nos travaux – ce qui serait la meilleure façon de contribuer au processus d'apprentissage et au renforcement de la culture parlementaire démocratique dans le pays – exigera des ressources supplémentaires de la part du parlement, et que l'aide de nos Etats membres et des organisations internationales pourrait s'avérer nécessaire.
44. Enfin, un autre point important mérite d'être souligné: le statut de partenaire pour la démocratie du Parlement kirghize pourra être contesté, suspendu et même retiré si ce parlement venait à manquer de manière répétée à ses engagements politiques, ou si les événements politiques dans le pays venaient à imposer une telle issue.

Annexe – Lettre de M. Akhmatbek Keldibekov, Président du Parlement de la République Kirghize, à M. Mevlüt Çavuşoğlu, Président de l'Assemblée parlementaire, en date du 27 Octobre 2011

(open)

(Traduction non officielle)

(...)

Le 30 octobre 2011 est prévue une élection présidentielle en République kirghize. Pour notre pays, où se crée et se perfectionne un modèle de système parlementaire, c'est un événement important et décisif. Nous visons un objectif bien défini: organiser un scrutin libre et équitable, conforme aux normes internationales. C'est pourquoi, nous souhaitons établir des liens durables avec toutes les organisations internationales qui possèdent une expérience suffisante dans ce domaine.

La collaboration avec le Conseil de l'Europe, rendue possible par l'appartenance de la République kirghize à la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) s'est révélée fort utile pour nous et nous a offert des résultats positifs. Voilà pourquoi, nous souhaiterions continuer de tirer profit de l'expérience de l'Assemblée pour nos activités institutionnelles et législatives.

La situation actuelle de notre pays et les acquis de ces dernières années permettent de constater que nous partageons les valeurs du Conseil de l'Europe, fondées sur le pluralisme des idées, l'égalité des sexes, la démocratie paritaire, la prééminence du droit et le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Actuellement, les preuves convaincantes en sont l'abolition de la peine de mort, la liberté des médias et l'égale représentation des femmes et des hommes dans la vie publique et politique.

Nous sommes disposés sans nul doute à améliorer encore notre action dans ces directions et à encourager les autorités compétentes du Kirghizstan à adhérer aux conventions et accords partiels pertinents du Conseil de l'Europe, qui sont ouverts à la signature d'Etats non-membres de l'Organisation, en particulier, les instruments qui consacrent les droits de la personne, la prééminence du droit et la démocratie.

Pour résumer ce qui précède, nous voudrions, conformément à la Résolution 1680 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE) instituant un nouveau statut auprès de l'Assemblée, celui d'Etats «partenaires pour la démocratie», présenter la candidature de notre pays à l'obtention de ce statut.

(...)